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Document mis en distribution le 26 janvier 1999 ![]() N° 1329 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 janvier 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à lassurance veuvage (N° 800) PAR M. François Rochebloine Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
Sécurité sociale. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann. INTRODUCTION 5 I.- LES INSUFFISANCES DE LASSURANCE VEUVAGE 7 A. LES CONDITIONS DATTRIBUTION ET DE SERVICE DE LALLOCATION VEUVAGE : UN RÉGIME TROP RESTRICTIF 7 B. LES MODIFICATIONS PRÉVUES PAR LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 : UN BILAN MITIGÉ 9 II.- LA GESTION FINANCIÈRE AUTONOME DU RISQUE VEUVAGE PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI 11 A. DES EXCÉDENTS STRUCTURELS 11 B. UNE RÈGLE DAFFECTATION PRIORITAIRE NON RESPECTÉE 11 C. LAFFECTATION INTÉGRALE DES EXCÉDENTS À LA COUVERTURE DU RISQUE VEUVAGE 13 D. LES AMÉLIORATIONS ENVISAGEABLES 13 TRAVAUX DE LA COMMISSION 15 Si le décès précoce dun conjoint constitue dabord un drame intime, il peut également déboucher sur un drame social, dans la mesure où il entraîne souvent une baisse importante des ressources de lépoux survivant, particulièrement lorsque celui-ci est une femme chargée de famille nayant jamais travaillé ou ayant cessé son activité professionnelle. A ce titre, le veuvage constitue un risque social comparable à la maladie, à linvalidité ou la vieillesse. Cependant, le système français de sécurité sociale est loin dassurer une protection contre les aléas du veuvage aussi complète que celle afférente aux risques traditionnels précités. Si la couverture dont bénéficient les veuves ayant atteint lâge - souvent fixé à cinquante-cinq ans - leur permettant de prétendre à une pension de réversion est relativement satisfaisante, il nen va pas de même pour les veuves qui ne satisfont pas à cette condition. Les intéressés dont le conjoint relevait du régime général ou du régime agricole bénéficient certes dune assurance veuvage créée en 1980 (et étendue en 1990 aux non salariés de lagriculture), mais lallocation servie à ce titre se caractérise par des conditions dattributions restrictives, une durée dattribution très limitée et un montant modeste. Les modifications apportées au régime de lassurance veuvage par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 comportent une amélioration sensible mais aussi plusieurs régressions par rapport au droit existant, de sorte quelles appellent un jugement mitigé. Pourtant, les dépenses annuelles dallocation de veuvage représentent moins du quart du produit de la cotisation correspondante, le reste étant consacré à limiter le déficit de lassurance vieillesse. Pour mettre fin à cette évaporation des excédents de lassurance veuvage, qui est contraire à une règle daffectation prioritaire nayant malheureusement quune valeur indicative, la présente proposition de loi, que le groupe UDF a retenue pour la séance réservée, en application de larticle 48 de la Constitution, à lordre du jour fixé par chaque assemblée, prévoit daffecter la totalité de ces excédents à la couverture sociale du risque veuvage, les ressources ainsi mobilisées pouvant être ensuite utilisées pour améliorer les conditions dattribution et de calcul de lallocation veuvage. I.- LES INSUFFISANCES DE LASSURANCE VEUVAGE Créée par la loi du 17 juillet 1980, lassurance veuvage a très peu évolué depuis lors. Le traitement réservé au risque veuvage contraste ainsi fortement avec le développement des garanties offertes aux assurés sociaux qui caractérise, dans une perspective de long terme, lhistoire des assurances contre les autres risques sociaux que sont la maladie, la vieillesse, linvalidité, le décès ou les accidents du travail. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a certes prévu, à compter du 1er mars 1999, une amélioration significative du régime financier de lassurance veuvage, mais il est regrettable que celle-ci saccompagne dune triple restriction des droits des veufs et veuves. A. LES CONDITIONS DATTRIBUTION ET DE SERVICE DE LALLOCATION VEUVAGE : UN RÉGIME TROP RESTRICTIF Lassurance veuvage a pour objet de servir une allocation au conjoint survivant dun assuré social qui satisfait à des conditions dâge et de nombre denfants élevés ou à charge. Le droit à lallocation veuvage est ouvert aux conjoints des assurés du régime général, du régime des salariés agricoles et, depuis 1991, du régime des non salariés agricoles, sous réserve que lesdits assurés aient été affiliés, à titre obligatoire ou volontaire au régime dassurance vieillesse correspondant ou quils aient été bénéficiaires effectifs ou potentiels de prestations limitativement énumérées1. On notera