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Document E3546
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication de la Commission concernant des propositions de modification du règlement (CE) n° 318/2006 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre et du règlement (CE) n° 320/2006 du Conseil instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 320/2006 instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 318/2006 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.


E3546 déposé le 4 juin 2007 distribué le 14 juin 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0227 final du 7 mai 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 7 mai 2007)

I. LA REFORME DE L’OCM DANS LE SECTEUR DU SUCRE : UN ECHEC RELATIF

La réforme de l’Organisation commune des marchés dans le secteur du sucre intervenue en 2006 visait à assurer à ce secteur structurellement excédentaire, un avenir durable en améliorant sa compétitivité(1). Dans un contexte de concurrence accrue, notamment celle des pays les moins avancés dans le cadre du règlement « Tous sauf les armes »(2), l’Union européenne, condamnée par ailleurs par l’OMC pour ses exportations hors quotas(3), devait rapprocher le niveau de la production de celui de la consommation. Trouver ce point d’équilibre supposait de réduire, dans un délai très court, la production communautaire.

Pour ce faire, le nouveau régime remplace le prix d’intervention par un prix de référence. Celui-ci baissera de 36% sur 4 ans, la perte de revenu pour les agriculteurs étant compensée par une aide versée dans le cadre du droit à paiement unique. Mais l’élément fondamental de la réforme de 2006 a été la création d’un régime de restructuration offrant aux producteurs non compétitifs au nouveau prix de référence, une incitation financière à quitter le secteur. Est par ailleurs institué un mécanisme de retrait du marché visant à adapter les niveaux de production sur une base annuelle, en vue d’établir l’équilibre du marché à un niveau proche du prix de référence. Ce mécanisme de retrait s’applique au sucre produit sous quota et se fonde sur un retrait en pourcentage qui fait l’objet d’une décision prise au mois d’octobre pour la campagne de commercialisation en cours. Le sucre est alors stocké.

L’article 10 du règlement n°318/2006 prévoit enfin une réduction finale des quotas en 2010.

L’objectif général de la réforme était de faire passer le quota communautaire de sucre de 18 millions de tonnes à 12 à 13 millions de tonnes en 2010, soit 5 à 6 millions de tonnes de quotas sucriers abandonnés en 4 ans, avec un objectif de réduction de 4 millions de tonnes sur les deux premières années de la réforme.

Après deux années de mise en œuvre du nouveau régime, force est de constater qu’un nombre de quotas bien moins important que prévu a été libéré. Au cours de la première année (campagne 2006 /2007), 1,5 million de tonnes de sucre a été retiré du marché, au prix très attractif de 730 euros par tonne. Le fonds a surtout recueilli l’abandon de quotas de pays très peu compétitifs comme l’Irlande (qui a cessé toute production), l’Italie et l’Espagne(4). Pour la deuxième année (campagne 2007/2008), les producteurs ont, selon les prévisions, renoncé à seulement 700 000 tonnes de sucre. Dans la mesure où l’aide à la restructuration est fortement dégressive (730 euros/tonne pour les campagnes 2006/2007 et 2007/2008, 625 euros /tonne pour la campagne 2008/2009 et 520 euros/tonne pour 2009/2010), les résultats des deux premières années étaient décisifs pour juger du succès du dispositif de restructuration. L’objectif de réduction de 6 millions de tonnes de quotas sucriers ne sera donc pas atteint en 2010. Il sera en conséquence nécessaire de faire application de l’article 10 du règlement n°318/2006.

Comment expliquer l’échec relatif du nouveau régime du sucre ?

Plusieurs explications peuvent être avancées.

- un régime de restructuration insuffisamment incitatif

Jusqu’à présent, la baisse des prix a été modérée pour les transformateurs et n’a pas encore été ressentie par les producteurs qui reçoivent les paiements de leur production, principalement des betteraves avec des retards importants et par tranches, conformément à l’accord interprofessionnel. Par conséquent, ils n’ont pas encore réagi aux signaux des prix du marché.

Par ailleurs, les Etats membres ont la possibilité de réduire de 25 % les quotas des transformateurs au cours des deux premières années de la période de restructuration afin de les transférer et les réattribuer à d’autres transformateurs. Bien qu’aucun Etat membre n’ait en fait exploité cette possibilité, cette menace a sans doute dissuadé les transformateurs d’accéder au régime de restructuration.

Enfin, les transformateurs ont une incertitude sur le montant de l’aide susceptible de leur être accordée car les Etats membres peuvent fixer le taux de l’aide revenant aux planteurs au-dessus du taux minimum de 10 %. Ainsi, par exemple, en Irlande, ce taux a été fixé à 30 %. De plus, les négociations sur ce taux ont souvent été source de lenteurs dans la mise en œuvre de la restructuration.

