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le 14 mai 1998

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N° 899

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mai 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI DE M. BERNARD PONS portant généralisation du chèque–vacances et modifiant l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 (n° 218),

PAR M. Renaud Muselier,

Député.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Tourisme et loisirs.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, François Bayrou, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Louis de Broissia, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mme Véronique Carrion-Bastok, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Yves Fromion, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. Georges Hage, Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Anne-Marie Idrac, Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Alfred Marie-Jeanne, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Jean-Marie Morisset, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I.- LES VACANCES, FACTEUR D’INSERTION SOCIALE 7

II.- LE CHÈQUE-VACANCES, UNE RÉUSSITE INDÉNIABLE ... MAIS LIMITÉE 11

A. LE DISPOSITIF MIS EN PLACE EN 1982 11

1. Attribution des chèques-vacances 12

2. Financement des chèques-vacances 13

3. Utilisation des chèques-vacances 15

4. L’Agence nationale pour les chèques-vacances 17

B. UN SUCCÈS INDÉNIABLE QUI COMPREND SES PROPRES LIMITES 17

1. Les autres modalités d’acquisition des chèques-vacances 17

2. Succès et limites du dispositif actuel 18

III.- UNE PROPOSITION DE LOI POUR GÉNÉRALISER LE CHÈQUE-VACANCES 21

IV.- ANALYSE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI 23

Article premier (article 1er de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Champ d’application du dispositif 23

Article 2 (article 2 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Plafond de revenus 25

Article 3 (article 2 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Exonérations sociales et fiscales 26

Article 4 (article 2 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Exonération des taxes sur les salaires 29

Article 5 (article 3 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Financement des chèques-vacances 30

Article 6 (article 4 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Coordination 33

Article 7 (article 5 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Agence nationale pour les chèques-vacances 33

Article 8 (article 5 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances) : Chèques-vacances distribués par les organismes à caractère social 35

Article 9 : Gage financier 36

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

INTRODUCTION

Créé par l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982, le système des chèques-vacances a pour objectif de mettre en place et de développer une aide à la personne pour permettre le départ en vacances des salariés les plus défavorisés et des personnes à leur charge, afin de réduire les inégalités devant le droit aux vacances pour tous.

La constante progression du chiffre d’affaires de l’Agence nationale du chèque-vacances (établissement public industriel et commercial créé par l’ordonnance précitée pour émettre et gérer les chèques-vacances) atteste le succès de la formule ; c’est ainsi qu’en 1996, la distribution de 2,4 milliards de francs de chèques à plus d’un million de salariés a permis à quatre millions de personnes de bénéficier des avantages de ce système.

De plus, le chèque-vacances a pleinement rempli sa mission d’intégration sociale puisque 67 % des porteurs de chéquiers ont un revenu inférieur à 15 000 F. On estime d’autre part que le tiers au moins de ses bénéficiaires ne prendrait pas de vacances sans ce système.

Enfin, l’impact économique du chèque-vacances est important puisqu’il représente de 13 à 35 % du budget-vacances de ses bénéficiaires et que les porteurs de chèques choisissent des sites et des formules d’accueil agréés partout en France. On peut dire que le chèque-vacances induit une dépense trois fois supérieure au volume des chèques émis, estimée globalement en 1997 à près de 10 milliards de francs sur l’ensemble du territoire national.

Toutefois, malgré cette réussite, il faut bien constater qu’aujourd’hui encore près de 37 % des Français ne partent pas en vacances, dont une bonne moitié pour des raisons économiques. Or, le chèque-vacances voit en même temps sa généralisation freinée par différents obstacles juridiques. S’il rencontre en effet un vif succès dans les grandes entreprises dotées d’un comité d’entreprise, les 7,5 millions de salariés des petites et moyennes entreprises, ainsi que les artisans et les commerçants sont de fait exclus du bénéfice de cet instrument de promotion de vacances populaires.

Pour remédier à cette situation, toutes les organisations syndicales et patronales, toutes les organisations du tourisme social ont réclamé, depuis longtemps, l’exonération des charges sociales de la contribution de l’employeur au chèque-vacances, sur le modèle du titre-restaurant, et l’élargissement de son champ d’application.

Aussi, l’objet de la proposition de loi présentée par M. Bernard Pons et les membres du groupe RPR est-il de répondre à cette forte attente sociale en reprenant un avant-projet de loi préparé par le ministère du tourisme en 1997, avant la dissolution, et dont les grandes lignes avaient été largement approuvées par tous les partenaires concernés.

Elle modifie ainsi quelques points essentiels du régime juridique du chèque-vacances afin de créer les conditions de son développement le plus large et d’en faire le principal instrument d’aide aux vacances familiales et populaires.

I.- LES VACANCES, FACTEUR D’INSERTION SOCIALE

En 1936, la création des congés payés, en consacrant un droit aux vacances “ pour tous ”, reconnaissait ce temps de détente et de ressourcement comme un élément “ normal ” du mode de vie des Français. Peu à peu, avec l’institutionnalisation des congés payés de trois semaines (en 1956), portés à quatre semaines après les accords Renault (1963), les structures d’accueil relevant d’un tourisme social corporatif, catégoriel ou associatif se sont développées. Ces installations étaient destinées à permettre au plus grand nombre de partir en vacances au meilleur prix. Parallèlement, les hôtels, les campings, les clubs de vacances, les gîtes ruraux se sont développés.

Avec la croissance de l’offre, la demande de loisirs et de vacances s’est progressivement implantée dans les habitudes des Français, sans pour autant atteindre l’objectif souhaité des “ vacances pour tous ”, même si, pour la majorité d’entre eux, loisirs et vacances sont des “ droits ” considérés comme acquis.

En 1996, les analyses du ministère du tourisme montrent que 35 millions de Français sont partis en vacances, 62 % de la population ayant quitté pour quatre jours consécutifs au moins, toutes saisons confondues, leur domicile habituel pour une motivation de loisirs.

Selon l’INSEE, environ 40 % des Français ne partent pas en vacances et 17 % d’entre eux y renoncent faute de moyens financiers suffisants. Il convient aussi de remarquer que 25 % de nos concitoyens ne sont jamais partis au cours des quatre dernières années et que 48 % font des sacrifices sur le budget vacances-loisirs.

Alors que les loisirs et le temps de vacances sont théoriquement un droit pour tous, qu’ils jouent un rôle important dans l’équilibre psychologique de nos concitoyens et ont un impact favorable sur leur santé, depuis quelques années les taux de départ restent pratiquement stationnaires.

L’impact de la crise économique semble ici indéniable. Toutes les études récentes tendent en effet à prouver que le choix de partir en vacances dépend essentiellement des revenus disponibles. Les catégories professionnelles les moins favorisées sacrifient leur budget vacances et loisirs et ceux qui peuvent encore partir réduisent les durées de séjours et retiennent les solutions les plus économiques.

Comme le constatait une étude du CREDOC en novembre 1996, “ le développement de la pauvreté et de l’exclusion conduit à ce qu’une bonne part de personnes concernées considèrent elles-mêmes les vacances comme un surplus, voire comme une récompense à laquelle ont droit exclusivement ceux qui travaillent et qui perçoivent un bon salaire. Les personnes concernées en concluent souvent que les vacances ne sont pas faites pour elles, mais pour des privilégiés... ”.

Très rapidement, il est possible de définir deux grands groupes de personnes actuellement exclus du “ droit ” aux vacances et aux loisirs. Il s’agit tout d’abord des personnes à ressources modestes ou des personnes en situation d’emploi précaire, telles les personnes en contrat à durée déterminée, en contrat emploi solidarité, les retraités au minimum vieillesse, les familles nombreuses, etc... L’autre groupe est constitué des personnes marginalisées et les plus démunies comme les chômeurs de longue durée, les allocataires du revenu minimum d’insertion en isolement social, les familles monoparentales, les personnes sans domicile fixe, les jeunes exclus du système scolaire sans qualification.

Dans leur esprit, comme dans celui de la majorité de nos concitoyens, l’idée existe que “ seuls ceux qui travaillent ” ont droit aux vacances ou aux loisirs, récompense d’une activité professionnelle rémunérée. Pourtant, comme le rappelle et le démontre un rapport publié en juin 1997 par M. Guy Matteudi, président-directeur général de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, les vacances peuvent être un facteur d’insertion sociale. Il est notamment souligné que : “ Les populations exclues ne relèvent pas d’une catégorie unique, elles sont complexes et hétérogènes. Les intégrer nécessite, soit de leur permettre l’accès à un travail, donc à un statut social et de percevoir une rémunération, soit de les aider par des actions relevant de la solidarité nationale et de la prévention (...).

L’expérience a montré que pour les personnes les plus démunies ou exclues, rompre l’oisiveté et la passivité en les encourageant à envisager un projet-vacances les aide à reconstituer un lien parfois familial et social (...). Ces populations extrêmement diverses ne peuvent envisager, ni pratiquement, ni psychiquement, des solutions à leurs problèmes ; elles sont enfermées dans la passivité, dans une sorte de “ retraite de survie ” et vivent la frustration. Pour elles, les loisirs et les vacances, occasions de détente et de divertissement, sont également des moments de socialisation, facteurs d’autonomie et de développement de la personnalité. Elles peuvent occuper une place particulière dans un parcours d’insertion. Toutefois, cela implique une aide financière, une organisation du temps et un accompagnement. ”

Partir en vacances, c’est d’abord “ être comme les autres ”, mais également accepter un certain nombre de ruptures qui peuvent avoir un effet positif sur la vie quotidienne des personnes en difficulté. Ainsi, la rupture géographique facilite la mobilité par rapport à la ségrégation et à l’enfermement subis sur le lieu d’habitation. La rupture avec le quotidien permet de s’ouvrir, de retrouver le contact aux autres et de faire, à nouveau, des projets. Enfin, partir ensemble permet souvent de renouer des liens familiaux distendus par les situations d’exclusion.

Les vacances des plus démunis au sein de structures de tourisme populaire permettent également de révéler des situations difficiles et cachées, telles que la malnutrition, la maladie, la violence ou l’alcoolisme. Hors du contexte quotidien, les familles ou les enfants peuvent plus facilement se confier aux animateurs bénévoles et aux acteurs sociaux qui les entourent. Ceux-ci peuvent alors proposer une première réponse et surtout jouer un rôle d’alerte et de relais avec les travailleurs sociaux du lieu d’habitation.

