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le 5 mai 1999

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N° 1563

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 avril 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LES PROPOSITIONS DE LOI :

1. (n° 1515) de MME GILBERTE MARIN-MOSKOVITZ tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie.

2. (n° 1503 rectifié) de M JEAN-JACQUES DENIS tendant à favoriser le développement des soins palliatifs ;

3. (n° 1353) de M. BERNARD PERRUT tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie ;

4. (n° 1514) de M. ROGER-GÉRARD SCHWARTZENBERG visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs,

5. (n° 1560) de M. JEAN-LOUIS DEBRÉ tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement.

PAR Mme Gilberte MARIN-MOSKOVITZ

Députée.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Santé

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I.- SOINS PALLIATIFS ET LUTTE CONTRE LA DOULEUR : UN RETARD CONSIDÉRABLE EN DÉPIT DE PROGRÈS RÉCENTS 7

A. UN TRÈS FORT RETARD DE LA FRANCE 7

1. La situation actuelle 7

2. Une offre de soins palliatifs tout à fait insuffisante par rapport aux besoins 10

3. Les raisons du retard français 11

B. LA NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER 12

1. La faiblesse du cadre juridique 12

2. L’amorce d’une volonté politique : le plan de développement des soins palliatifs 14

II.- LES DIFFÉRENTES SOLUTIONS AVANCÉES PAR LES PROPOSITIONS DE
LOI
17

A. DÉFINIR LÉGALEMENT LES SOINS PALLIATIFS ET LE DROIT D’ACCEDER À CEUX-CI 17

1. La définition du malade ayant droit aux soins palliatifs 17

2. La définition de la nature des soins prodigués 18

3. La définition des objectifs de ces soins 18

4. La définition des acteurs de ces soins 18

5. La définition de normes de qualité et d’accréditation 19

B.- ÉTENDRE LES MISSIONS DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX 19

1. L’obligation de pratiquer les soins palliatifs 19

2. La formation, la recherche et la diffusion des connaissances en matière de soins palliatifs 20

3. L’adaptation de la législation et de la planification hospitalière 21

C.- RECONNAITRE ET ENCADRER LE RÔLE DES ASSOCIATIONS 21

1. Le rôle des bénévoles 21

2. Les conditions d’intervention des associations 22

D.- CRÉER UN DROIT AU CONGÉ D’ACCOMPAGNEMENT POUR LES PROCHES DU MALADE 23

1. Personne y ayant droit 23

2. Nature et ouverture de ce droit 23

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 26

II.- EXAMEN DES ARTICLES 29

Article 1er : Définition des soins palliatifs et accès à ces soins 29

Articles additionnels après l’article 1er

(article L. 712-3-1-1 nouveau du code de la santé publique) : Prise en compte des soins palliatifs dans la carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire 35

(article L. 712-10 du code de la santé publique) : Reconnaissance des soins palliatifs comme discipline hospitalière 36

Modes de rémunération particuliers 37

Prise en compte des soins palliatifs par le PMSI 38

Article 2 (article L. 710-3-1 du code de la santé publique) : Élargissement à l'ensemble des établissements de santé publics et privés et des établissements médico-sociaux de la mission de délivrer des soins palliatifs 38

Articles additionnels après l’article 2 41

(article L. 312 du code de la santé publique) : Centres de lutte contre le cancer 41

(article L. 791-2 du code de la santé publique) : Compétence de l’ANAES en matière de soins palliatifs 41

Article 3 : Statut des bénévoles et conditions d’intervention des associations 41

Article additionnel après l’article 3 (articles L. 225-15 à L. 225-19 nouveaux du code du travail) : Congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie 44

Article 4 : Rapport sur le développement des soins palliatifs 46

Article 5 : Compensation des dépenses nouvelles résultant de l’application de la
loi 47

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 49

INTRODUCTION

La mort remet en cause l’image que nos sociétés modernes veulent donner d’elles-mêmes, une image intemporelle et conquérante. La mort dérange ; on la tait, on la cache et on la relègue. Ainsi, alors qu’en 1960 les deux tiers de nos concitoyens décédaient à domicile, aujourd’hui, 70 % des Français meurent en institution, parfois sans la présence de leur famille. Les progrès considérables de la médecine ont repoussé toujours plus loin les limites de la vie et ont conduit à déshumaniser en quelque sorte la mort. La douleur physique et psychique liée à la mort a été occultée et négligée par la médecine.

Très récemment, notre société a pris conscience qu’il est du devoir des professionnels de santé de prendre en compte la douleur, de la soulager et d’apaiser les souffrances psychiques par une réelle communication avec le malade en fin de vie. C’est la vocation des soins palliatifs qui sont des soins techniques et actifs visant d’une part à soulager la douleur physique et d’autre part à apaiser la souffrance psychologique du malade atteint d’une maladie grave et de ses proches.

Nos voisins anglais ont pris conscience les premiers de la nécessité de tels soins, avec l’ouverture à Londres de Saint Christopher’s Hospice en 1967, premier hôpital moderne consacré aux soins palliatifs. En France, malgré la création de la maison Jeanne Garnier en 1842, l’introduction des soins palliatifs s’est faite progressivement, et souvent à l’initiative des bénévoles, à partir de la circulaire du 26 août 1986.

Le rapport d’information de M. Lucien Neuwirth “ Pour une politique de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement ” et l’avis adopté le 24 février 1999 par le Conseil économique et social “ L’accompagnement des personnes en fin de vie ” ont montré le retard considérable de la France en la matière. L’offre de soins palliatifs est tout à fait insuffisante et inégalement répartie sur notre territoire. On compte environ 570 lits contre 3 000 en Grande-Bretagne. Or, sur un peu plus de 535 000 décès annuels, 150 000 (cancers, maladie d’Alzheimer…) sont concernés par l’accompagnement.

La nécessité de légiférer dans ce domaine est donc évidente car pour combler ce retard, une réelle volonté politique doit être affirmée.

Aussi, à l’initiative du groupe Radical, Citoyen et Vert, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a examiné cinq propositions de loi se rattachant à ce sujet fondamental. Outre la proposition de loi n° 1515, présente par votre rapporteur et qui est le texte de base pour la discussion en commission, il s’agit des propositions suivantes :

- celle de M. Jean-Jacques Denis tendant à favoriser le développement des soins palliatifs – n° 1503 rectifiée ;

- celle de M. Jean-Louis Debré qui a repris la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth adoptée au Sénat le 7  avril 1999 visant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement – n° 1560 ;

- celle de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs – n° 1514 ;

- celle de M. Bernard Perrut tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie – n° 1353 ;

I.- SOINS PALLIATIFS ET LUTTE CONTRE LA DOULEUR : UN RETARD CONSIDÉRABLE EN DÉPIT DE PROGRÈS RÉCENTS

A. UN TRÈS FORT RETARD DE LA FRANCE

1. La situation actuelle

La notion de soins palliatifs est d’abord apparue en Grande-Bretagne. Ciceley Saunders, devant la profondeur de la souffrance et de la détresse morale des patients en fin de vie et la difficulté à la faire prendre en charge par le milieu hospitalier, a fondé en 1967, le Saint-Christopher’s Hospice à Londres. Son exemple fera école dans les pays anglo-saxons mais aussi en Belgique, en Catalogne, au Québec et en Suisse…

Malgré le précédent que constitue, dans notre pays, la création d’un hospice pour les maladies incurables en fin de vie par Jeanne Garnier à Lyon en 1842, la France, comme d’ailleurs pour le traitement de la douleur, restera longtemps à l’écart de ce mouvement et accuse toujours un retard sur nos principaux voisins. L’approche des soins palliatifs n’a été introduite que très progressivement grâce à l’action du père Verspieren et de quelques médecins comme le Dr Sebag-Lanoë. En 1985, le secrétaire d’Etat à la santé installe un groupe de travail pluridisciplinaire, présidé par Mme Geneviève Laroque, qui remet son rapport en 1986. Ce rapport inspirera la circulaire du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale.

a) Les structures hospitalières

Depuis la circulaire de 1986 et la création de la première unité par le professeur Abiven à l’hôpital international de la cité universitaire de Paris, en 1987, des soins palliatifs se sont développés en milieu hospitalier dans deux types de structures :

Les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) dont la mission, au sein de l’établissement - et beaucoup plus rarement à l’extérieur - est d’apporter une expertise et un soutien technique aux services qui souhaitent garder leurs patients jusqu’à la fin.

Les unités mobiles présentent l’avantage de ne pas prendre la place des autres soignants, de permettre la diffusion des idées et des pratiques de soins palliatifs dans toutes les équipes d’un établissement et, éventuellement, dans d’autres hôpitaux voisins et de faciliter l’intégration des bénévoles.

Les missions dévolues aux équipes mobiles de soins palliatifs sont à la fois simples et considérables. Elles sont fondées sur l’idée d’une continuité des soins (curatifs puis palliatifs) et de l’accompagnement. On évite ainsi un transfert souvent traumatisant et on permet au service de suivre son patient jusqu’au bout dans des conditions satisfaisantes pour tous.

L’équipe mobile intervient donc, à la demande des services de l’établissement (y compris, le cas échéant, les services d’urgence), dans un rôle d’expertise et de soutien mais non de prise en charge directe.

Les unités de soins palliatifs (USP) résidentielles

Les unités de soins palliatifs offrent une prise en charge du patient et de son entourage, interdisciplinaire, médicale (soins curatifs et symptomatiques dont le traitement de la douleur présent dans plus de 80 % des cas), psychologique (plus de la moitié des patients souffrent de troubles psychiques liés à l’angoisse) et sociale.

Toutefois, trop isolées des autres services qui peuvent avoir la tentation de reporter sur elles la prise en charge totale des malades en fin de vie, ces unités sont parfois considérées comme des “ mouroirs ”. Il est donc essentiel qu’une culture de la pratique des soins palliatifs soit diffusée dans l’ensemble des services afin que le malade soit maintenu dans son service d’accueil. Les unités de soins palliatifs demeurent, cependant, indispensables pour la prise en charge des cas les plus graves et des personnes jusqu’alors maintenues à domicile et devant être hospitalisées rapidement.

Compte tenu de la charge de travail (essentiellement en temps) nécessaire, les équipes sont donc généralement étoffées (avec cependant de fortes variations allant de 2,2 personnels par lits dans les cas les plus favorables à 0,6 voire moins dans les unités relevant de services de suite ou de long séjour) et pluridisciplinaires : médecins, infirmières, kinésithérapeutes, aides-soignantes, psychologues, psychiatres, assistantes sociales, secrétaires médicales, personnels de service… et, dans tous les cas, elles sont assistées par des équipes de bénévoles qui ne se substituent pas à elles mais les complètent. Le travail s’y fait réellement en équipe (réunions souvent journalières pour faire le point) et le personnel bénéficie d’un soutien psychologique particulier (groupes de parole animés par un thérapeute extérieur ou entretiens individuels).

Les unités accueillent, en règle générale, des malades adultes, en phase dite terminale (la durée moyenne de séjour y est de moins de trente jours) atteints de cancers (80 % des entrées), du sida, de maladies neurologiques graves à pronostic défavorable ou de pathologies mentales liées à l’âge (maladie d’Alzheimer). En moyenne, 20 % quittent l’unité pour retourner en service de soins actifs ou à domicile.

b) Les structures de soins palliatifs au domicile

Environ 30 % des décès ont lieu à domicile. La circulaire du 26 août 1986 cite d’abord le domicile comme terrain de dispensation des soins palliatifs car il est un “ lieu naturel de vie ”.

