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le 20 novembre 1998

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N° 1212

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (n° 1072) modifiant l’article 88-2 de la Constitution,

PAR M. HENRI NALLET,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Vincent Burroni, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. — UNE PIERRE D’ACHOPPEMENT : LA COMMUNAUTARISATION D’UNE PARTIE DU TROISIÈME PILIER 7

A. APERÇU DES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITÉ 7

B. UN NOUVEAU STATUT POUR DES MATIÈRES RELEVANT DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES INTÉRIEURES 11

a) Une communautarisation partielle 12

b) Une communautarisation progressive 13

II. —  UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ATTENDUE 16

A. UNE JURISPRUDENCE ÉVOLUTIVE 16

B. UNE DÉCISION PRÉVISIBLE 19

III. —  UNE RÉVISION CIBLÉE QUI MÉRITE D’ÊTRE COMPLÉTÉE 24

A. UNE RÉVISION “ À LA CARTE ” POUR UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ 24

B. UNE IMPLICATION ACCRUE DU PARLEMENT DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE 29

AUDITIONS de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice et de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes 35

DISCUSSION GÉNÉRALE 45

EXAMEN DES ARTICLES 51

Avant l’article unique 51

Article unique : Modification de l’article 88-2 de la Constitution 52

Article additionnel après l’article unique : Modification de l’article 88-4 de la Constitution 53

Après l’article unique 53

TABLEAU COMPARATIF 55

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 57

ANNEXE : L’information des parlements nationaux sur les projets d’actes de l’Union européenne 61

MESDAMES, MESSIEURS,

Traité de Rome, Acte Unique, Traité de Maastricht et, depuis peu, Traité d’Amsterdam : quatre engagements internationaux qui scandent quarante ans d’histoire de la construction européenne et qui expriment, chacun à leur manière, la volonté des Etats signataires de construire, ensemble, non seulement une solidarité d’intérêts mais, surtout, une communauté de destin.

Bien sûr, tout sépare ces textes. Quoi de commun, en effet, entre le volontarisme enthousiaste que semble traduire le pacte fondateur de 1957 et le foisonnement technocratique, d’une lisibilité politique incertaine, d’un Traité d’Amsterdam qui reflète si clairement les laborieux compromis ayant préludé à son adoption ? Pourtant, au-delà de l’impatience des uns et des réticences des autres, en dépit de ses lacunes trop évidentes, le traité clôturant la conférence intergouvernementale ouverte à Turin le 29 mars 1996, signé le 2 octobre 1997, franchit néanmoins un nouveau degré dans l’approfondissement de la construction européenne.

De fait, à côté de nombreuses mesures de simplification et de dispositions certes utiles mais peu mobilisatrices, cet accord principalement technique emporte aussi quelques améliorations de fond, qu’il s’agisse de l’affirmation des droits fondamentaux, du fondement juridique de la politique étrangère et de sécurité commune (P.E.S.C.) ou de la légitimation des politiques de coopération renforcées. Il prévoit aussi des potentialités de transferts de compétences au profit des institutions européennes, dans un domaine où les Etats membres se montrent habituellement sourcilleux, à savoir celui du franchissement des frontières, de la libre circulation des personnes et des politiques connexes, telles que celles ayant trait à l’asile ou l’immigration.

Bien que déjà coutumier de ce que certains ont judicieusement appelé “ l’hybridation juridique ” entre le droit communautaire dérivé et le droit interne, conscient, par ailleurs, que l’article 88-1 de la Constitution consacre la participation de la France à l’Union européenne, comment le législateur pouvait-il appréhender cette intrusion dans un registre intuitivement perçu comme un avatar de l’action régalienne et de la souveraineté nationale ?

Invité conjointement par le Président de la République et le premier ministre à se prononcer sur la compatibilité entre le Traité d’Amsterdam et la Constitution en application de son article 54, le Conseil constitutionnel, confirmant une jurisprudence élaborée à l’occasion de la décision concernant le Traité de Maastricht, a considéré – sans que cela constitue au demeurant une surprise – que les dispositions rendant possible la “ communautarisation ” des règles concernant le franchissement des frontières intérieures et extérieures et de la politique d’asile et d’immigration portaient atteinte aux “ conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ”. En conséquence, pour la deuxième fois depuis 1958, il a estimé qu’une révision de notre loi fondamentale était un préalable indispensable à la ratification d’un engagement lié à la construction européenne.

Tel est l’objet du projet de loi constitutionnelle qui nous est aujourd’hui soumis. D’aucuns verront dans cette option une preuve tangible de la dévalorisation de la Constitution, celle-ci étant adaptable au gré de l’élaboration d’un nouvel ordre juridique qui semble s’imposer à elle. Plus sûrement, la décision du Conseil constitutionnel permet avant tout de prévenir les obstacles juridiques à la ratification d’un Traité qui a déjà, à cette date, été effectuée par neuf de nos partenaires (1). Mais aussi, elle place le souverain devant ses responsabilités, comme l’y invite, d’ailleurs, l’article 54 de la Constitution. Somme toute, la caractéristique de l’Etat souverain n’est-elle pas la capacité de posséder la compétence de ses compétences ?

A l’évidence, le débat entourant la révision constitutionnelle ne peut être intellectuellement isolé de celui portant sur le fond du Traité puisque la modification de la Constitution est rendue nécessaire par la nature même des dispositions que celui-ci contient.

Pour autant, il faut se garder de tout mélange des genres pour s’en tenir à la problématique juridique soulevée par les juges constitutionnels et à la réponse qui lui est aujourd’hui apportée par le présent projet. Même si cet équilibre peut apparaître instable, votre rapporteur et votre Commission des Lois n’entendent pas outrepasser leurs compétences en s’aventurant sur le terrain de l’opportunité du Traité. Un tel choix, auquel certains ne pourront évidemment se résoudre, ne pourrait que biaiser et affaiblir l’intérêt du débat qui accompagnera l’examen du projet de loi autorisant sa ratification, au cours duquel chacun - qu’il soit thuriféraire, contempteur ou simplement réaliste - pourra à l’envie exprimer son point de vue.

I. — UNE PIERRE D’ACHOPPEMENT : LA COMMUNAUTARISATION D’UNE PARTIE DU TROISIÈME PILIER

Non-événement pour certains, fossoyeur de la souveraineté nationale pour d’autres, moment décisif de la construction européenne pour quelques rares europhiles viscéralement optimistes, rarement texte jalonnant la construction européenne aura suscité autant d’interprétations contradictoires.

S’il passe sans aucun doute à coté de l’essentiel, c’est-à-dire une véritable réforme institutionnelle préalable à l’élargissement – notamment en ce qui concerne la pondération des voix et la composition de la commission – s’il ne suinte pas dans toutes ses lignes l’ambition politique, le Traité d’Amsterdam existe et ne doit cependant pas être négligé pour autant. Pas plus qu’un autre, ce document n’a jamais été présenté comme l’apothéose de la construction européenne. L’expérience montre, au contraire, que celle ci se dessine par touches successives au sein d’un processus continu. Pour s’en convaincre, il suffit de noter combien les orientations évoquées lors du sommet informel de Pörtschach peuvent être porteuses pour la dynamique de l’intégration politique et économique de l’Europe alors qu’on ne s’y attendait guère.

A. APERÇU DES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITÉ

Si on laisse de côté les mesures de simplification et de consolidation des traités, les principales “ avancées ” peuvent être regroupées autour de cinq grands thèmes.

Le premier traite des libertés, de la sécurité et de la justice.

A ce titre, le Traité d’Amsterdam enrichit celui sur l’Union européenne par le rappel des droits fondamentaux sur lesquels celle-ci est fondée et par le renforcement de l’implication de cette dernière en faveur de la défense de ces mêmes droits. Parmi les principes explicitement mentionnés, figurent les droits sociaux fondamentaux, l’absence de discrimination basée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la religion, les croyances, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ainsi que l’égalité entre hommes et femmes et l’abolition de la peine de mort.

Mais, s’agissant des droits fondamentaux, le plus intéressant est sans doute la mise en place d’un double mécanisme de protection des droits. Le premier permet de sanctionner un Etat membre coupable “ d’une violation grave et persistante ” des principes réaffirmés dans le Traité. Dans ce cas, le Conseil, réuni au niveau des chefs d’Etat, statuant à l’unanimité, constate l’infraction et peut décider, à la majorité qualifiée, de priver l’Etat incriminé de tout ou partie des droits qu’il détient en vertu du Traité. Le second mécanisme confirme la compétence de la Cour de justice des communautés européennes pour contrôler le respect des droits fondamentaux par les institutions de l’Union. Notons, par ailleurs, que le transfert du troisième pilier vers le premier des règles relatives au franchissement des frontières extérieures, aux conditions de délivrance des visas, à l’asile et à l’immigration (cf. infra), a pour conséquence de faire tomber ces matières dans l’escarcelle de la Cour, sous certaines conditions. De même, sous réserve de l’accord des Etats, celle-ci pourra connaître, par la voie de recours préjudiciels, de “ la validité et l’interprétation ” des instruments juridiques adoptés dans le cadre du troisième pilier, c’est à dire de la coopération policière, douanière et judiciaire en matière pénale. Les modalités de cette intervention sont toutefois définies par les déclarations effectuées par le Etats membres.

Outre ce rappel des droits fondamentaux, le Traité se propose d’établir progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice.

Il s’agit, tout d’abord, de ce qu’il est convenu d’appeler la “ communautarisation ” partielle du troisième pilier sur laquelle on reviendra spécifiquement.

Il s’agit, ensuite, de la rénovation du troisième pilier dont le champ est désormais limité à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Certes, ces matières continuent à relever de la coopération intergouvernementale mais le Parlement européen est désormais consulté, la commission dispose dorénavant d’un droit d’initiative partagé avec les Etats membres et la Cour de justice, selon des modalités particulières, devient compétente. Bien que le plus souvent formalisée en termes prudents, cette coopération bénéficie de deux outils juridiques nouveaux, la “ décision-cadre ”, sorte de directive qui fixe une obligation de résultat et la “ décision ”, obligatoire mais sans effet direct, utilisée pour des actes ne visant pas au rapprochement des normes. De surcroît, sont prévues les actions en commun, mesures de coopération concrètes, aussi bien en matière de police que de droit pénal ; à cet égard, le traité prévoit la possibilité d’adopter des règles minimales communes relatives à la qualification des infractions et des peines. Soulignons, en outre, qu’Europol, l’office européen de police, est sensiblement conforté et devient de jure l’outil privilégié de la coopération policière.

Enfin, cet espace de sécurité et de justice est mis en place grâce à l’intégration de l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, par le truchement d’un protocole annexé au traité.

Rappelons que les accords de Schengen, composés de l’accord du 14 juin 1985 et de la convention d’application du 19 juin 1990, ont été signés par tous les Etats membres, à l’exception de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, un accord spécial ayant en outre été conclu avec l’Islande et la Norvège. L’acquit de Schengen prévoit un régime de libre circulation des personnes entre les signataires, assuré par la suppression des contrôles aux frontières communes et des mesures compensatoires pour lutter contre l’immigration clandestine et renforcer la sécurité (franchissement des frontières extérieures, visa, asile, coopération policière et judiciaire, système d’information commun – le S.I.S. – ...).

Pour éviter l’empilement des normes “ Schengen ” et communautaires, le protocole précité procède à une intégration “ à la carte ” de cet acquis, certains éléments ayant vocation à figurer dans le pilier communautaire, d’autres devant rejoindre le domaine de la coopération policière et judiciaire au sein du troisième pilier rénové. Plus réaliste qu’une communautarisation totale, plus efficace qu’une intégration globale au troisième pilier, cette option est cependant susceptible de soulever des difficultés, dès lors que tous les Etats membres ne sont pas parties au dispositif Schengen ; en outre, la ventilation des acquis entre troisième et premier piliers doit tenir compte du fait que ce dernier comprend désormais des éléments concurrents, tels que les modalités de franchissement des frontières intra-communautaires.

Le deuxième thème majeur du Traité concerne l’Union et le citoyen.

Le Traité de Maastricht ayant déjà abordé le concept de citoyenneté européenne, celui d’Amsterdam s’attache davantage à préciser les contours de certaines politiques. Il en est ainsi de l’emploi, l’Union se fixant comme objectif un niveau d’emploi élevé, se dotant d’une procédure pour la coordination de la politique de l’emploi, adoptant en codécision des actions d’encouragement et instituant un comité consultatif de l’emploi. Au chapitre de la politique sociale, ressort surtout l’intégration du protocole social et l’adoption à la majorité qualifiée de mesures visant à encourager la coopération afin de lutter contre l’exclusion. En matière d’environnement, le Traité incorpore parmi les objectifs de l’Union le principe du développement durable. S’agissant de la santé publique, le conseil pourra adopter, par la procédure de codécision, des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des organes et substances d’origine humaine, du sang et de ses dérivés, des mesures dans le domaine vétérinaire et phytosanitaire et des actions d’encouragement.

Après avoir affirmé le principe de la promotion des intérêts des consommateurs, le Traité prévoit l’adoption selon la procédure de codécision et à la majorité qualifiée, de mesures de lutte anti-fraudes, sans sanctions pénales puisque celles-ci relèvent des Etats membres.

Soulignons, enfin, que sollicité par la France, un nouvel article du Traité de la communauté européenne sauvegarde l’existence des services d’intérêt économique général et que ce même traité reconnaît la spécificité des régions ultra-périphériques.

Troisième axe du Traité, la politique étrangère et de sécurité commune (P.E.S.C.), est dotée d’instruments plus précis, à savoir les stratégies communes, les actions et positions communes, et les accords internationaux. Par ailleurs, les rôles de chacune des institutions sont clarifiées, le Conseil européen conservant sa place centrale alors que le conseil est confirmé dans sa responsabilité pour la mise en oeuvre de la P.E.S.C. Si le consensus reste le mode de décision au sein du Conseil européen, la majorité qualifié étend sa portée au Conseil dans le cas d’actions prises dans le cadre d’une stratégie commune, étant entendu que les Etats membres conservent le droit de veto pour raisons de politique nationale. En contrepartie, lorsque les décisions sont prises à l’unanimité, un Etat peut désormais s’abstenir sans empêcher l’adoption de la mesure.

Le quatrième thème est relatif aux institutions.

Une fois rappelé que là résident les lacunes les plus criantes du Traité, force est de constater que les quelques avancées consenties l’ont été essentiellement au profit du Parlement européen. Celui-ci voit ainsi son organisation précisée, il renforce son contrôle politique sur la commission dans la mesure où il approuve désormais officiellement la nomination de son président. Mais surtout, il bénéficie d’un élargissement très substantiel du champ de la procédure de codécision, prévue à l’article 189-B du Traité sur l’Union européenne (T.U.E.), procédure de surcroît simplifiée par la suppression de la troisième lecture

Rappelons que cette modalité de décision, instituée par le Traité de Maastricht, conduit à ce qu’un acte communautaire ne puisse être adopté qu’avec l’accord du Conseil et du Parlement ou en l’absence d’opposition de celui-ci. Désormais, la codécision se substitue à la procédure de la coopération, sauf en ce qui concerne l’union économique et monétaire. Elle a donc vocation à s’appliquer en matière de non discrimination, de droit de circulation et de séjour, de sécurité sociale des travailleurs migrants, de politique des transports, de politique sociale, de formation professionnelle, de décisions relatives aux fonds européens de développement régional, de programmes cadres pluriannuels de recherche, et, pour certaines mesures, en matière d’environnement, de coopération et de développement.

