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Document E3590
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Livre blanc sur le sport.


E3590 déposé le 24 juillet 2007 distribué le 31 juillet 2007 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0391 final du 11 juillet 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 11 juillet 2007)

Ce document a été présenté par Mme Arlette Franco et M. Régis Juanico, co-rapporteurs, au cours de la réunion de la Délégation du 6 février 2008.

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Après une longue phase de consultation, la Commission a présenté le 11 juillet 2007 un Livre blanc sur le sport. Elle entendait ainsi répondre aux attentes suscitées par la Constitution européenne, qui prévoyait de faire du sport une compétence de l’Union européenne et de reconnaître sa spécificité, et donner une orientation stratégique concernant le rôle du sport en Europe.

Depuis, les Etats membres ont signé le traité de Lisbonne, qui reprend les dispositions de la Constitution relatives à la reconnaissance du sport.

Si le traité de Lisbonne et le Livre blanc créent enfin la possibilité d’une politique européenne du sport, il convient de clarifier et de renforcer certains des points abordés dans le Livre blanc, afin de tirer toutes les conséquences de la spécificité du sport.

I. Le traité de Lisbonne et le Livre blanc créent enfin la possibilité d’une politique européenne du sport

A. Les perspectives ouvertes par le traité de Lisbonne

L’article 6 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel que modifié par le traité de Lisbonne dispose que le sport figure parmi les compétences d’appui, de coordination et de complément de l’Union européenne.

L’article 165 prévoit que :

«  L’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat, ainsi que de sa fonction sociale et éducative . »

L’action de l’Union vise :

«  à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux . »

Il faut se réjouir du fait que ces dispositions, issues des travaux de la Convention, soient reprises dans le traité de Lisbonne car elles ouvrent la possibilité d’une politique de l’Union européenne dans le domaine du sport, en complément de l’action des Etats membres. Cette compétence devrait notamment permettre l’adoption d’un programme de l’Union pour le sport, permettant le financement de projets, comme il en existe pour l’éducation, la jeunesse ou la culture.

La création d’une compétence de l’Union pour le sport devrait aussi permettre à celle-ci de s’exprimer d’une seule voix sur les questions sportives internationales, ce qui lui a fait défaut récemment lors de la mise en place de l’Agence mondiale antidopage (AMA).

La reconnaissance de la spécificité du sport, même si son contenu devrait être précisé, nous y reviendrons, est également un point très positif, le sport n’étant pas une activité économique comme les autres.

B. Un Livre blanc qui pose les jalons d’une politique européenne du sport

En premier lieu, le Livre blanc a le mérite de traiter de tous les sports et de tous les niveaux de pratique, alors que les débats sur les relations entre l’Union européenne et le sport se sont trop souvent limités au football.

Il s’articule autour de trois axes : le rôle sociétal du sport ; sa dimension économique et son organisation.

Le rôle sociétal du sport est essentiel : le sport favorise le lien social, au bénéfice de l’épanouissement et de l’équilibre personnels.

La Commission met en avant le lien entre sport et santé et propose d’élaborer en 2008, avec les Etats membres, des lignes directrices concernant l’activité physique. Au sujet de la lutte contre le dopage, le Livre blanc indique que la Commission souhaite faciliter la mise en place d’un réseau rassemblant les organisations nationales de lutte contre le dopage.

Elle souhaite également favoriser le rôle du sport dans l’éducation et la formation. La nécessité d’investir dans la formation des jeunes sportifs est soulignée, et la Commission indique que les règles imposant aux équipes un quota de joueurs formés au niveau local pourront être jugées compatibles avec la libre circulation si elles n’entraînent aucune discrimination directe fondée sur la nationalité et si les éventuels effets discriminatoires indirects peuvent être considérés comme proportionnés à l’objectif légitime poursuivi.

Le Livre blanc aborde ensuite la question du racisme et de la violence et annonce que la Commission va favoriser les échanges entre services de police et organisations sportives.

Concernant le rôle économique du sport, la Commission fait état de travaux visant à développer un système statistique permettant de mesurer l’incidence économique du sport dans l’Union européenne.

Alors que la Commission remet en cause le monopole des jeux et paris, dont une part des recettes est affectée au financement du sport dans plusieurs Etats membres, elle souhaite l’ouverture d’une réflexion sur un modèle de financement durable pour le sport et annonce une étude sur le financement du sport amateur.

