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N° 1522

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er avril 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong Kong ,

PAR M. GUY LENGAGNE,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 371, 452 (1997-1998) et T.A. 47 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1305

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser la ratification de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale conclue entre la France et le Gouvernement de Hong Kong le 25 juin 1997.

Cette convention a été négociée avant la rétrocession et répond au souci de Hong Kong de multiplier les accords avec les démocraties.

Sans doute, la portée pratique de cet accord sera-t-elle faible car les relations d'entraide judiciaire entre la France et Hong Kong sont peu développées. Entre 1995 et 1998, trois demandes seulement ont été présentées par la France dans ce domaine.

Comme toutes les conventions de même objet, ce texte prévoit que "les Parties s'accordent mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites d'infractions pénales relevant de la juridiction de la partie requérante".

Cette aide a pour but de permettre à une juridiction de rassembler tous les éléments de preuve utiles à une enquête ou à une poursuite qui se trouveraient dans l'autre Etat partie. Elle peut prendre des formes diverses : remise de documents, exécution d'une demande de perquisition ou de saisie, comparution personnelle de témoins ou d'experts, transfert temporaire de détenus pour qu'ils comparaissent en qualité de témoins... Elle est réalisée conformément à la législation de l'Etat requis.

La Convention n'exclut pas que cette entraide puisse être accordée pour des infractions pénales à la législation relative aux impôts, aux droits de douane ou au contrôle des changes. En revanche, elle n'est pas applicable à l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations qui fera l'objet d'une convention d'extradition actuellement en cours de négociation.

La Convention prévoit également que les demandes d'entraide sont transmises d'autorité centrale à autorité centrale. Les conventions d'entraide judiciaire désignent généralement le ministère des Affaires étrangères comme autorité chargée de transmettre les demandes françaises ou de recevoir les demandes étrangères. Une demande émanant d'un juge français doit ainsi passer par le ministère de la Justice puis par le ministère des Affaires étrangères. Afin de raccourcir les délais, les nouvelles conventions désignent désormais le ministère de la Justice comme "boîte à lettres".

C'est cette dernière solution qui a été retenue pour la présente Convention. En revanche, comme dans la plupart des conventions conclues avec des pays lointains, la Convention ne prévoit pas la possibilité de transmission de juge à juge en cas d'urgence

Certaines spécificités de cette Convention tiennent aux clauses liées au statut particulier de Hong Kong.

La Convention n'a pu être signée qu'après avoir obtenu le nihil obstat de Pékin. La Chine s'est vue reconnaître la possibilité d'apporter une restriction à l'entraide sollicitée lorsqu'elle estime que la demande porte atteinte à sa souveraineté ou à son ordre public. Par ailleurs, la Convention fait référence, pour Hong Kong, non pas à ses ressortissants, mais à ses résidents permanents.

D'autres spécificités consistent en la transposition de dispositions qui se retrouvent habituellement dans les conventions d'extradition. Il s'agit des cas où la demande peut ou doit être refusée dans un souci de protection des droits de l'Homme. L'Etat requis peut ainsi refuser son aide lorsqu'il a de fortes raisons de croire que la demande aura pour effet de porter préjudice à une personne du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques. Le refus doit être opposé lorsque la demande se rapporte à une infraction passible de la peine de mort, sauf si la partie requérante donne des assurances que la peine de mort ne sera pas prononcée ou pas exécutée.

Ces précautions ont été introduites à la demande de la France car, lors des négociations, l'autonomie de Hong Kong n'était pas encore assurée.

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Hong Kong est retournée sous souveraineté chinoise le 1er juillet 1997. Tout en demeurant une des économies les plus prospères du monde - son PNB par habitant est supérieur à celui de la Grande-Bretagne - la nouvelle Région administrative spéciale est de plus en plus dépendante de l'économie chinoise et l'influence de Pékin s'y exerce chaque jour davantage. Si Pékin a tout intérêt à préserver l'avenir économique de ce pôle de croissance, les communistes chinois n'entendent pas que celui-ci devienne un foyer de contestation. Les résidents de Hong Kong, placés en quelque sorte dans la gueule du Dragon, entendent, pour leur part, défendre leur système.

Près de deux ans après la restitution de Hong Kong à la Chine, où en est l'ancienne colonie britannique ?

Sur le plan politique, la Chine a respecté le fameux principe : "un pays - deux systèmes", consacré par la Loi fondamentale laquelle pourrait être résumée par l'un des ses paragraphes : "Le système et les politiques socialistes ne sauraient être appliqués à la Région administrative spéciale, et l'ancien système capitaliste et le style de vie resteront inchangés pendant cinquante ans.".

Le premier chef de l'exécutif, M. Tung Chee Hwa, a été désigné en décembre 1996 par un "comité de sélection" dont les membres ont été nommés par Pékin. Comme le prévoyait la Loi fondamentale, le Conseil législatif a été renouvelé en mai 1998 selon une règle électorale peu démocratique puisque seul un tiers de ses 60 membres a été élu au suffrage universel direct. Cependant, avant la rétrocession, les institutions de la colonie n'étaient guère plus libérales. Les élections de 1998 se sont traduites par le succès des démocrates qui ont obtenu un tiers des sièges du nouveau conseil, soit beaucoup plus que ce qu'ils pouvaient espérer compte tenu du nombre de sièges pourvus par une procédure indirecte. L'opinion a démontré sa détermination à défendre ses libertés et la Chine a respecté l'autonomie de la région. Le nouvel exécutif est encore largement dominé par l'ancienne administration du dernier gouverneur britannique, M. Chris Patten. On n'a relevé aucune atteinte aux droits de l'Homme ou aux libertés publiques et l'armée chinois est restée discrète.

Cependant, quelques affaires de corruption ont assombri ce tableau et, tout récemment, une crise est intervenue entre la Région et Pékin à propos d'une loi sur l'immigration adoptée par le Conseil législatif.

La surprise est venue du sud avec la crise financière asiatique qui a profondément affecté l'économie de Hong Kong. Au cours de cette crise, de nombreux capitaux ont fui l'archipel, provoquant une chute de la consommation, de l'immobilier et du tourisme. De ce fait, Hong Kong n'a pu jouer son rôle de "poule aux oeufs d'or" mais est apparue au contraire comme un facteur de vulnérabilité à un moment où l'économie chinoise est, elle aussi, dans une phase de ralentissement de sa croissance.

Pour faire face à une forte récession (-5% en 1998) et maintenir la parité avec le dollar, l'exécutif a dû abandonner le dogme de la rigueur budgétaire. Pékin, pour sa part, a défendu sa monnaie et celle de Hong Kong alors que toutes les autres devises de la région sombraient. Les marchés sont aujourd'hui stabilisés mais l'époque du capitalisme triomphant paraît révolue.

Il apparaît aujourd'hui que l'économie subit les effets de la crise régionale mais également ceux de facteurs internes : la perte de compétitivité et la chute des profits ont été mises en évidence par la crise boursière. La parité fixe avec le dollar américain limite sérieusement la marge de manoeuvre de la politique monétaire et compromet la compétitivité de Hong Kong par rapport aux autres économies de la région. L'apparition d'un chômage relativement élevé (6% de la population active) et les baisses de salaires ont engendré un fort mécontentement social. Sans doute, les autorités disposent-elles de réserves budgétaires colossales (33% du PIB) qui peuvent permettre une reprise économique. Mais de nombreux facteurs obèrent les chances d'un retour à la prospérité de jadis.

Le respect de sa parole a permis à la Chine de rompre l'isolement diplomatique dans lequel l'avait plongée la répression de 1989. Il a facilité son rapprochement spectaculaire avec les Etats-Unis. De surcroît, son comportement pendant la crise financière lui a conféré le rang de partenaire économique des Etats-Unis. En effet, en défendant le dollar de Hong Kong, Pékin a enrayé la rechute des monnaies asiatiques.

Il paraît peu probable que la politique de la Chine à l'égard de Hong Kong soit profondément révisée à moyen terme. Sans doute, la Chine demeure hautement critiquable pour ce qui concerne sa politique intérieure. La répression de la dissidence ne mollit pas et la crise sociale a atteint un nouveau sommet. Mais Pékin a pour objectif la rétrocession de Macao par le Portugal, qui doit intervenir en décembre 1999, et, à terme, la réintégration de Taïwan. A ces fins, la Chine doit démontrer que le principe "un pays - deux systèmes" n'est pas un simple ornement rhétorique.

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Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 31 mars 1999.

Après l’exposé du Rapporteur, M. Jacques Myard a demandé sur quelle base juridique il avait été possible de conclure un traité avec la Région administrative spéciale de Hong-Kong qui n'a pas la qualité d'Etat au sens du droit international.

M. Guy Lengagne lui a répondu que cette possibilité avait été explicitement prévue par la déclaration sino-britannique de décembre 1984 afin que fût respecté le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire de Hong-Kong.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1305).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1305 ).

N°1522. - RAPPORT de M. Guy LENGAGNE (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1305), autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong-kong