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le 1er décembre 1998

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N° 1225

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE LOI MODIFIÉ PAR LE SÉNAT portant règlement définitif du budget de 1995,

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur général,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : Première lecture : 33, 933, 996 et T.A. 176.

Deuxième lecture : 1159

Sénat : Première lecture : 527 (1997-1998), 36 et T.A. 8 (1998-1999)

Lois de règlement.

La commission des finances, de l’économie générale et du plan est composée de :

M. Augustin Bonrepaux, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Alain Belviso, Christian Bergelin, Eric Besson, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

SOMMAIRE

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Pages

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INTRODUCTION 5

EXAMEN DES ARTICLES 7

TABLEAU COMPARATIF 13

MESDAMES, MESSIEURS,

Lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget de 1995 par le Sénat, le 29 octobre dernier, seul l’article 15 a été modifié, les autres articles étant votés conformes.

Le présent rapport retrace les travaux de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, qui s’est réunie le 25 novembre 1998, en vue de l’examen, en deuxième lecture, de ce projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 15

Apurement du compte 427-9 “ Écart d’intégration des dépôts CCP de l’ex-budget annexe des PTT ”.

Lors de l’examen de cet article par le Sénat un amendement (n° 3) présenté par M. Yves Fréville a été adopté. Il complète cet article par un alinéa ainsi rédigé :

“ A compter du 1er janvier 1996, les avoirs des particuliers et entreprises aux comptes chèques postaux auprès du Trésor ne sont pas rémunérés à hauteur de 18.158.839.668,85 francs  ”.

Afin de permettre aux membres de l’Assemblée de prendre la mesure des problèmes que soulève cet amendement, et compte tenu de la nature très technique des dispositions en discussion, votre Rapporteur général souhaite revenir sur l’origine de l’écart d’intégration des dépôts des comptes chèques postaux (CCP) de l’ex-budget annexe des PTT et sur son traitement comptable.

·   Sous le régime du budget annexe des PTT, la branche postale était en déficit structurel. En l’absence d’une gestion distincte des flux de trésorerie, des prélèvements sur les avoirs des CCP ont été opérés pour couvrir les besoins de financement courants de l’exploitation. Selon les informations fournies à votre Rapporteur général par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ce mécanisme pouvait s’assimiler à des avances du Trésor.

Lors de la transformation de La Poste en exploitant public autonome au 1er janvier 1991 (loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications), une commission spéciale, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, a été chargée de procéder à l’identification et à l’évaluation définitive des éléments d’actifs et de passif constituant le patrimoine d’origine de l’établissement.

L’écart entre le montant crédité dans les écritures du Trésor au titre des dépôts des CCP et les écritures de La Poste atteignait alors 18,16 milliards de francs.

Cette perte pouvait être imputée soit sur les comptes du nouvel exploitant public, soit sur les écritures du Trésor.

Il a alors été décidé de faire supporter cette charge à l’Etat, afin de ne pas compromettre la situation financière de départ de La Poste. Cette décision n’était pas dénuée de tout fondement. On rappellera que l’arrêté du 13 octobre 1992 relatif à l’établissement du bilan de La Poste fixait à 7,96 milliards de francs les capitaux propres de l’exploitant public. Dans le cas où il aurait dû supporter les conséquences de la gestion conduite sous le régime du budget annexe, l’exploitant public aurait présenté un bilan d’ouverture au 1er janvier 1991 faisant apparaître des capitaux propres négatifs. On comprendra aisément qu’une telle solution n’était guère envisageable.

·   Le traitement comptable de cette décision dans les écritures du Trésor est, quant à lui, sujet à critique.

Dans son rapport sur l’exécution de la loi de finances pour 1994, la Cour des comptes a ainsi relevé une importante anomalie au compte 427 “ Compte au Trésor de La Poste ”. Ce dernier retrace, depuis 1991 (1), la situation des comptes chèques postaux que l’établissement est tenu de déposer au Trésor. Or, un écart de 18,16 milliards de francs peut être constaté entre le montant crédité sur ce compte (qui correspond aux sommes effectivement en caisse) et le montant inscrit au bilan de La Poste (qui correspond aux avoirs des titulaires de comptes chèques postaux). Cette différence résulte de l’ouverture d’un sous-compte 427.9 “ Écart d’intégration des dépôts des CCP de l’ex-budget annexe des PTT ”, débité du montant précité.

Ainsi, c’est un solde contracté qui figure au compte 427. A la clôture de l’exercice 1994, les diverses catégories d’avoirs CCP de La Poste figurant au compte 427 s’établissaient à 165,79 milliards de francs. Compte tenu de la présentation d’un solde contracté, ce montant n’est pas fidèlement représentatif de la réalité des avoirs CCP.