La partie consacrée à l’organisation du sport est certainement la plus importante, dans la mesure où la Commission souligne que le sport présente des spécificités, notamment au plan des règles sportives (règles relatives aux compétitions, aléa sportif) et des structures (autonomie des organisations sportives, organisation pyramidale, principe d’une fédération unique par sport). Elle précise que cela ne signifie pas l’exclusion du sport de toutes les règles du traité, et renvoie à une analyse au cas par cas, comme l’a fait la Cour de justice dans le récent arrêt Meca-Medina( 1).

La Commission annonce la réalisation d’une étude d’impact sur les agents de joueurs, pouvant déboucher sur une initiative législative.

Il faut enfin noter que le Livre blanc soutient la vente collective des droits de retransmission, pour des raisons de solidarité entre clubs et entre sport amateur et professionnel.

C. Une réflexion en cours au niveau européen et en France

Les ministres du sport des Etats membres ont accueilli favorablement le Livre blanc lors de leur réunion informelle du 25 octobre 2007.

La commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen a commencé l’examen du Livre blanc et le vote en plénière sur le rapport de M. Mavrommatis devrait intervenir le 21 avril prochain.

Le débat sur la spécificité sportive dépasse le cadre de l’Union, puisque l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté le 24 janvier une résolution sur la nécessité de préserver le modèle sportif européen.

Au plan national, dans la perspective de la Présidence française de l’Union européenne, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a créé une Commission du sport professionnel, présidée par M. Bernard Lapasset, président de la Fédération Française de Rugby et vice-président du CNOSF. Six groupes de travail ont été créés, dont l’un consacré à l’Europe et au Livre blanc sur le sport, présidé par M. Frédéric Thiriez, président de la ligue de football professionnel.

II. Il convient de clarifier et de renforcer certains points clés du Livre blanc, afin de tirer toutes les conséquences de la spécificité du sport.

La reconnaissance de la spécificité du sport par le traité de Lisbonne et le Livre blanc est l’aboutissement d’une évolution commencée en 2000 avec la déclaration de Nice( 2). Le sport n’est pas une activité économique comme les autres et ne peut être laissé aux seules règles du marché. L’enjeu est désormais de définir ce que recouvre la notion de spécificité et quelles conséquences il faut en tirer. En cela, le Livre blanc contient plusieurs points de départ intéressants, qui méritent d’être prolongés ou renforcés.

A. Protéger la politique de formation

La compatibilité avec le droit communautaire de règles fixant des quotas de joueurs formés localement devrait être affirmée, alors que Livre blanc la juge simplement possible. En effet, de telles règles permettraient d’éviter que les clubs ayant investi dans la formation ne soient pénalisés par la suite, les jeunes sportifs les plus talentueux étant transférés vers d’autres clubs, qui leur offrent des salaires plus élevés mais n’ont pas de politique de formation.

Bien entendu, comme le rappelle le Livre blanc, ni ces quotas ni les conditions de recrutement dans les centres de formation ne devraient reposer sur la nationalité, ce qui serait contraire aux règles du traité.

B. Renforcer la prévention de la violence

Les propositions de la Commission (renforcement des échanges d’information) semblent insuffisantes par rapport à la gravité de la violence qui accompagne certaines manifestations sportives, particulièrement les matchs de football.

Il serait souhaitable de parvenir à des interdictions de stade au niveau européen pour les supporters violents et dangereux.

C. Soutenir clairement la mise à disposition des joueurs en équipe nationale

Le Livre blanc reconnaît le rôle essentiel des équipes nationales mais ne s’exprime pas sur la mise à disposition de joueurs en équipe nationale par les clubs.

Dans le football, la gratuité de la mise à disposition est actuellement contestée devant la Cour de justice (affaire Charleroi) et la FIFA et l’UEFA viennent d’annoncer qu’elles allaient désormais indemniser les clubs dont les joueurs participeront à la Coupe du Monde et à l’Euro.

D. Adopter une réglementation européenne de la profession d’agent sportif

Le Livre blanc se limite à annoncer une étude d’impact sur les activités des agents de sportifs dans l’Union européenne, afin de déterminer si une intervention législative est pertinente. Il convient de mieux affirmer la nécessité d’une réglementation européenne sur cette profession car l’absence de réglementation dans plusieurs Etats membres favorise les pratiques illégales de certains agents, notamment à l’égard des sportifs mineurs.

Dans le cadre d’une future réglementation, il serait notamment souhaitable de soumettre l’exercice de cette profession à des conditions de diplôme.

E. Mettre en œuvre un contrôle de la gestion des clubs

Pour garantir l’équité des compétitions, prévenir la concurrence déloyale exercée par certains clubs et lutter contre la criminalité financière, il conviendrait de prévoir la création d’une commission de contrôle de gestion au niveau européen, à l’image de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) qui existe en France pour le football.

