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Document E3949
(Mise à jour : 31 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le commerce de produits dérivés du phoque.


E3949 déposé le 1er septembre 2008 distribué le 4 septembre 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0469 final/2 du 23 juillet 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 23 juillet 2008)

Les produits dérivés du phoque sont commercialisés à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne. Des phoques sont tués en Suède, en Finlande et au Royaume-Uni (Ecosse) et hors du territoire communautaire, au Canada, en Namibie, en Norvège et en Russie.

Le commerce des produits dérivés du phoque est soumis à des règles restrictives dans certains Etats membres (Belgique, Pays-Bas, projet en Allemagne) tandis que dans d’autres, aucune exigence spécifique n’est posée. Cette proposition de règlement a pour objectif de remplacer les différentes mesures adoptées ou devant être adoptées par les Etats membres afin des les harmoniser.

I. La législation en vigueur dans l’Union européenne

La législation européenne poursuit des objectifs de conservation dont la mise en œuvre effective dépend de l’évolution de l’état de conservation des espèces conservées. Ainsi, la directive 83/129/CEE du 28 mars 1983 interdit l’importation commerciale de peaux de certains bébés phoques( 1). La directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages protége toutes les espèces de phoques présentes dans la Communauté, l’objectif premier étant de maintenir ou de rétablir des conditions de conservation favorables pour les espèces de phoques vivant sur le territoire communautaire. Le règlement (CE) n°338/1997 du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce met en œuvre sur le territoire communautaire, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)( 2).

Toutefois, la législation n’interdit pas toute activité commerciale pour l’ensemble des espèces de phoques et n’envisage pas spécifiquement les méthodes de mise à mort.

Certains Etats membres ont cependant adopté des législations en ce sens. La Belgique a ainsi adopté le 16 mars 2007 une loi interdisant la fabrication et la mise sur le marché de produits dérivés du phoque. Les Pays-Bas ont adopté un décret le 4 juillet 2007 relatif à l’interdiction du commerce des produits dérivés de phoques harpés et à capuchon. L’Allemagne entend adopter une loi interdisant l’importation, la transformation et la mise sur le marché des produits dérivés du phoque.

II. Une proposition de règlement légitime

Cette proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le commerce des produits dérivés du phoque a essentiellement pour objectif de promouvoir des techniques d’abattage des phoques qui évitent douleur, détresse ou toute autre forme de souffrances inutiles dans les pays où est pratiqué ce type de chasse. L’option choisie par la Commission consiste à interdire la mise sur le marché, l’importation et le transit dans la Communauté ou l’exportation depuis celle-ci de produits dérivés du phoque - la liste des dix –sept espèces concernées figurant en annexe I de cette proposition- sauf pour les chasses traditionnelles pratiquées par les communautés inuites à des fins de subsistance. Cependant, des dérogations à cette interdiction pourront être accordées par la Commission quand celle-ci constatera, au vu d’un dossier de demande de dérogation, que sont satisfaits les critères fixés par l’annexe II du projet de règlement pour l’abattage et l’écorchage des animaux et que les produits dérivés des animaux abattus dans le respect de ces critères sont accompagnés de marques et de certificats attestant leur respect.

Cette proposition s’appuie sur un avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) du 6 décembre 2007 selon lequel la mise à mort n’est pas toujours effectuée de manière efficace alors qu’il est possible de le faire sans infliger des souffrances inutiles. Il est donc justifié de prendre des mesures conservatoires afin de garantir que les produits dérivés des phoques tués dans des conditions de souffrance inutile ne puissent pas entrer sur le marché communautaire.

L’incorporation des préoccupations de bien-être animal pour lesquelles les normes européennes sont élevées, l’harmonisation juridique entre Etats membres, la mise en place de démarches de certification et de traçabilité et la question des échanges intra-communautaires des biens faisant l’objet d’exemption dans l’espace économique européen sont des préoccupations légitimes. Il est justifié de prendre des mesures conservatoires afin de garantir que les produits dérivés de phoques tués dans des conditions de douleur, de détresse et de souffrance inutiles ne puissent entrer sur le marché communautaire.

III. Deux remarques

Toutefois, deux points méritent d’être soulignés.

La base juridique et la compatibilité de cette proposition avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce .

Cette proposition est fondée sur les articles 95 et 133 du Traité relatifs au commerce international. Le cadre actuel de l’OMC ne couvre pas explicitement la notion de bien-être animal. Cependant, certaines dispositions pourraient laisser à penser qu’une marge de manœuvre est possible. La Commission a ainsi conclu à la conformité de la proposition à l’article XX du GATT qui prévoient l’adoption de « mesures nécessaires à la protection de la moralité publique pour autant que ces mesures ne soient pas un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable ». Cette proposition est emblématique de la nécessité de rendre licite la prise en compte de choix éthiques et pas seulement sanitaires concernant l’importation de certains produits : l’Union européenne peut donc prendre ce risque juridique.

L’utilisation durable des populations de phoques par les communautés rurales traditionnelles.

Dans le cadre d’un tel dispositif, il importe que les méthodes traditionnelles et dépourvues de souffrances évitables puissent être assurées de leur continuité, conformément aux conventions environnementales.

Un compromis au Parlement européen a introduit des règles plus restrictives que ne le prévoyait la proposition initiale de la Commission qui comptait limiter l’interdiction à la commercialisation des produits dérivés des phoques abattus selon des méthodes dites inhumaines et infligeant une souffrance inutile. La proposition du Parlement européen( 3) qui a un pouvoir de codécision sur cette question, aboutit à une interdiction quasi-totale du commerce des produits dérivés du phoque. Les députés européens ont rejeté des exceptions à l’interdiction générale proposées par la Commission, notamment en cas d’abattage « sans détresse » et « sans souffrances inutiles » et ont exclu la possibilité d’accorder une dérogation nationale à la demande d’un Etat. Dans les deux cas, cette position a été justifiée par l’impossibilité pratique de superviser le respect des conditions auxquelles la dérogation serait accordée. Une dérogation est cependant prévue pour les Inuits et autres communautés aborigènes qui pourront continuer à commercialiser les produits provenant de la chasse traditionnelle nécessaires à leur subsistance. Cependant le Canada estime que ces dispositions sont trop restrictives ne sont pas conformes aux intérêts des collectivités côtières qui vivent de cette chasse et entend contester cette mesure devant l’Organisation mondiale du commerce.

La Commission a approuvé la proposition d’acte communautaire, en l’état des informations dont elle dispose, au cours de sa réunion du 9 juin 2009.

(1) Bébés phoques harpés et à capuchon.
(2) Plusieurs espèces de pinnipèdes figurent dans les annexes de la convention CITES.
(3) 2009-03-02-IPR50623