- un régime de retrait inadapté :

En application de l’article 19 du règlement (CE) n° 318/2006 du Conseil, la Commission établit en octobre un retrait en pourcentage compatible avec l’équilibre du marché. Chaque entreprise doit stocker à ses frais, une quantité de sucre correspondant au pourcentage fixé, appliqué à sa production de sucre sous quota. Le sucre retiré du marché est considéré comme faisant partie de la production de la campagne de commercialisation suivante. Ce mécanisme aurait été approprié pour de légères adaptations du niveau de production sous quota dans le cadre d’un déséquilibre du marché communautaire qui, selon les prévisions, devait être limité. Dans ce cas de figure, il est utile d’adopter, au mois d’octobre, au début de chaque campagne de commercialisation, une décision fondée sur des données de production précises, et le stockage obligatoire des quantités excédentaires aux frais de l’industrie n’implique pas de charge financière lourde pour les producteurs. Toutefois, le manque d’adhésion au régime de restructuration a conduit à des déséquilibres de marché plus importants qui peuvent être anticipés longtemps avant le début de la campagne de commercialisation- une fois passée la date limite de dépôt des demandes concernant le fonds de restructuration. Avec le mécanisme de retrait en vigueur, toutes les betteraves sucrières nécessaires à la production du quota global doivent être semées, entraînant une production de sucre excédentaire, qui est alors retirée du marché et stockée par les producteurs à leurs propres frais.

Un déséquilibre du marché ayant été anticipé au début 2006, la Commission a procédé à un retrait préventif pour la campagne 2006/2007. Ce retrait fut insuffisant et au début de l’année 2007, pour la campagne de commercialisation 2007/2008, les prévisions faisaient état d’une offre excédentaire de 4 millions de tonnes. Aussi, sur la base des pouvoirs spéciaux qui lui sont conférés « en cas d’urgence », la Commission a décidé , en mars 2007, de retirer du marché un volume de quotas correspondant à 2 millions de tonnes (adoption d’une décision, avant les semis de betteraves, permettant de réduire la production de betterave et de sucre, possibilité pour les entreprises qui réduisent leur production d’être exemptées de l’obligation de stocker 13,5 % de leur production sous quota, différenciation du seuil pour les Etats prenant en compte les réactions de chaque Etat au régime de restructuration).

II. LES ADAPTATIONS ENVISAGEES POUR RENFORCER L’ATTRACTIVITE DU REGIME DE RESTRUCTURATION

Le dispositif juridique et administratif proposé par la Commission modifie les règlements (CE) n° 318/2006 et (CE) n° 320/2006. Ces adaptations devraient permettre l’abandon d’environ 3,8 millions de tonnes de quotas de sucre d’ici à 2009/2010, en plus des 2,2 millions de tonnes retirées du marché au cours des deux premières années.

1) La proposition de modification du règlement (CE) n° 320/2006 a pour objet d’améliorer la troisième année de fonctionnement du Fonds de restructuration.

Les dispositions proposées visent essentiellement les planteurs.

- stabilisation à 10 % de la part de l’aide reversée par l’entreprise aux planteurs de betteraves et aux sous-traitants. Ce pourcentage – fixe – ne pourra donc plus faire l’objet d’une négociation entre les parties à l’abandon du quota ;

- création d’une aide supplémentaire aux planteurs de 237 euros par tonne de quota de sucre supprimé. Ce paiement additionnel serait payé rétroactivement afin de ne pas pénaliser ceux qui ont déjà participé au programme de restructuration les deux premières années ;

- possibilité donnée aux planteurs de déclencher eux-mêmes le processus de restructuration en déposant directement une demande d’aide. Cependant, la renonciation à leurs droits de livraison – qui pourra être partielle – devra se faire dans des conditions bien précises pour éviter de menacer la viabilité économique de l’entreprise pour laquelle ils travaillent (pas plus de 10 % de réduction du quota) ;

- exonération pour les entreprises de la cotisation au Fonds de restructuration sur les quantités de sucre retirées préventivement en 2007 et abandonnées définitivement.

2) La proposition de modification du règlement (CE) n° 318/2006 vise à réviser, pendant la période de restructuration, le mécanisme de retrait. Trois dispositions sont notamment proposées :

- modification des conditions de retrait du marché de certaines quantités de sucre, isoglucose et inuline sous quota, le pourcentage linéaire prévu à l’article 19 du règlement (CE) n° 318/2006 étant remplacé par un seuil. Ces seuils seront calculés, pour chaque entreprise, en multipliant le quota par un coefficient tenant compte de tendances attendues au cours de la campagne concernée. Par ailleurs, l’article 19 bis de ce règlement prévoit la possibilité d’un retrait complémentaire préventif dont le coefficient peut être temporairement et préventivement fixé pour la mi-mars de la campagne précédente, permettant ainsi aux producteurs de betteraves d’adapter leurs ensemencements au bilan prévisionnel ;

- exemption de retrait pour les campagnes 2007/2008 ou 2008/2009 pour les entreprises qui ont, durant la campagne de commercialisation du retrait concerné, obtenu une aide à la restructuration au titre du règlement (CE) n° 320/2006 ;

Enfin, la Commission propose l’ atténuation, à compter de 2010, de la réduction des quotas prévue à l’article 10 du règlement n° 318 /2006, pour les Etats membres dans lesquels le quota national a été réduit par suite d’abandons de quotas réalisés en application du règlement (CE) n° 320/2006.

