Logo du site de l'Assemblée nationale

Document E2765
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil instituant le Collège européen de police (CEPOL) en tant qu'organe de l'Union européenne.


E2765 déposé le 18 novembre 2004 distribué le 25 novembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0623 final du 1er octobre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 1er octobre 2004)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 9 juin 2005

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Décision du Conseil 2005/681/JAI du 20 septembre 2005 instituant le Collège européen de police (CEPOL) et abrogeant la décision 2000/820/JAI.
    (JOCE L 256 du 1er octobre 2005) (Notification d'adoption publiée au JO du 15 avril 2006, p. 5739)

Base juridique :

Articles 30 § 1 et 34 § 2 du traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

- Unanimité au sein du Conseil ;

- consultation du Parlement européen.

Avis du Conseil d'Etat :

Le Collège européen de police (CEPOL) qu'il est proposé d'ériger en organe de l'Union européenne doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière pourrait être regardé, du point de vue du droit interne, compte tenu de ses règles d'organisation et de fonctionnement, comme un établissement public. Cet établissement apparaît comparable, eu égard aux missions de formation qui doivent lui être confiées, à d'autres établissements ayant une spécialité analogue existant tant au plan national qu'au plan européen (par exemple l'Ecole européenne d'administration : cf. SEC(2004)379 final).

La proposition de décision du Conseil ne semble donc pas pouvoir être tenue comme ayant pour objet la création d'une catégorie d'établissement public au sens de l'article 34 de la Constitution. Au demeurant, il avait été estimé en 2000 que la proposition de décision créant le CEPOL, devenue la décision n° 2000/820/JAI du Conseil qui doit être abrogée par l'article 23 de l'actuelle proposition de décision, ne comportait aucune disposition législative.

Il résulte de ce qui précède qu'il n'apparaît pas nécessaire, au regard des dispositions de l'article 88-4 de la Constitution, de transmettre la proposition de décision figurant en intitulé au Parlement ( 1).

Fiche d'évaluation d'impact :

Aucune fiche d'impact n'a été transmise sur ce texte.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité

Cette proposition de décision, dans sa version modifiée par le Conseil, est conforme au principe de subsidiarité.

Contenu et portée :

1. Le statut actuel du CEPOL

a ) La décision du 22 décembre 2000

Le Collège européen de police (CEPOL) a été créé en 2001, en application de la décision 2000/820/JAI du 22 décembre 2000. Sa création répond à la demande du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, qui a préconisé la création d'une " académie européenne de police [...] pour former les hauts responsables des services de police ", à travers, dans un premier temps, un " réseau d'instituts nationaux de formation ".

Conformément au souhait du Conseil européen, le CEPOL prend la forme d'un réseau constitué par la réunion des instituts nationaux de formation des hauts responsables des services de police. Il a pour objectif de favoriser une approche commune dans le domaine de la lutte contre la criminalité, de la prévention de la délinquance et du maintien de l'ordre.

Les activités du CEPOL se concentrent en premier lieu sur les hauts fonctionnaires de police, qui bénéficient de sessions de formation fondées sur des normes communes. Le Collège élabore également des formations spécialisées pour les policiers impliqués dans la lutte contre la criminalité transfrontalière et pour les formateurs eux-mêmes, et participe à la diffusion et l'échange des meilleures pratiques.

Le CEPOL est dirigé par un conseil d'administration, constitué des directeurs des instituts nationaux de formation policière. Ce conseil d'administration établit, à l'unanimité, le programme annuel de formation continue. Chaque délégation nationale y dispose d'une voix et des représentants du secrétariat général du Conseil, de la Commission et d'Europol y siègent comme observateurs, sans droit de vote. Il est présidé par le directeur d'un institut national de formation de l'Etat membre qui assure la présidence du Conseil de l'Union.

Son budget est alimenté par des contributions des Etats membres établies en fonction de leur produit intérieur brut (en 2004, il était de 3,67 millions d'euros, dont 500 000 euros pour la contribution française). Le Collège est doté d'un secrétariat permanent, dirigé par un directeur administratif nommé par le conseil d'administration pour une durée de trois ans.

b ) Les décisions du 26 juillet 2004

Le rapport triennal du conseil d'administration du CEPOL sur le fonctionnement et le devenir du Collège, présenté en décembre 2003, dresse un bilan positif de l'action menée.

Chaque année depuis 2003, 50 à 60 sessions de formation ont ainsi été dispensées( 2). En 2005, 58 stages de formation sont prévus par le programme d'action annuel. Chaque stage est une formation unique d'une durée d'une semaine en général. Il est organisé par un Etat membre sur son territoire, le contenu et l'élaboration de la formation étant défini par cet Etat en coopération avec deux ou trois autres pays partenaires. Chaque pays dispose d'une place par stage. La France devrait ainsi organiser sept formations en 2005, sur la lutte contre le terrorisme, l'immigration, la gestion civile des crises et la criminalité environnementale.