Dans cet esprit d’insertion sociale, les vacances des personnes les plus défavorisées, qu’elles soient individuelles ou collectives, sont donc conçues par les associations caritatives (tous les ans, plusieurs milliers de familles à revenus modestes partent en vacances grâce à l’aide d’organismes comme ATD-Quart Monde, Solidarité laïque, le Secours catholique, la Fédération nationale des centres sociaux) et les organismes sociaux comme un projet que les familles doivent monter et réussir et non comme un produit de consommation “ prêt à l’emploi ”. Les familles doivent d’abord comprendre qu’elles ont droit aux vacances et surmonter leur peur de l’inconnu, puis élaborer leur projet en définissant la destination, le mode de transport et d’hébergement avec l’aide d’un conseiller social.

Comme l’explique le rapport de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, “ il s’agit de sortir de la logique d’assistance pour entrer dans la logique du projet. Le bénéficiaire [des aides aux vacances] se positionne sur le moyen terme, s’organise et apprend à planifier. C’est déjà un premier pas vers l’autonomie. ”

D’un point de vue financier, tous les acteurs du secteur sont d’accord pour dire qu’une participation, même minimale, des familles est souhaitable, même si ce n’est qu’avec le soutien des différents structures et le complément financier des différentes aides que les départs sont possibles.

C’est bien dans cette logique qu’en 1982, le ministère du temps libre a pris la décision de créer les “ chèques-vacances ”.

II.- LE CHÈQUE-VACANCES, UNE RÉUSSITE INDÉNIABLE ... MAIS LIMITÉE

Destinée à contribuer à une “ réduction des inégalités devant le droit aux vacances pour tous ” et à “ porter remède ” à une situation peu satisfaisante pour les salariés à revenu modeste, l’institution des “ chèques-vacances ” résulte de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982. Le préambule de l’ordonnance situe clairement l’inspiration du dispositif :

“ Le droit aux vacances reconnu aux travailleurs en 1936 n’a pu s’inscrire dans les faits que parce qu’étaient mis en place certains moyens permettant de l’exercer. Ces mesures ont constitué une avance décisive dans la conquête du temps libre. Pourtant, cette croissance sociale marque aujourd’hui le pas. Environ un sur deux de nos compatriotes part en vacances. Ce sont les plus défavorisés, ceux dont les conditions de travail et de vie quotidienne sont les plus difficiles, qui ne partent pas, partent peu et ont le moins la possibilité de choisir le lieu et les conditions de leurs vacances. Pour porter remède à cette situation, les syndicats et les organismes à caractère social ont, depuis longtemps déjà (...) développé des actions combinant l’information des usagers, l’aide directe aux personnes et la mise au point de formules économiques de vacances ”.

Inspirée de la formule inventée par la Caisse suisse de voyage REKA dès 1939, l’institution en 1982 des chèques-vacances en France n’est donc pas une totale nouveauté. Dès 1971, les principales organisations syndicales, les mouvements coopératifs et mutualistes et les associations de tourisme s’étaient regroupés au sein de l’“ Union coopérative de chèques-vacances ” et réclamaient une légalisation du système.

A. LE DISPOSITIF MIS EN PLACE EN 1982

L’innovation essentielle de l’ordonnance du 26 mars 1982 réside dans la mise en place d’un système de distribution de chèques-vacances par l’entreprise, avec bonification par l’employeur.

La technique du chèque-vacances est comparable dans son principe à celle du “ titre-restaurant ” ou du “ chèque-repas ”. L’employeur acquiert auprès d’un organisme, l’Agence nationale pour les chèques-vacances, des “ titres nominatifs  appelés chèques-vacances ” (article 1er de l’ordonnance), destinés à ceux de ses salariés qui en ont fait la demande et qui remplissent certaines conditions, et financés pour partie par l’épargne de ces salariés, pour l’autre par l’employeur lui-même. Ces “ chèques-vacances ” pourront par la suite être utilisés par ces salariés ou leurs ayants droit, pendant leurs vacances, pour acquitter certaines dépenses effectuées sur le territoire français auprès de prestataires de services agréés par l’Agence nationale pour les chèques-vacances.

1. Attribution des chèques-vacances

Seuls les salariés de certaines entreprises ou établissements peuvent, sous conditions de revenus, acquérir des chèques-vacances à condition, cependant, que leur employeur décide de l’introduction du système dans l’entreprise ou l’établissement.

. Entreprises et établissements concernés

L’article 1er de l’ordonnance ouvre l’accès au dispositif des chèques-vacances aux salariés des établissements industriels, commerciaux, artisanaux ou agricoles (même si ces établissements ont la forme d’une coopérative), ainsi qu’aux salariés des professions libérales, des offices ministériels, des syndicats professionnels, des sociétés civiles, des associations et groupements de quelque nature que ce soit.

Peuvent également en bénéficier les salariés des entreprises nationales à caractère industriel ou commercial, des sociétés d’économie mixte dont le capital est détenu à plus de 30 % par l’Etat ou des entreprises nationales à caractère industriel ou commercial ou à plus de 50 % par des collectivités locales, ainsi que les salariés non statutaires des chambres de commerce et d’industrie et des chambres d’agriculture.

. Conditions d’attribution au salarié

A l’origine, selon l’article 2, alinéa premier de l’ordonnance, seuls les salariés dont l’impôt sur le revenu ne dépassait pas un plafond de 1 000 francs, avant imputation de l’avoir fiscal, du crédit d’impôts et des prélèvements et retenues non libératoires, étaient susceptibles de bénéficier du système. Cette somme plafond étant manifestement trop faible, un premier relèvement a été opéré par la loi de finances pour 1984 afin de porter le plafond à 5 000 F, celui-ci étant finalement porté à 9 000 F par la loi de finances pour 1988, cette somme étant réévaluée chaque année dans la même proportion que la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Ce plafond, pour 1998, est fixé à 11 350 F (impôt sur le revenu payé en 1997 sur les revenus 1996).

. Décision de l’employeur d’introduire le système

Il faut avant tout rappeler que le système des chèques-vacances n’est en rien obligatoire pour un employeur. Par contre, si celui-ci décide de l’introduire dans son entreprise, il doit respecter certaines règles.

En premier lieu, avant de déterminer les modalités d’attribution des chèques-vacances, l’employeur doit procéder à la “ consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou de toute autre instance de concertation ” (article 3, alinéa premier, de l’ordonnance) sur le principe même de l’introduction du chèque-vacances puis, sur les grandes lignes du dispositif proposé (montant de la contribution de l’employeur, critère de modulation de cette contribution par catégorie de salariés et niveaux d’imposition, modalités de versement de l’épargne par les salariés, etc...).

En second lieu, il doit conclure une convention avec l’Agence nationale pour les chèques-vacances qui précise les conditions d’acquisition et de distribution des chèques par l’entreprise.

Enfin, l’employeur doit conclure un contrat avec chaque salarié intéressé par le dispositif, qui peut notamment préciser le montant des chèques à acquérir, la durée de la période d’épargne, les montants des contributions respectives de l’employeur et du salarié, les dates et mode de versement des participations.

2. Financement des chèques-vacances

Le financement des chèques-vacances est assuré grâce à des versements obligatoires du salarié qui s’est déclaré intéressé par le système et de son employeur. Ce financement peut être complété par une contribution du comité d’entreprise. L’ensemble de ces sommes sont immédiatement versées à l’Agence nationale pour les chèques-vacances, qui les comptabilise. A la fin de la période d’épargne, l’Agence restitue les sommes collectées, diminuées d’un prélèvement de 1 % pour frais de gestion, au bénéficiaire, sous forme de chéquiers.

. Contribution du salarié

A l’origine, selon l’alinéa 2 de l’article 3 de l’ordonnance, les salariés ne pouvaient acquérir des titres-vacances “ que par des versements mensuels obligatoirement répartis sur au moins huit mois et compris entre 2 % et 10 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) apprécié sur une base mensuelle ”.

Tenant compte des résultats du système en 1983, le Gouvernement a inséré des dispositions dans la loi de finances pour 1984 diminuant la durée d’épargne obligatoire de huit mois à quatre mois et augmentant corrélativement le montant des versements obligatoires des salariés qui doivent désormais être compris entre 4 % et 20 % du SMIC.

. Contribution de l’employeur

A chaque versement du salarié doit nécessairement correspondre un versement de l’employeur. La contribution de l’employeur à l’acquisition par un salarié de chèques-vacances est fixé à 20 % au moins et 80 % au plus de leur valeur libératoire. Cette contribution annuelle globale ne peut être supérieure à la moitié du produit, évalué au 1er janvier de l’année en cours, du nombre total de ses salariés par le salaire minimum interprofessionnel de croissance apprécié sur une base mensuelle, charges sociales comprises.

En pratique, il est souvent prévu que la contribution financière de l’employeur varie en fonction du montant de l’imposition du salarié.

Ainsi, dans une entreprise de 4 500 salariés où 300 bénéficiaires ont été retenus, la contribution de l’employeur sera de 50 % de la valeur libératoire des chèques lorsque le montant de l’imposition sera inférieur à 6 000 francs et de 30 % pour un impôt compris entre 6 000 et 11 350 francs (exemple donné par l’ANCV).

. Contribution facultative du comité d’entreprise

La contribution de l’employeur est obligatoire puisqu’elle est liée à chaque versement effectué par un salarié. En revanche, la contribution du comité d’entreprise est purement facultative. Ce dernier est, par conséquent, seul habilité à en décider le principe et à en préciser les conditions de mise en œuvre. Si le comité d’entreprise a décidé d’ajouter sa propre contribution à celle du chef d’entreprise, le montant de la contribution du comité d’entreprise ne saurait ramener l’épargne de chaque salarié à moins de 20 % du montant des chèques-vacances à acquérir.

. Charges fiscales pour le salarié

L’avantage en nature résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition des chèques-vacances par le salarié est exonéré de l’impôt sur le revenu dans la limite du SMIC mensuel1.

