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![]() N° 996 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 1998. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE LOI (n° 33), portant règlement définitif du budget de 1995, PAR M. François LAMY, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : 33, 933. Lois de règlement. La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, François Bayrou, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Eric Besson, Bernard Birsinger, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Hervé de Charette, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jacques Peyrat, Robert Poujade, Gilles de Robien, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane. S O M M A I R E Pages INTRODUCTION 5 I. LE FINANCEMENT DE LA DÉFENSE EN 1995 : UN EFFORT BUDGÉTAIRE EN NETTE DIMINUTION 7 A. LA BAISSE DES DÉPENSES MILITAIRES SEST ACCÉLÉRÉE EN 19958 1. Une baisse en valeur absolue 8 2. La part relative du budget de la Défense dans le budget de lEtat diminue 9 B. LÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DÉPENSES ORDINAIRES ET DES DÉPENSES DÉQUIPEMENT 9 1. Un déséquilibre croissant entre dépenses ordinaires et dépenses déquipement 10 2. La stagnation des dépenses ordinaires 11 3. La chute des dépenses déquipement 13 II. LA GESTION DES AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES : UNE CONTRI- BUTION MAJEURE DU BUDGET DE LA DÉFENSE À LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES 17 A. LES ANNULATIONS ET LES REPORTS DE CRÉDITS TÉMOIGNENT DU CARACTÈRE EXTRÊMEMENT HEURTÉ DE LA GESTION 1995 18 1. Les annulations de crédits en 1995 19 a Approche globale 19 b Approche par armée 22 2. Les reports de crédits 24 3. Les différentes approches du budget 27 B. LES AUTRES MOUVEMENTS DE CRÉDITS 27 1. Les modifications législatives 27 2. Les modifications règlementaires 30 a Les mouvements modifiant le montant des dotations 30 b Les mouvements modifiant la répartition des dotations 36 III. LES AJUSTEMENTS AU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT 39 CONCLUSION 41 EXAMEN EN COMMISSION 43 Mesdames, Messieurs, Pour la cinquième année consécutive, la Commission de la Défense est appelée à se prononcer sur le projet de loi de règlement. Cette initiative née du constat dun écart croissant entre les lois de finances initiales et le budget effectivement exécuté par le ministère de la Défense apparaît, en ce qui concerne lexécution du budget 1995, particulièrement nécessaire. Les dépenses effectives du ministère de la Défense, telles quelles apparaissent dans le projet de loi de règlement, se révèlent en effet très éloignées des prévisions consignées dans la loi de finances initiale. Différents facteurs se sont conjugués pour donner à lexécution du budget 1995 un profil tout à fait spécifique. Tout dabord, le ministère de la Défense a apporté une contribution sans équivalent à lobjectif de maîtrise des finances publiques, qui sest traduite par une politique économique extrêmement rigoureuse dont le ministère de la Défense a, comme de nombreux autres postes budgétaires, subi les conséquences. Certes, la conjoncture économique qui, en dépit des prévisions, sest dégradée au cours de lannée 1995 a perturbé lexécution budgétaire. Tant lexposé des motifs du présent projet de loi que le rapport annuel sur les comptes de la Nation soulignent cette dégradation au plan international et au niveau national. Mais surtout, il faut souligner que le budget de la Défense pour 1995 sest, pour une large part, trouvé dépourvu de cadre de référence. En effet, la protection que représente la loi de programmation pour le budget de la Défense, na pu jouer son rôle puisque, dès lété 1995, était abandonnée la mise en oeuvre de la loi de programmation 1995-2000, largement inadaptée au contexte stratégique comme à lenvironnement économique. Ce faisceau de circonstances confère à lexécution du budget 1995 un caractère particulièrement heurté : le titre V du budget de la Défense sest ainsi trouvé amputé par rapport aux prévisions initiales de 15,5 % de ses crédits. Il est à souhaiter quune telle exécution reste exceptionnelle. La loi de programmation militaire 1997-2002 et la revue des programmes qua menée le Ministre de la Défense en 1997 et 1998 constituent à cet égard un gage de sécurité pour la protection des crédits alloués à la Défense ainsi que de nécessaires cadres de référence susceptibles daméliorer la gestion annuelle de ce budget. * Dans ce contexte, le financement de la Défense en 1995 subit une forte baisse et voit sa part diminuer dans le budget de lEtat. Lexécution particulièrement perturbée des crédits de la Défense a fortement remis en cause les dotations votées par le Parlement. Le projet de loi portant règlement définitif de ce budget fournit loccasion dexaminer le résultat définitif de lexécution des dépenses. Il permet de mettre en lumière les différents mouvements de crédits qui ont pu affecter le budget de la Défense. Il est enfin une occasion privilégiée pour votre rapporteur de proposer des solutions qui permettent au contrôle parlementaire de sexercer en toute efficacité. I. LE FINANCEMENT DE LA DÉFENSE EN 1995 : UN EFFORT BUDGÉTAIRE EN NETTE DIMINUTION Les changements stratégiques survenus depuis la fin de la guerre froide se sont traduits, dans la plupart des pays industrialisés, par une forte baisse des dépenses militaires. La France, cependant, a suivi une évolution spécifique dans ce domaine comme le montre le tableau ci-dessous.
Nonobstant les limites méthodologiques inhérentes aux comparaisons internationales en matière de défense, il est certain que la France a ajusté de manière moins brutale mais également moins prononcée son effort de défense aux nouvelles données internationales. La France se situe ainsi, parmi les grands pays industrialisés, à un niveau de dépenses militaires relativement élevé malgré la baisse constatée en 1995. Cette baisse illustre cependant que, désormais, la situation de la France dans ce domaine tend à saligner sur celle de ses principaux partenaires. Il semble en effet que lexécution du budget 1995 ait mis fin à cette exception française : les dépenses militaires effectives accusent une baisse conséquente de 6,4 %, soit 179,965 milliards de francs consacrés par la France à son effort de défense. Une deuxième spécificité française est également remise en cause par lexécution du budget 1995 : la prééminence affichée des dépenses en capital, battue en brèche dès 1993, appartient désormais au passé. A lissue de lexécution 1995, le budget de la Défense est à 58,48 % constitué par des dépenses ordinaires.