Le CEPOL a cependant été confronté à plusieurs difficultés durant ses premières années d'existence :

- l'absence de siège permanent n'a été que partiellement compensée par l'installation provisoire du secrétariat du CEPOL dans les locaux de l'école danoise de police à compter du 1er mars 2002 ;

- l'absence de personnalité juridique a été problématique, en particulier pour la passation de contrat.

Le conseil d'administration du CEPOL, dans le rapport triennal précité, recommandait donc de doter le Collège de la personnalité juridique, de fixer son siège permanent et de renforcer les moyens du secrétariat permanent.

Le Conseil a donné suite à ces recommandations, par deux décisions du 26 juillet 2004( 3). Elles confèrent la personnalité juridique au CEPOL (qui est dotée de la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale) et fixent le siège du secrétariat permanent du CEPOL à Bramshill, au Royaume-Uni. Le budget 2005 du CEPOL a en outre été augmenté de 30 % par rapport à 2004 (soit un montant de 4,95 millions d'euros) et permettra d'employer 17 personnes à temps plein.

2. La proposition initiale présentée par la Commission

La Commission européenne a souhaité aller plus loin, et a présenté le 1er octobre 2004 une proposition de décision instituant le Collège européen de police en tant qu'organe de l'Union européenne. Cette proposition élargirait les missions du CEPOL et le doterait d'un statut proche de celui d'une agence européenne.

a ) Des missions élargies

Les formations dispensées par le CEPOL sont actuellement réservées aux hauts responsables des services de police des Etats membres. La proposition élargirait le public visé aux cadres moyens et à l'ensemble des services répressifs, douanes comprises (article 5).

La mission du CEPOL serait également étendue au développement et à l'offre de normes communes et de modules de cours communs, qui seraient utilisés par les instituts de formation des Etats membres, ainsi qu'à l'évaluation de leur mise en œuvre. Le CEPOL garantirait l'application uniforme de ces normes communes et de certains cours jugés essentiels sur l'ensemble du territoire de l'Union (article 7). Une certification du CEPOL, pour les formateurs et le contenu des formations, serait mise en place.

b ) Un statut proche de celui d'une agence européenne

Selon la Commission, le CEPOL serait transformé en un organe de l'Union, sur le modèle d'Eurojust. En pratique, le statut proposé apparaît calqué sur celui des agences européennes.

La Commission deviendrait membre à part entière du conseil d'administration du CEPOL, avec un droit de vote comme les Etats membres. La procédure normale de vote deviendrait la majorité simple au lieu de l'unanimité, sauf dans quelques cas spécifiques (adoption des programmes de formations et de travail, désignation d'une liste d'au moins trois candidats pour le poste de directeur, etc .), qui nécessiteraient une majorité des deux tiers (article 9).

Le directeur serait doté de responsabilités plus importantes, dont il répondrait devant le conseil d'administration (article 10). Il serait désigné par le conseil de l'Union européenne pour cinq ans à partir d'une liste d'au moins trois candidats présentée par le conseil d'administration. Son changement de dénomination (directeur au lieu de " directeur administratif " dans la décision actuelle) illustre ce nouveau statut.

Le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes serait appliqué au CEPOL et à son personnel, y compris son directeur. Son personnel bénéficierait des mêmes conditions d'emploi que les fonctionnaires des institutions de l'Union européenne.

Enfin, le Collège serait financé par le budget de l'Union européenne, et non plus par les contributions des Etats membres. Le projet de budget serait élaboré par le directeur et adopté par le conseil d'administration, qui le transmettrait à la Commission. Celle-ci le transmettrait à son tour au Parlement européen et au Conseil avec l'avant-projet de budget de l'Union. Le budget du CEPOL deviendrait définitif après adoption définitive du budget général de l'Union européenne.

3. Une proposition fraîchement accueillie et substantiellement amendée par le Conseil

La proposition de la Commission a été fraîchement accueillie par le Conseil. Plusieurs délégations, dont la France et l'Allemagne, sont en effet opposées à la transformation du CEPOL en un organe de l'Union européenne. Elles préfèrent préserver la logique du réseau des instituts nationaux de formation et considèrent qu'une formation harmonisée ne serait pas adaptée en matière policière, où il faut tenir compte des spécificités de chaque pays (en termes de criminalité, de procédure pénale, etc .). Ces Etats membres font également valoir, à juste titre, qu'il est étrange de proposer une réforme aussi ambitieuse alors que le conseil d'administration du CEPOL ne l'a pas considéré nécessaire dans son rapport de 2003.

Une nouvelle évaluation étant programmée à la fin de 2005, il serait logique d'attendre qu'elle ait eu lieu pour envisager, le cas échéant, une telle transformation, si elle s'avère nécessaire. La multiplication des organes ou agences de l'Union n'est en effet pas une solution en soi, et leur création doit être précédée d'un état des lieux permettant d'en apprécier la nécessité ou non. Cette démarche devrait permettre d'éviter le recours systématique à la formule des agences, qui n'est pas satisfaisant.