que les dispositions réglementaires qui subordonnaient pour les conjoints dassurés obligatoires ou volontaires le bénéfice de lallocation veuvage à une affiliation à lassurance veuvage de lassuré au cours des trois mois précédant son décès ont été jugées illégales - car dépourvues de base légale - par le Conseil dEtat... (CE, 9 février 1996, Koukeb-Bettayeb). Seules peuvent bénéficier de lassurance veuvage les personnes âgées de moins de cinquante-cinq ans : en effet, celles qui ont dépassé cet âge peuvent en principe prétendre à une pension de réversion. Par ailleurs, les intéressés doivent avoir au moins un enfant à charge ou avoir élevé au moins un enfant pendant neuf ans avant son seizième anniversaire. Ayant pour objet de garantir un montant minimum de revenu aux veufs ou veuves ayant ou ayant eu des charges de familles, lallocation veuvage est accordée sous condition de ressources : la somme de la prestation et des ressources personnelles de lintéressé ne doit pas dépasser 11 790 francs par trimestre, soit seulement 3 930 francs par mois. 2 En létat actuel du droit - et jusquau 1er mars 1999, date dentrée en vigueur des modifications ci-dessous décrites prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 - lallocation a un caractère dégressif et est servie pendant trois ans lorsque le bénéficiaire est âgé de moins de cinquante ans à la date du décès de son conjoint et jusquà ce quil ait atteint cinquante-cinq ans dans le cas contraire. Son montant est actuellement fixé à 3 144 francs par mois la première année, 2 065 francs par mois la deuxième année et 1 573 francs par mois la troisième année et les éventuelles années suivantes. Il est frappant de constater que le montant de lallocation de veuvage devient inférieur à celui du revenu minimum dinsertion pour une personne seule (soit 2 502 francs par mois) dès la deuxième année. Le fait quune prestation dassurance soit inférieure à une prestation de solidarité dont le montant correspond en principe au minimum vital dont toute personne doit pouvoir disposer illustre létat de déshérence dans lequel a été laissée lassurance veuvage. La création du RMI aurait, en toute logique, dû entraîner une refonte du dispositif de lallocation veuvage ou, à tout le moins, une révision à la hausse de son barème Labsence de modulation du montant de lallocation veuvage en fonction du nombre denfants à charge constitue également une anomalie injustifiable, à laquelle la loi de financement pour 1999 ne met pas fin. Si une veuve isolée touche, pour la première année dindemnisation, plus quun allocataire du RMI se trouvant dans la même situation, il est peu cohérent que cette hiérarchie de revenus sinverse dès le premier enfant à charge et que lécart se creuse à mesure que la taille de la famille concernée augmente : ainsi, le RMI servi à une mère isolée ayant deux enfants atteint 4 504 francs par mois, alors quune bénéficiaire de lallocation veuvage ne pourra percevoir à ce titre plus de 3 144 francs par mois. B. LES MODIFICATIONS PRÉVUES PAR LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 : UN BILAN MITIGÉ Larticle 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 n° 98-1194 du 23 décembre 1998 apporte trois modifications au régime de lassurance veuvage : - le bénéfice de lallocation est réservé aux conjoints des assurés qui ont été affiliés à lassurance vieillesse, à titre obligatoire ou volontaire, au cours dune période de référence et pendant une durée fixées par décret en Conseil dEtat ; - lallocation perd son caractère dégressif ; - la détermination des modalités et de la durée de son versement est renvoyée à un décret en Conseil dEtat, le Gouvernement ayant précisé que ce décret réduira de trois ans à deux la durée normale de service de lallocation en contrepartie de lunification de son taux.3 Au cours des débats parlementaires, le Gouvernement a indiqué que la première modification avait simplement pour objet dinscrire dans la loi une condition de durée daffiliation préalable qui figurait auparavant dans un texte réglementaire, conformément à ce quaurait souhaité le législateur lors de la création de lallocation veuvage. Cette présentation lénifiante nest guère convaincante, le Conseil dEtat nayant décelé aucune trace de cette volonté supposée du législateur lorsquil a jugé illégale la condition précitée. En outre, il sagit bien dune régression par rapport au droit existant, puisque larrêt de la haute juridiction administrative remonte au 9 février 1996 et que la condition daffiliation préalable a ipso facto cessé dêtre applicable après cette date. Enfin, on relèvera que le Gouvernement nenvisage pas un simple retour au statu quo ante, dans la mesure où le texte règlementaire à paraître devrait simplement exiger