Au Conseil, le champ de la majorité qualifiée n’est que marginalement étendu. Plus de 60 articles, en particulier au sein des deuxième et troisième pilier, nécessitent encore l’unanimité.

Le dernier thème abordé par le Traité est celui des coopérations renforcées. Pour l’essentiel, le Traité institutionnalise le mécanisme des coopérations renforcées pour les Etats qui désirent approfondir une collaboration mais uniquement dans le cadre des premier et troisième pilier.

B. UN NOUVEAU STATUT POUR DES MATIÈRES RELEVANT DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES INTÉRIEURES

Le Traité sur l’Union européenne signé à Maastricht comporte trois parties : la première, qui amende le Traité instituant la communauté européenne, est dénommée premier pilier ou pilier communautaire ; la deuxième concerne la politique étrangère et de sécurité commune, c’est le deuxième pilier ; la troisième régit la coopération entre les Etats membres en matière de justice et d’affaires intérieures et est communément appelée troisième pilier.

Seul le premier pilier englobe les mesures régies par le droit communautaire dans toute sa plénitude, c’est-à-dire adoptions de règlement ou directives, décisions associant, selon des degrés divers le Parlement européen, compétence de la Cour de justice, etc. En revanche, les deuxième et troisième pilier relèvent de la coopération intergouvernementale, plus ou moins approfondie.

L’apport le plus notable du Traité d’Amsterdam est sans doute le changement de statut de certaines des matières figurant jusqu’alors dans le troisième pilier, illustration tangible des progrès réalisés dans l’intégration des espaces nationaux. De fait, il est proposé d’insérer dans le Traité instituant la communauté européenne (T.C.E.) un nouveau titre III-A intitulé “ visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ”, regroupant les articles 73-I à 73-Q (2).

Ce sont précisément l’étendue et les modalités de cette “ communautarisation ” qui ont conduit le Conseil constitutionnel à juger que la ratification du Traité exigeait une révision préalable de la Constitution.

a) Une communautarisation partielle

D’une manière générale, le rattachement au premier pilier concerne cinq domaines : la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’Union, la détermination de règles communes concernant le franchissement des frontières extérieures, l’asile, l’immigration et la coopération judiciaire en matière civile. Toutefois, au sein de ces domaines, le plan de charge de l’Union distingue un certain nombre d’actions prioritaires qui doivent être entreprises plus rapidement que d’autres.

En ce qui concerne la libre circulation des personnes (art. 73 J), le Conseil doit, dans les cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur du Traité, prendre quatre types de mesures : décider de la suppression de tout contrôle aux frontières intérieures ; définir des règles communes pour assurer le contrôle aux frontières extérieures ; mettre en place des règles communes pour les visas de moins de trois mois (liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis au visa, procédure de délivrance, modèle type, visa uniforme) ; arrêter les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays tiers peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres pendant une durée maximale de trois mois. Toutefois, cette libre circulation est subordonnée à l’adoption de mesures d’accompagnement concernant le contrôle aux frontières, l’asile ainsi que la prévention et la lutte contre la criminalité.

S’agissant de l’asile et de l’immigration (art. 73 K), le Conseil arrête, dans les cinq ans, les mesures suivantes : celles relatives à l’asile (critère de détermination de l’Etat membre chargé de l’examen de la demande, normes minimales d’accueil, conditions d’octroi et de retrait du statut de réfugié) ; certaines concernant les personnes déplacées (octroi d’une protection temporaire) ; celles, enfin, relatives à l’immigration clandestine.

En revanche, ne sont pas soumises à ces conditions de délais les décisions afférentes à l’équilibre des efforts consentis par les Etats membres vis à vis des personnes déplacées, les mesures relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers et celles concernant les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière dans un Etat membre (par exemple les règles du regroupement familial) et les conditions dans lesquelles ils peuvent séjourner dans les autre Etats membres.

Il convient d’insister sur le fait qu’en matière d’immigration, les Etats membres peuvent maintenir ou introduire des dispositifs compatibles avec le Traité.

Au chapitre de la coopération judiciaire civile (art. 73 M), sans être soumis à une condition de délai, le Conseil arrête des mesures permettant d’améliorer la signification transfrontière des actes, la reconnaissance et l’exécution des décisions et de favoriser la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres en matière de procédure civile et de conflits de compétences.

b) Une communautarisation progressive

Effective dès l’entrée en vigueur du Traité, la communautarisation d’une partie du troisième pilier connaît cependant une montée en régime progressive. En effet, l’article 73 0 du titre III-A nouveau du T.C.E. organise une procédure originale pour accompagner l’incorporation de ces matières dans le premier pilier.

Pendant une période transitoire de cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur du Traité, qui correspond au délai dans lequel doivent être adoptées l’essentiel des mesures relatives à la libre circulation des personnes, une partie de celles concernant l’asile et celles concernant l’immigration clandestine, le Conseil statue à l’unanimité, sur proposition de la commission ou à l’initiative d’un Etat membre. Cependant, dès l’entrée en vigueur du Traité, la liste des pays dont les ressortissants doivent fournir un visa et le modèle-type sont déjà décidés à la majorité qualifiée sur proposition de la commission en application du T.U.E.

Passé cette période transitoire, la Commission a seule l’initiative des propositions mais elle doit examiner toute demande d’un Etat membre tendant à faire examiner une proposition par le Conseil. Ensuite, deux cas de figure peuvent se présenter :

—  pour la plupart des mesures, le Conseil peut, à l’unanimité, décider d’appliquer la procédure de codécision à tout ou partie des matières transférées au premier pilier : les propositions sont alors adoptées dans les mêmes termes par le Parlement européen et le Conseil statuant à la majorité qualifiée ; a contrario, le défaut de décision unanime conduit, pour ces matières, à pérenniser la procédure applicable pendant la période provisoire ;

—  s’agissant des conditions de délivrance des visas de court séjour et des règles en matière de visas uniformes, le Conseil statue automatiquement à la majorité qualifiée avec application de la procédure de codécision.

Le tableau ci-après croise les dispositions des articles 73-0, 73-J et 73-K afin d’illustrer l’effet combiné de ces dispositions s’agissant de la libre circulation des personnes et des politiques qui lui sont liées.

LA COMMUNAUTARISATION PARTIELLE DU “ TROISIÈME PILIER ”
Combinaison des articles 73 O, 73 J et 73 K

Procédures mises en oeuvre

Domaines et mesures concernées

A. Maintien de la règle de l’unanimité

(art. 73 O §1)

Pendant cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du traité le conseil statue à l’unanimité sur proposition de la commission ou à l’initiative d’un Etat membre et après consultation du Parlement européen

¨ franchissement des frontières intérieures et extérieures : toutes mesures sauf liste des pays tiers dont les ressortissants doivent fournir un visa (art 73 J, point 2, b)i) et définition d’un modèle type de visa (art. 73 J, point 2, b)iii), déjà soumises à la majorité qualifiée sur proposition de la commission après consultation du Parlement en application du traité de Maastricht.

¨ asile, réfugiés, immigration : toutes mesures (cf. ci-dessous).

B. Recours possible à la majorité qualifiée et à la codécision (art. 73 O §2)

Cinq ans après l’entrée en vigueur du traité :

¨ Le conseil statue sur des propositions de la commission ; celle-ci examine toute demande d’un Etat membre tendant à soumettre une proposition au Conseil.

¨ Le conseil, à l’unanimité et après consultation du Parlement européen, décide d’appliquer la procédure de codécision et de majorité qualifiée (art. 189 B du TUE) à tout ou partie des domaines visés par le titre III A.

¨ franchissement des frontières intérieures et extérieures : mesures assurant l’absence des contrôles lors du franchissement des frontières intérieures (art. 73 J, point 1) ; normes applicables aux contrôles des personnes aux frontières extérieures (art. 73 J, point 2, a) ; conditions dans lesquelles les ressortissant tiers peuvent circuler librement dans les Etats membres pendant moins de trois mois (art. 73 J, point 3).

¨ asile, réfugiés, immigration : toutes mesures (art. 73 K), c’est-à-dire critère et détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile ; normes minimales régissant l’accueil ; normes minimales pour conditions nécessaires pour prétendre au statut de réfugié ; normes minimales pour les procédures d’octroi ou de retrait du statut ; normes minimales pour la protection temporaire aux personnes déplacées en provenance de pays tiers ou ayant besoin d’une protection internationale ; mesures assurant un équilibre entre les efforts consentis par les Etats d’accueil et les conséquences de celui-ci ; conditions d’entrée et de séjour des étrangers ; procédures de délivrance des titres de long séjour ; immigration clandestine et séjour irrégulier ; droits des ressortissants d’un pays tiers en situation régulière dans un Etat membre.

C. Recours automatique à la majorité qualifiée et à la codécision (art. 73 O §4)

Cinq ans après son entrée en vigueur, le traité applique la procédure de codécision et de majorité qualifiée (art. 189 B du TUE).

¨ franchissement des frontières intérieures et extérieures  procédures et conditions de délivrance des visas de court séjour (art. 73 J, point 2, b)ii) ; règles en matière de visas uniformes (art. 73 J, point 2, b)iv).

¨ asile, réfugiés, immigration : aucune mesure.

II. — UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ATTENDUE

Le 4 décembre 1997, le Conseil constitutionnel a été saisi conjointement par le Président la République et le premier ministre - situation sans précédent dans l’histoire de la Vème République – sur la base de l’article 54 de la Constitution – afin de savoir “ si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, l’autorisation de ratifier le Traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes ”, signé le 2 octobre 1997 doit être précédé d’une révision de la Constitution.

Bien que la saisine ne le mentionnât pas, contrairement au précédent de 1992, le Conseil a parcouru l’ensemble de l’engagement international, c’est à dire le traité lui-même, mais aussi les annexes dont les protocoles qui ont la même valeur normative. Conformément à sa jurisprudence, il a procédé à un examen exhaustif de la constitutionnalité portant sur l’ensemble des dispositions dont il était saisi, ne motivant toutefois que les décisions de contrariété. Cette modalité du contrôle de constitutionnalité exercé à cette occasion explique que la décision rendue soit aussi intéressante par ce qu’elle dit que par ce qu’elle ne dit pas. Pour en terminer avec l’environnement procédural de la décision, rappelons que, lorsqu’il statue en application de l’article 54, le Conseil ne se livre à aucune réserve d’interprétation.

Dans le délai d’un mois qui leur était imparti, les juges constitutionnels ont conclu que certaines dispositions prévues dans le titre III-A nouveau étaient contraires à la Constitution. Cette décision, qui accentue l’ancrage de la France à la construction européenne, précise les contours des normes de référence à la lumière desquelles se prononce le Conseil. Pour autant, elle n’est pas surprenante et consolide une jurisprudence longtemps incertaine.

A. UNE JURISPRUDENCE ÉVOLUTIVE

De 1970 à 1992, la définition des critères à l’aune desquels la constitutionnalité d’un traité pouvait être appréciée a été incertaine et laborieuse. Bien qu’ayant recouru précocement à la notion de conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, le Conseil constitutionnel a mis un certain temps à lui donner une consistance stable.

En l’espèce, rappelons que deux principes s’opposent. D’un côté, celui de la souveraineté nationale, fondement du pacte constitutionnel comme le rappelle le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 selon lequel “ le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789 ... ”, cette même déclaration affirmant que le principe de souveraineté nationale réside essentiellement dans la Nation. Pour sa part, la Constitution de 1958 décline ce principe au travers de ses articles 3 selon lequel “ la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ” et 4, qui impose aux partis et groupements politiques “ de respecter les principes de la souveraineté nationale ”.

Concomitamment, la France confirme son insertion dans l’ordre juridique international par le préambule de la Constitution de 1946 qui admet que “ sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la Défense de la paix ”. De son côté, la Constitution de 1958 permet de conclure des traités ou accord relatif à l’organisation internationale, sous la seule réserve qu’ils soient ratifiés ou approuvés en vertu d’une loi, tout en prévoyant que cette ratification ou approbation est subordonnée à une révision constitutionnelle si l’engagement comporte des clauses contraires à la Constitution.

Chargé une première fois de concilier ces deux blocs de principes, le juge constitutionnel s’est borné, dans une décision du 19 juin 1970 (70-39 DC), à considérer que le texte qui lui était soumis ne pouvait “ porter atteinte ni par sa nature ni par son importance aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ”.

Saisi une deuxième fois en 1976 à propos de l’élection du Parlement européen au suffrage universel, le Conseil a, cette fois, assis son contrôle sur la différence entre les limitations de souveraineté – admises – et les transferts de souveraineté – proscrits – (76-71 DC du 30 décembre 1976).

Cette distinction se révélant peu convaincante et de nature à freiner toute avancée de l’intégration européenne, le Conseil constitutionnel recourt une nouvelle fois à la formule prétorienne des conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale dans une décision du 22 mai 1985 relative au protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur l’abolition de la peine de mort (85-188 DC).

Cependant, la formule demeurait ambiguë, sans être davantage précisée par la décision du 29 juillet 1991 relative aux accords de Schengen (91-294 DC). A cette occasion, le Conseil a considéré que la convention d’application ne portait pas atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale et qu’elle n’entraînait pas de transferts de souveraineté, formule qui renouait partiellement avec la jurisprudence de 1976 tout en semblant opter pour un cumul des deux critères.

C’est en fait avec la décision du 9 avril 1992 (92-308 DC), dite “ Maastricht I ”, que le Conseil constitutionnel a jeté les bases d’une jurisprudence élaborée lui permettant de procéder au “ test ” de constitutionnalité dans des conditions plus rigoureuses.

Tout d’abord, rappelant les normes de référence concernant la souveraineté nationale et la participation aux engagements internationaux, le Conseil en dégage un principe général de conciliation. Dans un considérant de principe, il affirme ainsi que “ le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de 1946, le France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création et au développement d’une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l’effet de transferts de compétences consentis par la France ”. Autrement dit, le Conseil opte sans détour pour une conception ouverte de la souveraineté et admet explicitement que tout transfert de compétences n’est pas, en lui-même, contraire à la Constitution.

Cependant, une fois cette règle de principe établie, le Conseil fixe les limites de la compatibilité entre la norme constitutionnelle et le traité : une révision constitutionnelle devient nécessaire, soit lorsqu’une de ses clauses est directement contraire à la Constitution, soit lorsqu’elle porte atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Notons que cette démarche ne conduit aucunement à conférer une quelconque valeur “ supraconstitutionnelle ” à la notion de souveraineté nationale contenue dans la Constitution, le Conseil ayant rappelé, dans la décision “ Maastricht II ” du 2 septembre 1992, que, sous réserve de la forme républicaine du gouvernement, “ le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelles dans la forme qu’il estime approprié ”. le raisonnement tenus par les juges constitutionnels leur permettent simplement de mettre en oeuvre une grille d’analyse plus fine, mais aussi plus empirique, notamment eu égard à la spécificité de la Construction européenne.

De fait, la décision de 1992 fournit un certain nombre d’indications sur la manière dont le Conseil entend mettre en oeuvre, au cas par cas, cette construction jurisprudentielle. En l’occurrence, un transfert de compétences résultant d’une clause d’un traité doit être examiné non seulement en fonction du domaine dans lequel il intervient mais aussi du point de vue des modalités selon lesquelles il s’opère.

Ainsi, il est manifestement porté atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté lorsque le transfert concerne l’ensemble d’un domaine qui, par essence, participe directement de cet exercice ou se trouve au coeur de l’action régalienne. Le Conseil constitutionnel a décidé que tel était le cas de la clause prévoyant le passage à la monnaie unique dès lors qu’un Etat membre “ se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ”. Cette solution peut sembler logique, mais on notera qu’elle confirme l’assimilation traditionnellement opérée par le Conseil entre la souveraineté de l’Etat, d’une part, et la souveraineté nationale, d’autre part.