L’exonération fiscale concerne non seulement la contribution proprement dite de l’employeur, mais également l’éventuelle participation financière du comité d’entreprise.

La limite d’exonération “ s’applique par personne susceptible d’acquérir des chèques-vacances ” : la circonstance que le conjoint et les enfants d’un salarié puissent bénéficier, comme l’intéressé lui-même, des chèques-vacances qu’il acquiert avec la participation de son employeur, n’est pas de nature à augmenter la limite d’exonération ; mais plusieurs membres du foyer fiscal peuvent bénéficier de cette exonération lorsqu’étant salariés, ils ont acquis personnellement et avec l’aide de leur propre employeur, un certain nombre de chèques-vacances.

Par contre, lorsque le total formé par la contribution de l’employeur et la participation financière du comité d’entreprise excède la limite d’exonération, le surplus doit être soumis à l’impôt sur le revenu, dans les conditions de droit commun.

Enfin, les versements effectués par les salariés n’ouvrent droit à aucun avantage fiscal : les sommes correspondantes ne sauraient par conséquent venir en déduction du revenu imposable.

. Charges fiscales pour l’employeur

La contribution de l’employeur à l’acquisition de chèques-vacances par ses salariés est exonérée, dans la même limite (c’est à dire un SMIC mensuel) de l’ensemble des taxes et participations assises sur les salaires : taxe sur les salaires, taxe d’apprentissage, participations à l’effort de construction et à la formation continue (loi de finances pour 1989 – article 231 k bis du Code général des impôts).

. Charges sociales

La contribution de l’employeur est soumises aux cotisations sociales recouvrées par l’URSSAF et aux cotisations d’assurance chômage. En revanche, elle est exonérée des cotisations de retraite complémentaire (AGIRC et ARRCP).

La participation versée par le comité d’entreprise aux chèques-vacances en complément de la contribution de l’employeur est incluse dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale (instruction ministérielle du 17 avril 1985).

L’épargne du salarié est, par contre, logiquement exempte de cotisations sociales.

3. Utilisation des chèques-vacances

. Conditions d’utilisation

Les chèques-vacances peuvent être utilisés par le salarié acquéreur, son conjoint et les personnes à leur charge “ en paiement des dépenses effectuées sur le territoire national aux collectivités publiques et aux prestataires de services agréés pour leurs vacances, pour les transports en commun, leur hébergement, leurs repas, leurs activités de loisirs ” (article 1er, alinéa 2 de l’ordonnance).

D’un format analogue à celui des titres-restaurants, le chèque-vacances existe sous forme de coupures de 50 ou 100 francs (les chèques à valeur faciale de 10 francs ont été supprimés en 1988).

Les titres-vacances ne peuvent être utilisés comme moyen de paiement que sur le territoire français et uniquement auprès des collectivités publiques et des prestataires de services qui ont fait l’objet d’un agrément par l’Agence nationale pour les chèques-vacances. De 5 000 fin 1983, ces points d’accueil sont désormais 150 000, dont plus de 60 000 répertoriés dans l’annuaire chèques-vacances publié chaque année.

Il s’agit, notamment, de toutes les associations de tourisme (comme les VVF ou l’UCPA), des organismes de locations saisonnières (gîtes ruraux, Pierre et Vacances), des clubs de vacances (Club Méditerranée...), des campings-caravanings, des hôtels de une à trois étoiles, le plus souvent liés aux fédérations professionnelles nationales (Ibis, Novotel, Logis de France...), des restaurants, des transporteurs (SNCF, Air France, compagnies maritimes, péages d’autoroutes...), des agences de voyage, des activités sportives, culturelles et artistique et des parcs de loisir.

Par ailleurs, de nombreux prestataires offrent des avantages supplémentaires aux porteurs de chèques-vacances, comme cela est d’ailleurs prévu par le troisième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance (réduction de tarifs SNCF ou sur Air France par exemple).

. Durée d’utilisation

La date limite de validité des chèques-vacances est fixée au 31 décembre de la deuxième année civile suivant l’année d’émission. Ainsi les chèques-vacances émis en 1996 pourront être utilisés jusqu’au 31 décembre 1998.

Dans les trois mois suivant le terme de la période d’utilisation, les chèques-vacances non utilisés pourront être échangés contre des chèques-vacances d’une même valeur (art. 4, al. 2 de l’ordonnance). A défaut, ils seront périmés, et leur contre-valeur sera affectée par l’Agence nationale pour les chèques-vacances au bénéfice de catégories sociales défavorisées notamment sous la forme de bourses de vacances.

Il est par ailleurs prévu que, sur demande motivée, le salarié titulaire de chèques-vacances puisse obtenir le remboursement immédiat de sa contribution à l’achat de ces titres.

4. L’Agence nationale pour les chèques-vacances

L’Agence nationale pour les chèques-vacances, créée par l’article 5 de l’ordonnance du 26 mars 1982, est un établissement public à caractère industriel et commercial doté de l’autonomie financière.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances est chargée de la gestion du système. Elle reçoit les versements correspondants aux contributions des salariés, des employeurs et des comités d’entreprise, signe les conventions avec les employeurs et émet les chèques-vacances qu’elle doit ensuite rembourser aux prestataires de services agréés auxquels ils ont été remis en paiement.

Par ailleurs, l’Agence peut financer, avec ses excédents de gestion et les sommes correspondant aux chèques périmés, des opérations de nature à faciliter des activités de loisirs et de tourisme social. Cette mission a été confirmée et renforcée par le décret n° 92-1272 du 7 décembre 1992 qui précise que l’Agence peut attribuer “ des aides en faveur des actions relatives aux équipements de tourisme et de loisir à vocation sociale ainsi qu’en faveur des actions contribuant à l’application des politiques sociales du tourisme et des vacances  ”.

B. UN SUCCÈS INDÉNIABLE QUI COMPREND SES PROPRES LIMITES

L’innovation essentielle de l’ordonnance du 26 mars 1982 réside dans la mise en place d’un système de distribution de chèques-vacances par l’entreprise, avec bonification par l’employeur.

1. Les autres modalités d’acquisition des chèques-vacances

A côté des chèques-vacances acquis par le canal des entreprises, il existe d’autres circuits d’acquisition qui, en volume financier, représentent la très large majorité des chèques distribués.

Tout d’abord, après différentes expérimentations, le bénéfice des chèques vacances a été étendu en 1987 à l’ensemble des fonctionnaires, agents de l’Etat et salariés du secteur public. Gérée par la Fédération nationale des mutuelles de la fonction publique à qui l’Etat a confié cette mission, la distribution des chèques-vacances aux fonctionnaires et aux agents de l’Etat est soumise pour l’essentiel aux conditions fixées par l’ordonnance du 26 mars 1982.

Ensuite et surtout, l’article 6 de l’ordonnance prévoit que “ les aides aux vacances attribuées par les organismes à caractère social, notamment les caisses d’allocations familiales, les caisses de mutualité sociale agricole, les bureaux d’aide sociale, les caisses de retraite, les comités d’entreprise, les mutuelles ou les services sociaux de l’Etat, des collectivités publiques ou de leurs établissements publics, peuvent être versées sous forme de chèques-vacances ”. L’organisme social habilité à attribuer des aides aux vacances qui acquiert ainsi des chèques-vacances n’est pas tenu de respecter les conditions d’attribution fixées pour l’acquisition des chèques-vacances par le canal de l’entreprise.

Leurs modalités de distribution sont donc beaucoup plus souples et un salarié ne pouvant prétendre à l’attribution de chèques vacances acquis par son employeur parce que son impôt sur le revenu est supérieur au plafond de 11 350 francs pourra éventuellement y avoir droit par ce biais.

Les modalités d’acquisition des chèques-vacances auprès de l’Agence nationale pour les chèques-vacances doivent cependant être définies par convention entre l’Agence et l’organisme considéré.

Enfin, si les aides aux vacances attribuées par les organismes sociaux sous forme de chèques-vacances ne bénéficient pas des exonérations fiscales prévues par l’ordonnance (instruction fiscale du 16 février 1984), par contre, la participation des comités d’entreprises aux chèques-vacances est exonéré de toute charge sociale (lettre circulaire de l’ACOSS du 31 octobre 1984 et instruction ministérielle du 17 avril 1985).

2. Succès et limites du dispositif actuel

· Ces deux autres circuits de distribution des chèques-vacances ont très largement contribué au succès de la formule. Alors qu’après deux ans d’existence, le bilan de l’institution des chèques-vacances pouvait être jugé “ catastrophique ” et que, dans les années 1986-1987, la privatisation de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, voire la suppression de la formule furent envisagées, le succès de l’institution est aujourd’hui salué.

Les chiffres et bilans présentés par l’Agence nationale pour les chèques-vacances confirment cette opinion. En 1983, le montant des chèques-vacances émis atteignait difficilement 4,6 millions de francs. En 1997, 3 milliards de francs de chèques-vacances ont été distribués par un réseau de près de 10 000 organismes (employeurs, comités d’entreprises, mutuelles et organismes paritaires) à un million d’attributaires. Au total, quatre millions de personnes ont bénéficié de ces chèques et ont pu les utiliser dans 150 000 points d’accueil agréés pour régler leurs dépenses de transports (23,8 % des utilisations), d’hébergement (39,1 %), de restauration (15,6 %), de loisirs sportifs ou culturels (9,6 %) voire d’agence de voyages (11,9 %).

44 % des chèques-vacances sont utilisés pendant les grandes vacances, 46 % sont répartis entre grandes vacances et courts séjours et 10 % sont consacrés aux weeks-ends et loisirs de proximité. Globalement, un tiers des porteurs utilise une partie de ses chèques pour des loisirs de proximité.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances, longtemps déficitaire, est aujourd’hui bénéficiaire, de sorte que ses missions ont été élargies afin, comme on l’a vu, de contribuer au développement du tourisme social et populaire.