S’agissant des conséquences de cette méthode, votre Rapporteur général ne peut que citer le rapport de la Cour des comptes :

“ (...) dans la situation actuelle :

– un écart de 18,6 milliards existe entre les comptes de l’Etat et ceux de La Poste, au titre des avoirs CCP en dépôt au Trésor ;

– cet écart, qui constitue une perte, n’est pas enregistré comme telle dans les comptes de l’Etat qui ont été établis en violation de la règle de non compensation entre éléments d’actifs et de passif (article 13 du code de commerce) ;

– l’Etat étant garant de l’intégralité des avoirs des CCP, cette situation n’est pas, elle non plus, enregistrée dans les comptes de l’Etat. ”

·   On notera que cet affichage comptable contestable affecte la transparence en matière de rémunération versée à La Poste pour le dépôt au Trésor des encours collectés sur les CCP.

La loi du 2 juillet 1990 précitée dispose, dans son article 16, que “ La Poste dépose au Trésor les fonds des comptes courants postaux. Son cahier des charges fixe les conditions de ce dépôt et précise les garanties d’une juste rémunération des fonds déposés, qui doit inciter à la collecte, et atteindre, dans des conditions fixées par le contrat de plan, un niveau au moins égal au coût de celle-ci, en tenant compte des gains de productivité obtenus  ”.

Actuellement (2), cette rémunération est fixée par convention entre l’Etat et La Poste et ne peut être inférieure à un taux plancher de 4,75%. Cette rémunération est retracée par l’article 20 du chapitre 12-01 du budget des Charges communes.

Or, l’“ assiette ” de la rémunération n’apparaît pas dans son intégralité au compte 427. Cette assiette est constituée par les fonds des comptes courants postaux, tels qu’ils figurent à l’actif du bilan de La Poste. Depuis 1993, le compte 427 supporte en débit 18,16 milliards de francs, de sorte que seul le solde contacté est présenté et que l’assiette réelle n’apparaît pas dans les écritures du Trésor. Il semble que c’est cette situation peu claire qui soit à l’origine de l’amendement adopté par le Sénat, contre l’avis du Gouvernement.

En réduisant l’“ assiette ” de la rémunération du montant de l’écart d’intégration du compte 427-9, l’amendement revient sur un arbitrage désormais ancien relatif au patrimoine d’origine de La Poste, établissement public, ayant conduit à faire peser la perte constatée de l’administration postale sur les comptes de l’Etat.

Cet amendement aurait pour l’exploitant public des conséquences financières lourdes, alors même que l’objet du présent article est d’apurer une situation comptable insatisfaisante relevant uniquement de l’Etat et dont le traitement a été différé d’année en année, sans que La Poste ait une quelconque responsabilité sur ce point.

En effet, le transport en augmentation des découverts du Trésor du compte 427-9, proposé par le présent article dans sa rédaction initiale, permet de constater définitivement la perte, en quelque sorte latente depuis 1993, et de rétablir la concordance entre les écritures du bilan de La Poste et le compte 427.

Par ailleurs, selon les informations fournies par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, “ la dette publique, calculée selon les règles servant à l’appréciation des critères de convergence définis par le traité de Maastricht et notifiée à la Commission européenne, intègre déjà le montant des dépôts CCP figurant au bilan de La Poste. Ce transport en augmentation des découverts du Trésor n’a donc aucun impact sur les statistiques de la comptabilité nationale et n’affecte en rien nos engagements européens ”.

Il convient donc de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

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La Commission a examiné un amendement présenté par votre Rapporteur général, tendant à revenir à la rédaction initiale de l’article 15.

Votre Rapporteur général a précisé qu’à l’occasion de la transformation de La Poste en exploitant public autonome en 1991, il avait été constaté un écart de 18,16 milliards de francs entre, d’une part, les dépôts réels de La Poste au Trésor et, d’autre part, le montant des comptes courants postaux (CCP). Il a rappelé qu’afin de ne pas handicaper La Poste, le choix avait alors été fait de faire supporter cette perte à l’Etat. Il a noté que le traitement comptable de cette option n’avait toutefois pas été satisfaisant, comme l’avait d’ailleurs fait observer la Cour des comptes : l’ouverture d’un sous-compte 427-9, débité à hauteur de 18,16 milliards de francs, avait conduit à présenter au compte 427 “ Compte au Trésor de La Poste ” un montant contracté, et s’était donc traduite par une différence entre les écritures de La Poste et celles du Trésor. Il a relevé que cette différence affectait la transparence des rémunérations versées à La Poste pour le dépôt des CCP.

Il a fait observer que l’amendement adopté par le Sénat conduisait à diminuer de 18,16 milliards de francs l’“ assiette ” de la rémunération versée à La Poste, ce choix se traduisant par de lourdes conséquences financières pour l’exploitant public. Il a rappelé que l’objet du présent article était de traiter un problème strictement comptable, en constatant définitivement une perte pour l’Etat.