Le Conseil " Justice et affaires intérieures " du 24 février 2005 a décidé de procéder en deux temps. Il a accepté l'application du statut des fonctionnaires de l'Union européenne au personnel du CEPOL, ainsi que le financement du Collège par le budget communautaire. Il a en revanche choisi de reporter l'examen des autres propositions, telles que l'extension des formations offertes par le CEPOL à d'autres catégories d'agents des services répressifs ( i.e. autres que les policiers ou qui, sans être de " hauts responsables ", participent à la lutte contre la criminalité transfrontalière) ou la création d'une certification du CEPOL pour les formateurs et le contenu des formations, à la parution des résultats de l'évaluation du fonctionnement du CEPOL.

La proposition de décision a été amendée en ce sens, mais comporte toujours des changements substantiels de la décision de 2000, autres que ceux acceptés par le Conseil JAI. Le droit de vote de la Commission au conseil d'administration a bien été supprimé, mais la modification des règles de vote (majorité des deux tiers pour certaines décisions) au conseil d'administration et la création d'un directeur au lieu d'un directeur administratif subsistent. Des difficultés persistent également en ce qui concerne l'application du protocole sur les privilèges et immunités au CEPOL et à son personnel (en particulier en matière fiscale), ainsi que sur un nouvel article ajouté à la proposition initiale, qui préciserait les règles de vote au conseil de l'Union européenne, à savoir la majorité qualifiée( 4).

Le service juridique du Conseil a été consulté sur ces deux derniers points, ainsi que sur les règles de vote au conseil d'administration. Il a conclu, dans un avis rendu le 10 mai 2005 :

- que l'application du statut des fonctionnaires des Communautés européennes au personnel du CEPOL a pour conséquence l'application intégrale (y compris en matière fiscale) du protocole sur les privilèges et immunités à ce personnel ;

- que la majorité qualifiée ou une majorité des deux tiers serait appropriée pour la prise de décision au sein du conseil d'administration ;

- qu'il serait nécessaire d'insérer une disposition dans la décision précisant les règles de vote au Conseil lorsqu'il prend des mesures d'application de ladite décision, dans un souci de sécurité juridique.

Sur le second point, le raisonnement du service juridique se fonde, de manière surprenante, sur les règles de vote applicables pour l'adoption du budget général de l'Union ainsi que pour la nomination du Président de la Commission, du Secrétaire général du Conseil ou des directeurs généraux de la Commission depuis l'entrée en vigueur du traité de Nice. Cette analogie ne paraît guère convaincante, d'autant que le directeur d'Europol et le directeur administratif d'Eurojust, organes comparables au CEPOL, sont nommés à l'unanimité. La détermination de la règle de vote applicable en l'espèce relève dès lors davantage, à notre sens, d'une appréciation politique que du droit.

La dernière version du texte disponible, en date du 17 mai, 2005, prend acte des conclusions du service juridique du Conseil. Elle prévoit donc l'application du protocole sur les privilèges et immunités et retient la majorité des deux tiers pour la prise de décision au sein du conseil d'administration (la majorité simple, envisagée dans une précédente version, ayant été rejetée par plusieurs délégations, dont la France). Elle précise également que le Conseil de l'Union statuera à la majorité qualifiée lorsqu'il prend des mesures d'application de ladite décision.

Calendrier prévisionnel :

Ce texte a fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil " Justice et affaires intérieures " des 2 et 3 juin 2005. Aucune date n'est encore fixée pour son adoption.

Conclusion :

Ce texte a été présenté par le Président Pierre Lequiller au cours de la réunion de la Délégation du 9 juin 2005. Celle-ci a ensuite adopté les conclusions suivantes :

" La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,

Vu la proposition de décision du Conseil instituant le collège européen de police en tant qu'organe de l'Union européenne (COM (2004) 626 final / E2765),

1. Estime que la transformation du Collège européen de police (CEPOL) proposée par la Commission européenne devrait être précédée d'une évaluation de son fonctionnement, permettant d'apprécier la nécessité ou non d'une telle transformation ;

2. Se félicite de la décision prise par le Conseil " Justice et affaires intérieures " de reporter l'examen des propositions de la Commission concernant l'élargissement du public visé et la création d'une certification du CEPOL pour les formateurs et le contenu des formations à la parution des résultats de cette évaluation, qui devraient être disponibles à la fin de l'année 2005 ;

3. Approuve l'application du statut des fonctionnaires des Communautés européennes au personnel du CEPOL et le financement du Collège par le budget de l'Union européenne . "

(1) Ce texte, qui a fait l'objet d'un avis non législatif du Conseil d'Etat, a été transmis au Parlement par le Gouvernement en application de la " clause facultative " de l'article 88-4 de la Constitution.
(2) Les rapports d'activité annuels du CEPOL sont en ligne sur le site du Collège : www.cepol.net.
(3) Décisions 2004/566/JAI et 2004/567/JAI du 26 juillet 2004 modifiant la décision 2000/820/JAI portant création du Collège européen de police (CEPOL).
(4) Il s'agit de l'article 21 dans la dernière version du texte, en date du 20 mai 2005. La majorité simple avait été envisagée dans une précédente version.