une durée daffiliation de trois mois pendant les douze mois précédant le décès, et non plus une affiliation pendant les trois derniers mois. Lunification du taux de lallocation veuvage sur la base du montant actuellement servi au cours de la première année dindemnisation est en revanche une mesure très positive qui était demandée de longue date par les associations de veuves civiles. Il est cependant regrettable quelle ait été partiellement gagée par la suppression de la troisième année de service de lallocation pour les veuves ou veufs âgés de moins de cinquante ans au moment du décès de leur conjoint. Pour défendre cette suppression, le Gouvernement a fait valoir que le troisième taux de lallocation était sensiblement inférieur au montant du RMI pour une personne seule et que les intéressés étaient en tout état de cause déjà amenés à demander le bénéfice de cette dernière prestation, de sorte que la suppression de lallocation serait sans incidence sur le niveau de leurs ressources eu égard au caractère différentiel du RMI. Même si la situation ainsi décrite est bien réelle, on peut sinterroger sur la pertinence dun raisonnement qui prône la substitution dune prestation de sécurité sociale financée par une prestation dassistance financée par la solidarité nationale. Il est clair que ces deux prestations ne sont pas équivalentes aux yeux des veuves et veufs concernés. En termes de dignité personnelle, la perception dune allocation dassurance du chef de son conjoint décédé a une autre signification que celle dun revenu minimum qui reste emprunt dun climat daide sociale, illustré par exemple par le fait que son versement est réservé aux personnes qui sengagent en contrepartie à participer à des actions dinsertion et quil peut être subordonné à la mise en uvre de lobligation alimentaire pesant sur les parents des bénéficiaires. Cette différence est dautant plus douloureusement ressentie que les personnes concernées nignorent pas que les cotisations versées par leurs conjoints au titre de lassurance veuvage permettraient daméliorer très sensiblement les prestations de cette assurance. Cest précisément cet état de fait qui justifie la gestion séparée du risque veuvage prévue par la proposition de loi. II.- LA GESTION FINANCIÈRE AUTONOME DU RISQUE VEUVAGE PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI Le tableau suivant permet de comparer, au cours de la période récente, le produit de la cotisation veuvage de 0,1 % payée par les assurés du régime général et le montant des dépenses de lassurance veuvage. Comptes du Fonds national dassurance veuvage
(1) en millions de francs (2) prévisions établies en encaissements/décaissements et ne tenant pas compte, en recettes, des majorations de retard et des cotisations des DOM et, en dépenses, des coûts de gestion et des provisions pour créances douteuses ; en outre, la prévision de dépenses pour 1999 est arrêtée sur la base dun coût net des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 estimé à 15 millions de francs Les chiffres ci-dessus font clairement ressortir le caractère structurel des excédents de lassurance veuvage. La faiblesse du rapport dépenses/recettes, qui exprime le taux daffectation du produit de la cotisation dassurance veuvage aux dépenses dallocation, doit être notée. On précisera que les excédents ainsi constatés nont pas été conservés au sein du Fonds national dassurance veuvage, mais transférés au fonds national dassurance vieillesse afin de limiter les déficits dexercice dudit fonds. B. UNE RÈGLE DAFFECTATION PRIORITAIRE NON RESPECTÉE Le deuxième alinéa de larticle L. 251-6 du code de la sécurité sociale dispose que les excédents du fonds national dassurance veuvage constatés à lissue de chaque exercice sont affectés en priorité à la couverture sociale du risque de veuvage. Cet alinéa a été introduit dans le code de la sécurité sociale par larticle premier de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures dordre social. Il y a lieu de signaler que ledit article résulte dun amendement du Gouvernement reprenant un amendement dun député ayant préalablement été déclaré irrecevable en application de larticle 40 de la Constitution. Présentant ses dispositions, M. Philippe Séguin, alors ministre des affaires sociales, avait déclaré : Il est vrai que[...] le fonds national dassurance veuvage a connu, peu après sa création, des excédents croissants. Ces derniers, je le précise, ne tiennent pas à une volonté délibérée, mais au caractère sans doute trop rigoureux des dispositions qui avaient été adoptées en 1980, et dont la portée avait vraisemblablement été mal appréciée. [...] Linterprétation que le Gouvernement souhaite voir retenue pour son amendement est celle dune invitation à lui adressée