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N° 1602 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 mai 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1557) de MM. JEAN-PIERRE DELALANDE, BERNARD PONS, JEAN-LOUIS DEBRÉ et les membres du groupe RPR et apparentés tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour lexercice 1999, PAR M. Jean-Pierre DELALANDE, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Impôts et taxes. La commission des finances, de léconomie générale et du plan est composée de : M. Augustin Bonrepaux, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM. Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Patrick Sève, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila. SOMMAIRE INTRODUCTION 4 I.- LA RÉFORME DU DROIT DE BAIL ET DE LA TAXE ADDITIONNELLE : UNE PROPOSITION INTÉRESSANTE QUANT À SON OBJECTIF SE TROUVE DISCRÉDITÉE PAR UNE MISE EN UVRE TROP DÉFAVORABLE AUX CONTRIBUABLES 7 A.- UN LOUABLE OBJECTIF DE SIMPLIFICATION 7 B.- UNE MISE EN UVRE TROP DÉFAVORABLE AUX CONTRIBUABLES 8 II.- LINCOMPRÉHENSIBLE NÉGATION DUNE DOUBLE IMPOSITION 11 A.- UNE DOUBLE IMPOSITION QUI NA RIEN DIMAGINAIRE 11 B.- LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL NE SAURAIT CLORE LE DÉBAT 14 C.- LA NÉCESSITÉ DE CORRIGER UN DISPOSITIF QUI ENTRETIENT LE MÉCONTENTEMENT 16 III.- LE CHOIX FAIT PAR LE GOUVERNEMENT PORTE ATTEINTE À LA CRÉDIBILITÉ DE LÉTAT 19 A.- UNE APPROCHE BUREAUCRATIQUE JUSQUÀ LA CARICATURE 19 B.- LE SENTIMENT QUE LON NE PEUT DÉCIDÉMENT PAS FAIRE CONFIANCE À LÉTAT 19 C.- UNE PRATIQUE ÉTATIQUE DÉSUÈTE 20 EXAMEN EN COMMISSION 23 TABLEAU COMPARATIF 27 Mesdames, Messieurs, Larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a supprimé le droit de bail et sa taxe additionnelle. Il les a remplacés par deux contributions représentatives de ce droit et de cette taxe, recouvrées comme limpôt sur le revenu ou limpôt sur les sociétés, selon le régime fiscal dont relève le bailleur. De même assiette, de même taux, les contributions nouvelles sont identiques aux taxes supprimées. Si juridiquement il y a novation, en fait seule la date dimputation change. Or, les conditions dans lesquelles cette substitution a été organisée aboutissent à ce que les loyers du 1er janvier au 30 septembre 1998 servent dassiette à la fois à lancien droit de bail et à sa taxe additionnelle et à la nouvelle contribution représentative du droit de bail et à sa contribution additionnelle. Toute la « querelle du droit de bail » est née des conséquences quon prétend tirer de cette superposition de bases dimposition. Entre le 18 janvier et le 17 mai 1999, des députés de tous les groupes ont posé 156 questions écrites sur les conséquences, pour les bailleurs relevant de limpôt sur le revenu, des modalités de passage des anciennes taxes aux nouvelles contributions. Leurs appréciations sont concordantes. Il nest question que danomalies à corriger, de dysfonctionnements, de majoration artificielle dassiette, de trop-perçus, de double versement de taxes, de situations inéquitables, dinjustices, de nécessité daméliorer la transition entre les deux dispositifs, de situations qui pénalisent injustement les bailleurs. Il est vrai que le choix fait pour organiser la transition entre le droit de bail et sa taxe additionnelle et les contributions qui les remplacent est sidérant. La surprise, puis lémotion, enfin lincompréhension quil a suscitées chez les bailleurs imposables à limpôt sur le revenu, appellent une autre réponse que celles faites par le Gouvernement aux trois questions dactualité, des 9,10 et 30 mars dernier, dans lesquelles il a prétendu maintenir inchangé le dispositif initialement prévu à larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998. Pourquoi faut-il corriger lerreur dappréciation qui a été commise ? Pour le comprendre, il faut dabord rappeler comment ladhésion prévisible à une réforme intéressante dans son objectif se trouve discréditée par des modalités dapplication excessivement déséquilibrées au détriment des contribuables (I). Il faut ensuite examiner comment lobstination à nier lévidence dune double imposition a accentué le sentiment dincompréhension des contribuables (II). Enfin, on ne peut ignorer linévitable atteinte à la crédibilité de lEtat qui en résulte et en résultera pour longtemps, on va le montrer (III). I.- LA RÉFORME DU DROIT DE BAIL ET DE SA TAXE ADDITIONNELLE : UNE PROPOSITION INTÉRÉSSANTE QUANT À SON OBJECTIF SE TROUVE DISCRÉDITÉE PAR UNE MISE EN UVRE TROP DÉFAVORABLE AUX CONTRIBUABLES A.- UN LOUABLE OBJECTIF DE SIMPLIFICATION Lidée dorigine est une bonne idée. Il sagit de simplifier les obligations déclaratives des bailleurs, cest-à-dire de supprimer de la paperasserie à remplir pour le contribuable, à instruire et archiver pour les services fiscaux, quand bien même ce dernier aspect, interne à ladministration, aurait été lélément déterminant de la décision de réforme. Hormis quelques exonérations prévues par la loi, le droit de bail frappait toutes les mutations de jouissance dimmeubles. Il était normalement calculé sur le prix du loyer augmenté des charges imposées au locataire, le loyer pris en considération étant le loyer couru au cours de chaque période du 1er octobre au 30 septembre, et non de loyer effectivement payé. Son taux était de 2,50 %. Sauf convention contraire, la charge du droit de bail incombait au locataire. La taxe additionnelle au droit de bail était due sur les loyers des locaux situés dans les immeubles achevés depuis quinze ans au moins au 1er octobre de chaque année, lorsque le droit de bail était lui-même exigible. Son taux était de 2,50 %. Elle était normalement mise à la charge du propriétaire. Comme lont rappelé