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Document E3598
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.


E3598 déposé le 26 juillet 2007 distribué le 31 juillet 2007 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0415 final du 12 juillet 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 12 juillet 2007)

Cette proposition de décision du Parlement européen et du Conseil vise à répondre aux deux premières demandes de mobilisation du Fonds européen d’ajustement à mondialisation (FEM).

Celuici a été récemment créé à l’initiative de la Commission, avec notamment un soutien de la France et du RoyaumeUni, par le règlement (CE) n° 1927/2006 du 20 décembre dernier. Il s’agit d’aider à la reconversion des salariés frappés par les restructurations résultant du développement du commerce mondial et de manifester, par un effort de solidarité commun, l’attention que porte l’Europe aux conséquences concrètes de la mondialisation sur l’emploi et ses mutations.

A l’automne dernier, son dispositif a fait l’objet d’un examen par la Délégation pour l’Union européenne, qui a adopté une résolution marquant son approbation (rapport n° 3445 du 15 novembre 2006 présenté par M. Michel Herbillon, député), de même que la Commission des affaires sociales (rapport n° 3454 du 22 novembre 2006 du même auteur), qui a suivi l’avis de la Délégation.

La présente proposition de décision du Parlement européen et du Conseil, qui interviennent en qualité d’autorité budgétaire communautaire, vise à autoriser pour la première fois l’engagement financier du FEM. Elle a donc valeur de précédent.

Sur le fond, la Commission suggérant de donner une suite favorable aux deux dossiers concernés, lesquels sont présentés par la France, cette proposition n’appelle aucune réserve.

Les deux dossiers concernent les soustraitants de l’industrie automobile, secteur particulièrement emblématique des mutations qu’entraîne la mondialisation de l’économie. C’est en effet la faillite de MG Rover au printemps 2005, qui avait convaincu le Premier ministre du Royaume-Uni de l’époque, M. Tony Blair, du bien fondé d’un instrument tel que le FEM.

Le premier dossier concerne le groupe Peugeot SA (PSA) et le second Renault.

S’agissant de PSA, la Commission relève l’ampleur des suppressions d’emploi. Elle note que le seuil de 1 000 licenciements prévu pour la mise en œuvre du fonds est bien atteint selon les conditions exigées : 1 342 licenciements sont intervenus sur la période de 4 mois allant de septembre à décembre 2006, plus précisément, dans 38 sites de production relevant de 18 entreprises réparties dans 11 régions françaises.

En ce qui concerne Renault SA, la situation est similaire : 1 057 licenciements sont intervenus au sein de 10 de ses fournisseurs, pendant la période de 4 mois allant du 1er décembre 2006 au 31 mars 2007.

L’examen en détail de la manière dont ces deux dossiers ont été instruits permet d’avoir une image plus précise des modalités concrètes d’intervention du FEM sur trois points essentiels.

En premier lieu, la Commission donne des éléments sur la nature des mutations du commerce mondial qui justifient l’intervention du FEM, sur ce qu’est un « choc » dû à la mondialisation.

Elle observe que :

– les flux commerciaux se sont réorientés. Dans un marché mondial en progression, l’Asie a accru ses parts de marché, à raison de 30,7 % en 2001 et de 38,8 % en 2006, au détriment du continent américain mais surtout de l’Europe des VingtSept, laquelle est passée de 33,7 % en 2001 à 29 % en 2005 ;

– l’Union européenne a connu une forte progression de ses importations de véhicules, les constructeurs étrangers y détenant 13,9 % des parts de marché en 2006 contre 9,3 % en 2002. La hausse a été de 27 % pour les véhicules importés de Corée et du Japon ;

– la perturbation a été particulièrement grave pour les constructeurs français, dont la production était dans une large mesure concentrée dans les segments dits inférieurs du marché, créneaux sur lesquels les importations ont crû de 70 % alors même que le volume des immatriculations correspondantes connaissait une diminution. La part importée des voitures du segment inférieur du marché est ainsi passée, pour l’Union européenne, de 5,2 % en 2002 à 9,2 % en 2006.

Pour l’avenir, on peut penser que le FEM continuera à être mobilisé pour ce secteur, compte tenu de l’arrivée annoncée des producteurs non seulement chinois, mais également indiens, qui bénéficient de la faiblesse des coûts de maind’œuvre et d’un renforcement de leur capacité technologique.