Cependant, cette approche “ matérielle ” du transfert de compétences est enrichie par un examen de ses modalités. Autrement dit, le Conseil envisage qu’un transfert puisse concerner un domaine touchant de très près à la souveraineté nationale mais que ses modalités en préservent néanmoins les conditions essentielles d’exercice ; inversement, un transfert d’ampleur limitée peut s’opérer selon des modalités susceptibles de porter atteinte à ces mêmes conditions. Par exemple, s’agissant de la détermination du régime des visas aux frontières extérieures, il a décidé que l’abandon de la règle de l’unanimité à compter du 1er janvier 1996 “ pouvait conduire à ce que se trouvent affectées des conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ”. Cette formule mérite, par ailleurs, d’être soulignée car elle semble monter que le Conseil se contente d’une atteinte potentielle aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté sans exiger une atteinte avérée.

B. UNE DÉCISION PRÉVISIBLE

La décision du 31 décembre 1997 s’inscrit dans le droit fil de celle de 1992. En particulier, elle consacre le raisonnement selon lequel l’atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale est une donnée subjective qui dépend aussi bien du domaine dans lequel intervient le transfert de compétences que de ses “ modalités ”. Cela étant, le Conseil ne se contente pas de décalquer les considérants de sa décision précédente ; il apporte également quelques précisions complémentaires qui lui permettent d’affiner sa jurisprudence.

Rappelons, d’emblée, que, pour cette décision, le Conseil constitutionnel se trouvait dans un environnement juridique différent. En effet, à la suite de la décision de 1992, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a inséré dans la Constitution le titre XV “ Des Communautés européennes et de l’Union européenne ”, dont l’article 88-1 constitutionnalise l’appartenance de la France à l’Union européenne, composée d’Etats qui ont choisi d’exercer en communs certaines de leurs compétences. Par ailleurs, l’article 88-2 du même titre prévoit que la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures de l’Union.

Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel a tout d’abord logiquement repris les normes de référence fixées dans la décision de 1992, qu’il complète toutefois de l’article 88-1 précité, puis a réaffirmé la conclusion de principe qu’il en avait alors tiré. (cf. supra).

Confrontant ensuite les dispositions du Traité d’Amsterdam à ces normes de référence, tout en prenant en compte l’habilitation résultant de l’article 88-2 précité, le Conseil en déduit qu’appellent une révision de la Constitution, les clauses du traité qui opèrent des transferts de compétences mettant en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, soit que ces transferts interviennent dans un domaine autre que celui de l’union économique et monétaire ou que le franchissement des frontières extérieures communes, soit que ces clauses fixent d’autres modalités que celles prévues par le traité de l’Union européenne pour l’exercice des compétences dont le transfert a déjà été autorisé par l’article 88-2.

A partir de cette grille d’analyse, le Conseil s’attarde sur les dispositions prévues dans le nouveau titre III-A du T.U.E., lequel organise la “ communautarisation ” des mesures concernant la libre circulation des personnes et les autres politiques qui lui sont liées. Compte tenu des prémices jurisprudentielles posées en 1992 et de la nature des dispositions contenues dans ce titre, la décision rendue par le Conseil était assez largement prévisible.

· Les questions concernant l’asile, l’immigration et le franchissement des frontières intérieures

Dans ces domaines, le Conseil fait jouer à la fois le critère matériel – les domaines transférés – et celui tenant aux modalités du transfert de compétences.

A l’évidence, si les transferts prévus par les premier et troisième paragraphes de l’article 73-J et par l’article 73-K n’entrent pas dans le champ couvert par l’article 88-2, ils n’en intéressent pas moins l’exercice de la souveraineté nationale.

Appliquant les principes posés en 1992, le Conseil n’en déduit pas automatiquement une inconstitutionnalité de principe et va donc examiner les conditions procédurales de ces transferts.

A cette occasion, et il s’agit d’une innovation, il soulève opportunément la question du principe de subsidiarité selon lequel la communauté n’intervient que si les objectifs qu’elle poursuit ne peuvent être réalisés de manière satisfaisante par les Etats membres. Logiquement, le Conseil n’en tire aucune conséquence pratique et estime que ce principe ne fait pas obstacle à ce que les transferts de compétences prévus par le traité aient une ampleur telle qu’ils portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté.

Ces observations préliminaires faites, le Conseil a observé que les transferts de compétences accompagnés du maintien de l’unanimité et de l’initiative des Etats pendant la période transitoire de cinq ans ne sont pas contraires à la Constitution. Cette première appréciation est intéressante car, aux termes de la décision de 1992, il semblait que le maintien de l’unanimité à lui seul n’entraînait pas ipso facto la constitutionnalité du transfert. Il est possible de considérer que le Conseil a, en l’espèce, tenu compte de la combinaison de l’initiative étatique et de l’unanimité pour fonder son raisonnement, mais le reste de la décision semble plutôt militer en faveur de la primauté de cette dernière, dont la connotation “ interétatique ” constituerait, aux yeux du Conseil, un verrou au regard des exigences constitutionnelles.

En revanche, le jugement porté sur les transferts intervenant après cette période transitoire est radicalement différent. Dans cette hypothèse, le Conseil fait valoir que les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté pourraient être affectées par la conjonction de trois éléments : la perte de l’initiative des Etats membres, le passage à la majorité qualifiée sur décision unanime du Conseil de l’Union, le recours à la procédure de la codécision.

Ici encore, la décision innove puisque, comme on l’a vu, le passage à la majorité qualifiée est une simple faculté, subordonnée à une décision unanime du Conseil de l’Union. En fait, les juges constitutionnels ont estimé que cette caractéristique n’est pas déterminante, dès lors que cette décision de l’Union ne sera soumise ni à approbation, notamment du Parlement, ni à contrôle de constitutionnalité, ce qui est peu contestable s’agissant d’un acte de droit communautaire dérivé.

Notons que cet argument se trouve au coeur du raisonnement du Conseil et qu’il convient de le garder présent à l’esprit au moment où certains plaident en faveur d’une nouvelle approbation lors du passage éventuel de l’unanimité à la majorité qualifiée. A cet égard, le Conseil constitutionnel n’a pas considéré contraire à la Constitution l’article K-14 relatif à la coopération policière et judiciaire qui dispose que le passage à la majorité qualifiée et à la codécision est subordonné à une décision des Etats membres prise conformément à leur règles constitutionnelles. L’insertion d’une clause équivalente à l’article 73-O aurait donc sans aucun doute conduit le Conseil constitutionnel à en admettre la conformité à la Constitution.

En outre, comme il l’a fait en 1992, le Conseil ne cherche pas à savoir si les modalités du transfert de compétences incriminé constituent une atteinte effective aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté. Par l’emploi du conditionnel, il se contente d’une atteinte potentielle pour justifier sa décision de contrariété.

Au total, dans la rédaction actuelle de la Constitution, l’unanimité constitue donc bien le garde-fou assurant la préservation des conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Il convient de noter qu’en la matière, le juge constitutionnel se satisfait, en définitive, d’une garantie “ défensive ” de la souveraineté : dans les matières communautarisées, la France peut en effet s’opposer à une décision mais, par contre, elle ne peut en imposer une qu’elle estimerait conforme à ses intérêts.

· Les mesures relatives au franchissement des frontières extérieures

Pour ces matières, le Conseil se trouvait dans une situation différente. Ces mesures entrant dans le champ d’application de l’article 88-2 de la Constitution, il s’est borné à vérifier que les modalités des transferts n’étaient pas différentes de celles prévues par le T.U.E.

En l’espèce, s’agissant de la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à visa et la définition d’un modèle type de visa, excipant de l’autorité de la chose jugée, il n’a pas remis en cause l’application immédiate de la majorité qualifiée, déjà prévue par le T.U.E et validée par lui dans la décision dite “ Maastricht II ” du 2 septembre 1992 précitée.

En revanche, pour les autres mesures, le Conseil constate que les modalités décisionnelles diffèrent de celles prévues par les T.U.E. et applique, en conséquence, les principes déjà dégagés : s’agissant des procédures et conditions de délivrance des visas de court séjour et des règles concernant les visas uniformes que le Traité soumet automatiquement à la majorité qualifiée au bout de cinq ans, il transpose directement les appréciations portées en 1992 conduisant à l’inconstitutionnalité ; pour les autres dispositions, soumises par le Traité d’Amsterdam à la majorité qualifiée sur décision unanime, c’est à dire les normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats pour effectuer les contrôles aux frontières, il reprend le raisonnement tenu pour l’asile, l’immigration et le franchissement des frontières intérieures.

Importante par ses considérations expresses, la décision du 30 décembre 1997 est également essentielle par ses déclarations implicites de constitutionnalité, bien que celles-ci ne soient pas motivées. A cet égard, il ne faut pas se méprendre sur la portée de cette décision. L’invalidation prononcée par le Conseil ne concerne que quelques clauses, certes importantes, d’un Traité qui en comporte de très nombreuses. Ce faisant, il a amplifié la portée de l’article 88-1 et une nouvelle fois entériné la vocation européenne de la République Française.

Ainsi, le Conseil a notamment admis la constitutionnalité :

—  de la procédure de sanction en cas de violation grave et persistante par un Etat membre des droits fondamentaux ; cette position n’est pas étonnante puisque la Constitution consacre explicitement ces mêmes droits ;

—  de l’élargissement de la procédure de la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres s’agissant de certaines décisions dans le domaine de la P.E.S.C. ; ici encore, cette appréciation est logique puisqu’il ne peut s’agir que de mesures d’application de décisions prises à l’unanimité et que le Traité lui-même prévoit, par ailleurs, une clause de sauvegarde ;

—  des décisions-cadre prises pour la coopération policière et judiciaire en matière pénale ; même si celles-ci sont adoptées à l’unanimité, force est de reconnaître qu’elles concernent le coeur de la souveraineté nationale et de l’action régalienne ; pour autant, le Conseil a sans doute justement considéré qu’il s’agissait de décisions privées d’effet direct et nécessitant, compte tenu des sujets abordés, des transpositions législatives à l’occasion desquelles le Parlement pourrait s’exprimer ;

—  du protocole sur le droit d’asile pour les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne, lequel établit une quasi présomption en vertu de laquelle la demande est manifestement infondée ; cette présomption peut apparaître peu compatible avec la protection constitutionnelle du droit d’asile, mais le Conseil a dû estimer que le droit d’asile n’était pas affecté en réalité car ce même protocole dispose que le pouvoir de décision de l’Etat d’accueil n’est affecté en aucune manière.

III. — UNE RÉVISION CIBLÉE QUI MÉRITE D’ÊTRE COMPLÉTÉE

Dans la mesure où la renégociation des clauses litigieuses est évidemment inimaginable, le présent projet de loi constitutionnelle propose, à l’instar du précédent de 1992, de modifier la Constitution pour la rendre compatible avec le Traité d’Amsterdam.

Bien sûr, la révision qui nous est aujourd’hui proposée est moins ambitieuse que la précédente, ne serait-ce que parce que l’appartenance de la France à l’Europe est déjà constitutionnalisée par l’article 88-1. Par ailleurs, l’ampleur des mesures déclarées contraires à la Constitution est bien moindre, de sorte qu’un ajustement du texte de l’article 88-2 suffit pour répondre aux observations du Conseil Constitutionnel.

Cela étant, si le dispositif, calibré au plus juste, proposé par le projet de loi est satisfaisant, l’occasion est ainsi donnée de rendre plus effective l’implication du Parlement dans la vie communautaire en améliorant les dispositions de l’article 88-4 qui, tout en étant globalement satisfaisantes, restent néanmoins perfectibles. Une telle démarche peut contribuer à atténuer le trop fameux “ déficit démocratique ” dont souffre une Union européenne qui reste encore, pour beaucoup de nos concitoyens, l’Europe des bureaux et des services.

A. UNE RÉVISION “ À LA CARTE ” POUR UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ

Le présent projet de loi adopte, ni plus ni moins, la forme d’un amendement à l’article 88-2 de la Constitution. Il s’agit, en pratique, d’étendre le champ de l’habilitation constitutionnelle afin de valider les transferts de compétences pouvant survenir en application du titre III-A nouveau du T.U.E., et eux seuls.

Le I de l’article unique du projet propose de limiter la portée de la rédaction de l’article 88-2, de sorte que ne soient mentionnés que les transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire.

Actuellement, l’article 88-2 couvre également les transferts de compétences nécessaires “ à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la communauté européenne ”. Ces dispositions étaient destinées à rendre compatible le Traité de Maastricht et la Constitution, s’agissant de la détermination de la liste des Etats dont les ressortissants sont soumis à visas et des modèles types de visas, décisions prises à la majorité qualifiée à compter du premier janvier 1996 en application de l’article 100-C de ce même Traité.

On a vu que le Traité d’Amsterdam se “ réapproprie ” ces mesures, intégrées désormais dans le titre III-A, la procédure de décision prévue par le T.U.E. restant au demeurant inchangée. Dans la mesure où le projet de loi propose une rédaction globale visant l’ensemble des mesures tenant à la libre circulation des personnes et aux politiques qui lui sont liées, une mention spécifique au franchissement des frontières extérieures n’apparaît plus justifiée.

De fait, le II de l’article unique complète l’article 88-2 d’un alinéa nouveau qui étend l’habilitation constitutionnelle au profit des transferts de compétences dont le Conseil constitutionnel a considéré qu’ils pouvaient affecter les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale.

Avant de l’examiner plus en détail, notons que ce nouvel alinéa tranche le débat de l’étendue de la révision constitutionnelle proposée au Parlement.

Comme l’ont proposé certains, il eut été possible d’envisager une réforme de la Constitution qui aurait anticipé les éventuels transferts de compétences auxquels pourraient procéder les traités futurs. Une telle “ clause européenne générale ”, qui figure dans les constitutions de plusieurs Etats membres, dont l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, peut en effet apparaître séduisante de prime abord : elle tient compte d’une évolution inéluctable de la construction européenne, les futurs traités ayant de fortes chances de comporter de nouvelles dispositions considérées comme inconstitutionnelles et, partant, elle facilite le processus de ratification tout en le “ dédramatisant ”.

Le projet de loi ne suit pas cette logique et, comme son prédécesseur, s’en tient à une révision strictement limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la compatibilité entre le Traité et la rédaction actuelle de notre loi fondamentale. Cette option est justifiée à plus d’un titre.

Tout d’abord, l’organisation de révisions “ à la carte ” donne l’occasion au souverain et à ses représentants de suivre, au plus près, les progrès de la construction européenne et d’y consentir à chaque étape importante. Au moment où chacun déplore les lacunes démocratiques de la construction européenne, cette solution présente incontestablement des avantages. Ensuite, l’inclusion d’une clause générale dans la Constitution aurait une portée telle qu’une révision par voie parlementaire ne serait pas forcément la formule la plus adaptée, au risque de rouvrir, au travers d’un référendum, un débat parfois simplificateur sur l’Europe. Notons, de surcroît, que rien ne garantit que cette clause couvre toutes les hypothèses et qu’une autre révision ne s’avère, à l’expérience, nécessaire. Enfin, un tel choix pourrait susciter des demandes en vue de modifier la procédure actuelle de ratification, ce qui pourrait conduire à altérer l’équilibre de nos institutions.