A. LA BAISSE DES DÉPENSES MILITAIRES SEST ACCÉLÉRÉE EN 1995 1. Une baisse en valeur absolue En 1995, les dépenses militaires effectives se sont élevées à 179,965 milliards de francs, soit 105,236 milliards pour le titre III (+ 1,5 %), et 74,729 milliards de francs pour les dépenses en capital (- 15,5 %).
Demblée, il convient de remarquer que la comparaison directe avec le montant de 243 milliards de francs inscrit en loi de finances initiale est peu pertinente, en grande partie parce que celui-ci inclut la participation aux charges de pensions ; or, celle-ci fait traditionnellement lobjet dun transfert au budget des charges communes en début dannée. Il nen reste pas moins que les dépenses effectives du budget de la Défense ont, en 1995, subi une forte baisse en valeur absolue de 6,4 % par rapport à 1994, baisse dautant plus importante que lensemble des dépenses de lEtat ont, pour leur part, progressé de 2,1 % durant cette même année. La plupart des indicateurs incite à penser que cette déconnexion entre lévolution des dépenses civiles et celle des dépenses militaires ne résulte pas seulement dune régulation défavorable au budget militaire mais reflète aussi la prise en compte, trop longtemps différée, des évolutions stratégiques internationales. 2. La part relative du budget de la Défense dans le budget de lEtat diminue Si lon examine maintenant la part du budget de la Défense dans lensemble des dépenses de lEtat, lévolution à la baisse apparaît plus nettement encore, dautant qua été franchie en 1995 à la baisse la barre des 10 %. Ainsi, en 1995, les dépenses militaires (hors pensions) ont représenté 9,88 % de lensemble des dépenses de lEtat alors quelles en représentaient encore 12,65 % en 1990. Si lon inclut les pensions -ce qui correspond dailleurs à la norme internationale choisie par lOTAN et lONU- la Défense contribue pour 18 % du total des dépenses de lEtat. Cest sur cette assiette quest assise la contribution du ministère de la Défense à la régulation budgétaire. B. LÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DÉPENSES ORDINAIRES ET DES DÉPENSES DÉQUIPEMENT La baisse des dépenses militaires effectives est essentiellement imputable aux dépenses en capital, les dépenses ordinaires progressant quant à elles de 1,5 %. 1. Un déséquilibre croissant entre dépenses ordinaires et dépenses déquipement Lévolution contrastée des deux types de dépenses était déjà nettement perceptible dans le budget initial qui prévoyait que 51,13 % du budget de la Défense seraient consacrés au financement des dépenses ordinaires. Tout comme en 1994, lexécution du budget a renforcé la part du titre III ; valable en terme de tendance, la comparaison entre les deux années trouve néanmoins ses limites dès lors que lon examine les résultats de lexécution. Alors que lécart entre la prévision et lexécution fut de 2,87 points en 1994, il a atteint plus de 7 points en 1995, les dépenses ordinaires représentant 58,48 % des dépenses militaires à la fin de lannée 1995. Cette évolution contrastée entre les titres sexplique en partie par les annulations qui, en 1995, ont exclusivement touché le titre V. Il faut préciser cependant que la répartition des crédits entre le titre III dun côté et les titres V et VI de lautre ne recouvre pas strictement la distinction entre dépenses ordinaires et dépenses déquipement : ainsi, parmi les 48,97 % de dépenses rattachées aux titres V et VI en loi de finances initiale, figurent des crédits qui sont en réalité des dépenses ordinaires. Cet effet doptique dans la présentation trouve son origine dans limportante latitude que laisse, en matière de présentation budgétaire, lordonnance organique du 2 janvier 1959. Aux termes de larticle 7 de ladite ordonnance, il existe deux critères de classement des dépenses budgétaires, lun relatif à leur nature, lautre à leur destination, ce qui laisse une importante marge de manoeuvre aux ministères dans la présentation de leurs dépenses. En ce qui concerne le ministère de la Défense, cette latitude a longtemps permis, toute proportion gardée, dafficher un budget déquipement plus favorable quil ne lest en réalité. Lexemple des dépenses dinformatique et de bureautique est à cet égard révélateur. En la matière, le ministère de la Défense a largement usé de la faculté dérogatoire qui lui était conférée : si la règle générale est limputation de ces dépenses sur un chapitre unique du titre III, le ministère de la Défense peut imputer sur le titre V des dépenses de fonctionnement affectées à des activités techniques, scientifiques, industrielles et opérationnelles . Une affectation plus rigoureuse des crédits dès la loi de finances initiale permettrait sans nul doute de mieux évaluer leffort déquipement des armées. 2. La stagnation des dépenses ordinaires Sur lensemble de lannée 1995, les dépenses ordinaires sétablissent à 105,236 milliards de francs, soit une hausse, en francs courants, de 1,48 %. Laugmentation des dépenses ordinaires marque ainsi un net fléchissement, tant en comparaison avec lannée précédente que par rapport à lensemble des dépenses ordinaires. La totalité de la progression de ces dépenses est due aux dépenses de rémunérations regroupées dans la partie 31 (+ 3,68 %) qui a rassemblé 66,7 % des dépenses militaires ordinaires. Comme le souligne la Cour des comptes, cest essentiellement en raison des opérations extérieures que ce poste de dépenses progresse. Les surcoûts liés aux opérations extérieures sont en effet évalués pour lannée 1995 à 4 178,85 millions de francs dont 2 543,13 millions de francs pour lex-Yougoslavie. La sixième partie progresse elle aussi (+ 2,28 %) ; cependant, cette partie ne comprenant que moins de 1 % du total des dépenses, elle ne saurait influer sur lévolution globale du titre III. Au contraire, tous les autres postes de dépenses du titre III, que ce soit les charges sociales, les dépenses de fonctionnement des services et de matériel ou les dépenses diverses, enregistrent une baisse plus ou moins forte, sans quil soit dailleurs toujours possible de déterminer lorigine de cette évolution. En particulier, la stagnation des dépenses liées aux charges sociales demeure inexpliquée, tout comme lest dailleurs leur forte progression de 1992 à 1994 (+ 7 %). Si lon analyse maintenant lévolution des dépenses nettes du titre III par armée, il apparaît que la Marine voit ses dépenses ordinaires baisser de 1,91 %, alors que celles-ci progressent pour toutes les autres armées, et en particulier pour lArmée de terre (+ 3,29 %). Il faut sans doute voir dans cette évolution à nouveau limpact des opérations extérieures.