III. Il EST NECESSAIRE DE LIMITER LES CONSEQUENCES DE LA RESTRUCTURATION POUR LES PRODUCTEURS LES PLUS COMPETITIFS

La France, comme la majorité des Etats membres, reconnaît que les propositions de la Commission pour rendre plus attractif le plan communautaire de restructuration du marché du sucre et améliorer le mécanisme de retrait du marché vont dans le bon sens. Elle formule cependant des observations sur certains points. Ainsi, elle suggère la possibilité d’une modulation du taux fixé à 10 % pour l’aide aux planteurs en fonction de certains critères, telle, par exemple, la distance du planteur à l’usine pour prendre en compte les coûts de transport. Les producteurs de chicorée ou de sirop d’inuline(5) devraient également être éligibles au paiement additionnel. S’agissant de la possibilité de pratiquer un retrait supplémentaire préventif en application de l’article 19 bis du règlement (CE) n° 318/2006, la France estime que ce mécanisme doit être pérenne afin qu’il constitue un véritable outil de gestion du marché alors que la Commission l’envisage comme un outil de gestion transitoire.

Mais d’une manière plus fondamentale, les propositions de la Commission devraient limiter l’impact sur les producteurs les plus compétitifs, des mesures de restructuration. La production française de sucre présente la particularité d’avoir une productivité cinq à six fois supérieure à la productivité moyenne constatée dans l’Union européenne. Or il ne faudrait pas que cette compétitivité se retourne contre la France au moment de la réduction finale des quotas en 2010 telle que prévue à l’article 10 du règlement n° 318 /2006. L’article 10.2-1er alinéa prévoit qu’en fonction des résultats de la restructuration, la Commission fixe en février 2010 au plus tard, le pourcentage nécessaire à la réduction des quotas sucriers par Etat membre ou par région, pour éviter tout déséquilibre du marché à partir des campagnes de commercialisation 2010/2011. Par dérogation, selon le deuxième alinéa de cet article , pour les Etats membres dont le quota national a été réduit du fait d’abandons de quotas, un pourcentage visant à pondérer cette réduction linéaire est applicable selon des modalités prévues dans une annexe VIII . Cela entraîne une application différentiée de la coupe finale dans les quotas en fonction de l’effort de restructuration accompli.

Il n’est certes pas aisé d’estimer l’effet des nouvelles incitations financières à abandonner la production de sucre. Cependant, eu égard au caractère très attractif des mesures proposées et à l’effet dissuasif de la formule de réduction finale des quotas en 2010 qui pénalise fortement les entreprises qui n’auraient pas abandonné de quotas sucriers, on peut penser que les entreprises vont, dans leur majorité, abandonner leurs quotas à hauteur du retrait préventif décidé en 2007, soit 13,5 %, afin de bénéficier de l’exonération du paiement de la cotisation au Fonds de restructuration. Le quota français diminuera ainsi de 491 460 tonnes, correspondant à ces 13,5 %. Si aucun abandon volontaire ne se produit dans les autres pays, le quota français devra être réduit, en application des modalités de calcul prévues par la Commission, de 400 000 tonnes supplémentaires lors de la réduction finale des quotas en 2010. Pour l’heure, la France n’a demandé à activer le fonds de restructuration que pour 24 251 tonnes de sirop d’inuline en 2006/2007 et pour 27 664 tonnes d’isoglucose(6) en 2007/2008. Cette réduction changera la configuration actuelle des bassins betteraviers, riche de 30 sucreries, et les fermetures d’usines seront inévitables. Cette évolution est regrettable car la réforme adoptée en 2006 devait aboutir à la disparition de 6 millions de tonnes de quotas sucriers dans les seules régions les moins compétitives. Les abandons escomptés ne s’étant pas tous produits, tous les producteurs même les plus compétitifs seront obligés de participer à l’effort de restructuration pour atteindre l’objectif final de 2010.

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M. Daniel Fasquelle, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 11 juillet 2007.

Après l’intervention du Président Pierre Lequiller, la Délégation a approuvé ces propositions d’acte communautaire, tout en apportant son soutien aux demandes françaises visant à limiter l’impact de la coupe finale de 2010, compte tenu de la compétitivité de notre industrie sucrière. A cet effet, les modalités de calcul du retrait de sucre du marché ou de la réduction finale des quotas devraient moins pénaliser les pays n’ayant pas ou peu eu besoin de restructurer.

(1) Voir rapport d’information déposé par la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre et présenté par M. Jean-Marie Sermier, député, le 19 octobre 2005.
(2) A partir du 1er juillet 2009, le sucre importé par ces pays pourra entrer sur le marché communautaire, sans quotas et ni droits de douane.
(3) Décision de l’Organe de règlements des différends de l’OMC du 28 avril 2005.
(4) Sur le détail, par pays, des quantités supprimées au cours des deux premières années, voir Bulletin quotidien Europe n° 9380.
(5) L’inuline est la réserve glucidique des végétaux ; elle peut être tirée de la chicorée, des poireaux, des oignons, des artichauts…
(6) L’isoglucose est le sirop de maïs en forte teneur en fructose.