par lui-même, à une réflexion urgente sur les mesures qui simposent, et dont chacun reconnaît la nécessité, pour remédier à certaines situations particulièrement difficiles que connaissent les veuves, notamment dans les années précédant la liquidation de leur droits. La question du maintien de la règle daffectation prioritaire des excédents de lassurance veuvage sest posée lors de lexamen des dispositions de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale qui avaient pour objet de renforcer le principe de la séparation des différentes branches du régime général. En effet, ces dispositions prévoyaient notamment de créer une branche unique regroupant les risques vieillesse et veuvage et avaient ainsi pour effet de valider la pratique consistant à transférer à lassurance vieillesse les excédents de lassurance veuvage. Estimant que ces dispositions rendaient sans objet le deuxième alinéa de larticle L. 256-1 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement avait prévu sa suppression dans son projet de loi initial. Le Sénat sest opposé avec succès à cette suppression en faisant valoir que la création dune branche vieillesse et veuvage nentraînait pas la fusion du fonds national de lassurance veuvage et du fonds national de lassurance vieillesse et que lobjectif dune affectation prioritaire des excédents du premier à la couverture sociale du risque veuvage, cest-à-dire à lamélioration des prestations servies aux veuves restait donc juridiquement pertinent. Bien que le Gouvernement se soit rallié à cette interprétation et ait accepté le maintien de lalinéa en cause, il faut constater que ses dispositions sont restées lettre morte. Si on peut sinterroger sur leur portée normative, il est néanmoins clair que la pratique consistant à transférer à lassurance vieillesse la totalité des excédents à droit constant du fonds national dassurance veuvage ou, selon une autre approche, à ne consacrer à lallocation veuvage que moins du quart du produit de la cotisation dassurance veuvage, nest conforme ni à lesprit ni à la lettre de ces dispositions. C. LAFFECTATION INTÉGRALE DES EXCÉDENTS À LA COUVERTURE DU RISQUE VEUVAGE Les Gouvernements successifs sétant révélés incapables de donner une suite favorable à linvitation à eux adressée - pour reprendre lexpression de M. Philippe Séguin - par le deuxième alinéa de larticle L. 256-1 du code de la sécurité sociale, la présente proposition de loi vise à garantir une affectation intégrale à la couverture sociale du risque veuvage des excédents du fonds national de lassurance veuvage. Pour ce faire, il est simplement proposé de supprimer les mots : en priorité dans le texte de lalinéa précité. Cette suppression aurait pour effet dimposer une gestion financière séparée de lassurance veuvage et de lassurance vieillesse et, partant, dinterdire labsorption par la seconde des excédents de la première. Il faut cependant souligner que cette modification nentraînerait pas la création dune branche veuvage, au sens organique que revêt ce terme depuis la réforme de 1994. En effet, lorsque deux branches sont gérées par la même caisse nationale - ce qui est le cas pour lassurance maladie et lassurance accidents du travail, chacune dentre elles est dotée dune instance de gestion qui lui est propre. La création dune telle instance nétant pas prévue par la proposition de loi, le risque veuvage resterait géré, pour les salariés relevant du régime général, par le conseil dadministration de la caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salariés. La mesure proposée permettrait daugmenter très substantiellement les ressources susceptibles dêtre affectées à la protection contre le risque veuvage. Si les règles limitant le droit dinitiative financière des parlementaires ne permettent pas dinclure utilement dans une proposition de loi des dispositions augmentant les dépenses de lassurance veuvage, il est néanmoins possible dindiquer les améliorations quil serait souhaitable dapporter aux règles régissant lallocation veuvage. D. LES AMÉLIORATIONS ENVISAGEABLES Afin de ne pas créer de disparités trop importantes entre les veuves selon leur âge au moment du décès de leur conjoint, le rapporteur estime dabord indispensable de rétablir la troisième année du service de lallocation pour les veuves ayant droit à lassurance veuvage avant leur cinquantième anniversaire. Si les ressources disponibles après mise en uvre des autres mesures suggérées ci-dessous le permettent, il serait même souhaitable de prévoir une durée unique de service de lallocation fixée à cinq ans avant le cinquante-cinquième anniversaire des bénéficiaires. Il est également prioritaire de prévoir une modulation du montant de lallocation en fonction du nombre denfants encore à charge. Par analogie avec ce qui est prévu pour le RMI, la majoration pourrait être égale à : - 50 % de lallocation pour le premier enfant à charge ; - 30 % pour le deuxième enfant à charge ; - 40 % par enfant supplémentaire à compter du troisième. Ainsi les veuves et veufs concernés seraient assurés de percevoir un revenu légèrement supérieur au RMI quelle que soit la taille de leur famille. Une modification de la condition de ressources applicable à lallocation veuvage paraît également souhaitable. Outre que le plafond de cumul entre les ressources personnelles du bénéficiaire et lallocation devra, par cohérence avec la mesure précédente, être modulé en fonction du nombre denfants à charge, un relèvement du niveau relatif de ce plafond semble justifié. Celui-ci étant actuellement égal à 3 930 francs par mois et le montant maximum de lallocation sélevant à 3 144 francs par mois, lallocation effectivement servie est réduite dès lors que les ressources personnelles de lintéressé dépassent un quart du montant de lallocation, soit 786 francs par mois. Cette règle très rigoureuse devrait être assouplie, afin que le mécanisme de calcul différentiel de lallocation servie ne joue quau-delà dun montant de ressources personnelles égale au tiers de celui de lallocation. Enfin, on notera que le libellé du deuxième alinéa de larticle L 251-6 du code de la sécurité sociale résultant de la proposition de loi impose daffecter les excédents de lassurance veuvage à la couverture sociale du risque de veuvage et non à la seule amélioration de lallocation veuvage, ce qui permet par exemple denvisager lutilisation desdits excédents au financement du relèvement progressif du taux des pensions de réversion, actuellement fixé à 54 %, et quil serait souhaitable de porter par étapes à 60 %. La commission a procédé à lexamen de cette proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 20 janvier 1999. Après lexposé du rapporteur, un débat a eu lieu. M. Bernard Accoyer a souligné que la commission, qui avait laissé passer sans réagir des mesures défavorables aux veuves, aurait sans doute à cur de se démarquer de cette attitude en adoptant la présente proposition de loi. Il serait cohérent avec lesprit de la réforme de 1994 ayant renforcé la séparation des différentes branches de distinguer la gestion du risque veuvage de celle du risque vieillesse. Il faut également souligner que la proposition de loi na pas de coût direct et quelle vise simplement à obtenir plus de transparence financière. M. Denis Jacquat a estimé que la proposition de loi visait en fait à revenir à lesprit initial de la loi de 1980 ayant institué lassurance veuvage, alors que la réforme de 1994 ayant réuni au sein dune même branche lassurance vieillesse et lassurance veuvage nétait pas totalement conforme à cet esprit. Ladoption de la proposition de loi paraît indispensable compte tenu du fait que la France est, de tous les pays de lEurope de louest, celui dont la politique sociale est la moins favorable aux veuves. Mme Hélène Mignon, après avoir rappelé que tous les commissaires étaient sensibles aux problèmes rencontrés par les veuves, a estimé que la suppression des mots en priorité dans le deuxième alinéa de larticle L. 256-1 du code de la sécurité sociale aboutissait à créer une branche veuvage autonome, contrairement au choix fait en 1994. Ladoption de la proposition de loi risquerait donc daccentuer le déséquilibre financier de lassurance vieillesse alors que celle-ci assure, par le biais de pensions de réversion, une part de la couverture sociale du risque veuvage, qui nest pas limitée à lassurance veuvage proprement dite. Il faut également rappeler que plusieurs mesures favorables aux veuves ont été prises récemment, dont lunification du taux de lallocation veuvage prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et la possibilité de cumuler provisoirement lallocation veuvage et un revenu dactivité créée par la loi dorientation relative à la lutte contre les exclusions. Le problème des veuves appelle donc une réflexion beaucoup plus globale que celle qui sous-tend la proposition de loi. M. Pascal Terrasse a fait valoir que ladoption de la proposition de loi dégraderait denviron 1,5 milliard de francs le solde prévisionnel de la branche vieillesse pour 1999 alors même que cette branche est la seule à rester déficitaire malgré les mesures de rééquilibrage déjà prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. La présente proposition de loi semble en conséquence contradictoire avec celle de M. Douste-Blazy créant des plans de prévoyance retraite, puisquon ne peut en même temps prétendre sauver les retraites et creuser le déficit de la branche assurance vieillesse. La création dune branche veuvage, contraire à la réforme de 1994, sapparenterait à une manoeuvre électoraliste qui desservirait en fait la cause des veuves. Les améliorations déjà prévues par la loi dorientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 sont significatives - la seconde permettant aux veuves concernées de toucher mille francs supplémentaires par mois - mais demandent à être complétées, notamment en assouplissant les règles de cumul trop restrictives applicables aux polypensionnés. Cette amélioration ne peut intervenir que dans un cadre beaucoup plus vaste que celui de la proposition de loi, ce qui conduit le groupe socialiste à demander à la commission de ne pas examiner les articles de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions. M. Jean-Luc Préel a indiqué que les déclarations précédentes témoignaient de la gêne du groupe socialiste par rapport à la proposition de loi. En tant que président du groupe détudes parlementaire sur les conjoints survivants, il a souligné limportance des difficultés rencontrées par les veuves. Dans la mesure où il existe une cotisation veuvage spécifique, il serait logique que les sommes ainsi récoltées fassent lobjet dune gestion séparée et que les excédents du fonds dassurance veuvage soient affectés à lamélioration des prestations servies aux veuves. Il faut également souligner que la proposition de loi comporte un gage et quen conséquence elle nentraînera aucune perte de recettes pour lassurance vieillesse. Son adoption paraît nécessaire, dautant que la majorité ne sest pas honorée en excluant, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la majoration pour enfant du plafond de cumul entre un avantage propre et un avantage de réversion. Mme Marie-Françoise Clergeau, après avoir rappelé que la création de lassurance veuvage remontait à 1980, a estimé que, depuis lors, de nombreuses possibilités daméliorer lallocation veuvage navaient pas été saisies. Il semble donc un peu démagogique daborder ce problème de la manière dont le fait la proposition de loi. En réponse aux intervenants, le rapporteur a regretté la vivacité de certaines réactions en soulignant que la proposition de loi aurait pu faire lobjet dun consensus dépassant les clivages politiques. Il a rappelé quil avait toujours été attentif aux problèmes des veuves depuis onze ans et quil navait pas hésité à sopposer, sur ce sujet, à des gouvernements quil soutenait par ailleurs. Il faut également noter que la présence dans la proposition de loi dun gage exclut toute perte de recettes pour lassurance vieillesse. La proposition de loi, qui répond à une demande instante de la Fédération des associations de veuves civiles (FAVEC), pourrait être transformée en projet de loi si le Gouvernement le souhaitait, puisquelle na pas pour objectif de procurer un gain politique à ses auteurs, mais seulement daméliorer la situation des veuves concernées. M. Denis Jacquat, après avoir indiqué quil voterait contre la proposition dabsence de conclusions de la commission faite par M. Pascal Terrasse, a souhaité que le problème des veuves soit réexaminé une fois que seront connues les conclusions de la mission danalyse du système des retraites confiée au Commissaire général du Plan. La commission a décidé de suspendre lexamen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions. N°1329. - RAPPORT de M. François ROCHEBLOINE (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de loi (n° 800) de M. François Rochebloine relative à lassurance veuvage. 1 Il sagit, dans le premier cas, des pensions dassurance vieillesse ou dinvalidité, des rentes daccidents du travail et des indemnités journalières maladie, maternité ou accidents du travail et, dans le second cas, des prestations en nature de lassurance maladie. Par ailleurs, ouvrent également droit à lassurance veuvage les salariés en congé individuel de formation effectuant un stage de formation professionnelle et les détenus suivant un tel stage ou exécutant un travail pénal. 2 La loi dorientation relative à la lutte contre les exclusions a toutefois autorisé le cumul pendant un an de lalloation de veuvage et de revenus dactivité, lallocation étant versée intégralement pendant les trois premiers mois et à hauteur de 50 % pendant les six mois suivants et de 25 % pendant les trois derniers mois. 3 Larticle 38 précité comporte une quatrième mesure qui ne concerne pas lassurance veuvage, mais qui appelle néanmoins la critique en tant quelle restreint les droits sociaux des conjoints survivants : il sagit de lexclusion de la majoration pour enfant des pensions de vieillesse du plafond de cumul entre un avantage propre et un avantage dérivé, cette exclusion étant dautant plus contestable quelle revient sur une jurisprudence de la Cour de Cassation. |