Mises à part ces observations d’ordre général, le dispositif proposé appelle plusieurs remarques, tant sur la forme que sur le fond.

En premier lieu, sont évoquées “ la même réserve ” et “ les modalités prévues par le Traité instituant la communauté européenne ”.

Ces mentions décalquent celles figurant dans la rédaction actuelle de l’article 88-2 ; il s’agit d’une part de la réserve de réciprocité et, d’autre part, de celle tenant aux modalités prévues par les traités en vigueur. Autrement dit, les clauses d’un futur traité prévoyant de nouvelles procédures de décision pour des matières transférées en application du Traité d’Amsterdam pourraient ne pas être, le cas échéant, couvertes par l’habilitation constitutionnelle.

En deuxième lieu, contrairement à la rédaction du premier alinéa de l’article 88-2 qui dispose expressément que la France “ consent ” aux transferts de compétences, celle du deuxième emprunte une formulation passive selon laquelle “ peuvent être consentis les transferts de compétences... ”

Au sein du même article, ce choix peut surprendre, voire laisser penser que le Gouvernement et le Président de la République s’engageraient avec prudence dans la logique ouverte par le Traité. En fait, cette rédaction se justifie par le fait que la plupart des transferts de compétences susceptibles de porter atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ne sont que potentiels et dépendent d’un vote unanime du Conseil. C’est donc un souci de parallélisme des formes qui a guidé les rédacteurs du projet de loi, les termes de celui-ci étant “ calés ” sur le texte du Traité.

Une difficulté pourrait être soulevée quant à la pertinence de cette rédaction s’agissant des transferts de compétences donnant lieu à un passage automatique à la majorité qualifiée à l’issue de la période transitoire, procédure prévue pour les règles afférentes aux visas de court séjour et au visa uniforme. A l’examen, cette ambiguïté est de peu de portée car si elles ne rend pas littéralement obligatoires ces transferts, la nouvelle formule ne les interdit pas.

Dans le même esprit, que se passe-t-il pour les domaines actuellement couverts par l’habilitation de l’article 88-2, pour lesquels la France a déjà consenti des transferts ? Désormais englobées dans les règles relatives à la libre circulation des personnes, ces mesures sont, en principe, régies par la nouvelle rédaction. Ici encore, la difficulté n’est qu’apparente puisque les transferts ont déjà été opérés.

En revanche, il est patent que l’expression “ peuvent être consentis ” ne peut être interprétée comme une éventuelle “ fenêtre constitutionnelle ” autorisant, le cas échéant, la mise en place d’une procédure préalable à l’abandon de la règle de l’unanimité et au transfert effectif des compétences du point de vue du Conseil constitutionnel.

Personne n’ignore que certaines voix militent pour l’insertion d’un dispositif conditionnant le passage éventuel à la majorité qualifiée à une nouvelle autorisation parlementaire. Les tenants de cette proposition font ainsi observer qu’en le signant, les Etats membres se sont bornés à accepter une procédure organisée par le Traité. En précisant que le passage à la majorité qualifiée résulte d’une décision prise à l’unanimité, celui-ci laisse donc à chaque Etat membre la faculté de s’y opposer, pour des raisons et selon des modalités qui lui sont propres. Rien n’empêcherait donc, en théorie, un Gouvernement d’exciper d’un défaut “ d’autorisation ” préalable.

Ce raisonnement n’est pas totalement dénué de logique, mais il se heurte à deux arguments.

Tout d’abord, sur le plan juridique, il est contradictoire avec celui suivi par le Conseil constitutionnel qui, en l’espèce, justifie la révision constitutionnelle à cette phase de la procédure par le fait que l’abandon éventuel de la règle de l’unanimité constitue un acte de droit dérivé qui ne donnera lieu ni à autorisation préalable, ni à contrôle de constitutionnalité. Inversement, rappelons qu’il a validé des dispositions prévoyant un passage à la majorité qualifiée moyennant une décision prise conformément aux règles constitutionnelles propres à chaque Etat membre. La démarche des partisans de cette option consiste donc, ni plus ni moins, à profiter des conséquences résultant du raisonnement des juges constitutionnels pour le retourner au service de leur thèse, ce qui semble pour le moins curieux sur le plan de la logique.

Mais surtout, une telle option apparaît manifestement contraire à l’esprit de la Vème République et à l’équilibre des institutions qui en résulte, ce qui ne laisse pas de surprendre de la part de ses promoteurs qui se présentent souvent, par ailleurs, comme les garants de l’héritage institutionnel. De fait, la décision du Conseil décidant du passage à la majorité qualifiée est un acte communautaire de droit dérivé, mais elle procède aussi de la négociation entre Etats membres puisqu’elle s’opère à l’unanimité. Conditionner la marge de manoeuvre du Gouvernement d’alors à l’aune d’une autorisation préalable du Parlement conduirait donc à encadrer les compétences traditionnelles de l’exécutif, en contradiction avec les principes posés par la Constitution de 1958 en la matière.

L’habilitation consentie par le nouvel alinéa de l’article 88-2 concerne la “ détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. ”

Comme on l’a vu précédemment, cette formule permet d’englober non seulement le franchissement des frontières intérieures de l’Union mais aussi celui des frontières extérieures, ce qui permet de faire l’économie d’une mention ad hoc dans le premier alinéa.

Par ailleurs, elle fait directement référence au titre III-A du T.U.E. intitulé “ visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ”.

En fait, les termes de cet intitulé ne sont pas très pas heureux car, en pratique, le Titre III-A regroupe des matières afférentes à la libre circulation des personnes stricto sensu – la suppression des contrôles aux frontières internes – et d’autres qui constituent davantage des mesures compensatoires – contrôles aux frontières extérieures, visas – et des politiques d’accompagnement – immigration, asile. Dans ces conditions, la rédaction proposée par les rédacteurs du projet de loi constitutionnel semble, sous une forme ramassée, juridiquement plus adéquate.

On ajoutera cependant qu’elle doit être nécessairement d’interprétation stricte, le champ de l’habilitation constitutionnelle ne pouvant en aucun cas excéder celui du titre III-A.

B. UNE IMPLICATION ACCRUE DU PARLEMENT DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE

Après une longue période d’apathie, le Parlement s’est doté, par la loi du 6 juillet 1979 créant les Délégations pour les communautés européennes, devenue depuis lors les Délégations pour l’Union européenne, d’un premier instrument lui permettant d’assurer une “ veille ” parlementaire sur l’élaboration des normes communautaires. Face à la prolifération du droit communautaire dérivé et aux critiques sur le “ déficit démocratique ” de l’Europe, la fonction uniquement informative des Délégations, même “ dopée ” par la loi du 10 mai 1990, qui font de celles-ci les destinataires de tous les projets d’actes communautaires, est cependant vite apparue insuffisante.

Il faudra attendre 1992 et la réforme constitutionnelle rendue nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel relative au Traité de Maastricht pour que l’implication du Parlement dans la vie communautaire franchisse une étape décisive et change de nature. L’article 88-4, inséré à cette occasion dans notre loi fondamentale, donnait ainsi à l’Assemblée nationale et au Sénat le moyen de faire connaître leur position sur certains projets d’actes communautaires par le biais du vote de résolutions.

Explicité par plusieurs circulaires successives du premier ministre (31 juillet 1992, 21 avril 1993, 21 mars et 19 juillet 1994), mis en oeuvre par des modifications des règlements des Assemblées (18 novembre 1992, 26 janvier 1994 et 10 octobre 1995 pour l’Assemblée nationale), le dispositif de l’article 88-4 n’a pas été modifié depuis son adoption, même si des améliorations pratiques ont permis d’en préciser l’application.

A cet égard, et pour s’en tenir à notre Assemblée, on citera le rôle d’instruction générale vis-à-vis de tous les projets d’actes communautaires confiés à la Délégation, conjugué à son droit d’initiative qui s’exerce au travers de ses rapporteurs pour déposer des propositions de résolutions, lequel s’exerce concurremment à celui dont disposent individuellement tous les députés. L’examen des statistiques montre que le rôle moteur de la Délégation est une réalité : deux tiers des propositions déposées et neuf dixièmes des résolutions adoptées sous la précédente législature en émanent, cette prépondérance étant encore plus manifeste depuis juin 1997.

Le deuxième terrain où des précisions utiles ont été apportées est celui des délais laissés au Parlement pour mener à bien sa tâche, de sorte que ce dernier ne soit pas placé devant le fait accompli. Ont participé de cette démarche l’accélération des délais de transmission des documents et, surtout, la reconnaissance, par la circulaire du premier ministre en date du 19 juillet 1994, du mécanisme dit “ de la réserve parlementaire ” qui laisse au moins un mois aux assemblées pour manifester leur désir de se prononcer sur un projet d’acte, délai pendant lequel le Gouvernement s’engage à différer la décision définitive au sein du Conseil, prorogé, le cas échéant, en cas de dépôt d’une proposition de résolution.

Ainsi précisé, le dispositif de l’article 88-4 peut afficher un bilan quantitatif flatteur. Pour la législature précédente, 763 propositions d’actes ont été soumis, donnant lieu, à l’Assemblée nationale, au dépôt de 122 propositions de résolution ; depuis juin 1997, 336 projets d’actes ont été transmis, occasionnant 25 nouvelles propositions de résolution.

Au plan qualitatif, le bilan est sans doute plus nuancé. A l’actif, il faut relever l’implication désormais incontestable du Parlement dans la vie de l’Union européenne et, plus particulièrement, dans le processus d’élaboration de normes qui ont vocation à pénétrer de manière croissante dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Par ailleurs, ces années de pratique ont permis aux assemblées de définir une règle du jeu et de cerner la marge de manœuvre dont elles peuvent bénéficier. En particulier, chacun a compris que le dispositif original retenu par le constituant en 1992 n’a pas pour vocation de remettre en cause les équilibres constitutionnels traditionnels. Dépourvues de portée normative, les résolutions adoptées par le Parlement participent de ses missions de contrôle – et seulement d’elles – et, partant, d’une finalité politique. Le Gouvernement y trouve l’occasion de recueillir le point de vue du Parlement, et, le cas échéant, de s’en prévaloir lors des négociations avec les autres Etats membres.

Pour autant, comme toute construction juridique, ce mécanisme globalement satisfaisant reste perfectible. Au delà des lourdeurs inhérentes à la répartition des tâches entre commissions permanentes et délégations, de nombreuses réflexions, que se soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, mettent en exergue, depuis quelque temps, les lacunes d’un dispositif dont la rédaction est considérée comme excluant de trop nombreux projets d’actes ou documents du champ de compétence du Parlement. De fait, beaucoup de ces travaux militent en faveur d’un élargissement du champ d’application de l’article 88-4, jugé en l’état trop restrictif.

Votre rapporteur partage ce point de vue. L’analyse du “ vécu ” de l’article 88-4 atteste que celui-ci comporte quelques faiblesses. Sans en remettre en cause la finalité, sans altérer l’équilibre de nos institutions, une réforme est possible et souhaitable, de sorte que l’outil mis à disposition du Parlement devienne encore plus efficace au regard des objectifs qui lui sont assignés. On sera d’autant plus conforté dans cette démarche que le ministre délégué aux affaires européennes et le premier ministre ont récemment admis que le souci de l’amélioration des conditions dans lesquelles le Parlement peut connaître des projets d’actes émanant de la communauté ou de l’Union est légitime. L’examen du présent projet de loi constitutionnelle le rend, de surcroît, opportun à plus d’un titre.

D’abord, le Traité d’Amsterdam innove puisque un de ses protocoles, qui a la même valeur normative, est relatif “ au rôle des parlements nationaux dans l’union européenne ”. Il prévoit ainsi l’information accrue des parlements et, de manière plus substantielle, la mise à disposition d’un délai minimum de six semaines entre le moment ou un projet est transmis au parlement européen et au Conseil et son inscription à l’ordre du jour de ce dernier. Il assure, en outre, la reconnaissance et le renforcement de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (C.O.S.A.C.), laquelle peut désormais soumettre aux institutions toute contribution aux projets d’actes transmis et, de sa propre initiative, examiner toute proposition d’acte législatif relatif à la mise en place de l’espace de liberté et de justice.

Ensuite, rappelons, pour mémoire, que ce même traité comporte des avancées non négligeables s’agissant du deuxième et troisième pilier, matières qui concernent bien souvent les Parlements nationaux.

Dans ce contexte, votre rapporteur suggère deux pistes de réflexion visant à étendre la portée de l’article 88-4, moyennant le respect de deux préalables intangibles.

En premier lieu, cette réforme ne saurait s’affranchir de la distinction entre la loi et le règlement assurée par les articles 34 et 37 de notre loi fondamentale. De fait, beaucoup d’observateurs contestent la pertinence de la rédaction actuelle de l’article 88-4, lequel limite la compétence du Parlement aux propositions d’actes communautaires de nature législative. Reconnaissons que les arguments qu’ils invoquent ne sont pas toujours infondés qu’il s’agisse de la relativité de la séparation prônée par la Constitution dès lors que le Parlement légifère souvent en matière réglementaire, de l’inapplicabilité de ce critère à l’exercice d’une fonction consultative, de son absence de pertinence à l’égard de la législation communautaire ou encore des limites inhérente aux avis du Conseil d’Etat, chargé d’assurer le filtrage des documents en application des circulaires du premier ministre. Pour autant, ces jugements ne suffisent pas à justifier le bouleversement constitutionnel que représenterait la remise en cause de la summa divisio sur laquelle repose actuellement la séparation des pouvoirs.

En second lieu, une modification de l’article 88-4 ne peut pas servir de prétexte pour porter atteinte à la prépondérance de l’exécutif dans la gestion des relations internationales. Cette position de principe conduit à s’opposer non seulement à toute immixtion du Parlement dans les négociations relatives à la modification du droit originaire mais aussi dans l’élaboration du droit dérivé lorsque celui-ci continue à relever, quelle que soit la modalité particulière de prise de décision, de la négociation interétatique.

Une fois ainsi dessinées les limites de l’épure, la marge de manoeuvre reste cependant très significative.

L’extension du champ d’application de l’article 88-4 par la transmission aux assemblées des actes des deuxième et troisième pilier, dans la mesure où ils sont de nature législative, apparaît un point acquis. Précisons toutefois que l’essentiel des propositions relatives au deuxième pilier ne sera pas de nature législative et que les mesures du troisième pilier transférées dans le premier constitueront des actes communautaires. En revanche, le Parlement sera ainsi étroitement associé aux projets concernant la coopération policière, douanière et judiciaire dans le domaine pénal, matières essentielles qui lui échapperait en l’absence de réforme.

Reste pendante la question des autres catégories de projets : propositions d’actes à caractère réglementaire ; documents qui ne portent ni sur des actes communautaires ni sur des actes de l’Union – documents de consultation de la commission, accords interinstitutionnels –, exclus de la saisine du Parlement puisque la rédaction actuelle ne vise que les actes transmis au Conseil. S’agissant de cette dernière catégorie, votre rapporteur n’ignore pas que nombreux sont ceux qui plaident en faveur de leur soumission au fin d’adoption de résolutions.

Certes, les documents de consultation de la commission, qui interviennent très en amont du processus de décision, constituent souvent l’ébauche de programmes d’action essentiels de l’Union, comme ce fût le cas du document intitulé “ Agenda 2000 ”. Il faut souligner que le Parlement est cependant destinataire de ces projets depuis 1994, mais il est vrai qu’il ne peut se prononcer par des résolutions.