3. La chute des dépenses déquipement Le phénomène le plus caractéristique de la gestion 1995 concerne la baisse spectaculaire des dépenses déquipement des services militaires qui atteignent, en 1995, 74,729 milliards de francs, soit une baisse de 15,5 % par rapport à 1994. Il est vrai que lensemble des dépenses déquipement de lEtat a connu, en 1995, un net fléchissement : leffort dinvestissement de lEtat a, pour la première fois depuis de nombreuses années, représenté moins de 10 % des dépenses totales (9,7 %). Depuis 1992, ce sont ainsi plus de 2 % des dépenses totales de lEtat qui ont été soustraites à linvestissement. La baisse des dépenses militaires en capital contribue pour la plus grande partie à expliquer cette évolution défavorable, ainsi que lillustre le tableau suivant.
Lérosion continue des dépenses en capital des services militaires, qui sest brusquement accélérée en 1995, a conduit leffort dinvestissement de lEtat en faveur de la Défense à sétablir à moins de 5 % des dépenses totales. Les dépenses en capital sétablissent en définitive à 74,729 milliards de francs pour 1995, soit 73,907 milliards de francs pour le titre V et 0,822 milliard de francs pour le titre VI. Ceci représente une chute de 15,5 % par rapport à 1994, chute imputable en totalité au titre V, la hausse de 13 % enregistrée par les dépenses du titre VI nayant quun effet marginal du fait de la contribution minime de ce titre aux dépenses déquipement. Certes, lérosion des dépenses en capital nest pas un phénomène nouveau mais constitue une constante depuis 1992.
Cependant, lampleur de la chute des dépenses déquipement des armées observée en 1995 suggère quau-delà de lévolution structurelle des dépenses militaires en capital, le budget déquipement de la Défense a, en 1995, joué un rôle majeur dans la maîtrise des finances publiques mise en oeuvre par le Parlement et le Gouvernement. On peut considérer rétrospectivement que cette baisse spectaculaire a contribué à aligner la position de la France sur celle de ses principaux partenaires puisque le budget de la Défense semble avoir pris acte des bouleversements stratégiques survenus depuis 1989. Ainsi, la brutalité de la baisse des dépenses déquipement serait, selon certaines analyses, à la mesure du retard pris, en termes budgétaires, par la France pour sadapter au nouvel ordre mondial. Lexécution du budget 1995, très brutale en matière de dépenses déquipement, aurait en quelque sorte permis une remise à plat de la situation, revêtant donc un caractère exceptionnel. Lexécution 1996 tendrait dailleurs à confirmer cette analyse puisque les dépenses déquipement ont augmenté en 1996 de 4,4 %. Il convient cependant de ne pas négliger le fait que cette évolution, loin dêtre anticipée ou souhaitée, a été, avant tout, subie. Si lon examine à présent lincidence de la baisse des crédits déquipement sur chaque armée, dimportants contrastes apparaissent.
Alors quen 1994, la Marine avait supporté le plus grand poids de la baisse, lArmée de terre ainsi que la Gendarmerie voyant au contraire leurs dépenses augmenter, toutes les armées sont, en 1995, concernées par la baisse des crédits déquipement, à des degrés divers cependant. Ainsi, lArmée de terre et lArmée de lair ont été particulièrement sollicitées, ce qui ne manque pas de susciter des interrogations concernant le devenir des programmes darmement en cours. Une approche horizontale, par chapitre, des dépenses fait apparaître une diminution considérable (- 31,15 %) des dépenses consacrées aux études, déjà fortement affectées par lexécution du budget 1994 (- 13,8 %) ; à nouveau, ce sont les crédits détudes consacrées au nucléaire qui sont fortement sollicités. La baisse se poursuit également pour les investissements techniques et industriels qui subissent une diminution de 8,37 %. La quatrième partie, consacrée aux infrastructures, néchappe pas au mouvement puisquelle voit ses dépenses baisser de 9,85 %. Enfin, la troisième partie, partie essentielle qui rassemble plus de 30 % du total des crédits de la Défense et environ 60 % des crédits déquipement, diminue de 9,25 %. Il est cependant difficile danalyser ce chiffre du fait de lextrême globalité du chapitre 53-80. Sur ce point, votre Rapporteur souhaiterait mettre laccent sur la nécessité dun respect plus strict du principe de spécialité budgétaire, condition nécessaire à lefficacité du contrôle parlementaire. Ainsi, quel que soit langle danalyse, la diminution des crédits du titre V en 1995 est particulièrement brutale : il nest pas dinvestissement, il nest pas darmée qui naient, en 1995, été concernés par la chute des crédits. La régulation budgétaire très forte subie par le ministère de la Défense en 1995 se traduit également par un net fléchissement du taux de consommation des crédits du fait de lécart entre les crédits initiaux et les dépenses effectives. En baisse constante depuis 1993, le taux de consommation des crédits sétablit au niveau le plus faible enregistré depuis quinze ans : de 90,28 % en 1993, il tombe à 88,61 % en 1994 pour sétablir à 86,82 % en 1995.
Si lon peut lire en creux dans cette évolution la participation majeure du ministère de la Défense à la régulation budgétaire, on ne peut également exclure lhypothèse de procédures administratives parfois trop lourdes au sein même du ministère de la Défense. Cependant, les réformes actuellement en cours, visant à doter ce ministère dun contrôle de gestion, que la Commission de la Défense avait proposé dès 1993, devraient conduire à un allégement important des circuits de la dépense et, par là-même, à une efficacité accrue de celle-ci. II. LA GESTION DES AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES : UNE CONTRIBUTION MAJEURE DU BUDGET DE LA DÉFENSE À LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES Le budget de la Défense a subi, en 1995, des mouvements de crédits dune très grande ampleur qui en ont affecté tant la répartition que le montant. Lécart entre les crédits votés en loi de finances initiale et les dépenses nettes de lexercice sétablit au total à 63,491 milliards de francs, soit 43,281 milliards de francs pour le titre III et 20,210 milliards pour les titres V et VI.