les rapporteurs généraux des commissions de finances de lAssemblée nationale et du Sénat, avant la réforme, la déclaration du droit de bail : obéissait au calendrier particulier précité (période du 1er octobre au 30 septembre) ; concernait une imposition établie sur la base de créances acquises (et non de loyers effectivement encaissés) ; était lourde à mettre en uvre, puisquelle consistait en une déclaration en deux exemplaires par immeuble, adressée à la recette des impôts du lieu de situation de celui-ci, sauf autorisation expresse accordée aux bailleurs importants de souscrire une déclaration unique à la recette des impôts dont ils dépendaient. Larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a supprimé la déclaration spécifique en vue de létablissement du droit de bail, ce qui se traduit par cinq millions de déclarations et autant de moyens de paiement en moins. Lutilisation des déclarations relatives aux revenus fonciers pour les particuliers et aux résultats pour les entreprises, cest-à-dire la prise en compte des loyers effectivement encaissés pendant lannée civile ou lexercice sil diffère de lannée civile, a conduit à remplacer le droit de bail par une contribution représentative et la taxe additionnelle au droit de bail par une contribution additionnelle. En pratique, cette substitution sest faite à assiette, taux, et principales caractéristiques inchangés, lEtat ne cherchant pas dautre gain quune amélioration de la productivité du recouvrement de limpôt, et, pour le contribuable, un allégement de ses obligations déclaratives. En clair, la déclaration et le paiement des nouvelles contributions seffectuent en même temps que la déclaration et le paiement de limpôt sur le revenu ou de limpôt sur les sociétés. A cela, personne ne trouve à redire, et notamment pas les bailleurs. B.- UNE MISE EN UVRE TROP DÉFAVORABLE AUX CONTRIBUABLES Le désaccord provient du choix qui a été fait pour organiser la transition entre lancien et le nouveau système. Clairement, la démarche retenue a consisté à garantir le plus possible le produit perçu par lEtat en 1999, ce qui conduit à retenir une solution manifestement trop déséquilibrée au détriment des bailleurs redevables de limpôt sur le revenu. Au bout du compte, ce sont eux qui supportent en effet la charge de trésorerie résultant dune réforme de simplification administrative et non lEtat qui la propose. Le passage de lancien au nouveau système a buté sur le décalage entre lannée de perception du revenu et celle du paiement de limpôt qui est propre à limpôt sur le revenu en labsence de retenue à la source. Limpôt sur le revenu est dû sur les revenus de lannée précédente (n-1). Or, le droit de bail et sa taxe additionnelle ont été acquittés par les bailleurs, en 1998, sur les loyers courus des mois de janvier à septembre 1998. Si lon choisit dasseoir les nouvelles contributions sur les loyers perçus en 1998, il serait logique dadmettre la possibilité de déduire de lassiette de la nouvelle contribution représentative du droit de bail et de sa contribution additionnelle, le montant des loyers soumis au droit de bail et à sa taxe additionnelle de janvier à septembre 1998. Un tel choix naurait encouru aucune critique de la part des bailleurs. Le droit de bail représentait 6,5 milliards de francs en 1997 et la taxe additionnelle au droit de bail 3,4 milliards de francs, soit au total près de 10 milliards de francs de recettes. Si lon avait admis la déduction généralisée de ce qui a été acquitté, en 1998, au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1998, la perte de recettes aurait été des trois-quarts du produit annuel, soit de lordre de 7 milliards de francs. Le Gouvernement, suivi par sa majorité à lAssemblée nationale, a choisi un dispositif qui réduit cette perte en établissant une distinction entre les bailleurs imposables à limpôt sur le revenu et ceux imposables à limpôt sur les sociétés. Pour ces derniers, il a admis de neutraliser les effets de la superposition dassiette, dès 1999. Mais il a refusé aux premiers le bénéfice de cette neutralisation.
Comment, dès lors, être surpris de létonnement des bailleurs ? A défaut, sans doute, dune réelle négociation, en amont, avec la profession, le Gouvernement a choisi de recourir à de subtiles distinctions pour tenter de convaincre les bailleurs quils nétaient pas victimes dune discrimination : dabord, entre le redevable de limpôt et le contribuable effectif. La réforme est neutre pour le locataire, contribuable effectif, le seul changement consistant, pour lui, à acquitter une contribution représentative du droit de bail depuis le 1er janvier 1999, au lieu de lancien droit de bail. Larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 interdit expressément que les effets de la superposition de bases puissent être répercutés sur le locataire ; ensuite, pour le bailleur, entre lassujettissement à limpôt et le décaissement effectué pour le payer. En raison du décalage existant entre les dates de versement des provisions à la charge du locataire, au titre de la contribution représentative du droit de bail, et la date de leur versement au Trésor, par le bailleur, ce dernier naura pas à décaisser à nouveau le montant de la contribution déjà acquittée en octobre 1998, pour la période de location courant du 1er janvier au 30 septembre 1998. Il le fera au moyen des provisions versées par son locataire en octobre, novembre et décembre 1998 et de janvier à septembre 1999. Ce décalage continuera à produire ses effets tant que le bailleur continuera de louer. Cela peut ainsi durer dix ans, vingt ans, trente ans ; en prenant, enfin, en compte chaque année de paiement effectif, de septembre à septembre, pour