Faut-il pour autant les inclure d’office dans le champ des soumissions systématiques ? On peut en douter compte tenu de la nature de ces actes, par définition prospectifs, et de la difficulté à isoler ceux qui relèvent du domaine législatif. Mutatis mutandis, ces observations sont valables pour les accords interinstitutionnels, étant entendu que ces derniers participent souvent, de surcroît, d’une logique interétatique.

Aussi, pour concilier ces points de vue, votre rapporteur propose de s’en remettre à une formule facultative. Quelle que soit la nature juridique de ces propositions d’actes ou de ces documents, quel que soit leur mode de transmission, le Gouvernement aurait ainsi la possibilité de les soumettre aux assemblées, lesquelles pourraient alors se prononcer par le truchement d’une résolution. Une telle option permettrait de contourner les obstacles juridiques et pratiques s’opposant à une transmission systématique de ces projets tout en en conservant l’intérêt politique.

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AUDITIONS

de Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice

et de M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a d’emblée indiqué que le Gouvernement souhaitait la ratification par le Parlement du Traité d’Amsterdam signé le 12 octobre 1997 qui, s’il n’apportait pas toutes les réponses souhaitables, notamment en matière institutionnelle, constituait une avancée significative, spécialement en matière de coopération policière et judiciaire dans le cadre du “ troisième pilier ”. Mais elle a rappelé que, préalablement à cette ratification, la Constitution devait être révisée, comme l’avait jugé le Conseil constitutionnel, le 31 décembre 1997, sur saisine conjointe du Président de la République et du Premier ministre en date du 4 décembre 1997. Elle a précisé que le Conseil avait considéré que constituaient des transferts de compétences pouvant porter atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale contraires à la Constitution, d’une part l’application éventuelle, dans cinq ans, de la procédure de codécision au profit du Parlement européen et de la majorité qualifiée au sein du Conseil, pour les règles de franchissement des frontières intérieures, les modalités de contrôle des personnes aux frontières extérieures, ainsi que les politiques d’asile et d’immigration, d’autre part, l’application de plein droit de la codécision aux règles relatives aux visas. La garde des sceaux a indiqué qu’en conséquence, le présent projet de loi constitutionnelle proposait de modifier et de compléter l’article 88-2 de la Constitution, afin que puissent “ être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés ”. Elle a signalé que cette rédaction ne concernait pas seulement le franchissement de frontières et renvoyait très directement à l’intitulé du titre III A du Traité d’Amsterdam, dans lequel figurent les articles considérés comme portant atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté par le Conseil constitutionnel.

La ministre de la justice a ensuite évoqué les probables initiatives parlementaires tendant à introduire, par amendement à l’article 88-2, des conditions à l’acceptation ou au refus du passage à la procédure de codécision dans cinq ans, que ce soit en prévoyant un référendum ou une autorisation préalable par une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Elle a annoncé que le Gouvernement s’opposerait à de telles propositions, dont elle a souligné qu’elles rendraient inutile et inopérante la révision constitutionnelle actuellement en cours. Elle a insisté sur le fait que le Conseil constitutionnel avait justement considéré que le passage de la règle de l’unanimité à celles de la majorité qualifiée ou de la procédure de codécision ne nécessiterait, le moment venu, aucun acte de ratification ou d’approbation. Envisageant ensuite diverses autres modifications constitutionnelles qui pourraient être susceptibles d’être proposées par voie d’amendement à l’occasion de la présente révision, elle a affirmé que les équilibres institutionnels définis par la Constitution seraient la seule référence guidant le Gouvernement, estimant qu’il ne pouvait être question de les modifier, qu’il s’agisse des rôles respectifs du Gouvernement et du Parlement ou, encore, du contenu du domaine de la loi énoncé à l’article 34 de la Constitution. S’agissant de l’amélioration des moyens d’information du Parlement, elle a considéré que rien ne s’opposait à ce qu’une modification de l’article 88-4 de la Constitution permette au Parlement de se prononcer sur les propositions d’actes portant sur l’ensemble de la construction européenne, y compris le deuxième et le troisième pilier, tout en insistant sur la nécessité de respecter le champ des compétences respectives de la loi et du règlement. Evoquant ensuite l’idée d’inscrire dans la Constitution un mécanisme de délai minimum d’examen, par exemple d’un mois, des propositions d’actes communautaires par le Parlement, elle a indiqué que le Gouvernement considérait suffisantes les règles prévues par la circulaire du 19 janvier 1994, la fixation de délais impératifs dans la Constitution lui semblant, non seulement une rigidité peu opportune, mais surtout une profonde altération des équilibres constitutionnels, comme en avait jugé le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 12 janvier 1993 relative au règlement du Sénat, avait considéré que le Gouvernement qui “ détermine et conduit la politique de la Nation ”, devait pouvoir recueillir l’avis du Parlement dans un délai éventuellement inférieur à un mois. Elle a enfin annoncé que le Gouvernement ne pourrait qu’être opposé à des amendements tendant à permettre au Conseil constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des actes communautaires dérivés, pour au moins deux raisons : d’une part, une telle procédure risquerait de remettre en cause l’édifice juridique communautaire permettant à chaque Etat membre de déférer ces actes devant la Cour de justice des Communautés européennes, d’autre part, conformément au Traité d’Amsterdam notamment, et sous le contrôle de la Cour, les actes de droit dérivés ne peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux formulés dans la Convention européenne des droits de l’Homme et aux principes généraux résultant des traditions communes aux Etats membres. En conclusion, la ministre de la justice, tout en rappelant que le Gouvernement ne serait pas opposé à d’éventuels amendements étendant les pouvoirs de contrôle et d’information du Parlement dans le respect du domaine actuel de la loi, a insisté pour que soit écartée toute remise en cause des équilibres constitutionnels, concernant les pouvoirs du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement.

Après avoir rappelé que la perspective de la ratification du Traité d’Amsterdam était à l’origine de la présente révision constitutionnelle, M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, a considéré que ce traité, signé il y a plus d’un an et d’ores et déjà ratifié par la plupart de nos partenaires, n’était pas entièrement satisfaisant, compte tenu de l’absence de réforme institutionnelle. Il a estimé qu’il s’agissait à la fois d’un complément et d’une correction au traité de Maastricht qui, en créant le troisième pilier, avait intégré dans les questions d’intérêt commun des sujets faisant auparavant l’objet d’une coopération intergouvernementale assez limitée et maintenue en dehors des structures communautaires. Il a rappelé que l’évolution de l’immigration et de la criminalité ayant montré que les instruments et les procédures existants ne permettaient pas au Conseil d’apporter une réponse efficace à ces phénomènes, le Gouvernement français avait donné son accord de principe à la communautarisation de ces matières, souhaitée par l’Allemagne, tout en insistant sur la nécessité d’en définir précisément les modalités, notamment en ce qui concerne les conditions permettant d’assurer la sécurité au sein de “ l’espace Schengen ”. Il a indiqué que la France avait souhaité qu’un lien juridique fort et concret soit établi entre liberté et sécurité, l’espace de libre circulation ne pouvant se réaliser que si les mesures indispensables à la sécurité étaient mises en œuvre par les Etats membres et les contrôles aux frontières intérieures ne pouvant être supprimés que si les contrôles aux frontières extérieures étaient dûment assurés et la coopération judiciaire et policière renforcée. A cet égard il a rappelé que la suppression des contrôles aux frontières ne pourrait être décidée par le Conseil qu’à l’unanimité et à partir d’un rapport détaillé sur l’effectivité des dispositifs mis en place, le Conseil disposant de cinq années après l’entrée en vigueur du traité pour mettre en œuvre les mesures nécessaires. Il a souligné que la Constitution était révisée afin de permettre à la France, au terme de ces cinq années, d’être en mesure de participer à la définition d’une politique commune à la majorité qualifiée. Il a souhaité que cette échéance ne soit pas considérée comme un risque ou une menace d’être mis en minorité, mais comme le seul moyen de progresser au sein de l’Union en constituant des majorités autour des positions françaises. Il a considéré que, même si tous les Etats membres n’avaient pas la même appréciation des phénomènes d’asile et d’immigration pour des raisons culturelles et historiques, l’Union européenne était perçue comme un ensemble homogène et une zone d’attraction par les pays d’émigration. Il a souhaité que la réflexion sur l’élaboration d’une politique commune en la matière soit engagée dès à présent, sans attendre que les cinq années se soient écoulées. Enfin, insistant sur les avancées contenues dans le Traité d’Amsterdam, il a souligné que, parallèlement aux travaux menés dans les matières liées à la libre circulation, la sécurité serait renforcée grâce au développement de la coopération judiciaire et policière, la coopération judiciaire civile étant également communautarisée dans la mesure où elle est liée à la libre circulation au sein du marché intérieur.

Abordant les domaines autres que ceux relevant du troisième pilier, le ministre délégué a estimé que des correctifs puissants, dans le sens d’une Europe prenant mieux en compte les préoccupations quotidiennes de ses citoyens, avaient été introduits dans le Traité d’Amsterdam. Il a ainsi évoqué le chapitre consacré à la lutte pour l’emploi, mise sur le même plan politique que la stabilité économique, le chapitre social prévoyant notamment le rapprochement des législations, des dispositions relatives à la santé et à l’environnement, la reconnaissance de la spécificité des services publics et, enfin, le renforcement des dispositions relatives aux droits de l’homme, à la non-discrimination, au principe d’égalité entre hommes et femmes et aux droits sociaux fondamentaux. Evoquant le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune, il a estimé que l’Union s’était dotée de moyens lui permettant de renforcer sa capacité d’agir sur la scène internationale, tant dans le domaine de l’action humanitaire que du maintien de la paix, grâce à la désignation d’un Haut représentant et à l’amélioration des procédures résultant d’un nouvel instrument adopté à l’initiative de la France, la stratégie commune, dont les mesures d’application pourront être adoptées à la majorité qualifiée.

Considérant que l’absence de véritable réforme institutionnelle d’ensemble justifiait que le Gouvernement soit attentif aux propositions d’amélioration émanant des parlementaires,. le ministre délégué a estimé que, malgré cette lacune, des progrès avaient été enregistrés à Amsterdam, qu’il s’agisse de la faculté de mettre en place des coopérations renforcées entre les Etats membres souhaitant aller plus avant dans la construction européenne, de la possibilité pour le Conseil de statuer sur un plus grand nombre de sujets à la majorité qualifiée, de l’approbation de la nomination du Président de la Commission par le Parlement européen ou du renforcement du rôle de celui-ci. Concernant les Parlements nationaux, il a rappelé que le Traité d’Amsterdam contenait un protocole sur leur rôle –  à l’adoption duquel la France avait beaucoup contribué parce qu’il lui paraissait fondamental de les associer plus étroitement aux travaux communautaires  – qui prévoyait, notamment, une amélioration des délais de transmission et de consultation. Il a indiqué que le Gouvernement était néanmoins ouvert à une amélioration du contrôle du Parlement français sur les textes européens, l’article 88-4 de la Constitution méritant d’être complété. Il a estimé tout à fait normal que les assemblées puissent se prononcer, à l’avenir, sur les questions touchant à la sécurité et à la justice, y compris sur les dispositions demeurant dans le troisième pilier, ainsi que sur certaines décisions relevant du domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune.

En conclusion, le ministre délégué a estimé que, malgré quelques lacunes, le Traité d’Amsterdam comportait des avancées concrètes dans le sens d’une Europe plus respectueuse des droits et des aspirations des citoyens, plus présente sur la scène internationale et constituant un espace commun de liberté, de sécurité, de justice et de solidarité. Il a invité les parlementaires, une fois la Constitution révisée, à autoriser la ratification du Traité d’Amsterdam, estimant qu’aucune raison ne justifiait de refuser ce qu’il contenait.

Le rapporteur a indiqué qu’il souhaitait exprimer deux points d’accord avec le Gouvernement et lui poser une question.

S’agissant du premier point d’accord, il a estimé que la révision constitutionnelle soumise au Parlement relevait d’une démarche connue. Rappelant que le Traité d’Amsterdam avait été négocié par le Gouvernement d’Alain Juppé, et qu’il était présenté au Parlement par la nouvelle majorité, il a fait observer que la saisine du Conseil constitutionnel préalable à cette révision avait été le fruit d’une démarche conjointe du Président de la République et du Premier ministre. Il a souligné que la décision du juge constitutionnel était de même nature que celle qu’il avait rendue en 1992 à propos de la conformité à la Constitution du Traité de Maastricht, rappelant qu’une révision de la Constitution était nécessaire chaque fois qu’un traité prévoit ou organise un transfert de compétences portant atteinte à l’exercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale. A cet égard, il a expliqué que la communautarisation du troisième pilier, au même titre que la mise en place de l’Union économique et monétaire, entrait dans ce cadre.

S’agissant du second point d’accord avec le Gouvernement, il a considéré que la révision constitutionnelle rendue nécessaire par le passage à un système de majorité qualifiée en matière de déplacement des personnes, de délivrance des visas et de droit d’asile, ne devait pas être l’occasion de modifier les équilibres généraux de la Constitution. Il a ainsi jugé que la mise en place d’une veille constitutionnelle en matière de droit communautaire dérivé et que l’exigence d’une seconde ratification du Traité n’étaient pas recevables. Il a en effet remarqué que le contrôle du droit dérivé par le Conseil constitutionnel n’était pas pertinent dans la mesure où il revenait à la Cour de justice des communautés européennes de contrôler la conformité de ce droit aux traités, eux-mêmes soumis au contrôle de constitutionnalité au titre de l’article 54 de la Constitution. Dans le même temps, il a estimé que la généralisation d’une telle réserve de constitutionnalité à l’égard du droit communautaire dérivé chez l’ensemble de nos partenaires aboutirait à remettre en cause le principe même de l’Union. Il a également noté qu’en matière de défense des droits fondamentaux, le Traité d’Amsterdam invitait au respect des stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a par ailleurs expliqué qu’une décision du Parlement liant l’exécutif dans la conduite des relations internationales n’était pas envisageable et remettait en cause l’équilibre institutionnel de la Vème République. Poursuivant ce propos, il a fait observer qu’une résolution pourrait être adoptée par le Parlement afin d’obtenir du Gouvernement qu’il précise sa position au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne.

Enfin, il a interrogé le Gouvernement sur le point de savoir s’il convenait d’améliorer la procédure de contrôle des actes communautaires prévue par l’article 88-4 de la Constitution, ayant fait observer que le protocole n° 13 du Traité d’Amsterdam invitait les Etats membres à accroître l’information des parlements nationaux. Il a manifesté le souhait que l’ensemble des actes communautaires des premier, deuxième et troisième piliers relevant du domaine législatif, soient soumis au contrôle du Parlement. Observant que le partage des actes entre le domaine législatif et le domaine réglementaire, tel qu’il était défini par le Conseil d’Etat, conduisait à écarter certains actes politiquement importants du contrôle parlementaire, il s’est demandé s’il ne serait pas possible que le Gouvernement ait la faculté de transmettre au Parlement d’autres actes que ceux relevant strictement du domaine législatif.