Limportance des mouvements enregistrés par le titre III sexplique par le transfert traditionnel vers le budget des charges communes des crédits correspondant aux frais de pension. Cest donc essentiellement sur les mouvements opérés sur les titres V et VI quil convient de se pencher. Ils témoignent en effet dune contribution majeure du budget dinvestissement de la Défense à la maîtrise des finances publiques. Il est légitime de sinterroger sur les conséquences matérielles, économiques et financières de la régulation subie par les crédits déquipement militaires. Plus particulièrement, la Commission de la Défense sinquiète des conséquences négatives de tels aléas budgétaires vis-à-vis des petites et moyennes entreprises qui interviennent dans lindustrie de la défense. A cet égard, la hausse des intérêts moratoires enregistrée en 1995 constitue un phénomène préoccupant, qui na fait que samplifier en 1996. A. LES ANNULATIONS ET LES REPORTS DE CRÉDITS TÉMOIGNENT DU CARACTÈRE EXTRÊMEMENT HEURTÉ DE LA GESTION 1995 Il ne saurait être question de remettre en cause la participation du ministère de la Défense à la régulation budgétaire : comme tous les ministères, il doit participer à leffort général de maîtrise des finances publiques. Ainsi, en 1993, les annulations, hors titre I1, avaient porté sur 29 milliards de francs dont 9 milliards de francs sur les crédits déquipement de la Défense ; en 1995, les mêmes annulations se sont élevées à 28,6 milliards de francs dont 11,9 milliards de francs sur le budget déquipement de la Défense. Dans son rapport annexé au présent projet de loi, la Cour des comptes nhésite pas à évoquer à ce propos le caractère anormal des annulations opérées sur le budget de la Défense.
En 1995, le ministère de la Défense a donc contribué à la régulation budgétaire pour une part nettement plus que proportionnelle à sa part dans le budget de lEtat (18 %, pensions incluses). Tel est en effet ce qui apparaît au regard de lampleur des annulations de crédits subies par ce ministère. De même, le recours croissant à la pratique des reports de crédits témoigne dune régulation très défavorable au ministère de la Défense. Il nest pas excessif de parler, avec la Cour des comptes, dun véritable cycle régulation-annulation-report . 1. Les annulations de crédits en 1995 La pratique des annulations de crédits trouve son fondement juridique dans larticle 13 de lordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Celui-ci dispose en effet que tout crédit qui devient sans objet en cours dannée peut être annulé par arrêté du Ministre des Finances après accord du Ministre intéressé . a) Approche globale Les annulations de crédits ont, en 1995, porté sur 11,892 milliards de francs, ce qui traduit une forte progression du recours à cette pratique budgétaire. Elles représentent ainsi plus de dix fois les annulations intervenues en 1994, année qui vit le budget de la Défense relativement épargné par cette pratique récurrente. Plus pertinente sans doute est la comparaison avec lannée 1993, également perturbée en termes budgétaires. Celle-ci fait apparaître une fois encore la spécificité de lexécution 1995 puisque les annulations de crédits sont supérieures de 20 % environ à celles, pourtant importantes, qui avaient eu lieu en 1993. Les annulations de crédits sont intervenues par deux fois en 1995. Un premier arrêté, en date du 28 juin 1995, a annulé 8,392 milliards de francs dont 8,298 sur le seul titre V. Le second, intervenu le 15 novembre 1995, a porté sur 3,467 milliards de francs, également quasi exclusivement sur le titre V.
Lexamen du tableau précédent fait apparaître une forte contribution des chapitres 51-80 et 53-80 ; pour ce dernier, ceci sexplique aisément du fait de son extrême globalité qui participe à lopacité des dépenses consacrées à la fabrication des équipements. En pratique, les annulations ont été précédées de gels de crédits intervenus de manière très précoce. En effet, dès le mois de février 1995, le ministère des Finances a demandé une mise en réserve de 10 % des dotations en dépenses ordinaires (hors personnel et crédits évaluatifs), et de 25 % pour les dépenses déquipement (autorisations de programme et crédits de paiement destinés à financer des mesures nouvelles). A la demande du ministère de la Défense, la totalité du gel, soit 7,089 milliards de francs en crédits de paiement, a été imputée sur le titre V. En loccurrence, ce gel sest révélé être la préfiguration dune annulation ultérieure au mois de juin 1995, dailleurs supérieure au montant du gel. Au même moment, sest ajouté un gel supplémentaire de 8,410 milliards de francs en autorisations de programme. En novembre 1995, le ministère des Finances a procédé à une deuxième annulation de 3,5 milliards de francs de crédits de paiement et de 13,4 milliards de francs dautorisations de programme, montant qui incluait le gel de juin 1995. Ce rapide aperçu sur la chronologie des gels et annulations souligne la précocité de lintervention des mesures de régulation et conduit à sinterroger sur la portée réelle de lautorisation parlementaire ainsi que sur la pertinence des modalités de présentation des crédits en loi de finances initiale. Ne serait-il pas de meilleure gestion de réduire, dès la loi de finances initiale, le montant des crédits inscrits dans des chapitres dont il est dores et déjà décidé quils feront lobjet de gels, voire dannulations ? Ainsi, à lévidence, les crédits en question ne sont pas, contrairement à la condition requise par lordonnance de 1959, des crédits sans objet. b) Approche par armée Les armées ont été diversement touchées par les annulations de crédits, même si, globalement, aucune na échappé à la régulation.
LArmée de terre a vu ses dépenses nettes amputées de 15,43 %, ce qui représente à lévidence une contribution majeure à leffort de régulation. Les autres armées subissent également une forte baisse de leurs dotations. Les conséquences des annulations ont été de deux types, selon que lon considère les autorisations de programme ou les crédits de paiement. Dune part, les 21,792 milliards de francs dautorisations de programme annulées ont réduit les marges de manoeuvre sur la gestion des autorisations de programme sans entraîner cependant de conséquences difficiles à court et moyen terme. En effet, elles ont été absorbées par un matelas dautorisations de programme excédentaires ou dormantes2 , dont le montant dépassait depuis 1993, selon le ministère des Finances, le seuil des 30 milliards de francs. Elles ont, par conséquent, ramené à 13 milliards de francs le niveau des autorisations de programme inemployées à la fin de lexercice 1995, laissant au ministère une marge de manoeuvre acceptable pour la continuité des affaires en cours, aux dires même du ministère.
