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Document E3709
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil appliquant aux marchandises originaires de certains États appartenant au groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des Accords de Partenariats Économiques.


E3709 déposé le 27 novembre 2007 distribué le 28 novembre 2007 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0717 final du 13 novembre 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 15 novembre 2007)

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur, a présenté ce texte au cours de la réunion de la Délégation du 5 décembre 2007.

I. Les difficiles négociations des accords de partenariat économique (APE) avec les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)

La coopération entre les pays ACP et l’Union européenne constitue un aspect particulièrement important de la politique de développement de l’Union européenne. Leurs relations sont régies par l’accord de partenariat de Cotonou du 23 juin 2000 qui fait suite aux accords de Lomé et doit être révisé tous les cinq ans. Le projet de loi autorisant la ratification de cet accord révisé a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 20 novembre 2007( 1).

L’ accord de Cotonou révisé prévoit la mise en place, à partir du 1er janvier 2008, de nouveaux régimes d’échange entre l’Union européenne et chacun des six sous-ensembles ACP constitués en Union douanière( 2) afin de se mettre en conformité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En effet, les préférences accordées sans contrepartie aux pays ACP, en application de l’accord de Lomé IV et maintenues jusqu’au 31 décembre 2007 par dérogation obtenue lors du sommet de Doha en 2001, créent une discrimination entre pays en voie de développement.

La modification du volet commercial de l’accord de Cotonou repose sur la mise en place d’accords de partenariat économique (APE) instaurant une relation contractuelle respectant les règles de l’OMC.

Les négociations sur la mise en place de ces APE sont engagées depuis plusieurs années afin de préparer les nouvelles modalités d’accès au marché ; elles sont organisées zone par zone. Or elles s’avèrent très délicates et sont marquées par un important retard. Actuellement, seule la conclusion d’un accord complet avec les pays du CARIFORM semble probable. Les négociations sont difficiles avec l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, un accord intérimaire étant envisagé en Afrique de l’Ouest avec la Côte d’Ivoire et le Ghana auquel les autres pays de la région pourraient se joindre ultérieurement( 3).

En tout état de cause, il y a une impossibilité de conclure des accords complets avec toutes les régions ACP d’ici le 31 décembre 2007, date d’expiration de l’actuel régime de préférences commerciales.

En l’absence d’accords de partenariat économique à cette date, les pays ACP à revenu intermédiaire, c'est-à-dire les pays ne faisant pas partie du groupe des pays les moins avancés auxquels est applicable le règlement « Tout sauf les armes »( 4) (TSA), pourraient perdre le bénéfice de leurs préférences commerciales et être alignés, pour l’accès de leurs exportations sur le marché européen, sur le régime communautaire standard des préférences généralisées (SPG). L’impact négatif qui en résulterait pour le commerce de marchandises avec l’Union européenne pourrait être considérable.

II. La Commission propose un régime transitoire

La Commission a rappelé ces éléments dans une communication du 23 octobre 2007(COM (2007) 635 final). Elle constate que si dans certaines régions la conclusion d’APE complets au 31 décembre 2007 est réalisable, dans d’autres, il faudra plus de temps. La Commission propose donc une approche en deux temps visant d’abord à conclure des accords intérimaires limités à l’accès aux marchés des biens, tout en gardant l’objectif de conclure des APE complets ultérieurement avec tous les pays ACP.

Dans la continuité de cette communication, la proposition de règlement vise à une mise en œuvre provisoire par l’Union européenne des dispositions des projets d’accords sur l’accès au marché des biens et sur les aspects liés (règles d’origine, sauvegardes, procédures de règlement des différends, dispositions institutionnelles), afin d’éviter une rupture d’échanges au 1er janvier 2008.

- La proposition de règlement s’applique uniquement aux biens alors que la vocation des APE est plus générale, comprenant notamment les services et mettant en œuvre une coopération globale afin de contribuer à l’intégration des pays ACP dans l’économie mondiale ;

- elle prévoit un accès en franchise de droits et une absence de contingents tarifaires pour tous les produits, sous réserve de périodes et régimes transitoires pour certains produits sensibles ainsi que des régimes spécifiques pour les départements français d’Outre-mer. Il s’agit là, pour les pays non PMA, d’un renforcement des préférences en vigueur dans la mesure où actuellement des quotas sont appliqués, ce qui ne sera plus le cas. Cependant, en contrepartie et afin de respecter les règles de l’OMC, les pays ACP devront ouvrir leur marché. Cette ouverture n’est toutefois pas prévue dans la proposition de règlement. Elle devrait intervenir ultérieurement, dans le cadre des futurs APE. La Commission a en quelque sorte donné un gage de bonne volonté à l’OMC mais d’un point de vue juridique, elle reconnaît les faiblesses de sa proposition de règlement. Elle estime cependant qu’il faudrait être de « très mauvaise foi » pour l’attaquer devant l’OMC, s’agissant d’une mise en œuvre anticipée d’accords compatibles avec les règles de cet organisme;

- les pays les moins avancés continuent à bénéficier du régime tout sauf les armes pour les produits pour lesquels le régime transitoire est moins favorable ;

- La proposition de règlement établit des règles d’origine préférentielles (ROP) spécifiques. Les ROP permettent aux produits de circuler plus librement. Le régime proposé par la Commission n’est pas encore définitivement arrêté. Il figurera dans l’annexe 2 actuellement vide. D’après les informations émanant de la Commission, il s’agira en fait d’une simplification du régime découlant des accords de Cotonou;

- elle prévoit la possibilité de suspension temporaire des régimes en l’absence de coopération administrative, d’irrégularités ou de fraude ;

- elle organise des régimes transitoires de contingents tarifaires pour le sucre( 5) et le riz.

Devant l’inquiétude croissante de pays ACP, en particulier de ceux qui ne sont pas PMA, sur la continuité de leurs relations commerciales avec l’Union européenne au-delà du 1er janvier 2008, on peut comprendre le pragmatisme dont la Commission fait preuve. Cependant, de fortes réserves doivent être faites sur certains points.

- Le caractère transitoire des accords intérimaires devra être souligné. Il convient en effet de conserver les moyens d’inciter les pays ACP à conclure des négociations sur des APE complets, c’est-à-dire incluant un volet accompagnement. Le règlement devrait refléter cette préoccupation et les accords intérimaires devraient contenir un calendrier sur l’achèvement des négociations APE. A quelques semaines du sommet Union européenne-Afrique, c’est là un sujet majeur que met à l’épreuve la sincérité de l’engagement européen à l’égard de partenaires historiques de l’Union européenne ;

- Le système proposé par la Commission risque de remettre en cause l’intégration régionale en créant un régime commercial différent pour les membres d’une même union douanière. Or l’intégration régionale constitue un des objectifs majeurs des APE. Il conviendrait que le règlement veille à conserver l’intégration régionale des régions concernées en évitant de perturber les accords commerciaux régionaux existants. Ces accords intérimaires devront donc être conformes aux processus d’intégration régionale économique et politique ;

- Le dispositif sur les règles d’origine préférentielles (ROP) pose de sérieux problèmes, d’une part du point de vue de la cohérence entre les divers projets présentés par la Commission et notamment la réforme générale des ROP qui est actuellement à l’étude et d’autre part, du point de vue de la sécurité juridique des opérateurs. En effet, leur seront successivement applicables trois régimes d’origine différents en moins de trois ans : celui en vigueur, celui prévu dans la proposition de règlement et celui qui découlera par la suite de la réforme générale des ROP ;

- S’agissant des pays ACP qui ne seraient pas en mesure de s’engager dans des accords intérimaires, il convient de rechercher des solutions compatibles avec les règles de l’OMC qui leur permettent de conserver leurs préférences actuelles conformément aux accords de Cotonou ;

Il est essentiel de prendre en compte l’impact de ces accords sur les productions des régions ultrapériphériques de la France, à savoir la banane et le sucre qui sont en concurrence avec les productions des pays ACP afin de ne pas mettre ces filières en péril. L’article 3 de la proposition prévoit dans son paragraphe 5, une protection du marché du sucre et de la banane jusqu’au 1er janvier 2023, essentiellement sous forme de clauses de sauvegarde. La Commission a pris l’engagement, lors du conseil des affaires générales et des relations extérieures des 19 et 20 novembre 2007, de proroger cette protection de cinq années supplémentaires. Cet engagement devra être matérialisé dans le règlement et la date de 2023 devra donc être remplacée par 2028 dans l’article 3§5.

- On peut regretter que le régime proposé ne prenne pas suffisamment en compte la situation des pays ACP/PMA. Dans les accords de Cotonou, ces pays ont un régime spécifique. Or ce caractère particulier risque d’être érodé et il convient donc de leur accorder un traitement spécial que le règlement devra rappeler.

Sous ces réserves et considérant la nécessité d’éviter, au 1er janvier 2008, une rupture d’échanges entre l'Union européenne et les pays ACP, la Délégation a approuvé , sur proposition du rapporteur, le texte.

(1) Rapport n° 410 de Mme Henriette Martinez au nom de la commission des affaires étrangères.
(2) Afrique de l’Ouest (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest- CEDEAO), Afrique centrale (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale- CEMAC, Afrique de l’Est et du Sud (Marché commun d’Afrique centrale et australe- COMESA), Afrique australe (Communauté de développement de l’Afrique australe- SADC), les Caraïbes (CARIFORUM) et le Pacifique (Etats ACP du Pacifique).
(3) Cette approche devra cependant être acceptée par les organisations régionales (UEMOA et CEDEAO) afin que l’APE ne soit pas perçu comme un facteur de division dans cette région.
(4) Le règlement EC 416/2001 dit « Tout sauf les armes » garantit un accès en franchise de douanes et de contingent à tous les produits des pays les moins avancés. Seules les armes et les munitions sont exclues de ce système. Les importations de bananes, de riz et de sucre n’ont pas été totalement libéralisées et les taxes douanières ont été progressivement réduites jusqu’à obtenir une franchise totale pour les bananes en 2006, pour le sucre et le riz 2009.
(5) Pour le sucre, il s’agit de tenir compte de la dénonciation du protocole Sucre en septembre 2007 avec effet au 1er octobre 2009. Ce protocole de 1975 assure un accès privilégié au marché communautaire à prix garanti aux pays ACP producteurs. L’intention de la Commission est de remplacer ce régime préférentiel mis en cause par l’OMC par une ouverture totale du marché de l’Union européenne d’ici 2015.