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Document E2886
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil relative à la signature du protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, par suite de l'élargissement de l'Union européenne. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, par suite de l'élargissement de l'Union européenne.


E2886 déposé le 25 mai 2005 distribué le 7 juin 2005 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0191 final du 13 mai 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 13 mai 2005)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 9 juin 2005

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document n'a pas encore été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne.

Base juridique :

- signature :

. articles 310 et 300, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième phrase du traité CE ;

. article 6, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion annexé au traité d'adhésion de 2003 ;

- conclusion :

. article 310 et 300, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième phrase, et paragraphe 3, deuxième alinéa.

Procédure :

- signature :

. unanimité du Conseil ;

. pas d'avis du Parlement européen.

- conclusion :

. unanimité du Conseil ;

. avis conforme du Parlement européen.

Avis du Conseil d'Etat :

La seconde proposition de décision porte sur la conclusion d'un protocole additionnel à un accord d'association. Les accords d'association équivalent, en droit interne, à des accords de commerce dont l'approbation ou sa ratification seraient soumises à l'autorisation du Parlement. Il en est de même pour les protocoles additionnels qui les complètent, sachant que la conclusion est l'acte par lequel la Communauté s'engage.

Quant à la première proposition de décision, elle doit également être soumise au Parlement dans la mesure où elle est indissociable de la première.

Commentaire :

La Commission propose au Conseil d'approuver la signature et la conclusion d'un protocole négocié en 2004 avec la Turquie, pour tirer les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres, le 1er mai 2004, sur l'accord d'association entre la Communauté économique européenne et ce pays. Cet accord d'association, signé le 12 septembre 1963 à Ankara et entré en vigueur le 1er janvier 1964, a permis d'aboutir à un accord d'union douanière entre la Communauté européenne et la Turquie, s'appliquant depuis le 1er janvier 1996.

L'objet de ce protocole additionnel consiste à prévoir l'adhésion des dix nouveaux Etats membres à l'accord d'association, à procéder aux adaptations techniques rendues nécessaires par l'expiration du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (C.E.C.A.), à adapter les concessions tarifaires agricoles réciproques pour prendre en compte les concessions commerciales existantes et les flux d'échanges traditionnels de produits agricoles entre la Turquie et les nouveaux Etats membres et, enfin, à inclure les nouvelles langues officielles de l'Union européenne.

L'article premier du protocole précise à son paragraphe 3 que l'accord d'association s'applique au territoire auquel s'applique le traité instituant la Communauté européenne, conformément aux conditions définies par ce traité, et au territoire de la République de Turquie. Il rappelle ainsi que tout le territoire de l'île de Chypre est entré dans l'Union européenne depuis l'adhésion de la République de Chypre le 1er mai 2004, y compris sa partie nord se trouvant sous occupation militaire de la Turquie et sous administration d'une République turque de Chypre du nord (RTCN), autoproclamée le 15 novembre 1983 et non reconnue comme Etat souverain par la communauté internationale, excepté par la Turquie. Seule l'application du droit communautaire est suspendue dans la partie nord de l'île, jusqu'à ce que le Conseil, statuant à l'unanimité sur la base d'une proposition de la Commission, en décide autrement, une fois que les obstacles à la réunification de l'île auront été levés.

Cependant, la signature de ce protocole par la Turquie emporte des conséquences sur la reconnaissance de la République de Chypre par ce pays sur lesquelles subsiste une divergence d'interprétation entre les deux parties signataires.

L'Union européenne a clairement posé la signature du protocole d'adaptation de l'accord d'association comme préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion le 3 octobre 2005. Le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 a pris la décision de principe d'ouvrir les négociations d'adhésion, notamment parce que le gouvernement turc avait, dans une déclaration, confirmé qu'il était prêt à signer le protocole avant l'ouverture effective des négociations d'adhésion. En effet, l'Union européenne ne pourrait engager des négociations d'adhésion avec un pays candidat qui ne reconnaîtrait pas un Etat membre, d'autant plus que les négociations d'adhésion sont menées sur une base intergouvernementale impliquant tous les Etats membres et exigeant leur accord unanime sur les positions de négociation de l'Union européenne. La Commission considère que la signature du protocole par la Turquie ne constituerait pas une reconnaissance formelle ni officielle du gouvernement chypriote grec, mais qu'elle équivaudrait à une reconnaissance de la République de Chypre en tant qu'Etat membre de l'Union européenne.

La Turquie accepte que l'accord d'association et l'union douanière entre l'Union européenne et la Turquie s'appliquent aux nouveaux Etats membres de l'Union européenne, y compris à la partie chypriote grecque. En revanche, elle refuse que son approbation du protocole d'extension aux dix nouveaux Etats membres signifie une reconnaissance de la République de Chypre - équivalant, selon elle, à une reconnaissance du gouvernement chypriote grec - tant qu'une solution durable de la question chypriote n'aura pas été trouvée sous l'égide des Nations unies.

Cette question avait été le principal sujet de divergence entre la Turquie et les vingt-cinq Etats membres au Conseil européen de décembre 2004. Le Premier ministre turc, M. Erdogan, avait refusé de parapher le protocole, comme l'y invitaient ses partenaires, tout en se déclarant prêt à le signer ultérieurement. Après avoir déclaré que la procédure diplomatique turque ne prévoit pas l'étape du paraphe avant celle de la signature, la Turquie a finalement adressé, le 28 mars, une lettre à la Commission tenant lieu de paraphe, dans l'attente de la signature qui devra intervenir avant le 3 octobre.

La Turquie envisagerait d'assortir sa signature d'une déclaration selon laquelle celle-ci n'emporterait pas reconnaissance de la République de Chypre. Dans cette hypothèse, l'Union s'efforcerait de la convaincre de n'en rien faire, mais en cas d'échec, l'Union européenne envisagerait de présenter une contre-déclaration indiquant que la déclaration de la Turquie n'engage qu'elle.

Une deuxième divergence d'interprétation porte sur le champ de la libre-circulation couvert par le protocole. La Turquie considère que le protocole ne s'applique qu'à la libre-circulation des marchandises et non des services et qu'il ne l'oblige pas à accueillir des navires ou des avions chypriotes dans ses ports et aéroports. La Commission conteste cette interprétation qui serait une violation de l'Union douanière si elle était maintenue.

Le Conseil " Affaires générales " devrait adopter la proposition de décision relative à la signature le 13 juin et la proposition relative à la conclusion ultérieurement, après l'avis conforme du Parlement européen qu'il devrait rendre dans sa séance des 6 et 7 juillet.

Cet examen sera également l'occasion de suivre l'évolution des autres conditions posées par l'Union européenne à l'ouverture des négociations. En particulier, l'Union européenne se réjouit de l'adoption des six textes législatifs mentionnés dans la recommandation de la Commission du 6 octobre 2004 et relevant des critères politiques : la loi sur les associations, le nouveau code pénal, la loi sur les cours d'appel intermédiaires, le code de procédure pénale, la législation portant création de la police judiciaire et la loi sur l'exécution des peines. Elle attend néanmoins avec intérêt leur entrée en vigueur, en particulier celle du code pénal qui a été repoussée du 1er avril au 1er juin.

Lors de la réunion du Conseil d'association UE/Turquie du 26 avril à Luxembourg, les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont notamment souhaité une intensification de la lutte contre l'impunité pour l'élimination définitive de la torture à tous les niveaux de l'Etat. Ils se sont également prononcés en faveur d'un alignement complet de la législation pénale sur les normes de l'Union européenne en matière de liberté d'expression et de liberté de la presse.

Enfin, ils soulignent que dix ans après l'entrée en vigueur de l'union douanière entre l'Union européenne et la Turquie, subsistent encore un certain nombre de manquements. Ceux-ci concernent en particulier le respect des droits de propriété intellectuelle pharmaceutiques, l'exigence d'obtenir des licences d'importation non automatiques pour les télécommunications et de nombreuses marchandises, l'embargo sur le bœuf européen ainsi que des restrictions aux importations textiles qui, sous couvert de freiner les importations chinoises, frappent les entreprises européennes.

Conclusion :

Le Président Pierre Lequiller a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 9 juin 2005.

Sur sa proposition, la Délégation a décidé qu'elle n'approuvait la proposition qu'à la condition que les deux divergences d'interprétation mentionnées soient levées.

Le Président Pierre Lequiller, MM. André Schneider et René André ont, à cette occasion, renouvelé leur opposition à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne après que ce dernier ait déclaré que l'approbation éventuelle de la proposition ne pouvait, en aucune façon, être interprétée comme un soutien à l'adhésion de la Turquie. M. René André a estimé que cette position est conforme aux souhaits du peuple français, dont le vote lors du référendum du 29 mai a marqué, sans ambiguïté, le rejet majoritaire de la candidature turque.