Dès 1982, l’Agence nationale pour les chèques-vacances avait choisi de ne pas créer son propre réseau d’équipements d’accueil touristique mais de contribuer au financement de la rénovation du patrimoine existant. Depuis 1994, 57 millions de francs ont ainsi été consacrés à la rénovation d’équipements touristiques à vocation sociale et à des actions de solidarité, dont 22,7 millions de francs en 1997.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances a étendu son action à des publics particulièrement défavorisés grâce aux fonds correspondant à la contre-valeur des chèques-vacances périmés. Elle attribue désormais des bourses-vacances à de nombreux organismes caritatifs ou sociaux (Secours Catholique, Secours Populaire, ATD Quart-Monde, Solidarité Laïque, Association des paralysés de France,...). En 1996, 4,5 millions de francs ont ainsi été transformés en bourses-vacances ou utilisés à des fins d’action sociale.

Enfin, l’Agence concourt efficacement à la promotion des professionnels du tourisme. Elle mène toute l’année des actions spéciales vers les prescripteurs de chèques-vacances pour proposer et mettre en valeur les produits touristiques avantageux ainsi que les services et activités de loisir de proximité recherchés par les porteurs de chèques-vacances. Une politique efficace de partenariat s’est par ailleurs instaurée avec les professionnels du tourisme.

· Il reste que le succès global et peu contestable aujourd’hui de la formule ne doit pas dissimuler le relatif échec des chèques-vacances distribués aux salariés par le canal de l’entreprise.

En 1997, ceux-ci n’ont représenté que 4,7 % des chèques émis (contre 37,8 % par le canal des comités d’entreprises et des organismes sociaux et près de 60 % par l’administration – centrale et locale –, La Poste et France Telecom), soit 140 millions de francs.

Plusieurs raisons expliquent ce demi-échec. D’une part, le système mis en place en 1982 est purement facultatif et laissé à l’initiative de l’employeur et à sa libre appréciation.

D’autre part, la charge financière qu’implique la contribution patronale au financement des chèques-vacances n’est que très faiblement compensée par des incitations sociales ou fiscales. La contribution patronale est soumise aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun (à l’exception des cotisations pour les retraites complémentaires) et, en matière fiscale, simplement exonérée des taxes et participations sur les salaires, dans la limite du SMIC apprécié sur une base mensuelle.

Cette absence d’avantages suffisants pour les employeurs a eu pour effet de les conduire, dans la très grande majorité des cas, à transférer aux comités d’entreprise l’essentiel du rôle de distributeur des chèques-vacances. De ce fait, les petites et moyennes entreprises, dépourvues de comités d’entreprise, ont été, de facto, exclues de ce système d’aide. Ainsi, seules 23 % des entreprises “ clientes ” des chèques-vacances sont des entreprises de moins de cinquante salariés, alors que 41 % sont des entreprises de cent à cinq cents salariés.

Le système des chèques-vacances est aujourd’hui un système qui fonctionne bien, qui offre à la fois le choix et la diversité et peut concerner toutes les formes de tourisme. La conjoncture économique étant peu favorable à l’accroissement des dépenses de loisir et de tourisme, ce dispositif est une solution sociale adaptée à une situation de crise.

Les chèques-vacances sont donc un instrument privilégié de solvabilisation de la demande pour l’accès de tous aux vacances, mais ils nécessitent aujourd’hui des aménagements afin de pouvoir bénéficier à un plus grand nombre de personnes.

III.- UNE PROPOSITION DE LOI POUR GÉNÉRALISER LE CHÈQUE-VACANCES

· En proposant de lever les obstacles juridiques et financiers que rencontre actuellement la généralisation du chèque-vacances, la présente proposition de loi apporte une réponse attendue depuis longtemps par les organisations syndicales, patronale et de tourisme social et permet l’extension du bénéfice du système aux salariés des petites et moyennes entreprise, soit un potentiel de 7 millions de “ clients ” supplémentaires.

Deux dispositions essentielles peuvent être ici soulignées : l’élargissement du champ d’application du système aux professions non encore couvertes par le dispositif (article 1er de la proposition de loi) et l’exonération de charges sociales pour la contribution de l’employeur au financement des chèques-vacances (articles 3 et 4 de la proposition de loi).

Plus largement, le texte modifie plusieurs articles de l’ordonnance de 1982 afin de créer les conditions d’un développement maximal et équilibré du système des chèques-vacances. Celui-ci se voit, de ce fait, consacré comme le principal instrument d’aide aux vacances populaires, le mécanisme de l’aide étant, dans cet esprit, encore plus axé vers les familles et les titulaires des revenus les plus faibles.

Enfin, la proposition de loi précise et actualise les missions de l’Agence nationale du chèque-vacances, en confirmant son monopole d’émission mais en l’incitant à assurer une plus grande diffusion du titre en France et à l’étranger.

· L’objectif de cette proposition de loi est donc de participer à la réduction des fortes inégalités existant dans notre pays dans le domaine des loisirs tout en favorisant la promotion du tourisme populaire. La fonction sociale du chèque-vacances est confirmée grâce notamment à la limitation de son accès aux revenus les plus bas et son rôle renforcé dans la politique familiale.

Par ailleurs, on peut attendre de ce dispositif rénové, un effet bénéfique sur la demande touristique nationale, et donc sur l’activité et l’emploi dans ce secteur.

En effet, d’un point du vue macro-économique, la distribution du chèque-vacances s’analyse comme une incitation à constituer une épargne pour des vacances en France et à la dépenser sur le territoire national (le chèque-vacances ne peut être distribué que sur le territoire national et pour des services touristiques très peu importateurs). Quand un chef d’entreprise décide de mettre en place le système, il incite, en fait, ses salariés à consommer, ceux-ci dépensant, en moyenne, trois fois la valeur des chèques-vacances qu’ils ont pu acquérir.

A l’heure où la consommation stagne, une mobilisation du pouvoir d’achat vers une consommation totalement nationale ne peut donc que profiter à notre économie.

IV.- ANALYSE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

Article premier

(article 1er de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Champ d’application du dispositif

·  A l’heure actuelle, l’article premier de l’ordonnance limite le champ d’application du système des chèques-vacances aux “ salariés des entreprises, sociétés et organismes visés par les articles L. 223-1 et L. 351-17 du code du travail ”. Cette dernière référence est aujourd’hui obsolète, le contenu de l’article L. 351-17 correspondant désormais aux 3° et 4° de l’article L. 351-12.

Comme cela a été exposé dans la présentation générale, le système des chèques-vacances est donc, en droit, accessible :

- d’une part aux salariés des établissements industriels, commerciaux, artisanaux et agricoles (même s’ils ont la forme de coopérative) ainsi qu’aux salariés des cabinets de professions libérales, des offices ministériels, des syndicats professionnels, des sociétés civiles, des associations et des groupements de quelque nature que ce soit (article L. 223-1 du code du travail),

- et d’autre part aux salariés des entreprises nationales à caractère industriel, commercial ou autres, aux salariés relevant soit des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, soit des sociétés d’économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire, aux salariés non statutaires des chambres de métiers, des services à caractère industriel et commercial gérés par les chambres de commerce et d’industrie, des chambres d’agriculture, ainsi qu’aux salariés des établissements et services d’utilité agricole de ces chambres (3° et 4° de l’article L. 351-12 du code du travail).

Dans la pratique cependant, l’accès aux chèques-vacances est d’ores et déjà plus large puisqu’ils sont distribués dans toute la fonction publique, nationale ou territoriale.

·  Le présent article permet d’actualiser la rédaction de l’article premier de l’ordonnance (en corrigeant la référence obsolète à l’article L. 351-17 du code du travail), de la rapprocher de la réalité et d’élargir le champ des bénéficiaires potentiels à des professions non encore couvertes par le dispositif.

En effet, en se référant désormais à l’intégralité des personnes visées par l’article L. 351-12 du code du travail, l’article intègre dans le champ légal du dispositif des chèques-vacances les agents non fonctionnaires de l’Etat et de ses établissements publics administratifs, ainsi que les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics autres que ceux de l’Etat. Toutes ces personnes bénéficiant d’ores et déjà des chèques-vacances, il s’agit plus d’une confirmation d’une pratique que d’une extension du champ du dispositif. Seuls les agents fonctionnaires de l’Etat restent donc désormais hors de la définition légale du champ d’application des chèques-vacances, alors qu’ils peuvent en bénéficier depuis plus de dix ans.

Le présent article élargit cependant le champ d’application de l’ordonnance à des professions jusqu’ici non couvertes.

D’une part, la référence à l’article L. 351-13 du code du travail permettra tout d’abord aux marins-pêcheurs, aux ouvriers dockers occasionnels et aux artistes non salariés de bénéficier des chèques-vacances. D’autre part, le bénéfice du dispositif est étendu aux “ personnes affiliées aux régimes d’assurance-vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales ”, c’est-à-dire les commerçants et artisans.

Selon le rapport sur les comptes de la sécurité sociale 1996, publié en septembre 1997, l’organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce (ORGANIC) réunit plus de 600 000 cotisants et la Caisse autonome nationale de compensation de l’assurance vieillesse artisanale (CANCAVA), 490 000. Ce sont donc plus d’un million de personnes supplémentaires qui pourront désormais avoir accès au chèque-vacances, dès lors qu’elles entreront dans les conditions de revenu fixées à l’article 2. Le mécanisme de bonification par l’employeur prévu à l’article 3 de l’ordonnance ne pouvant bien évidemment pas s’appliquer, un système d’exonération fiscale et de charges sociales est prévu pour compenser le coût d’acquisition des chèques-vacances (article 3 de la proposition de loi).

Seuls resteront donc encore exclus du bénéfice du système des chèques-vacances les agriculteurs et les retraités.

Article 2

(article 2 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Plafond de revenus

Cet article substitue un critère de revenu au critère d’imposition retenu par l’ordonnance de 1982 pour déterminer les personnes potentiellement bénéficiaires des chèques-vacances.

Seuls pourront désormais avoir accès au dispositif :

- les salariés dont les rémunérations brutes annuelles au sens de l’article 242-1 du code de la sécurité sociale 2 sont inférieures au plafond de la sécurité sociale,

“ les personnes affiliées aux régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, commerciales et industrielles dont le revenu brut global retenu pour l’assiette de l’impôt sur le revenu n’excède pas ” le plafond de la sécurité sociale.

Le plafond de revenu retenu est donc le même quel que soit le type de bénéficiaires. Au 1er janvier 1998, le plafond de la sécurité sociale est de 14 090 francs mensuels, soit 169 080 francs par an.