Dautre part, en ce qui concerne les crédits de paiement, les conséquences des annulations ont été dordre financier puisquelles ont contribué à une dégradation temporaire de la situation de trésorerie du titre V. Les annulations expliquent en grande partie les quelque 8 milliards de francs de reports de paiement3 de 1995 sur 1996. En effet, cette annulation étant intervenue alors que plus de 80 % des crédits avaient déjà été consommés, les gestionnaires du ministère ont été contraints de suspendre temporairement les paiements jusquà louverture des crédits de la loi de finances pour 1996. Elles sont également responsables, pour une large part, du maintien à un niveau élevé des intérêts moratoires versés par le ministère de la Défense (316 millions de francs en 1995). 2. Les reports de crédits Du fait du principe dannualité, toutes les autorisations budgétaires qui nont pas été utilisées sont annulées, sans possibilité de reports. Lordonnance organique du 2 janvier 1959 aménage cependant quelques exceptions à ce principe rigoureux. Dune part, le report est de droit pour les crédits de paiement disponibles sur opérations en capital . Dautre part, il existe certaines possibilités de reporter les crédits ordinaires . Depuis quelques années, le ministère de la Défense recourt de manière massive à la technique des reports de crédits, ce qui ne facilite pas la lisibilité de ce budget.
Lévolution du montant des reports de crédits conduit à sinterroger sur le rôle de cette pratique dans la régulation budgétaire. Deux phénomènes se conjuguent, qui contribuent à accroître la masse des crédits reportés. Dune part, les crédits reportés au titre de lexécution précédente ne sont pas toujours mis à disposition des services dès le début de lannée, tant sen faut. En la matière, une distinction très nette simpose entre crédits civils et crédits militaires : alors que les crédits déquipement civils ont fait lobjet de reports jusquau 5 mai 1995 pour les plus tardifs, les retards saggravent pour les crédits déquipement militaires. En 1995, les crédits reportés de lannée 1994 nont été mis à disposition des ordonnateurs que le 6 novembre 1995. Doù la récurrence des reports de reports , les reports de lannée précédente étant de facto gelés du fait de limpossibilité matérielle pour les services de consommer tous les reports débloqués avant la fin de lannée et également du fait, en 1995, du blocage complet des ordonnancements en fin dannée imposé par le ministère du Budget. Dautre part, lobjectif de réduction des reports présenté par le Gouvernement en début dannée au titre des moyens disponibles a fortement varié en 1995. Ainsi, le 22 novembre 1995, la direction du Budget a fixé à 10,8 milliards de francs lobjectif de reports à la gestion suivante, soit une réduction des reports de 1,5 milliard de francs par rapport à 1994. Non seulement la réduction des reports sest trouvée fortement minorée par rapport à celle qui avait été annoncée en début dannée (7 milliards de francs), mais lexécution 1995 se clôt en définitive par une augmentation des reports de 0,5 milliard de francs par rapport à 1994. Lexamen des reports de crédits en capital par section fait apparaître une fois encore la participation majeure des services communs et de lArmée de terre.
Alors quen 1994, la Gendarmerie avait été principalement concernée par les reports (10,92 % des crédits globaux), elle est relativement épargnée cette année, tout comme lArmée de lair. Au contraire, les reports de crédits sont, pour la Marine et lArmée de terre, supérieurs à ceux de lannée précédente. Lévolution des reports de crédits au sein du ministère de la Défense nest pas satisfaisante. En effet, elle concourt à obscurcir la perception globale de la situation des crédits effectivement mis à disposition du ministère : ainsi, les 102,4 milliards de francs présentés en début dannée 1995 au titre des moyens disponibles se sont avérés largement supérieurs aux crédits effectivement disponibles, ce chiffre incluant les 7 milliards de francs de réduction de reports qui nont finalement pas été respectés. A cet égard, on ne peut que se féliciter de labandon de la notion de moyens disponibles qui obscurcit plus quelle ne facilite la présentation budgétaire. 3. Les différentes approches du budget Lampleur prise depuis quelques années par les annulations et les reports de crédits soulève de nombreuses interrogations quant à la portée réelle de lautorisation parlementaire. Sans doute, lexécution 1995 revêt un caractère largement exceptionnel. Elle témoigne cependant dune évolution préjudiciable à la lisibilité du budget de la Défense. Limportance des mouvements enregistrés en cours dannée, la masse des crédits reportés, les pratiques officielles et officieuses de régulation (gels, mise en réserve des crédits, double visa...) rendent inefficace et sans portée toute tentative de comparaison entre les crédits initialement votés en loi de finances et les dépenses effectivement exécutées. Le cas spécifique de la gestion 1995 souligne la nécessité dun cadre qui, sans être facteur de rigidité, facilite la lecture et la compréhension dun budget fragile du fait de la part importante des dépenses déquipement, dépenses davenir qui entrent parfois en conflit avec la myopie inhérente au budget du fait du principe dannualité. A cet égard, la voie réaliste tracée par la loi de programmation 1997-2002 et la revue de programme devraient garantir une meilleure exécution du budget voté. Parallèlement, la mise en place au sein du ministère de la Défense dun contrôle de gestion, véritable traduction financière de la participation de ce ministère à la réforme de lEtat, va, en dotant celui-ci des moyens de mieux évaluer la pertinence des dépenses, permettre une dotation et une répartition plus optimales des crédits. B LES AUTRES MOUVEMENTS DE CRÉDITS 1. Les modifications législatives Deux lois de finances rectificatives sont intervenues au cours de lannée 1995, au titre desquelles 4,9 milliards de francs de dotations supplémentaires ont été ouverts au titre III du budget du ministère de la Défense. La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a ouvert 2,8 milliards de francs en crédits de paiement : 2,05 milliards de francs au titre des rémunérations dactivité des personnels militaires (chapitres 31-02 et 31-03) ; 0,75 milliard de francs pour le fonctionnement des armes et des services (chapitres 34-03, 34-04 et 34-06). La loi de finances rectificative intervenue en fin dannée a ouvert 2,1 milliards de francs, soit : 1,75 milliard de francs au titre des rémunérations dactivité des personnels militaires (chapitre 31-03) ; 0,27 milliard de francs pour le fonctionnement des armes et services (chapitres 34-03, 34-04 et 34-06) ; 0,08 milliard de francs pour lalimentation des personnels. Lobjet principal des ouvertures de crédits en cours dexécution reste le financement des surcoûts liés aux opérations extérieures qui ont atteint 4 178,85 millions de francs en 1995, dont 3 060,26 millions de francs pour le titre III. Lanalyse du tableau ci-après révèle la part prépondérante des opérations menées dans lex-Yougoslavie. Les surcoûts liés au mandat confié aux troupes françaises sélèvent à 2 543,73 millions de francs, majoritairement imputés sur le titre III. Les opérations menées dans le cadre de la coopération avec lAfrique au Tchad et en Centrafrique représentent, en coût, le deuxième poste de dépenses supplémentaires avec 847,68 millions de francs. Les surcoûts liés aux opérations extérieures, en progression constante, reflètent la pérennité de lengagement international de la France en faveur du maintien et du rétablissement de la paix. LArmée de terre y apporte une contribution majeure, ainsi que lArmée de lair. Il est à noter cependant que les ouvertures obtenues en loi de finances rectificative ayant excédé de 1,8 milliard de francs les surcoûts des opérations extérieures, certaines insuffisances structurelles ont pu être partiellement apurées. Cest notamment le cas des dépenses liées au glissement vieillesse-technicité (GVT), aux sureffectifs et aux loyers de la Gendarmerie. De même, ont pu être contenus les reports de charge de 1995 sur 1996.
2. Les modifications réglementaires La gestion des crédits budgétaires par les différents ministères conduit à modifier tant le montant que la répartition des dotations ouvertes par la loi. a) Les mouvements modifiant le montant des dotations Cinq types de mouvements dorigine réglementaire sont susceptibles daffecter le montant des dotations votées : les reports de crédits ; les décrets davance ; les gels et annulations de crédits ; les rattachements de fonds de concours ; les rétablissements de crédits. Les reports, gels et annulations ayant fait lobjet dune analyse spécifique, dune part, et le budget de la Défense nayant pas été concerné par lunique décret davance intervenu en 1995, dautre part, lanalyse portera sur les deux dernières modifications.
Les fonds de concours Prévue à larticle 19 de lordonnance organique du 2 janvier 1959, la procédure des fonds de concours constitue une exception au principe de non-affectation des recettes. Elle permet en effet daffecter à un budget, en cours dexercice, des crédits à partir de fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de lEtat à des dépenses dintérêt public . Cette procédure est soumise cependant à une condition précise, à savoir le respect de lintention de la partie versante dans lemploi des fonds. En réalité, ces fonds de concours par nature ne représentent quune minorité (30,05 % en 1995) de la masse des fonds de concours, dont la plupart sont des fonds de concours par assimilation, autorisés par le second alinéa de larticle 19. Procédure souple, le rattachement des fonds de concours pose néanmoins deux problèmes au regard de lefficacité du contrôle parlementaire. Dune part, lévaluation en loi de finances initiale des produits de fonds de concours ne peut être quindicative ; dautre part, le contrôle parlementaire en la matière est nécessairement un contrôle a posteriori. En 1995, les produits des fonds de concours ont représenté 4 281,45 millions de francs, en baisse de 17,62 % par rapport à 1994.
Lensemble des fonds de concours rattachés au budget général ayant au contraire progressé de 3 %, la part des produits de fonds de concours consacrée au budget de la Défense sest donc réduite, passant de 8,20 % à 6,55 % du total des produits rattachés au budget général. Sur cette somme, 2 726,74 millions de francs ont été rattachés au titre III qui proviennent à 65,24 % du remboursement des soins assurés par le Service de Santé des Armées (61 % en 1994). Les participations des sociétés autoroutières aux frais de fonctionnement des effectifs de Gendarmerie en service sur les réseaux autoroutiers constituent la deuxième source de fonds de concours (18,02 % des fonds rattachés). Sur ce point, il est à noter que, depuis un arrêt du Conseil dEtat4 ayant annulé le décret central de ce dispositif de rattachement de fonds de concours, les crédits liés à ces frais sont, depuis la loi de finances initiale pour 1998, rattachés au budget général. Les autres fonds de concours sont dorigines diverses : recettes provenant dessais effectués par le ministère de la Défense au profit de tiers (163,956 millions de francs), produits de cession de matériels divers (54,877 millions de francs), etc.
Le titre V sest, pour sa part, vu allouer 1 554,711 millions de francs au titre de cette procédure. Ceci traduit une forte baisse par rapport à lannée précédente (- 43,2 %), durant laquelle le gonflement des produits de fonds de concours rattachés au titre V trouvait sa source dans la suppression du compte de commerce fabrication darmements gérée par la Direction des armements terrestres . En revanche, en ce qui concerne la structure des produits elle-même, peu de changements apparaissent : les participations étrangères aux frais détudes et de fabrications relatifs aux programmes en coopération représentent toujours plus de la moitié des produits de fonds de concours rattachés au titre V. Il est à noter que ces recettes ne font que transiter par le budget du ministère de la Défense qui, en la matière, a un simple rôle de caissier. Il est probable quen vertu de la réorganisation engagée des armées, qui conduit celles-ci à se défaire dune partie de leur patrimoine immobilier, les produits de fonds de concours rattachés au titre V seront appelés à progresser dautant quun décret du 26 février 1997 dispose quà compter de 1998, 100 % -et non plus seulement 40 % comme cétait le cas depuis 1983- du montant des cessions seront rattachés au budget du ministère de la Défense au titre de la procédure des fonds de concours. Les rétablissements de crédits Egalement prévue à larticle 19 de lordonnance organique du 2 janvier 1959, la procédure de rétablissement de crédits constitue une autre exception au principe de non-affectation des recettes. Les rétablissements de crédits résultent en grande partie des reversements des trop-perçus sur rémunérations qui traduisent la lenteur des services gestionnaires à enregistrer les mouvements des personnels. Ils témoignent également de la complexité du fonctionnement des comptes de commerce. Selon la Cour des comptes, 15,143 milliards de francs ont été rétablis au budget général en 1995, dont lessentiel, soit 12,116 milliards de francs, en faveur de la Défense. Selon le ministère de la Défense, les atténuations de dépenses, terme comptable qui recouvre la même notion, sélèvent en 1995 à 11,870 milliards de francs, soit 8,533 milliards de francs pour le titre III et 3,336 milliards de francs pour le titre V. Lécart dévaluation entre la Cour des comptes et le ministère de la Défense tient aux rétablissements de crédits locaux, la Direction des Services financiers du ministère de la Défense ne comptabilisant pas les rétablissements de crédits effectués au plan local par certains services (outre-mer, Allemagne, certains établissements aéronautiques). La part prépondérante du titre III tient au remboursement de la DGA par les comptes de commerce pour les dépenses de personnels mis à leur service. En effet, les rémunérations et charges sociales des personnels employés par les comptes de commerce (DCN et DCAé) sont directement imputées sur le budget de la Défense (chapitres 31-01, 31-05, 31-96, 33-90 et 33-91) et remboursées par les comptes de commerce à partir des crédits délégués du titre V. Il est certain que les gels appliqués à ce dernier ne simplifient pas la gestion de la trésorerie des comptes de commerce et se sont traduits par des retards importants dans les remboursements qui leur incombent.