Soulignant qu’il n’était pas dans son intention de bouleverser l’équilibre des institutions à l’occasion des révisions constitutionnelles et se félicitant que nombre d’anciens détracteurs de la Constitution se rallie à l’équilibre des pouvoirs qu’elle a institués, M. Robert Pandraud s’est tout d’abord étonné que le Gouvernement puisse d’emblée manifester son opposition à des amendements qui n’avaient pas encore été déposés. Il a ensuite interrogé M. Pierre Moscovici sur le point de savoir si le Gouvernement réitérerait son attachement au compromis de Luxembourg, comme il l’avait fait, lors de la révision constitutionnelle précédant la ratification du traité de Maastricht. Evoquant la question de l’instauration éventuelle d’un contrôle de constitutionnalité du droit communautaire, il a rappelé que les propositions formulées par certains parlementaires tendaient à assurer un contrôle, non seulement du droit dérivé, mais aussi des projets ou propositions d’actes avant leur adoption par les institutions européennes. Enfin, abordant l’extension du champ d’application de l’article 88-4, il a estimé que les résolutions adoptées par chaque assemblée devaient être comprises comme un moyen d’aider le Gouvernement à faire prévaloir le point de vue national dans la négociation européenne, considérant qu’il n’y aucun inconvénient à conférer aux assemblées des Etats membres un pouvoir d’avis, celui-ci participant du nécessaire contrôle démocratique des institutions européennes. A cet égard, il a contesté la distinction opérée selon que les projets d’actes soient de nature législative ou réglementaire, rappelant que le Parlement ne se privait pas de légiférer dans des matières réglementaires.

Tout en soulignant que le groupe communiste était hostile au Traité d’Amsterdam, M. Jacques Brunhes, rappelant que le pouvoir constituant s’apprêtait à réviser pour la douzième fois la Constitution de 1958, a admis que celle-ci devait s’adapter aux changements mais a souhaité que cette révision, à l’inverse de celle de 1992, ne donne pas lieu à l’adoption de véritables cavaliers sans rapport avec le projet de loi constitutionnelle.

Intervenant en application de l’article 38 du Règlement, Mme Nicole Ameline a estimé que l’Assemblée nationale devait profiter de la révision constitutionnelle pour élargir le contrôle du Parlement et aller au-delà des propositions formulées par M. Henri Nallet en instituant un véritable droit de communication des actes communautaires au profit des délégations européennes. Après avoir rappelé que l’Europe devait commencer à Paris, elle a fait valoir qu’une meilleure intégration de la dimension européenne dans l’ordre juridique interne était un moyen de réduire le déficit démocratique que tout le monde déplore.

M. Henri Plagnol a d’abord exprimé son accord sur les propos liminaires des ministres. Puis il a demandé des précisions sur la déclaration interprétative relative à la réforme institutionnelle que la France pourrait formuler à l’occasion de la ratification du Traité et a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur la réforme de la pondération lors des votes à la majorité qualifiée.

En réponse aux intervenants, la garde des sceaux a apporté les précisions suivantes :

—  Le Gouvernement considère que la Constitution de 1958 n’est pas intangible mais il estime inopportun d’engager un vaste débat d’ensemble sur les équilibres institutionnels au détour d’une révision constitutionnelle limitée, uniquement destinée à permettre la ratification d’un traité européen.

—  Dans la mesure où le gouvernement d’alors a accepté, en 1992, que le Parlement puisse se prononcer sur les actes ressortissants au premier pilier, il ne serait pas illégitime qu’il en fasse aujourd’hui de même pour ceux relevant des deuxième et troisième piliers, domaines qui sont renforcés par le traité d’Amsterdam. S’agissant de la possibilité donnée au Gouvernement de soumettre aux assemblées les propositions d’actes de nature non législative ou les documents de consultation, il est possible d’y réfléchir, étant entendu que la loi n° 90-385 du 10 mai 1990 oblige déjà l’exécutif à transmettre tous les projets d’actes et de documents aux fins d’information.

—  On ne peut établir une distinction entre les fonctions consultatives et normatives du Parlement pour motiver une extension du champ d’application de l’article 88-4 vis-à-vis des projets d’actes de nature réglementaire car, en définitive, les assemblées émettent des votes sur les projets de résolution. Par ailleurs, les dérogations au partage des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution à l’occasion du vote des lois suppose l’aval du Gouvernement qui est toujours en mesure de faire respecter le domaine réglementaire. Le Gouvernement ne peut donc que s’opposer aux amendements qui tendraient à permettre au Parlement de procéder à des votes sur des propositions d’actes de nature réglementaire.

—  S’il est effectivement souhaitable de s’en tenir à la révision constitutionnelle nécessaire pour la ratification du Traité, un aménagement éventuel de l’article 88-4 à cette occasion est logique, compte tenu de son objet même.

Puis, le ministre délégué aux affaires européennes a apporté les précisions suivantes :

—  Le Gouvernement ne souhaite pas fuir le débat sur le compromis de Luxembourg, étant entendu qu’il s’agit d’un accord politique dont la portée juridique demeure imprécise, assimilable à un “ accord sur un désaccord ”, permettant d’éviter que la majorité du Conseil n’impose sa volonté à un Etat membre qui considère que ses intérêts vitaux sont en jeu, ce texte n’ayant d’ailleurs jamais été appliqué depuis l’entrée en vigueur de l’Acte unique. Il convient, cependant, de souligner que le Traité d’Amsterdam contient expressément un certain nombre de dispositions qui participent de la même logique, notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune et de mesures relevant du troisième pilier.

—  Le Gouvernement actuel a toujours stigmatisé les lacunes du Traité s’agissant des réformes institutionnelles, sachant que celles-ci sont d’ores et déjà indispensables en dehors même de toute perspective d’élargissement. De ce point de vue, il pourrait approuver l’éventuelle adjonction d’un article additionnel au projet de loi de ratification, aux termes duquel la République indiquerait solennellement qu’elle estime insuffisantes les modifications apportées par le Traité au fonctionnement des institutions de l’Union.

—  Certaines réformes, telles que celles touchant au fonctionnement de la commission ou à l’amélioration des conseils spécialisés, ne nécessitent pas une modification des traités. En revanche, le débat majeur concerne la réforme de la commission –  qui apparaît trop nombreuse et insuffisamment hiérarchisée  – et la modification de la procédure de vote à la majorité qualifiée. Sur ce dernier point, le Gouvernement, tout en étant partisan de la généralisation de cette procédure, estime primordiale une amélioration des règles actuelles de pondération des voix, les réflexions pouvant, par exemple, porter sur l’exigence d’une double majorité politique et démographique.

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DISCUSSION GÉNÉRALE

Après l’exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Après avoir rappelé que le débat ne portait pas sur le contenu et l’opportunité du Traité d’Amsterdam, Mme Nicole Catala a souhaité insister sur la modification proposée par le rapporteur pour renforcer les prérogatives du Parlement en matière d’examen des propositions d’actes communautaires. Soulignant qu’en la matière, le Parlement français exerçait une fonction de contrôle, non de législation, seuls le Conseil et le Parlement européen disposant du pouvoir d’édicter des normes communautaires, elle s’est demandé pourquoi le Parlement français devrait se cantonner aux dispositions de nature législative à l’exclusion de celles à caractère réglementaire, au sens des articles 34 et 37 de la Constitution. Ayant fait observer à cet égard que la summa divisio établie par ces articles était dénuée de toute pertinence en droit communautaire, elle a constaté que le principe actuel d’une saisine ne portant que sur les projets d’actes à caractère législatif conduisait parfois le Parlement à se prononcer sur des textes de faible portée, alors que des actes aussi fondamentaux que les accords de partenariat en vue de l’adhésion à la Communauté ne lui étaient pas transmis. Elle a également rappelé que les actes adoptés par la Commission en vertu de ses pouvoirs propres n’étaient pas transmis au Conseil des Communautés et n’étaient donc pas soumis au Parlement, et a souligné, pour le regretter, que très peu d’actes concernant des matières du deuxième pilier avaient été communiqués au Parlement. Elle a considéré qu’en fait, il convenait de repenser l’article 88-4 de la Constitution dans toutes ses composantes, en reconnaissant au Parlement français une fonction de contrôle à part entière, le mettant au même rang que le Parlement européen et que la plupart des autres parlements nationaux, évoquant, à cet égard, le Royaume-Uni où tous les actes sont transmis aux chambres, qui choisissent ceux dont elles se saisiront. Elle a conclu en estimant la proposition du rapporteur trop timide, notamment parce qu’elle permettrait au Gouvernement de décider du champ d’application du contrôle, alors qu’il serait de l’intérêt du Parlement de renforcer autant que possible le contenu de la réforme constitutionnelle.

Après avoir rappelé les modalités du vote par les assemblées de résolutions portant sur des projets d’actes communautaires telles qu’elles sont prévues par l’article 88-4 de la Constitution dans sa rédaction actuelle, M. Pascal Clément a demandé au rapporteur de lui confirmer que, dans le cas où les deux assemblées auraient exprimé leur opposition à un projet d’acte communautaire, rien n’interdirait cependant qu’il soit adopté par le Conseil des ministres européen, si le ministre français compétent était absent ou ne se faisait pas l’écho de l’opposition du Parlement. Dans ces conditions, il a jugé que la saisine des assemblées présentait un caractère plus formel que réel. Il a ensuite estimé que, la distinction française entre les domaines de la loi et du règlement n’étant mise en œuvre ni dans les autres Etats membres ni en droit communautaire, cette source de rigidité propre à la France ne devait plus être prise en compte dans la procédure de saisine du Parlement. Il a enfin souhaité que le Parlement soit associé à la phase préalable de négociation des traités.

Intervenant en application de l’article 38 du Règlement, M. Michel Vauzelle a fait connaître que la Commission des affaires étrangères avait exprimé ce matin un avis favorable à l’adoption du projet de loi constitutionnelle. Il s’est fait son interprète pour exprimer le souci d’une double exigence : approfondir l’évolution institutionnelle de la Communauté, renforcer le rôle du Parlement français, détenteur de la souveraineté de la Nation. Il a déclaré que la Commission des affaires étrangères partageait le souci du Gouvernement et du rapporteur de préserver les grands équilibres constitutionnels et considérait la présente révision comme une avancée souhaitable dans les circonstances présentes.

Intervenant en application de l’article 38 du Règlement, M. René André a indiqué qu’il entendait développer une argumentation de nature plus politique que juridique. Constatant que nos concitoyens déploraient le déficit démocratique dans le fonctionnement des institutions européennes, ressentaient ce fonctionnement comme ésotérique et considéraient que le principe de subsidiarité n’était pas respecté, il a insisté pour que la révision constitutionnelle soit mise à profit pour engager une réforme vigoureuse de nature à dissiper ce sentiment, qui freine les progrès de la construction européenne. Il a plaidé pour un élargissement du contrôle parlementaire, non seulement aux deuxième et troisième piliers, mais aussi aux actes préparatoires, comme les “ livres verts ”, aux accords institutionnels et à tous les actes communautaires, hormis ceux de pure exécution. Il s’est demandé s’il ne conviendrait pas de conférer valeur constitutionnelle au délai dit de “ réserve parlementaire ”, de six semaines, permettant au Parlement d’examiner les projets d’actes et de mettre en place une sorte de “ veille constitutionnelle ” permettant une saisine rapide du Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la constitutionnalité des projets d’actes communautaires. Il a suggéré que les résolutions votées par l’Assemblée nationale et le Sénat soient soumises à une sorte de commission mixte paritaire susceptible de donner un poids tout particulier aux positions communes des deux assemblées sur les sujets les plus importants. Il a estimé enfin que le Parlement ne pourrait pas être mis à l’écart lors du passage, dans cinq ans, de la règle de l’unanimité à celle de la majorité.

Constatant que le traité d’Amsterdam suscitait d’aussi vives critiques à gauche qu’à droite, M. Jean-Pierre Michel s’est étonné que l’on souhaite réviser la Constitution pour permettre sa ratification. Rappelant que cette révision était imposée par la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997, qui avait jugé que certaines stipulations du traité étaient contraires à l’exercice de la souveraineté nationale, il a regretté que la haute juridiction ne se soit pas, par ailleurs, interrogé sur les atteintes à la souveraineté résultant des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes.

Evoquant les trois dernières modifications de l’ordonnance du 2 novembre 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers intervenues depuis 1993, il a fait observer qu’elles se trouveraient privées de toute portée si le traité d’Amsterdam entrait en vigueur puisqu’il aurait pour effet de retirer à chaque Etat membre de l’Union européenne la maîtrise des questions d’immigration dans un délai de cinq ans. Il a exprimé son inquiétude sur le sort de l’accord de Schengen au terme de ce délai et sur la situation d’Etats tels que le Royaume Uni ou la Suède qui, tout en étant tenus par les obligations contractées lors de la ratification du traité d’Amsterdam, n’étaient pas intégrés dans l’“ espace Schengen ”, la Suède pouvant être tentée, par ailleurs, d’abandonner ses accords particuliers avec ses voisins scandinaves.

Considérant qu’en confiant aux instances européennes la conduite de la politique d’immigration, après avoir opté pour la politique de l’union monétaire, on s’engageait sur la voie d’une Europe fédérale, il a regretté que ce choix politique ne soit pas plus clairement annoncé. Il a rappelé qu’il existait trois options pour la construction européenne : celle de l’Europe fédérale préconisée par l’Allemagne, celle de l’Europe confédérale, souhaitée par le Président François Mitterrand jusqu’à ce qu’il consente à signer le traité de Maastricht en contrepartie de la renonciation par l’Allemagne au Deutsche Mark au profit de l’Euro, celle enfin d’une Europe qui ne serait qu’une zone de libre échange. Constatant que c’est la première option qui semblait désormais retenue, même si ce choix n’était pas clairement énoncé, il a indiqué que les députés du Mouvement des citoyens ne voteraient ni le projet de loi de révision constitutionnelle ni le projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam. Il a précisé que, compte tenu de ce choix de principe, les amendements qu’il avait déposés en commission ne seraient sans doute pas repris en séance, ajoutant qu’il lui semblait inutile de prévoir un renforcement de l’information du Parlement français sur les actes communautaires, dès lors que l’on s’engageait dans un processus d’abdication de la souveraineté nationale.

Après avoir pris acte du fait que les divergences au sein de la majorité sur les questions européennes étaient aussi fortes que celles qui existent dans l’opposition, M. Robert Pandraud a considéré que l’hostilité du Gouvernement à une extension du champ de compétence des assemblées en matière d’examen des projets d’actes communautaires tenait en réalité à sa crainte que le Parlement n’intervienne dans les débats sur la fixation des prix agricoles, et ne remette ainsi en cause la politique agricole commune par l’effet conjugué d’oppositions de tous bords. Rappelant qu’il s’était opposé, en son temps, à l’autorisation de la ratification du traité de Maastricht, parce que celui-ci reconnaissait une indépendance à l’Institut monétaire européen, il a indiqué qu’il était, en revanche, favorable au traité d’Amsterdam qui devrait permettre la mise en place d’une véritable politique européenne d’immigration, se substituant aux politiques nationales qui ont échoué. Il a souhaité que le Gouvernement confirme qu’il resterait possible de recourir au compromis de Luxembourg en cas de désaccord fondamental sur une décision prise par l’Union. Regrettant que les pouvoirs de négociation au sein des instances européennes soient en fait exercés par de hauts fonctionnaires, il s’est demandé s’il ne serait pas possible que le Parlement soit représenté au sein des délégations participant aux négociations, comme l’avait proposé M. Alain Lamassoure en 1991. Il a conclu son propos en indiquant qu’il se prononcerait pour l’extension du champ d’application de l’article 88-4 de la Constitution et voterait le projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur s’est d’abord inscrit en faux contre le fait que la distinction opérée par l’article 88-4 de la Constitution entre les dispositions législatives et réglementaires ne correspondrait pas à la nature des textes communautaires et, de ce fait, permettrait à beaucoup d’entre eux d’échapper au contrôle du Parlement. Il a, au contraire, considéré que la possibilité offerte aux assemblées d’adopter des résolutions sur des actes communautaires de portée législative, possibilité que son amendement étend aux matières du deuxième et du troisième piliers, aboutissait en fait à soumettre l’essentiel des textes au contrôle parlementaire, à la seule exception des accords institutionnels et des rapports. Il a par ailleurs souligné que la loi n° 90-385 du 10 mai 1990 permettait au Parlement d’obtenir tous les documents souhaités et de rédiger sur ceux-ci des rapports d’information, comme l’a fait récemment la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne avec le rapport sur l’Agenda 2000. Observant que l’amendement qu’il proposait rendait également possible le vote d’une résolution, à la demande du Gouvernement, sur un document qui, sans être de nature législative, serait jugé politiquement important, il a considéré que l’ensemble de ces dispositions permettrait de répondre aux préoccupations exprimées par certains commissaires. Il a enfin rappelé que les traités n’étaient pas des actes communautaires de droit dérivé mais relevaient de l’article 52 de la Constitution qui donne compétence au Président de la République pour négocier les traités.