Au domicile, le soins palliatifs font intervenir les médecins généralistes, en liaison ou non avec l’hospitalisation à domicile. Dans ce cas, le médecin traitant bénéficie du concours d’un médecin hospitalier coordonnateur qui assure l’interface entre domicile et hôpital.

Les services d’hospitalisation à domicile (HAD), prévues par la loi hospitalière de 1991, au nombre de 47 en France, sont en effet particulièrement concernés par les soins palliatifs, qu’ils relèvent directement de l’hôpital ou d’associations conventionnées avec la sécurité sociale. Ainsi, la cancérologie et le SIDA représentent 40 % des admissions de l’HAD à l’Assistance-Publique-Hôpitaux de Paris.

La mise en œuvre des soins palliatifs à domicile suppose également le concours d’infirmières, qu’elles exercent sous statut libéral ou qu’elles relèvent de l’HAD ou de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Le domicile est également le lieu privilégié de l’intervention de bénévoles ou d’associations de malades.

Le retour à domicile résulte, bien souvent, d’une demande du patient. Il peut aussi être la conséquence d’une décision hospitalière : c’est pourquoi, reconnaît la circulaire précitée, les soins palliatifs y sont plus ou moins aisés à mettre en œuvre.

La circulaire de 1986 évoque les difficultés particulières rencontrées dans l’organisation de soins palliatifs à domicile. Elle précise ainsi que, pour qu’ils soient mis en œuvre dans les meilleures conditions, le soins palliatifs à domicile doivent prendre en compte des données spécifiques telles que :

- l’environnement psychologique et matériel du malade et de la famille ;

- la formation des intervenants ;

- et l’interaction hôpital-domicile.

2. Une offre de soins palliatifs tout à fait insuffisante par rapport aux besoins

· Il existe 54 unités de soins palliatifs offrant un total de 576 lits. En Ile-de-France, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales estime que 32 000 personnes devraient bénéficier de soins palliatifs : dans la mesure où chaque lit en unité de soins palliatifs permet d’accueillir environ 9 malades par an, 2 660 lits seraient ainsi nécessaires pour cette région. Or, seulement, 124 lits sont aujourd’hui recensés en Ile-de-France ;

· 41 départements ne disposent ni d’unité avec lits, ni d’unité mobile de soins palliatifs ;

· plus de la moitié des équipes mobiles ne disposent pas du personnel et des compétences nécessaires à savoir au moins un médecin, un psychologue, un infirmier et une secrétaire ;

· la quasi totalité des équipes mobiles ne disposent pas de locaux propres et ne peuvent donc pas pratiquer de consultation ni d’accueil des familles ;

· les trois types de soins palliatifs sont concentrées dans la région parisienne, le Nord-Pas-de-Calais et le sillon rhodanien ;

· l’hospitalisation à domicile en France est très peu développée (capacité d’accueil inférieure à 4 000 lits).

L’insuffisance des moyens est donc évidente. En réalité, le développement des soins palliatifs a été entravé, dès l’origine par une disposition de la circulaire de 1986 précisant que “ Les moyens nécessaires à la mise en application pratique des soins d’accompagnement des mouvements seront recherchés par le redéploiement des moyens existants ”.

Le rapport du Conseil économique et social a pourtant montré de manière très claire que le coût budgétaire du développement des soins palliatifs est limité. Le maintien d’un malade en service actif hospitalier revient de 3 000 à 5 000 F/jour, son transfert en unité de soins palliatifs ramène ce coût aux environs de 2 000 F/jour, son retour au domicile avec une prise en charge de qualité, fait descendre le coût journalier aux alentours de 1 200 F.

Il faut ajouter qu’à l’absence de moyens, s’ajoute l’absence de normes devant présider à la création et au fonctionnement des unités et des équipes. Il n’existe pas de modèle normalisé d’unité ou d’équipe spécialisée en soins palliatifs.

3. Les raisons du retard français

a) Une résistance culturelle

Les infirmiers ont, depuis le décret du 15 mars 1993, une formation en soins palliatifs. Ils reçoivent un enseignement spécifique aux soins palliatifs, au traitement de la douleur et à la psychologie de l’accompagnement de chaque malade, y compris dans le dernier parcours de sa vie.

En revanche, la formation des médecins demeure dans ce domaine dérisoire. Ce n’est que depuis un arrêté du 4 mars 1997 que l’enseignement théorique, dans la deuxième partie du deuxième cycle des études médicales comprend, parmi des matières ou des groupes de matières obligatoires, les soins palliatifs et le traitement de la douleur. Seulement la moitié des facultés de médecine a appliqué cet arrêté.

Pour ce qui est de la recherche, le bilan est également mauvais. Les équipes de soins palliatifs manquent de reconnaissance universitaire, du fait de l’absence de formation aux soins palliatifs pendant le cursus médical. De plus, la précarité et la faiblesse des moyens dont disposent les structures de soins palliatifs obligent leurs membres à consacrer tout leur temps disponible aux malades.

En réalité, il existe une résistance culturelle aux soins palliatifs dans la médecine française. La médecine française privilégie et enseigne les techniques de dépistage précoce, les associations de thérapies avec le souci louable d’élargir toujours davantage le champ des guérisons mais, dans le même temps, la mort apparaît comme une limite insupportable à l’idéologie de la toute puissance médicale et elle est, de ce fait, rejetée.

Par ailleurs, les résistances culturelles à la prescription d’antalgiques majeurs demeurent tenaces dans notre pays par rapport à nos voisins européens notamment la Belgique et le Danemark. Or la maîtrise de la douleur est une composante essentielle d’un accompagnement serein de la fin de vie.

Cette absence de reconnaissance des soins palliatifs rejaillit sur le statut des équipes mobiles. Les équipes n’ont pas au sein de l’établissement de statut administratif clair. Le médecin coordonnateur est rarement un praticien hospitalier mais, plus souvent, un médecin contractuel ou vacataire. N’ayant pas la responsabilité directe du malade, ses prescriptions, notamment en matière de traitement de la douleur, ne sont pas toujours suivies.

b) Une activité de soins non quantifiée

Le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) constitue désormais l’instrument privilégié pour décrire l’activité hospitalière et est utilisé pour allouer les moyens financiers aux établissements. Pour des groupes homogènes de malades, il décrit les diagnostics, les actes dits “ classants ” réalisés et mesure l’activité à travers un “ prix unitaire théorique ” exprimé en “ points ISA ”.

Il est essentiel, dès aujourd’hui, que le PMSI évolue pour mieux prendre en considération l’activité de soins palliatifs, car tel n’est pas le cas aujourd’hui. En effet, pour les structures de soins palliatifs actuellement classées en court séjour, ce qui est le cas d’unités importantes comme la maison médicale Jeanne Garnier, l’inadaptation du PMSI se traduit par une valeur de point ISA comprise entre 60 et 70 francs, soit environ six fois le coût moyen de l’activité hospitalière au niveau national. Pour les unités classées en soins de suite, la situation est un peu meilleure. En effet, le PMSI prend en compte la dépendance physique du malade, qui constitue un critère important pour décrire les personnes bénéficiant de soins palliatifs. Mais d’autres éléments importants ne sont pas pris en considération : il en est ainsi du “ temps relationnel ”, c’est-à-dire de tout le temps passé par l’équipe hospitalière en accompagnement psychologique du malade. Il en est également ainsi des “ troubles du comportement ”, dont souffrent certains malades en soins palliatifs et qui occasionnent des soins spécifiques et, aussi du temps passé.

En fait, selon le président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, il n’est pas excessif de constater que le PMSI valorise l’acharnement thérapeutique. En fait, du strict point de vue du PMSI, mieux vaut poursuivre jusqu’au bout des actes de chirurgie ou de chimiothérapie, même inutiles, que de pratiquer l’abstention thérapeutique, soulager le malade et l’accompagner.

B. LA NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

1. La faiblesse du cadre juridique

La circulaire DGS/3D du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et l’accompagnements des maladies en phase terminale est le seul texte traitant spécifiquement des soins palliatifs. Elle précise ce que sont les soins palliatifs et présente les modalités essentielles de leur organisation, compte tenu de la diversité des situations : accompagnement à domicile, caractéristiques des unités de soins palliatifs, relations avec les familles, rôle des bénévoles.

La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 de réforme hospitalière avait introduit les soins palliatifs dans les missions du service public hospitalier. L’article L. 711-4 du code de la santé publique prévoit que les établissements de santé assurant le service public hospitalier “ dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et veillent à la continuité de ces soins à l’issue de leur admission ou de leur hébergement ”.

Suite à la publication du rapport du docteur Delbecque, M. Bernard Kouchner, ministre de la santé et de l’action humanitaire avait annoncé, les cinq mesures à mettre en œuvre en 1993. Ce plan fut sans effet en raison du changement de gouvernement.

Plan Kouchner annoncé le 8 mars 1993

1. La création d’une fonction de soins palliatifs

“ la création d’une fonction “ soins palliatifs ” sous forme d’unités de soins palliatifs et/ou d’équipes mobiles dans tous les CHU. Les unités de soins palliatifs ont pour fonction essentielle la formation et la recherche ;

2. Développement de petites unités de soins

“ encourager le développement de petites unités de soins, notamment dans les hôpitaux de proximité ;

3. Développement de l’hospitalisation à domicile

“ encourager le développement des structures d’hospitalisation à domicile (HAD) dans le cadre des trois décrets du 2 octobres 1992 sur les alternatives à l’hospitalisation ;

4. Développement des équipes mobiles en milieu hospitalier

“ développer des équipes mobiles intervenant dans les centres de cancérologie ou de SIDA ou dans d’autres sites hospitaliers par conventions entre centres ;

5. Développement de la formation permanente en matière de soins palliatifs

- en inscrivant ce thème comme l’une des priorités des organismes habilités en matière de formation médicale continue ;

- en incitant les universités à créer des diplômes de soins palliatifs.

Le Conseil économique et social a donc raison d’indiquer que les structures de soins palliatifs se sont développées “ à partir de l’engagement militant de quelques-uns, sans ligne directrice, sans vision planificatrice et sans financement spécifique ”.

2. L’amorce d’une volonté politique : le plan de développement des soins palliatifs

Le 8 avril dernier, le secrétaire d’Etat à la santé a annoncé une série de mesures destinées à améliorer la prise en charge de la douleur et des malades en fin de vie.

Ce plan triennal de développement des soins palliatifs comporte des mesures de nature variée :

- création d’unités de soins palliatifs dans les régions qui en sont dépourvues : Centre, Limousin, Languedoc-Roussillon et Corse ;

- soutien aux trois projets régionaux “ Alsace contre le cancer ”, “ contre le cancer en Champagne-Ardenne ”, et le contrat d’objectifs sur les soins palliatifs en Ile-de-France. Ces expériences innovantes tendent notamment de résoudre les obstacles qui limitent jusque là les soins palliatifs délivrés à domicile ;

- développement des équipes mobiles. Celles-ci se sont développées plus rapidement que les unités de soins. En effet, elles étaient au nombre de 6 en 1992, 27 en 1995 pour atteindre 55 en 1997 ;

- établissement et publication de l’offre de soins palliatifs et des associations de bénévoles qui l’ont soutenue ;

- prise en compte des soins palliatifs dans l’accréditation des établissements de santé ;

- amélioration de la formation initiale et continue de professionnels de santé ;

- étude des mesures permettant de favoriser la prise en charge à domicile des personnes en fin de vie.