b) Les mouvements modifiant la répartition des dotations Trois mouvements sont susceptibles de modifier la répartition des dotations : les transferts de crédits ; les virements de crédits ; les arrêtés de répartition de crédits globaux. Les transferts de crédits Les transferts de crédits permettent dassouplir la règle de la spécialité par chapitre budgétaire. Ils ont pour objectif de modifier, non la nature de la dépense, mais le service responsable de la dépense. Il sagit donc dune modification qui justifie une procédure par simple arrêté. En 1995, le solde des transferts de crédits sétablit à - 58,950 millions de francs. Ainsi, 198 millions de francs ont été ouverts au titre de cette procédure tandis que le montant des annulations par transfert sétablissait à 59,148 millions de francs. Ce solde sexplique aisément par le transfert traditionnel au budget des charges communes des crédits correspondant à la participation aux charges de pensions (chapitre 32-97) et à la participation du ministère de la Défense aux charges du fonds spécial des ouvriers de lEtat (chapitre 32-92). Les transferts ont également concerné les dépenses dentretien programmé des matériels qui, petit à petit, basculent du titre III vers le titre V. Il sagit là dune rationalisation bienvenue mais encore inachevée dans la répartition de crédits jusqualors éclatés, sans aucune logique. Votre rapporteur tient également à souligner labsence de pertinence de certains transferts dont la récurrence, dannée en année, fausse lappréciation des moyens dont dispose effectivement le budget de la Défense. Cest le cas du transfert du ministère de la Défense vers le ministère de lIndustrie de la dotation destinée au Commissariat à lEnergie atomique. A ce sujet, on peut sinterroger sur la pertinence de la nomenclature actuelle du budget de la Défense : ne serait-il pas plus logique daffecter, dès la loi de finances initiale, les crédits au chapitre du budget dont on sait quil supportera finalement la dépense ? La nomenclature budgétaire actuelle présente en effet un double inconvénient. Dun côté, elle fausse la comparaison entre les dépenses effectuées et les crédits initiaux ; dun autre côté, elle enlève toute pertinence à lanalyse des taux de consommation de crédits, les crédits transférés ne faisant que transiter temporairement par le budget du ministère de la Défense, réduit au rôle de caissier. Les virements de crédits A la différence des transferts de crédits, les virements affectent la nature même de la dépense, constituant ainsi une importante exception au principe de spécialité des crédits. Leur solde, pour 1995, est nul puisque 179 millions de francs ont été ouverts dun côté et annulés de lautre. Les arrêtés de répartition de crédits globaux Trois catégories de crédits sont susceptibles dêtre réparties : les crédits ouverts pour des dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être déterminée au moment où ils sont votés (article 7 de lordonnance organique du 2 janvier 1959) ; les crédits pour dépenses éventuelles (article 10) ; les crédits pour dépenses accidentelles (article 11). Leur solde sétablit en 1995, pour le budget de la Défense, à 14,362 millions de francs. La Cour des comptes évoque en particulier le cas des 7,3 millions de francs en provenance du titre IV, qui viennent alimenter le titre V (chapitre 53-70 matériel ) du budget de la Défense, en contradiction avec larticle de lordonnance organique du 2 janvier 1959 qui interdit expressément cette pratique dun titre à lautre. III. LES AJUSTEMENTS AU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT Les articles 5 et 6 du projet de loi de règlement arrêtent le montant définitif des dépenses militaires. Deux types dajustement interviennent : les ouvertures de crédits complémentaires ; les annulations de crédits non consommés. Ces deux mouvements modifient le montant des dotations ainsi quil est indiqué dans le tableau ci-après.
Les ouvertures de crédits complémentaires sélèvent à 14,178 millions de francs et viennent abonder, comme il est traditionnel, le chapitre 37-91 frais de contentieux - règlement des dommages et accidents du travail doté de crédits évaluatifs. Les annulations de crédits non consommés portent sur un montant de 1 293,96 millions de francs. Elles concernent essentiellement : la rémunération des personnels en activité (chapitres 31-01, 31-02, 31-05, 31-94 et 31-96) à hauteur de 478,47 millions de francs ; les charges sociales (chapitres 33-90, 33-91 et 33-92), systématiquement surévaluées, pour un montant de 325,53 millions de francs ; le fonctionnement des services et du matériel pour 435,37 millions de francs.
CONCLUSION Lexécution du budget de la Défense pour 1995, telle quelle ressort de lexamen du projet de loi de règlement, est loin dêtre satisfaisante : elle est symptomatique dune régulation budgétaire souvent aveugle, de méthodes de gestion lourdes et dune absence de dialogue regrettable entre les ministères du Budget et de la Défense. La régulation budgétaire a, en 1995, atteint ses limites. Il convient de prendre conscience de lincompatibilité qui existe entre le caractère aléatoire, imprévisible et souvent brutal des mesures de régulation imposées par le ministère des Finances et la nécessaire stabilité que requiert la mise en oeuvre par le ministère de la Défense dune action cohérente. La modernisation des procédures financières quil entreprend actuellement ne saurait se satisfaire dun cadre de référence mouvant, reflet de la myopie inhérente à la régulation budgétaire. EXAMEN EN COMMISSION La Commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, les projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 (n° 33) et de 1996 (n° 587) le jeudi 18 juin 1998. M. François Lamy, rapporteur pour avis, a tout dabord regretté le caractère largement formel de la procédure dexamen des lois de règlement, faisant observer que celles-ci constituent, pour le budget de la Défense, la seule occasion de mener une analyse pertinente sur ladéquation entre les crédits effectivement ouverts et les orientations fixées par la loi de programmation, eu égard à lécart très important entre la loi de finances initiale et le budget exécuté. Il a indiqué que lexamen de la partie des lois de règlement relative aux crédits militaires permettait en outre de porter un regard sur les méthodes de gestion du ministère de la Défense, ce qui dépasse les simples enjeux de technique financière pour poser la question de leffectivité du pouvoir de contrôle du Parlement sur un budget souvent peu transparent et permet de sinterroger sur le lien entre lévolution des dotations et celle de leur contenu physique. Il a ensuite présenté conjointement les deux avis sur les lois de règlement pour les budgets de 1995 et 1996, soulignant leur caractère indissociable tant dans leurs modalités que dans les enseignements quils livrent. Il a souligné labsence de correspondance stricte entre les crédits votés en début dannée et les dépenses nettes du ministère de la Défense en 1995 et 1996, dont lévolution avait même été inverse de celle présentée en loi de finances initiale, et fait observer que ce décalage tenait exclusivement aux dépenses déquipement. Il a rappelé qualors quen loi de finances initiale, le budget de la Défense pour 1996 affichait par rapport à 1995 une baisse de 2,4 % de son montant global et de 6,3 % pour les dépenses déquipement, les dépenses nettes sétaient révélées en exécution supérieures à celles de 1995 de 3 % pour lensemble des crédits militaires, et de 4,4% pour les dépenses déquipement. Il a fait observer que la raison essentielle de cette déconnexion entre la loi de finances initiale et le budget exécuté tenait à la très forte régulation appliquée, à lépoque, au budget de la Défense, en conséquence dune politique budgétaire et fiscale particulièrement rigoureuse. Il a relevé que cette régulation sétait traduite essentiellement par un niveau élevé dannulations de crédits déquipement (12 milliards de francs en 1995 et 8,5 milliards de francs en 1996) et par une masse très importante de reports de crédits qui avaient permis au budget de la Défense de jouer le rôle de variable dajustement du déficit de lEtat. Sans prétendre jeter lanathème sur le principe même de la régulation budgétaire, M. François Lamy a toutefois déploré ses modalités, mentionnant notamment le caractère verbal des instructions reçues du ministère du Budget par le contrôleur financier sans que, par définition, les gestionnaires du ministère en soient informés. Il a estimé que cette procédure paraissait peu compatible avec les engagements du ministère de la Défense à légard de ses fournisseurs et, après avoir rappelé que le paiement de plus de 12 milliards de francs de charges avait été reporté en 1995 sur lexercice 1996, il a précisé que sur ces 12 milliards de francs 8 milliards avaient entraîné le versement dintérêts moratoires pour une somme de 812 millions de francs en 1996, soit une augmentation de 157 % par rapport à 1995. Le rapporteur pour avis a en conséquence souligné que lexercice 1995 apparaissait catastrophique puisquil sétait traduit par une baisse de 15,5 % des crédits déquipement entre la loi de finances initiale et le budget exécuté, y compris toutefois les transferts vers le budget civil de la recherche. Il a ajouté que lexercice 1996 sétait révélé tout aussi délicat en raison de trois contraintes : la contrainte financière héritée de lexercice 1995, la contrainte budgétaire très forte de 1996 et la nécessité de ne pas hypothéquer dentrée de jeu la loi de programmation 1997-2002. M. François Lamy, soulignant la rupture introduite par la crise financière issue des exercices 1995 et 1996, a relevé que deux enseignements pouvaient en être tirés. Il a insisté sur la nécessité de faire évoluer le budget de la Défense dans un cadre pluriannuel clair et réaliste, soulignant que lexercice 1996 en avait été dépourvu, ce qui avait donné lieu à des errements chaotiques. Il a dailleurs fait observer que cest précisément ce constat, nourri des enseignements tirés de léchec de la loi de programmation 1995-2000, qui avait présidé à la revue de programmes permettant dactualiser les données retenues par la loi de programmation militaire 1997-2002. Il a souligné en outre que la lourdeur des processus de gestion internes au ministère de la Défense avait contribué à amplifier les effets de la régulation et les carences de la programmation, tout en indiquant que des améliorations étaient récemment intervenues sur ce point, notamment à la suite de la signature dune instruction interministérielle commune aux ministères du Budget et de la Défense. Il a rappelé, à ce propos, que le ministère de la Défense avait, depuis le 1er janvier 1998, adopté la comptabilité spéciale des investissements, en vigueur dans les ministères civils depuis quinze ans déjà. Il a également indiqué quétait actuellement envisagée une réforme de la nomenclature budgétaire susceptible de permettre un suivi plus fin de laffectation des crédits déquipement, et articulée autour de la notion d opération budgétaire dinvestissement , qui se situerait à un niveau intermédiaire entre lextrême globalité de certains chapitres du titre V et les quelques 8 000 opérations budgétaires existant actuellement. Il a enfin souligné que les signes de dysfonctionnements les plus flagrants tels que les intérêts moratoires semblaient partiellement résorbés (environ 300 millions de francs en 1997), des mesures ayant par ailleurs été prises pour limiter leurs effets négatifs sur les petites et moyennes entreprises partenaires du ministère de la Défense. M. François Lamy a estimé que sil fallait se féliciter de cette évolution des pratiques gestionnaires et budgétaires, il restait néanmoins à espérer quelles se traduiraient rapidement dans la présentation des documents budgétaires, notamment à loccasion de la loi de finances pour 1999. Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission a donné un avis favorable à ladoption des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 et de 1996. ______________ N° 996. Avis de M. François Lamy (au nom de la commission de la défense), sur le projet de loi (n° 33), portant règlement définitif du budget de 1995. 1 Le titre I est doté de crédits, non pas limitatifs, mais évaluatifs. 2 Ce terme désigne les autorisations de programme auxquelles ne correspondent plus de crédits de paiement identifiés. Limportance de ce phénomène paraît propre au ministère de la Défense. 3 Le total des reports de paiement de 1995 à 1996 sélève à 12 milliards de francs. 4 milliards de francs correspondent à des factures non encore payées à la clôture de lexercice 1995 mais ne faisant pas encore courir dintérêts moratoires du fait du délai légal dont dispose ladministration pour payer ses créanciers. |