S’agissant de la nature des résolutions, il a considéré qu’elles relevaient davantage de la fonction législative du Parlement que de sa fonction de contrôle, soulignant en outre que leur absence de portée juridique ne les empêchait pas d’avoir un impact politique fort qui pouvait être utilisé par le Gouvernement comme un moyen de pression dans les négociations intergouvernementales.

Observant que, depuis 1958, le Parlement n’avait été que très progressivement associé aux affaires communautaires, l’exécutif conservant un rôle prééminent, il s’est interrogé sur la possibilité, évoquée par M. Pascal Clément, d’adopter une approche différente en prévoyant une consultation préalable du Parlement pendant la phase d’élaboration des traités.

Il a enfin déclaré partager les réflexions de M. Robert Pandraud sur la volonté du Gouvernement d’éviter que le Parlement ne se saisisse du dossier des prix agricoles.

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* *

EXAMEN DES ARTICLES

Avant l’article unique

La Commission a d’abord été saisie de deux amendements ayant le même objet, l’amendement n° 10 présenté par M. Jacques Myard et un amendement présenté par Mme Nicole Catala, tendant à insérer dans la Constitution des dispositions aux termes desquelles la souveraineté nationale est inaliénable. Mme Nicole Catala a précisé que ces amendements conduisaient à faire figurer expressément dans la Constitution le principe selon lequel les transferts de souveraineté ne sont pas définitifs. Après que M. Gérard Gouzes eut estimé que cette proposition participait du même raisonnement que celui tenu par les opposants au Traité de Maastricht et que le rapporteur eut souligné que la notion de souveraineté nationale n’avait pas de valeur supraconstitutionnelle, ainsi que l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans la décision dite “ Maastricht II ” du 2 septembre 1992, la Commission a rejeté ces amendements.

Elle a ensuite examiné l’amendement n° 11 de M. Jacques Myard prévoyant que la loi votée par le Parlement ou adoptée par référendum s’impose à toute autorité française en dépit de l’existence d’un traité ou d’un accord international qui lui est antérieur. Le rapporteur a fait observer que cet amendement revenait sur la jurisprudence bien établie du Conseil d’Etat et de la cour de cassation consacrant la primauté des traités sur les lois même postérieures. M. Gérard Gouzes a considéré que l’adoption de cette proposition permettrait de remettre en cause par une simple loi tous les engagements internationaux. Après que M. Robert Pandraud eut souligné que la remise en cause d’un acte communautaire par une loi entraînerait inévitablement une condamnation par la Cour de justice des Communautés, la Commission a rejeté cet amendement ainsi que les amendements n° 2 de M. Jean-Pierre Michel et n° 12 de M. Jacques Myard ayant le même objet.

Elle a ensuite examiné l’amendement n° 1 de M. Jean-Pierre Michel portant le nombre de commissions permanentes à sept, son auteur indiquant que cette proposition avait pour objet de permettre la création d’une commission chargée des affaires européennes. MM. Gérard Gouzes et René André ayant fait observer que l’institution d’une commission en charge des affaires européennes reviendrait à priver les commissions permanentes d’une bonne part de leurs attributions et qu’il était préférable que ces dernières traitent des dossiers communautaires en fonction de leurs compétences propres, la Commission a rejeté cet amendement ainsi que l’amendement n° 6 de M. Thierry Mariani et un amendement de Mme Nicole Catala prévoyant que les traités portant atteinte à la souveraineté nationale sont ratifiés ou approuvés en vertu d’une loi référendaire.

La Commission a ensuite rejeté l’amendement n° 14 présenté par Mme Nicole Catala proposant une nouvelle rédaction de l’article 88-1 de la Constitution selon laquelle la République participe à l’Union européenne constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun les compétences dont la délégation est explicitement prévue par les traités, son auteur ayant précisé que cet amendement consacrerait constitutionnellement le principe selon lequel l’Union européenne ne dispose que d’une compétence d’attribution, principe rappelé par la Cour constitutionnelle allemande en 1993, M. Gérard Gouzes ayant estimé que l’esprit de cet amendement était déjà pris en compte par la rédaction actuelle de la Constitution. Puis elle a également rejeté les amendements n° 4 présenté par M. Charles Millon et n° 16 de M. Jacques Myard, faisant figurer le principe de subsidiarité dans l’article 88-1 de la Constitution.

Article unique

Modification de l’article 88-2 de la Constitution

La Commission a d’abord rejeté l’amendement n° 18 présenté par M. François Guillaume, substituant à la notion de “ transferts ” de compétences celle de “ délégations ” de compétences, puis trois amendements de M. Lionnel Luca, l’amendement n° 9 précisant que les transferts de compétences autorisés doivent porter sur des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés, à la condition que ceux-ci soient préalablement et précisément définis, l’amendement n° 7 selon lequel l’atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale est définie indépendamment du caractère régalien ou autre des domaines concernés par le transfert des compétences consenties et l’amendement n° 8 indiquant que l’atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté nationale ne s’apprécie plus libéralement lorsqu’il s’agit de contrôler la conformité de la Constitution à un engagement communautaire et de contrôler cette même conformité à un engagement international autre que communautaire.

La Commission a adopté l’article unique sans modification.

Article additionnel après l’article unique

Modification de l’article 88-4 de la Constitution

La Commission a tout d’abord adopté un amendement du rapporteur élargissant le champ d’application de l’article 88-4 en prévoyant, d’une part, la transmission de droit au Parlement des projets d’acte relevant des deuxième et troisième piliers et en permettant, d’autre part, au Gouvernement de soumettre au Parlement d’autres projets d’actes n’ayant pas de nature législative ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union (amendement n° 19).

Elle a ensuite rejeté l’amendement n° 17 présenté par M. Jacques Myard indiquant que le Gouvernement est tenu de respecter les résolutions communes des assemblées ainsi que l’amendement n° 5 de M. Charles Millon précisant que des résolutions peuvent être votées par le Parlement dans le cadre de l’examen de tout projet de loi autorisant la ratification d’un texte modifiant les traités visés à l’article 88-1.

Après l’article unique

Elle a enfin été saisie de l’amendement n° 3 de M. Jean-Pierre Michel insérant un article additionnel aux termes duquel, d’une part, le Parlement peut demander au Gouvernement la renégociation du traité visé aux articles 88-2 et 88-3 et, d’autre part, la loi fixe les conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle parlementaire sur la construction européenne. Tout en reconnaissant la primauté des compétences de l’exécutif dans la négociation des traités internationaux de droit commun, M. Jean-Pierre Michel a néanmoins estimé que le Parlement devait être consulté lorsque les traités en cours de négociation mettent en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Après que M. Robert Pandraud eut souhaité que le Gouvernement renoue avec la pratique selon laquelle un débat est organisé au Parlement avant la tenue de chaque sommet européen et que M. Henri Nallet eut rappelé que l’article 54 de la Constitution

permettait déjà au peuple ou à ses représentants de se prononcer lorsqu’un traité comportait une clause contraire à la Constitution, la Commission a rejeté cet amendement.

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* *

Elle a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi constitutionnelle modifiant l’article 88-2 de la Constitution (n° 1072), modifié par l’amendement figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte du projet

de loi constitutionnelle

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Propositions de la Commission

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Constitution du 4 octobre 1958

Art. 88-2. — Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne.

Article unique

I. — A l’article 88-2 de la Constitution, les mots : “ ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne ” sont supprimés.

Article unique

(Sans modification).

 

II. — Il est ajouté à ce même article un alinéa ainsi rédigé :

 
 

“ Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. ”

 
   

Article additionnel

L’article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

“ Art. 88-4. — Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.

 

 Art. 88-4. — Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Pendant les sessions ou en dehors d’elles, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée.

 

“ Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent. ”

(amendement n° 19)

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l’article unique

Amendement n° 10 présenté par M. Jacques Myard :

Insérer l’article suivant :

“ Le premier alinéa de l’article 3 de la Constitution est ainsi rédigé :

“  Art. 3. —  La souveraineté nationale est inaliénable. Elle appartient exclusivement au peuple, qui l’exerce par la voie du référendum et par ses représentants. ”.

Amendement présenté par Mme Nicole Catala :

Insérer l’article suivant :

“ Le premier alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par la phrase suivante : “ Elle ne peut être aliénée. ”.

Amendement n° 11 présenté par M. Jacques Myard :

Insérer l’article suivant :

“ Après l’article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34–1 ainsi rédigé :

“ Art. 34-1 —  La loi votée par le Parlement ou adoptée par référendum s’impose à toute autorité publique, administrative ou judiciaire, nonobstant l’existence de tout traité ou accord international antérieur ou de toutes dispositions antérieures adoptées dans le cadre de la participation de la République française aux Communautés européennes et à l’Union européenne. ”.

Amendement n° 1 présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Insérer l’article suivant :

“ Dans le dernier alinéa de l’article 43 de la Constitution, le nombre : “ six ” est remplacé par le nombre : “ sept ”.

Amendement n° 6 présenté par M. Thierry Mariani :

Insérer l’article suivant :

“ Après le premier alinéa de l’article 53 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

“ Les traités et accords internationaux qui aménagent les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi adoptée par référendum. ”.

Amendement présenté par Mme Nicole Catala :

Insérer l’article suivant :

“ L’article 54 de la Constitution est complété par les mots suivants : “ effectuée selon la procédure prévue par le deuxième alinéa de l’article 89 ci-après. ”.

Amendement n° 2 présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Insérer l’article suivant :

“ Dans l’article 55 de la Constitution, après le mot : “  lois ”, sont insérés les mots : “ qui leur sont antérieures ”.

Amendement n° 12 présenté par M. Jacques Myard :

Insérer l’article suivant :

“ Dans l’article 55 de la Constitution, après les mots : “ celle des lois ”, est inséré le mot : “ antérieures ”.

Amendement n° 14 présenté par Mme Nicole Catala :

Insérer l’article suivant :

“ L’article 88-1 de la Constitution est ainsi rédigé :

“ Art. 88-1. —  La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun les compétences dont la délégation est explicitement prévue par les traités. ”

Amendement n° 4 présenté par M. Charles Millon :

Insérer l’article suivant :

“ L’article 88-1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

“ Conformément au principe de subsidiarité, la France ne consent aux transferts de compétences à la Communauté européenne que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante à son niveau et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. ”

Amendement n° 16 présenté par M. Jacques Myard :

Insérer l’article suivant :

“ L’article 88-1 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

“ Afin de respecter le principe de subsidiarité, toute délégation peut être reprise par la République. ”

Article unique

Amendement n° 18 présenté par M. François Guillaume :

Dans le dernier alinéa du II de cet article, substituer aux mots : “ consentis les transferts ”, les mots : “ consenties les délégations ”.

Amendements nos 9, 7 et 8 présentés par M. Lionnel Luca :

·  Compléter le dernier alinéa du II de cet article par les mots : “ qui doivent être préalablement et précisément définis ”.

·  Compléter le dernier alinéa du II de cet article par la phrase suivante : “ L’atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale est définie indépendamment du caractère régalien ou autre, des domaines concernés par le transfert des compétences consenties. ”

·  Compléter le dernier alinéa du II de cet article par la phrase suivante : “ L’atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ne s’apprécie plus libéralement lorsqu’il s’agit de contrôler la conformité de la Constitution à un engagement communautaire et de contrôler cette même conformité à un engagement international autre que communautaire. ”

Après l’article unique

Amendement n° 17 présenté par M. Jacques Myard :

Insérer l’article suivant :

“ L’article 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

“ Le Gouvernement est tenu de respecter les résolutions communes des assemblées. ”

Amendement n° 5 présenté par M. Charles Millon :

Insérer l’article suivant :

“ L’article 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

“ Des résolutions peuvent être votées par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre de l’examen de tout projet de loi autorisant la ratification d’un texte modifiant les traités visés à l’article 88-1, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée. ”

Amendement n° 3 présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Insérer l’article suivant :

“ Après l’article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :

“ Art. 88-5. —  Le Parlement peut demander au Gouvernement la renégociation du traité visé aux articles 88-2 et 88-3. Le Gouvernement est tenu d’engager cette renégociation et d’en communiquer les résultats au Parlement dans un délai maximum d’un an. La loi fixe les conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle parlementaire sur la construction européenne. ”

A N N E X E

L’INFORMATION DES PARLEMENTS NATIONAUX
SUR LES PROJETS D’ACTES DE L’UNION EUROPÉENNE (3)

ALLEMAGNE

Le paragraphe 2 de l’article 23 de la Loi fondamentale, résultant de la loi du 21 décembre 1992, dispose : “ Le Bundestag et les Länder, par l’intermédiaire du Bundesrat, participent aux affaires de l'Union européenne. Le Gouvernement fédéral doit informer de façon détaillée le Bundestag et le Bundesrat dans les meilleurs délais ”. Deux lois du 13 mars 1993 précisent les modalités d’application de ces dispositions pour chacune des deux chambres.

• Le Bundestag

L’article 23, paragraphe 3, de la Loi fondamentale dispose : “ Avant de concourir aux actes normatifs de l'Union européenne, le Gouvernement fédéral donne au Bundestag l’occasion de donner son avis. Dans les négociations, le Gouvernement fédéral prend en considération les avis du Bundestag ”.

La commission des affaires de l'Union européenne - dont l’existence est prévue par l’article 45 de la Loi fondamentale - comprend à la fois des membres du Bundestag et des députés européens allemands.

Cette commission délibère sur les grandes questions de politique européenne et le Gouvernement lui transmet l’ensemble des propositions d’actes communautaires et des projets relevant du troisième pilier. Elle partage avec les autres commissions permanentes la compétence pour examiner ces textes. Elle a la faculté d’émettre des avis au nom du Bundestag, celui-ci pouvant également adopter des avis en séance publique.

Les avis du Bundestag ne lient pas le Gouvernement qui doit seulement en “ tenir compte ” lors des négociations au sein du Conseil. Si le Gouvernement s’écarte de l’avis du Bundestag, il doit se justifier vis-à-vis de ce dernier.

En outre, le Bundestag a la possibilité d’invoquer une réserve d’examen parlementaire.

• Le Bundesrat

La procédure est comparable à celle en vigueur pour le Bundestag, la commission pour les questions de l'Union européenne étant composée de représentants des gouvernements des Länder.

La portée des avis adoptés au Bundesrat peut toutefois être différente : lorsque les propositions d’actes de l'Union portent “ au premier chef ” sur des matières entrant dans les compétences des Länder, le Gouvernement est tenu de respecter l’avis du Bundesrat.