En deuxième lieu, la Commission opère une distinction importante entre le nombre des licenciements recensés pour vérifier si le seuil de 1 000 est bien atteint, ou non, et le nombre des salariés faisant l’objet de mesures cofinancées par le FEM.

Pour le dossier Peugeot SA, sont ainsi considérés comme éligibles seuls les 267 salariés licenciés par l’un de ses fournisseurs, à savoir les Ateliers de Thomé Génot , dans les Ardennes.

Cette entreprise étant mise en liquidation, les salariés concernés ne sont donc pas couverts par l’obligation qui incombe aux entreprises de prévoir des mesures de reclassement.

Le concours financier du FEM est en l’espèce complémentaire aux efforts financiers consentis par la France, qui a mis en place des contrats de transition professionnelle (CTP), dispositif innovant inspiré des systèmes de flexibilité scandinave et plus avantageux que la convention personnalité de reclassement (CPR), notamment en matière d’indemnisation de la perte de revenu et de retour à l’emploi.

Le coût global du dispositif s’établit à 5,12 millions d’euros. La participation du FEM, qui rembourse 50 % des dépenses engagées par la France, est de 2,56 millions d’euros.

S’agissant du dossier Renault SA, l’intervention du FEM a été sollicitée pour les seuls 628 salariés de l’entreprise Cadence innovation , répartie sur quatre sites de production implantés dans quatre régions différentes, et qui a été placée en liquidation judiciaire, pour des raisons similaires à celles du cas précédent.

Une plateforme FEM, qui s’appuie sur une mobilisation exceptionnelle du service public de l’emploi, notamment de l’AFPA a ainsi été organisée, pour mettre en place d’une manière plus rapide et plus massive des mécanismes d’accompagnement comparables à ceux des cellules de reclassement de droit commun.

Le coût global des mesures est de 2,52 millions d’euros. La contribution du FEM s’établit à 1,26 million d’euros.

Pour l’avenir, on voit d’ores et déjà poindre les premières pistes de réflexion pour un renforcement de l’efficacité du FEM.

D’une part, les critères d’interventions pourraient être assouplis si les demandes de mobilisation restent en nombre limité. L’enveloppe totale dédiée au FEM est de 500 millions d’euros par an.

D’autre part, certains commentateurs se sont interrogés sur l’intérêt d’une intervention systématique de l’autorité budgétaire, Parlement européen et Conseil, suivant une procédure lourde qui entraîne d’importants délais.

De telles réformes ne peuvent cependant être menées que sur la base d’un plus grand nombre de cas concrets.

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M. Michel Herbillon, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 19 septembre 2007.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un cours débat.

M. Jérôme Lambert a indiqué qu’il souhaitait rappeler les réserves qu’il avait émises lors de la création du FEM. Il serait préférable que l’Europe adopte une politique en faveur de l’emploi plutôt que de compensation des effets négatifs de la mondialisation, opération qui devrait incomber aux entreprises qui font des profits croissants et dont la capitalisation augmente fortement. Ce système de privatisation des profits et d’intervention de l’Europe pour secourir les salariés mis à la rue, est très contestable. L’objectif politique doit être de créer les conditions pour qu’il n’y ait plus de licenciements.

En réponse à une question de M. Christian Paul, le rapporteur a précisé que le seuil des 1 000 licenciements concernait les licenciements notifiés, et était apprécié sur une base sectorielle et territoriale.

Il a ajouté, en réponse à une demande de M. Pierre Forgues, que les soustraitants concernés étaient ceux qui n’avaient qu’un seul donneur d’ordre comme ceux qui en avaient plusieurs, dès lors que les entreprises correspondantes disparaissaient ou que des emplois étaient supprimés.

Le rapporteur a ensuite précisé que la mise en jeu du FEM n’était pas exclusive d’une politique de l’emploi. Il ne faut pas faire la politique de l’autruche face aux effets de la mondialisation, et ne pas dénier à l’Europe la possibilité de participer, en complément et non en substitution aux mécanismes existants, à des actions concrètes en faveur des salariés privés d’emploi.

Suivant l’avis du rapporteur, la Délégation a approuvé la présente proposition.