la contribution additionnelle à la contribution représentative du droit de bail, à la charge effective du propriétaire. Au dernier trimestre de 1998, le bailleur a acquitté une taxe additionnelle pour la période du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998. Au dernier trimestre de 1999, le bailleur acquittera une taxe additionnelle pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1998. Au dernier trimestre 2000, il acquittera une taxe additionnelle pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 1999, et ainsi de suite. Les exigences simplificatrices de la communication gouvernementale sont venues corriger lextrême subtilité de ces distinctions. Elles ont abouti, de la part du Gouvernement, à une négation pure et simple, et persistante, de la double imposition, négation qui na pu que rencontrer lincrédulité des bailleurs. II.- LINCOMPRÉHENSIBLE NÉGATION DUNE DOUBLE IMPOSITION Puisquil y a superposition dassiette, il y a nécessairement double imposition. La preuve en est que larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 prévoit, selon la qualité du bailleur, soit la possibilité de déduire les recettes soumises au droit de bail de lassiette de la nouvelle contribution, soit le bénéfice dun dégrèvement lorsque cette déduction a été refusée. Le débat ne peut donc porter que sur les modalités de neutralisation des effets de cette double imposition. Comme la possibilité dimputer le montant du droit de bail acquitté en 1998 sur la contribution représentative due au titre de la même année nest pas reconnue aux bailleurs redevables de limpôt sur le revenu, il ne peut être question que dune neutralisation imparfaite. Nier cette évidence, cest sentêter à voir les choses telles quelles ne sont pas. A.- UNE DOUBLE IMPOSITION QUI NA RIEN DIMAGINAIRE Le raisonnement implicitement suivi par ladministration elle-même se fonde sur lexistence dune double imposition, sinon pour quelles raisons prévoir un dégrèvement, dans un cas, et, dans lautre cas, la déduction des recettes soumises au droit de bail de lassiette de la nouvelle contribution ? Le raisonnement suivi par les bailleurs est également simple : les loyers ont donné lieu au paiement du droit de bail du 1er janvier au 30 septembre 1998 ; les mêmes loyers déclarés au titre de limpôt sur les revenus de 1998 sont assujettis au paiement dune contribution représentative du droit de bail ; en labsence de possibilité de déduire le montant du droit de bail déjà versé, il y a une double imposition des mêmes loyers. Cest un raisonnement de bon sens. 1.- Le dispositif adopté ne supprime pas la double imposition, contrairement à ce quaffirment le Gouvernement et sa majorité de lAssemblée nationale, il ne cherche quà en neutraliser les effets : et encore, uniquement lorsque certaines conditions sont réunies ; et dautant moins bien que le fait générateur de cette neutralisation interviendra tardivement. La neutralisation des effets de la superposition de bases nintervient que lorsque le bailleur cesse de louer cest-à-dire : soit décède ; soit reprend le local loué pour son usage personnel ; soit vend ; soit interrompt la location pendant neuf mois consécutifs. a) Supposons quun bailleur interrompe sa location de mars à août 1999. Il sera redevable de la contribution représentative du droit de bail au titre de 1998, pour un montant égal à douze fois 2,5% du loyer. Il recevra de ses locataires une somme égale à six fois 2,5% du loyer (droit de bail versé, doctobre à décembre 1998, par son locataire partant et contribution représentative du droit de bail versée, par ce même locataire, en janvier et février 1999, et par son successeur, en septembre 1999). Le bailleur devra donc acquitter six mois de droit de bail quil naurait pas eu à verser en labsence de réforme. b) En outre, les modalités de dégrèvement retenues permettront une neutralisation des effets de la superposition des bases dont la valeur, en termes réels, sera dautant plus faible que le délai courant jusquà la fin de la location sera long. Si lon prend lexemple dun délai de quinze ans, et une hypothèse dévolution moyenne annuelle des prix de 1,5%, 100 francs de 1999 donneront lieu au remboursement de léquivalent en euro de 73 francs en 2015. En francs ou euros courants, il y a bien neutralisation des effets de la superposition de bases. En francs ou euros constants, cest loin dêtre le cas et ce le sera dautant moins que lon séloignera de 1998. A la limite plus la location aura été stable, plus le dégrèvement se rapprochera de la dérision du « franc symbolique » devenu « euro symbolique ».
c) Il sagit non seulement dun dispositif très insatisfaisant, car il ne peut que susciter le mécontentement du contribuable, mais encore parce quil présente linconvénient dentretenir ce mécontentement sur une longue période. A défaut dêtre équitables, des conditions de dégrèvement permettant de « purger » le mécontentement, par exemple au bout de trois ans, auraient au moins permis de « tourner la page ». A linverse, on pourrait dire que si lon avait voulu entretenir ce mécontentement, on aurait choisi les modalités du dégrèvement qui ont été retenues, comme son absence de caractère automatique ou la charge de la preuve renvoyée au contribuable. 2.