150 millions de francs ont été débloqués pour le développement des soins palliatifs dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Cette enveloppe permettra de doubler dès 1999 l’offre de soins palliatifs. Pour les hôpitaux l’augmentation en moyenne de 2,04 % des dotations régionalisées en 1999 doit permettre selon le ministère “ d’accompagner les priorités du Gouvernement en matière de santé publique et notamment l’action en faveur des soins palliatifs et le développement des permanences d’accès aux soins dans le cadre de la lutte contre les exclusions ”. Le Fonds national d’action sociale de la CNAMTS a consacré en 1999 50 millions de francs à la formation des bénévoles, au financement des gardes-malades et à la prise en charge de fournitures diverses non remboursables.

A la fin 1999, la France devrait ainsi compter 177 équipes mobiles (contre 55 en 1997), 99 unités (contre 57) et une dizaine de réseaux de soins palliatifs, entre des établissements ou entre la ville et l’hôpital. Tous les départements, à l’exception de la Martinique et de la Guyane, disposeraient d’au moins une équipe mobile ou d’une unité de soins palliatifs. Un effort est également prévu pour renforcer les équipes existantes : cela concerne pour 1999, plus d’une cinquantaine de structures et équipes mobiles.

En matière de lutte contre la douleur, les progrès sont également réels. La prise en charge de la douleur est essentielle dans la démarche d’accompagnement car un malade enfermé dans la souffrance ne peut pas être aidé. Les médecins et les personnels soignants sont mieux formés au traitement de la douleur depuis quelques années. Le secrétaire d’Etat a décidé une simplification de la prescription des antalgiques majeurs. Le carnet à souches a été supprimé, à partir du 1er janvier 1999 et les médecins disposent d’ordonnances sécurisées pour établir les prescriptions de médicaments classés comme stupéfiants.

Cependant, le plan gouvernemental et les financements prévus doivent être impérativement rattachés à des dispositions législatives. Seul un texte de loi pourra améliorer de manière importance et pérenne la situation des soins palliatifs en France.

La nécessité de légiférer est évidente et urgente. Les Etats généraux de la santé ont montré que les conditions de fin de vie sont au centre des préoccupations de nos concitoyens. Parmi les thèmes retenus par les comités de pilotage des Etats généraux, le thème “ douleur et soins palliatifs ” est en effet celui qui a fait l’objet du plus grand nombre de réunions organisées sur l’ensemble du territoire.

II.- LES DIFFÉRENTES SOLUTIONS AVANCÉES PAR LES PROPOSITIONS DE LOI

Pour rattraper le retard de la France en matière de reconnaissance et de développement des soins palliatifs, par les différentes propositions de loi soumises aujourd’hui à l’examen de l’Assemblée nationale ont toutes pour objet de répondre à trois questions principales qui peuvent se résumer ainsi : que sont les soins palliatifs ? Qui doit les assurer et dans quelles conditions ? Comment soutenir le malade et son entourage ?

DÉFINIR LÉGALEMENT LES SOINS PALLIATIFS ET LE DROIT D’ACCÉDER À CEUX-CI

La loi hospitalière n° 91-748 du 31 juillet 1991 s’était contentée de citer les soins palliatifs à côté des soins préventifs et curatifs que les établissements de santé, participant au service public hospitalier, sont conduits à dispenser aux patients dont l’état le requiert. La circulaire du 26 août 1986 “ relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale ” avait, certes, tenté de préciser la notion de soins palliatifs mais l’avait limité aux soins d’accompagnement sans apporter de définition précise.

Les propositions de loi de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et de MM. Jean-Jacques Denis et Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat ambitionnent de reconnaître fortement les soins palliatifs en en donnant une définition légale s’appuyant sur la définition du malade auquel ces soins s’adressent, sur la nature et les objectifs de ces soins et sur les personnes aptes à les prodiguer.

Si les propositions de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et de M. Jean-Jacques Denis affirment le droit d’accès aux soins palliatifs ainsi définis, la proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat y ajoutent la notion de soins d’accompagnement, tandis que celle de M. Roger-Gérard Schwartzenberg inscrit le droit d’accès à des soins palliatifs dans le droit à d’une mort digne.

1. La définition du malade ayant droit aux soins palliatifs

Les propositions de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et de M. Jean-Jacques Denis, dans une vision très large, reconnaissent à toute personne atteinte d’une “ maladie grave ” le droit d’accéder à des soins palliatifs. Le texte de M. Jean-Louis Debré et celui du Sénat précisent que cette maladie doit mettre en jeu le pronostic vital tandis que celui proposé par M. Roger-Gérard Schwartzenberg réserve les soins palliatifs à toute personne “ en phase évolutive ou terminale d’une maladie potentiellement mortelle ”, reprenant la définition donnée par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.

2. La définition de la nature des soins prodigués

Seules les propositions de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et de M. Jean-Jacques Denis qualifient les soins palliatifs de soins “ actifs et continus ”, soulignant ainsi l’idée de continuité entre les soins curatifs et palliatifs. La notion de soins palliatifs doit donc, dans cette acception, s’appliquer à des personnes dont l’espérance de vie peut ne pas être négligeable, les soins apportés pouvant rechercher et obtenir une rémission de la maladie, même de courte durée. A l’inverse, la proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg est plus restrictive puisqu’elle s’adresse aux malades en phase évolutive ou terminale.

3. La définition des objectifs de ces soins

Les cinq propositions précitées retiennent toutes comme objectif premier des soins palliatifs le soulagement de la douleur. Elles y ajoutent également le soulagement ou l’apaisement des douleurs psychiques, la proposition de M Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat lui préférant la notion de souffrance psychologique, sociale et spirituelle et celle de M. Roger-Gérard Schwartzenberg la notion de souffrance morale. Pour Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Jean-Jacques Denis et M. Roger-Gérard Schwartzenberg, les soins palliatifs doivent également permettre de souvegarder ou de préserver la dignité du malade. Ces soins doivent également, selon Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Jean-Jacques Denis, M. Jean-Louis Debré et le Sénat, viser au soulagement ou à la prise en compte de la souffrance de l’entourage. A l’inverse, la proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg ne retient pas cette extension des objectifs des soins palliatifs à l’entourage.

4. La définition des acteurs de ces soins

L’ensemble des propositions précitées souhaitent que les soins palliatifs soient pratiquées par des “ équipes pluridisciplinaires en institution ou à domicile ” . Elles insistent donc sur la nécessité de prévoir une prise en charge globale du patient qui soit à la fois médicale, psychologique et sociale. Les intervenants en soins palliatifs doivent donc constituer des équipes pluriprofessionnelles dans leur composition et interdisciplinaires dans leurs modes d’action qui doivent se compléter autour du malade. Médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, aides-soignants, psychiatres, assistants sociaux, secrétaires médicaux, personnels de service dans les institutions et bénévoles des associations doivent donc intervenir ensemble pour assurer cette prise en charge globale du patient, qu’il soit hébergé dans un établissement de santé ou médico-social ou qu’il puisse être soigné à son domicile. Il résulte de cette définition identique des équipes soignantes intervenant en soins palliatifs en établissement ou à domicile la même exigence de qualité dans la prise en charge du malade.

5. La définition de normes de qualité et d’accréditation

Seules la proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat prévoient l’extension des missions de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) aux soins palliatifs pour que soient mises au point des recommandations de bonnes pratiques cliniques, des références médicales et professionnelles ainsi que des méthodes d’évaluation pour ces soins. Le rapport du Comité économique et social précité avait, en effet, souligné que l’absence de normes de qualité portait préjudice au développement cohérent et maîtrisé des soins palliatifs en France. Ces normes pourraient porter tant sur les missions des différentes structures et intervenants que sur la constitution des équipes, afin d’assurer leur caractère pluridisciplinaire et pluriprofessionnel, sur leurs moyens matériels et leurs modes de fonctionnement. L’efficacité et l’application de ces normes doivent par ailleurs être mesurées au moyen de méthodes adaptées d’évaluation des pratiques. Il faut souligner, à cet égard, l’existence, en région de Catalogne, de normes minimales pour l’établissement et le fonctionnement des structures de soins palliatifs qui ont été reconnues comme références en la matière par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

B.- ÉTENDRE LES MISSIONS DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX

1. L’obligation de pratiquer les soins palliatifs

L’article L. 710-3-1 du code de la santé confiait déjà à tous les établissements de santé et aux établissements sociaux et médico-sociaux le soin de prendre en charge la douleur de leurs patients, à charge pour eux de définir les moyens propres à la réalisation de cette obligation. Les propositions de loi de Mme Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Jean-Jacques Denis, M. Roger-Gérard Schwartzenberg et Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat souhaitent que cette obligation soit désormais étendue à la pratique des soins palliatifs si l’état des patients le requiert. Cette extension est donc tout à fait novatrice pour les établissements de santé privé ne relevant pas du service public et pour les établissements sociaux et médico-sociaux puisque la loi hospitalière (article L. 711-4 du code de la santé publique) n’avait confié qu’aux établissements de santé du service public hospitalier l’obligation de dispenser les soins palliatifs aux patients dont l’état le requiert. Grâce à cette extension, tout malade qui en a besoin devrait donc pouvoir bénéficier de soins palliatifs, quel que soit l’établissement qui l’accueille. La proposition de loi de Mme Mme Gilberte Marin-Moskovitz précise que cette possibilité doit exister “ dans toutes les unités et structures de soins ”, ce qui milite en faveur d’une culture en faveur des soins palliatifs dans tous les services et non pour des structures spécifiques, isolées des autres services.

La proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg se distingue en prévoyant la création, dans chaque centre hospitalier universitaire (CHU), d’une unité de soins palliatifs comportant au moins 10 à 15 lits. Chaque département doit par ailleurs être pourvu d’une structure spécialisée, résidentielle ou mobile, sans que soit précisée la nature de l’établissement qui devrait créer une telle structure, en l’absence de CHU.

Enfin, seules la proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat prévoient d’élargir les missions des centres de lutte contre le cancer, définies à l’article L. 312 du code de la santé, à la délivrance de soins palliatifs aux patients dont l’état le requiert.

2. La formation, la recherche et la diffusion des connaissances en matière de soins palliatifs

Les cinq propositions précitées confient aux CHU le soin d’assurer la formation initiale des médecins, la diffusion des connaissances et la recherche dans le domaine des soins palliatifs.

La diffusion des connaissances acquises doit être largement assurée en direction de tous les établissements mais aussi vers les acteurs de la médecine de ville, ce qui renvoie à la notion de réseaux “ ville-hôpital ”. Selon les propositions de loi de Mme Gilberte Marin-Moskovitz, de MM. Jean-Jacques Denis et Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat, cette diffusion des connaissances devrait aussi viser les équipes soignantes, participant ainsi à leur sensibilisation aux soins palliatifs ou à leur formation dans ce domaine. La proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg est à ce sujet plus ambitieuse puisqu’elle étend l’obligation pour les CHU d’assurer la formation initiale des médecins à la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé. Une telle extension semble peu réalisable au regard des cursus de formation initiale de ces professionnels, qui ne prévoient pas tous la pratique obligatoire de stages en CHU, ainsi que des règles actuelles régissant leur formation continue.

3. L’adaptation de la législation et de la planification hospitalière

Les propositions de MM. Roger-Gérard Schwartzenberg et Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat prévoient la prise en compte des besoins en soins palliatifs dans la carte sanitaire ainsi que dans le schéma d’organisation sanitaire et sociale (SROSS). A l’heure actuelle, les soins palliatifs n’étant pas individualisés dans les documents de planification sanitaire, ne sont pas considérés comme une activité en tant que telle pouvant faire l’objet d’autorisations d’installation ou d’équipement spécifique par les autorités sanitaires, ce qui nuit à leur développement dans un contexte de restriction budgétaire.