Le nouveau plafond retenu par l’article – c’est-à-dire les rémunérations brutes annuelles ou le revenu brut global annuel du bénéficiaire – est d’une portée différente du critère d’imposition actuellement applicable, puisque la cotisation due au titre de l’impôt sur le revenu concerne, d’une part, tous les revenus d’un foyer fiscal (ce qui conduit à prendre en considération les ressources d’un conjoint éventuel), et d’autre part, tous les types de revenus, quelle que soit leur origine (travail ou capital).

Dans le dispositif proposé, seule est prise en compte, pour le salarié, sa rémunération annuelle, sans tenir compte de ses revenus autres que salariaux et du revenu global de son foyer fiscal. Par contre, pour les commerçants et les artisans, le critère retenu étant le revenu annuel brut global servant de base au calcul de l’impôt sur le revenu, l’ensemble des éléments évoqués ci-dessus sont pris en compte dans l’évaluation du plafond.

A l’heure actuelle, même s’il est difficile d’établir des comparaisons en raison de la diversité des situations fiscales, le plafond d’imposition applicable en 1998 pour l’accès aux chèques-vacances (soit 11 350 francs) correspond, hors de toute réduction ou crédit d’impôt, à un revenu annuel brut global de 87 000 francs par an pour un célibataire, de 127 330 francs par an pour un couple sans enfant (deux parts) et de 167 000 francs par an pour une famille avec deux enfants (trois parts).

En prévoyant de retenir un plafond de 169 080 francs de revenus annuels pour le seul bénéficiaire des chèques-vacances, l’article élargit donc le champ des bénéficiaires potentiels. En effet, ce revenu correspond à une cotisation d’impôt de 40 492 francs pour un célibataire, de 21 372 francs pour un couple (deux parts) et de 11 778 francs pour une famille avec deux enfants (trois parts), supérieure donc à l’imposition plafond actuellement prévue dans l’ordonnance.

Article 3

(article 2 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Exonérations sociales et fiscales

1. Pour les salariés

Cet article met en place une exonération plafonnée de charges sociales pour la contribution de l’employeur au financement des chèques-vacances.

Cette exonération, réclamée de façon unanime par les partenaires sociaux au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, devrait inciter les employeurs à accroître leur implication dans le financement des chèques, et donc contribuer à l’élargissement effectif de l’accès des salariés des petites et moyennes entreprises au dispositif. Faute de comités d’entreprise susceptibles de prendre le relais des employeurs sur cette question, ce sont en effet sept millions de salariés qui ne peuvent en pratique accéder à un droit qui leur est pourtant ouvert par la loi.

·  Le système actuel est en effet, comme cela a été souligné plus haut, peu incitatif pour l’entreprise.

La contribution de l’employeur à l’acquisition du chèque-vacances (qui s’analyse comme un avantage en nature accordé au salarié) est soumise aux cotisations recouvrées par l’URSSAF (maladie, maternité, vieillesse, accidents du travail) et aux cotisations d’assurance chômage. Elle est par contre exonérée des cotisations de retraite complémentaire. Une aide de 100 francs revient donc à environ 135 francs à l’employeur, tout en ne rapportant, in fine, que 80 francs environ au bénéficiaire.

Par ailleurs, sur le plan fiscal, cette contribution est exonérée, dans la limite d’un SMIC brut mensuel3, des taxes et participations assises sur les salaires (taxe sur les salaires4, taxe d’apprentissage, participation au développement de la formation professionnelle continue et “ 1 % logement ”).

Quant au salarié, l’avantage en nature dont il bénéficie est également soumis aux cotisations sociales évoquées précédemment, augmentées de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), mais fait l’objet d’une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite d’un SMIC brut mensuel.

·  L’article met en place un nouveau système qui, tout en assurant une exonération plafonnée de charges sociales pour la contribution de l’employeur, modifie le régime d’exonération fiscale applicable au bénéficiaire.

En ce qui concerne les cotisations sociales, l’avantage en nature accordé au salarié n’a plus le caractère d’élément de salaire pour l’application de la législation du travail et de la sécurité sociale. Cela signifie notamment qu’il n’est pas soumis à cotisations sociales, à l’exception cependant, pour le salarié, de la CSG et de la CRDS. Ainsi, une bonification qui coûtait environ 135 francs à l’employeur, lui reviendra désormais environ à 100 francs. De même, alors que le salarié ne touchait finalement que 80 francs, la quasi-totalité de la bonification devrait désormais pouvoir lui être versée, après prélèvement de la CSG et de la CRDS.

L’article introduit cependant une limite et une condition au bénéfice de cette exonération.

D’un part, le montant de l’exonération est limité, par salarié, à un plafond fixé à 50 % du SMIC brut mensuel (soit environ 3 332 francs), augmenté de 15 % du SMIC brut mensuel par enfant à charge (soit environ 1 000 francs.)

D’autre part, l’exonération de charges n’est accordée que dans les cas où la contribution de l’employeur est “ accordée aux salariés en fonction de critères qui prennent en compte leurs revenus et leurs charges familiales ”. Cette dernière précision est destinée à renforcer le caractère social du chèque-vacances et à assurer sa contribution à la politique familiale ; elle renvoie aux nouvelles dispositions proposées à l’article 5 qui prévoient que la contribution de l’employeur peut être “ éventuellement modulée selon les catégories de salariés ”. Ce n’est donc pas une obligation, mais le dispositif proposé est fortement incitatif.

Pour le salarié, la contribution de l’employeur continuera d’être exonérée d’impôt sur le revenu, mais le plafond applicable sera identique à celui retenu pour les cotisations sociales, c’est-à-dire 50 % du SMIC brut mensuel (3 332 francs), augmenté de 15 % du SMIC brut mensuel par enfant à charge.

Ce nouveau dispositif se traduit donc pour le salarié tout à la fois par un gain, grâce à l’exonération de charges sociales (sur une bonification de 100 francs versée par l’employeur, 20 % étaient en effet jusqu’alors prélevés au titre des charges sociales) et par une perte en raison de la baisse du plafond applicable pour l’exonération fiscale. Seuls les bénéficiaires ayant au moins quatre enfants à charge (50 % du SMIC mensuel brut + 4 x 15 % du SMIC mensuel brut = 110 %) continueront à bénéficier d’une exonération comparable au dispositif actuel (soit 100 % du SMIC brut mensuel).

2. Pour les personnes affiliées au régime d’assurance-vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales

L’article met en place un dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu et de charges sociales qui rend l’accès au bénéfice des chèques-vacances économiquement supportable pour les artisans et les commerçants, grâce à une sorte de “ bonification ” de leur montant par l’Etat sous forme d’une exonération d’impôt sur le revenu.

En effet, la part de bénéfice consacré par ces personnes à l’achat de chèques-vacances bénéficie d’une exonération de l’impôt sur le revenu et de charges sociales, à concurrence de la moitié de leur valeur faciale (part équivalente à la “ participation employeur ” qui, pour le salarié, est également exonérée d’impôt et de charges) et dans la limite du plafond précédemment décrit (50 % du SMIC mensuel brut augmenté de 15 % du SMIC mensuel brut par enfant à charge).

Une famille d’artisans ou de commerçants avec deux enfants bénéficiera donc pour l’achat de 10 000 francs de chèques-vacances, d’une exonération de 5 000 francs d’impôt sur le revenu (3 332 francs, plus 1 000 francs par enfant à charge) et d’une exonération des charges sociales correspondant à ces 5 000 francs (soit 33,55 % pour des commerçants et 40,15 % pour des artisans).

Par contre, en cohérence avec le dispositif applicable aux salariés, la part du bénéfice consacrée à l’achat de chèques-vacances demeurera soumise à la CSG et à la CRDS.

Au total, la déduction fiscale ainsi mise en place permettra une redistribution de pouvoir d’achat utilisé, pour une grande part, sous forme de biens de consommation et générant dans le domaine de l’industrie touristique, des rentrées supplémentaires de TVA, d’impôts sur le revenu et d’impôts sur les sociétés.

Article 4

(article 2 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Exonération des taxes sur les salaires

Bien que cela ne figure pas dans le texte de l’ordonnance qui souffrait, sur ce point, d’un manque d’actualisation, la contribution de l’employeur au financement des chèques-vacances est, en vertu de l’article 205 de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 (loi de finances 1989), exonérée de l’ensemble des taxes et participations assises sur les salaires, dans la limite d’un SMIC mensuel.

L’article introduit dans le texte de l’ordonnance ce principe d’exonération, assurant ainsi la nécessaire actualisation de la loi.

La bonification salariale est donc exonérée :

- de la taxe sur les salaires (article 231 du code général des impôts ; cette taxe n’est due que par les entreprises et organismes non assujettis à la TVA, c’est-à-dire en pratique les associations et les établissements hospitaliers) ;

- de la taxe d’apprentissage (article 224 du code général des impôts) ;

- de la participation due par les employeurs au développement de la formation professionnelle continue (article 235 ter C et suivants du code général des impôts) ;

- de la participation due par les employeurs à l’effort de construction (article 235 bis du code général des impôts, plus communément appelé “ 1 % logement ”).

Par contre, l’article ne reprend pas le principe de plafonnement de l’exonération à hauteur d’un SMIC mensuel (6663,67 francs au 1er janvier 1998) tel qu’il est prévu par l’article 231 bis K du code général des impôts. Le montant de l’exonération n’est donc pas limité.

Article 5

(article 3 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Financement des chèques-vacances

L’article met en place de nouvelles modalités de financement des chèques-vacances, tant pour l’employeur que pour le salarié, afin de favoriser les revenus modestes et de privilégier leur accès au dispositif.

·  Décision d’introduction du dispositif dans l’entreprise

Le premier alinéa de l’article reprend et complète les dispositions de l’ordonnance en ce qui concerne la décision de l’employeur d’introduire dans son entreprise le système des chèques-vacances. Cette introduction demeure facultative et relève toujours du seul choix de l’employeur. Comme auparavant, celui-ci doit au préalable consulter le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou toute autre instance de consultation (ce qui permet de couvrir tous les cas et toutes les tailles d’entreprise).