- Pensant sans doute atténuer cette prévisible irritation, le Gouvernement a cru pouvoir avancer des arguments pour le moins surprenants, lorsquil a été interrogé, au Sénat, le 9 mars dernier (1). a) Le premier argument tient à lavantage que procure le nouveau dispositif dans les cas de loyers impayés. En effet, ils ne seront plus inclus dans lassiette de la contribution représentative et de la contribution additionnelle, alors que tel était le cas pour les taxes assises sur les loyers courus. En fait, ce changement souligne à quel point le système du droit de bail et de sa taxe additionnelle était archaïque, au point dassujettir à limpôt des revenus inexistants. Pour les bailleurs, le remplacement dun système bancal par un système moins bancal est certes un progrès, mais qui justifie difficilement dêtre obtenu au prix dune double imposition. b) Le deuxième argument tient à lavantage procuré aux bailleurs dont la location débute après le 1er janvier 1999. Ils ne seront redevables de la contribution représentative du droit de bail et de sa contribution additionnelle quen septembre 2000, compte tenu du décalage entre lannée de perception des revenus et celle du paiement de limpôt sur le revenu. Loin de constituer un avantage particulier consenti au contribuable, il ne sagit que des conséquences mécaniques du choix de la déclaration dimpôt sur le revenu comme support de la déclaration de contribution représentative du droit de bail. Il ny a là aucun « cadeau fiscal » réel. En revanche, linterdiction de déduire de lassiette de la contribution représentative celle du droit de bail acquitté en 1998 constitue bien, elle, un choix délibéré et non une conséquence logique du changement de support de déclaration. B.- LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL NE SAURAIT CLORE LE DÉBAT Interrogé, dans notre Assemblée, au cours de la séance des questions au Gouvernement, M. Christian Sautter, secrétaire dÉtat au budget a, le 9 mars dernier, répondu que « Ce texte a été soumis par lopposition au Conseil constitutionnel, qui a décidé que le dispositif institué par larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 ne conduisait pas le redevable à acquitter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles, et quil ninstituait donc pas une double imposition. Je crois que cela clôt le débat » (2). En effet, dans sa décision (n° 98-406 DC) du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a considéré : quil ny avait pas de double imposition parce que « le dispositif institué ne conduit pas le redevable à acquitter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles » et que, de plus, il « instaure un dégrèvement au bénéfice des redevables ( ) dun montant égal aux droits acquittés au titre de la période courant du 1er janvier au 30 septembre 1998, en cas de cessation ou dinterruption pour une durée dau moins neuf mois consécutifs de la location » ; quil ny avait pas datteinte au principe dégalité car la différence de situation faite entre les redevables des contributions relevant du régime de limpôt sur le revenu et les redevables des contributions soumises au régime de limpôt sur les sociétés découle de lapplication de modalités de liquidation et de règles de recouvrement différentes. On pourrait se demander pourquoi le Conseil constitutionnel a tant voulu motiver sa décision. A trop vouloir prouver Dans la première partie de son raisonnement, il a ainsi eu recours à des arguments tirés dune appréciation pratique, à la limite de lopportunité, alors quil a procédé à une appréciation abstraite dans la deuxième partie de son raisonnement. Le Conseil constitutionnel retient dabord une démarche toute pratique : il ny a pas de double imposition si lon se place au cours de la même année et puisquun dégrèvement a été prévu. Il aurait pu se borner à constater quil ne peut y avoir de double imposition sagissant de deux contributions juridiquement distinctes, en droit strict (lancien droit de bail et la nouvelle contribution). Sans doute a-t-il craint le caractère spécieux dun tel raisonnement, puisquen fait le droit de bail et la contribution qui le remplace ont exactement les mêmes caractéristiques. Mais, le Conseil constitutionnel revient, ensuite, à une démarche « abstraite » fondée sur la différence de nature entre limpôt sur le revenu et limpôt sur les sociétés, alors que la question de légalité de traitement entre les bailleurs portait sur les modalités pratiques du « dégrèvement » institué : « dégrèvement » intégral et immédiat dans un cas, car résultant de la possibilité dimputation de la contribution déjà acquittée, et dégrèvement restrictif soumis à une condition de cessation ou dinterruption de location, dans lautre cas. Ces différences de traitement nont aucun lien logique avec la nature de limpôt en cause. Il sera intéressant de lire les explications juridiques des spécialistes et les commentaires des professeurs de droit sur cette décision. Mais, enfin, sil est vrai que les décisions du Conseil constitutionnel simposent aux pouvoirs publics, cela ne saurait retirer au Parlement son propre pouvoir dappréciation, ni au Gouvernement denvisager des solutions plus compréhensibles par lopinion. Le débat nest donc pas clos ! Ainsi, dans sa décision du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel na pas dit quil ny avait plus de possibilité de modifier larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998. Le Conseil constitutionnel a simplement accepté « lastuce » consistant à raisonner en termes de paiement effectif. Il a considéré que le recours à cette « astuce » nétait pas contraire à la Constitution. Il nen résulte pas que cette « astuce » se transforme, de ce seul fait, en la meilleure solution possible, ni quil soit désormais impossible de la corriger. Si le choix des modalités de passage de lancienne à la nouvelle contribution, qui a été fait, ne peut plus être discuté en termes de constitutionnalité ou dinconstitutionnalité, il peut toujours lêtre en termes dopportunité et de bilan coût-avantages. C.