En outre, la proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat envisagent d’élever les soins palliatifs au rang de discipline hospitalière pour la création de structures de soins alternatives à l’hospitalisation au sens de l’article L. 712-10 du code de la santé, c’est-à-dire pour le développement de l’hospitalisation à domicile. Elle propose également qu’un rapport soit remis au Parlement par le Gouvernement avant le 31 décembre 1999 sur la prise en compte des soins palliatifs dans le Programme de médicalisation du système d’information (PMSI). Ce programme, qui mesure le rapport coût/efficacité de la plupart des activités médicales à l’hôpital, valorise davantage les actes techniques que les actes cliniques et en particulier les soins d’accompagnement que sont les soins palliatifs. Il porte ainsi préjudice au développement de ces soins qui, en application des règles de calcul actuelles, “ coûtent ” plus à un hôpital en réduisant ses performances ainsi évaluées. La proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat engagent donc le Gouvernement à étudier des modalités de prise en compte adaptées des soins palliatifs dans le PMSI afin de ne pas porter préjudice à leur développement.

C.- RECONNAITRE ET ENCADRER LE RÔLE DES ASSOCIATIONS

1. Le rôle des bénévoles

Les propositions de Mme Gilberte Marin-Moskovitz, de MM. Jean-Jacques Denis et Roger-Gérard Schwartzenberg reconnaissent le rôle des bénévoles dont elles proposent de définir les conditions d’intervention suivantes :

- ils ne peuvent d’abord intervenir qu’avec l’accord du malade ou de son entourage ;

- ils doivent être à cet effet formés par les associations auxquelles ils appartiennent lesquelles devraient être, selon la proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, agréées ;

- ils complètent l’action des équipes soignantes, la proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg précisant que leur intervention relève de l’accompagnement du malade et vise à conforter son environnement social et affectif ainsi que celui de son entourage.

Si les propositions de Mme Gilberte Marin-Moskovitz, de MM. Jean-Jacques Denis et Roger-Gérard Schwartzenberg laissent aux associations la charge de former les bénévoles, la proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat envisagent que leurs dépenses de formation et de coordination soient prises en charge par les organismes d’assurance maladie de manière forfaitaire.

2. Les conditions d’intervention des associations

La proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg renvoie simplement à un décret en Conseil d’Etat le soin de définir les conditions d’intervention et d’agrément des associations intervenant en soins palliatifs. Celle de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat prévoient une procédure d’agrément de ces associations par les organismes d’assurance maladie qui assurent, en contrepartie, la prise en charge forfaitaire des coûts de formation et de coordination des bénévoles.

Seules les propositions de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et de MM. Jean-Jacques Denis définissent quant à elles des conditions particulières pour encadrer l’intervention des associations en établissement ou à domicile. Elles devraient ainsi se doter d’une charte comportant au moins leur engagement à respecter les opinions philosophiques et religieuses du malade, à respecter sa dignité et son intimité, à garantir discrétion et confidentialité dans leurs interventions et à ne pas intervenir dans les soins donnés au malade.

Dotées d’une telle charte, les associations qui souhaitent intervenir au domicile des malades ou dans les établissements de santé, les établissements sociaux ou médico-sociaux doivent conclure, avec ces établissements des conventions conformes à une convention type définie par décret en Conseil d’Etat. Sans cette convention, ou en cas de manquement à l’une de ses dispositions, les associations se verraient interdire l’accès aux établissements ainsi que le droit d’intervenir à domicile par le directeur de l’établissement ou par l’autorité sanitaire.

D.- CRÉER UN DROIT AU CONGÉ D’ACCOMPAGNEMENT POUR LES PROCHES DU MALADE

Personne y ayant droit

Pour M. Roger-Gérard Schwartzenberg, un tel droit au congé d’accompagnement devrait être reconnu à “ toute personne ”, quel que soit son statut professionnel, pour accompagner un “ proche ” pendant la phase palliative terminale de sa maladie.

Les propositions de loi de M. Bernard Perrut et de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat souhaitent que ce droit puisse être attribué aux personnes dont un ascendant, un descendant ou dont une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs, cette dernière condition étant beaucoup plus large que la notion précédente de phase palliative terminale.

La proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat réservent ce droit aux seuls salariés ayant au moins un an d’ancienneté.

Seule la proposition de M. Bernard Perrut, qui prévoit la même condition d’ancienneté pour les salariés, prévoit des dispositifs spécifiques pour les fonctionnaires de l’Etat, des collectivités terminales, de la fonction publique hospitalière ainsi que pour les militaires.

2. Nature et ouverture de ce droit

Dans les quatre propositions précitées, le congé d’accompagnement peut prendre la forme d’une suspension ou d’une réduction de l’activité professionnelle. Pour MM  Bernard Perrut et Jean-Louis Debré ainsi que pour le Sénat, ce choix est toutefois réservé à l’employeur lorsque l’entreprise du salarié concerné compte moins de cinquante salariés.

Les autres modalités de ce congé, dans la proposition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, sont renvoyées à un décret en Conseil d’Etat. Les propositions de MM Bernard Perrut et Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat sont pour leur part plus précises.

·

S’agissant de la nature du congé

La proposition de M. Bernard Perrut, en insérant son dispositif sur le congé d’accompagnement après l’article L. 226-1 du code du travail, assimile celui-ci à un congé pour événements familiaux qui ouvre donc droit à la poursuite de la rémunération. Pour les fonctionnaires et les militaires, la rémunération est également maintenue ainsi que la moitié des droits à l’avancement. En revanche, le congé n’ouvre pas de droit à la retraite.

La proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat, en créant une section spécifique dans le chapitre V du livre deuxième du code du travail, ne prévoient pas d’indemnisation du salarié bénéficiant d’un congé d’accompagnement.

· S’agissant de sa durée

Pour M. Bernard Perrut, la durée du congé d’accompagnement doit être d’un mois pour un salarié en cas de suspension de son travail ou de trois mois en cas de temps partiel. Pour les fonctionnaires et militaires, le congé est d’un mois.

La proposition de M. Jean-Louis Debré ainsi que celle du Sénat prévoient quant à elles une durée maximale de ce congé égale à deux mois, cette durée pouvant être fractionnée.

· S’agissant du délai de prévenance

Dans les trois propositions, le salarié doit informer son employeur un mois avant le début de son congé ou de son temps partiel par lettre recommandée lui transmettant un certificat médical attestant que la personne accompagnée fait l’objet de soins palliatifs. Pour les fonctionnaires et militaires, la proposition de M. Bernard Perrut ne fait pas mention d’une obligation et d’un délai de prévenance de l’autorité hiérarchique.

· S’agissant de la fin du congé

Le congé prend fin, selon les trois propositions précitées, à l’issue de la durée qui lui était fixée ou, avec l’accord de l’employeur pour les salariés, trois jours après le décès de la personne accompagnée.

Dans les trois textes, le salarié a droit à retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Pour les fonctionnaires et les militaires, la proposition de M. Bernard Perrut prévoit leur réintégration de plein droit dans leur corps, leur collectivité ou leur établissement d’origine.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné les propositions de loi de :

- Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie – n° 1515,

- M. Jean-Jacques Denis tendant à favoriser le développement des soins palliatifs – n° 1503 rectifiée,

- M. Bernard Perrut tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie – n° 1353,

- de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs - n° 1514,

- et de M. Jean-Louis Debré, tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement – n° 1560

au cours de sa séance du jeudi 29 avril 1999.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que ce débat était organisé dans le cadre de la matinée réservée à un ordre du jour fixé par le groupe RCV. La proposition de loi rédigée par Mme Gilberte Marin-Moskovitz servira donc de base à la discussion mais lui seront jointes pour son examen en commission les propositions de loi de MM. Jean-Jacques Denis, Bernard Perrut, Roger-Gérard Schwartzenberg et Jean-Louis Debré. Il a rappelé l’intérêt des travaux menés sur le même sujet par le Sénat, dans sa proposition de loi n° 105 adoptée, à l’initiative de M. Lucien Neuwirth, le 7 avril 1999 et a annoncé qu’il proposera, avec Mme Gilberte Marin-Moskovitz, la reprise, par voie d’amendements, de certaines des dispositions adoptées par celui-ci.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Après l’exposé du rapporteur, M. Bernard Perrut a regretté que la commission ne consacre pas davantage de temps à l’examen d’un sujet aussi fondamental et que le Gouvernement n’ait pas lui-même présenté un projet de loi, conformément aux annonces faites par le ministre. On peut se réjouir des initiatives d’origine parlementaire et saluer notamment celle de M. Lucien Neuwirth. Si beaucoup reste à faire pour développer les unités et les équipes mobiles de soins palliatifs deux points essentiels doivent être soulignés : la nécessité de soutenir et renforcer le travail des bénévoles et celle de créer un congé d’accompagnement en faveur des proches des malades.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a estimé que la question des soins palliatifs relevait de l’éthique et de la conscience, ce qui explique l’absence de clivages politiques en la matière Il est d’ailleurs naturel que les parlementaires exercent leur droit d’initiative sur un tel sujet qui concerne tous les citoyens.

Il est essentiel de mettre l’accent sur la notion de “ droit aux soins palliatifs ”, s’insérant dans les droits plus généraux du malade qui incluent le droit au soulagement de la douleur et le droit à une fin digne. Aujourd’hui, il s’agit d’un droit formel, et non d’un droit réel : seul 1 % des personnes qui meurent ont accès aux unités de soins palliatifs. L’insuffisance de celles-ci résulte notamment de l’absence d’une enveloppe spécifique dans les dotations hospitalières.

Par ailleurs, il conviendra de suivre l’application de la future loi : dans ce but, on pourrait envisager la création d’une délégation parlementaire commune aux deux assemblées disposant des prérogatives des commissions d’enquête, qui serait chargée d’informer celles-ci sur le développement des soins palliatifs et l’amélioration des conditions de fin de vie et à laquelle il pourrait être demandé de remettre un rapport avant le 30 juin 2000 sur l’état des droits des maladies en fin de vie.

M. Renaud Muselier a indiqué que la question des soins palliatifs constituait un réel débat de société auquel il convenait d’apporter une réponse digne en le distinguant des débats sur l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie. Il est nécessaire en particulier de prévoir l’introduction des soins palliatifs dans la carte sanitaire et une prise en charge des frais de formation, de développer les soins palliatifs dans tous les établissements de santé, médico-sociaux ainsi que dans les centres de lutte contre le cancer, d’élargir les missions de l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) et de créer un congé d’accompagnement.

M. Jean-Jacques Denis a estimé que la Représentation nationale se trouvait en présence d’un débat qui transcende les clivages politiques. Il existe une situation d’urgence au vu du relatif retard de la France dans ce domaine. Le Gouvernement a débloqué des crédits budgétaires au cours de l’année passée mais il reste nécessaire de pérenniser ces efforts par la loi. La proposition de loi déposée par Mme Marin-Moskovitz et celle dont il est l’auteur développent la même approche en faveur, en particulier, de la formation des bénévoles, de la création d’un congé d’accompagnement et du respect des droits des malades au moyen de la recherche d’un consentement libre et éclairé.

Les travaux sur les soins palliatifs engagés parallèlement par l’Assemblée nationale et le Sénat devraient permettre de trouver de nombreux points d’accord et de consensus. Cependant ce texte ne doit pas traiter de l’euthanasie, ce débat ayant été engagé par le secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale au sein d’un groupe de travail.