Par contre, l’article est plus précis quant au contenu des modalités d’attribution des chèques-vacances définies par l’employeur car, au lieu de simplement rappeler le nécessaire respect des conditions d’accès fixées par l’article 2 (plafond d’imposition), la présente proposition de loi précise que l’employeur peut, à ce stade, définir “ le ou les montants maximum de sa contribution, éventuellement modulée selon les catégories de salariés et la durée de l’épargne ”.

Par “ catégories de salariés ”, il faut entendre niveau de rémunération mais aussi, vraisemblablement, en conséquence des dispositions de l’article 3, niveau de charges familiales. En effet, ce n’est que si la contribution de l’employeur est modulée “ en fonction de critère qui prennent en compte leurs revenus et leurs charges familiales ” que celle-ci pourra bénéficier des exonérations de charges sociales autorisées par le texte. Sans être donc explicitement rappelée dans le présent article, la prise en compte de ces critères est donc indispensable (et pas seulement éventuelle) si l’employeur souhaite pleinement bénéficier du nouveau dispositif (dont tout l’intérêt réside justement dans l’exonération de charges).

En pratique, certains de ces critères sont d’ores et déjà pris en compte a priori par l’employeur puisque le montant de la contribution et sa modulation par catégorie de salariés font le plus souvent l’objet d’une discussion avec les représentants des salariés lors de la consultation préalable obligatoire. Comme le montrent les exemples de conventions donnés par l’Agence nationale pour les chèques-vacances, la contribution financière de l’employeur varie très souvent en fonction du montant de l’imposition du salarié.

La proposition de loi introduit cependant de nouveaux critères, comme la durée de l’épargne et, indirectement, les charges de familles, sans que leur prise en compte soit totalement imposées par le texte.

·  Financement par le salarié

Le deuxième alinéa de l’article met en place de nouvelles modalités de financement qui permettent une épargne plus étalée dans le temps et donc plus aisée à réaliser par les salariés aux revenus les plus modestes.

La durée du plan-épargne, tout d’abord, est modifiée dans le sens d’une plus grande liberté puisque, à l’ancien dispositif qui prévoyait une épargne “ d’au moins quatre mois ”, est substituée une durée “ de trois mois au moins de douze mois au plus ”. L’épargne devient donc ainsi plus facilement modulable en fonction de la capacité mensuelle de financement. Celle-ci est par ailleurs mieux prise en compte, puisque le montant d’épargne minimum est abaissé à 2 % du SMIC mensuel (133 francs), contre 4 % auparavant.

Par contre, l’article ne fixe plus de limites au montant des contributions mensuelles (auparavant plafonnées à 20 % du SMIC, soit 1333 francs) afin de laisser aux salariés la plus grande liberté possible dans l’organisation de son plan d’épargne.

·  Financement par l’employeur

Le troisième alinéa de l’article simplifie les règles encadrant la participation de l’employeur au financement des chèques-vacances, en réorientant ici aussi le dispositif en faveur des salariés les plus modestes.

Dans le dispositif actuel, la contribution de l’employeur est fixée à 20 % au moins et 80 % au plus de la valeur libératoire d’un chèque (soit pour un chèque de 100 francs, entre 20 et 80 francs). De plus, la contribution annuelle globale ne peut être supérieure à la moitié du produit du SMIC mensuel par le nombre de salariés (soit, pour une entreprise de cent salariés, environ 333 000 francs). La participation est donc, en moyenne, plafonnée à un demi SMIC par salarié.

Le système proposé par la proposition de loi est à la fois plus simple et plus libéral.

Il supprime tout plafond, tant pour la contribution par salarié que pour la contribution globale annuelle et ne conserve un plancher de contribution, fixé à 30 % des versements effectués par les salariés, que pour les salariés percevant une rémunération inférieure ou égale à 1,2 fois le SMIC mensuel, soit environ 8000 francs. Dans ces cas là, la participation de l’employeur ne pourra donc pas être inférieure à environ 23 % de la valeur libératoire du chèque. Ces nouvelles modalités de financement confèrent au total à l’employeur une plus grande liberté pour moduler son intervention en fonction de la situation de ses salariés, tout en privilégiant l’accès des plus modestes au dispositif.

L’article précise également que la valeur du SMIC retenue est celle en vigueur au 1er janvier de l’année au cours de laquelle le plan d’épargne est ouvert.

·  L’article prévoit enfin, reprenant en cela le dispositif actuel, que les sommes versées par le bénéficiaire des chèques, par son employeur et par le comité d’entreprise sont immédiatement versées à l’Agence nationale des chèques-vacances, qui les comptabilise.

Quelques ajouts ou modifications par rapport au texte de 1982 doivent cependant être soulignés.

L’avant-dernier alinéa prévoit ainsi que l’Agence nationale pour les chèques-vacances reçoit et comptabilise les différents financements “ sauf convention contraire entre l’employeur et cet établissement public ”.

Cette disposition permet de laisser ouverte une possibilité, pour l’Agence, de partiellement sous-traiter la commercialisation des chèques-vacances. Cette sous-traitance pourrait notamment concerner la distribution des titres aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux artisans et commerçants, et passer, par exemple, par les organismes privés de gestion des titres-restaurant (tels la SODEXHO, le groupe ACCOR, ou “ les chèques-déjeuner ”), particulièrement bien implantés dans ce secteur. L’accroissement du nombre de “ clients ” des chèques-vacances se ferait ainsi à moindre coût pour l’Agence nationale.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article précise que les chèques-vacances sont délivrés par l’Agence nationale pour les chèques-vacances à l’issue des plans d’épargne, mention qui ne figurait pas jusqu’ici dans l’article. Le dispositif global de distribution des chèques-vacances s’en trouve utilement clarifié.

Par contre, la nouvelle rédaction de l’article ne signale pas explicitement le caractère obligatoire de la contribution de l’employeur et, a contrario, la nature facultative de la participation du comité d’entreprise. Compte tenu du mécanisme de financement défini par l’article, l’automaticité de la participation de l’employeur ne fait cependant pas de doute.

Article 6

(article 4 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Coordination

En coordination avec l’article 2 qui ouvre le bénéfice des chèques-vacances aux artisans et commerçants, par définition non salariés, cet article effectue une modification rédactionnelle dans la dernière phrase de l’article 4 de l’ordonnance afin de remplacer les mots “ Le salarié-titulaire ” par les mots “ Le titulaire ”.

Article 7

(article 5 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Agence nationale pour les chèques-vacances

Cet article complète l’article 5 de l’ordonnance portant création de l’établissement public industriel et commercial chargé de l’émission et du remboursement des chèques-vacances, afin de préciser ses missions et de confirmer son monopole d’émission.

·  Les deux premiers alinéas de l’article précisent justement que l’Agence nationale pour les chèques-vacances est le seul établissement public habilité à émettre des chèques-vacances et à les rembourser aux collectivités publiques et aux prestataires qui les ont acceptés en paiement.

La confirmation du monopole de la gestion des chèques-vacances à l’Agence nationale pour les chèques-vacances va dans le sens de la garantie du caractère social et non lucratif du dispositif et prend clairement position contre toute volonté de privatisation du système. L’Agence nationale pour les chèques-vacances est aujourd’hui excédentaire, ce qui suscite des nombreuses convoitises. Certaines propositions ont notamment été émises dans le sens d’une levée du monopole d’émission et de la transformation du système en un mécanisme analogue à celui des chèques-restaurant. Une telle évolution pourrait rapidement conduire à une disparition de la vocation sociale du dispositif, ce à quoi la présente proposition de loi est fortement opposée.

·  Les trois alinéas suivants complètent les missions fixées par la loi à l’Agence nationale pour les chèques-vacances afin de les adapter aux enjeux actuels du tourisme social.

Il est tout d’abord prévu que l’Agence est chargée “ de promouvoir et diffuser le titre nominatif “ chèques-vacances ” en France et à l’étranger ”. Il ne s’agit bien évidemment pas ici de revenir sur le principe, fixé par l’article 1er de l’ordonnance, de “ consommation ” des chèques uniquement sur le territoire national, mais bien d’encourager l’Agence à proposer les chèques à des organismes étrangers afin qu’ils les utilisent ou les diffusent comme moyens de paiement pour des vacances passées en France.

Un accord de ce type existe, à l’heure actuelle, avec la caisse suisse de vacances REKA et une forte demande existe au Québec pour la création d’un tel dispositif.

Une telle pratique, permettrait, à terme, de faire des chèques-vacances un outil de fidélisation de la clientèle touristique étrangère, en donnant à la France un outil de commercialisation unique au monde pour un pays et aussi efficace que ceux de plus en plus utilisés par les entreprises touristiques, bancaires ou de transports aériens (carte Fréquence Plus d’Air France ou “ points ” de la carte American Express). Cela reviendrait par ailleurs à faire financer la politique française de tourisme social par les consommateurs étrangers.

D’autre part, en précisant que l’Agence peut “ conclure des conventions de partenariat avec d’autres entreprises ou organismes, français ou étrangers, susceptibles d’assurer [aux chèques] la plus large diffusion ”, ce même alinéa prolonge les dispositions de l’article 5 qui prévoient que l’Agence peut sous-traiter la diffusion des chèques à des organismes ou entreprise privées. Cette disposition contribuera à développer encore plus les entreprises françaises de titres-services, déjà les premières au monde grâce au titre restaurant et qui, de part cette extension de compétences, pourront gagner de nouveaux marchés dans un secteur économique prometteur.

L’article confirme également que l’Agence nationale pour les chèques-vacances est “ chargée de mettre en place et de développer un réseau de prestataires et d’en réaliser la promotion ”.

Bien que cela ne fasse pas partie des missions explicitement prévues par l’ordonnance en 1982, l’Agence s’est en effet attachée, depuis sa création, à devenir une véritable partenaire pour les professionnels du tourisme et des loisirs. Elle dispose ainsi aujourd’hui d’un réseau de 130 000 prestataires dont elle assure la promotion par un annuaire et un serveur Minitel qui jouent le rôle de centres d’information et d’orientation pour les porteurs de chèque-vacances dans la recherche et la préparation de leur séjour de vacances. L’agence garantit par ailleurs aux structures d’hébergement ou de loisir en zone rurale et aux équipements (piscines, musées, camping) des communes une promotion identique à celle assurée pour le secteur privé.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances participe donc, par son rôle promotionnel, au développement d’une activité touristique plus diversifiée, plus équilibrée géographiquement, et mieux répartie dans le temps.

·  Le dernier alinéa de l’article dispose enfin que l’Agence communiquera chaque année aux organisations syndicales représentatives au niveau national (c’est à dire la CGT, la CFDT, FO, la CGC et la CFTC) un bilan économique et social de l’utilisation des chèques-vacances. L’information des partenaires sociaux sur l’utilité et l’efficacité du dispositif sera ainsi mieux assurée.

Article 8

(article 5 de l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création du chèque-vacances)

Chèques-vacances distribués par les organismes à caractère social

Cet article harmonise le dispositif d’exonération fiscale et sociale applicable en matière de chèques-vacances en prévoyant que leur attribution par les organismes à caractère social (et tout particulièrement les comités d’entreprise) sera soumise aux conditions d’exonération prévues à l’article 2.

Comme cela a été dit dans la présentation générale (cf. II. B), les organismes à caractère social (comités d’entreprise, caisses d’allocation familiale, bureaux d’aide sociale, caisses de retraite, mutuelles, etc...) peuvent verser, sous forme de chèques-vacances, les aides aux vacances qu’ils attribuent à leurs ressortissants. Chaque organisme habilité fixe ses propres critères et n’est notamment pas soumis au respect du plafond d’imposition retenu par l’ordonnance. De plus, à la différence des bonifications accordées par les employeurs, les aides aux vacances versées sous forme de chèques-vacances acquis par les comités d’entreprise ne sont pas assujetties à cotisations sociales (instruction ministérielle du 17 avril 1985). A contrario, l’instruction fiscale du 16 février 1984 estime que le fait que ces aides aux vacances puissent être versées sous forme de chèques-vacances “ ne suffit pas à les faire bénéficier des exonérations prévues par l’ordonnance, dès lors que ces exonérations sont réservées aux chèques-vacances acquis avec une contribution de l’employeur ”.

Cet article revient donc sur ce traitement inégalitaire. Désormais, les aides aux vacances distribuées par les organismes sociaux sous forme de chèques-vacances ne seront exonérées de charges sociales que dans la limite de 50 % du SMIC mensuel (3332 francs), éventuellement augmenté de 15 % d’un SMIC mensuel (soit 1000 francs) par enfant à la charge du bénéficiaire.

Dans cette même logique, le bénéficiaire des aides se verra accorder l’exonération d’impôt sur le revenu prévue par l’article 3 de la présente proposition de loi et soumise au même plafond. Les sommes excédant ce dernier seront donc soumises à cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.

Cette harmonisation des règles d’exonération devrait conduire à un rééquilibrage des modes de distribution des chèques-vacances, l’exonération totale instituée au profit des organismes sociaux ayant conduit les employeurs à leur transférer l’essentiel du rôle de distributeur.

Article 9

Gage financier

Le respect de l’article 40 de la Constitution (qui déclare irrecevable une proposition de loi dont l’adoption “ aurait pour conséquence une diminution des ressources publiques (...) ”) implique que la présente proposition de loi, qui instaure des exonérations de charges sociales et d’impôt sur le revenu (soit une diminution de certaines ressources publiques), propose, en contrepartie, une nouvelle recette publique permettant de compenser cette perte.

L’article propose donc d’instituer une “ taxe spécifique sur les produits agricoles et alimentaires importés des pays n’appartenant pas à l’Union européenne ” afin de compenser, à due concurrence, les pertes de recettes pour l’Etat et les organismes sociaux résultant de la proposition de loi.

L’évaluation globale du coût du présent texte est délicate à effectuer, car l’instauration d’un certain nombre de nouvelles exonérations, plafonnées (charges sociales employeurs et bénéficiaires, impôt sur le revenu des artisans et commerçants et des bénéficiaires de chèques-vacances distribués par des organismes à caractère social), va de pair avec la modification des conditions d’application des exonérations actuelles (baisse du plafond applicable à l’exonération fiscale accordée aux salariés bénéficiaires et plafonnement de l’exonération de charges sociales appliquées aux aides vacances des organismes à caractère social accordées sous forme de chèques vacances).

Les quelques éléments suivants peuvent cependant donner une indication sur le coût possible du dispositif.

En ce qui concerne l’instauration d’une exonération de charges sociales au profit du salarié et de l’employeur, il est difficile de faire une évaluation des pertes potentielles de recettes pour les organismes sociaux puisqu’à l’heure actuelle, seul 4,7 % (140 millions de francs) des chèques distribués le sont par les entreprises. De plus, les 1,134 milliards de francs de chèques-vacances distribués actuellement par les comités d’entreprises et les organismes sociaux sans paiement de cotisations sociales seront désormais imposés au-delà du plafond d’exonération fixé par le texte.

Il faut rappeler ici que l’exonération de charges mise en place par le texte a avant tout pour objectif d’encourager les chefs de petites et moyennes entreprises à proposer un dispositif de chèques-vacances à leurs salariés. Ceux-ci sont aujourd’hui environ sept millions. Lors de la préparation du texte sous la précédente législature, les services du ministère chargé du tourisme ont évalué à 77 millions de francs le coût brut de cette exonération durant la première année pleine d’application du dispositif, ce qui est relativement faible. En effet, l’exonération ne porte que sur l’abondement patronal (qui n’est souvent que de 20 % des sommes épargnées par le bénéficiaire), et opérera donc un effet de levier très important pour un coût sans commune mesure avec les sommes mobilisées pour la consommation intérieure.

De plus, ce coût ne croîtra qu’en fonction du taux de pénétration du chèque-vacances dans les deux millions de petites et moyennes entreprises, qui sera nécessairement lent.

Enfin, ce coût ne peut être que marginal puisqu’il ne s’agit que d’exonérer la partie des augmentations futures de la masse salariale (nécessairement limitées) que l’employeur choisira d’accorder sous forme d’abondement patronal au chèque-vacances.

En ce qui concerne l’extension du dispositif aux commerçants et artisans (soit environ un million de personnes), l’article 3 de la proposition de loi prévoit que 50 % des sommes qui seront consacrées par ces personnes à l’acquisition de chèques-vacances seront exonérés de l’impôt sur le revenu, dans la limite du plafond retenu par le texte, soit 3 332 francs plus 1 000 francs par enfant à charge.

Environ 850 000 assurés se situent actuellement sous le plafond de revenu retenu par le texte (le revenu moyen est évalué à 120 000 francs par an). Si chacun d’eux consacre 9 000 francs par an à son budget vacances, financés au tiers (moyenne constatée par l’Agence nationale pour le chèque vacances) par des chèques-vacances, ils pourront bénéficier d’une exonération d’impôt de 1 500 francs, soit un coût fiscal de 1,275 milliards de francs.

De plus, l’exonération de charges sociales (soit 33,55 % pour les commerçants et 40,15 % pour les artisans) sur ces 1 500 francs devrait, dans l’hypothèse d’un exonération individuelle moyenne de 560 francs, générer une perte de recettes de près de 500 millions de francs pour la sécurité sociale.

Il est cependant délicat d’effectuer des prévisions quant à l’évolution du taux de pénétration du chèque-vacances chez les commerçants et les artisans et donc d’évaluer de façon satisfaisante le coût potentiel des dispositions proposées.

D’autre part, tout raisonnement économique se doit de prendre en compte les retombées de telles dispositions sur l’économie nationale, les achats de chèques-vacances étant automatiquement générateurs d’une consommation en moyenne trois fois plus importante dans le secteur du tourisme.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 13 mai 1998.

En conclusion de son exposé, le rapporteur a considéré que la substitution du salaire au niveau d’imposition comme critère d’ouverture du droit aux chèques-vacances et le plafonnement de l’exonération de charges sociales actuellement accordée aux comités d’entreprises pour les aides aux vacances attribuées sous forme de chèques-vacances pourraient susciter des oppositions. Sur ces questions, le débat est ouvert et des amendements peuvent être proposés.

Il a également rappelé que Mme Michelle Demessine, secrétaire d’Etat au tourisme a indiqué qu’elle comptait défendre un projet de loi prévoyant d’aménager les conditions d’attribution du chèque-vacances et qu’elle a estimé que “ le chèque-vacances encourageait les départs ” et qu’il constituait “ un coup de fouet économique ”.

Le coût de la proposition de loi ne devrait pas dépasser 76 millions de francs. En revanche, elle devrait, selon les estimations d’un observatoire indépendant, avoir des conséquences économiques très positives, puisqu’elle devrait entraîner une réduction du déficit public de l’ordre de 2,5 milliards de francs et la création de quarante mille à cinquante mille emplois dans le secteur du tourisme.

Pour toutes ces raisons, l’adoption de la présente proposition de loi apparaît particulièrement opportune.

Après l’exposé du rapporteur, M. Gérard Terrier a présenté, au nom des commissaires membres du groupe socialiste, une question préalable, en faisant valoir que la proposition de loi comportait, sous des dehors socialement attrayants, des aspects tout à fait contestables. En relevant le plafond d’attribution des chèques–vacances à 14 000 francs de revenus par mois, elle contribue à détourner ce chèque de son objet social et à démanteler la dimension sociale du système mis en place en 1982. Par ailleurs, le fait de retenir le salaire et non plus le niveau d’imposition, c’est-à-dire la totalité du revenu imposable pour mettre en œuvre cette condition de ressources est particulièrement critiquable et il n’est donc pas étonnant que le rapporteur se soit déclaré prêt à revoir sa copie sur ce point.

La généralisation d’une exonération plafonnée des charges sociales pour les contributions des employeurs au financement des chèques-vacances comporte également des risques de détournement tandis que risquent d’être mis en difficulté les comités d’entreprise qui, jusqu’à présent, bénéficiaient de cet avantage sans être soumis à un plafond.

Par ailleurs, l’évaluation de 76 millions de francs du coût de la proposition de loi, outre qu’elle est délicate à réaliser puisqu’il s’agit d’un dispositif basé sur le volontariat, semble pour le moins optimiste, le chiffre avancé ne concernant que l’exonération de charges sociales pour les employeurs – et non pas les exonérations fiscales – et uniquement la première année d’application. En réalité, la perte de recettes pour l’Etat et les organismes sociaux pourrait être beaucoup plus élevée alors que le gage prévu par la proposition de loi est sujet à caution.

Compte tenu de ces approximations et de l’abandon au moins partiel de l’objectif social du chèque-vacances, la proposition de loi de M. Bernard Pons ne saurait être acceptée.

Le rapporteur a souligné que les deux points de la proposition qui sont contestés à l’appui de la question préalable, à savoir la remise en cause du rôle des comités d’entreprise et la référence au salaire et non plus au niveau d’imposition comme critère pour l’attribution des chèques–vacances, sont, en fait, ouverts à la discussion. D’autre part, il faut contrebalancer les critiques sur le coût par la mesure de l’efficacité du dispositif et de son impact qui sera, nécessairement, bénéfique. Le chèque–vacances aura des effets positifs sur l’aménagement du territoire, sur l’économie française et sur les possibilités de départ en vacances des personnes qui n’ont qu’un faible revenu ou un faible niveau d’imposition.

La proposition n’a pas d’autre but que d’élargir le champ des bénéficiaires du chèque-vacances et l’on ne peut qu’être surpris de la procédure proposée par le groupe socialiste. Il est clair que celui-ci ne souhaite pas que le sujet soit discuté aujourd’hui à partir d’un texte du groupe RPR.

M. Pierre Hellier jugeant le texte proposé correct et en tout cas amendable, a protesté contre le recours à la question préalable.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que la discussion de la question préalable devait permettre un large débat en commission sur l’opportunité de la proposition de loi, l’adoption éventuelle de la question préalable n’ayant d’autre signification que le rejet de l’ensemble du texte avant l’examen de chacun de ses articles.

M. Bernard Accoyer, après avoir jugé que la position du groupe socialiste était affligeante et qu’il était totalement excessif de parler d’un “ démantèlement de notre système social ” et d’un “ détournement ” du chèque-vacances, a estimé que l’on assistait à une manoeuvre politique reposant sur des arguties. Il s’agit, en fait, d’éviter que l’ordre du jour laissé à l’initiative parlementaire fonctionne alors que cette initiative constitue un outil de modernisation des procédures parlementaires. La proposition de loi retient un mécanisme intéressant, nécessaire à la vie économique et le Parlement doit pouvoir faire sur ce texte un travail d’enrichissement. L’adoption de la question préalable serait donc particulièrement malvenue.

M. Léonce Deprez, après s’être déclaré très surpris de la procédure proposée, a observé que 37 % de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Encourager le développement du chèque-vacances est donc tout à la fois une mesure sociale et un moyen d’assurer le développement de l’économie touristique et de l’emploi dans ce secteur. La proposition poursuit donc un objectif de politique sociale, de création d’emplois et de développement d’activités touristiques multisaisonnières. Le groupe UDF est donc favorable à son adoption.

M. Georges Hage, après avoir évoqué l’éphémère existence du ministère du temps libre, a constaté que l’on assistait à la résurgence d’un projet de loi n’ayant pas trouvé sa place pendant la précédente législature et s’est interrogé sur le vote qui aurait pu, à l’époque, être celui de l’actuelle majorité. La présente proposition de loi relance le débat sur l’opportunité sociale et l’efficacité économique des chèques-vacances, mais les modalités retenues ne sont pas adéquates. Si tout le monde est d’accord pour exploiter des gisements d’emplois, encore faut-il qu’il existe une demande solvable. Cette proposition de loi ne contient pas les dispositifs qui seraient nécessaires pour atteindre un tel objectif. Il est donc légitime de lui opposer la question préalable.

M. Alfred Recours a indiqué que la proposition présentait un défaut majeur, en ce sens qu’elle ne s’adresse pas vraiment aux personnes défavorisées qui ne peuvent pas partir en vacances. L’objectif de l’ordonnance de 1982 concernait précisément ces personnes. Or, le texte n’améliore pas ce dispositif, pas plus qu’il ne crée de possibilités nouvelles. Il ne s’adresse donc pas aux plus défavorisés.

Mme Jacqueline Fraysse, après avoir rappelé l’importance de ce sujet, a souligné que si tant de personnes ne partaient pas en vacances, c’était principalement faute d’avoir un emploi ou des revenus suffisants. Il faut rappeler en outre que le groupe RPR s’est prononcé contre la réduction du temps de travail qui permettrait aux salariés de bénéficier de plus de temps libre et que, lorsque des batailles sont menées pour l’emploi et pour les loisirs, la droite n’y adhère pas. Ce texte ne comporte pas de dispositions significatives pour avancer dans le domaine de l’emploi ou du tourisme. La proposition de loi n’est qu’une entreprise purement démagogique à laquelle il convient de s’opposer.

Mme Muguette Jacquaint a souligné que 40 % des familles ne pouvaient partir en vacances et étaient donc de ce fait exclues du bénéfice de ce droit fondamental. Tant sur le projet de loi relatif aux exclusions que sur les projets de réforme qui feront suite à la conférence de la famille du 12 juin prochain, le groupe communiste sera amené à formuler des propositions pour remédier aux lacunes existantes en matière de droit à la culture et de droit aux vacances. Plus fondamentalement, disposer de ressources suffisantes est la vraie condition de l’exercice du droit aux vacances et cela renvoie donc à la question des minima sociaux, des prestations sociales et du niveau des salaires.

M. Gérard Terrier a précisé que, dans son intervention précédente, il avait parlé du “ démantèlement de la dimension sociale du système ” mis en place par l’ordonnance du 26 mars 1982. Aujourd’hui, peu de salariés peuvent effectivement bénéficier du dispositif de bonification des chèques-vacances par leur employeur. Le succès du système repose uniquement sur la distribution des chèques par les organismes à caractère social, notamment les caisses d’allocations familiales et les comités d’entreprise, qui bénéficient à ce titre d’un mécanisme d’exonération des charges sociales. Or, cette proposition de loi revient, en la plafonnant, sur le principe de cette exonération. S’il peut y avoir consensus sur la nécessité de remédier aux causes qui font obstacle aux départs en vacances, les nouvelles conditions d’application des chèques-vacances qui sont proposées par les cinq premiers articles de cette proposition ne sont pas pour autant acceptables et justifient le rejet du texte. Dans la mesure où elle remet en cause le rôle des organismes sociaux et favorise la distribution de compléments de rémunération n’ayant pas le caractère d’un salaire, elle ne peut que susciter une opposition de principe.

Le rapporteur a tout d’abord souligné que cette proposition de loi faisait suite à un projet qui n’avait pu être examiné en raison de la dissolution et ne pouvait donc être qualifiée “ d’entreprise démagogique ”. Le succès indéniable des chèques–vacances justifie aujourd’hui pleinement l’élargissement du dispositif, sans autre considération.

Par ailleurs, les articles incriminés de la proposition de loi se bornent à prévoir les éléments suivants : élargissement des bénéficiaires potentiels par l’article premier, attribution des chèques–vacances aux revenus les plus faibles par l’article 2 – en fonction d’un critère sur lequel il peut y avoir discussion – exonération de charges sociales de la contribution de l’employeur afin de permettre l’accès le plus large aux chèques–vacances par les articles 3 et 4 ; enfin, simplification des modalités d’épargne et mise en place d’une bonification plus favorable pour les salaires les plus bas par les articles 5 et 6.

Rejeter cette proposition de loi aboutit donc à écarter délibérément de ce dispositif les huit millions de salariés qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises, pour lesquels seule une exonération de charges sur la contribution de l’employeur permettra une distribution des chèques-vacances. L’élargissement des chèques–vacances est réclamé par tous les organismes intéressés et toutes les formations syndicales. Le vote de cette proposition de loi permettrait que les classes modestes en bénéficient dès cette année et pourrait déboucher sur la création de 50 000 emplois.

En ce qui concerne la procédure, il faut rappeler que la loi constitutionnelle du 4 août 1995 a prévu qu’une séance par mois serait réservée à un ordre du jour fixé par l’Assemblée nationale. Par le dépôt d’une question préalable, la majorité met à mal l’exercice par l’opposition du droit d’initiative qui lui a été ouvert par cette réforme constitutionnelle et nie son droit à légiférer.

Le président Jean Le Garrec a rappelé qu’en application de l’article 40 du Règlement de l’Assemblée nationale, sous réserve des règles fixées par la Constitution et le Règlement, la commission était maîtresse de ses travaux. Le Règlement n’interdit en aucun cas le dépôt et l’examen en commission d’une question préalable et il existe des précédents en ce sens. Il doit être cependant précisé que l’adoption par la commission d’une question préalable sur une proposition de loi vaut rejet du texte par celle-ci, mais ne fait aucunement obstacle à son examen en séance publique.

M. René Couanau a protesté contre l’usage d’une telle procédure, inusitée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et qui conduit à interdire tout débat de fond.

La commission a adopté la question préalable.

En conséquence, la proposition de loi a été rejetée.

___________

N° 899.– Rapport de M. Renaud Muselier (au nom de la commission des affaires culturelles), sur la proposition de loi de M. Bernard Pons portant généralisation du chèque–vacances et modifiant l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 (n° 218).

1 Soit, pour 169 h par mois (39 heures par semaine), au 1er janvier 1998, 6 663,67 francs bruts.

2 C’est-à-dire “ toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tout autre avantage en argent, les avantages en nature ” et les pourboires.

3 Soit 6 663,67 francs au 1er janvier 1998.

4 Il convient de rappeler que la taxe sur les salaires n’est acquittée que par les entreprises et organismes qui ne sont pas soumis à la TVA, soit en pratique uniquement les associations et les établissements hospitaliers.

5 Cet article dispose dans son II que l’exonération de taxe sur les salaires prévue par l’article 231 bis K du code général des impôts est accordée “ dans la limite du SMIC apprécié sur une base mensuelle ” et dans son III que “ Les rémunérations exonérées de la taxe sur les salaires en application des articles 231 bis K (et 231 bis L) du code général des impôts sont exonérées de la taxe d’apprentissage et des participations des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et à l’effort de construction. ”