- LA NÉCÉSSITÉ DE CORRIGER UN DISPOSITIF QUI ENTRETIENT LE MÉCONTENTEMENT Comment réparer lerreur dappréciation commise par le Gouvernement dans la mise en uvre de cette réforme quil a voulue et proposée ? Plusieurs solutions sont envisageables. 1.- Une première solution aurait pu consister à distinguer le cas des redevables de limpôt sur les sociétés de celui des redevables de limpôt sur le revenu. Et le Gouvernement aurait déjà pu proposer la rectification de son dispositif sur la base de la décision du Conseil constitutionnel qui estime quil y a, entre les deux impôts, une différence de nature La suppression des déclarations spécifiques au droit de bail aurait pu être réalisée en deux étapes : une, pour les bailleurs redevables de limpôt sur les sociétés, et une autre, pour ceux redevables de limpôt sur le revenu, lannée suivante, ou inversement. Leffort budgétaire de lEtat aurait été moins élevé, et aurait permis déviter le recours à la double imposition. Certes, la simplification aurait été moins rapidement généralisée, mais, à tout prendre, un sentiment dimpatience devant une réforme annoncée semble moins dommageable que le sentiment damertume engendré par lapplication de larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, tel quil a été adopté. 2.- Une deuxième solution aurait pu résulter de lobservation que le système choisi est tellement mauvais dans ses conséquences psychologiques quil en est difficilement améliorable. Les conditions mises à lobtention du dégrèvement sont inéquitables et ressenties comme telles. Raccourcir le délai dinterruption de la location, soit en le ramenant, par exemple, à six mois consécutifs, soit en permettant dadditionner des périodes dinterruption non consécutives, bute sur le fait quon aura reconnu linjustice du dispositif, mais quon ne laura corrigée que pour certains bailleurs seulement. Hormis des considérations budgétaires, aucune logique ne permettrait de considérer quune interruption de location de six mois conduit à une situation moins injuste quune interruption de neuf mois. En tout cas, le bailleur nayant interrompu sa location que quatre mois nen sera pas, lui, convaincu. 3.- Une autre solution pourrait consister à accorder le bénéfice du dégrèvement dès le premier renouvellement du bail en cours. Cette solution aurait lavantage détaler leffort financier de lEtat, compte tenu du fait que la pratique est largement répandue de conclure des baux de trois ans. Mais une telle approche, si elle améliore le dispositif, ne lexonère toujours pas de critiques. 4.- Aussi la présente proposition de loi sen tient-elle à la solution la plus équitable, la plus simple à mettre en uvre et la plus cohérente avec le souci dune démarche véritablement simplificatrice, cest-à-dire quelle vise à reconnaître aux bailleurs imposables à limpôt sur le revenu, le même droit à déduction que celui reconnu aux bailleurs redevables de limpôt sur les sociétés. Puisque le gouvernement a fait le choix dune suppression uniforme de la déclaration spécifique du droit de bail, il est logique que cette simplification bénéficie dans les mêmes conditions à tous les bailleurs, particuliers ou sociétés. Il faut bien comprendre quil ny a pas dans le dispositif ici proposé perte de recettes fiscales de lEtat, mais seulement alourdissement à hauteur de 7 milliards de francs de sa charge de trésorerie. En effet, le dispositif proposé substitue à un dégrèvement dont lattribution est soumise à des conditions très restrictives et dont la mise en uvre est très étalée dans le temps, une déduction qui fait supporter immédiatement au Trésor la charge résultant du passage dune base dimposition assise sur des loyers courus de lannée en cours (droit de bail) à une base dimposition assise sur les loyers encaissés au cours de lannée précédente (contribution représentative du droit de bail). Cest la raison pour laquelle une telle charge de trésorerie nécessite un gage pour que la proposition soit financièrement recevable par notre Assemblée au regard de larticle 40 de la Constitution. Un tel choix se justifie politiquement, car les bailleurs nont pas réclamé la réforme des modalités déclaratives du droit de bail. La décision a été prise par le Gouvernement en tant quélément de la réforme du service public chargé de lassiette et du recouvrement de limpôt. Les redevables de la nouvelle contribution assujettis à limpôt sur le revenu nont pas à prendre à leur charge le financement de cette réforme. III.- LE CHOIX FAIT PAR LE GOUVERNEMENT PORTE ATTEINTE À LA CRÉDIBILITÉ DE LÉTAT A.- UNE APPROCHE BUREAUCRATIQUE JUSQUÀ LA CARICATURE Il est clair que le dispositif retenu à larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 ne constitue pas le seul dispositif envisageable, ni même celui qui viendrait dabord à lesprit. Cest en réalité le résultat dune démarche à courte vue. Pour le Gouvernement, lessentiel était de permettre le maximum deffet dannonce au moindre coût budgétaire. Tel a sans doute été le « cahier des charges ». Mais pris entre ces postulations contradictoires, les spécialistes du ministère de léconomie et des finances ont proposé une réforme habile aux yeux dun technicien, car permettant, en apparence, de concilier linconciliable. La validation politique de cette approche a abouti au paradoxe de ruiner non seulement leffet dannonce, mais même la perception des aspects positifs de la réforme. Bref, les bailleurs redevables de limpôt sur le revenu ont, à juste titre, le sentiment davoir été floués. Cela ne serait quanecdotique, sil ne sagissait pas dun choix fait délibérément par le Gouvernement tendant à faire payer sa réforme par les seuls contribuables. En réalité, il faut craindre que les dommages soient beaucoup plus durables, car même sil devait être corrigé, larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 aura, dores et déjà, fait naître le sentiment quon ne peut faire complètement confiance à lEtat collecteur dimpôt ou quon doit, à tout le moins, rester en permanence sur ses gardes vis-à-vis de lui. Désagréable ! B.