Mme Christine Boutin a souligné l’accord unanime recueilli au Sénat par la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth. Elle a déploré que la question des soins palliatifs ne soit abordée que sous le seul angle de l’hospitalisation et exprimé le souhait de voir développée la place de la famille dans ce domaine, à travers l’extension des soins palliatifs à domicile. Par ailleurs, il est nécessaire de développer en France un véritable enseignement sur le traitement de la douleur. Enfin, on ne peut parler de dignité devant la mort, l’homme étant digne par nature, quel que soit son état de santé.

M. Pascal Terrasse a indiqué que le développement des soins palliatifs doit concerner tous les âges de la vie. Il a souligné la nécessité de prévoir un financement important des unités de soins palliatifs en mettant, notamment, en place une fongibilité des enveloppes sanitaires en faveur des établissements médico-sociaux qui manquent cruellement de moyens pour satisfaire la demande. Aujourd’hui, quand 90 % des personnes décèdent à l’hôpital, ou en institution, il faut s’interroger sur le rôle des familles dans l’accompagnement en fin de vie et ne pas écarter la question de l’euthanasie.

M. Jean-Michel Dubernard a rappelé qu’il convenait d’une part de développer des solutions hors milieu hospitalier où le nombre de lits consacrés aux soins palliatifs est insuffisant. La question des bénévoles pose par ailleurs un problème concret puisqu’il n’est pas psychologiquement possible d’accompagner plus de cinq ou six personnes. Il a estimé que la notion de soins palliatifs et d’accompagnement devait être intégrée dans le contexte plus large du droit des malades. Tout doit être entrepris pour rechercher une synthèse des différentes propositions de loi qui puisse recueillir l’unanimité de la Représentation nationale, en dehors de toute polémique.

Mme Odette Trupin a formulé les remarques suivantes :

- les discussions devant la commission sont la preuve de l’importance de ce débat qui reçoit un vif écho au sein de la population ;

- la question des soins palliatifs recouvre en réalité plusieurs enjeux éthiques : celui de la conception d’une vie forcément mortelle, celui de l’exigence relationnelle du malade, acteur de sa vie et de sa maladie à côté de l’équipe médicale, qui conserve toute sa responsabilité, et de la famille qui doit être consultée mais aussi accompagnée, et celui du respect qui doit être porté à une mort dans la dignité en liaison avec la recherche d’une médecine plus humaine.

Mme Catherine Génisson a souligné l’importance du développement des soins palliatifs à domicile avec la même exigence de qualité que celle que l’on entend donner à ces soins dans les hôpitaux.

Le président Jean Le Garrec, après avoir observé que l’examen d’un texte dans des délais relativement brefs ne réduisait pas, pour autant, l’importance de celui-ci, a rappelé que les travaux du Sénat en la matière seront pris en compte en dehors de tout esprit de polémique. Le présent débat n’occulte pas celui sur l’ensemble des droits du malade qui doit se poursuivre avant de trouver une traduction législative. Les questions autour de la mort dans la dignité, actuellement étudiées dans le cadre d’un groupe de travail créé par le secrétariat d’Etat à la santé, ne doivent pas être mélangées avec celle des soins palliatifs.

Enfin, pour veiller à l’application de la future loi, la nomination par la commission d’un rapporteur chargé d’en assurer le suivi serait préférable à la création d’une délégation parlementaire.

Le rapporteur a indiqué que le développement des soins palliatifs devrait rendre moins urgent l’adoption d’une législation sur la question d’une mort dans la dignité et qu’en tout cas, il était important de ne pas confondre les deux débats.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a remarqué que s’il était extrêmement difficile de parler de l’euthanasie, il était également difficile de s’en abstenir par une autocensure qui n’honorerait pas le Parlement. L’existence d’un groupe de travail gouvernemental sur cette question n’exclut pas que soit mené au Parlement une réflexion sur les problèmes que la loi sur les soins palliatifs laissera nécessairement subsister.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission a ensuite procédé à l’examen des articles de la proposition de loi de Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie – n° 1515.

Article 1er

Définition des soins palliatifs et accès à ces soins

Cet article a pour objet de définir les soins palliatifs et de préciser quelles personnes y ont accès.

· Le premier alinéa crée un livre nouveau au début du code de la santé publique, intitulé “ Droits de la personne malade et des usagers du système de santé ” ainsi qu’un titre nouveau “ Droits de la personne malade ”, composé de deux nouveaux articles L. 1-1 et L. 1-2. Le droit aux soins palliatifs est donc rangés au rang des droits du patient dont la place prééminente, en tête du code de la santé, est ainsi affirmée. La création de ce livre et de ce titre nouveau, qui distingue la présente proposition de loi des propositions de loi de MM. Jean-Louis Debré, Bernard Perrut, Roger-Gérard Schwartzenberg et du Sénat, contribue très fortement à la reconnaissance officielle des soins palliatifs qui n’avaient fait l’objet, jusqu’à présent, que de textes réglementaires ou d’une simple mention dans la loi hospitalière n° 91-748 du 31 juillet 1991.

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La commission a examiné un amendement de rédaction globale de M. Renaud Muselier reprenant l’article 1er du texte adopté par le Sénat et précisant notamment que les soins palliatifs et d’accompagnement prennent en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle de la personne et de son entourage.

M. Renaud Muselier a souligné que même s’il était difficile de fixer la frontière entre soins curatifs et soins palliatifs, il fallait inscrire dans la loi une définition de ces derniers. La définition proposée s’inspire des travaux de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. En outre, il faut affirmer que ces soins ne s’adressent pas seulement aux malades en phase terminale mais à tous ceux pour lesquels le pronostic vital est en jeu.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que la proposition de loi avait fait le choix d’inscrire les différentes définitions dans le code de la santé publique et que cet amendement pourrait donc être revu sous forme de sous-amendements aux propositions du rapporteur sur le sujet.

Après que le rapporteur a indiqué qu’elle trouvait que la définition proposée était insuffisante et que les notions de souffrance psychologique, sociale et spirituelle, relevant du domaine privé, ne lui paraissaient pas devoir figurer dans un texte de loi, la commission a rejeté cet amendement.

· Le deuxième alinéa de la proposition de loi crée l’article L. 1-1 du code de la santé publique qui reconnaît le droit d’accès à des soins palliatifs à toute personne atteinte d’une maladie grave. Cette définition de la personne ayant droit aux soins palliatifs est extrêmement large puisqu’elle ne fait appel ni au stade d’évolution de la maladie, ni au diagnostic du malade qui en souffre. Elle peut donc s’appliquer aux maladies ne mettant pas en jeu l’espérance de vie du malade.

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La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à affirmer que toute personne malade et tout usager du système de santé a des droits.

Le rapporteur a précisé qu’il importait d’affirmer que tout usager du système de santé avait des droits reconnus par la loi et que ceci devait être inscrit en tête du code de la santé publique afin de souligner que l’homme doit être au cœur des priorités de la santé publique.

M. Jean-Claude Boulard s’est interrogé sur la portée exacte de cette affirmation et a souligné qu’il risquait d’en résulter une restriction dans la conception des droits de l’homme. Ceux-ci sont reconnus aux hommes en tant que personnes humaines et pas seulement en tant que malades.

Mme Christine Boutin a observé que cet ajout n’avait pas grande signification et, en outre, affirmait des droits sans pour autant parler de devoirs.

M. Bernard Accoyer a dénoncé une disposition de caractère incantatoire qui n’ajoute rien aux droits fondamentaux.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a observé qu’il n’était pas toujours inutile de procéder à certaines proclamations et qu’il était essentiel de parler d’un malade comme d’une personne disposant de droits et non comme simplement d’un corps.

Le rapporteur a retiré l’amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques du rapporteur et de M. Jean-Jacques Denis précisant que toute personne, “ quel que soit son âge ”, a accès aux soins palliatifs.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, rapporteur, a expliqué qu’il s’agissait de garantir que les soins palliatifs soient également accessibles aux enfants.

Mme Christine Boutin s’est opposée à l’amendement en rappelant que l’enfant est une personne.

M. Jean-Claude Boulard a considéré que cet amendement n’était pas juridiquement acceptable car il risquait d’entraîner une réduction du concept de personne qui, comme tout concept fondamental du droit, n’a pas besoin d’être précisé.

Les deux amendements ont été retirés par leurs auteurs.

La commission a examiné en discussion commune :

- un amendement de Mme Muguette Jacquaint substituant à l’expression “ maladie grave ” l’expression “ maladie mettant en jeu le pronostic vital ”,

- un amendement du rapporteur précisant la notion de maladie grave par le fait qu’elle ne répond plus de manière satisfaisante aux thérapeutiques curatives.

Mme Christine Boutin s’est opposée à l’amendement de Mme Muguette Jacquaint en rappelant que les soins palliatifs n’étaient pas exclusivement réservés aux malades en fin de vie. Les méthodes qu’ils mettent en œuvre peuvent être utilisées même si le pronostic vital n’est pas en jeu.

Mme Catherine Génisson a considéré que la définition retenue par cet amendement ne convenait pas car il existe des pathologies comprenant un risque vital qui ne nécessitent pas de soins palliatifs.

M. Jean-Claude Boulard a considéré que la notion de gravité se suffisait à elle-même.

M. Alfred Recours a rappelé qu’il existait actuellement un consensus sur la notion de soins palliatifs et que toute précision risquait d’entraîner plus de problèmes que d’éclaircissements.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a précisé qu’il existait des maladies graves, comme la tuberculose, qui, normalement, ne nécessite pas de soins palliatifs et s’est interrogé sur le degré de précision juridique de la notion de “ maladie grave ”, terminologie quelque peu littéraire.

M. Georges Hage, se déclarant convaincu par les arguments développés, a retiré l’amendement de Mme Muguette Jacquaint.

Le rapporteur, après avoir rappelé que son amendement tendait à faire la synthèse entre les définitions des soins palliatifs proposées par les différentes propositions de loi, l’a retiré.

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Jacques Denis précisant que l’accès à des soins palliatifs est un droit, M. Roger-Gérard Schwartzenberg et Mme Christine Boutin s’étant déclarés favorables à cet amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur précisant que toute personne atteinte d’une maladie grave a également accès à des soins d’accompagnement.

Le rapporteur a fait valoir que les soins palliatifs ne sont pas limités à des seuls actes techniques, mais peuvent également comprendre des soins d’accompagnement de proximité de nature à soutenir psychologiquement la personne malade.

M. Bernard Perrut a considéré que cet ajout rejoignait les dispositions de la circulaire du 26 août 1986 qui intègre un volet d’accompagnement psychologique dans la définition des soins palliatifs. Cette disposition permettra d’approfondir la réflexion sur l’attitude à adopter envers les personnes en fin de vie.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a fait observer que l’accompagnement ne relevait pas de soins, comme peut le laisser penser l’actuelle rédaction de l’amendement.

M. Jean-Jacques Denis a également considéré que s’il était important de faire figurer la notion d’accompagnement dans le texte, il ne fallait pas la confondre avec celle de soins.

Après que le rapporteur ait accepté une modification proposée par le président Jean Le Garrec pour prévoir que la personne a droit à des soins palliatifs et à un accompagnement et non à des soins d’accompagnement, la commission a adopté l’amendement ainsi modifié.