M. Charles de Courson s’est inscrit en faux contre cette présentation, faisant valoir que les 18,16 milliards de francs restés sur les comptes courants postaux, mais théoriquement versés au Trésor, avaient donné lieu à une rémunération, au taux plancher de 4,75%. Il a évalué à plus de 800 millions de francs les sommes ainsi indûment perçues par La Poste et estimé que celles-ci avaient constitué une subvention déguisée en faveur de l’établissement public. Il a souhaité savoir si l’Etat avait été complice de cette manoeuvre et de cette dissimulation ou si celles-ci avaient été mises en oeuvre à son insu, et jugé nécessaire que la Commission des finances apporte son soutien au Sénat, lequel avait adopté un amendement supprimant cette rémunération abusive.

M. Michel Inchauspé a précisé que le nouveau contrat liant l’Etat à La Poste stipulait que les comptes courants postaux seraient rémunérés à un taux, qu’il a jugé extraordinaire, de plus de 4,75%, alors que les taux au jour le jour ne s’élevaient désormais qu’à 3%. Il a donc estimé qu’en sus des détournements de fonds du passé, l’Etat acceptait aujourd’hui de verser une surprime de rémunération à La Poste.

Dénonçant les qualifications de dissimulation et de détournement de fonds, votre Rapporteur général a précisé que l’origine des pertes remontait à l’époque du budget annexe des PTT. Il a indiqué que le décalage observé entre les montants figurant dans les écritures du Trésor et le montant inscrit à l’actif du bilan de La Poste était la conséquence du traitement comptable inapproprié relevé par la Cour des comptes. Il a donc estimé que la clarification proposée par le Gouvernement était opportune. En revanche, il a contesté le bien-fondé de l’amendement voté par le Sénat, faisant valoir qu’en réduisant l’assiette des rémunérations versées à La Poste de 18,16 milliards de francs, il provoquerait des difficultés insurmontables pour cet établissement.

Après avoir fait part de son souci d’une transparence accrue des comptes de l’Etat, M. Edmond Hervé a estimé que les contraintes de service public, telles que le versement des minima sociaux ou les conditions de distribution de la presse, étaient prises en charge par La Poste dans des conditions défavorables, susceptibles de faire naître un contentieux avec l’Etat, et jugé nécessaire de prendre en compte ces éléments dans l’évaluation des relations financières entre La Poste et l’Etat.

La Commission a adopté l’amendement du Rapporteur général, puis l’article 15 ainsi modifié.

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M. Charles de Courson a jugé que la Commission des finances ne pouvait adopter, en l’état de la rédaction de l’article 15, l’ensemble du projet de loi de règlement, sauf à se déjuger. Il a estimé que, si la Commission des finances acceptait de “ blanchir ” les irrégularités découvertes par la Cour des comptes, ce choix reviendrait à priver de sa portée les contrôles de régularité effectués par la Cour à l’occasion du projet de loi de règlement.

Votre Rapporteur général a fait valoir que l’article 15, dans sa rédaction initiale, tenait précisément compte des observations présentées par la Cour des comptes et que la rédaction retenue par le Sénat remettrait en cause l’équilibre instauré entre l’Etat et La Poste par la loi relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.

Le Président Augustin Bonrepaux a rappelé que le présent projet de loi de règlement concernait la gestion de l’exercice 1995, au cours duquel l’actuelle opposition était au pouvoir.

La Commission a ensuite adopté le projet de loi de règlement ainsi modifié.

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TABLEAU COMPARATIF

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Texte adopté par l’Assemblée
nationale en première lecture

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Texte adopté par le Sénat
en première lecture

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Propositions de la Commission

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Article 15

Le compte “ Ecart d’intégration des dépôts des comptes chèques postaux de l’ex-budget annexe des PTT ” figurant dans les comptes de l’Etat pour un montant de 18 158 839 668,85 F au 31 décembre 1995 est définitivement apuré par transport en augmentation des découverts du Trésor.

Article 15

Le compte “ Ecart d’intégration des dépôts des comptes chèques postaux de l’ex-budget annexe des PTT ” figurant dans les comptes de l’Etat pour un montant de 18 158 839 668,85 F au 31 décembre 1995 est définitivement apuré par transport en augmentation des découverts du Trésor.

Article 15

Alinéa sans modification.

 

A compter du 1er janvier 1996, les avoirs des particuliers et entreprises aux comptes chèques postaux auprès du Trésor ne sont pas rémunérés à hauteur de 18 158 839 668,85 F.

Alinéa supprimé.

(Amendement n° 1)

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N° 1225.- Rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général (au nom de la commission des finances), sur le projet de loi, modifié par le Sénar, portant règlement définitif du budget de 1995 (n° 1159).

1 ) Antérieurement, ces dépôts étaient retracés par le compte 371 “ Comptes chèques postaux ”.

2 ) On notera que l’article 78 du projet de loi de finances pour 1999 prévoit de mettre à disposition de La Poste les fonds privés des CCP.