- LE SENTIMENT QUON NE PEUT DÉCIDÉMENT PAS FAIRE CONFIANCE À LÉTAT De ce point de vue, le mal est fait. Comment le sentiment de la simple équité ne serait-il dailleurs pas atteint ? Les bailleurs ne peuvent pas admettre que des subtilités juridiques soient utilisées pour distinguer entre les contribuables qui échapperont à la double imposition et ceux qui, soumis à limpôt sur le revenu, devront consentir une avance forcée au Trésor, dont les conditions extrêmement restrictives de remboursement font quelle ne sera, en fait, pas complètement récupérée dans de nombreux cas. Bien plus, le système adopté sera dautant plus défavorable aux bailleurs que ceux-ci auront conservé un patrimoine stable et que leurs locataires seront restés en place. Comment, au surplus, ne pas sinterroger ensuite sur les contradictions dont témoigne lattitude de lEtat ? Dans le temps même où il institue une taxation des logements vacants et cherche à encourager loffre de loyers intermédiaires des bailleurs privés, au travers dengagements de longue durée, sévèrement sanctionnés sils ne sont pas tenus, lEtat adopte un dispositif qui lui permet de faire payer aux bailleurs une réforme quil est seul à avoir décidée, sans quune urgence particulière soit apparue, jusquà présent, ce qui ne peut que rendre plus difficiles les relations existant entre eux et lui. Comment sétonner, dès lors, quun tel comportement suscite un fort sentiment damertume chez ces bailleurs ? On ne sy prendrait pas autrement, si lon voulait donner le sentiment que lEtat collecteur dimpôt nest quhabileté et que la question des scrupules nest pas de son domaine. Rien ne sert de sabriter derrière le paravent de linévitable complexité des dispositions transitoires quentraînerait toute réforme. Les contribuables commencent à avoir lhabitude des facilités que lEtat soctroie, sans sêtre encore aperçu quelles deviennent de moins en moins supportables, à mesure de lévolution des mentalités individuelles et collectives. Le recours excessif aux dispositions rétroactives est clairement perçu, désormais, comme totalement décalé par rapport au sentiment quont les contribuables du respect quon leur doit dans un Etat moderne. Lexemple récent, de la réforme de lassurance vie, dans le projet de loi de finances pour 1999, montre quil a fallu une correction in extremis, par lAssemblée nationale. Lusage immodéré des prérogatives exorbitantes contribue plus à éroder lautorité de lEtat quil ne la renforce. C.- UNE PRATIQUE ÉTATIQUE DÉSUÈTE Le sentiment dun fossé sélargissant entre les pouvoirs publics et les citoyens ne peut que saviver avec des choix tels que celui fait par le Gouvernement à larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998. La modernité ne se résume pas à louverture dun site ministériel Internet. Il y faut aussi des comportements plus respectueux des contribuables. Le 13 avril 1999, un communiqué de presse issu de la direction de la communication du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, a dailleurs fait état dune réforme de ce ministère dans les termes suivants : « Réforme du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie : les ministres annoncent une nouvelle étape centrée sur « le service aux usagers ». Parmi les objectifs affichés, figurait celui de « donner la priorité aux usagers du service public en leur simplifiant la vie et en leur apportant un meilleur service ». Le 30 avril 1999, la même direction de la communication du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie a rendu compte de lintervention de M. Christian Sauter, secrétaire dEtat au Budget, lors de sa visite à lEcole nationale des impôts. Selon cette source, M. Christian Sautter y indiquait en substance : « Quel diagnostic faisons-nous ? Les usagers attendent un service public plus proche et plus efficace. Quelles réformes allons-nous faire ? Le sens général de la réforme, cest dabord de donner la priorité aux usagers. Comment cette réforme sera-t-elle mise en uvre ? Les gains defficacité seront partagés entre les usagers, les agents et les autres services publics. Dans leur immense majorité nos concitoyens souhaitent une administration fiscale compétente, à leur écoute et réactive ». En tant quusagers du service public des impôts, les bailleurs soumis à limpôt sur le revenu peuvent légitimement se demander si le traitement que leur a réservé larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 sexplique parce quils furent les derniers contribuables à « bénéficier » de la sollicitude des services fiscaux davant le « New Deal » promis par le secrétaire dEtat ou bien, ce qui serait plus inquiétant, sils sont entrés par anticipation dans le temps des réformes Toutes les promesses de réforme administrative ne valent que ce que sont leurs résultats. Il est probable que, pendant des générations, les promotions des écoles des impôts entendront désigner sous la dénomination de « coup du droit de bail », lexploit rare dune administration qui a réussi à « vendre » au cabinet dun ministre, au ministre, au Gouvernement, à sa majorité à lAssemblée nationale et au Conseil constitutionnel, une simplification administrative non demandée, facturée au prix dune double imposition, prétendument neutralisée à des conditions tellement irréalistes que seul un bailleur amnésique naurait pas le sentiment davoir été floué. Bref, quil est encore possible darriver à ce que ce soit le contribuable qui supporte le financement des « simplifications