· Le troisième alinéa, qui crée l’article L. 1-2 du code de la santé, définit les soins palliatifs autour de trois critères : critère de la nature des soins, définis comme étant “ actifs et continus ”, ce qui impose une continuité dans la prise en charge médicale du malade, quelque soit le stade de sa maladie ; critère des personnes habilitées à délivrer les soins palliatifs, ceux-ci devant composer une équipe pluridisciplinaire, qu’elles interviennent en institution (établissements de santé, établissements sociaux et médico-sociaux) ou à domicile ; et enfin critère reposant sur les objectifs de soins palliatifs qui doivent viser au soulagement de la douleur et de la souffrance psychique, à la sauvegarde de la dignité du malade et au soutien de son entourage. Les soins palliatifs comprennent donc des soins techniques médicaux, visant à apaiser la douleur du malade mais aussi des soins d’accompagnement de celui-ci et de ses proches afin de les réconforter et de les aider à surmonter les souffrances psychiques qu’ils peuvent ressentir.

· Le quatrième alinéa, qui complète l’article L. 1-2 précédemment créé, reconnaît à la personne malade le droit de s’opposer à toute investigation thérapeutique à laquelle elle ne souhaiterait plus ou pas être soumise. Cette reconnaissance légale du droit de s’opposer à un traitement ou à une recherche médicale est tout à fait novatrice puisque seules les “ lois bioéthique ” n° 94-654 du 29 juillet 1994 ont reconnu un tel droit pour ce qui concerne l’utilisation du corps humain ou de ses éléments. Certes, le code de déontologie des médecins reconnaît un tel principe mais il n’a, dans le droit actuel, pas de force légale en dehors des cas particuliers prévus par les lois bioéthique. Il faut toutefois noter que, tel que rédigé dans le présent article, ce droit n’est reconnu que pour les malades recevant des soins palliatifs.

*

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Jacques Denis précisant que les soins palliatifs visent à sauvegarder le sens de la dignité de la personne malade et le respect qui lui est dû.

M. Jean-Claude Boulard a considéré que cet amendement était une source d’ambiguïté car il semble laisser penser que c’est à la personne malade de garder le sens de la dignité. Quant au respect qui lui est dû, c’est une notion qui est comprise dans la définition juridique retenue pour le concept général de “ dignité de la personne humaine ”.

Le rapporteur ayant approuvé cette argumentation, l’amendement a été retiré par son auteur.

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Jacques Denis précisant que le soutien à l’entourage de la personne malade relève à part entière de la mission des soins palliatifs.

La commission a examiné un amendement du rapporteur transférant la disposition qui précise que la personne malade peut s’opposer à toute investigation thérapeutique dans un nouvel article L. 1-3 dans le code de la santé publique, distinct de celui portant définition des soins palliatifs.

Le rapporteur a indiqué que cette rédaction avait pour conséquence que le droit d’opposition s’appliquait à tous les malades et non pas seulement aux personnes ayant accès aux soins palliatifs.

Mme Catherine Génisson a fait observer que cette disposition existait d’ores et déjà dans le code de la santé publique et qu’il était donc préférable de la maintenir dans la définition des soins palliatifs afin de lui donner plus de force.

Le rapporteur a proposé de réserver l’amendement jusqu’à ce que la présence de cette disposition dans le code de la santé publique soit vérifiée et a retiré son amendement en vue d’un éventuel examen au cours de la réunion que tiendra la commission en application de l’article 88 du Règlement.

La commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

Après l’article 1er

La commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis visant à créer un titre II dans le Livre préliminaire du Code de la santé public, relatif au consentement et à introduire dans ce titre quatre articles L. 1-6 à L. 1-9 posant le principe de consentement de la personne malade à tout acte médical.

M. Jean-Claude Boulard a suggéré à son auteur de le retirer afin de ne pas engager un débat, certes essentiel, mais portant sur un thème dépassant largement l’objet de la proposition de loi.

Mme Christine Boutin, après avoir jugé l’amendement d’un grand intérêt, a indiqué que si son auteur le retirait, elle le reprendrait à son compte.

M. Bernard Accoyer s’est déclaré défavorable à l’adoption de cet amendement qui, bien que posant un problème majeur, serait lourd de conséquences et impliquerait des modifications allant au-delà de l’objet de la proposition de loi.

Le rapporteur après avoir déclaré son attachement à la notion d’autonomie de la personne malade, a néanmoins relevé le caractère trop large de l’amendement qui vise tout acte médical et non pas uniquement les actes de soins palliatifs.

Mme Christine Boutin, après avoir regretté que de nombreux sujets importants étaient souvent écartés sous prétexte qu’ils ne s’inséraient pas dans les textes de loi présentés, a rappelé que, lors des discussions sur les lois relatives à la bioéthique, la question du consentement des personnes avait été traitée. Selon la loi, le consentement est réputé acquis notamment en matière de dons d’organes après la mort , à moins que la personne intéressée n’ait, de son vivant, signifié qu’elle s’y opposait. Elle a donc suggéré de sous-amender l’amendement de M. Denis pour substituer à l’expression trop extensive de “ tout acte médical ” celle d’ “ acte de soins palliatifs ”.

Après que le président Jean Le Garrec s’est déclaré en défaveur de l’adoption de cet amendement, au motif que le thème n’entre dans le champ de la proposition de loi en discussion, la commission a rejeté l’amendement.

Article additionnel après l’article 1er 

(article L. 712-3-1-1 nouveau du code de la santé publique)

Prise en compte des soins palliatifs dans la carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire

La commission a examiné deux amendements identiques de M. Renaud Muselier et de Mme Muguette Jacquaint visant à prendre en compte les soins palliatifs dans la carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire.

M. Renaud Muselier a estimé que les soins palliatifs n’étaient pas suffisamment pris en compte car ils ne bénéficient pas de traitement à part dans le cadre de la carte sanitaire. De nombreux projets intéressants ne sont pas mis en œuvre car ils n’obtiennent pas l’autorisation nécessaire.

Mme Catherine Génisson, après s’être déclarée en faveur de cet amendement, a noté que cela ne devrait pas avoir pour effet de diminuer ou de défavoriser les soins palliatifs pratiqués à domicile.

M. Jean-Jacques Denis a relevé que la carte sanitaire et les SROS ne semblaient pas prendre en compte les équipes mobiles.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a noté que le contenu de l’amendement présenté correspondait à celui de l’article 4 de la proposition qu’il a lui-même présentée, ce qui témoigne des convergences fortes existant sur certains sujets d’importance.

Mme Christine Boutin a considéré que cet amendement, qui devait faire l’objet d’une lecture globale, ne nuisait en rien aux soins palliatifs à domicile. L’offre de soins palliatifs comprend en effet les soins exercés à domicile.

Le rapporteur, après s’être déclarée favorable à une partie de l’amendement, a exprimé sa crainte que l’inscription des soins palliatifs dans la carte sanitaire ne débouche, le cas échéant, sur une diminution des lits dans d’autres structures.

La commission a adopté les amendements qui deviennent l’article 2 de la proposition adoptée par la commission.

Article additionnel après l’article 1er 

(article L. 712-10 du code de la santé publique)

Reconnaissance des soins palliatifs comme discipline hospitalière

La commission a examine deux amendements identiques de Mme Muguette Jacquaint et de M. Renaud Muselier visant à reconnaître les soins palliatifs comme une discipline hospitalière à part entière.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz après avoir noté la nécessité absolue de développer la formation des personnels ayant vocation à pratiquer des soins palliatifs, s’est déclarée défavorable à l’adoption de cet amendement. Il faut former tous les personnels soignants aux soins palliatifs et non spécialiser une certaine catégorie de personnel.

M. Jean-Jacques Denis a considéré que si les soins palliatifs devaient être de façon croissante l’apanage de certains personnels de plus en plus spécialisés, la formation aurait tendance à devenir de plus en plus lourde à gérer et de plus en plus longue. Les diplômes importent moins en la matière que les qualités humaines des soignants concernés.

Mme Christine Boutin a insisté sur l’importance de la formation des personnels médicaux ayant à pratiquer des soins palliatifs.

M. Bernard Accoyer a souhaité que les soins palliatifs soient mieux identifiés comme discipline et donnent lieu à des formations spécifiques. Certains professionnels de santé de même que les personnels bénévoles ou d’associations ne sont pas correctement préparés en effet à prodiguer ce type de soins et à affronter et réagir de façon adéquate à la douleur et à l’angoisse des malades à l’approche de la mort.

Mme Odette Trupin s’est prononcée en défaveur de cet amendement qui aboutirait à isoler de façon inefficace les personnels destinés à pratiquer des soins palliatifs par rapport au reste de leurs collègues.

M. Renaud Muselier a rappelé que la discipline des soins palliatifs existait dans les faits et que l’amendement n’aboutirait aucunement à en entraver le développement.

La commission a adopté les deux amendements qui deviennent l’article 3 de la proposition adoptée par la commission.

Article additionnel après l’article 1er 

Modes de rémunération particuliers

La commission a examiné en discussion commune deux amendements ayant le même objet, l’un du rapporteur, l’autre de M. Renaud Muselier, prévoyant la fixation de modes de rémunération particuliers pour l’exercice des professionnels de santé à titre libéral ou pour les salariés de centres de santé lorsqu’ils interviennent à domicile pour délivrer des soins palliatifs.

Le rapporteur a précisé que son amendement, cosigné par le président Jean Le Garrec, reprenait l’article 6 de la proposition de loi adoptée par le Sénat en modifiant le deuxième alinéa pour prévoir que les conventions entre les professionnels ou les centres de santé et l’assurance maladie doivent être conformes à une convention type établie par décret en Conseil d’Etat.

M. Bernard Perrut s’est interrogé sur la question du niveau de rémunération des infirmières en cas de paiement à l’acte. M. Renaud Muselier a précisé que le paiement se ferait sur la base d’un forfait global.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur, ce qui a rendu sans objet l’amendement de M. Renaud Muselier, identique au texte du Sénat.

L’amendement adopté devient l’article 4 de la proposition adoptée par la commission.

Article additionnel après l’article 1er 

Prise en compte des soins palliatifs par le PMSI

La commission a examiné un amendement de M. Renaud Muselier prévoyant la présentation par le Gouvernement d’un rapport au Parlement avant le 31 décembre 1999 portant sur la prise en compte des soins palliatifs par le programme de médicalisation du système d’information (PMSI).

M. Renaud Muselier a insisté sur le fait que le PMSI favorise actuellement l’acharnement thérapeutique en valorisant les actes techniques sophistiqués et en ne codifiant pas de manière spécifique les soins palliatifs.

M. Jean-Jacques Denis a jugé effectivement que l’hôpital était en retard s’agissant de la prise en compte des soins palliatifs dans le codage des actes.

Après que le rapporteur et M. Bernard Accoyer ont fait part de leur accord sur ce dispositif, le président Jean Le Garrec a considéré que la pratique de l’acharnement thérapeutique conduit à bafouer le droit à la dignité et que l’adoption de cet amendement engagerait le Gouvernement à rechercher des solutions afin que le PMSI ne favorise plus de telles pratiques.

La commission a adopté cet amendement qui devient l’article 5 de la proposition adoptée par la commission.

Article 2

(article L. 710-3-1 du c ode de la santé publique)

Élargissement à l’ensemble des établissements de santé publics et privés et des établissements médico-sociaux de la mission de délivrer des soins palliatifs

· Le premier alinéa du présent article étend les missions précédemment confiées au seul service public hospitalier en matière de soins palliatifs à l’ensemble des établissements de santé et médico-sociaux.

La loi hospitalière n° 91-748 du 31 juillet 1991 a inscrit les soins palliatifs dans les missions de service public hospitalier : l’article L.711-4 du code de la santé publique prévoit en effet que les établissements de santé assurant le service public hospitalier “ dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et veillent à la continuité de ces soins à l’issue de leur admission ou de leur hébergement. ” Il s’agit d’une mission dévolue aux seuls établissements de santé assurant le service public hospitalier, c’est-à-dire les établissements publics, les établissements privés à but lucratif participant à l’exécution du service public hospitalier visés à l’article L. 715-6 du code de la santé publique et les établissements privés concessionnaires du service public visés à l’article L. 715-10.