Plus largement, les droits de propriété intellectuelle doivent être mieux respectés. La centralisation et la vente collective des droits de retransmission par les organisateurs des manifestations sportives en tant que mécanisme de solidarité financière au sein du secteur professionnel de chaque discipline et vis-à-vis du sport amateur doivent devenir la règle au niveau européen.

F. Promouvoir le sport à l'école

Dans un souci de prévention et de santé publique dès le plus jeune âge, le sport doit être massivement encouragé à l'école. Comme le recommande le rapport du professeur Hardman( 3) de février 2007, réalisé à la demande de la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen, les Etats membres pourraient être incités à introduire un minimum de deux heures d'éducation physique dans les programmes scolaires.

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En conclusion, il faut former le souhait que la présidence française de l’Union européenne, qui doit intervenir au moment de la mise en œuvre du Livre blanc et avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, fasse du sport une priorité.

La France pourrait, à cette occasion, apporter un appui nécessaire à la définition d’une politique européenne du sport et à la reconnaissance concrète de la spécificité sportive.

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La présentation du Livre blanc par Mme Arlette Franco et M. Régis Juanico, co-rapporteurs, a été suivie d’un débat.

M. Guy Geoffroy a dit sa satisfaction que cette question ait retenu l’intérêt de la Commission européenne et de la Délégation.

Il a estimé qu’il s’agissait, au fond, du problème du sport et de l’école et non pas seulement du sport à l’école.

Il s’est déclaré troublé par l’idée que proposer une augmentation des horaires d’éducation physique et sportive (EPS) à l’école suffirait à traiter ce problème. En effet, il y a actuellement un paradoxe entre une appétence officielle pour le sport, à travers notamment la télévision, et une diminution de l’adhésion à son enseignement à l’école dans la mesure où les enseignants d’EPS ont des difficultés face au grand nombre de demandes de dispenses des familles.

Après avoir affirmé que l’EPS était un enseignement comme un autre, il a souligné qu’il ne s’agissait pas seulement de la pratique sportive mais que le sport portait tout un système de valeurs structurantes pour la formation de la citoyenneté française et européenne.

Il faut donc réfléchir au sens et au contenu de l’enseignement du sport à l’école et il est nécessaire de porter cette réflexion au niveau européen.

Mme Arlette Franco, co-rapporteure, a rappelé que pendant très longtemps on opposait le sport et les valeurs intellectuelles alors qu’aujourd’hui on insiste plus sur sa valeur d’intégration. Elle a souligné qu’il était en réalité porteur de valeurs intrinsèques et qu’il faut donc revaloriser la pratique sportive à l’école.

M. Régis Juanico, co-rapporteur, a évoqué le rapport Hardman de 2007, qui note que le nombre d’enfants européens sans enseignement d’EPS croissait à cause, notamment, du développement des jeux vidéo. Partisan de l’élargissement de la réflexion sur le sport à l’école, il a souhaité qu’une prise de conscience se fasse au niveau européen à ce sujet.

Après que le Président Pierre Lequiller eut noté qu’en Grande-Bretagne, le sport était organisé l’après-midi par les professeurs principaux, M. Daniel Fasquelle a rappelé que l’Union européenne s’intéresse à ce domaine depuis longtemps, notamment avec les arrêts Walrave de 1974 et Bosman de 1995.

Soulignant que c’était en fait uniquement le sport comme activité économique et le sport professionnel qui intéressaient la Commission, il a félicité les rapporteurs d’avoir abordé le sport amateur et son importance pour la santé des enfants.

Concernant la question économique, il a observé que l’arrêt Bosman avait eu des effets destructeurs sur la formation des joueurs et sur les quotas de joueurs nationaux dans les clubs. Il a considéré qu’il convenait d’être très attentif à ces questions comme à celle de l’articulation entre le sport comme activité économique et comme valeur intrinsèque.

Compte tenu de ces orientations, la Délégation a pris acte du Livre blanc sur le sport.

(1) Dans l’arrêt Meca-Medina et Malcen du 18 juillet 2006 (C519/04), la Cour estime que le fait « qu’une règle aurait un caractère purement sportif ne fait pas pour autant sortir la personne qui exerce l’activité régie par cette règle ou l’organisme qui a édicté celle-ci (le CIO) du champ d’application du traité ».
(2) « Déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes »
(3) « Situation actuelle et perspectives pour l’éducation physique dans l’Union européenne », Ken Hardman, Université de Worcester, Bruxelles 2007.