administratives » quil na pas sollicitées. Des dispositifs bancals, comme un tel pari budgétaire sur la capacité doubli du contribuable, ont pu, à une autre époque, être acceptés. Ces temps sont révolus. Lacceptation du « fait du prince » sefface sous nos yeux. Il serait temps que le Gouvernement le comprenne. EXAMEN EN COMMISSION La Commission des finances, de léconomie générale et du plan a examiné la proposition de loi tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour lexercice 1999 lors de sa séance du 18 mai 1999 Souhaitant éviter tout développement trop technique ou trop polémique, votre Rapporteur a rappelé que larticle 12 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1998 avait réformé le droit de bail et sa taxe additionnelle en les remplaçant par deux contributions représentatives de ce droit et de cette taxe, recouvrées selon les modalités de limpôt sur le revenu ou de limpôt sur les sociétés, selon le régime fiscal dont relève le bailleur. Il a indiqué que les conditions dintroduction de ces deux contributions soulevaient un problème, dont lacuité pouvait être mesurée à laune des 156 questions écrites posées par des députés appartenant à lensemble des groupes politiques. Il a jugé que le législateur devait ajuster le dispositif afin de supprimer toute incompréhension entre les bailleurs et lEtat. Votre Rapporteur a estimé que la double imposition des revenus perçus sur les neuf premiers mois de lannée 1998 ne pouvait être niée. Il a ainsi relevé que larticle 12 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1998 avait, dune part, introduit un mécanisme imparfait de dégrèvement au profit des bailleurs redevables de limpôt sur le revenu et, dautre part, autorisé les bailleurs redevables de limpôt sur les sociétés à déduire de lassiette des nouvelles contributions dues au titre de 1998 les recettes déjà soumises aux droits et taxes définis par le régime fiscal antérieur au 1er octobre 1998. Il a affirmé que la solution préconisée dans la proposition de loi à savoir asseoir les contributions pour 1999 sur les recettes nettes du quatrième trimestre de 1998 nentraînerait pas de pertes de recettes pour lEtat, mais un simple décalage de trésorerie denviron 7 milliards de francs. Il a considéré que ladoption de la proposition de loi permettrait de rétablir léquité fiscale. Votre Rapporteur a ensuite dénoncé un certain mode de gestion publique, selon lequel lEtat décide dune réforme, dont les objectifs simplification des démarches, réduction de la paperasserie, amélioration de la productivité des administrations sont louables, mais dont la réalisation génère un coût supporté par les contribuables, ceux-là même qui sont censés bénéficier de la réforme. Il a, notamment, contesté le caractère restrictif du mécanisme de dégrèvement défini à larticle 234 decies du code général des impôts, en estimant que la restitution après la cessation ou linterruption prolongée de la location des sommes indûment perçues au titre de 1998 soumettait ce remboursement à lérosion monétaire et installerait ainsi le mécontentement dans la durée. Il sest dit attaché à une conception du service public qui soit un service du public et non de ladministration. Il a regretté que le prétendu « bon sens administratif » soit, finalement, si éloigné du bon sens populaire. Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. M. Didier Migaud, Rapporteur général, a souhaité rappeler quelques faits quil a estimés incontestables : lobjectif simplificateur du dispositif incriminé, leffet purement optique de la superposition partielle des périodes dimposition, lindifférence de la situation des locataires au changement de régime fiscal, le fait, enfin, quaucun bailleur ne sera amené à payer deux fois limpôt au cours dune même année. Il a également souligné que, dans sa décision du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel avait considéré que larticle 12 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1998 navait pas instauré de double imposition. Il a rappelé que certaines difficultés dapplication du dispositif avaient déjà été évoquées dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998, notamment sagissant des dispositions relatives à linterruption dune location ou sous-location. Il a estimé quune réflexion restait indispensable, menée conjointement avec le Gouvernement et les professionnels concernés, en vue de définir des solutions appropriées aux problèmes techniques posés par ce dispositif, dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Evoquant larticle 94 du Règlement, il a invité la Commission à ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi. Citant ladage « errare humanum est, perseverare diabolicum », votre Rapporteur a estimé quil était difficile de venir en aide au Gouvernement si celui-ci ne le souhaitait pas. Il sest dit convaincu que le statu quo conduirait à renforcer le sentiment de défiance des contribuables envers lEtat. Il a indiqué que son rapport écrit apporterait des réponses aux arguments présentés par le Rapporteur général, notamment quant à la décision du Conseil constitutionnel, qui, dailleurs, ne juge pas que le dispositif nest pas perfectible. Il a déclaré regretter lattitude de M. Christian Sautter, secrétaire dEtat au budget, qui, lors dune récente séance de questions à lAssemblée nationale, a considéré que le débat était clos. Il a insisté sur le caractère équitable de la proposition de loi et a dénoncé un mode de gouvernement selon lui dépassé : la mise en place dun dispositif astucieux voire habile élaboré sans concertation avec les intéressés, qui débouche sur une réforme bénéficiant à ladministration et payée par les contribuables. M. Pierre