Le premier alinéa permet donc d’élargir la mission d’assurer les soins palliatifs, aux établissements de santé privés ne participant pas au service public hospitalier, c’est-à-dire les cliniques privées.

Cette mission est également étendue aux établissements médico-sociaux c’est-à-dire les établissements relevant de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Ces établissements sont spécialisés dans l’accueil des handicapés et des personnes âgées. Les soins palliatifs concerneront essentiellement les structures pour personnes âgées (3 600 maisons de retraite, 900 logements foyers médicalisés…)

Le développement des soins palliatifs passe obligatoirement par un accès des malades atteints d’une maladie grave à tous les établissements de santé au sens large.

Une telle disposition est indispensable lorsque l’on sait que près de la moitié des départements ne bénéficient d’aucune structure en soins palliatifs (équipes mobiles ou unités résidentielles).

Il est précisé que cette prise en charge de la fin de vie doit être assurée “ quelles que soient l’unité, la structure de soins ”. Le présent article n’a pas pour but de privilégier un mode particulier de prise en charge.

Pour les établissements de santé publics, le développement des soins palliatifs s’inscrit dans le projet médical qui, en vertu de l’article L. 714-11 du code de la santé publique, qui “ définit, notamment sur la base du projet médical, les objectifs généraux de l’établissement dans le domaine médical et des soins infirmiers, de la recherche biomédicale, de la politique sociale, des plans de formation, de la gestion et du système d’information. ”

Cette inscription dans le projet d’établissement, prévue dans la proposition de loi, permet un développement dans la durée, de clarifier les missions des uns et des autres – point essentiel pour les équipes mobiles et de planifier des moyens et du personnel dédiés aux soins palliatifs.

· Le deuxième alinéa du présent article permettra de corriger une grave lacune qui explique le retard français en matière de soins palliatifs : l’absence de formation et de reconnaissance universitaire des soins palliatifs. Ce n’est que depuis l’arrêté du 18 mars 1992 relatif à l’organisation du premier cycle et de la première année du deuxième cycle des études médicales qu’ont été introduits des modules d’éthique médicale et de déontologie obligatoires et des enseignements de sciences humaines optionnels. Tout récemment, un arrêté de 1997 a généralisé les enseignements de la douleur et des soins palliatifs dans le second cycle : cela représente 20 heures, dans le meilleur des cas, éventuellement complétées par des modules optionnels

La médecine française s’intéresse d’abord à la guérison et non au traitement du patient en fin de vie. Pourtant, l’article 37 du code de déontologie des médecins fait de l’accompagnement du malade en fin de vie un devoir pour le médecin.

“ En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances et son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique.

Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par de soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ”.

Le présent article a pour but de combattre cette résistance culturelle.

Il prévoit donc que les CHU deviennent, en liaison avec les unités et équipes de terrain, des pôles de référence et de recherche tant pour l’initiation précoce, dès le début des études, de chaque futur médecin que pour la diffusion des connaissances aux autres intervenants professionnels et surtout bénévoles.

· Le troisième alinéa précise que les établissements sociaux et médico-sociaux peuvent passer convention avec les établissements hospitaliers pour l’organisation des soins palliatifs des personnes dont ils ont la charge.

Les établissements de santé pourront donc diffuser aux établissements accueillant des personnes âgées de leurs compétences en matière de soins palliatifs. Le nombre de personnes très âgées décédant en maisons de retraite médicalisées ne fait qu’augmenter (15 à 20 % chez plus de 85 %) ; une telle disposition permettra à ces dernières de bénéficier d’une fin de vie de qualité.

*

La commission a adopté cet article sans modification, qui devient l’article 6 de la proposition adoptée par la commission.

Article additionnel après l’article 2

(article L. 312 du code de la santé publique)

Centres de lutte contre le cancer

La commission a adopté trois amendements identiques du rapporteur, de Mme Muguette Jacquaint et de M. Renaud Muselier étendant les missions des centres de lutte contre le cancer à la délivrance des soins palliatifs.

Ils deviennent l’article 7 de la proposition adoptée par la commission.

Article additionnel après l’article 2

(article L. 791-2 du code de la santé publique)

Compétence de l’ANAES en matière de soins palliatifs

La commission a examiné deux amendements identiques du rapporteur, cosigné par le président Jean Le Garrec, et de Mme Muguette Jacquaint confiant à l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) l’élaboration de normes de qualité et d’évaluation en matière de soins palliatifs.

Le rapporteur a indiqué qu’il s’agissait d’étendre les missions de l’ANAES aux soins palliatifs. Cette extension a été prévue à juste titre par le Sénat à l’article 9 la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth.

Mme Catherine Génisson a indiqué que la mise en place d’une évaluation des soins palliatifs rendait d’autant plus nécessaire la définition d’une discipline spécifique.

La commission a adopté ces amendements qui deviennent l’article 8 de la proposition adoptée par la commission.

Article 3

Statut des bénévoles et conditions d’intervention des associations

Le présent article définit et encadre l’action des bénévoles en matière de soins palliatifs

1. Définition du bénévolat

Le présent article définit le rôle des bénévoles. Il s’agit d’un rôle à part entière puisque les bénévoles viennent “ compléter (…) l’action des équipes soignantes  pluridisciplinaires. ”

La circulaire du 26 août 1986 avait déjà défini le champ de l’action bénévole : “ L’action des bénévoles constitue un supplément à celle menée par l’équipe : les bénévoles ne sauraient être considérés comme un personnel d’appoint ”.

Cette reconnaissance traduit le fait que le développement des soins palliatifs, en France, a été indissociable de la constitution de nombreuses associations de bénévoles dans les années 1980, notamment l’association JALMALV (Jusqu’à la mort accompagner la vie) créée en 1983 et l’ASP (Association pour le développement des soins palliatifs) créée en 1984. Toutes les associations sont fédérées au sein de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Celle-ci fait état de 152 associations regroupant au total 2440 bénévoles.

2. Les conditions d’exercice du bénévolat

- Les bénévoles doivent être “ formés à l’accompagnement ” C’est le cas aujourd’hui. Environ 95 % des associations assurent elles-mêmes cette formation, sous forme d’une formation initiale au deuil, à l’écoute, à l’aide aux familles, au toucher et à la communication non verbale… Cette formation spécifique peut être complétée par une formation continue et par des stages.

- Les bénévoles doivent appartenir à des “ associations qui les sélectionnent ”. A l’heure actuelle, la sélection est rigoureuse car un engagement de ce type n’est pas anodin. La majorité des associations demandent une lettre de motivation puis suivent un premier contact avec une responsable formatrice ou coordinatrice et un entretien avec un psychiatre. Intervient ensuite une session de trois jours de sensibilisation et d’échanges avec médecins, infirmiers, psychologues, accompagnants expérimentés. Au terme de cette double sélection, seulement 10 % des candidats initiaux sont définitivement intégrés.

- Les associations doivent être dotées d’une charte garantissant “ le respect des opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité et de son intimité, la discrétion, la confidentialité, l’absence d’interférence dans les soins ”. Les principes à respecter énoncés dans le présent article existent dans la charte de l’Association pour le développement des soins palliatifs qui est conçue comme un contrat moral d’engagement. L’action indispensable des bénévoles doit être reconnue mais, en contrepartie les personnes en fin de vie doivent avoir une confiance absolue en eux.

Le bénévole est d’abord tenu à un devoir de discrétion qui se décline sur plusieurs modes : l’interdiction de toute pratique médicale ou paramédicale, l’interdiction de tout prosélytisme philosophique ou religieux, le fait de ne pas faire écran entre la famille et le malade, de garder pour soi les confidences faites par le malade et de respecter le secret médical. Cette charte permettra d’éviter certaines tentations. En effet, on peut avoir la crainte que des sectes profitent de cette action pour faire du prosélytisme.

- Les associations doivent avoir des liens conventionnels avec les établissements de santé et médico-sociaux au sein desquels elles interviennent. Cette convention devra être conforme à une convention type définie par décret en Conseil d’Etat. Le directeur de l’établissement peut interdire l’accès de l’établissement à une association n’ayant pas signé de convention et ne respectant pas les dispositions de la convention. Seules les associations ayant des liens conventionnels avec les établissements peuvent intervenir au domicile des personnes malades.

Cette nouvelle vise à encadrer les bénévoles. En réalité ces conventions officialiseront la collaboration qui existe aujourd’hui entre les bénévoles et les équipes de soins palliatifs et permettront de “ normaliser ” et d’uniformiser les pratiques.

Comme l’a indiqué le rapport du Conseil économique et social, “ le rôle irremplaçable des bénévoles est désormais de plus en plus reconnu par les soignants comme par les proches (…). Les malades aussi apprécient cette présence, faite d’écoute et de disponibilité, cet interlocuteur suffisamment proche pour qu’ils puissent évoquer avec lui leurs craintes et leurs angoisses et néanmoins à bonne distance afin de se prémunir contre une relation trop étouffante. ” Cependant, il revient aux pouvoirs publics d’encadrer ces associations en ayant un unique objectif : l’intérêt premier du malade en fin de vie.

*

La commission a examiné un amendement de M. Renaud Muselier prévoyant la prise en charge forfaitaire des dépenses engagées pour la formation et la coordination de l’action des bénévoles par les organismes d’assurance maladie, et un amendement de M. Bernard Perrut prévoyant le remboursement de ces dépenses par les mêmes organismes aux associations qu’ils agréent.

M. Bernard Perrut a souligné que cet amendement tendait à permettre aux bénévoles de mieux remplir leur rôle, qui est fondamental et qui contraste avec le niveau insuffisant de la formation qu’ils reçoivent. Il permettra en outre d’assurer de meilleurs liens avec l’ensemble des réseaux de soins.

M. Jean-Claude Boulard a observé que cet amendement était contraire à l’article 40 de la Constitution, puisqu’il ouvre un droit au remboursement intégral sans limite.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a indiqué que l’amendement ne concernait que les dépenses de formation et de coordination des bénévoles, ce qui représente des dépenses modérées.

M. Bernard Accoyer s’est déclaré favorable à la prise en charge de ces dépenses mais a souhaité que les associations soient agréées.

Le rapporteur a souligné que la notion de bénévolat demeurait liée à celle de gratuité ; plutôt qu’un remboursement, il serait beaucoup plus judicieux que les collectivités locales ou les fonds d’action sociale des caisses d’assurance maladie versent des subventions de fonctionnement aux associations qui œuvrent dans ce domaine. La prise en charge par les organismes d’assurance maladie ne se justifie pas réellement et risquerait par ailleurs de créer un précédent pour d’autres soins et d’autres associations. Tout en attirant l’attention sur cette question au moment du débat, il convient de rejeter les amendements.

Le président Jean Le Garrec, après avoir indiqué qu’il n’entendait pas, dans le cadre des matinées réservées aux groupes parlementaires, faire usage de l’article 40 de la Constitution, d’autant que cet amendement est la reprise de l’article 4 du texte adopté par le Sénat, a souligné la pertinence des arguments du rapporteur.

La commission a rejeté les amendements et adopté l’article 3 sans modification qui devient l’article 9 de la proposition adoptée par la commission.