AUTRICHE

En vertu d’un amendement du 15 décembre 1994 à la Constitution fédérale, le Gouvernement est tenu d’informer les deux chambres sur “ tous les projets liés à l’Union européenne ”, de quelque pilier qu’ils relèvent, et de leur permettre d’émettre un avis à leur propos. Comme en Allemagne, les règles applicables à chacune des deux assemblées diffèrent quelque peu.

Au sein du Nationalrat, les avis peuvent être émis soit par la “ Commission principale ”, soit en séance. Ils lient le Gouvernement lorsque la proposition d’acte doit être transposée en droit fédéral ou lorsqu’elle tend à l’édiction d’une norme directement applicable touchant à des questions de compétence fédérale. Lors des débats au sein du Conseil de l’Union, le représentant autrichien ne peut s’écarter de l’avis rendu par le Nationalrat que pour des “ raisons impératives ” et il doit alors consulter de nouveau l’assemblée.

Les avis du Bundesrat ne sont contraignants que pour les propositions susceptibles d’avoir une incidence sur les compétences propres des Länder.

BELGIQUE

Depuis 1995, le “ Comité d’avis fédéral chargé des questions européennes ” est commun à la Chambre des représentants et au Sénat. En font également partie, avec voix délibérative, dix membres belges du Parlement européen.

En vertu d’une loi de 1993, le Gouvernement est tenu de communiquer les propositions d’actes normatifs de la Commission européenne aux assemblées législatives, afin que celles-ci puissent en délibérer et donner un avis avant la décision du Conseil. A ce titre, le Comité d’avis sélectionne les propositions les plus importantes, sur lesquelles il établit un rapport. Ces rapports peuvent aboutir à une proposition de résolution, adoptée par la Chambre ou le Sénat en séance plénière.

Le Comité d’avis procède également avant (ou après) chaque Conseil européen à l’audition du Premier ministre ou du ministre des Affaires étrangères.

Enfin, depuis la révision constitutionnelle de 1993, les chambres sont informées “ dès l’ouverture des négociations ” des projets de modification des traités relatifs à l’Union européenne.

DANEMARK

Depuis son adhésion aux Communautés européennes, en 1973, le Danemark dispose d’un système original de contrôle parlementaire de la politique européenne : la Commission des Affaires européennes du Folketing (dite “ Commission du marché ” jusqu’en 1994) détient en effet le pouvoir de donner au Gouvernement des mandats de négociation impératifs.

La Commission se réunit systématiquement tous les vendredis, sauf au mois d’août, afin d’examiner les points à l’ordre du jour du Conseil de l’Union la semaine suivante. Le Gouvernement lui soumet un projet de mandat de négociation sur toutes les propositions de législation européenne des premier et troisième piliers. Pour la politique étrangère et de sécurité commune, en revanche, il est seulement tenu d’informer la Commission, sans avoir besoin d’un mandat de négociation.

Dans la pratique, sur les documents les moins importants, le Gouvernement fournit à la Commission une note explicative. Sur les autres, il expose sa position oralement puis, après débat, la Commission conclut avec lui un accord, consigné dans un rapport à diffusion restreinte. Après chaque réunion du Conseil, le ministre compétent publie un compte rendu qui permet au Folketing d’apprécier le respect, par le Gouvernement, du mandat de négociation qui lui avait été confié. Ce compte rendu peut faire l’objet d’un débat en séance publique.

Il convient enfin de préciser que les autres commissions permanentes du Folketing, si elles n’ont pas compétence pour donner au Gouvernement un mandat de négociation, peuvent cependant élaborer, à l’intention de la Commission des affaires européennes, des recommandations sur des projets d’actes de l’Union.

ESPAGNE

La “ Commission mixte pour l’Union européenne ” est commune aux deux chambres des Cortes.

En application de la loi du 19 mai 1994, elle reçoit du Gouvernement tous documents ou informations relatifs aux négociations communautaires et qui ont une incidence sur les affaires espagnoles.

Dans la pratique, le Gouvernement transmet, avant leur adoption définitive, toutes les propositions législatives de la Commission européenne, qu’elles relèvent du premier, du deuxième ou du troisième pilier.

Les groupes politiques, les commissions permanentes et la Commission mixte pour l’Union européenne peuvent déposer des propositions de résolution sur une question communautaire. Les propositions de résolution sont examinées en commission ou, le cas échéant, en séance plénière.

Les résolutions ainsi adoptées ne lient pas le Gouvernement.

FINLANDE

Lors de son adhésion à l’Union européenne, effective depuis le 1er janvier 1995, la Finlande s’est inspirée du système danois de contrôle parlementaire des affaires européennes, tout en l’adaptant sensiblement.

La “ Grande Commission ” du Parlement finlandais se réunit chaque vendredi, afin d’examiner les sujets inscrits à l’ordre du jour du Conseil de l’Union la semaine suivante. Elle se réunit également chaque mercredi, pour examiner les projets d’actes communautaires que le Gouvernement est tenu de lui transmettre s’ils portent sur des matières qui auraient relevé de la compétence du Parlement si la Finlande n’était pas membre de l’Union européenne ; la Grande Commission examine dans les mêmes conditions les textes relevant du troisième pilier, la compétence au fond pour la politique étrangère et de sécurité commune appartenant à la Commission des Affaires étrangères.

L’examen des projets d’actes a toujours lieu avant l’adoption d’une position commune par le Conseil. La Grande Commission donne au Gouvernement, en général sous forme orale, un mandat de négociation qui n’est juridiquement pas impératif. Le Gouvernement est tenu d’informer, oralement ou par écrit, le Parlement des raisons qui le conduiraient à s’en écarter.

Les projets d’actes relevant de la compétence du Parlement sont également transmis aux commissions spécialisées, qui peuvent faire part de leur avis à la Grande Commission.

Le Premier ministre doit, en outre, informer préalablement la Grande Commission des questions figurant à l’ordre du jour du Conseil. Ces dispositions se sont, par analogie, appliquées aux travaux de la conférence intergouvernementale.

Enfin, la Conférence des Présidents peut inscrire à l’ordre du jour un débat, en séance publique, sur une proposition communautaire, mais ce débat ne peut donner lieu à l’adoption d’une résolution par l’assemblée.

GRÈCE

Créée en 1992, la Commission des affaires européennes de la Chambre des députés se réunit de manière irrégulière.

Le Gouvernement n’a pas l’obligation de lui transmettre systématiquement les propositions d’actes de l’Union. Il présente seulement, à la fin de chaque session, un rapport sur le développement des affaires communautaires.

IRLANDE

Depuis 1995, existe au Parlement irlandais une “ Commission mixte des affaires européennes ”, commune aux deux chambres. Les députés européens irlandais peuvent participer à ses travaux à titre consultatif.

Le Gouvernement doit lui transmettre dans les meilleurs délais tout projet d’acte législatif émanant des institutions de l’Union. Elle peut présenter un rapport aux deux chambres sur ces documents.

Toutefois, il semble que, dans la pratique, ce contrôle parlementaire ne soit ni systématique, ni très approfondi, la politique européenne demeurant du ressort du Gouvernement.

ITALIE

·  Chambre des députés

Instituée en 1990, la “ Commission pour les politiques de l’Union européenne ” reçoit du Gouvernement toutes les propositions d’actes communautaires, mais aussi, à la suite d’une demande spécifique par le Parlement, les documents relatifs aux deuxième et troisième piliers.

En théorie, la Commission examine ces textes parallèlement aux commissions compétentes sur le fond, son rôle spécifique étant d’harmoniser les positions et d’examiner la compatibilité des projets communautaires avec le droit interne.

Dans la pratique, ce mécanisme ne fonctionne pas très activement. L’intervention de la Chambre des députés sur les questions européennes se marque surtout par le vote de la loi annuelle de transposition des directives communautaires. Ce projet est examiné par l’ensemble des commissions, la Commission pour les politiques de l’Union européenne jouant un rôle de coordination.

·  Sénat

La procédure est comparable à celle qui existe à la Chambre. La Commission pour les affaires communautaires examine la loi annuelle de transposition des directives et peut formuler des avis ou propositions sur les projets d’actes communautaires, qui sont renvoyés aux commissions spécialisées.

LUXEMBOURG

Au sein de la Chambre des Députés, une seule commission est compétente à la fois pour les affaires étrangères et les affaires communautaires. Lorsqu’elle traite de questions européennes, les députés européens luxembourgeois peuvent participer à ses travaux avec voix consultative.

Le Gouvernement l’informe de sa position avant chaque réunion importante du Conseil de l’Union. Il lui transmet l’ensemble des propositions d’actes de la Commission européenne, ainsi que des éléments d’information sur les incidences de ces actes en droit interne. Sur les plus importants de ces documents, la Commission des affaires étrangères et communautaires établit un rapport et elle peut formuler un avis, qui peut faire l’objet d’un débat en séance publique, suivi du vote d’une résolution ou d’une motion. Cette procédure n’est pas d’usage fréquent.

PAYS-BAS

Le Parlement néerlandais, s’il ne dispose pas d’un système très original en ce qui concerne la législation communautaire, possède en revanche un dispositif avancé pour les matières du troisième pilier et de Schengen.

· La deuxième Chambre des Etats généraux

La “ Commission générale des affaires de l’Union européenne ” de la Chambre basse néerlandaise, instituée en 1986, procède une fois par mois à l’audition publique du ministre des Affaires étrangères.

Une autre réunion mensuelle, mais à huis clos, est consacrée à l’examen et au suivi des textes communautaires (propositions d’actes et communications), transmis par le Gouvernement dès leur publication en néerlandais. Ces documents sont accompagnés de notes d’information en décrivant le contenu et l’incidence sur le droit national et présentant les positions défendues par le gouvernement néerlandais au sein du Conseil. A partir de ces informations, la Commission générale sélectionne les textes les plus importants et en assure la diffusion au sein de la Chambre. Elle peut rédiger sur un projet d’acte communautaire un rapport, auquel le Gouvernement est tenu de répondre par écrit, et qui peut également donner lieu à un débat en séance publique.

Lors de la préparation de chaque Conseil européen semestriel, le ministre des Affaires étrangères est entendu conjointement par la Commission générale et la Commission des Affaires étrangères, puis il participe à un débat en séance publique, en présence du Premier ministre. En outre, le Gouvernement adresse chaque année à la Chambre un rapport sur l’application et la mise en oeuvre des traités communautaires.

Le troisième pilier fait l’objet d’un dispositif spécifique, en vertu d’un amendement à la loi de novembre 1992 autorisant la ratification du traité sur l’Union européenne. Dans ce domaine, les Etats généraux disposent non seulement d’une information étendue, mais d’un véritable pouvoir de codécision. Avant chaque réunion du Conseil “ Justice et Affaires intérieures ”, le Gouvernement doit transmettre à la seconde Chambre l’ordre du jour du Conseil, les documents pertinents, ainsi que la position qu’il envisage de défendre, pour laquelle l’approbation du Parlement est requise. Toutefois, au-delà d’un délai de quinze jours à compter de la transmission des projets de décisions, cette approbation est, à défaut d’intervention particulière, réputée acquise.

Une procédure analogue s’applique aux mesures prises au titre de la convention de Schengen. Il est envisagé, dans le cadre de la ratification en cours du Traité d’Amsterdam, de l’étendre, pendant la période transitoire de cinq ans, aux matières communautarisées de l’actuel troisième pilier.

· La première Chambre

Le rôle de la “ Commission permanente pour les organisations européennes ” est, pour les questions communautaires, moins important que celui de son homologue de la seconde Chambre. Seuls lui sont transmis les projets d’actes communautaires qui nécessitent son approbation pour leur transposition en droit interne. Elle apparaît surtout, sur ces sujets, comme une enceinte de réflexion.

En revanche, sur le troisième pilier, ses compétences sont identiques à celles de la Commission générale de la deuxième Chambre.

PORTUGAL

Créée en 1987, la Commission des affaires européennes de l’Assemblée de la République est destinataire des propositions d’actes communautaires, sur lesquels elle peut présenter des rapports, des avis ou des propositions de résolution discutées en séance plénière. Toutefois, le recours à ces procédures est, en pratique, assez rare.

Dans les matières relevant des deuxième et troisième piliers, le Gouvernement n’est pas tenu de transmettre à l’Assemblée les documents de l’Union, mais seulement de lui présenter sa position sur les sujets qui relèvent des compétences du Parlement.

En outre, le Gouvernement présente annuellement à l’Assemblée un rapport sur la participation du Portugal à la construction européenne.

ROYAUME-UNI

La Chambre des Communes et la Chambre des Lords jouent, en matière de contrôle des questions européennes, des rôles complémentaires. Alors que la première se livre à un examen systématique des projets de l’Union, la seconde se concentre sur quelques sujets précis qu’elle traite de manière approfondie.

· La Chambre des Communes

Créée en 1974, au lendemain de l’adhésion du Royaume-Uni aux Communautés, la Commission spéciale sur la Législation européenne (Select Committee on European Legislation) se réunit chaque semaine pendant les sessions. Elle reçoit du Gouvernement l’ensemble des projets d’actes communautaires, ainsi qu’une grande partie des communications et rapports de la Commission européenne et les documents les plus importants relevant des deuxième et troisième piliers. Le Gouvernement y joint un mémorandum explicatif. La Commission analyse ces documents dans des rapports périodiques et, pour les plus importants d’entre eux, les transmet à l’une des deux commissions permanentes spécialisées dans les affaires européennes ou en demande un examen plus approfondi par la Chambre. Dans les deux cas, le Gouvernement dépose sur le document en question une motion qui donne lieu, en séance publique, à un vote sans débat.

Ce système a été renforcé, depuis 1980, par l’instauration d’un mécanisme de réserve d’examen parlementaire (scrutiny reserve).

· La Chambre des Lords

Le Gouvernement a les mêmes obligations d’information envers la Chambre des Lords qu’envers la Chambre des Communes.

Parmi l’ensemble des documents que lui transmet le Gouvernement, la Commission spéciale pour les Communautés européennes (Select Committee on European Communities) sélectionne ceux qui lui paraissent nécessiter un examen plus approfondi et sont alors renvoyés à une sous-commission spécialisée. Celle-ci peut décider de présenter à la Chambre un rapport qui peut donner lieu à un débat au cours duquel le Gouvernement soumet aux Lords une motion, susceptible d’amendements.

Enfin, depuis 1993, la réserve d’examen parlementaire s’applique à la Chambre des Lords.

SUÈDE

La “ Commission consultative pour l’Union européenne ” du parlement suédois reçoit du Gouvernement tous les projets d’actes émanant de la Commission européenne, assortis de notes explicatives sur les incidences de ces textes et sur la position initiale du Gouvernement.

Ce dernier est tenu de prendre l’avis de la Commission consultative avant toute négociation au sein du Conseil jugée “ importante ” par le Gouvernement ou par la Commission elle-même.

Ces avis ne constituent pas des mandats impératifs, mais le Gouvernement doit s’efforcer de s’y conformer et de rendre compte à la Commission des positions effectivement défendues par la Suède au Conseil.

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N° 1212.– Rapport de M. Henri Nallet (au nom de la commission des lois), sur le projet de loi constitutionnelle (n° 1072) modifiant l’article 88-2 de la Constitution.

1 ) Il s’agit de l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Irlande, l’Autriche, le Danemark, la Finlande.

2 ) Il s’agit du titre IV et des articles 61 à 69 dans la nouvelle numérotation prévue par l’article 12 du Traité d’Amsterdam. Pour des raisons pratiques, on conservera, dans le présent rapport, la numérotation originale afin de faciliter le rapprochement avec le texte du traité lui-même.

3 ) Ces notes ont été établies par les services de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.