Forgues a fait part de sa perplexité face aux problèmes soulevés par lintroduction des contributions remplaçant le droit de bail et la taxe additionnelle sur ce droit de bail. Il sest étonné des avis totalement contradictoires sur lexistence ou la non-existence dune double imposition sur les revenus des neuf premiers mois de 1998. Il a souhaité que les travaux de la Commission des finances clarifient rapidement cette question. M. Hervé Gaymard sest dit sensible à largumentation développée par votre Rapporteur sur la perte de confiance des citoyens envers leur État. Il a indiqué avoir constaté beaucoup dincompréhension, voire de colère, parmi les contribuables. Il a reconnu que les objectifs de la réforme étaient louables et que la suppression de cinq millions de formulaires annuels ainsi que lharmonisation des périodes de référence pour la perception des impôts concernés représentaient une avancée certaine. Estimant que le texte actuel conduisait incontestablement à une double imposition des revenus encaissés pendant les neuf premiers mois de 1998, il sest interrogé sur la possibilité dinstaurer un mécanisme permettant de déduire des impositions dues en 1999 le montant des droits et taxes acquittés en 1998 et relatifs à ces trois trimestres. M. Jean-Jacques Jégou a estimé quil fallait prendre très au sérieux la proposition de loi soumise à lexamen de la Commission. Il a affirmé que, sil était toujours possible de disserter sur le niveau des prélèvements obligatoires, il était en revanche incontestable que la transition entre le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail dune part, les contributions représentatives de ces droits et taxes dautre part, instaurait une double imposition à laquelle il convenait de remédier. Il a suggéré que, si le dispositif proposé était jugé imparfait, le Gouvernement, à linitiative du Rapporteur général, amende le texte de la proposition de loi, plutôt que de repousser à une date indéterminée la solution dune difficulté patente. M. Didier Migaud, Rapporteur général, a indiqué quil ne jugeait pas la proposition de loi techniquement imparfaite, mais inopportune pour des raisons financières, relevant, en outre, que, parmi labondant courrier reçu par les parlementaires, on pouvait trouver une part non négligeable de courriers standardisés. Compte tenu des observations déjà formulées par lAssemblée nationale lors de la discussion de larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, il a réaffirmé la nécessité dattendre les propositions du Gouvernement à loccasion du prochain débat budgétaire, tout en nexcluant pas la possibilité, pour la Commission, den présenter elle-même si nécessaire. Il a à nouveau appelé la Commission à ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi, en application de larticle 94 du Règlement. En réponse aux différents intervenants, votre Rapporteur a tout dabord réaffirmé que larticle 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 avait bien instauré une double imposition à lencontre des bailleurs. Il a expliqué que les loyers perçus entre le 1er janvier et le 30 septembre 1998 servaient dassiette à la fois au droit de bail et à la contribution représentative qui la remplacé, sans que le montant du premier soit imputable sur celui de la seconde. Il a ajouté que le Gouvernement avait dailleurs prévu de neutraliser les effets de cette double imposition lorsque cesse la location, cest-à-dire en cas de décès du bailleur, de reprise ou de vente du local, ou dinterruption de la location pour une durée dau moins neuf mois consécutifs. Il a observé que, dans certains cas, le dégrèvement ne sera donc possible que des années plus tard, ce qui fera supporter au bailleur, en tout état de cause, une perte de trésorerie parfois conséquente. Votre Rapporteur a précisé que la solution retenue dans sa proposition de loi aboutissait à un résultat comparable à la déductibilité de limpôt sur le revenu du droit de bail déjà versé préconisée par certains. Il a ensuite considéré que le droit de bail était une contribution spécifiquement française qui nuisait à la bonne santé du marché immobilier, mais il a rappelé que son produit était de lordre de 10 milliards de francs par an et quil était difficile à lEtat dy renoncer. Il a finalement déclaré comprendre la propension de la majorité parlementaire à soutenir le Gouvernement en place, mais a considéré que le Parlement avait aussi pour mission, en dehors de tout esprit politique ou polémique, de corriger les erreurs de ladministration. Le Président Augustin Bonrepaux a objecté quil ne serait pas raisonnable de renoncer aux trois-quarts du produit du droit de bail, ce qui entraînerait une perte de lordre de 7 milliards de francs pour lEtat. Votre Rapporteur a observé quil ne sagissait que dun coût de trésorerie et que lEtat retrouverait ce produit lannée suivante, alors quactuellement, il fait supporter ce coût aux contribuables. Le Président Augustin Bonrepaux a fait valoir que des propositions seraient présentées dans le cadre de lexamen du prochain projet de loi de finances et a mis aux voix la proposition de M. Didier Migaud de ne pas formuler de conclusions. A lissue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à lexamen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions. TABLEAU COMPARATIF ___
1602. RAPPORT de M. Jean-Pierre DELALANDE (au nom de la commission des finances) sur la proposition de loi (n° 1557) de MM. Jean-Pierre DELALANDE, Bernard PONS et Jean-Louis DEBRÉ tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour lexercice 1999 () J.O. Débats Sénat, 10 mars 1999, pages 1349 à 1351. () J.O. Débats Assemblée nationale, 10 mars 1999, pages 2138 et 2139. |