Article additionnel après l’article 3

(articles L. 225-15 à L. 225-19 nouveaux du code du travail)

Congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie

La commission a examiné en discussion commune dix amendements : un du rapporteur, six amendements de Mme Muguette Jacquaint, un amendement de M. Bernard Perrut, un amendement de M. Jean-Jacques Denis et un amendement de M. Renaud Muselier, visant à créer un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Le rapporteur a indiqué qu’elle proposait de mettre en place un congé non rémunéré permettant à un salarié de suspendre ou de réduire son activité professionnelle pour accompagner un proche pendant la phase palliative et terminale de sa vie. Ce congé est ouvert à tout salarié, quelque soit la taille de son entreprise et son ancienneté. Il prend fin automatiquement à l’issue d’une période maximale de trois mois ou trois jours après le décès de la personne accompagnée et peut être transformé en période d’activité à temps partiel avec l’accord de l’employeur.

Un délai de prévenance de quinze jours est prévu pour informer l’employeur mais une situation d’urgence peut permettre de déroger à cette règle. Un certificat médical, attestant que la personne accompagnée fait l’objet de soins palliatifs devra être envoyé à l’employeur avec la demande de congé. A l’issue de celui-ci, le salarié doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

M. Bernard Perrut s’est déclaré favorable à la réduction du délai de prévenance proposée par le rapporteur ainsi qu’à la possibilité de transformer le congé en temps partiel, solution souvent préférable d’un point de vue psychologique. Il a considéré que la différence essentielle entre les amendements concernait la durée maximale du congé retenue. Une durée de deux mois semble la plus adéquate, compte tenu de l’effet négatif pour les entreprises en terme de remplacement.

Mme Catherine Génisson a préféré se référer à une période de trois mois qui permet de prendre en compte la quasi-totalité des situations, quitte à ce que soit recherché avec l’employeur un accord à l’amiable pour le prolonger si nécessaire.

Le rapporteur a rappelé que son amendement prévoyait une durée de trois mois, modulable en cas de temps partiel.

Le président Jean Le Garrec a estimé que la position du rapporteur semblait la plus appropriée compte tenu des contraintes pesant sur les entreprises.

En réponse à une question de M. Renaud Muselier sur la durée du délai de prévenance de l’employeur en cas d’urgence, le rapporteur a indiqué qu’au vu d’un certificat médical le congé d’accompagnement pourrait être immédiatement acquis.

M. Bernard Perrut ayant indiqué qu’il est indispensable de prévoir un dispositif spécifique pour les fonctionnaires civils et militaires, ainsi que le prévoit sa proposition de loi, le rapporteur a indiqué être d’accord sur le principe et s’est engagée à présenter des amendements en ce sens à l’occasion de la séance que la commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

M. Jean-Jacques Denis s’est interrogé sur la souplesse du dispositif et sur les conditions du retour à l’emploi du salarié en fin de congé. Il a également regretté l’absence de toute rémunération.

Le président Jean Le Garrec et le rapporteur ont considéré qu’il était préférable, dans un premier temps, d’instaurer un congé non rémunéré, ce qui constitue déjà un progrès considérable.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur. En conséquence, les neuf autres amendements sont devenus sans objet.

L’amendement adopté devient l’article 10 de la proposition adoptée par la commission.

Article 4

Rapport sur le développement des soins palliatifs

Cet article confie au Haut comité de la santé publique le soin de rédiger, chaque année, un rapport sur le développement des soins palliatifs et donne au Gouvernement l’obligation de le transmettre au Parlement avant le 30 septembre de l’année en cours.

*

La commission a examiné un amendement de rédaction globale du rapporteur, cosigné par le président Jean Le Garrec, reprenant l’article 11 du texte adopté par le Sénat et confiant au Haut comité de santé publique l’élaboration d’un rapport annuel sur le développement des soins palliatifs.

Le rapporteur a indiqué que, par souci d’efficacité, il était préférable que le rapport établissant chaque année le bilan des soins palliatifs dans notre pays soit inclus dans le rapport du Haut Comité de santé publique à la Conférence nationale de santé transmis chaque année au Parlement avant l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que le prévoit l’article L. 766 du code de la santé publique.

Après que M. Roger-Gérard Schwartzenberg s’est interrogé sur la pertinence des termes d’état des lieux des soins palliatifs figurant dans l’amendement, le président Jean Le Garrec a indiqué qu’il était souhaitable de reprendre la rédaction du Sénat.

La commission a adopté cet amendement.

L’article 4 a été ainsi rédigé et devient l’article 11 de la proposition adoptée par la commission.

Article 5

Compensation des dépenses nouvelles résultant de l’application de la loi

La création d’une taxe additionnelle aux droits d’accise frappant les tabacs est prévue pour compenser les dépenses nouvelles résultant de la présente loi.

*

La commission a adopté cet article sans modification qui devient l’article 12 de la proposition.

La commission a adopté l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI TENDANT À FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES SOINS PALLIATIFS ET L’ACCOMPAGNEMENT DES MALADES EN FIN DE VIE

Article 1er

Sont insérées, dans le code de la santé publique, avant le livre Ier, les dispositions suivantes :

LIVRE PRÉLIMINAIRE : “ Droits de la personne malade et des usagers du système de santé ”

TITRE Ier : “ Droits de la personne malade ”.

“ Art. L. 1-1. – Toute personne atteinte d’une maladie grave a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.

“ Art. L. 1-2. – Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe pluridisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.

“ La personne malade peut s’opposer à toute investigation ou thérapeutique. ”

Article 2

Après l’article L. 712-3-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 712-3-1-1 ainsi rédigé :

“ Art. L. 712-3-1-1.- L’offre de soins palliatifs et la satisfaction des besoins en soins palliatifs sont prises en compte dans la carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire et son annexe. ”

Article 3

L’article L. 712-10 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

“ Les soins palliatifs constituent une discipline pour l’application du présent article. ”

Article 4

Des conditions particulières d’exercice des professionnels de santé exerçant à titre libéral ou qui sont salariés des centres de santé sont mises en œuvre pour délivrer des soins palliatifs à domicile. Ces conditions peuvent porter sur des modes de rémunération particuliers autres que le paiement à l’acte et sur le paiement direct des professionnels par les organismes d’assurance maladie.

Une convention portant sur ces conditions d’exercice est conclue entre les professionnels ou les centres de santé et les organismes d’assurance maladie. Cette convention doit être conforme aux clauses d’une convention type établie par décret en Conseil d’Etat.

Article 5

Avant le 31 décembre 1999, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur la prise en compte des soins palliatifs par le programme de médicalisation du système d’information.

Article 6

Les deux premiers alinéas de l’article L. 710-3-1 du code de la santé publique sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

“ Les établissements de santé, publics ou privés, et les établissements médico-sociaux mettent en œuvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent et à assurer les soins palliatifs que leur état requiert, quelles que soient l’unité et la structure de soins dans laquelle ils sont accueillis. Pour les établissements de santé publics, ces moyens sont définis par le projet d’établissement visé à l’article L. 714-11.

“ Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet égard, la formation initiale des médecins et diffusent en liaison avec les autres établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier les connaissances acquises, y compris aux équipes soignantes, en vue de permettre la réalisation de ces objectifs en ville comme dans les établissements. Ils favorisent le développement de la recherche.

“ Les établissements de santé et les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent passer convention entre eux pour assurer ces missions. ”

Article 7

L’article L. 312 du code de la santé publique est complété par un 4° ainsi rédigé :

“ 4° la délivrance de soins palliatifs aux patients dont l’état le requiert. ”

Article 8

Les deuxième (1°) et troisième (2°) alinéas de l’article L. 791-2 du code de la santé publique sont ainsi rédigés :

“ 1° D’élaborer avec des professionnels, selon des méthodes scientifiquement reconnues, de valider et de diffuser les méthodes nécessaires à l’évaluation des soins, y compris palliatifs, et des pratiques professionnelles ;

“ 2° D’élaborer et de valider des recommandations de bonnes pratiques cliniques et des références médicales et professionnelles en matière de prévention, de diagnostic, de thérapeutique et de soins palliatifs. ”

Article 9

Des bénévoles formés à l’accompagnement et appartenant à des associations qui les sélectionnent peuvent compléter, avec l’accord de la personne malade ou de ses proches, l’action des équipes soignantes pluridisciplinaires.

Les associations qui organisent l’intervention des bénévoles se dotent d’une charte qui définit les principes qu’ils doivent respecter dans leur action. Ces principes comportent notamment le respect des opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité et de son intimité, la discrétion, la confidentialité, l’absence d’interférence dans les soins.

Les associations qui organisent l’intervention des bénévoles dans des établissements de santé publics ou privés et des établissements sociaux et médico-sociaux doivent conclure, avec les établissements concernés, une convention conforme à une convention type définie par décret en Conseil d’Etat. A défaut d’une telle convention ou lorsqu’il est constaté des manquements au respect des dispositions de la convention, le directeur de l’établissement, ou à défaut le préfet de région, en accord avec le directeur régional de l’action sanitaire et sociale, interdit l’accès de l’établissement aux membres de cette association.

Seules les associations ayant conclu la convention mentionnée à l’alinéa précédent peuvent organiser l’intervention des bénévoles au domicile des personnes malades.

Article 10

Dans le chapitre V du titre II du livre deuxième du code du travail, il est créé une section VI intitulée “ Congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie ”, qui comprend les articles L. 225-15 à L. 225-19 ainsi rédigés :

“ Article L.  225-15.- Tout salarié dont un ascendant, descendant ou une personne partageant son domicile, fait l’objet de soins palliatifs a le droit de bénéficier d’un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Il peut, avec l’accord de son employeur, transformer ce congé en période d’activité à temps partiel.

Le congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie a une durée maximale de trois mois. Il prend fin soit à l’expiration de cette période, soit dans les trois jours qui suivent le décès de la personne accompagnée, sans préjudice du bénéfice des dispositions relatives aux congés pour événements personnels et aux congés pour événements familiaux, soit à une date antérieure. Dans tous les cas, le salarié informe son employeur de la date prévisible de son retour avec un préavis de trois jours francs.

Le salarié doit envoyer à son employeur, au moins quinze jours avant le début du congé, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception l’informant de sa volonté de bénéficier du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie, ainsi qu’un certificat médical attestant que la personne accompagnée fait effectivement l’objet de soins palliatifs.

En cas d’urgence absolue constatée par écrit par le médecin qui établit le certificat médical visé à l’alinéa précédent, le congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie débute sans délai à la date de réception par l’employeur de la lettre du salarié. ”

“ Article L. 225-16.- Le salarié en congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie ou qui travaille à temps partiel conformément aux dispositions de l’article L. 225-15 ne peut exercer par ailleurs aucune activité professionnelle. ”

“ Article L. 225-17.- A l’issue du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie ou de sa période d’activité à temps partiel, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. ”

“ Article L. 225-18.- La durée du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie est prise en compte pour la détermination des avantages liés à l’ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. ”

“ Article L. 225-19.- Toute convention contraire aux articles L. 225-15, L. 225-17 et L. 225-18 est nulle de plein droit. ”

Article 11

Le rapport du Haut Comité de la santé publique mentionné à l’article L. 766 du code de la santé publique dresse un état des lieux des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire.

Article 12

Les dépenses nouvelles résultant de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

N°1563. – RAPPORT de Mme Gilberte MARIN-MOSKOVITZ (au nom de la commission des affaires culturelles) sur les propositions de loi : (n° 1515) de Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie ; (n° 1503 rectifié) de M. Jean-Jacques Denis tendant à favoriser le développement des soins palliatifs ;. (n° 1353) de M. Bernard Perrut tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie ;. (n° 1514) de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs ;. (n° 1560) de M. Jean-Louis Debré tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement.