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N° 1241


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIXIÈME LÉGISLATURE



Rapport remis à M. le Président de l'Assemblée nationale le 18 mai 1994.

Dépôt publié au Journal Officiel du 19 mai 1994.

RAPPORT

DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1) SUR L'UTILISATION
DES FONDS AFFECTÉS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Président

M. Jean UEBERSCHLAG,

Rapporteur

M. Claude GOASGUEN,

Députés.

TOME I

RAPPORT




(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Ueberschlag, président ; Jean-Paul Anciaux, Germain Gengenwin, vice-présidents ; Michel Berson, Georges Colombier, secrétaires ; Claude Goasguen, rapporteur ; MM. Claude Barate, Jérôme Bignon, Bruno Bourg-Broc, René Carpentier, Mme Nicole Catala, MM. René Couanau, Mme Martine David, MM. Claude Demassieux, Jean-Michel Fourgous, Robert Galley, Etienne Garnier, Michel Hunault, Serge Janquin, Jean-Jacques Jegou, Joseph Klifa, Pierre Lang, Bernard Leroy, Jean de Lipkowski, François Loos, Pierre Pascallon, Jean-Jacques de Peretti, Francisque Perrut, Jean-Pierre Philibert, Jean Royer.

Formation professionnelle et promotion sociale

Afin de disposer des informations lui permettant de remplir la mission qui lui a été confiée par la représentation nationale, la Commission a adressé un questionnaire écrit aux organismes agréés collecteurs de fonds et à des organismes dispensateurs de formation. 240 organismes paritaires distincts, dont les coordonnées avaient été fournies par la Délégation à la formation professionnelle, ont été ainsi interrogés, ainsi que 168 organismes de formation, publics ou privés, ayant réalisé, en 1992, quel que soit leur statut, un chiffre d'affaires au moins égal à 20 millions de F.
La Commission d'enquête tient à remercier tout particulièrement les 225 organismes collecteurs de fonds et les 143 organismes de formation qui ont bien voulu prendre sur leur temps pour lui permettre de mener à bien ses investigations. 15 organismes collecteurs et 25 organismes de formation, malgré le rappel qui leur a été adressé, n'ont pas rempli leurs obligations. On est conduit nécessairement à s'interroger sur les raisons d'une telle attitude. On trouvera ci-dessous la liste de ces 41 organismes.
— Organismes collecteurs n'ayant pas répondu : AFIDA, AFPI Céréales, ASFO laine, ASMFP, CHAMPFOR, ETUDOC, FAF CRF, FAF de la Martinique, FAF région Ouest, FOCADEP, FONGECIF Aquitaine, FONGECIF Guadeloupe, FOPERFIC, FORBOPAIN, IFP Limoges.
— Organismes de formation n'ayant pas répondu : Association de l'enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes, Association seine & marnaise de formation professionnelle, Atr training Center S.A.R.L., CCI de Marseille, Cegid Expert Formation, CESI Ivry, Centre de formation de l'AMIEC, Compagnie générale d'informatique, Compagnie nationale Air France, Educinvest, Enseignement bureautique, GRETA 92 La Défense, GRETA de Montpellier, GRETA Touraine, Informatique et Formation, Institut de formation aux techniques de formation et de manutention, Institut de formation pour les entreprises de la région parisienne, Institut de recherche et d'applications pédagogiques, Institute for international research, Languacom, Mercuri International, Oracle France, OXIA Télélangue, Université de Paris Sud XI, Université de Paris Val de Marne.

SOMMAIRE
AVANT-PROPOS du Président   11
INTRODUCTION   13
PREMIÈRE PARTIE : SIMPLIFIER ET CLARIFIER   19
I. — REDÉFINIR L'OBJET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE   20
A. — MIEUX CIRCONSCRIRE LES OBJECTIFS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE   21
1. — La confusion progressive des objectifs   21
2. — Le devoir social d'insertion   27
a. — Favoriser l'insertion des jeunes   28
b. — L'insertion des demandeurs d'emploi en situation d'exclusion   33
3. — Adapter la qualification des salariés aux nouveaux besoins du marché de l'emploi   35
a. — La liaison entre l'emploi et la formation   35
b. — L'écart entre la valeur du diplôme et la qualification requise
par l'employeur   37
c. — Mieux prévoir l'évolution des métiers et des qualifications   39
B. — ASSURER UNE MEILLEURE COMPLÉMENTARITÉ DES FILIÈRES
DE L'ALTERNANCE DES JEUNES   42
1. — La concurrence préjudiciable des filières   42
a. — La diversité des filières de l'alternance   43
b. — La diversité des filières institutionnelles intervenant dans l'alternance   44
c. — La concurrence des filières de l'alternance ralentit le développement du système   45
d. — Les freins au développement de l'apprentissage   47
2. — Le rapprochement des filières   48
a. — Les convergences des contrats de qualification et d'apprentissage   48
b. — Les conditions d'une grande filière de l'alternance   49
C. — REGROUPER LES FORMULES D'INSERTION ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE   50
1. — L'empilement des formules et l'absence de lisibilité des dispositifs   52
2. — La nécessité d'unifier les formules d'insertion et de formation professionnelle   54
II. — RATIONALISER LES SOURCES DE FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE   56
A. — MIEUX CERNER L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ETAT   56
1. — La confusion et les lacunes de la présentation des dotations budgétaires   57
2. — Permettre une meilleure perception des crédits budgétaires de la formation professionnelle   58
B. — REMÉDIER AUX INSUFFISANCES DES CONTRIBUTIONS OBLIGATOIRES
PAR DES MÉCANISMES RÉELLEMENT INCITATIFS ET CONTRÔLES   59
1. — Les insuffisances du système de l'effort légal de formation professionnelle   59
a. — La participation des entreprises au développement de la formation professionnelle   60
b. — Les versements libératoires   60
c. — L'utilité du maintien de l'obligation légale   63
2. — Instituer des mécanismes réellement incitatifs et contrôlés   64
III. — CLARIFIER LES CIRCUITS DE FINANCEMENT DE LA FORMATION
PROFESSIONNELLE ET DE L'APPRENTISSAGE   66
A. — RÉORGANISER LES STRUCTURES DE LA COLLECTE   66
1. — Un double constat d'opacité et de confusion   67
a. — La variété des organismes collecteurs   67
b. — La multiplicité des collecteurs   68
c. — L'incitation à la mise en place de structures de collecte plus transparentes et plus ramassées   71
2. — Les limites que rencontre la mutualisation appellent une rénovation de son fonctionnement   75
a. — Les OMA   75
b. — Les FAF   77
c. — Les OPACIF   81
B. — EMPÊCHER LES DÉPERDITIONS FINANCIÈRES DE CHAQUE CIRCUIT DE FINANCEMENT   82
1. — Les déperditions financières dues à la forte intermédiation du système   82
a. — La collecte   82
b. — Le règlement des prestations de formation   84
2. — Les déperditions financières dues au mode de fonctionnement autonome de ces circuits   84
a. — Les actifs immobiliers   85
b. — Les études   85
3. — Redonner à la taxe d'apprentissage sa vocation initiale   86
a. — La complexité des modalités du fractionnement du taux et de la libération de la taxe d'apprentissage   87
b. — Le foisonnement de collecteurs concurrents   92
c. — Les défaillances dans la gestion des organismes collecteurs   94
d. — La perte de spécificité de la taxe d'apprentissage   95
e. — L'opacité des circuits de la collecte   96
f. — La nécessité d'une réforme profonde de la taxe d'apprentissage   98
DEUXIÈME PARTIE : ASSAINIR ET MAÎTRISER   102
I. — RENFORCER LA RÉGLEMENTATION DES ORGANISMES DE COLLECTE ET DE FORMATION   102
A. — RÉFORMER LES MODES DE COMPTABILITÉ ET DE GESTION DES COLLECTEURS   102
1. — La réforme des modes de calcul des frais de gestion   102
2. — La substitution d'une logique d'optimisation de l'emploi des ressources à une logique de thésaurisation   105
a. — Les provisions   106
b. — Le règlement des prestations des organismes de formation   110
3. — Elaborer une comptabilité plus transparente   110
a. — Les défauts de l'organisation financière   111
b. — Les limites du nouveau plan comptable   113
B. — RÉGLEMENTER LA CRÉATION ET LE FONCTIONNEMENT DES ORGANISMES DE FORMATION   115
1. — La nécessité de soumettre la création des organismes de formation à un agrément   115
a. — L'autorité compétente   116
b. — Les critères d'attribution   116
c. — Le champ de l'agrément   117
d. — Les conditions de suspension et de retrait de l'agrément   117
2. — La nécessité d'une définition rigoureuse d'un statut juridique uniforme et de règles fiscales précises   118
a. — Un statut juridique uniforme et rigoureux   118
b. — Un statut fiscal plus précis   119
3. — La nécessité de garantir la qualité des formations   120
II. — MIEUX DÉFINIR LES RÔLES RESPECTIFS DE L'ETAT ET DES RÉGIONS   123
A. — EXIGER DE L'ETAT QU'IL VEILLE À UNE MEILLEURE UTILISATION DES CRÉDITS PUBLICS   123
B. — RÉORGANISER LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE   127
1. — Une répartition des compétences devenue artificielle et peu adaptée   128
a. — L'interministérialité n'est plus qu'une fiction   128
b. — Un manque de cohésion et des moyens inadaptés   130
2. — Pour un grand service public de l'emploi et de la formation professionnelle   132
C. — DONNER À L'ETAT LES MOYENS D'ASSURER UN CONTRÔLE EFFECTIF
DU DISPOSITIF DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE   134
1. — Un constat accablant pour l'Etat   134
a. — L'absence caractérisée d'une politique d'agrément   135
b. — Une politique de contrôle quasi inexistante   136
2. — Les raisons de la carence de l'Etat   139
a. — Un manque considérable de moyens humains   139
b. — Une absence de directives   141
D. — PERMETTRE AUX RÉGIONS D'EXERCER PLEINEMENT LEURS COMPÉTENCES LÉGALES   142
1. — Des compétences régionales en fait limitées   142
2. — Les inégalités régionales de la formation professionnelle   144
3. — La loi quinquennale du 20 décembre 1993 relance timidement la décentralisation de la formation professionnelle   145
4. — La relance d'une politique partenariale de formation professionnelle entre l'Etat et la région   147
III. — DONNER AUX PARTENAIRES SOCIAUX LES MOYENS DE MIEUX PARTICIPER À L'EFFORT DE
DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE   150
A. — PRENDRE LA MESURE DES DYSFONCTIONNEMENTS DU PARITARISME   150
1. — Le paritarisme répondait à l'origine au souci de mobiliser les entreprises et les salariés   150
2. — Le développement du paritarisme a conduit à un foisonnement d'instances paritaires aux pouvoirs réels limités   153
3. — « Le paritarisme coûte cher »   156
B. — DÉGAGER LES VOIES D'UN PARITARISME RÉNOVÉ   161
1. — La gestion directe par l'Etat n'est pas envisageable   161
2. — Les voies et moyens d'un paritarisme rénové   162
a. — Un contrôle renforcé de la gestion des organismes   163
b. — Une meilleure participation au suivi des plans de formation   164
c. — Un rôle plus actif sur le marché de la formation   165
d. — Etablir de nouvelles règles de financement des organisations syndicales représentatives   166
CONCLUSION   169
EXPLICATIONS DE VOTE   173
ANNEXES        

TOME SECOND

SOMMAIRE DES AUDITIONS

Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la Commission
(La date de l'audition figure ci-dessous entre parenthèses)




Pages
— M. Jean COURDOUAN, Délégué à la formation professionnelle au ministère du travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, accompagné de M. Claude Leroux, Délégué-adjoint (4 janvier 1994) 7
— M. André RAMOFF, ancien Délégué à la formation professionnelle (4 janvier 1994) 31
— M. Michel PRADERIE, Directeur général de l'AFPA, accompagné de M. Denis Plasse, Directeur de cabinet (18 janvier 1994) 59
— Audition d'une délégation de la CGPME composée de MM. Pierre Gilson, Vice-Président, Dominique Barbey, Secrétaire général, et Georges Tissié, Directeur des affaires sociales (18 janvier 1994) 75
— M. Dominique BALMARY, Délégué à l'emploi au ministère du travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle (1er février 1994) 89
— M. Jean LAMBERT, Chef du groupe national de contrôle à la Délégation à la formation professionnelle (1er février 1994) 99
— Audition d'une délégation du CNPF composée de MM. Alain Dumont, Directeur du service Enseignement et Formation, et Jean-Luc Gréau, Directeur du service législatif (15 février 1994) 106
— M. Gilbert HYVERNAT, Directeur général délégué de l'Agence nationale pour l'emploi (15 février 1994) 120
— M. Dominique de CALAN, Secrétaire général-adjoint de l'Union des industries métallurgiques et minières et Directeur du service de la formation professionnelle (1er mars 1994) 138
— Audition d'une délégation de la CGC composée de MM. Robert Bonbonnelle, Secrétaire national chargé du département culture et formation, et Jean-Jacque Briouze, Délégué national chargé de la formation professionnelle (1er mars 1994) 150
— Audition d'une délégation de la CFTC composée de MM. Jacques Voisin, Secrétaire général, et Lionel Dubois, Conseiller technique (1er mars 1994) 158
— MM. Denis MORIN et François MONGIN, respectivement Sous-Directeur et Chef de bureau à la direction du Budget du Ministère du Budget (15 mars 1994) 168
— Audition d'une délégation de la CGT composée de MM. Jean-Michel Joubier, responsable du secteur formation, et Joseph Serramalera, Collaborateur du service formation (15 mars 1994) 181
— Audition d'une délégation de la CFDT composée de M. Gérard Dantin, Secrétaire national chargé de l'emploi et de la formation professionnelle, Mme Christiane Bressaud, Secrétaire confédérale chargée de la formation professionnelle, et M. Jean-Claude Meynet, Secrétaire confédéral chargé de la formation (15 mars 1994) 193
— MM. Claude MICHEL et Jean-François JOBERTON, respectivement Président et Vice-Président de l'AGEFAL (29 mars 1994) 209
— Audition d'une délégation de FO composée de MM. Antoine Faesch, Secrétaire confédéral, et Jean-François Joberton, Délégué à la formation professionnelle (29 mars 1994) 221
— MM. Jean LECOINtrE et Yves ROBIN, respectivement Président de la Commission de la formation de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et Directeur de la formation (29 mars 1994) 232
— M. Jean-François de ZITTER, Directeur général de l'Institut français de gestion (5 avril 1994) 240
— M. Claude BLONDEL, Président du Conseil de gestion du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, ancien Secrétaire général de la formation professionnelle (6 avril 1994) 250
— Audition d'une délégation du FAFCASE composée de MM. Paul Clo, Président, et Jean-Claude Thill, Directeur général (13 avril 1994) 257
— Audition d'une délégation du FAF Haute-Alsace composée de MM. Antoine Perret, Président, Bernard Thuet, Vice-Président, et Christian Noll, Directeur (13 avril 1994) 265
— Mme Marie-Christine DESBOIS, Responsable du cabinet d'ingénierie formation « Entreprises-performance » (13 avril 1994) 273
— Audition d'une délégation du GFC-BTP composée de MM. Jean Martin, Directeur général, Marcel Malmartel, Directeur, et Mme Monique Goyard, Adjoint au Directeur général (13 avril 1994) 278
— M. Michel GIRAUD, Ministre du travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle (21 avril 1994) 285




AVANT-PROPOS
du Président

Insertion, apprentissage, formation professionnelle... dès que l'on évoque les problèmes de l'emploi, ces mots reviennent de plus en plus fréquemment dans tous les discours : « Gabegie » ! Voilà ce que l'on entend lorsque l'on parle de l'utilisation des 120 milliards de F. affectés à la formation professionnelle.

L'Assemblée nationale ne pouvait rester indifférente à tout cela ; elle a décidé de créer une commission d'enquête sur l'utilisation de ces fonds, elle est par là parfaitement dans son rôle... Procédure banale ou nouvelle ? Décision attendue en tout cas par l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale. Ainsi, l'un des spécialistes de la formation professionnelle, membre de la précédente majorité, ne disait-il pas : « enfin » !

Après six mois de travail, en intersession essentiellement, la commission d'enquête rend sa copie. Je suis heureux de remercier ici tous ses membres et tous ceux qui, par leurs contributions, ont aidé la Commission à se forger une opinion sur ce dossier ; il suffira de se reporter au tome II du rapport pour s'en rendre compte. Un grand nombre de personnalités n'ont pu être auditionnées par la Commission, faute de temps. Je voudrais exprimer tous mes remerciements à toutes ces personnes, que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans le cadre de mes fonctions, notamment :

— M. X. Royer, Responsable de la formation à l'Union textile

— M. le Président Breuil et M. J. Michelin, de la Fédération du Bâtiment

— M. Burban, Secrétaire général de l'Union professionnelle des artisans de Paris

— MM. Fritz et Reichardt, de la Chambre des métiers d'Alsace

— M. trenti, Administrateur de l'ANFA, à Chalons-sur-Marne

— M. Robert Josse - Valeurs et performances - Nantes

— M. Francis Schein, Secrétaire général de l'Union patronale du Haut-Rhin

— M. de Proost, Président de la Chambre des métiers interdépartementale de Versailles

— M. Lapie, Président du FAFSEA

— MM. Tainturier et Hurtrel, de l'ADFP à Belfort

— MM. Vulliez et Puthod, de la CCI de Paris

— M. Maurer, de la CCI de Colmar

— M. Chevalot, de la CCI de Mulhouse.

Merci à tous.

Et maintenant ? Tout est-il dit ou la montagne a-t-elle encore une fois accouché d'une souris ? Ni l'un, ni l'autre, assurément ; quelques réflexions s'imposent cependant.

Sur la forme d'abord :

• Les Commissions d'enquête ne peuvent durer plus de six mois. Est-ce suffisant ? Ne serait-il pas opportun de moduler la durée de ces commissions en fonction de l'importance de son objet, du contexte et des difficultés d'investigation ?

• L'angle d'attaque n'a pas été facile à trouver...

• La langue de bois, inévitable...

« Tout va bien, pourquoi voulez-vous changer quelque chose ? » Voilà le « message » non-dit que beaucoup de réponses s'efforçaient de suggérer.

• Certains interlocuteurs, sachant sans doute que la Commission n'existait que pour six mois, nous ont donné la désagréable impression de jouer la montre... et c'est ainsi que des questions sont restées sans réponse.

• La Commission a achevé ses travaux le 17 mai 1994, l'Assemblée nationale, le Gouvernement, accepteront-ils de ne pas en rester là ?

Sur le fond ensuite :

• La formation professionnelle dispose en France de moyens financiers importants.

• Périodiquement des rapports sont remis et des propositions faites, en fonction de diagnostics souvent fort judicieux. Pourquoi tout cela reste-t-il souvent confidentiel ?

• Le moment est peut-être venu de se demander si chez nous la formation professionnelle ne se conjuge qu'en termes de « moyens »

Ne faut-il pas se décider un jour à s'attaquer au fond du problème ? Mettre en route les vraies réformes, sur le fond, entamer une révision « déchirante » des mentalités, repenser notamment l'enseignement professionnel lui-même ?

L'heure est venue où l'Education nationale devra accepter de s'ouvrir davantage encore aux réalités de l'économie et où l'entreprise ne pourra plus se dérober à son devoir qui est de s'impliquer à part entière dans la formation initiale continue. Cela s'appelle le « devoir national de formation » : nous n'y échapperons pas. Ce changement de stratégie suppose que la formation professionnelle soit clairement aussi l'affaire des entreprises. L'entreprise doit en être un maître d'œuvre à part entière, intervenant tant dans l'élaboration des programmes que dans la définition et la délivrance des diplômes, avec l'Education nationale. « On n'y arrivera jamais » dites-vous ? Il n'est écrit nulle part qu'il faut tout faire en une seule fois ; commençons par l'apprentissage, c'est un chantier idéal. « Ce n'est pas le bon moment ? », dit-on encore. Mais quand est-ce alors, le bon moment, demain ? Les immobilismes seront les mêmes et ce ne sera jamais le bon moment. A moins que la lucidité et le courage ne l'emportent...


Le Président
Jean UEBERSCHLAG





INTRODUCTION

Le 19 novembre dernier, l'Assemblée nationale décidait la création d'une commission d'enquête sur la nature et l'utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle.

Cette initiative faisait suite au dépôt, le 5 octobre 1993, d'une proposition de résolution présentée conjointement par notre collègue Jacques Barrot et votre Rapporteur ainsi que des membres du groupe UDF. Soulignant « l'enjeu croissant » que constitue aujourd'hui la formation professionnelle au moment où tant d'hommes et de femmes sont à la recherche d'un emploi, les auteurs de la proposition s'interrogeaient sur l'inadéquation entre les efforts financiers entrepris et la faiblesse des résultats obtenus.

Lors du débat en séance publique dans notre Assemblée, il est apparu clairement qu'une meilleure adéquation de la formation professionnelle à l'emploi ne pouvait être envisagée sans un contrôle de l'utilisation des fonds, des flux financiers et de la nature de la formation.

Le champ d'investigation de la Commission était ainsi nettement délimité. Il ne pouvait être question — bien que le sujet l'eût mérité — d'examiner l'ensemble des problèmes posés par la formation professionnelle initiale. La Commission s'en est tenue à n'aborder ceux-ci que dans la mesure où ils touchaient à l'articulation avec ce qu'il est convenu d'appeler la formation professionnelle continue.

Pour voir clair, comprendre et mener à bien sa tâche, votre Commission a tout d'abord procédé, durant plus de trente heures, à des auditions variées. 24 auditions ont été ainsi effectuées qui ont permis à la Commission de recueillir les points de vue :

— des administrations ou établissements publics intervenant, à un titre ou à un autre, dans ce secteur : Délégation à la formation professionnelle, Délégation à l'emploi, AFPA, ANPE, direction du Budget, chambres de commerce et d'industrie ;

— des représentants des partenaires sociaux dont on sait le rôle important qui leur a été dévolu dès l'origine dans l'organisation et le fonctionnement de la formation professionnelle : CGPME, CNPF, UIMM, CFDT, CFTC, CGC, CGT et FO ;

— de personnalités particulièrement qualifiées en raison des fonctions qu'elles ont exercées dans ce domaine : MM. Claude Blondel et André Ramoff.

La Commission a souhaité également recueillir l'opinion de responsables d'organismes directement confrontés sur le terrain aux problèmes quotidiens de la formation professionnelle. Elle a ainsi entendu des responsables de trois organismes collecteurs de fonds et de deux organismes dispensateurs de formation. Elle a enfin reçu, pour clore ses travaux, M. Michel Giraud, Ministre du travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle.

Parallèlement, la Commission adressait un questionnaire écrit aux organismes agréés collecteurs de fonds et à des organismes dispensateurs de formation.

240 organismes paritaires distincts, dont les coordonnées avaient été fournies par la Délégation à la formation professionnelle, ont été ainsi interrogés. 225 d'entre eux, dont on trouvera la liste en annexe, ont bien voulu prendre sur leur temps pour éclairer la représentation nationale.

Il n'entrait pas dans les moyens de la Commission d'interroger les 26.000 organismes de formation en activité. Sur la base des informations qui lui ont été fournies par l'administration de la formation professionnelle, elle a tenu néanmoins à adresser un questionnaire aux 168 organismes recensés, publics ou privés, ayant réalisé, en 1992, quel que soit leur statut, un chiffre d'affaires au moins égal à 20 millions de F. 143 d'entre eux ont bien voulu y apporter des réponses écrites, qui ont permis très rapidement à votre Rapporteur de prendre conscience des difficultés d'un contrôle approfondi sur pièces.

C'est la raison pour laquelle votre Rapporteur a tenu à exercer les pouvoirs d'investigation sur place que confère aux rapporteurs des commissions d'enquête l'article 6 de l'ordonnance modifiée du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, à l'égard des administrations et des établissements publics. Il n'a pas voulu entrer dans la querelle juridique sur la nature des fonds de la formation professionnelle et a considéré, qu'en tout état de cause, il s'agissait d'argent fiscalisé servant à l'exercice d'une mission de service public, argent qui, à défaut d'avoir été directement utilisé par les entreprises ou les organismes collecteurs, doit être reversé au trésor public. Dans ces conditions, rien ne s'opposait à ce qu'il exerçât pleinement les pouvoirs que lui confère la loi, en procédant notamment à des contrôles sur place au sein d'organismes, même de droit privé, intervenant dans ce secteur.

A cette fin, et pour la première fois depuis 1958, il a été décidé de recourir à l'assistance technique de cabinets spécialisés d'expertise comptable. Après une consultation, et en accord avec le Président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables, deux cabinets ont été retenus par votre Rapporteur pour l'assister dans l'analyse de gestion qu'il souhaitait effectuer sur place auprès d'organismes de formation ou collecteurs de fonds : KPMG-Fiduciaire de France et Salustro-Reydel.

Compte tenu des brefs délais impartis aux travaux de votre Commission, il ne pouvait être question d'opérer un diagnostic complet sur l'ensemble du secteur, ce qu'aucune autorité d'inspection ou de contrôle n'a pu encore réellement mener jusqu'ici. Votre Rapporteur a préféré compléter le travail effectué, notamment en novembre et décembre 1991, et plus récemment fin 1993-début 1994, par les inspections générales des finances et des affaires sociales, en retenant un échantillon, qu'il n'a pas la prétention de considérer représentatif, de quatre organismes de statut, de champ d'activités et de taille variés.

Quatre organismes ont ainsi fait l'objet, fin mars-début avril 1994, d'une analyse de fonctionnement de la part d'un des deux cabinets spécialisés mandatés par votre Rapporteur :

— un organisme paritaire national de branche titulaire de plusieurs agréments ;

— un organisme paritaire national pluri-professionnel disposant de plusieurs agréments ;

— un organisme collecteur interprofessionnel local ayant le statut d'ASFO et disposant d'un agrément au titre de l'alternance ;

— enfin, un organisme national de formation sous forme associative.

Votre Rapporteur tient à remercier tout particulièrement les responsables et le personnel de ces quatre organismes qui ont bien voulu se prêter aux investigations nécessairement dérangeantes menées pour son compte par les deux cabinets spécialisés. Ces travaux lui ont permis de mieux appréhender les principes de fonctionnement du système de la formation professionnelle, afin de définir les grandes lignes d'une réforme. On trouvera trace tout au long du présent rapport des nombreuses constatations et observations qui ont été faites par les cabinets spécialisés dans des documents rédigés à l'intention de votre Rapporteur sur le fonctionnement de chacun des organismes retenus.

Ces rapports d'intervention complètent la documentation déjà existante en la matière, notamment les nombreux rapports administratifs, quelquefois confidentiels, qui n'ont cessé de s'accumuler depuis plus de dix ans, et dont aucun n'a véritablement été suivi d'effets pour l'instant.

Le présent rapport de votre Commission n'a pas pour objet ni pour ambition de dresser une quelconque synthèse des travaux variés entrepris sur le sujet. A partir d'un constat déjà entrevu, mais plus rarement porté officiellement à la connaissance de l'opinion publique, votre Rapporteur a souhaité dégager un constat clair et les grandes lignes d'une réforme de la formation professionnelle.

Défini à la fin des années soixante puis progressivement mis en place, à partir de 1970-71, sous l'égide des partenaires sociaux, le dispositif de formation professionnelle a connu d'incontestables réussites que l'ensemble des personnes entendues par votre Commission ont unanimement soulignées, en les assortissant quelquefois de conclusions exagérément optimistes. La prise de conscience par les entreprises de l'intérêt que représente pour leur développement la formation professionnelle ne constitue pas le moindre des succès auxquels est parvenue la politique française en ce domaine. Perçue comme une contrainte au début des années 70, la formation professionnelle est désormais le plus souvent conçue — notamment dans les grandes entreprises — comme un investissement majeur pour la croissance économique.

Aussi la formation professionnelle pèse-t-elle désormais d'un poids important dans l'activité économique de notre pays.

L'ensemble des dépenses de formation professionnelle a atteint 120 milliards de F., selon les données de l'année 1992 du compte de la formation professionnelle, représentant ainsi 1,7 % du produit intérieur brut, au lieu de 0,5 % en 1972. Ces dépenses ont connu, depuis cette date, et continuent de connaître, une très forte progression. En 1992, les dépenses de formation professionnelle ont progressé de 10 %. Entre 1987 et 1992, la part de la dépense versée aux producteurs de formation est passée de 34 à 59 milliards de F., augmentant ainsi de 12 % par an.

Le bilan quantitatif de la formation professionnelle accompagne l'essor considérable des dépenses publiques en faveur de l'emploi en France.

En 1992, 7,8 millions de personnes ont bénéficié d'une action de formation professionnelle financée par l'Etat, les régions ou les entreprises, soit près d'un actif sur trois. Ces formations ont, au cours de l'année civile, totalisé 870 millions d'heures, soit une moyenne de 112 heures par personne en formation. A ce total, il convient d'ajouter l'apprentissage qui a accueilli 211.000 jeunes.

Les dépenses de formation professionnelle sont financées par trois sources principales : l'Etat (44 %), les entreprises (41 %) et les régions (5 %), au bénéfice, principalement, des publics en difficulté d'insertion professionnelle (38 %) et des actifs occupés (57 %).

L'action de l'Etat s'élève en 1992 à près de 30 milliards de F., en dehors de la formation de ses propres agents. Elle a concerné 340.000 jeunes en première insertion professionnelle, et 1,2 million d'adultes de plus de 25 ans dont 600.000 demandeurs d'emploi et a représenté environ 409 millions d'heures de stage.

Avec une dépense totale de 44 milliards de F. en 1992, soit 3,3 % de la masse salariale, la participation financière des entreprises à la formation professionnelle de leurs salariés dépasse l'obligation légale de consacrer 1,5 % de leur masse salariale à l'effort de développement de la formation professionnelle. En 1992, le tiers des personnels des entreprises de plus de 10 salariés a ainsi suivi au moins une action de formation.

Les formations financées par les régions ont concerné 439.000 personnes, c'est-à-dire des jeunes, des demandeurs d'emploi et des publics adultes spécifiques comme les agriculteurs et les artisans, auxquelles s'ajoutent les formations destinées aux apprentis. Pour toutes ces formations, les régions ont consacré au total 6,8 milliards de F. en 1992.

L'importance des dépenses ainsi consenties en faveur de la formation professionnelle invite désormais, dans le contexte économique difficile que traverse notre pays, à s'interroger sur l'organisation, le fonctionnement et la rentabilité des dispositifs existants. On a parfois trop l'impression que la croissance continue des crédits de formation professionnelle a servi à masquer les insuffisances, voire les dysfonctionnements, du système. La progression des dépenses de formation, tellement continue qu'on a pu croire qu'elle serait ininterrompue, ne saurait en effet tenir lieu de politique. On a pu penser longtemps que l'importance des crédits alloués à ce secteur dispensait de se poser les questions de fond qu'entraîne nécessairement le développement d'un système dont les objectifs clairement définis en 1971 ne répondent plus exactement à la situation économique et sociale actuelle.

Elément d'une politique de promotion sociale destinée à donner à chacun toutes ses chances tout au long de la vie professionnelle, la formation professionnelle continue n'a pas pu trouver sa place dans le traitement social du chômage.

Le temps est venu d'une remise à plat.

Il est temps de se demander, en outre, s'il ne convient pas de redéfinir les objectifs de la formation professionnelle en prenant davantage en compte l'insertion.

De la même manière, l'ensemble des dispositifs complexes et opaques, héritiers des accords et réglementations qui se sont succédé en la matière, doivent être reconsidérés dans le sens d'une gestion plus rigoureuse.

C'est dans cet esprit que votre Rapporteur a conçu son rapport. Il s'articule autour des quatre mots-clés constamment répétés au cours des travaux de cette Commission : simplifier et clarifier, assainir et maîtriser.


PREMIÈRE PARTIE : SIMPLIFIER ET CLARIFIER

Depuis 23 ans, toute entreprise de 10 salariés et plus est tenue de consacrer une fraction de sa masse salariale au financement de la formation professionnelle continue et la loi du 31 décembre 1991 assujettit désormais toute entreprise, quelles que soient sa forme juridique et son activité, à l'obligation de participer au financement de la formation professionnelle. La loi du 16 juillet 1971 consacre le droit du salarié à la formation et, selon l'expression de Jacques Chaban-Delmas, le « droit à la deuxième chance ». Mais les origines de la formation professionnelle continue sont bien antérieures. La loi Astier du 25 juillet 1919, considérée comme la charte de l'enseignement technique, avait déjà institué, à titre principal, des cours professionnels obligatoires pour les apprentis et, à titre complémentaire, des « cours de perfectionnement » destinés aux salariés adultes désireux de bénéficier d'un complément de qualification.

Mais c'est la Ve République qui met en place un dispositif permanent de formation continue. La loi du 31 juillet 1959 et, surtout, celle du 3 décembre 1966, constituent une étape importante. Depuis 1966, la formation professionnelle est permanente et constitue une obligation nationale. L'article 3 de cette loi dispose que la formation professionnelle est le fruit « d'une politique coordonnée et concertée, notamment avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs salariés ». Les lois du 16 juillet 1971 et du 24 février 1984 constituent des étapes décisives de mise en place du système actuel.

La formation professionnelle est ainsi une construction sociale originale, fondée sur quelques principes constants :

— une source juridique à la fois conventionnelle et législative, les dispositions légales tendant en général à ratifier celles résultant de la négociation collective nationale interprofessionnelle.

— une obligation légale de contribuer à l'effort de développement de la formation professionnelle exprimée en pourcentage de la masse salariale. Le taux de l'obligation légale est actuellement fixé à 1,5 % pour les entreprises de 10 salariés et plus (dont 0,2 % pour le congé individuel de formation, 0,4 % pour l'alternance et 0,9 % pour le plan de formation). En revanche, les employeurs de moins de 10 salariés doivent acquitter 0,15 % au titre du plan de formation et 0,1 % au titre de l'alternance. En outre, une taxe d'apprentissage assise sur les salaires est acquittée par toutes les entreprises au taux de 0,5 %.

— le paritarisme dans la majorité des instances consultatives nationales, régionales et d'entreprise, dans la gestion d'organismes mutualisateurs de fonds, et dans beaucoup d'organismes dispensateurs de formation.

Aujourd'hui, la formation professionnelle est aussi devenue un élément essentiel de la politique active de l'emploi et devient même une contrepartie des mesures de flexibilité des normes et de l'organisation du travail.

Cependant, la stratification des dispositifs de formation professionnelle, la succession des plans pour l'emploi et le dispositif d'insertion professionnelle ont rendu le système incroyablement lourd et complexe. La multiplicité et l'empilement au cours du temps des catégories de formules de formation professionnelle donnent une impression de confusion générale. Le particularisme et la dispersion des sources de financement empêchent toute vision claire d'un système qui tend à échapper autant à la maîtrise de l'Etat qu'à celle de partenaires sociaux, ce qui ne manque pas de susciter la perplexité et le désarroi des entreprises et des personnes souhaitant acquérir, améliorer ou adapter leur qualification.

Aussi est-il important, pour simplifier et clarifier, de redéfinir l'objet de la formation professionnelle, d'en rationaliser les sources de financement et d'en clarifier les circuits de financement.

I. — REDÉFINIR L'OBJET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Si le système de formation professionnelle est devenu d'une incroyable complexité, cela tient sans doute à la diversité successive des missions qui lui ont été attribuées au fil des années. Conçue comme un moyen de promotion sociale et d'épanouissement personnel lors d'une période de croissance et de plein emploi, la formation professionnelle est devenue un instrument de lutte contre le chômage, notamment par l'insertion sociale, ce qui n'était pas son propos initial.

La formation est synonyme d'attentes et d'espoirs, notamment pour des gens en difficulté en période de crise économique. C'est ce qui explique qu'aux divers objectifs qui lui sont impartis, correspondent de nombreuses filières et une mosaïque de formules préjudiciable à la bonne orientation des candidats à une formation professionnelle.

A. — MIEUX CIRCONSCRIRE LES OBJECTIFS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Pour prendre la mesure de la nature et de l'utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle, il est essentiel d'en circonscrire les objectifs. On aura ainsi une idée plus claire des limites fonctionnelles du système. La confusion progressive des objectifs est devenue telle qu'il importe, dans la situation économique actuelle, de fixer des priorités. Celles-ci devraient consister à trouver un meilleur ajustement entre formation et insertion et à adapter la qualification des salariés aux nouveaux besoins du marché de l'emploi.

1. — La confusion progressive des objectifs

Une première étape, celle de la formation permanente des ouvriers, est franchie à la Libération avec la création de l'AFPA par un décret du 5 novembre 1945.

Puis, l'objectif de la formation professionnelle devient plus général. La Constitution de la Ve République intégrant le préambule de la constitution de 1946 range la formation professionnelle parmi les principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. La loi du 31 juillet 1959 relative à la promotion sociale vise à faciliter, par le perfectionnement individuel, l'accès des travailleurs à un emploi de qualification supérieure dans l'entreprise. L'objectif fixé est la satisfaction des besoins de main d'œuvre qualifiée dans le cadre des principes de justice sociale. La loi institue une aide de l'Etat aux stagiaires, le conventionnement entre l'Etat et les centres de formation, la coordination de la politique de promotion sociale par le Premier ministre. L'interministérialité de la formation professionnelle est ainsi affirmée.

Avec la loi du 18 décembre 1963 créant le Fonds national de l'emploi (FNE), la formation professionnelle devient aussi un instrument de la politique de l'emploi comme l'a rappelé M. Dominique Balmary, Délégué à l'Emploi, lors de son audition devant votre Commission : « La Délégation à l'emploi a actuellement recours au Fonds national de l'emploi en vue de la conclusion des conventions de formation et d'adaptation avec les entreprises. »

La loi d'orientation et de programme pour la formation professionnelle du 3 décembre 1966 institue le principe du congé formation. Elle crée un fonds de la formation professionnelle et généralise le principe du conventionnement et des comités régionaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi. La loi du 31 décembre 1968 sur la rémunération des stagiaires permet de compléter le dispositif. L'objectif essentiel de ces deux lois est d'obliger les employeurs à accorder aux salariés un congé rémunéré en vue d'une formation professionnelle.

Puis, à la suite du constat de Grenelle, en mai 1968, prévoyant une négociation sur la formation et le perfectionnement professionnels, un accord national interprofessionnel est conclu le 9 juillet 1970. Il institue le droit au congé individuel de formation, le recours à la formation pour les salariés menacés de licenciement et licenciés pour motif économique. Le comité d'entreprise est investi d'un rôle consultatif dans la formation professionnelle des salariés de l'entreprise.

La loi du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'alternance vise à satisfaire un objectif général de formation et de promotion. Plus précisément, il s'agit de permettre aux travailleurs victimes de licenciements de se reconvertir et à ceux que menacent les évolutions techniques d'en prévenir les conséquences ; aux personnes sans qualification suffisante de s'adapter ; aux plus doués d'assurer leur promotion ; au plus grand nombre d'entretenir et de perfectionner leurs connaissances ; aux jeunes dépourvus de préparation de recevoir une préformation.

La formation professionnelle concerne alors les travailleurs adultes ayant plus de deux ans de présence dans l'entreprise. Elle s'adresse aussi à tous ceux qui ont interrompu une activité professionnelle, par exemple les femmes qui ont élevé leurs enfants, les jeunes de moins de vingt ans qui n'ont pas bénéficié d'un enseignement technique ou d'un apprentissage, les agents de l'Etat et des collectivités locales et les professionnels des secteurs de l'agriculture et des métiers.

Conformément aux dispositions conventionnelles du 21 septembre 1982 et du 30 juin 1983, la loi du 24 février 1984 consolide le système institué en 1971 en étendant à tous les salariés, notamment à ceux des entreprises de moins de 10 salariés, le droit au congé individuel de formation. Le comité d'entreprise est désormais obligatoirement consulté sur les orientations de la formation professionnelle dans l'entreprise en fonction des perspectives économiques et de l'évolution de l'emploi, des investissements et des technologies. Il est enfin précisé les différents moyens par lesquels l'employeur peut s'acquitter de son obligation légale : plans de formation internes à l'entreprise, versement à un fonds d'assurance formation, financement d'actions de formation au bénéfice de travailleurs privés d'emploi, contribution au financement d'études ou de recherches agréées.

La loi reconnaît, par ailleurs, le principe de la formation professionnelle en alternance dont l'objet est d'assurer aux jeunes de seize à dix-huit ans une qualification professionnelle et de faciliter leur insertion sociale : « Tout jeune de dix-huit à vingt-cinq ans peut compléter sa formation initiale dans le cadre de formations alternées. Celles-ci ont pour objectif de permettre aux jeunes d'acquérir une qualification professionnelle ou de s'adapter à un emploi. »

Par la suite, la loi du 5 août 1985 relative au congé de conversion a complété les moyens d'intervention du Fonds national de l'emploi. La formation professionnelle est utilisée en vue du reclassement après un licenciement pour motif économique : la loi du 30 décembre 1986 relative aux procédures de licenciement crée les conventions de conversion.

En instituant le crédit-formation, la loi du 4 juillet 1990 traduit la volonté des pouvoirs publics d'offrir une deuxième chance aux jeunes et aux adultes dépourvus de qualification, en permettant à chacun d'être en mesure, toute sa vie, d'améliorer sa qualification ou d'en acquérir une s'il n'a pas reçu une bonne formation initiale.

Un droit à la qualification professionnelle est ainsi reconnu à tout salarié, quel que soit son statut, engagé dans la vie active et à toute personne qui y entre, ce droit impliquant la possibilité pour les personnes dépourvues de qualification de suivre, à leur initiative, une formation permettant d'en acquérir une. La qualification doit être soit sanctionnée par un titre ou un diplôme de l'enseignement technologique, soit reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche, soit enfin répertoriée sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle.

Instrument de mise en œuvre du droit à la qualification, le crédit-formation ouvre droit à un bilan de compétences et à l'élaboration d'un projet personnalisé de parcours de formation, ainsi qu'à la prise en charge totale ou partielle de cette formation dans le cadre des orientations arrêtées par l'Etat, les régions, les organisations professionnelles et les partenaires sociaux.

Plus près de nous enfin, la loi du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions relatives à la formation professionnelle, consacre certaines des dispositions adoptées par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991. Outre qu'elle étend le principe de la contribution obligatoire aux entreprises de moins de 10 salariés, elle institue notamment un co-investissement du salarié pour les formations diplômantes.

Cette énumération que votre Rapporteur a voulu la plus brève possible suffit à montrer la volonté continue des pouvoirs publics et des partenaires sociaux d'étendre progressivement le champ de la formation professionnelle en lui conférant, au fil des années, un nombre croissant d'objectifs et en s'adressant à un public de plus en plus diversifié.

Cette situation est donc issue d'un système de compromis permanent entre les partenaires sociaux. Elle tient aussi à l'évolution du débat social et à la place de l'entreprise dans la société. Les relations entre la formation et la profession ont, d'autre part, changé de nature.

Autrefois, lieux de formation «sur le tas », les entreprises sont, par la suite, devenues critiques à l'égard des diplômes délivrés qu'elles considéraient comme peu adaptés aux conditions concrètes de la vie professionnelle et aux besoins de la production ou de la gestion. Peu satisfaites du niveau réel des diplômes, elles ont considérablement élevé le niveau de recrutement, rendant ainsi le marché du travail de plus en plus sélectif.

La définition légale et les objectifs des actions de formation professionnelle continue
Les textes législatifs repris dans le Code du travail (art. L. 900-2) fixent le cadre et décrivent les types d'actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions de la loi et correspondant à des objectifs différents.
1. — Les actions de préformation et de préparation à a vie professionnelle : permettre à toute personne sans qualification professionnelle et sans contrat de travail d'atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle proprement dit ou pour entrer directement dans la vie professionnelle.
2. — Les actions d'adaptation : faciliter l'accès des travailleurs titulaires d'un contrat de travail à un premier ou à un nouvel emploi.
3. — Les actions de promotion : permettre à des travailleurs d'acquérir une qualification plus élevée.
4. — Les actions de prévention : réduire les risques d'inadaptation à l'évolution des techniques et des structures d'entreprise, en préparant les travailleurs dont l'emploi est menacé à une mutation d'activité, dans ou en dehors de leur entreprise.
5. — Les actions de conversion : permettre à des travailleurs salariés dont le contrat de travail est rompu d'accéder à des emplois exigeant une qualification différente ou à des travailleurs non salariés d'accéder à de nouvelles activités professionnelles.
6. — Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances : offrir aux travailleurs, dans le cadre de l'éducation permanente, les moyens d'accéder à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi que d'assumer des responsabilités accrues dans la vie associative.
7. — Entrent également dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue les actions permettant de réaliser un bilan de compétences. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs d'analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation.
Cependant ces textes ne comportent aucune définition des actions de formation elles-mêmes. Celle-ci est précisée dans les textes réglementaires ou par voie de circulaires. Jusqu'en 1984, il est explicitement fait référence aux stages définis par une circulaire du 4 septembre 1972 comme « périodes d'études théoriques ou pratiques ayant pour but la formation professionnelle continue et organisées conformément à une progression préalablement établie ». Cette définition est reprise et complétée en ce qui concerne les stages internes en ces termes : « les actions de formation financées par les employeurs comportent normalement un enseignement dispensé dans des locaux distincts des lieux de production. Toutefois, lorsque la formation comporte un enseignement pratique, celui-ci peut être donné sur les lieux de production à condition qu il soit dispensé par un personnel ayant reçu un entraînement pédagogique, qu'il soit conforme à une progression préalablement établie et donne lieu en fin de stage à une appréciation des résultats obtenus ».
A la suite de la loi de février 1984 qui consacre l'abandon du terme de stage, un décret du 3 avril 1985 précise la nouvelle définition des actions de formation : elles « doivent se dérouler conformément à un programme qui, établi en fonction d'objectifs préalablement déterminés, précise les moyens pédagogiques et d'encadrement mis en œuvre et définit un dispositif permettant de suivre l'exécution de ce programme et d'en apprécier les résultats. La formation est, en principe, dispensée dans des locaux distincts des lieux de production. Toutefois lorsqu'elle comporte un enseignement pratique, celui-ci peut être donné sur les lieux de production ». Dans ce cas, une procédure d'information des représentants du personnel sur les modalités d'exécution de la formation pratique est à prévoir. Des précisions supplémentaires sont apportées par une circulaire du 14 mars 1986 : « ce n'est plus seulement en fonction d'une progression préalablement établie (comme l'exigeait la circulaire de 1972) mais replacée dans le cadre de la situation de l'entreprise et de son évolution que doit s'apprécier l'objectif pédagogique visé (...) La formation professionnelle, par ses orientations et ses objectifs, la façon dont ils sont définis et examinés, relève donc désormais d'une intégration à la situation de l'entreprise et à sa stratégie de développement face aux transformations technologiques, à l'évolution des emplois qui y sont liés ainsi qu'à celle des marchés ». Dans ce contexte, la circulaire propose une explicitation du concept de « notion intégrée » en identifiant son articulation directe sur l'activité de production et sa réalisation sur les lieux de production « en utilisant comme support pédagogique les matériels de production, permettant aux actions de se dérouler, quand c'est nécessaire, sans financement supplémentaire ».

Aujourd'hui, le monde de l'entreprise et celui de l'éducation tendent à se rapprocher. Chacun comprend la nécessité d'adapter le contenu des formations à des besoins de plus en plus évolutifs. Cependant, malgré les changements culturels, économiques et sociaux, chacun des objectifs successivement fixés par les textes légaux, réglementaires ou conventionnels demeure, donnant l'impression d'un empilement d'objectifs, de mécanismes et de moyens de financement.

Les objectifs initiaux demeurent :

— contribuer à l'évolution du système éducatif,

— renforcer les capacités de formation dans un contexte de développement industriel,

— offrir une nouvelle chance à tous ceux qui, faute d'avoir pu le faire dans leur jeunesse (pour des raisons personnelles, familiales, sociales, etc...), souhaitent acquérir soit une formation générale, soit une qualification professionnelle,

— contribuer à corriger les inégalités sociales et culturelles,

— permettre aux salariés de disposer, face aux contraintes du changement, des moyens de réaliser leur adaptation ou leur reconversion.

D'autres ont apparu, qui se sont surajoutés. La formation professionnelle est ainsi aujourd'hui perçue également comme un investissement : investissement économique pour les entreprises au même titre que n'importe quel autre investissement immatériel, mais aussi investissement social pour les salariés qui, afin d'adapter leur qualification ou de prévenir un éventuel licenciement, sont prêts à suivre des formations, éventuellement sur leur temps de loisirs.

Les difficultés économiques que traverse aujourd'hui notre pays ainsi que la persistance d'un niveau élevé de chômage conduisent à s'interroger sur les finalités multiples de la formation professionnelle. L'emploi comme priorité absolue n'implique-t-il pas de rendre secondaires des objectifs qui ne lui sont pas directement liés ? Les nécessités d'une politique active de l'emploi tendent à prendre le pas sur tout autre considération. On semble assister ainsi à un recentrage sur des objectifs strictement professionnels au détriment d'objectifs purement sociaux ou culturels. L'insertion professionnelle tend à l'emporter sur la formation conçue comme un épanouissement initial.

Avant que la crise économique ne soit généralement considérée comme durable, l'Etat avait pour mission essentielle d'assurer les conditions d'une bonne formation. Celle-ci débouchait en principe sur un emploi. Le chômage était une inadaptation très temporaire de l'offre et de la demande d'emploi. Aujourd'hui il convient de remédier à la coupure entre la formation et l'emploi. Les modalités de l'intervention financière de l'Etat doivent être réorientées. Les aides qu'il attribue doivent encourager au maximum les formules d'insertion dans un emploi plutôt qu'une formation a priori.

Dans la mesure où c'est l'emploi lui-même qui permet de définir la qualification, la formation professionnelle doit avoir pour objet d'adapter à l'exercice de l'emploi postulé. Selon l'expression de M. François Dalle, il faut insérer pour former et non plus former pour insérer. Il s'agit, en conséquence, de promouvoir la conclusion de contrats d'insertion favorisant l'accès à un emploi, assortis d'une formation d'accompagnement.

L'insertion est donc devenue un devoir social de l'entreprise et de l'Etat. L'entreprise doit être plus ouverte et plus accueillante vis-à-vis des jeunes auxquels on demande au préalable une expérience professionnelle.

L'Etat a donc pour mission de lever cet obstacle en améliorant l'insertion dans l'emploi, le cas échéant par des aides directes et des exonérations. Il doit aussi favoriser l'acquisition d'une formation dans l'emploi et plus généralement s'efforcer de remédier aux phénomènes et aux situations d'exclusion.

2. — Le devoir social d'insertion

En 1993, le PIB total a diminué de 1 %, le PIB marchand de 1,5 % et la masse monétaire s'est rétractée de 1,6 %. Selon les mesures établies par l'UNEDIC à travers ses encaissements au titre des cotisations de l'assurance-chômage, la masse salariale aurait même diminué de 0,4 %. Au cours de l'année 1993, on a enregistré 300.000 demandeurs d'emploi supplémentaires et, selon les dernières statistique du marché du travail, en février 1994, le nombre de demandeurs d'emploi augmentait encore, même si la tendance montre un ralentissement.

Pour faire face à cette situation, certaines mesures d'urgence ont été adoptées par le gouvernement.

Le plan de redressement économique et social du 22 juin 1993 a majoré la CSG et consenti des aides pour le soutien des entreprises. La loi du 27 juillet 1993 relative au développement de l'emploi et de l'apprentissage a budgétisé une partie des cotisations sociales patronales d'allocations familiales pour les salaires proches du SMIC. Le protocole tripartite du 23 juillet 1993 a permis le sauvetage de l'assurance-chômage. La loi quinquennale poursuit l'allégement des charges sociales, étend les aides à l'emploi et vise à améliorer l'accès à l'emploi. Enfin, un train de mesures sur l'emploi a été adopté le 30 janvier 1994.

L'environnement social restant difficile, votre Rapporteur est conduit à vouloir faire de l'insertion un devoir social et la priorité d'une politique rénovée de formation professionnelle, notamment en direction des jeunes et des demandeurs d'emploi en état d'exclusion.

a. — Favoriser l'insertion des jeunes

Comme on sait, les jeunes sont particulièrement exposés et connaissent, en effet, une véritable situation de « surchômage ».

Près d'un jeune actif sur quatre est au chômage (24,6 % au début de 1994). Ce taux est encore aggravé pour les jeunes femmes, puisqu'il atteint même 28,4 %. Comme l'a précisé M. Michel Giraud, ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle lors de son audition par votre Commission, « il faut être clair et établir nettement que c'est un jeune actif sur quatre qui est au chômage. »

Les demandes d'emploi des jeunes continuent à augmenter et, comme le montrent les tableaux ci-après, les comparaisons internationales placent la France dans une situation difficile, un jeune sur 20 seulement étant victime du chômage en Allemagne ou au Japon. La détention d'un diplôme ne constitue même plus une garantie d'emploi, même si le chômage frappe encore plus les jeunes sortant de l'école sans formation professionnelle ou sans diplôme ; en 1988, le taux de chômage des non diplômés était près de trois fois plus fort que celui des diplômés de l'enseignement supérieur. Alors que le pourcentage de demandeurs d'emploi des jeunes diplômés de niveau Bac + 4 et Bac + 5 ne représentait que 1 % en 1987, il atteignait 9,4 % en 1993.

Plus généralement, l'emploi des jeunes a diminué de 19 % entre 1982 et 1990. Dans un secteur comme celui des banques et des assurances, l'emploi des jeunes a accusé une chute de 42 %.

Dans certains quartiers urbains, le chômage s'inscrit dans un ensemble de handicaps socio-culturels cumulatifs. Le taux de chômage y est de 10 points supérieur à ce qu'il est dans l'ensemble de la France. Les jeunes au chômage n'ont connu autour d'eux que cette situation puisque leurs parents et leur entourage sont souvent des chômeurs de longue durée.

Depuis le premier pacte national pour l'emploi des jeunes en 1977, une politique d'incitation à l'accès des jeunes à un emploi a été mise en place, qui a eu pour effet de créer un état particulier de transition professionnelle entre l'appareil scolaire et l'emploi proprement dit, inaugurant une nouvelle dimension de la formation professionnelle.

Taux d'activité des jeunes par classe d'âge en 1991
15-19 ans20-24ansEnsemble
15-24 ans
HommesFemmesHommesFemmes
Etats-Unis*53,350,283,170,566,3
Japon19,117,872,875,645,4
France12,26,862,154,034,4
Italie**23,219,069,561,242,2
Royaume-Uni*73,470,785,672,776,5
Allemagne***40,134,876,872,759,8
Espagne32,227,871,160,649,6
Suède42,747,682,176,864,6

*16-24 ans **14-24 ans ***1990

Source : OCDE

Evolution des taux d'activité des jeunes de 15 à 24 ans
1979 1987 1991
France 48,6 41,8 34,4
Allemagne 60,0 61,4 59,8
(taux 1990)
Japon 44,1 42,6 45,4

Source : OCDE

A partir de là, les « mesures en faveur de l'insertion des jeunes » vont se multiplier. Celles-ci regroupent actuellement les formules suivantes :

— les contrats de qualification,

— les contrats d'adaptation à l'emploi,

— les contrats d'orientation,

— les contrats locaux d'orientation,

— les contrats emploi solidarité,

— les formations dans le cadre d'un stage (module collectif de première orientation, action de formation alternée, action qualifiante),

— et quelques mesures concernant les jeunes dans le cadre de structures particulières.

Certains parcours de promotion sont également proposés aux jeunes comme le crédit formation individualisé. Il peut s'agir aussi de programmes particuliers comme le programme PAQUE (préparation active à la qualification et à l'emploi), aujourd'hui en voie d'extinction.

Selon une étude du CEREQ d'octobre 1989, (« En sortant de l'école, qu'ont-ils rencontré ? »), « sept mois après leur sortie de l'école, près d'un tiers des jeunes scolarisés en 1986 étaient concernés par les mesures jeunes. Deux ans après, deux tiers sont passés au moins par l'une de ces formes d'emplois atypiques et cette proportion s'élève à 75 % pour les jeunes filles ».

Au milieu des années 80, environ 700.000 jeunes quittaient chaque année le système éducatif et l'apprentissage ; au cours de l'année suivante, 400.000 occupaient un emploi. Selon une enquête plus récente du CEREQ, 57 % des jeunes sortis de l'enseignement secondaire ou d'apprentissage à la fin de l'année scolaire 1988-89 ont bénéficié d'au moins une mesure d'insertion professionnelle entre juin 1989 et décembre 1992.

Le premier emploi des jeunes prend souvent la forme d'un travail précaire sous contrat à durée déterminée, contrat de travail temporaire ou contrat d'orientation. La proportion d'emplois stables à temps plein pour les jeunes, et notamment les jeunes filles, est en diminution même pendant les périodes de reprise de l'emploi comme entre 1988 et 1990. Moins le jeune est diplômé, plus il est exposé au risque d'occuper un emploi instable. Les jeunes sortis sans qualification de l'appareil scolaire connaissent de grandes difficultés. Le nombre de ceux qui trouvent un emploi est très limité et ils encourent les risques de l'exclusion et de la marginalisation.

Une enquête réalisée par le CEREQ en 1986 et portant sur plus de 300.000 jeunes sortis de l'enseignement secondaire aux niveaux V, V bis et VI, relève que, pendant leurs trois premières années de vie active, 4 % n'ont connu que le chômage, 18 % ont alterné des périodes de chômage et de « mesures jeunes », c'est-à-dire d'insertion professionnelle, et 42 % sont passés par le chômage, les « mesures jeunes », les contrats à durée déterminée ou l'intérim. Au total, les deux tiers n'ont connu que la précarité.

Or, on sait que les jeunes n'ayant vécu que des périodes alternées de chômage et de précarité dans un contexte familial et social difficile sont en voie de marginalisation. Certes, comme le souligne le groupe emploi du Commissariat général du Plan dans le cadre de la préparation du XIème plan, « la généralisation et l'allongement de la scolarité constituent sans nul doute un progrès indiscutable de développement personnel, de justice sociale et d'efficacité productive ». Cependant, dans la période actuelle, cette tendance ne conduit pas à une amélioration et à une égalisation des conditions d'insertion dans la vie active. Le nombre élevé des emplois précaires est venu bouleverser les itinéraires professionnels des jeunes. Le caractère sélectif du marché pour les jeunes selon le niveau de formation, l'origine sociale ou le sexe, se maintiennent, voire se renforcent.

Aussi convient-il de poursuivre et de renforcer la politique d'insertion en faveur des jeunes menée jusqu'ici.

Des critiques ont pu être émises sur ce qu'il est convenu d'appeler le traitement social du chômage. Toutefois, si certaines formations ou activités d'insertion n'offrent que peu de débouchés immédiats, on ne saurait soutenir en tout cas qu'elles ont un effet négatif sur le chômage. Il est certain que l'insertion professionnelle des jeunes contribue à atténuer les effets de la crise sur leur situation. En période de reprise, les conditions d'insertion des jeunes sortis des dispositifs d'insertion professionnelle s'améliorent. Durant leurs 30 premiers mois de vie active, les jeunes hommes sortis du système scolaire en 1989 au niveau V et en-dessous, sont, en moyenne, restés trois mois et demi au chômage, au lieu de près du double pour leurs aînés de 1986. Seulement 7 % au lieu de 18 % pour ceux de 1986 ont chômé pendant plus d'un an.

L'allongement des durées de passage dans les dispositifs d'insertion limite au surplus les risques d'exclusion.

On ne saurait contester que les programmes massifs en faveur des jeunes ont pour résultat d'améliorer leurs conditions d'insertion dans la vie active. Lorsque l'effort quantitatif consenti pour ces dispositifs diminue, les chances pour les jeunes sans qualification d'accéder à un emploi diminuent aussi.

L'insertion constitue donc un des piliers d'une politique active de l'emploi des jeunes.

Elle doit prendre aujourd'hui un nouvel essor en mettant l'accent sur les jeunes des niveaux scolaires les plus modestes, qui ne parviennent pas encore à tirer pleinement bénéfice des dispositifs existants.

On constate, en effet, que plus le jeune est déjà qualifié par la formation initiale et plus il a de chance de bénéficier des mesures d'insertion les plus qualifiantes, alors même que c'est le jeune le moins qualifié par l'école qui aurait le plus intérêt à bénéficier de l'insertion. Les jeunes ayant connu l'échec scolaire ne parviennent pas à saisir, encore en grand nombre, la deuxième chance que devrait en principe leur offrir le système d'insertion professionnelle. Ils connaissent alors un échec semblable parce que le système d'insertion reproduit pour eux les mêmes mécanismes qu'à l'école.

Les organismes de formation professionnelle, comme a pu le remarquer sur place votre Rapporteur, jugent d'ailleurs souvent plus rentable pour leur propre gestion de dispenser une formation au bénéfice des jeunes ayant un niveau égal ou supérieur au niveau V, qu'à l'égard de ceux ayant des niveaux plus modestes. De fait, parmi les jeunes qui s'inscrivent dans un emploi juste après un passage dans un dispositif d'insertion, la plupart ont un niveau V (72 % pour les jeunes filles et 74 % pour les jeunes hommes).

Quant aux principaux bénéficiaires des contrats de qualification, considérés généralement comme la mesure d'insertion la plus efficace, ils viennent également, le plus souvent, directement de l'enseignement scolaire où ils ont acquis le niveau V.

L'exemple de la mission « nouvelles qualifications » prouve qu'il est possible de former puis de faire accéder à un emploi des jeunes sans qualification. Dans la définition d'une politique de la formation professionnelle, ce secteur, qui n'a jamais été considéré comme prioritaire, devrait davantage retenir l'attention.

Un effort semblable d'insertion doit être également entrepris en faveur des demandeurs d'emploi en état d'exclusion.

b. — L'insertion des demandeurs d'emploi en situation d'exclusion

Le chômage de longue durée, ou chômage récurrent, est une des principales causes d'exclusion de la vie sociale. Cette forme de chômage a considérablement augmenté et il y a dans notre pays en permanence plus de 800.000 chômeurs de longue durée dont les chances de retrouver du travail sont d'autant plus faibles que ceux-ci demeurent plus longtemps dans cette situation. Or, malgré l'importance des moyens financiers mis en œuvre, la politique d'insertion des chômeurs de longue durée n'a pas répondu aux objectifs qu'on prétendait lui assigner. Même pendant la période d'embellie économique, le chômage de longue durée a persisté en raison de sa nature structurelle. En 1989 et 1990, le nombre de chômeurs de longue durée a diminué moins rapidement que le nombre de chômeurs. D'après les projections économiques, le chômage de longue durée doit être considéré comme une donnée permanente.

Des mesures ont été prises tendant à diminuer radicalement le nombre de chômeurs de longue durée. Celles-ci n'ont eu toutefois que des effets limités.

Ainsi, le programme « 900.000 chômeurs de longue durée » a eu pour objet de généraliser les entretiens individuels afin de faire le point sur la situation de chaque chômeur. 1.030.000 chômeurs de longue durée avaient été reçus en entretien en octobre 1992. Une solution d'insertion a été proposée à 610.000 d'entre eux : emploi, contrat emploi-solidarité, stage, prestation de l'ANPE ou appui social. Cependant, 260.000 chômeurs de longue durée sont restés sans solution et 160.000 avaient arrêté leur recherche d'emploi pour diverses causes. Certes, ce programme a permis une augmentation de 33 % du flux de sortie du chômage par rapport à l'année précédente. Toutefois, le nombre global de chômeurs n'a pu être diminué que de 32.000 personnes.

D'autres mesures ont été également mises en œuvre dans le cadre du programme d'aide à la réinsertion des demandeurs d'emploi de longue durée, parmi lesquelles les contrats de retour à l'emploi destinés à favoriser le reclassement professionnel des chômeurs de longue durée ou des bénéficiaires du RMI présentant des difficultés d'insertion sur le marché du travail. Prévoyant pour l'entreprise qui embauche ces demandeurs une exonération de charges sociales, ces contrats, dont le coût global pour l'Etat a représenté 2,8 milliards de F. en 1993, n'ont cependant concerné qu'un peu plus de 100.000 personnes.

Votre Rapporteur est convaincu que le succès relatif de ces contrats tient au fait que, bien que comptabilisés dans l'enveloppe de la formation professionnelle, ils ne s'appuient pas suffisamment sur les dispositifs de formation, puisque 6 % d'entre eux seulement ont été accompagnés d'une formation.

Si, comme l'a fait observer la Commission du XIe Plan relative à la cohésion sociale et à la prévention de l'exclusion « il n a pas d'alternative radicale à l'utilisation des crédits publics consacrés à la lutte contre l'exclusion du marché du travail, si ce n'est à travers un redéploiement progressif des interventions en faveur d'actions plus préventives. (...) En revanche, des progrès significatifs peuvent être accomplis dans l'efficacité des dispositifs d insertion. »

Ces « progrès » passent pour votre Rapporteur par un rapprochement entre l'insertion et la formation.

La formation professionnelle doit davantage tenir compte des problèmes d'insertion. L'examen, effectué, à la demande de votre Rapporteur, par un cabinet spécialisé, du fonctionnement d'un important organisme de formation dont 45 % des stagiaires ont un niveau compris entre VI (niveau fin de scolarité) et IX (niveaux inférieurs), montre qu'il est possible d'atteindre un pourcentage satisfaisant de placement pour ces publics peu favorisés. « La formation-insertion », que pratique cet organisme, implique un environnement de mesures socio-culturelles qu'il appartient à l'Etat de soutenir voire de financer.

Parallèlement, l'insertion doit intégrer davantage les préoccupations de la formation. Comme le soulignait, en effet, le Commissariat général du Plan : « L'emploi est le meilleur outil pour l'insertion. Pourtant la logique implicite des actions d insertion est le plus souvent très éloignée de ce principe : on fait un bilan des demandeurs d'emplois, on vise ensuite à améliorer leur employabilité, puis on cherche à les placer. Ici encore, ce ne sont pas les programmes qui sont en cause, mais l'usage qui en est fait. On ne pourra inverser les démarches les plus courantes dans ce domaine que si les agents chargés des problèmes d'insertion professionnelle acquièrent un professionnalisme plus poussé, notamment en matière de diagnostic des besoins des entreprises et de développement des compétences dans les situations de travail ».

3. — Adapter la qualification des salariés aux nouveaux besoins du marché de l'emploi

a. — La liaison entre l'emploi et la formation

Le niveau élevé du chômage des jeunes et l'allongement de la période de transition entre la formation initiale et l'entrée dans la vie professionnelle conduisent à s'interroger sur l'adaptation des qualifications aux emplois proposés. Il apparaît clairement aujourd’hui que le chômage ne tient pas seulement à la diminution du nombre des emplois mais aussi à l’inadéquation entre les offres et les demandes d’emplois.

Il est désormais bien admis, et il est inutile d’y insister, que les systèmes de formation initiale, de formation continue et d’organisation du travail ont des logiques différentes mais des finalités qui se rejoignent. Comme l’observe le Commissariat général du Plan (rapport du groupe « Education et formation » présidé par M. Michel Praderie) :

— « Le système d’éducation et de formation initiale a pour mission d’aider les individus à acquérir des connaissances et des méthodes à partir desquelles ils construisent notamment leur première qualification ; de ce point de vue, tout enseignement a une finalité professionnelle.

— La formation continue a pour objectif d’aider les individus à développer leurs connaissances et leurs compétences et faire évoluer leur qualification ; en ce sens il y a continuité entre formation initiale et formation continue.

— L’organisation du travail et l’expérience professionnelle participent aussi à la qualification : cette contribution doit être reconnue. Au sein du monde du travail la reconnaissance des qualifications, faite à partir de l’analyse des fonctions exercées et des compétences à mobiliser, relève de la négociation collective. »

La solution n’est donc certainement pas d’imposer trop tôt aux élèves un parcours de formation car ils doivent pouvoir le construire en fonction de l’évolution de leurs aptitudes et de leurs aspirations. Il convient plutôt de diversifier les parcours de formation selon plusieurs voies : celle de l’enseignement général ; celle de l’enseignement technologique et professionnel, fondée sur une pédagogie du concret, revalorisée grâce à l’institution des baccalauréats professionnels ; enfin, celle de l’apprentissage, également revalorisée puisqu’elle prépare désormais à des diplômes de niveau supérieur au niveau V. La crise actuelle semble renforcer la charge affective dont on entoure la réussite scolaire et multiplie les attentes qu’elle suscite. L’école reste le lieu de l’égalité des chances, de l’accès à la connaissance et à la culture, en même temps qu’un moyen de promotion sociale. On souhaite un enseignement de masse qui permette l’épanouissement des personnalités grâce à la diversification et l’individualisation des formations, mais sans hiérarchie des filières, ainsi que l’élévation du niveau de la formation et l’accès direct à un emploi. Il est pourtant difficile pour la formation initiale de préparer à un emploi dont le profil ne peut, en tout état de cause, être intangible. Elle doit donner les moyens de s’adapter à une activité appelée, de plus en plus, à évoluer au cours de la vie professionnelle.

Le rôle de la formation initiale, et notamment de l’Education nationale, doit sans doute être renforcé, mais on se gardera dans ce domaine d’une schématisation un peu facile sur les ruptures Education-Entreprise. Les formations initiales proposent souvent des filières dont la professionnalisation a été revalorisée. D’autre part, parce qu’elle est aussi une institution dispensatrice de formation professionnelle continue à la pointe de l’évolution, notamment à travers les GRETA, le CNAM et les établissements d’enseignement supérieur. Enfin, son système de validation des titres et diplômes est une garantie pour améliorer l’accès à l’emploi.

b. — L’écart entre la valeur du diplôme et la qualification requise par l’employeur

Malgré la multiplicité des passerelles, la méfiance que nourrissent les chefs d’entreprise à l’égard du système éducatif demeure. Nombreux sont ceux qui jugent, à tort ou à raison, que celui-ci ne répond pas aux besoins des entreprises, l’OCDE semblant aller dans leur sens en estimant que « les rigidités du système éducatif (...) sont très certainement des obstacles au changement plus redoutables que les rigidités des marchés du travail » (« la flexibilité du marché du travail ». Rapport d’un groupe d’experts de haut niveau au Secrétariat général, Paris 1986). Les employeurs ont souvent l’exigence, quelquefois décourageante pour les jeunes à la recherche d’un premier emploi, d’un niveau élevé et d’une expérience professionnelle.

Au cours des dernières années, le nombre des détenteurs d’un diplôme a considérablement augmenté, entraînant leur dévalorisation sur le marché du travail. Aujourd’hui, plus d’un jeune sur deux obtient le baccalauréat, au lieu d’un sur trois en 1983, un sur cinq en 1970, un sur vingt en 1960. Par voie de conséquence, le nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur progresse de façon continue, étant passé d’un million en 1980 à 1,17 million en 1990 et estimé à 2,6 millions en l’an 2000.

Il s’ensuit un déclassement général des diplômes sur le marché du travail. Le phénomène est particulièrement net pour ceux d’un niveau inférieur au baccalauréat. Ainsi, les titulaires de CAP ou de BEP doivent maintenant se contenter de postes d’ouvrier non qualifiés, et, d’une manière générale, les non bacheliers, et notamment les jeunes filles, éprouvent de grandes difficultés d’accès au travail.

Le baccalauréat reste recherché car il diminue les risques de précarité. Les jeunes hommes ayant poursuivi des études au-delà du baccalauréat ont ainsi deux fois plus de chance que les non bacheliers d’accéder à une profession intermédiaire, les possibilités de reclassement étant plus élevées avec une spécialité industrielle.

Cela étant, les bacheliers doivent aujourd’hui couramment se contenter de postes d’ouvriers et non plus d’employés, et les jeunes de niveau IV candidats à certaines professions intermédiaires comme celle de technicien, de comptable, d’instituteur, de travailleur social ou d’infirmier doivent soutenir la concurrence des titulaires de niveau III. De même, deux ans et demi après leur sortie de l’appareil scolaire, de nombreux bacheliers du niveau du baccalauréat sont encore ouvriers spécialisés.

Le phénomène est également sensible aux niveaux supérieurs au baccalauréat. Il a été masqué pendant la période de croissance, la forte augmentation du nombre des emplois de cadres permettant alors d’absorber l’accroissement du nombre des diplômés de l’enseignement supérieur de niveau II et I. Mais l’encadrement moyen s’est tassé. L’importance du nombre de diplômés de niveau III dans l’enseignement technologique supérieur a relevé le niveau de recrutement des cadres moyens puis des employés et enfin des ouvriers qualifiés, conduisant les diplômés de niveau III à se contenter de postes de niveau IV.

Les effets en chaîne de la perte de la valeur relative des diplômes provoquant un phénomène général de déclassement ont pu être ainsi analysés : « Le phénomène de déclassement de la plupart des diplômes peut se schématiser de la manière suivante. Deux structures pyramidales, nettement stratifiées se trouvent en présence : d’un côté, la demande d’emploi des jeunes, hiérarchisée selon les niveaux de diplôme ; de l’autre côté, l’offre d’emploi des entreprises classée selon les niveaux de qualification. Toute évolution divergente des deux pyramides, ne serait-ce qu’à un seul niveau, entraîne des déséquilibres en chaîne. L’excès de demande d’emploi à un niveau inférieur où son absorption provoque un nouveau déséquilibre ; le mouvement de déclassement peut ainsi se propager en cascade jusqu’au bas des deux pyramides » (Entrée des jeunes et mobilité des moins jeunes — Economie et statistiques n° 134, juin 1981).

Les tensions qu’a entraînées la difficile conjoncture économique de ces dernières années ont encore aggravé la situation. La diminution du nombre des emplois disponibles s’est traduite par une marginalisation accrue des jeunes sortis de l’école aux niveaux de formation les plus bas. En effet, ce sont précisément les emplois qu’ils ont vocation à occuper qui ont été le plus touchés par la chute des effectifs industriels. Et comme la préférence est généralement donnée pour exercer ceux qui restent à des jeunes de niveau V ou IV et qui sont de plus en plus nombreux, ceux ayant un niveau de formation inférieur sont exclus du marché du travail et viennent grossir les rangs des chômeurs de longue durée.

L’inflation du nombre de diplômés, génératrice d’une dévalorisation des diplômes et accroissant le niveau d’exigence des employeurs, va donc probablement accentuer les tensions sur le marché du travail.

c. — Mieux prévoir l’évolution des métiers et des qualifications

Pour que la formation professionnelle puisse favoriser l’adaptation des qualifications aux évolutions prévisibles des emplois, plusieurs conditions doivent être réunies. Il faut d’abord partir d’une analyse sérieuse des tendances prévisibles du marché du travail. Il faut, ensuite, que l’Etat se dote des outils propres à permettre une véritable politique prospective de l’emploi et de la formation.

Contrairement à une idée largement répandue, il n’est pas certain que les emplois créés à l’avenir seront majoritairement de haute qualification. Sur la base des données observées par l’INSEE au cours des dix dernières années, plusieurs tendances peuvent être dégagées. Alors que les emplois d’ouvriers, très qualifiés ou non qualifiés, vont continuer à disparaître en grand nombre, seul l’emploi dans les services apparaît en augmentation sur une longue période. Représentant actuellement les deux tiers de l’emploi total, il devrait atteindre les trois quarts en l’an 2000 et les quatre cinquièmes en 2010. Mais comme le montre le tableau ci-après ce sont les emplois peu qualifiés, dont un certain nombre sont aujourd’hui considérés comme peu valorisants, qui constituent la part la plus importante des emplois créés.

Emplois qui connaissent la hausse la plus rapide
(1982-1990)
Emplois Masse Taux
Secrétaires + 256.000 + 57 %
Enseignant du secondaire + 145.000 + 100 %
Informaticiens + 99.000 + 300%
Aides-soignants + 75.000 + 33 %
Nettoyeurs + 74.000 + 27 %
Représentants auprès d’entreprises + 70.000 + 140 %
Gardiennes d’enfants + 70.000 + 43 %
Ouvriers du tri, emballage, expédition + 67.000 + 65 %
Serveurs (café. rest.) + 66.000 + 35 %
Agents de service + 61.000 + 100%
Représentants auprès de particuliers + 61.000 + 100 %
Techniciens entretien industriel + 60.000 + 60 %

Source : INSEE première, juillet 1992.

Loin de devoir porter exclusivement ni même majoritairement sur des emplois de très haute qualification qui ne sauraient représenter les gros bataillons des métiers de demain, la formation professionnelle doit donc tenir compte du fait que le plus grand nombre de création d’emplois sera constaté dans le secteur tertiaire non qualifié, contribuant ainsi, en outre, à leur revalorisation.

Pour que puisse être mise en œuvre une véritable stratégie de formation professionnelle, les entreprises doivent davantage informer leur « environnement » sur l’évolution de leurs qualifications et du contenu des emplois, ce qui suppose de leur part une démarche préalable de gestion prévisionnelle des emplois.

Au cours de la décennie passée, celle-ci a surtout été utilisée par les grandes entreprises pour gérer « en douceur » les sureffectifs. Cette logique quantitative n’a pas suffisamment pris en compte les aspects liés à la prévision des licenciements.

Les directions des ressources humaines doivent donc, d’une part, fournir des informations pertinentes sur l’emploi pour qu’elles soient intégrées aux calculs et prévisions stratégiques, et, d’autre part, gérer les conséquences des choix stratégiques sur les qualifications qui demeurent des variables d’ajustement.

Enfin, il appartient à l’Etat de faire les efforts nécessaires pour montrer l’exemple d’une bonne démarche anticipatrice des emplois et des qualifications. Actuellement, il existe une masse considérable d’informations accumulées par les organismes publics, mais leur dispersion entre l’INSEE, le CEREQ, l’ONISEP et l’ANPE ne permet pas d’en tirer tous les bénéfices possibles. Ainsi, l’ANPE dispose de ce qui pourrait constituer un instrument précieux d’information des salariés souhaitant s’adapter à des changements de métier, le répertoire opérationnel des métiers et de l’emploi (ROME). Mais, comme l’a rappelé devant la Commission M. Gilbert Hyvernat, Directeur général délégué de l’ANPE, lors de son audition devant votre Commission, celui-ci « a été conçu à une époque où l’emploi présentait, au plan qualitatif, une lisibilité certaine et où l’on pouvait travailler par branche. » Or les structures de l’emploi se sont profondément modifiées au cours des dix dernières années, de sorte que « le ROME tel qu’on a pu le connaître ne rend plus compte, aujourd’hui, que de 20 ou 30 % des problématiques d’emploi : d’une part, les métiers deviennent de plus en plus complexes ; d autre part, il faut maintenant être capable de passer d’un métier à un autre, grâce à une adaptation légère acquise à l’issue d’une formation professionnelle ». Il est donc particulièrement regrettable que la longueur de la refonte du ROME conduise les agences locales à travailler encore sur la base de l’ancien répertoire pourtant complètement dépassé.

Quant aux observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (OREF) créés en 1988 dans le but de doter les services régionaux de l’Etat d’outils d’analyse et de diagnostic leur permettant d’exercer des responsabilités accrues dans le cadre de la déconcentration, ils n’ont pas parfaitement atteint leur mission consistant à articuler les analyses et les prévisions pour la formation initiale, la formation continue et celle des entreprises. En fait, ils ne disposent pas encore d’un appareil statistique homogène et précis et leur méthode d’extrapolation n’est pas encore bien adaptée à une véritable prospective. Ainsi, les enquêtes sur « les besoins des entreprises » informent sur leurs perspectives de recrutement à court terme mais ne donnent guère d’indications sur les tendances d’évolution des professions à moyen terme.

La mise en œuvre des contrats d’études prévisionnelles (CEP) proposés depuis 1988 aux branches professionnelles par la Délégation à la formation professionnelle dans le but d’informer sur les transformations économiques, technologiques et socio-organisationnelles à moyen terme, afin d’éclairer les branches et les pouvoirs publics dans la définition de leurs politiques de formation, s’est également révélée décevante, pour plusieurs raisons : les délais de négociation en sont très longs, les résultats sont peu valorisés, le suivi n’en est pas assuré de façon satisfaisante, les organisations professionnelles et syndicales semblent d’ailleurs en fait s’en désintéresser.

Comme l’a observé devant la Commission M. Gilbert Hyvernat, déjà cité, « Le service public de l’emploi français a longtemps vécu sur la grande illusion qu à toute offre correspondait nécessairement une demande d’emploi et qu’il suffisait de les rapprocher. Aujourd’hui, cette méthode est en question ». En effet, on ne peut plus aujourd’hui avoir la certitude qu’à une formation donnée correspond un emploi prédéterminé. Aussi est-il impératif de consentir un effort important pour donner une efficacité accrue aux dispositifs d’information sur les qualifications et les métiers de demain, dont les insuffisances ne peuvent que renforcer l’angoisse des jeunes et accroître leurs difficultés à se projeter dans un avenir professionnel.

B. — ASSURER UNE MEILLEURE COMPLÉMENTARITÉ DES FILIÈRES DE L’ALTERNANCE DES JEUNES

La formation en alternance désigne l’association d’une formation et d’une expérience en entreprise et vise ainsi à donner une formation professionnelle de qualité permettant aux jeunes de développer des capacités d’adaptation.

Avec l’arrivée chaque année d’environ 700.000 jeunes sur le marché du travail — en 1991 ce nombre s’est élevé à près de 800.000, apprentissage exclu — et la persistance de la crise économique, l’alternance n’est plus seulement considérée comme une pratique de formation professionnelle mais est aussi étroitement associée à la politique de l’emploi.

L’alternance recouvre traditionnellement deux types de formation : des formations post-scolaires proposées depuis une quinzaine d’années pour l’alternance des jeunes, à côté d’une forme ancienne d’alternance, l’apprentissage, qui constitue une formation initiale.

Inspirées chacune d’une logique différente, les filières de l’alternance manquent de cohérence et tendent à se concurrencer. Aussi convient-il de préconiser leur rapprochement.

1. — La concurrence préjudiciable des filières

Les formations en alternance se multiplient aussi bien dans le cadre de la formation initiale secondaire ou supérieure que dans celui de la formation continue.

Malgré certaines tentatives d’harmonisation et de rénovation, le système reste complexe. L’alternance au service de l’emploi comprend plusieurs filières distinctes selon leur finalité propre et selon les publics concernés. Les formations en alternance diffèrent aussi selon les filières institutionnelles sur lesquelles elles s’appuient.

L’ensemble de ces filières tend à se concurrencer au détriment de leur objectif essentiel qui doit être l’insertion professionnelle des jeunes.

a. — La diversité des filières de l’alternance

C’est la loi du 24 février 1984 sur la formation professionnelle continue qui constitue en quelque sorte la charte de l’alternance. Cette loi a créé deux nouveaux contrats de travail de type particulier, le contrat de qualification et le contrat d’adaptation à un emploi dans le cadre d’un contrat ordinaire, de même que le stage d’initiation à la vie professionnelle (SIVP).

— Le contrat de qualification est un contrat de travail permettant au jeune sans qualification professionnelle d’acquérir une qualification assurée par une formation générale et technique. Il a pour intérêt de préparer à une qualification sanctionnée par un titre ou un diplôme homologué. Des garanties ont été introduites pour l’accueil du jeune en entreprise. En outre, le contrat de travail écrit doit prévoir une durée minimum de formation. Des tuteurs ayant une qualification professionnelle doivent être enfin désignés par l’entreprise. très vite ce contrat de qualification a été perçu comme celui qui offre les meilleures possibilités d’insertion, entouré des garanties du Code du travail.

— Le contrat d’adaptation conclu entre l’employeur et le jeune prévoit une formation sur le temps de travail et permet aux jeunes d’adapter leur qualification à l’emploi qu’ils occupent dans l’entreprise.

— Le stage d’initiation à la vie professionnelle, aujourd’hui remplacé par le contrat d’orientation, avait pour but de permettre aux jeunes sortis du système scolaire de découvrir la vie de l’entreprise et de développer une aptitude au travail afin de les aider à choisir une orientation et construire une formation. Mais, très vite, ces stages, qui ne comprenaient pas de formation, ont été détournés de leur objet, certains employeurs ayant tendance à les utiliser comme des substituts à l’emploi, notamment dans le secteur de la restauration et des hypermarchés.

Une hiérarchisation de fait s’est créée entre ces trois contrats en fonction du degré d’insertion proposé. Les contrats de qualification se sont particulièrement développés à cause de l’avantage que procurent les exonérations de charges sociales ainsi que de leur souplesse dans le contenu de la formation des jeunes. Ils occupent la première place dans les filières de l’alternance avec plus de 100.000 jeunes titulaires.

A côté de ces différents contrats, demeure la filière de l’apprentissage qui est la plus ancienne des formations en alternance. L’exemple de l’Allemagne, où l’apprentissage est très développé et le taux de chômage des jeunes plus faible qu’en France, est souvent cité en exemple. Cette filière nécessite un grand effort de rénovation.

La loi du 23 juillet 1987 consacre ainsi l’apprentissage comme une formation à part entière et les jeunes peuvent désormais obtenir un diplôme supérieur au CAP au même titre que les élèves de l’enseignement technologique. Cinq ans plus tard, un nouvel essor est donné à l’apprentissage tout en généralisant l’alternance dans toutes les formations préparant à des diplômes ou titres de l’enseignement technologique et professionnel, du CAP au titre d’ingénieur. La loi du 17 juillet 1992 vise à améliorer la situation de l’apprenti, accorde l’agrément à l’entreprise au lieu du maître d’apprentissage et accroît le rôle des partenaires sociaux, notamment dans les branches professionnelles.

En termes d’insertion, les résultats de l’apprentissage peuvent paraître satisfaisants. Selon une récente enquête du CEREQ, sept mois après la fin du contrat, deux apprentis sur trois occupent un emploi et, parmi ceux-ci, 35 % sont embauchés sous contrat à durée indéterminée. Même si le poids des apprentis préparant un CAP reste prédominant, ceux-ci sont en diminution au profit des effectifs en BEP, en brevet ou baccalauréat professionnel ou encore en BTS.

b. — La diversité des filières institutionnelles intervenant dans l’alternance.

La diversité des filières de l’alternance se double de la diversification des filières institutionnelles.

La notion d’alternance correspond aujourd’hui à de nombreuses pratiques qui, selon la filière institutionnelle, répondent à des modalités pédagogiques différentes.

Ainsi, dans l’enseignement technique agricole, l’alternance concerne des filières courtes et vise à remédier à l’échec scolaire. Une place importante est accordée aux stages en entreprises et à la formation dans les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA). Mais les relations entre les institutions de formation et les professionnels à propos des itinéraires de formation et les modalités de délivrance des diplômes aboutissent à des divergences.

Les pratiques d’alternance dans le monde scolaire s’adressent à des personnes de faible niveau scolaire, et en situation de plus ou moins grande exclusion, comme l’attestent les expériences de « groupes de métiers » poursuivies par les GRETA et le DIJEN (Dispositif d’insertion des jeunes de l’Education nationale). Mais le succès de ces activités suppose des conditions particulièrement favorables dans l’entreprise qui doit modifier dans ses ateliers l’organisation du travail peu qualifié.

Les pratiques visant à familiariser l’élève avec les conditions concrètes de sa future situation professionnelle sont mises en œuvre dans les séquences éducatives en entreprise dans le cadre de l’alternance scolaire. Mais les possibilités d’accès aux niveaux supérieurs de formation rendent cet apprentissage plus général que pratique et semble prolonger la durée des études, alors que les personnes en apprentissage souhaitent en principe suivre des études courtes.

Les pratiques faisant de l’exercice de l’activité professionnelle le lieu central d’acquisition des compétences et des savoirs sont actuellement répandues dans les secteurs professionnels. Mais l’acquisition d’une véritable formation dépend de la qualité pédagogique du tuteur ou du maître d’apprentissage en entreprise et des liens entretenus entre celui-ci, l’organisme de formation et le jeune.

c. — La concurrence des filières de l’alternance ralentit le développement du système

L’alternance est devenue à la fois une méthode pédagogique et un outil d’insertion professionnelle. Or, bien souvent, on constate que le passage en entreprise tient lieu de formation. En jouant sur la diversité des filières, certaines entreprises ont tendance à faire de ces temps de passage en entreprise des substituts à l’emploi. Les statistiques du ministère du travail consacrent cet état de fait en rangeant les contrats en alternance, les stages et l’apprentissage dans la catégorie des emplois aidés du secteur marchand. Ainsi, la formation en alternance est-elle présentée tout à la fois tantôt comme partie de la formation professionnelle, et tantôt, dans les statistiques du travail et de l’emploi, comme des emplois aidés.

Il conviendrait de vérifier avec plus de soin ce qu’il en est de la formation dans la plupart des contrats aidés. Dans 60  % des cas, la formation des personnes sous contrat d’adaptation se déroule à l’intérieur de l’entreprise. Encore faudrait-il bien s’assurer que l’entreprise dispose d’un service de formation identifié et structuré.

Le rôle que jouent les avantages sociaux consentis aux employeurs, sous forme d’allégements du coût du travail ou d’assouplissements juridiques, est déterminant dans le succès d’une formule. Ainsi, lorsque les avantages attachés à certains contrats sont supprimés, le nombre de leur bénéficiaires recule. Par exemple, quand en 1987, le contrat d’adaptation n’a plus été assorti d’exonérations de charges sociales, les employeurs lui ont préféré d’autres formes d’emplois aidés remplissant la même fonction. De même, lorsque les mesures dites de moralisation ont été apportées au SIVP, cette catégorie d’emploi aidé est devenue moins attractive pour les employeurs et leur nombre a diminué.

L’absence d’articulation claire avec d’autres dispositifs peut aussi expliquer l’insuccès de certaines catégories de contrats. Ainsi, le développement des contrats d’orientation a-t-il été freiné à cause des difficultés rencontrées en la matière avec les formations qualifiantes dont les calendriers, calés sur les périodes scolaires, ne coïncident pas avec les besoins des jeunes sortant d’un contrat d’orientation.

Il peut aussi arriver qu’on ait négligé les distorsions existant entre des formules assez voisines. C’est le cas du contrat d’apprentissage et du contrat de qualification dont les finalités sont assez voisines. Avant que la loi du 17 juillet 1992 n’apporte des correctifs, des écarts de rémunérations existaient ainsi entre le contrat d’apprentissage et le contrat de qualification incitant les jeunes à préférer la voie du contrat de qualification à la sortie du système scolaire plutôt que l’entrée en CFA.

Les filières de l’alternance s’articulent entre elles à la manière des vases communicants. Lorsqu’un avantage est introduit pour le développement d’une formule, on constate un « effet d’aubaine », qui a pour inconvénient de diminuer le nombre de bénéficiaires d’autres formules. Cet effet d’aubaine est temporaire et il arrive que le recours à ces formules se rééquilibre. Mais, parfois aussi, un avantage accordé à une formule provoque l’insuccès durable d’une autre formule. Il peut arriver, enfin, que les contraintes imposées aux employeurs dans le souci d’introduire plus de garanties aux droits des jeunes ait pour effet d’assécher d’autres contrats.

Cette concurrence s’exerce principalement au détriment de l’apprentissage, sans pour autant augmenter le nombre total des bénéficiaires de l’ensemble des filière de l’alternance.

d. — Les freins au développement de l’apprentissage

Malgré la loi du 23 juillet 1987 sur la rénovation de l’apprentissage permettant l’accès à cette voie à tous les niveaux de formation, et malgré les mesures de relance adoptées en 1992, la filière ne décolle toujours pas. Même si les effectifs en apprentissage ont augmenté entre 1986-87 et 1988-89, ils ont diminué en 1992-93 pour la quatrième année consécutive. En quatre ans, le nombre d’apprentis a diminué de près de 30.000 pour n’être que de 205.435 en 1992-93. En 1960, ce nombre s’élevait à 360.000. On enregistrait, en 1992, plus de 20.000 places vacantes dans les CFA.

Pour développer ce type de formation, d’importantes incitations financières ont pourtant été accordées sous la forme d’exonération totale des charges sociales dans les entreprises de moins de dix salariés, et sous forme d’exonération des cotisations de sécurité sociale dans les entreprises de plus de dix salariés. En outre, une prime de l’Etat est accordée aux entreprises pour chaque contrat signé. Les entreprises ont aussi droit à un crédit d’impôt apprentissage.

Mais les blocages sont profonds. Malgré les efforts de promotion réalisés par certaines professions, par les chambres consulaires et par les conseils régionaux, l’apprentissage reste lié, dans l’opinion publique, à la préparation à des métiers manuels traditionnels de sorte que de nombreux jeunes hésitent à suivre cette filière. Une enquête du Ministère du travail de juin 1993 montre que les personnes susceptibles d’être concernées ont une opinion négative de l’apprentissage, perçu comme une filière de relégation, peu qualifiante, aux salaires trop bas et aux conditions de travail trop contraignantes. La rénovation et les efforts viennent se heurter à la connotation passéiste du mot « apprentissage ».

L’apprentissage n’est pas non plus une garantie absolue contre le chômage. Le taux de chômage des jeunes issus de l’apprentissage a augmenté de 24,3 % entre 1989 et 1991. Sept mois après la fin de leur contrat, on constate que 17 % des apprentis prolongent encore leur période d’insertion par une entrée en « mesure-jeunes » (contrat de qualification, d’adaptation ou emploi solidarité).

Malgré les efforts de l’UIMM, l’apprentissage industriel, qui n’est pas sans potentialité, est encore trop faible. Les secteurs économiques ayant traditionnellement recours à l’apprentissage restent assez peu nombreux (le BTP, le commerce de détail, l’hôtellerie-restauration, l’agro-alimentaire) concernent surtout les petites entreprises. 60 % des apprentis sont employés dans des entreprises de moins de cinq salariés.

L’apprentissage est dans ces conditions concurrencé dans d’autres secteurs par le contrat de qualification considéré comme plus attractif, car la formation est moins formellement encadrée que pour l’apprentissage. Les conditions de financement du contrat de qualification apparaissent au surplus très favorables puisque le taux de financement de l’heure de formation peut aller jusqu’à 60 F., de sorte que les CFA sont incités à pourvoir leurs places disponibles en accueillant des jeunes sous contrat de qualification. Si cette situation tendait à se développer, on assisterait ainsi sur le terrain à un rapprochement de fait entre l’apprentissage et une des autres filières de l’alternance.

2. — Le rapprochement des filières

Les tensions issues de la diversité des filières sont vives et prennent parfois l’aspect de véritables déclarations de principe.

Le moment est pourtant venu de créer les conditions d’un rapprochement entre les différentes filières de l’alternance.

a. — Les convergences des contrats de qualification et d’apprentissage

Les contrats de qualification et d’apprentissage ont des points communs importants.

Du point de vue de leur objectif, ils sont tous les deux destinés à des jeunes de 16 à 25 ans et ont pour objet de déboucher sur une qualification professionnelle. Dès l’origine, le contrat de qualification concernait l’ensemble des niveaux de qualification. Depuis 1987 le contrat d’apprentissage a été élargi aux formations supérieures, aux CAP et peut même préparer au diplôme d’ingénieur. Depuis 1992, les rémunérations ont été, on l’a vu, harmonisées.

Les autres caractéristiques de ces contrats sont nettement en voie de rapprochement.

Il en est ainsi de la finalité des deux contrats. L’apprentissage a toujours été considéré comme une filière diplômante. Le contrat de qualification était à l’origine une filière qualifiante ; mais 63 % de ces contrats de qualification visent aujourd’hui à l’obtention d’un diplôme. Les notions de diplôme et de qualification deviennent d’ailleurs complémentaires. Ainsi, les branches professionnelles développent des systèmes de certification qualifiante. Les certificats de qualification professionnelle (CQP) permettent, en effet, de concilier les avantages des contenus professionnels et de l’attestation d’une formation.

Les durées de formation elles-mêmes tendent à se rapprocher. Alors que la durée de formation en apprentissage est de un à trois ans, 80 % des contrats de qualification ont aujourd’hui une durée supérieure à un an. Les formations dans ces deux filières concernent de plus en plus le niveau V (46,8 % des titulaires de contrats de qualification et 33,6 % des apprentis).

On a vu également que la formation des titulaires de contrats de qualification et d’apprentissage pouvait se dérouler désormais dans les mêmes lieux. Ainsi, 17.000 jeunes en contrat de qualification ont été formés en CFA durant l’année 1992-93.

Enfin, les logiques d’utilisation des deux catégories de contrat sont semblables. Ainsi, le secteur du BTP souhaite avoir recours aux contrats de qualification pour ses qualités de souplesse. Inversement, l’hôtellerie et la restauration préfèrent, pour les mêmes raisons, avoir recours à l’embauche d’apprentis.

b. — Les conditions d’une grande filière de l’alternance

Il est regrettable de constater les effets concurrents des deux filières, alors même que l’apprentissage, qu’on ne cesse de vouloir rénover et promouvoir, ne parvient toujours pas à décoller. Il convient donc d’harmoniser les filières. L’article 64 de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 propose « d’amplifier et d’harmoniser l’utilisation des différentes mesures de formation sous contrat de travail en faveur des jeunes. »

Il est en tout cas devenu nécessaire de rendre plus de cohérence aux filières de l’alternance. On peut ainsi s’interroger sur la nature spécifique de la filière de l’apprentissage et se demander si son caractère traditionnel n’est pas un facteur prépondérant de blocage culturel. En 1992, le gouvernement de l’époque entendait ainsi développer l’apprentissage par un plan quinquennal de relance de cette filière, mais il préconisait aussi, à cette fin, le doublement du nombre de places en alternance. C’est dire la confusion entre les deux catégories de contrat.

L’harmonisation entre les deux filières doit toutefois être graduelle. L’objectif de création d’un contrat unique de formation en alternance ne doit pas cacher la différence de logique de l’alternance sous statut scolaire. Il conviendra donc de rechercher une véritable complémentarité, notamment par le biais de la validation des compétences en s’appuyant sur les résultats prometteurs du CQP.

Le rapprochement des filières de l’alternance réside aussi dans la simplification et l’unification des formalités, notamment pour les PME.

Il serait souhaitable, enfin, d’harmoniser les systèmes d’exonération de charges sociales dont la différenciation apparaissant dans le tableau ci-contre est une source inutile de complication.

C.— REGROUPER LES FORMULES D’INSERTION ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE

Afin de diversifier les publics bénéficiaires de l’insertion et de la formation professionnelle, des plans successifs ont été mis en œuvre au cours des vingt dernières années, créant une stratification des mesures de formation professionnelle aux effets somme toute limités sur l’emploi. C’est pourquoi l’empilement des formules et l’absence de lisibilité des dispositifs rend nécessaire l’unification des formules d’insertion et de formation professionnelle.

Exonération des charges sociales selon les formules d’alternanc
Contrat d’apprentissage • Entreprise de moins de 11 salariés ou artisans
— Exonération de la totalité des cotisations patronales et salariales d’origine légale et conventionnelle (sécurité sociale + retraite complémentaire + assurance chômage + FNAL + transport).
• Entreprise de plus de 10 salariés
— Exonération des cotisations patronales d’assurances sociales, d’accidents du travail, d’allocations familiales.
— Exonération des cotisations salariales d’origine légale et conventionnelle
Contrat de qualification — Exonération des cotisations patronales d’assurances sociales, d’accidents du travail, d’allocations familiales sur la partie de la rémunération n’excédant pas le SMIC.
Contrat d’adaptation à l’emploi — Néant
Contrat d’orientation — Exonération des cotisations patronales de sécurité sociale (assurances sociales, accidents du travail, allocations familiales).

1. — L’empilement des formules et l’absence de lisibilité des dispositifs

La persistance de la crise économique et d’un niveau élevé de chômage a conduit les pouvoirs publics à diversifier la politique de l’emploi. Au début des années 80, la politique de l’emploi a consisté à agir sur le niveau de l’emploi notamment par des créations d’emplois, par une réduction du temps de travail et par l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprise. Un autre volet de cette politique visait à faciliter les restructurations et à en atténuer les effets, grâce à des retraits d’activité financés par le Fonds national de l’emploi. En 1984, le chômage des jeunes atteint un taux record. La durée du chômage s’allonge. La politique d’insertion tend à remplacer l’action directe sur le niveau de l’emploi et les aides aux retraits d’activité. Une certaine priorité est accordée à l’insertion professionnelle des jeunes et aux chômeurs de longue durée sous la forme de plans massifs pour l’emploi. Les dépenses de formation professionnelle sont alors intégrées aux dépenses en faveur de l’emploi pour atteindre 3,75 % du PIB en 1992, c’est-à-dire le chiffre le plus élevé depuis vingt ans. Mais la multiplicité des formules mises en place, dans cet esprit, rend de moins en moins claire la perception qu’on peut avoir des mécanismes de formation professionnelle.

La succession des dispositifs d’insertion a été très rapide :

— Entre 1975 et 1977, le programme de protection de l’emploi et de la formation professionnelle, dit programme conjoncturel, visait à améliorer la formation professionnelle des demandeurs d’emploi grâce aux « stages Granet » et aux contrats emploi-formation.

— Entre 1977 et 1981, ont été mis en œuvre trois pactes nationaux pour l’emploi fondés sur l’apprentissage, les contrats emploi-formation, les stages pratiques, les stages de formation et les embauches exonérées.

— Le plan « Avenir jeunes », en 1981, mettait l’accent sur les contrats emploi-formation, les stages d’insertion et de qualification plutôt que sur les stages pratiques en entreprise.

— En 1982 et 1983, le programme des stages 16-18 ans, concernait les stages d’orientation approfondie, les stages alternés d’insertion locale, la mise à niveau ou la préqualification, les stages de qualification.

— Entre 1984 et 1986, étaient introduites les mesures de formation en alternance et les travaux d’utilité collective.

— Entre 1986 et 1988, le plan d’urgence pour l’emploi des jeunes a poursuivi le développement des formations en alternance, a rénové l’apprentissage, a institué les stages de préparation à l’emploi et a apporté des aménagements aux TUC. Ce dispositif organisait en outre l’accueil et l’orientation des jeunes de niveau égal ou inférieur au niveau V. Les embauches étaient favorisées par un ensemble d’exonérations.

— Entre 1988 et 1991, trois plans pour l’emploi se sont succédés. L’Etat a aidé chaque année environ 800.000 jeunes à obtenir un contrat de travail ou à acquérir une formation complémentaire grâce aux formations en alternance, ainsi qu’aux travaux d’utilité collective. Les contrats emploi solidarité ont été créés en 1990, tandis que les contrats de retour à l’emploi et les actions d’insertion et de formation comptaient 570.000 bénéficiaires. En 1991, 100.000 places supplémentaires ont été proposées en contrat emploi solidarité et le crédit formation individualisé jeunes (CFI) a été étendu à des adultes. Le nombre d’allocataires du RMI a augmenté dans les dispositifs concernés (AIF, CES, CRE).

En 1992, est mis en œuvre le programme PAQUE dont l’objet était de préparer les jeunes en difficulté à une formation qualifiante ou à un premier emploi dans le cadre d’une obligation de partenariat entre les organismes de formation et un réseau d’entreprises. Le programme « 900.000 chômeurs de longue durée », quant à lui, accentue le financement des dispositifs d’insertion.

Les différents plans pour l’emploi et la formation, qui se sont ainsi succédé, faisaient tous appel à une même nature de remèdes sans que les structures servant de support à la mise en œuvre des dispositifs aient été modifiées. Ces plans se sont révélés très coûteux. Ainsi le plan d’urgence pour l’emploi des jeunes et ses prolongements a coûté près de 13 milliards de F. pour 500.000 embauches supplémentaires, alors qu’on dénombrait 730.000 entrées de jeunes dans les dispositifs en 1986 et près d’un million en 1987.

Cette succession de dispositifs a rendu le système très complexe puisque de très nombreuses formules de stages se sont surajoutées et on peut ainsi parler d’empilement des mesures les unes sur les autres. Les mesures fondées sur les exonérations sont assez diversifiées selon qu’elles portent sur la part patronale des cotisations de sécurité sociale, l’ensemble des charges sociales, ou selon qu’elles sont aménagées en fonction de la taille de l’entreprise. Les mesures d’insertion varient de plus en plus en fonction de la nature et des caractéristiques des publics visés. En effet, ces mesures sont censées bénéficier à des « populations cibles » ou à des publics prioritaires en raison de leur diversification par âge, par sexe et par niveau de qualification. De nombreuses formules se sont ainsi concurrencées et même recoupées. Par exemple, l’échec des programmes d’insertion locale (PIL) a été dû à la concurrence exercée par les travaux d’utilité collective (TUC).

Cette complexité nuit à l’efficacité du système.

Les personnes ayant des difficultés d’insertion sont particulièrement vulnérables. Comment penser sérieusement qu’elles puissent s’orienter dans les stages et savoir où ils les mènent alors que les meilleurs spécialistes sont eux-mêmes déroutés pour percevoir les finalités de dispositifs devenus peu lisibles ?

2. — La nécessité d’unifier les formules d’insertion et de formation professionnelle

Des regroupements de formules ont été tentés dans le cadre d’un réaménagement des dispositifs.

En 1989, plusieurs formules ont été fusionnées. Certaines mesures d’insertion et de formation sont devenues transversales et polyvalentes et l’effort a été concentré en faveur de publics dits prioritaires : les chômeurs de très longue durée, c’est-à-dire de plus de trois ans, les chômeurs de plus de 50 ans, bénéficiaires du RMI et les handicapés. Les activités d’intérêt collectif pour les jeunes et les adultes ont été regroupées en une seule formule, le contrat emploi-solidarité (CES). Le contrat de retour à l’emploi (CRE) a regroupé l’ancien contrat de réinsertion en alternance ainsi qu’une formule expérimentale de retour à l’emploi. Les activités d’insertion et de formation résultent du regroupement de trois anciennes actions destinées aux chômeurs de longue durée : les stages de réinsertion en alternance, les stages modulaires et les stages FNE-CLD (chômeurs de longue durée).

Du fait de l’amélioration temporaire de la situation de l’emploi en 1989-90, l’accent est alors mis plutôt sur l’amélioration de la qualité de la formation. Les actions de formation sont plus courtes et mieux adaptées à l’emploi. Une seule mesure nouvelle d’aide à l’insertion, « l’Exo-jeunes », est mise en place en faveur de l’insertion des jeunes sans qualification.

Mais avec la dégradation de la situation de l’emploi, ces améliorations ne sont pas suivies d’effet. Les objectifs redeviennent contradictoires. Un nouveau redéploiement des dispositifs est opéré, qui vise à utiliser toute une palette de formules depuis le « tout formation » jusqu’à l’insertion par une embauche exonérée. Dans le meilleur cas, l’appellation d’une formule se substitue à une autre. Mais la politique de formation et d’insertion devient contradictoire. D’une part, la politique qualitative tend à définir clairement les parcours d’insertion pour répondre à des situations difficiles et améliorer les chances d’insertion sociale et professionnelle. D’autre part, la nécessité d’un traitement de masse pousse à multiplier les dispositifs, ce qui entraîne à nouveau des effets de concurrence et de recoupement entre les mesures nuisant à l’efficacité d’ensemble du système. Par exemple, le contrat d’orientation remplace le SIVP. Les formules se compliquent à nouveau. Le contrat local d’orientation tend à se substituer au CES pour les jeunes et crée pour ces derniers une formule spécifique. En marge du crédit formation individualisé est institué le programme PAQUE.

Dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993, le contrat d’insertion professionnelle (CIP) visait à regrouper et simplifier deux formules d’alternance des jeunes, le contrat d’adaptation et le contrat d’orientation. Mais la suppression du contenu en formation, demandée par le gouvernement, contrairement à la volonté exprimée par la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, dénaturait les contrats de formation en alternance qu’il était censé remplacer.

Comme l’observe le rapport du Groupe emploi du Commissariat général du Plan dans le cadre du IXème Plan, « On ne peut parler de parcours individualisés et définis face à un ensemble de mesures qui par leur raffinement et parfois la diversité des organismes gestionnaires, rendent très difficiles tout passage de l’une à l’autre ».

Face à cette mosaïque de stages et de contrats, une véritable politique de simplification et d’unification s’impose donc pour réaménager les dispositifs et définir des objectifs clairs.

II. — RATIONALISER LES SOURCES DE FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La simplification et la clarification de la formation professionnelle passent évidemment par une plus grande transparence budgétaire et une meilleure maîtrise des contributions obligatoires des divers mécanismes incitatifs.

A. — MIEUX CERNER L EFFORT BUDGÉTAIRE DE L’ETAT

L’article L. 941-3 du code du travail dispose que les crédits affectés par l’Etat au financement des actions de formation professionnelle continue sont inscrits soit au budget des services du Premier ministre, soit au budget des ministères concernés. Un document regroupant les crédits demandés pour l’année suivante et retraçant l’emploi de ceux qui ont été accordés pour l’année antérieure et pour l’année en cours est présenté chaque année à l’appui du projet de loi de finances. Ce document, appelé « jaune formation professionnelle », retrace également l’emploi de la participation à laquelle sont tenus les employeurs et comporte un état des ressources et des dépenses des fonds régionaux de l’apprentissage et de la formation professionnelle pour l’année antérieure et pour l’année en cours.

Ce tableau de l’effort de l’Etat en faveur de la formation professionnelle a pour objet de présenter de façon synthétique les crédits de l’enveloppe. Il s’agit non seulement du projet de budget mais aussi d’un bilan annuel de la formation professionnelle. Il peut fournir au Parlement une information utile, mais, du fait de son caractère ambigu et incomplet, il ne donne pas une vision satisfaisante de l’ensemble des crédits de la formation professionnelle. L’actuelle présentation des imputations budgétaires ne permet pas de cerner clairement l’effort budgétaire en faveur de la formation professionnelle.

1. — La confusion et les lacunes de la présentation des dotations budgétaires

Le montant du budget de la formation professionnelle diffère selon que l’on considère l’ensemble des crédits de l’enveloppe interministérielle ou la présentation par nature économique des crédits de formation professionnelle du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. La présentation des crédits inscrits change selon que l’on considère les dépenses de l’enveloppe d’après leur nature et celles imputées au ministère du travail, selon l’intitulé des actions.

Dans les crédits de l’enveloppe répartis selon leur nature, entre les dépenses liées directement à la formation professionnelle et à l’apprentissage, figurent également « les actions associées à la formation professionnelle ». Ces actions associées recouvrent des actions d’insertion qui n’ont pratiquement pas de contenu en formation, comme les CES ou les CRE.

La présentation du montant des exonérations de charges sociales dans l’enveloppe est également peu claire. Aucune précision n’est apportée sur le budget auquel elles sont rattachées, c’est-à-dire le budget des charges communes. Si les exonérations liées aux contrats de qualification et à l’apprentissage sont clairement isolées, aucune précision n’est donnée en ce qui concerne les autres.

La répartition des crédits inscrits au ministère du travail ne contribue pas, elle non plus, à une meilleure appréhension de l’effort de l’Etat. C’est ainsi qu’au chapitre budgétaire 43-04 (rémunération des stagiaires) figurent, outre les dépenses de rémunération des stagiaires du Fonds de la formation professionnelle, de l’AFPA ou du FNE, les frais de gestion du Centre national pour l’aménagement des structures agricoles qui assure le paiement d’une partie des stagiaires de la formation professionnelle.

La pratique des reports empêche également le suivi des crédits de la formation professionnelle, d’autant que ces reports concernent des montants importants : 9,6 milliards de F. pour les crédits des chapitres du titre IV de 1991 sur 1992, 7,7 milliards de F. de 1992 sur 1993. Même si l’existence de reports peut s’expliquer en partie pour certaines actions de formation dont les dépenses de fonctionnement peuvent s’échelonner sur deux années, il n’en est pas de même pour les chapitres du titre VI qui ne servent pas à financer des actions de formation, mais font néanmoins l’objet de reports importants.

On se heurte, en outre, à l’impossibilité de prévoir précisément le montant des remboursements en provenance du Fonds social européen. En 1992, ces fonds de concours ont représenté 3,4 milliards de F.

L’habitude prise d’inscrire des provisions dans le budget de la formation professionnelle ne simplifie pas non plus la lisibilité de l’ensemble. Il en est ainsi, par exemple, de la provision inscrite au chapitre 44-75 (mesures exceptionnelles en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle) du budget des charges communes dont la répartition à l’intérieur des différents chapitres du budget du ministère du travail, et, à l’intérieur de chacun d’entre eux, la ventilation entre les articles et les paragraphes, n’est pas guidée par des impératifs de transparence et de clarté. Ces répartitions ont représenté, en 1992, près de 10 milliards de F. C’est sur ce chapitre que doivent être financées, en 1994, à partir d’une provision de 600 millions de F., les mesures nouvelles de la loi quinquennale sur l’emploi.

2. — Permettre une meilleure perception des crédits budgétaires de la formation professionnelle

La présentation des crédits de la formation professionnelle n’est pas susceptible de fournir une perception claire de l’effort de l’Etat et, par voie de conséquence, d’une bonne utilisation des crédits publics. L’intention du législateur de 1971 était double : d’une part, obtenir chaque année un document complet sur les crédits demandés pour le budget de l’année suivante et, d’autre part, disposer d’une vue d’ensemble sur l’emploi de la contribution obligatoire des employeurs à l’effort de développement de la formation professionnelle. Or le tableau de l’enveloppe de formation professionnelle figurant dans ce qu’il est convenu d’appeler le « jaune » budgétaire est incomplet. Ainsi, il ne rend pas compte de la formation professionnelle continue des publics autres que les agents de l’Etat, si ce n’est au budget du ministère de l’Education nationale ; au demeurant, toutes les dépenses de ce ministère ne sont pas indiquées dans le tableau et, au surplus, certaines d’entre elles ne sont pas homogènes. Aucune indication précise n’est fournie dans « le jaune » sur les crédits relatifs aux congés et aux conventions de conversion ni à la formation économique, sociale et syndicale.

Aucune indication précise n’est non plus fournie sur la nature des actions de l’année suivante financées sur le budget des ministères autres que celui du travail, notamment l’Artisanat et le commerce, la Jeunesse et les sports et le Tourisme.

Les actions menées au profit des jeunes de l’éducation surveillée ou des détenus de l’administration pénitentiaire ne sont pas recensées dans le tableau de la formation professionnelle.

Au total, peu de ministères sont cités alors que les ministères consentent un effort de formation professionnelle, comme en témoigne, par exemple, le CFPP du ministère de l’Economie et des finances.

Une modification de la nomenclature budgétaire s’impose désormais avec d’autant plus d’acuité que déjà, en 1990, le Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics proposait dans un rapport de M. Pierre Bolotte, une révision d’ensemble de cette nomenclature. Il serait souhaitable dans cet esprit que le budget de la formation professionnelle puisse indiquer clairement la répartition des crédits par catégorie d’actions de formation et par organisme. Les prévisions de consommation des crédits doivent être mieux étudiées afin de limiter au maximum la pratique des reports qui nuit à la sincérité et à la clarté de la présentation.

B. — REMÉDIER AUX INSUFFISANCES DES CONTRIBUTIONS OBLIGATOIRES PAR DES MÉCANISMES RÉELLEMENT INCITATIFS ET CONtrÔLÉS

Le financement de la formation professionnelle en provenance des entreprises n’est pas non plus très satisfaisant. Ce constat devrait conduire à instituer des mécanismes réellement incitatifs et contrôlés.

1. — Les insuffisances du système de l’effort légal de formation professionnelle

L’effort général des entreprises en faveur de la formation professionnelle est considérable. Au total elles contribuent dans la proportion de plus de 41 % au financement final de la formation professionnelle. Cet effort a été favorisé par l’institution, en 1971, d’une obligation de dépenses de formation continue assise sur les salaires. Ainsi la participation des entreprises au développement de la formation continue a été multipliée par 3,5 en francs constants entre 1972 et 1992.

Mais ces résultats financièrement satisfaisants ne doivent pas occulter les insuffisances du système.

a. — La participation des entreprises au développement de la formation professionnelle

Le système actuel de financement de la formation professionnelle repose très largement sur un système de contribution obligatoire des entreprises. Toutes les entreprises sont tenues de souscrire une déclaration fiscale retraçant leur action en la matière.

Concrètement, l’obligation de contribuer à la formation professionnelle permanente se traduit par l’institution du 1,5 % formation conçu comme une incitation à s’impliquer dans la formation. En effet, toute entreprise, quel que soit son effectif, doit concourir au développement de la formation professionnelle continue en participant chaque année au financement d’actions de formation ou de bilans de compétences, le montant de la participation variant selon la nature et l’effectif de l’entreprise. On rappellera que dans les entreprises de 10 salariés et plus, ce montant est fixé à 1,5 % de la masse salariale brute, ce pourcentage étant porté à 2 % pour les entreprises de travail temporaire. Dans les entreprises de moins de 10 salariés, la contribution est égale à 0,15 % des salaires payés au cours de l’année civile. Pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non salariées, y compris ceux n’employant aucun salarié, elle est fixée à 0,15 % du montant annuel du plafond de la Sécurité sociale.

A cette obligation de dépense, s’ajoute la contribution spécifique pour les financements de congé individuel de formation en faveur des salariés sous contrat à durée déterminée.

b. — Les versements libératoires

La loi a introduit un système de versements libératoires dont la complexité et les effets pervers entraînent des dysfonctionnements dans le développement de la formation professionnelle.

Par ailleurs, dans la mesure où les versements libératoires peuvent avoir d’autres fins que des actions de formation des personnels de l’entreprise, le système de l’obligation légale n’a pas permis d’améliorer les disparités d’accès à la formation professionnelle.

Ainsi, bien qu’elle soit largement diffusée au sein des entreprises, la formation professionnelle reste fortement différenciée suivant l’âge, le sexe et la catégorie professionnelle des salariés. Mais ce sont les inégalités liées à des caractéristiques structurelles, comme la taille et le secteur d’activité de l’entreprise, qui restent prépondérantes.

Les chances d’accès à la formation professionnelle sont très variables selon les catégories de salariés : les ingénieurs et cadres d’une part, les techniciens et agents de maîtrise, d’autre part, sont encore privilégiés.

L’inégalité de l’effort de formation professionnelle selon la taille de l’entreprise n’a pas été atténuée par le système de l’obligation légale. Ainsi apparaît-il clairement que celui-ci n’a pas encore permis de corriger la faiblesse de la formation dans les PME.

Les plus petites entreprises initialement assujetties aux dispositions de la loi de 1971, c’est-à-dire celles comptant de 10 à 19 salariés, se situent encore, pour 80 % d’entre elles, au minimum de l’obligation de dépenses, et leur participation évolue pour l’essentiel en fonction des transformations du cadre légal. En 1987, deux petites entreprises sur trois ne comptaient pas de stagiaires, alors que seulement une entreprise sur cent de plus de 2.000 salariés était dans ce cas. La crise crée des facteurs de ralentissement supplémentaires dans les petites entreprises.

L’effort de formation croît donc avec la taille de l’entreprise ; ainsi, le taux de participation plafonne à 1,26 % pour les entreprises de 10 à 19 salariés, mais atteint 5,12 % pour les entreprises de 2.000 salariés et plus.

Tous ces indicateurs témoignent de la permanence des difficultés que rencontrent le développement et la prise en charge de la formation professionnelle continue dans la gestion et la stratégie des petites entreprises, et montrent que l’obligation légale est restée, pour les PME, un prélèvement à caractère fiscal.

Enfin les disparités sectorielles s’accroissent.

Les entreprises de 10 salariés et plus peuvent s’acquitter de leur participation au développement de la formation professionnelle continue en effectuant au choix différentes dépenses qui peuvent être combinées entre elles. Ainsi peuvent-elles participer au financement direct des actions de formation au bénéfice de leur personnel dans le cadre du plan de formation ou d’un engagement de développement de la formation professionnelle (EDDF) avec l’Etat. Elles peuvent également s’acquitter de leurs obligations par des versements libératoires qui n’ont pas de contrepartie directe au bénéfice du personnel de l’entreprise. L’entreprise n’a, en effet, d’autre justification à apporter que celle d’avoir versé sa participation ou une partie de celle-ci à un organisme agréé ou habilité.

L’employeur peut aussi déduire du montant de sa participation l’intégralité de sa cotisation pour le financement du congé individuel de formation, les cotisations versées au fonds d’assurance formation, la contribution pour frais de Chambre de commerce et d’industrie, ainsi que la contribution au financement des actions de formation en alternance des jeunes.

L’employeur peut encore s’acquitter de ses obligations par la déduction du montant de la participation des versements libératoires facultatifs. Il peut ainsi par exemple déduire les cotisations versées par l’entreprise à un ou plusieurs fonds d’assurance formation auxquelles elle adhère librement ou les versements effectués par l’entreprise auprès d’organismes de formation dans le cadre d’actions de formation en faveur des demandeurs d’emploi.

Ce système n’est guère satisfaisant car il encourage les entreprises à dépenser inconsidérément. En effet, pour s’acquitter de leur obligation légale beaucoup d’entreprises en sont venues tout simplement à dépenser pour dépenser sans se préoccuper de l’utilité de ce qui devrait constituer un véritable investissement dans la compétence de leurs salariés.

Comme l’a noté lors de son audition M. Claude Blondel, Président du Conseil de gestion de la FPPS et ancien secrétaire général de la Formation professionnelle de 1974 à 1980, l’obligation légale contraint « les entreprises à verser de l’argent à des organismes qui ne l’utilisent pas toujours comme ils le devraient. Ce système rigide est une source de dysfonctionnements, et il peut avoir des effets pervers ».

Certains secteurs (énergie, transports, banques) ont une forte tradition de formation continue, car ils utilisent depuis longtemps et massivement la formation dans la gestion de leur main-d’œuvre. Dans d’autres secteurs, qui sont en position intermédiaire, le recours à la formation est supérieur à la moyenne. Font partie de ce groupe des secteurs industriels — producteurs de biens d’équipement et de biens intermédiaires — ainsi que la parachimie-pharmacie, les assurances, les services non marchands.

Enfin, certains secteurs se contentent d’un effort de formation proche du minimum légal : cette catégorie regroupe l’ensemble des industries de biens de consommation, le BTP et quelques secteurs industriels (papier-carton, travail des métaux, construction mécanique), certaines activités commerciales (commerce alimentaire, réparation et commerce automobile, hôtels-cafés-restaurants) ainsi que les services marchands aux particuliers et la location-crédit-bail immobilier.

c. — L’utilité du maintien de l’obligation légale

Il convient de rappeler que beaucoup d’entreprises, souvent d’ailleurs les plus grandes, se préoccupaient depuis longtemps et de leur propre initiative de la formation de leurs salariés.

Ainsi dans les grandes entreprises les efforts de formation sont plus importants que l’effort légal. Parmi celles-ci, en effet, plus de quatre sur cinq ne sont pas concernées par le taux légal.

En revanche, dans les autres entreprises, l’obligation de dépenses est ressentie comme une contrainte fiscale supplémentaire anonyme et l’on peut se demander si cette obligation a contribué à faire évoluer leurs pratiques de formation.

Certains en viennent donc à suggérer la suppression de l’obligation légale en s’appuyant notamment sur le fait que, globalement, la progression de l’effort de formation professionnelle dans notre pays a été très forte. En 1972, ce taux était de 1,35 %. En 1982, il s’est élevé à 1,82 %, en 1986 à 2,3 %, pour atteindre 3,3 % en 1992.

C’est, notamment, le cas de M. André Ramoff, ancien délégué à la Formation professionnelle qui s’est ainsi exprimé devant votre Commission « (...) Personnellement, je ne suis pas tout à fait sûr que le maintien de l’obligation légale soit aujourd’hui aussi solidement établi qu’il a pu l’être il y a dix ans ou même il y a cinq ans. (...) Je ne sais pas ce qui se passerait si l’on décidait de remplacer l’obligation légale par un autre dispositif. N’y aurait-il pas un très grand risque d’effondrement des pratiques d’un certain nombre d’entreprises ? Je serais tenté de penser que non en m’appuyant sur des élément de comparaison internationale. Compte tenu de la crise économique, les entreprises britanniques par exemple ont relâché considérablement leur effort de formation alors que les entreprises françaises n’ont pas eu le même comportement Ce qui tendrait à établir le fait qu’elles ont dans la formation une foi plus grande que leurs voisines d’outre-manche ».

Si, globalement, on peut parler du caractère irréversible de l’effort de formation professionnelle, force est de constater cependant que beaucoup d’entreprises consentent encore un effort proche du minimum légal. On a pu ainsi mesurer cela lors des relèvements successifs du taux légal de contribution intervenus dans le passé. 76 % des employeurs (77.500 entreprises sur 102.000 déclarations) ont été, par exemple, concernés, en 1992 et 1993, par les majorations de l’obligation légale de 1,4 % en 1992 et 1,5 % en 1993.

On peut également observer une certaine tendance à une stabilisation, au point que l’on peut se demander si l’on n’a pas atteint aujourd’hui un palier dans le développement de l’effort. De plus, le produit de la perception des sommes acquittées par les entreprises au titre de l’obligation légale pourrait se rétracter si se confirmait le ralentissement de la progression de la masse salariale dû à la récession économique.

Votre Rapporteur estime donc qu’il peut être séduisant de supprimer la contribution légale mais qu’en l’état actuel des choses cela serait fort prématuré. Il lui paraît préférable d’en corriger les effets néfastes par des compléments incitatifs mieux ciblés.

2. — Instituer des mécanismes réellement incitatifs et contrôlés

Il existe déjà des mécanismes d’incitation au développement de la formation professionnelle, dont l’avantage est d’être en principe mieux ciblés sur les objectifs directs de formation professionnelle dans les entreprises et dans les branches.

Le crédit d’impôt formation institué par l’article 69 de la loi de finances pour 1988 permet aux entreprises imposées d’après leur bénéfice réel et consentant un accroissement des dépenses de formation de leurs salariés, de bénéficier d’une réduction d’impôt de 25 % de l’effort financier supplémentaire qu’elles consentent. Elles doivent en contrepartie s’engager à augmenter leurs dépenses de formation pendant trois ans.

Pendant les premières années, le crédit d’impôt a été un succès. En 1988, plus de 46.000 entreprises avaient déposé une déclaration fiscale et plus de la moitié de ces déclarations provenaient d’entreprises de moins de 10 salariés. En 1988, un quart des entreprises de plus de 10 salariés avaient aussi augmenté leur participation financière par rapport à l’année antérieure.

Plus incitatif, le crédit d’impôt permet de motiver davantage les entreprises vers la formation. Même si la lourdeur du système déclaratif rebute quelquefois, il reste un très bon système. Il a pourtant largement pâti des effets de la crise économique.

Si un nombre plus important d’entreprises ont opté, entre 1991 et 1993, pour le crédit d’impôt, elles l’ont fait en moyenne pour des montants moins élevés que par le passé. Ainsi, l’effort financier moyen par entreprise est passé de 47.000 F. en 1988 à 37.000 F. en 1991.

Dans ces conditions, l’incitation fiscale, que certains conçoivent comme une alternative, doit encore être améliorée. M. André Ramoff, déjà cité, a ainsi suggéré que « le crédit d’impôt pourrait d’abord être consolidé, c’est-à-dire répété de période en période, éventuellement renforcé dans sa quotité de façon à être un peu plus incitatif qu’il ne l’est depuis son institution ».

Outre le renforcement du crédit d’impôt, d’autres aides au développement de la formation pourraient être envisagées. Aussi les engagements de développement de la formation (EDDF), qui ont pour but de permettre aux entreprises, ou groupes d’entreprises, de substituer à une obligation légale une obligation contractuelle aux termes de laquelle des objectifs de formation sont définis en fonction de l’évolution économique et sociale du secteur d’activité des entreprises concernées, devraient-ils être plus systématiquement encouragés. Conclus entre le préfet de région et l’employeur ou une organisation professionnelle ou interprofessionnelle, ces engagements s’accompagnent de l’attribution d’une aide publique portant sur les frais de fonctionnement des actions de formation.

Le taux de prise en charge par l’Etat est modulé en fonction de la nature du projet, du type d’entreprise, de l’importance de l’effort de formation supplémentaire, de l’existence d’objectifs spécifiques, de la participation éventuelle d’autres partenaires et du coût des formations proposées par rapport au coût du marché. Cette approche plus globale de la formation permet incontestablement de remédier à l’émiettement incontrôlé des actions de formation qui nuit à son efficacité.

Devant votre Commission, M. André Ramoff, déjà cité, a justifié ainsi le principe de tels engagements : « (...) il s’agirait d’appliquer un correctif un peu plus dirigiste, si je puis risquer cette expression un peu forte. Ce correctif serait fondé sur les engagements de développement de la formation et sur l’identification contractuelle d’objectifs considérés comme prioritaires du point de vue du développement économique dont l’Etat a la responsabilité globale ».

L’examen des structures de collecte des fonds de la formation professionnelle montre qu’une clarification des circuits de financement de la formation professionnelle s’impose.

III. — CLARIFIER LES CIRCUITS DE FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE L’APPRENTISSAGE

Les pouvoirs publics doivent s’attacher en la matière à poursuivre deux objectifs : réorganiser la structure de la collecte et empêcher les déperditions financières de chaque circuit.

A. — RÉORGANISER LES StrUCTURES DE LA COLLECTE

L’analyse de l’architecture de la collecte des fonds de la formation professionnelle débouche sur un double constat de confusion et d’opacité qui ne peut qu’inciter à la mise en place de structures de collecte plus transparentes et plus ramassées. En outre les limites que rencontre la mutualisation permettent de se convaincre de la nécessité d’une rénovation de cette fonction impartie aux collecteurs.

1. — Un double constat d’opacité et de confusion

a. — La variété des organismes collecteurs

Cette variété résulte du caractère protéiforme de leurs activités et de la diversité de leur statut.

Les associations de formation (ASFO) avaient pour vocation première de promouvoir la formation dans les entreprises en application de politiques définies par les groupements professionnels ou interprofessionnels. Constituées sous la seule égide des organisations d’employeurs, certaines d’entre elles ont cependant été agréées pour collecter la part de la contribution obligatoire affectée aux formations en alternance en tant qu’organismes mutualisateurs agréés (OMA). Ceux-ci ont mis en place en leur sein un conseil de perfectionnement à composition paritaire. Les ASFO peuvent donc non seulement organiser des formations pour les entreprises et dispenser celles-ci mais également remplir une fonction de collecte.

A la différence des ASFO, les fonds d’assurances formation (FAF) n’assurent pas cette fonction de formation ; créés paritairement pour collecter les sommes relatives au financement du plan de formation, ils peuvent cependant recueillir aussi les contributions des entreprises en étant agréés au titre de l’alternance comme organismes mutualisateurs agréés (OMA) ou au titre du congé individuel de formation comme organismes paritaires du congé individuel de formation (OPACIF).

Si les ASFO ont le statut d’association, les fonds d’assurance formation sont, aux termes de l’article L. 961-8 du Code du travail, simplement dotés de la personnalité morale. Certains fonds se sont bornés dans leur convention constitutive à faire référence à cette disposition, d’autres ont créé spécialement pour la gestion de leurs fonds des associations : tantôt celles-ci apparaissent clairement dans la convention constitutive (Promofaf, Agefaforia), tantôt elles n’apparaissent pas (Fafcase). Si le statut des FAF n’est pas ambigu, le fait que la Cour de cassation l’ait considéré comme dérogatoire aux dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association conduit à se demander pour quelles raisons le législateur n’a pas voulu exploiter toutes les virtualités du droit des associations. On peut penser que le recours au statut d’association aurait le mérite d’éviter d’avoir ces structures superposées que l’on rencontre dans certains FAF, où le conseil de gestion du fonds se double d’un conseil d’administration d’une association de gestion du fonds, la composition de ces deux conseils étant par ailleurs identique.

Si elles se différencient organiquement des ASFO dans la mesure où elles constituent des établissements publics « à double visage » suivant la terminologie de la doctrine administrative, certaines chambres de commerce et d’industrie, dans les faits, remplissent des fonctions proches de celles des ASFO. En effet, elles collectent la participation des employeurs à la formation professionnelle continue dans le cadre de conventions triennales conclues en tant qu’organismes de formation.

Cependant la diversité de ces statuts ne rend pas compte à elle seule du caractère touffu de l’organisation de la collecte qu’accentuent la multiplicité des collecteurs et la pratique de la sous-traitance.

b. — La multiplicité des collecteurs

Le cumul de plusieurs agréments par une même structure (plan de formation, OMA, OCA pour la collecte des fonds émanant d’entreprises de moins de 10 salariés, CIF) rend difficile toute totalisation des organismes collecteurs paritaires. C’est la raison pour laquelle la Délégation à la formation professionnelle n’avance pas de statistiques précises mais une estimation de ces organismes collecteurs. Ainsi a-t-elle indiqué à votre Rapporteur que le nombre de ces organismes est « de l’ordre de 255 ». 144 d’entre eux n’atteignent pas 15 millions de F. de collecte et 211 n’atteignent pas 50 millions de F. Mais, même au sein de cette évaluation, le chiffre retenu pour les OMA n’est pas fiable. Le nombre d’OMA recensés par la délégation (199) ne correspond pas aux chiffres de l’Agefal, instance paritaire chargée de gérer le compte unique de l’alternance émanant des excédents financiers des OMA, pour qui le nombre d’OMA est de 197.

Parmi ces collecteurs, le CNPF déclare connaître 170 ASFO, tandis que la Délégation à la formation professionnelle en a recensé 142 et l’Agefal 133.

Un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances consacré au contrôle des organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue et des dispensateurs de formation, paru en janvier 1992, a dénombré 96 FAF de salariés, cet ensemble se décomposant en 48 FAF nationaux, 23 FAF interrégionaux ou régionaux, 20 interdépartementaux ou locaux et 5 d’entreprises. Parmi ces 96 FAF, 45 sont des FAF de branche ou de métiers et 51 des interprofessionnels ou FAF d’entreprise. Ces chiffres n’appréhendent toutefois qu’une part de la réalité dans la mesure où ils ne tiennent pas compte des démembrements locaux des FAF agréés à l’échelon national. Ainsi le plus important d’entre eux, l’Afos-PME, dispose au plan local de 22 sections (Agefos-PME) tandis que le GFC-BTP a comme relais 24 associations régionales de formation. Ce tableau serait en outre incomplet si l’on ne faisait mention de l’existence de quatre FAF de non-salariés créés soit par des organisations syndicales d’employeurs représentatives et des chambres de commerce et d’industrie, soit par des organisations syndicales représentatives de professions libérales. En outre pour situer l’influence des chambres de commerce et d’industrie, déjà évoquées, il faut savoir que si 117 OMA sont interprofessionnels, 12 d’entre eux s’inscrivent dans la mouvance de chambres de commerce et d’industrie, ces dernières ayant par ailleurs été nombreuses à jeter des OMA sur les fonds baptismaux.

Si un certain nombre de ces structures sont issues de la volonté de branches professionnelles bien organisées de conserver l’argent recueilli au bénéfice de leurs ressortissants, l’appartenance à une branche n’est pas toujours synonyme d’unicité des organismes de collecte. Ainsi la branche du BTP compte deux FAF : le GFC-BTP réservé aux entreprises de plus de dix salariés et le Fafsab pour les entreprises de moins de dix. De la même façon, la collecte des fonds de l’alternance revient, toujours pour la même branche, au CCCA pour les entreprises de moins de dix salariés et au GFC-BTP pour les entreprises de plus de dix salariés. La presse, l’imprimerie et l’agriculture, notamment, partagent également ce point commun avec l’industrie du bâtiment.

Il faut ajouter 67 OPACIF dont 38 seulement relèvent du champ de compétences du Comité paritaire agréé du congé individuel de formation (Copacif), chargé notamment de structurer le réseau des OPACIF et de préciser les modalités de mise en œuvre du CIF et 75 organismes collecteurs agréés au titre de la contribution des employeurs occupant moins de dix salariés (OCA).

Rapportés à la collecte enregistrée en 1992, les organismes se répartissent ainsi : les OMA reçoivent 5,8 milliards de F., les FAF, 4,4 milliards, les OPACIF, 2 milliards et les OCA, 1 milliard.

Si la majorité des collecteurs recueillent eux-mêmes les fonds de la formation professionnelle, il arrive qu’ils sous-traitent cette fonction, rendant encore plus opaque l’architecture de ce système.

La collecte est ainsi parfois assurée par des institutions de retraite et de prévoyance ou des caisses spécialisées : l’AGRR pour le FAF des salariés des entreprises de charcuterie, la Caisse nationale de retraite des ouvriers du bâtiment et des travaux publics pour le GFC-BTP, les caisses de congés payés pour le CCCA tandis que l’IFRL a délégué cette mission aux chambres de commerce et d’industrie. Pour les non-salariés, le recouvrement est effectué par l’URSSAF. Certains FAF comme le Fafsov, qui s’adresse aux métiers de la viande, ont créé une association de collecte de taxes. Enfin la Commission a rencontré le cas de collecteurs auxquels d’autres collecteurs n’ayant pas de personnels ont délégué la gestion de leurs ressources. Ainsi le Faf Uniformation se charge de la gestion du Fafirc, du Faf Pharmacie et du Faf Etucoop, tandis que le FAF des professions libérales reverse au FAF des travailleurs intellectuels pour les salariés (Faftis) les cotisations des offices notariaux. Le tableau ci-dessous permet de situer les part respectives des FAF et des ASFO dans la collecte des fonds de l’alternance :

Répartition des OMA selon le montant de la collecte (0,4 % et 0,1 %)
(Année 1992)

En millions de F.

Types d’OMA < 1 MF 1 à 5 MF 5 à 100 MF > 100 MF Total
nombre montant nombre montant nombre montant nombre montant nombre montant
FAF 2 16 8 38 43 977 4 1.015 57 2.046
ASFO 5 3 24 72 107 1.906 6 1.378 142 3.359
Total 7 19 32 110 150 2.883 10 2.393 199 5.405

Source : Ministère du travail, de 1 Emploi et de la Formation professionnelle.

On constate ainsi que les ASFO occupent une place prépondérante dans la collecte des fonds de l’alternance puisqu’ils représentent 71 % des collecteurs et 62 % du montant de la collecte. Par ailleurs ce tableau met en évidence le nombre de petits collecteurs puisque 20 % des OMA ont une collecte inférieure à un million de F.

L’effet conjugué de cette multiplicité de structures de collecte qui se refusent à définir une taille critique et de la concurrence à laquelle elles se livrent explique qu’elles soient plusieurs à remplir des fonctions identiques sur un même territoire. Comme l’observe un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances sur l’apprentissage et les dispositifs de formation en alternance sous contrat de travail paru en mars 1994 : « Il n’a pas été conçu de carte des OMA ni de principe clair de rattachement des entreprises à un OMA selon une logique de branche ou en fonction de critère géographique. Ces rattachements ont évolué au gré des rapports de force et restent confus ». Ainsi le département des Hauts-de-Seine peut se flatter d’avoir quatre ASFO alors qu’une ASFO et trois FAF se partagent la collecte de la région Alsace et que sept ASFO sont recensées dans le seul département du Nord. Cette multiplicité ne signifie pas pour autant cloisonnement. Par exemple, l’Asfo Côte d’Azur est antenne de l’Agefos-PME locale, qui est un FAF, et emploie à ce titre du personnel qui effectue des missions pour l’Agefos. De même si le Faf de Haute-Alsace s’est partagé le marché de la collecte avec l’Asfo Alsace — l’industrie étant affectée à l’Asfo Alsace alors que le commerce et les services reviennent au Faf Haute-Alsace —, le FAF assure la gestion administrative et financière de l’Asfo dans les arrondissements de Mulhouse, Thann et Altkirch.

En favorisant les doubles emplois et en multipliant les frais de gestion, en gelant des fonds considérables en de nombreux endroits du territoire, ces structures échappent à toute logique cohérente.

c. — L’incitation à la mise en place de structures de collecte plus transparentes et plus ramassées

Si l’on s’accorde à reconnaître la nécessité de refondre les circuits de collecte des fonds de la formation professionnelle, les options qui s’offrent pour engager ces réformes sont variées. Certaines sont radicales et ne résolvent pas les problèmes posés par la mutualisation des fonds. D’autres plus réalistes présentent le mérite de simplifier les structures tout en préservant la mutualisation. Parmi les solutions les plus extrêmes pour remettre en cause ce dispositif, on pourrait imaginer que les contributions actuelles soient remplacées par des taxes parafiscales dont le Ministère des finances assurerait le recouvrement et la gestion. Outre qu’elle excluerait sans ménagement les partenaires sociaux, il n’est pas sûr qu’une telle démarche permettrait un meilleur emploi des fonds collectés mais elle pourrait trouver sa pleine justification si les partenaires sociaux se refusaient à prendre conscience de la nécessité de réformer le système de collecte. Il pourrait être également exigé que les entreprises se chargent elles-mêmes des dépenses de formation, ce qui aurait pour effet d’entraîner la disparition des collecteurs. Cette possibilité, qui a les faveurs de certains organismes de formation mais laisserait en suspens le problème de la mutualisation pourrait être exploitée par les entreprises ayant plus de 500 salariés, les entreprises ayant des effectifs inférieurs n’étant pas en mesure en revanche de s’engager sur cette voie, faute de pouvoir assumer les charges administratives qui s’ensuivent. Ces pistes de réflexion étant ouvertes, force est de convenir que l’architecture du financement de la formation professionnelle pourrait reposer sur des structures de collecte plus transparentes et plus ramassées.

— Des structures de collecte plus transparentes

L’action à mener en direction de la transparence des structures de collecte doit se traduire par une séparation nette des fonctions de collecte et de formation.

On sait que les ASFO assurent la double fonction de collecteur de fonds de la formation professionnelle en alternance et de formateur. Ce cumul de fonctions est jugé préjudiciable au libre jeu des règles concurrentielles sur le marché de la formation dans la mesure où les ASFO ont tendance à privilégier le maintien de leurs parts de marché dans le domaine de la formation. En outre, on ne saurait nier que le contrôle de l’opportunité et de la qualité d’une action de formation est rendu plus difficile lorsqu’il y a confusion entre collecteurs de fonds et producteurs de stages de formation. Les organisations patronales, qu’il s’agisse du CNPF ou de l’UIMM ont d’ailleurs, par la voix de leurs représentants, admis au cours des auditions devant votre Commission, que cette séparation des fonctions de collecte et de formation pouvait être envisagée. Il est à noter que les ASFO n’ont pas été toujours les seules à cumuler ces fonctions ; ainsi, les dirigeants du Fafcase (Faf des salariés des coopératives agricoles du Sud-Est), entendus par votre Commission, ont-ils reconnu qu’avant 1987 cet organisme avait une activité de dispensateur de formation. Un des rapports d’audit demandés par votre Rapporteur a également montré qu’un FAF national de branche avait apporté, en 1993, son soutien à la création d’un organisme dispensateur de formation continue en lui consentant des avances, sans qu’aucun plan de remboursement n’ait été arrêté. Il faut ajouter enfin que la proximité géographique de certains FAF et de certains organismes de formation n’est pas toujours rassurante. Si ces rapports ne sont pas toujours dissimulés, d’autres FAF prennent la précaution de les abriter au sein de groupes professionnels qui préservent l’identité de chaque intervenant tout en organisant une complémentarité efficace des rôles de chacun. L’attention de votre Rapporteur a été attirée ainsi sur de telles structures dans le secteur des transports et du tourisme, notamment.

— Des structures de collecte plus ramassées

Cette séparation doit s’accompagner d’une redéfinition des critères d’agrément des collecteurs. Il convient de rappeler que l’article 74 de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle prévoit que les organismes collecteurs paritaires susceptibles d’être agréés ne peuvent avoir qu’une compétence nationale, interrégionale ou régionale à compter du 1er janvier 1996. Il s’ensuit que les organismes départementaux ont vocation à disparaître : de fait, près de 40 % des organismes n’ont pas la compétence territoriale minimale requise par la loi, à savoir la région. Le même article dispose que l’agrément accordé à ces organismes est donné en fonction de leur capacité financière, de leur organisation territoriale, professionnelle ou interprofessionnelle et de leurs aptitudes à assurer leur mission compte tenu de leurs moyens. Le chiffre de collecte de ces organismes pourrait constituer un critère objectif. Reste à définir la base territoriale de ces organismes.

Si l’argument de proximité plaide en faveur d’organismes locaux, leur foisonnement constitue un défi au bon sens, d’autant que la branche d’un point de vue économique constitue le cadre le plus adapté pour définir à long terme les besoins des métiers et que cet argument de proximité est parfois spécieux. Il arrive en effet que des FAF régionaux sous l’effet de la concurrence cherchent à élargir leur champ d’action de départ en débordant sur plusieurs régions ; le cas du Fafcase, déjà cité, est exemplaire à cet égard. Le 21 avril 1993, ce FAF a signé une convention de collaboration avec trois autres FAF, le Fafcaso (Sud-Ouest), le Faf de l’Est et le Faf IPL (Pays-de-Loire) pour se partager la collecte des fonds de formation de l’enseigne commerciale « Système U ». Ainsi dans le contrat passé avec le Faf de l’Est, si le montant de la collecte des fonds du plan de formation et de l’alternance revient à ce dernier, celui-ci reverse le produit de la contribution qu’il a recueilli au titre du congé individuel de formation des contrats à durée déterminée au Fafcase, après avoir prélevé 5 % de frais de gestion.

En réalité, la conjugaison de la disparition de collecteurs peu dynamiques et de l’exclusion de petits collecteurs situés au-dessous d’un chiffre que l’on pourrait fixer à 100 millions de F. de contributions, devrait favoriser l’organisation d’une collecte plus rationnelle ; celle-ci pourrait présenter cette qualité si elle était assurée par des organes de branches professionnelles nationales et par des organes interprofessionnels régionaux. Toutefois il faut être conscient que ce regroupement suppose des cessions d’actifs des organismes supprimés aux organismes maintenus, après leur accord, et, à défaut de celui-ci, la dévolution de ces actifs au trésor public. Ces collecteurs recevraient un agrément global, afin d’épargner aux entreprises de s’adresser à trois types d’organismes différents, comme c’est le cas actuellement suivant que sont en cause leurs contributions au titre du plan de formation, du congé individuel de formation ou de la formation en alternance.

Toutefois, s’il convient de souscrire à l’opinion de M. Dominique de Calan, Secrétaire général adjoint de l’Union des industries métallurgiques et minières, pour qui « le congé individuel de formation, s’il n’est pas réformé, est appelé à disparaître d’ici cinq ans, du fait du risque de confusion existant entre les plans de formation diplômantes des entreprises et les aspirations individuelles des salariés à partir en congé de formation », on peut concevoir que les OPACIF soient assis, eux, sur une base régionale et interprofessionnelle avec une répartition des dotations proportionnellement à la population active de chaque région. Le congé individuel de formation retrouverait ainsi sa vocation première de projet de formation personnel, coupé de toute politique de branche.

Si le regroupement des collecteurs des fonds du plan de formation et de l’alternance est une nécessité qui ne saurait être remise en cause, on peut craindre cependant que le décret d’application de l’article 74 de la loi quinquennale ne vienne la contrarier, pour deux raisons. En subordonnant la délivrance de l’agrément aux organismes collecteurs nationaux à la perception annuelle par ceux-ci d’une collecte de 100 millions de F. au titre du plan de formation et des formations en alternance, d’une part, il peut inciter les organismes nationaux situés au-dessous du seuil à renaître sur une base territoriale étroite ; d’autre part, les dérogations qu’il contient pour autoriser des agréments « dans les secteurs professionnels notamment artisanaux, libéraux ou agricoles », lorsque le seuil de 100 millions de F. ne peut être atteint en raison de l’insuffisance de la masse salariale des entreprises des secteurs considérés et de la spécificité de l’activité de ces secteurs, sont également de mauvais augure, quant au degré de la détermination des pouvoirs publics de pousser jusqu’à son terme la logique de la rationalisation de la collecte.

Inséparable des problèmes que soulève la structure de la collecte, une réflexion doit être engagée sur la réorganisation de la mutualisation.

2. — Les limites que rencontre la mutualisation appellent une rénovation de son fonctionnement

Reflétant la complexité du système de la collecte des fonds de la formation professionnelle, la mutualisation peut correspondre à quatre réalités différentes : la mutualisation des versements effectués à un organisme agréé par l’ensemble des entreprises au titre d’une obligation déterminée ; la mutualisation de l’ensemble des versements effectués à un organisme agréé au titre de différentes collectes ; la mutualisation des excédents de l’ensemble des organismes agréés au titre d’une obligation déterminée et enfin la mutualisation des excédents de l’ensemble des organismes agréés.

Ces formes de mutualisation reçoivent des applications différentes suivant que l’on est en présence d’OMA, de FAF ou d’OPACIF.

a. — Les OMA

La mutualisation qui est assurée à ce niveau soulève deux questions : comment est-elle organisée et à qui bénéficie-t-elle ?

S’agissant de la réponse à la première question, il faut savoir que jusqu’à présent les disponibilités excédentaires des organismes mutualisateurs agréés pouvaient faire l’objet de trois affectations distinctes : ils pouvaient être conservés par l’organisme de mutualisation pour le financement d’un programme constituant une activité supplémentaire de formation, apprécié par référence aux contrats pris en charge durant l’année écoulée ou être versés à un ou plusieurs organismes de mutualisation, ces deux procédures étant subordonnées à l’accord de l’autorité administrative. Ils pouvaient également être remis à l’AGEFAL qui a collecté ainsi 815 millions de F. en 1993 contre 138 millions quatre ans plus tôt, ou au trésor public qui en réalité n’a pas reçu 1 F. depuis 1989. La mutualisation entre organismes collecteurs montrait toutefois le caractère assez artificiel des frontières entre les ASFO et les FAF fondées sur des différences statutaires, dans la mesure où des ASFO bénéficiaires d’un agrément au titre de la mutualisation étaient destinataires de fonds de FAF, également organes mutualisateurs au titre de l’alternance, et inversement. Ces transferts obéissent la plupart du temps d’ailleurs à des raisons de proximité plus géographique (en Alsace, en Champagne-Ardennes, en Franche-Comté et dans le Nord, en particulier) que professionnelle. Il est aussi des cas où l’on peut s’interroger sur les liens existants entre l’organisme receveur et celui qui transfère.

L’article 71 de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle proscrit désormais les transferts de fonds entre organismes collecteurs. Par conséquent, la mutualisation ne pourra plus être assurée que par l’Agefal, qui par ailleurs n’alimente désormais les OMA déficitaires que lorsque des besoins réels de trésorerie apparaissent. En mettant fin à des pratiques de redistribution de gré à gré entérinées par l’autorité administrative (ils représentaient en 1993 18 % du montant global des disponibilités excédentaires, soit 144 millions de F.), cette rationalisation va incontestablement dans le sens d’une plus grande rigueur dans la gestion des fonds mutualisés, qu’il convient d’encourager.

La réorganisation de cette mutualisation des fonds de l’alternance n’épuise pas pour autant tous les problèmes et, au-delà de ces réformes structurelles, il convient de s’interroger sur l’identité des bénéficiaires de ces financements.

Après avoir rappelé que cette redistribution pouvait privilégier légalement des secteurs professionnels, il apparaît nécessaire de souligner qu’un triple effort devra être demandé à l’Agefal à l’avenir ; il lui appartiendra de réorienter les financements vers les petites entreprises ainsi que vers les branches interprofessionnelles et elle devra mettre en place un système plus efficace de contrôle de l’utilisation des fonds attribués.

Il convient de souligner en effet qu’il existe des secteurs professionnels où la loi autorise le redéploiement d’une fraction des excédents vers des actions de formation particulières. Il en est ainsi de la branche du bâtiment qui peut être destinataire des trois quarts des excédents constatés en 1992 et 1993 pour financer des actions de formation de salariés de plus de 26 ans après accord entre les organisations professionnelles et l’Etat (article 43 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 modifiant l’article 30 de la loi de finances pour 1985).

L’opinion émise tant par la Délégation à la formation professionnelle que par l’Agefal consistant à faire valoir le succès rencontré par la redistribution des fonds de l’alternance au profit des entreprises de moins de 50 salariés, mérite en réalité d’être tempérée. Outre le fait que les statistiques sur lesquelles se fondent ces organismes ne prennent pas en compte les variables du contrat que constituent la durée du contrat et l’âge du bénéficiaire, on note une diminution de plus de 26 % du nombre de contrats de qualification dans les entreprises de moins de 10 salariés entre 1991 et 1992. Si une telle décélération devait se confirmer en 1993 et 1994, il conviendrait de la corriger en demandant au commissaire du gouvernement, qui devrait siéger dans le conseil d’administration de l’Agefal, de veiller à ce que la mutualisation s’accompagne d’effets fortement redistributeurs en faveur des petites entreprises.

Il est un fait aussi que la solution retenue par la loi quinquennale laisse en suspens le problème de la mutualisation des fonds des branches interprofessionnelles. Il appartiendra donc à l’Agefal de s’adapter à ce nouveau contexte. Le rôle de l’Agefal pourrait sortir renforcé de cette nouvelle orientation de la mutualisation des fonds de l’alternance si les partenaires sociaux s’accordaient pour lui attribuer un rôle plus actif dans le contrôle du bien-fondé de l’utilisation des fonds redistribués. Dans cette perspective, l’Agefal pourrait à partir d’enquêtes statistiques exercer un suivi qualitatif sur la réalisation des objectifs : elle serait appelée à étudier le profil des jeunes embauchés, le type de formation reçu, les taux des ruptures de contrats et leurs raisons, elle effectuerait des analyses et des comparaisons qui lui seraient utiles pour affiner ses critères de prise en charge et ses dotations. Les interventions de l’Agefal se déplaceraient ainsi du terrain de la gestion des fonds vers celui du contrôle qualitatif de la formation.

b. — Les FAF

Ces derniers pratiquent en réalité plusieurs formes de mutualisation : celle des versements des entreprises, une mutualisation par sections et une mutualisation des excédents.

— La mutualisation des versements des entreprises

Les FAF recueillent les cotisations des entreprises dont le montant est fixé par le fonds, ou laissé à la discrétion de l’employeur, et remboursent ensuite aux entreprises les dépenses de formation que celles-ci supportent ou payent directement les organismes de formation à la place des entreprises. Les FAF reconnaissent aux entreprises une sorte de droit de propriété sur les fonds reçus pendant une certaine durée qui varie suivant les organismes de deux à trois ans. Ces droits sont dénommés « droits de tirage » et portent sur l’essentiel du versement (90 %). C’est après l’expiration de cette période que les fonds laissés inemployés par les entreprises sont mis en commun pour financer des formations réalisées par d’autres entreprises qui ont dépassé, elles, leurs droits de tirage.

Le système mis en place revient à permettre aux entreprises de constituer une épargne qui donne droit à imputation en charges, grâce à la réglementation fiscale et au caractère libératoire des versements. Mais la mutualisation fonctionne au premier franc en réalité lorsque les versements des entreprises sont rendus obligatoires par une convention collective, en d’autres termes lorsque le FAF est un FAF de branche et les droits de tirage auxquels peuvent prétendre les entreprises qui ne sont pas tenues de verser au FAF de leur branche sont assimilés généralement par celles-ci à des versements à fonds perdus. Comme l’observe le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances de 1992 précité, « l’Etat s interroge sur l’utilité réelle des FAF, dans la mesure où la fonction de redistribution vers les petites entreprises n’est pas assurée, où les sommes mutualisées sont de plus en plus faibles, où les entreprises ne tirent pas d’avantages de trésorerie de leur adhésion et où 20 % seulement des entreprises utilisent actuellement le système ».

Si effectivement ce dernier s’analyse comme la constitution de réserves réglementées dans les comptes d’un intermédiaire sans que l’entreprise en retire un avantage de trésorerie, on peut nourrir quelques doutes sur l’intérêt de le voir pérennisé. C’est ce qu’ont réalisé les entreprises en récupérant une part croissante des sommes versées et en réduisant d’autant le volume des droits de tirage inemployés qui sont destinés à alimenter les fonds mutualisés deux ou trois ans après leur versement, et par là même les possibilités de remboursement des dépassements des droits de tirage par les entreprises les plus dynamiques en matière de formation. Par conséquent, on assiste à une diminution de la masse des fonds mutualisés des FAF qui semble inexorable.

Plusieurs moyens pourrait toutefois contribuer à donner une impulsion nouvelle à cette mutualisation ; on peut en recenser au moins trois, à savoir la mise en place de modes de financement de la formation continue plus concurrentiels ; l’imposition d’une obligation de versement minimale à un FAF de rattachement et le regroupement des FAF.

On pourrait imaginer un système mettant en concurrence un provisionnement par l’entreprise des fonds affectés au plan de formation et une mutualisation plus dynamique de ces fonds opérée par les FAF.

S’inspirant des travaux de l’IGAS et de l’IGF parus en janvier 1992, votre Rapporteur vous propose d’instituer dans ce sens un mécanisme de provision correspondant à l’obligation de 1,5 %. Ces provisions pourraient être conservées pendant un délai à définir afin que les sommes puissent être assez significatives. L’entreprise y gagnerait en frais de gestion et déciderait de l’emploi de cet argent. Si les entreprises étaient nombreuses à choisir cette option, le comité d’entreprise, compte tenu de l’augmentation ainsi réalisée des sommes disponibles pour financer le plan de formation, verrait son rôle accru. Le contrôle de régularité de ces provisions réglementées serait assuré par les services fiscaux qui auraient notamment à vérifier que les sommes ne font pas l’objet d’une double utilisation auprès d’un FAF et en provisions réglementées. L’excédent de ces sommes au bout de cinq ans serait versé soit à un organisme collecteur, soit au trésor.

Le mécanisme proposé en faveur des entreprises ne constituant qu’une option, celles-ci pourraient toujours verser leurs contributions à des organismes collecteurs. Mais elles n’auraient évidemment intérêt à se rallier à cette formule que si ces collecteurs leur offrent réellement des services appréciables, qu’il s’agisse de conseils dans l’élaboration des plans de formation et dans le choix des organismes de formation. Une telle réorientation des rapports entre les entreprises et les collecteurs ne pourrait qu’inciter ces derniers à avoir une approche plus dynamique du traitement de la demande de formation. Même les FAF qui ne collecteraient plus pourraient continuer à exister sous d’autres formes, les entreprises les rémunérant pour assurer des prestations de conseil ou d’ingénierie administrative. En introduisant une régulation concurrentielle, les FAF seraient ainsi incités au dynamisme.

La mutualisation n’existant en fait que dans les FAF de branche où prévaut un système de cotisations obligatoires, comme l’a reconnu le rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF paru en janvier 1992, les dysfonctionnements que l’on a constatés plaident tant en faveur de l’institution d’un versement minimal obligatoire que de l’introduction d’une mutualisation au premier franc entraînant la suppression des droits de tirage.

Si cette solution peut recevoir une application dans les branches professionnelles fermées, il est vrai que sa mise en œuvre est appelée à être plus délicate dans les FAF interprofessionnels ; mais l’adoption d’un critère territorial pourrait permettre de résoudre ce problème et aurait le mérite de contribuer au maintien, voire au développement, de ces FAF, dans le schéma de regroupement des collecteurs que l’on a proposé par ailleurs.

La refonte de la mutualisation des FAF peut en effet sortir renforcée du regroupement des FAF car, en faisant disparaître des structures non justifiées qui pratiquaient peu cette forme de redistribution, ce redéploiement assis sur des structures plus saines sera mieux à même de dégager plus de moyens pour la mutualisation, étant entendu que les pouvoirs publics devront s’attacher à faire en sorte que cette mutualisation bénéficie en priorité aux petites entreprises.

— La mutualisation par sections

Cette mutualisation s’accompagne de la possibilité pour les FAF de salariés de branche agréés à plusieurs titres d’effectuer une redistribution entre les sections particulières correspondant à leurs agréments. Ainsi la section « plan de formation » peut venir abonder la section « congé individuel de formation », la section « OMA » et la section « OCA ». Par exemple en 1992, les transferts du Faf vers l’Opacif du GFC-BTP ont représenté plus de 26 % des ressources de l’Opacif. Par ailleurs les FAF interprofessionnels ont été amenés à créer également des « sections particulières » au sein de leur gestion globale pour isoler la gestion de certaines branches professionnelles. Ce faisant, cette mutualisation interne non seulement rend opaque l’appréhension réelle des moyens des organismes collecteurs et, comme on le verra, le calcul de leurs frais de fonctionnement, mais en épongeant par priorité leurs besoins, fait obstacle à la mutualisation externe. Il importe, si l’on est attaché à cette dernière, de fixer des limites à cette mutualisation interne par la définition de seuils et par une limitation de son renouvellement trop fréquent.

— La mutualisation des excédents

Il faut savoir, par ailleurs, que l’écrêtement des disponibilités excédentaires des FAF est défini à l’article R. 964-8 du Code du travail : « Les disponibilités dont un fonds d’assurance formation peut disposer au 31 décembre d’un exercice déterminé ne peuvent excéder le montant des charges comptabilisées au cours du même exercice. S’il y a excédent, celui-ci doit être affecté, avant le 30 juin de l année suivante, au financement d actions de formation au bénéfice de demandeurs d’emploi sans contrat de travail organisées dans des centres de formation conventionnés dans les conditions prévues par l article L. 951-1 (3°) du Code du travail. Les excédents non utilisés dans les conditions ci-dessus prévues sont reversés au trésor public avant la même date... ». Ces règles qui étaient ignorées ou semblaient être ignorées par les responsables interrogés à ce sujet par la Commission, sont étendues par l’article R. 952-3 aux OCA.

En raison de son utilisation précise, il n’apparaît pas utile de remettre en cause ce type de mutualisation.

c. — Les OPACIF

Si le décret en Conseil d’Etat qui doit déterminer les règles applicables aux excédents financiers dont sont susceptibles de disposer les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation n’a jamais été pris en raison de l’opposition des partenaires sociaux, il n’y a aucune raison que ces organismes ne se voient pas imposer des règles identiques à celles qui sont appliquées aux autres collecteurs en matière de disponibilités excédentaires, surtout lorsque l’on sait que les ressources collectées au titre du congé individuel de formation représentaient en 1992 5,5 milliards de F. Cette mutualisation devra prendre toute sa place dans le nouveau système de collecte des fonds du congé individuel de formation, l’indépendance des OPACIF n’étant pas antinomique avec la pratique de la redistribution.

Cette description des mécanismes de la mutualisation révèle que ceux-ci ne peuvent être appréhendés de manière globale ; elle montre que leur refonte devra s’attacher à revenir sur des formes de mutualisation interne qui font obstacle à la mutualisation externe parfois qualifiée de « surmutualisation » et à mieux définir les affectations de cette dernière. Mais on peut penser que la disparition d’organismes collecteurs peu viables pourra libérer des sommes qui ne servaient pas à la mutualisation. Tout en ayant le mérite de contribuer à empêcher les déperditions financières que génèrent actuellement les circuits de collecte, la réorganisation de ces derniers devrait également contribuer à dégager des financements supplémentaires pour la mutualisation, tant les masses en jeu sont importantes.

B. — EMPÊCHER LES DÉPERDITIONS FINANCIÈRES DE CHAQUE CIRCUIT DE FINANCEMENT

L’analyse de ces circuits de financement a permis de constater deux types de dysfonctionnements : les uns liés à la forte intermédiation du système, les autres s’expliquant par le fonctionnement autonome de la gestion de ce secteur.

1. — Les déperditions financières dues à la forte intermédiation du système

On peut retracer certaines de ces déperditions aux stades de la collecte des fonds et du règlement des prestations.

a. — La collecte

Le rapport de 1992, déjà cité, des inspections générales des affaires sociales et des finances a particulièrement mis en lumière les dysfonctionnements auxquels pouvaient conduire la délégation de la collecte à un organisme tiers, en décrivant le cas du CCCA qui avait fait l’objet de la part de ces inspections d’un examen approfondi. Le CCCA a confié la tâche de la collecte à la Caisse nationale de surcompensation (CNS). Les sommes collectées sont d’abord encaissées par les Caisses de congés payés du bâtiment, reversées à la CNS, et enfin transmises au CCCA. Les corps d’inspection ont été amenés à constater l’existence d’un écart important entre le montant global de la collecte et les reversements réalisés par la CNS. Ils l’ont estimé à près de 15 % de la collecte totale en 1990. Il s’est avéré de plus que le CCCA n’exerçait qu’un contrôle lacunaire sur les reversements de la CNS, qu’il s’agisse des frais de gestion prélevés à chaque étape du circuit ou des différences constatées entre les montants bruts de la collecte et la somme recueillie finalement par le CCCA. Dans ce même secteur du bâtiment, le GFC-BTP fait assurer sa collecte par la Caisse nationale de retraite des ouvriers du bâtiment et des travaux publics (CNRO). D’autres organismes font assurer la collecte par des chambres de commerce et d’industrie. C’est notamment le cas de la plus importante ASFO agréée, l’IFERP, qui a délégué le traitement administratif de la collecte à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. De même, l’ASFO qui a fait l’objet, à la demande de votre Rapporteur, d’un examen par un cabinet spécialisé, délègue-t-elle également sa fonction de collecteur.

Ces dysfonctionnements observés en amont peuvent s’accompagner de déperditions financières lors de l’enregistrement proprement dit de la collecte par les organismes — les plus nombreux — qui assurent directement cette fonction.

Le diagnostic effectué par les cabinets spécialisés a montré que des risques de différente nature pouvaient exister en la matière :

— procédures d’enregistrement des sommes collectées n’interdisant pas totalement une « alimentation artificielle des droits de tirage d’un adhérent »,

— procédure d’émission des reçus libératoires ne présentant pas toutes les garanties nécessaires,

— impossibilité pour un organisme collecteur de savoir si un même adhérent cotise partiellement à plusieurs autres organismes pour un même type de formation.

A ces dysfonctionnements internes viennent s’ajouter des risques de dysfonctionnements en aval dus à l’existence, dans de nombreux organismes nationaux, de structures décentralisées, régionales ou locales, comme on l’a vu, par exemple, avec l’Afos-PME ou le GFC-BTP. Se pose alors en ce cas la question de l’effectivité, voire même de l’existence, d’un contrôle de l’organe central sur ses démembrements régionaux. Le rapport de 1992, déjà cité, de l’IGF et de l’IGAS, soulignait ainsi, évoquant l’exemple du GFC, que « la mauvaise maîtrise de l’activité des AREF (associations régionales de formation) prive le GFC de relais assuré dans le développement de ses propres actions ». Il n’y a guère de raisons, en l’état actuel des choses, pour que le problème se pose en termes fort différents dans les autres organismes collecteurs recourant à de telles structures.

b. — Le règlement des prestations de formation

Les enquêtes auxquelles a procédé votre Rapporteur montrent également que le système actuel est susceptible de déperditions financières lors du règlement des prestations de formation. Lors de l’examen d’un organisme de formation par le cabinet spécialisé mandaté par votre Rapporteur, des critiques ont été ainsi formulées aux termes desquelles certains FAF prélèveraient pour le compte des entreprises consommatrices de formation une quote-part injustifiée sur le montant total des prestations fournies par le formateur ; cette quote-part, qui serait soit remise intégralement à l’entreprise, soit partagée entre celle-ci et le FAF, pourrait atteindre 15 % du montant de la prestation.

L’analyse du fonctionnement d’un organisme collecteur par un des deux cabinets spécialisés choisis par votre Rapporteur a montré aussi que la procédure de remboursement des dépenses de formation pouvait présenter globalement « des risques de détournement de différentes sortes :

« — suivant le produit de formation, la séparation des tâches entre l’enregistrement du dossier, son suivi et le remboursement des frais engagés n’est pas assurée ;

« — lorsque l’adhérent règle directement les dépenses de formation, il peut arriver que les remboursements soient effectués (par l’organisme collecteur) sur présentation d’un double de la facture (photocopie). Le risque qu’une même facture soit remboursée par plusieurs organismes collecteurs, chacun d’entre eux justifiant son acte par le fait que l’adhérent lui verse des cotisations, ne peut être écarté ;

« — le contrôle de l’existence d’un organisme formateur est superficiel puisqu il consiste à constater l’existence d’un numéro sur un papier à en-tête, sans s’assurer auprès d’un tiers ou à l’aide de documents officiels de la réalité de son existence ;

« — généralement, le remboursement des frais engagés par l’adhérent ou le stagiaire pour les frais de formation ou les frais annexes s’effectue sur la présentation de photocopies de factures ».

2. — Les déperditions financières dues au mode de fonctionnement autonome de ces circuits

Le fait que ces circuits fonctionnent de manière autonome sans contrôle effectif, comme on le verra, explique l’existence de déperditions financières importantes pour la formation professionnelle. Celles-ci se vérifient en particulier dans le domaine des actifs immobiliers de certains organismes collecteurs et dans le financement d’études surévaluées dont l’intérêt pour la formation professionnelle n’est pas toujours évident.

a. — Les actifs immobiliers

Si certains de ces collecteurs sont locataires, d’autres ont confié la gestion de leur patrimoine immobilier à des sociétés civiles immobilières auxquelles elles ont consenti des prêts, souvent sans intérêt, ces sociétés civiles immobilières constituant en réalité des sociétés écrans. L’argent de la collecte et les produits de celle-ci ont pu parfois être utilisés à la constitution d’un patrimoine immobilier important. Ainsi, un Faf disposant d’un réseau national de collecte (Afos-PME) annonce un patrimoine immobilier d’une valeur totale de 68 millions de F., tandis que les bureaux d’un Faf national sont estimés à plus de 66 millions de F. (Fafih) ; un Faf national de branche à vocation culturelle avoue quant à lui avoir financé sur ses réserves l’achat de son siège pour une valeur estimée aujourd’hui à plus de 37 millions de F., et reconnaît dans le même temps tenir à la disposition de ses dirigeants un « petit logement de fonction » en province, sans justification, contrevenant ainsi aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 964-4 du Code du travail, qui précisent que les FAF ne peuvent posséder d’autres immeubles que ceux qui sont nécessaires à leur fonctionnement.

b. — Les études

Ce même article du Code du travail autorise les FAF à financer des études ou des recherches intéressant la formation. Votre Rapporteur a pu constater que le volume de ces frais d’étude est parfois très important dans les FAF nationaux de branche : plus de 8 millions de F. en 1992 pour ce poste, par exemple, dans un organisme déjà cité (GFC-BTP). Si cette possibilité ne saurait être remise en cause, son utilisation, tout comme celle des crédits de sensibilisation et d’information, faute d’encadrement — à la différence des frais d’information et de sensibilisation des OMA — peut donner lieu à des abus. Votre Rapporteur s’est interrogé par exemple sur l’intérêt d’une étude sur « les maîtresses de maison » réalisée à la demande d’un FAF spécialisé dans le secteur sanitaire et social (Promofaf) et facturée 136.000 F. ; il a relevé le cas d’un relais local d’un collecteur national qui a financé la réalisation d’une étude sur « les résistances à la formation des femmes » à hauteur de 157.00 F. (Agefos-PME). Dans le même ordre d’idées, votre Rapporteur s’est demandé quelle est la parenté qui pouvait exister entre les crédits d’études intéressant la formation des jeunes et le financement sur ces mêmes crédits par un FAF régional de branche (Fafcase) d’un séjour d’une semaine en Espagne, en Italie et au Portugal pour des jeunes sous contrat de formation en alternance.

Si le choix des thèmes retenus suscite des interrogations légitimes, le coût de ces études apparaît souvent largement surévalué. Ainsi un FAF interprofessionnel régional (IFRL) a participé, en 1991, au financement d’une étude demandée à une chambre de commerce et d’industrie pour la mise en place d’une formation de tutorat dont le coût total était de 1.120.000 F. ; le même FAF a été associé, l’année suivante, au financement d’une étude relative à l’institution d’un centre de bilan « destiné à permettre dans le cadre de l’alternance, de sélectionner les jeunes avant signature des contrats » pour laquelle un cabinet spécialisé a demandé 900.000 F. Il est évident que seul un plafonnement institué par voie réglementaire de ces frais par rapport au montant de la collecte pourrait faire échec à de telles dérives et réfréner les appétits de cabinets de conseils et d’études qui n’ont guère de difficultés à tirer profit de cette situation. Au demeurant, il serait également souhaitable que l’encadrement des frais d’études des organismes collecteurs s’accompagne d’un abaissement du plafond de la déduction de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue (10 %) qui permet le financement d’études par des organismes de formation, la légitimité de ces études au regard de la formation professionnelle n’étant elle non plus pas toujours prouvée.

3. — Redonner à la taxe d’apprentissage sa vocation initiale

Instituée en 1925, la taxe d’apprentissage a été depuis lors considérablement modifiée.

Rappelons qu’aujourd’hui le taux de la taxe est fixé à 0,5 % du montant brut des rémunérations payées au cours de l’année civile au titre des traitements, salaires, indemnités et émoluments. En Alsace-Moselle, ce taux est réduit à 0,1 %. Sont imposables les personnes physiques et les sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ainsi que les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés, et les sociétés coopératives de production, transformation, conservation et vente de produits agricoles et leurs unions.

La taxe d’apprentissage fait l’objet, depuis de nombreuses années, de critiques touchant à son objet et à ses modalités. Un des défauts majeurs de la taxe d’apprentissage est que les employeurs n’en perçoivent pas toujours la finalité. Initialement, le financement de l’apprentissage devait être bien spécifique. Or, en pratique, son système d’exonérations et d’exceptions, la complexité de ses modalités de répartition, le foisonnement et la concurrence des collecteurs, l’opacité des circuits de la collecte, ainsi que l’absence de véritable contrôle sont à l’origine d’importantes déperditions financières. Les employeurs ne parviennent plus à percevoir les véritables finalités de la taxe d’apprentissage. Il apparaît, en fait, qu’une part beaucoup trop réduite de la taxe d’apprentissage bénéficie directement à l’apprentissage : in fine seulement 27,9 % de la taxe versée aux établissements bénéficiaires parviennent effectivement aux centres de formation d’apprentis et aux classes préparatoires à l’apprentissage. Le caractère irrationnel du système actuel justifie une réforme profonde de la taxe d’apprentissage.

a. — La complexité des modalités du fractionnement du taux et de la libération de la taxe d’apprentissage

L’architecture de la taxe d’apprentissage est devenue d’une telle complexité qu’elle est de nature à rebuter les meilleurs gestionnaires d’entreprise. Les employeurs assujettis à la taxe d’apprentissage peuvent s’en acquitter en effectuant, directement ou par l’intermédiaire d’organismes collecteurs, des dépenses libératoires de la taxe ou, à défaut, par un versement au trésor.

Pour définir les dépenses ouvrant droit à l’exonération totale ou partielle de la taxe d’apprentissage à hauteur des dépenses consenties par les employeurs au titre des premières formations technologiques, des règles de fractionnement d’une rare complexité ont été fixées.

Pour pouvoir bénéficier de cette exonération, les employeurs doivent, en effet, consacrer une fraction du montant de la taxe — appelée quota — à des dépenses d’apprentissage proprement dites, ou bien s’acquitter d’un versement au Fonds national interconsulaire de compensation (FNIC). En outre, les employeurs ayant rempli leurs obligations de quota et de versement au FNIC peuvent obtenir des exonérations complémentaires au titre des dépenses exposées au cours de l’année en vue de favoriser les premières formation technologiques.

— Les fractions de la taxe d’apprentissage

• Le quota

Les personnes redevables de la taxe d’apprentissage souhaitant bénéficier d’une exonération au titre des dépenses de formation doivent consacrer 20 % de la taxe à des dépenses d’apprentissage. Dans les départements d’outre-mer, ce pourcentage est fixé à 30 %. Ce quota constitue, avec le versement au FNIC, la seule partie de la taxe effectivement consacrée à l’apprentissage, ce qui représente une véritable anomalie, car la vocation de la taxe d’apprentissage est, en principe, de contribuer au financement de la filière.

Le versement au FNIC

Le versement au FNIC vise à assurer une compensation forfaitaire des salaires versés par les maîtres d’apprentissage correspondant au temps passé dans un centre de formation d’apprentis. Ce versement au FNIC est égal à 9 % du montant de la taxe. Toutefois, en Alsace-Moselle, le versement au FNIC, égal à 9 % de la taxe acquittée au taux de 0,1 %, s’ajoute au montant de la taxe et ne s’impute pas sur elle

Le hors quota

La part du hors quota représente 71 % de la taxe d’apprentissage. Cette part correspond aux dépenses effectuées directement par l’employeur ou sous la forme de versements à des organismes. Ces organismes peuvent être des collecteurs, parmi lesquels figurent notamment les chambres de commerce et d’industrie, d’agriculture et de métiers, ou bien ils peuvent recevoir un agrément à cet effet.

— Les subdivisions des fractions

Le mécanisme de fractionnement en quota et hors quota est encore compliqué du fait du morcellement des fractions.

Les subdivisions du quota

Pour tenter de remédier à la diminution de la part de la fraction de la taxe versée aux centres de formation d’apprentis (CFA), l’article 4 de la loi du 17 juillet 1992 relative à l’apprentissage et à la formation professionnelle a institué une subdivision du quota. En effet, à l’exception des CFA à recrutement national, le financement des CFA relève, depuis 1983, de la responsabilité des régions, dont les contributions ne cessent d’augmenter. Or la part de la fraction de la taxe d’apprentissage réservée à l’apprentissage — le « quota » de 20 % versé aux CFA — ne cesse de diminuer, en raison des imputations directes des entreprises et de prélèvements divers. Le conseil régional peut désormais réserver à la région une part de ce quota (entre 25 % et 50 % de la fraction de la taxe d’apprentissage réservée au développement de l’apprentissage).

La subdivision du hors quota

Une fraction du salaire des apprentis — fixée à 11 % du SMIC par apprenti — ouvre droit à exonération de la taxe d’apprentissage. La part hors quota est donc admise en déduction.

D’autres dépenses sont également admises en déduction du montant de la taxe. Ainsi, les entreprises peuvent imputer sur la taxe d’apprentissage une fraction correspondant à une part de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie ou d’agriculture correspondant à un pourcentage des ressources affectées aux premières formations technologiques.

— Les dépenses libératoires

Le versement au titre des dépenses libératoires obéit à certaines règles variables selon les fractions de la taxe concernées.

L’entreprise peut verser ou être exonérée par l’imputation de la fraction des salaires versés aux apprentis ou lorsqu’une subvention est versée à un CFA. Le versement au FNIC doit être effectué auprès des chambres de commerce et d’industrie, des chambres des métiers ou des organismes collecteurs agréés. Le hors quota peut être libératoire ou fonction de la nature des dépenses ou des versements. Enfin, certaines dépenses ne sont imputables sur la taxe d’apprentissage qu’après avoir été ventilées selon des barèmes de répartition variables en fonction de l’activité de l’entreprise et de la qualification des salariés.

La ventilation en cascade de la taxe d’apprentissage

Les montants sont indiqués en millions de francs (MF).

Le taux théorique de la taxe d’apprentissage (Th) est porté sur l’organigramme de même que le taux réel ; la différence entre les deux taux correspond pour le Fonds national inter-consulaire de compensation (F.N.I.C.) aux possibilités d’exonération propres à cette fraction de la taxe.

TA = part de la collecte de la taxe d’apprentissage.

La répartition de la taxe selon le mode de libération employé :
dépenses imputées et versements spécifiques

Les mécanismes de libération de la taxe d’apprentissage sont d’une complexité telle que l’administration elle-même se révèle complètement dépassée par les règles qu’elle a pourtant contribué à mettre en place. Ainsi, un récent rapport d’enquête de l’IGF-IGAS de mars 1994 souligne par exemple les difficultés de la tâche : « La mission a pu relever des chiffres de ardre d’une ou deux personnes pour 20.000 dossiers » (...) « Compte tenu des retards accumulés par certains de ces secrétariats, les demandes d’exonération de certaines années sont admises en masse sans examen ».

b. — Le foisonnement de collecteurs concurrents

La collecte de la taxe d’apprentissage est effectuée par un nombre d’organismes encore plus élevé que celui des OMA alors que le montant des versements spécifiques de la taxe s’élève, selon les derniers chiffres définitifs de 1991, à 5,194 milliards de F., c’est-à-dire un montant bien inférieur à celui de la collecte des autres filières de l’alternance. On estime, en effet, à 566 le nombre des collecteurs de la taxe d’apprentissage.

Les collecteurs de droit de la taxe, au nombre de 269, sont les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les chambres des métiers et d’agriculture et les chambres des métiers. Celles-ci représentent 47,5 % du nombre total des collecteurs. Les autres collecteurs sont des organismes agréés à cette fin. Parmi ceux-ci, on distingue 89 syndicats patronaux agréés, 58 associations agréées et 150 groupements professionnels agréés. On constate une certaine incertitude sur l’identification des organismes collecteurs et une dissimulation évidente qui ne peuvent que corroborer les assertions fréquentes concernant le désordre de ce secteur Pas plus que l’IGF et l’IGAS, votre Commission n’a pu obtenir la liste exhaustive des collecteurs agréés.

On ne perçoit pas toujours non plus la cohérence de certains réseaux de collecte. Hormis le réseau consulaire ou celui des branches, on peut s’interroger sur la logique de formation poursuivie par certaines associations.

Les agréments peuvent être accordés à plusieurs niveaux. Ainsi, 27 organismes ont été agréés à l’échelon national au titre d’une convention de coopération. Mais lorsque l’on souhaite connaître le nombre d’agréments à l’échelon départemental, il n’est guère possible d’obtenir une information précise et fiable.

Les organismes collecteurs se trouvent en état de concurrence parfois très âpre pour drainer une partie de la taxe chez les employeurs. Comme leur nombre est élevé, cette concurrence tend à s’exacerber. Certains organismes ne manquent pas d’exercer des pressions quasi commerciales sur les entreprises en leur proposant des services ou conseils plus ou moins artificiels. Il arrive même que certains établissements s’entendent avec un organisme collecteur pour orienter vers celui-ci des entreprises susceptibles de leur verser la taxe d’apprentissage en contrepartie d’un reversement d’une partie de la taxe non affectée. Cette attitude est d’autant plus fréquente que la taxe d’apprentissage est une source de financement essentielle pour certains établissements d’enseignement supérieur privés, comme le montre le tableau ci-dessous.

Poids de la taxe d’apprentissage dans le budget
des organismes de formation et d’enseignement
(année 1990)
Collèges 3 %
Lycées d’enseignement général 2,5 %
Lycées techniques31 %
Lycées professionnels 18 %
Lycées agricoles 28 %
Etablissements supérieurs publics 12 %
Etablissements supérieurs privés 29,7 %

Source : Ministère de l’Éducation nationale. Direction de l’évaluation et de la prospective.

La concurrence entre collecteurs de la taxe d’apprentissage s’exerce malgré tout dans un contexte de relative concentration, car, à lui seul, le réseau des chambres de commerce et d’industrie a collecté en 1991 2,38 milliards de F. dont 1,3 milliard de F. par les Chambres de commerce et d’industrie de l’Ile-de-France.

c. — Les défaillances dans la gestion des organismes collecteurs

Des critiques sévères sur la gestion des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage ont été fréquemment formulées par la Cour des comptes : ainsi, par exemple, dans son rapport annuel de 1993, à l’encontre des rémunérations, discrétionnaires et parfois élevées, pratiquées dans des chambres de métiers.

Les activités proprement dites des chambres de métiers peuvent aussi être, pour le moins, contestables, et la Cour de citer le cas d’un centre de formation continue dépendant d’une chambre des métiers de l’Ouest de la France.

De manière plus générale, la Cour des comptes souligne, dans ce même rapport, « l’ampleur de l’écart qui a pu s’établir entre la réalité d’une part, et, d’autre part, les délibérations des assemblées et les règles statutaires ». La Cour précise que « les chambres des métiers sont administrées par des personnes élues, par ailleurs, producteurs de biens ou de services susceptibles d’être acquis par les établissements. Cette dualité d’activité, en soi légitime, peut être la source de conflits d intérêt si une déontologie rigoureuse n’est pas observée ».

On constate, par ailleurs, que nombre d’associations gravitent autour des chambres de métiers dont elles ne sont souvent, en fait, que de simples démembrements. La création de ces organismes, certes facilitée par la loi de 1901, comporte des risques qui ne sont pas assez souvent mesurés ni évités. Il y a matière à critique lorsque la confusion règne au sein de l’ensemble formé par l’établissement consulaire et ses satellites. Il n’est pas rare que cette confusion touche à la fois les activités et les responsabilités. Il peut être tenu pour certain que les liens tissés avec des associations satellites n’ont pas été sans influence sur la nature et le sens des relations que certaines chambres établissent avec leurs partenaires.

Pour remédier aux défaillances nombreuses et parfois graves que la Cour des comptes a pu relever dans la gestion des chambres de métiers qu’elle a contrôlées, elle suggère que la tutelle déconcentrée manifeste davantage de détermination dans l’exercice de ses compétences : « Il serait bon, en outre, que l’Etat et les collectivités territoriales ne subventionnent pas les projets des chambres de métiers sans les avoir, au préalable, attentivement étudiés ni s’être enquis de l’utilisation de leurs concours antérieurs. Il appartient, enfin, aux artisans eux-mêmes de veiller au bon emploi de ressources auxquelles ils contribuent d’ailleurs pour une part. »

Certaines chambres de commerce et d’industrie n’ont pas un comportement plus orthodoxe. Des négligences dans la gestion comptable doivent être soulignées. Ainsi, il n’est pas rare que la collecte de la taxe d’apprentissage fasse l’objet d’importantes omissions dans les budgets et les comptes. Certains établissements considèrent qu’ils n’ont pas à dégager, au titre de la taxe d’apprentissage, de disponibilités incorporables à leur fonds de réserve en arguant qu’ils sont seulement dépositaires des fonds collectés. La Cour des comptes a pu ainsi relever que, dans une chambre de commerce et d’industrie de la région parisienne, n’ont été portées, en 1988, au titre de la section de la taxe d’apprentissage, que des opérations d’un montant de 4,3 millions de F. alors que la collecte globale s’était élevée cette année-là à 119,5 millions de F.

d. — La perte de spécificité de la taxe d’apprentissage

La taxe d’apprentissage répond de moins en moins à sa vocation. Cela tient à la déperdition croissante du produit de la taxe et au caractère souvent étranger à l’apprentissage des bénéficiaires de la taxe.

La notion de dépenses libératoires ne cesse, en premier lieu, de s’étendre, au point que certaines d’entre elles ne présentent plus aujourd’hui qu’un lien très ténu avec l’apprentissage.

Cette extension de la nature des dépenses s’est accompagnée d’une augmentation sensible du nombre des bénéficiaires, bénéficiaires dont le lien avec l’apprentissage est lui aussi de moins en moins évident.

Aucun critère matériel n’est clairement fixé pour déterminer sur l’ensemble du territoire les établissements bénéficiaires soit de l’imputation des dépenses ouvrant droit à l’exonération de la taxe, soit des versements spécifiques destinés à l’acquittement de la taxe. On est confronté à une pratique sans textes c’est-à-dire à une coutume inventive et non contrôlée.

Certes, le Ministère de l’Education nationale a fixé certaines règles de détermination. Mais les habilitations préalables des bénéficiaires de la taxe et les décisions ponctuelles d’exonération diffèrent selon les comités départementaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l’emploi, de sorte que de nombreux bénéficiaires sont des établissements ne préparant même pas à des premières formations technologiques.

On en est arrivé à un point tel que peuvent bénéficier aujourd’hui de la taxe d’apprentissage, et pour des montants parfois élevés, comme l’indique le rapport de mars 1994, déjà cité, de l’IGF-IGAS, aussi bien des clubs de football et de basket-ball, que des établissements d’enseignement supérieur qui n’assurent aucune formation professionnelle ou technologique.

e. — L’opacité des circuits de la collecte

— Le caractère lacunaire des informations sur les circuits de collecte

L’absence de contrôle sur l’utilisation des fonds et sur le respect par les entreprises de leurs obligations en raison des carences des autorités départementales compétentes entrave toute possibilité réelle d’appréciation des flux de la collecte. Les carences observées dans les secrétariats des comités départementaux, qui ont en principe pour mission d’examiner les demandes d’exonération, empêchent tout suivi sérieux et cohérent des circuits de collecte. Les données statistiques fournies par les organismes collecteurs aux comités départementaux de la formation professionnelle ne sont pas agrégées à l’échelon national et n’ont donc qu’un caractère lacunaire, difficilement exploitable.

— Les interférences entre les différents circuits de collecte

Bien que les circuits de collecte de la taxe d’apprentissage aient pour eux l’avantage de l’ancienneté, on observe qu’ils ont tendance à se confondre aujourd’hui de plus en plus avec ceux de l’alternance. Ainsi, des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers ont été agréées en qualité d’OMA, directement ou par le biais d’associations relevant d’elles. De même, des ASFO agréées pour la collecte de la taxe d’apprentissage ont aussi une fonction d’OMA. Des collecteurs anciens de la taxe d’apprentissage, comme le CCCA dans les métiers du bâtiment et des travaux publics, ont été agréés comme OMA. L’UNIPE, collecteur répartiteur de la taxe d’apprentissage en 1981, est aussi devenu OMA en 1985. Le plus important collecteur des fonds de l’alternance, l’Afos-PME est chargé de la collecte matérielle de la taxe d’apprentissage pour le compte de l’AGEFA, créée par la CGPME et agréée collecteur de la taxe depuis décembre 1993. Ce phénomène, il faut l’admettre, est assez naturel dans la mesure où les objectifs sont très proches.

Cette situation conduit pourtant certains à redouter à terme une absorption des circuits de la collecte de la taxe par ceux de la collecte des fonds des autres filières de l’alternance. Dans l’autre sens, le surfinancement de l’alternance par rapport à l’apprentissage, dû essentiellement à un coût du contrat d’apprentissage inférieur à celui du contrat de qualification, risque d’entraîner des transferts financiers des circuits de l’alternance vers ceux de l’apprentissage. D’ores et déjà, un tel transfert existe dans les industries métallurgiques et minières à la suite de l’accord collectif du 30 mars 1993 qui a prévu l’attribution de 25 % des fonds collectés au titre de l’alternance au profit des centres de formation d’apprentis. Cette fongibilité partielle des fonds de l’alternance vers l’apprentissage a reçu une consécration législative avec l’article 96 de la loi de finances pour 1994 qui en a porté la limite à 35 %. Les interférences entre les différents circuits de collecte tendent ainsi à anticiper la fusion des circuits de financement.

— Les négligences du FNIC

Créé en 1979 et pérennisé en 1982, le Fonds national interconsulaire de compensation (FNIC) est géré par une association dont les membres fondateurs sont l’assemblée française des chambres de commerce et d’industrie et les assemblées permanentes des chambres de métier et des chambre d’agriculture. Il est chargé du remboursement, d’une part, des rémunérations versées aux apprentis correspondant au temps passé par ceux-ci en CFA et, d’autre part, des coûts de formation des apprentis dans les entreprises n’occupant pas plus de dix salariés. Il s’agit d’un fonds de péréquation alimenté, comme on l’a vu, par le versement d’une partie de la taxe d’apprentissage.

Cet organisme a fait l’objet d’un contrôle approfondi de la Cour des comptes portant sur sa gestion de 1988 à 1992. Or, les documents remis par la Cour à votre Commission concernant le FNIC, font apparaître diverses anomalies dans le fonctionnement de cet organisme : absence de règlement intérieur, retards dans l’établissement des états prévisionnels, absence de suivi dans le recouvrement des recettes, insuffisances dans le contrôle de cet organisme par la direction du Budget et les départements ministériels techniques. Interrogé par votre Rapporteur sur l’absence de budget, alors que l’article 10 des statuts du fonds oblige le conseil à délibérer sur un état prévisionnel des recettes et des dépenses, le Ministère du Budget précise qu’il serait souhaitable que des états prévisionnels soient à l’avenir présentés sous la forme d’un document budgétaire. La Cour des comptes recommande de veiller au moins à la mise en œuvre des dispositions statutaires négligées par les dirigeants du FNIC. Les ministères concernés devraient remédier aux insuffisances de l’exercice de la tutelle. Le FNIC devrait être en mesure de s’assurer auprès des collecteurs que les versements du « 9 % » qu’il reçoit correspondent exactement aux produits exigibles et de faire respecter la date limite du reversement dont le retard peut aller jusqu’à six mois. L’institution d’un système de pénalités pour versement tardif s’impose.

Il est d’autant plus urgent de mettre fin à ces négligences que le FNIC devrait connaître, à terme, des difficultés financières sérieuses dans la mesure où son champ d’action a été élargi en décembre 1993, et où, parallèlement, on assiste à un assèchement du produit de la taxe au profit d’une augmentation sensible du montant des dépenses libératoires.

Certes, parmi les dépenses exonératoires, celles effectivement consacrées à l’apprentissage sont au moins égales à 20 % de la taxe due. Mais on constate que 80 % du montant de la taxe correspondent à des dépenses exonératoires dont la libre affectation a pour effet de privilégier des formations qui ne sont pas des formations pour l’apprentissage. On peut donc parler d’une crise d’affectation ou de finalité du produit de la taxe qui justifierait une réforme profonde.

f. — La nécessité d’une réforme profonde de la taxe d’apprentissage

Il est devenu indispensable de simplifier les mécanismes de la taxe d’apprentissage si l’on souhaite mieux utiliser les fonds de l’apprentissage. « Nous-mêmes avons du mal à comprendre comment s’organisent les circuits financiers relatifs à la taxe d’apprentissage », a reconnu devant votre Commission l’actuel Sous-Directeur chargé, à la Direction du Budget, des crédits du Ministère du travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. « On devrait pouvoir arriver à simplifier les circuits financiers, poursuit-il, et à rapprocher les actions qui sont financées par deux canaux voisins, d’une part la formation en alternance dans le cadre du 1,5 % ; d’autre part, l’apprentissage dans le cadre du 0,5 %. »

Certaines mesures sont déjà intervenues mais elles sont insuffisantes pour remédier globalement aux abus constatés en pratique dans le financement de l’apprentissage. Ce fut ainsi le cas de la réforme du quota régional ou de la fongibilité partielle de l’alternance vers l’apprentissage à concurrence de 35 % des fonds.

Votre Rapporteur considère très insuffisante une politique qui viserait à poursuivre l’introduction de simples aménagements techniques et estime qu’un pas décisif doit être franchi dans le sens d’un rapprochement à terme de l’ensemble des filières de l’alternance.

— La création d’une taxe spécifique pour les formations technologiques

La solution la plus équilibrée est celle qui tient compte de l’évolution des besoins des jeunes concernés par les filières de formation. Le financement de l’ensemble des filières de l’alternance doit avoir pour objectif d’améliorer le rapport coût/avantage de l’insertion professionnelle. Il convient donc de rendre les sources et les mécanismes de financement conformes à leur objet. Ainsi, il apparaît nécessaire de séparer le financement de l’apprentissage stricto sensu de celui des formations technologiques qui ne s’adressent pas à des apprentis.

Pour éviter de compromettre le financement des établissements de formation pour lesquels la taxe d’apprentissage constitue une part importante de leurs ressources budgétaires, on pourrait envisager de créer une taxe spécifique pour les formations technologiques dont la principale caractéristique serait de laisser les entreprises libres de son affectation. Cette taxe pourrait même permettre le financement d’écoles dont l’enseignement n’a pas de caractère technologique mais dont les ressources budgétaires sont actuellement alimentées par le produit de la taxe d’apprentissage. Le produit de cette taxe spécifique ne ferait que se substituer à celui de la taxe d’apprentissage échappant dans les faits à son objet initial ; l’autre partie de la taxe d’apprentissage, celle qui sert réellement à ce type de formation, pourrait être alors fusionnée avec la contribution alternance de manière à constituer une contribution unique et élargie pour l’ensemble des formations de l’alternance.

— Une contribution unique pour les formules de l’alternance

La loi quinquennale sur le travail, l’emploi et la formation professionnelle fixe, en son article 64, l’objectif de parvenir à une filière unique de formation alternée. La réalisation de cet objectif suppose une unification des sources de financement. Votre Rapporteur suggère que la fraction de l’obligation légale de formation professionnelle en faveur de l’alternance (0,4 %) et la taxe d’apprentissage (0,5 %) soient fusionnées. Le taux de cette contribution unique pourrait être fixé à 0,6 % pour tenir compte de l’institution, par ailleurs, de la taxe spécifique pour les formations technologiques, dont on vient de dire qu’elle correspondrait à la partie de l’actuelle taxe d’apprentissage affectée en réalité à des formations autres. Cette proposition s’appuie sur les simulations financières effectuées par la mission d’enquête de l’IGF et de l’IGAS sur l’apprentissage et les dispositifs de formation en alternance sous contrat de travail.

Les organismes de collecte de l’ensemble des formules de l’alternance seraient restructurés conformément aux dispositions de l’article 74 de la loi quinquennale visant à l’obtention d’une plus grande rationalité. Le réseau des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et des chambres d’agriculture serait, avec les OMA, habilité à assurer la collecte de cette contribution unifiée. En contrepartie, les autres organismes actuellement agréés pour la collecte de la taxe d’apprentissage verraient leur agrément retiré.

Les missions du FNIC pourraient être élargies afin de lui confier la tâche d’assurer une régulation au niveau national. Le contrôle de la collecte serait exercé non plus par les commissions départementales de la taxe d’apprentissage, mais par les trésoriers payeurs généraux et les services fiscaux.

On pourrait, enfin, envisager que le financement des différentes formations de l’alternance se fasse désormais au contrat sur la base de forfaits-horaires. Comme l’a fait observer devant votre Commission Mme Christiane Bressaud, Secrétaire confédérale de la CFDT chargée de la formation professionnelle : « Ce qui actuellement est particulièrement transparent (...) c’est le financement au contrat » dans la mesure où il ne s’agit pas de financer « des structures de formation ou de fonctionnement comme le fait la taxe d’apprentissage dont la distribution n’est, quant à elle, plus transparente. Quand nous détenons de l’argent, nous savons qu’un jeune est sous contrat ».

Enfin, pour obtenir plus de souplesse dans leur utilisation, une partie des crédits de l’alternance des jeunes pourrait d’ores et déjà être régionalisée grâce à l’attribution d’une enveloppe déconcentrée confiée à l’autorité préfectorale dont les services extérieurs qu’elle coordonne pourraient assurer un contrôle efficace.


DEUXIÈME PARTIE : ASSAINIR ET MAÎtrISER

La réforme du système de la formation professionnelle passe par un assainissement et une meilleure maîtrise de ce secteur.

Le renforcement de la réglementation des organismes de collecte et de formation, une meilleure définition des rôles respectifs de l’Etat et des régions et la dévolution aux partenaires sociaux de moyens pour participer plus efficacement à l’effort de développement de la formation professionnelle peuvent concourir à cet objectif.

I. — RENFORCER LA RÉGLEMENTATION DES ORGANISMES DE COLLECTE ET DE FORMATION

Il convient tout à la fois de réformer la gestion des organismes collecteurs et d’encadrer précisément la création et le fonctionnement des organismes de formation.

A. — RÉFORMER LES MODES DE COMPTABILITE ET DE GESTION DES COLLECTEURS

La réforme des modes de calcul des frais de gestion, la substitution d’une logique d’optimisation de l’emploi des ressources à une logique de thésaurisation, l’établissement d’une comptabilité plus transparente pourraient constituer les axes majeurs d’une rénovation des modes de comptabilité et de gestion des collecteurs.

1. — la réforme des modes de calcul des frais de gestion

Les frais de gestion des organismes collecteurs se composent de deux types de dépenses :

— les services aux adhérents communs à toutes les lignes de recettes, constitués de coûts récurrents (salaires et charges sociales ainsi que charges diverses comme l’électricité, la documentation ou la location de photocopieurs) et de coûts variables (dépenses de développement, de conseil et d’études) ;

— les actions d’information et de sensibilisation portant sur l’alternance qui s’apparentent plutôt à des charges ponctuelles.

L’analyse de ces deux postes appelle plusieurs observations.

En affirmant devant la Commission que « les règles de rémunération des dirigeants et des cadres doivent être les mêmes que celles qui sont appliquées dans les entreprises publiques », M. Claude Blondel, Président du Conseil de gestion du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, appelait, semble-t-il, à plus de rigueur dans ce domaine. De fait, votre Rapporteur a pu constater que, si les rémunérations des dirigeants des organismes collecteurs avaient tendance à augmenter avec la taille de l’organisme, certaines pouvaient être élevées. Il n’est pas rare de trouver en effet des rémunérations dépassant 600.000 F. par an et pouvant atteindre, dans certains cas, pour les plus gros organismes, 800.000 F.

Les dépenses d’information et de gestion des organismes mutualisateurs agréés ne peuvent excéder un plafond déterminé par référence aux dépenses de formation des jeunes au titre des contrats d’insertion en alternance et de leurs tuteurs. Fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la formation professionnelle, ce plafond a été fixé à 8 % du montant des dépenses consacrées aux actions de formation. Il peut cependant être relevé jusqu’à 12 % après avis favorable de l’instance paritaire de l’organisme de mutualisation sur un programme d’information et de sensibilisation, lorsque les dépenses de gestion n’excèdent pas 6 % des dépenses exposées pour des actions de formation et des stages d’initiation à la vie professionnelle. L’organisme de mutualisation en informe l’autorité administrative qui l’a agréé.

Or l’analyse de ces frais — dont le champ, en réalité, n’est pas défini — sur un échantillon représentatif de plus de cent organismes mutualisateurs agréés conduit à plusieurs conclusions :

— l’utilisation de clefs de répartition analytiques variables d’un exercice à l’autre entre les différentes lignes de collecte permet dans la pratique de ne jamais dépasser le seuil réglementaire ; mais elle comporte une grande part d’arbitraire. Il arrive ainsi que des frais de photocopieurs ou de télécopieurs, voire des rémunérations de salariés, soient partagés, par exemple, entre l’activité plan de formation et l’activité alternance, les organismes collecteurs prétendant être capables de rapporter précisément le coût de ces dépenses au type de collecte concerné. Une telle gestion revient en fait à pratiquer un transfert de charges d’une poche de collecte sur une autre. L’application de cette règle de plafonnement est donc complètement artificielle dès lors que l’OMA est intégré dans une structure où les autres activités ne sont pas assujetties au plafonnement de leurs charges (OMA-ASFO ; OMA-FAF-CIF) ;

— il n’est pas rare que les frais de sensibilisation et d’information soient supérieurs aux frais de fonctionnement proprement dits ;

— ces frais de gestion et d’information ne sont pas toujours justifiés par les organismes collecteurs, ces derniers assimilant le plafond à un forfait, le caractère plafonné des dépenses signifiant à leurs yeux qu’ils sont autorisés à atteindre ce plafond rendant ainsi ce plafonnement inflationniste ;

— votre Rapporteur a rencontré le cas d’un organisme mutualisateur agréé des pays de Loire qui présentait en 1992 le calcul de ses frais de gestion sur 16 mois, afin d’en étaler la charge (Cifca formation) ;

— certaines actions d’information ne sont pas toujours liées à la formation proprement dite. Ainsi, l’examen des comptes d’un grand FAF national de branche par un cabinet d’expertise-comptable mandaté par votre Rapporteur a montré que cet organisme finançait sur ces crédits des actions de promotion de certains métiers dont on peut penser qu’elles devraient plutôt être prises en charge par les fédérations professionnelles ;

— la doctrine de l’administration sur le plafonnement de ces frais n’est pas toujours fixée avec une grande rigueur. Si certains services régionaux de contrôle veillent avec minutie au respect de ces règles, votre Rapporteur a relevé le cas d’une ASFO qui bénéficiait d’une dérogation administrative de fait depuis 1991 pour atteindre un plafond de 16 %.

Sur la base de ces constatations, il est apparu qu’il convenait de réfléchir à la définition de nouvelles règles de plafonnement, celles-ci étant largement détournées de leur vocation de dissuasion. Il serait raisonnable de s’attacher à différencier nettement les dépenses de promotion propres à l’organisme mutualisateur de celles relatives aux actions de formation ; il serait opportun d’envisager la mise en œuvre d’un plafonnement dégressif avec le volume de la collecte et d’une extension du plafonnement de ces frais à toutes les activités des collecteurs. En outre, les frais de gestion devraient être obligatoirement communiqués aux entreprises adhérentes. Plus généralement, les propositions que l’on peut formuler dans ce domaine doivent être rapprochées de la réforme de la présentation des comptes des organismes mutualisateurs agréés que votre Rapporteur appelle de ses voeux. Il apparaît en effet nécessaire d’établir un compte d’exploitation dont les coûts fixes directs seraient limités par voie réglementaire aux ressources d’exploitation et dont les coûts indirects seraient couverts par une partie seulement des produits financiers nets, dans une limite à définir. Ces mesures diminueraient les dépenses régies jusqu’à présent par le seul principe de la consommation budgétaire, permettraient de réaliser des gains de productivité et de consacrer une plus grande partie des produits financiers au règlement d’actions de formation.

2. — la substitution d’une logique d’optimisation de l’emploi des ressources à une logique de thésaurisation

Présentés comme les outils d’une politique volontariste destinée à mobiliser les financements et les efforts, les collecteurs conçoivent leur gestion dans une logique de thésaurisation. Ainsi l’exploitation des documents statistiques et financiers par le Groupe national de contrôle de la Délégation à la formation professionnelle fait apparaître que le taux de prise en charge des contrats d’alternance n’atteint que 60 % de la collecte.

On a déjà vu que, parmi les moyens qui s’offraient à eux pour ne pas constituer d’excédents, le financement d’actifs immobiliers, la mutualisation interne et le gonflement des frais de gestion et d’information figuraient en bonne place. Lors de son audition devant la Commission, M. Antoine Faesch, Secrétaire confédéral de F.O. a déclaré : « Certes, il arrive que l’on dise que telle structure possède des réserves considérables. La raison en est que nous sommes contraints de pratiquer une gestion autonome. Nous n’avons pas la possibilité de présenter des ardoises à l’Etat. Si nous prenons des engagements de formation, nous devons les provisionner, c est à quoi servent ces réserves, qui ne sont donc pas gaspillées. »

La réalité montre, en effet, que la gestion de la collecte est inspirée par une extrême prudence aboutissant en réalité à une thésaurisation des fonds. Si cette prudence se traduit, dans l’immense majorité des cas, par le choix de placements à court terme dans des banques de premier rang (Sicav monétaires et billets de trésorerie pour l&rsquo ;essentiel), elle est beaucoup moins fondée lorsqu’elle préside à la constitution de provisions considérables ou lorsqu’elle a pour effet de retarder le règlement des prestations des organismes de formation.

a. — Les provisions

Les provisions constituent certainement l’instrument privilégié de la thésaurisation. Les sondages pratiqués par votre Rapporteur sur un échantillon représentatif de collecteurs montrent, en effet, qu’un tiers d’entre eux ont des provisions inférieures à 61 % de leurs engagements ; pour un deuxième tiers, ces provisions se situent entre 61 % et 92 % des engagements constatés ; pour un troisième tiers, ces provisions sont supérieures à 92 % des engagements. Rapportées à la collecte, les dotations aux provisions dépassent parfois largement ce montant : 4,4 fois, par exemple, pour un organisme collecteur du bâtiment (CCCA), 4 fois pour un organisme du secteur agricole (Fafsea). En outre, dans certains cas, le montant des reprises de provisions est systématiquement reconduit d’un exercice sur l’autre à hauteur des provisions constatées. Ces provisions qui, en définitive, ont pour effet de réduire le volume des excédents, sont de divers ordres. Les plus importantes sont les provisions pour engagements mais il faut compter avec d’autres à caractère social, alors qu’en revanche des provisions fiscales pourraient être justifiées.

— Les provisions pour engagements

L’analyse de la gestion des provisions pour engagements à laquelle s’est livré un des cabinets d’expertise comptable mandatés par votre Rapporteur sur un FAF national de branche et sur une ASFO locale est éloquente à cet égard. Le processus des engagements est le suivant : les demandes de financement d’actions de formation sont adressées par les entreprises ou par les salariés suivant qu’il s’agit d’un plan de formation, d’un contrat d’alternance ou d’un congé individuel de formation. Il est statué sur l’intérêt du stage et sur son coût financier. Une fois le dossier accepté, les services gestionnaires traitent les demandes de paiement des dépenses de formation et assurent le suivi administratif des dossiers ; ils déterminent une provision pour engagements sur la base du montant des engagements accordés, déduction faite des paiements effectués. Les dossiers non soldés pour lesquels la date de fin de stage est dépassée font l’objet de relances à la convenance des gestionnaires. Mais dans un des deux organismes collecteurs visités, les engagements ont fait apparaître des antériorités non négligeables sur les montants relatifs aux exercices 1987 à 1990, traduisant l’absence de politique de relance. Cette carence, jointe à l’absence de toute trace de relance éventuelle dans les dossiers, explique que 60 % des dossiers sondés chez ce collecteur ne mentionnaient aucune information sur la réalisation effective de la formation. « Nous avons constaté, lors de nos sondages, des faiblesses réelles dans le suivi des dossiers » souligne ainsi le rapport sur cet organisme fourni à votre Rapporteur.

Pour un autre organisme examiné, le rapport remis à votre Rapporteur indique : « Nos tests ont confirmé l’existence de dossiers anciens pour lesquels la formation était théoriquement terminée. L’examen du contenu des dossiers sondés a révélé différents cas de figure :

« — Dans de nombreux cas, la formation a été payée à l’organisme formateur, mais l’entreprise n’a pas réclamé tout ou partie des salaires et charges payées par elle.

« — Dans quelques cas, aucune information contenue dans le dossier ne permettait d’apprécier si la formation avait été suivie ou non.

« — Dans trois cas, l’engagement est maintenu malgré l’existence dans le dossier d `un courrier montrant que la formation n’a pas été effectuée.

« (...) Par ailleurs, il est apparu que l’examen effectué par le conseil d’administration des dossiers anciens non clos, existant à la fin d’un exercice donné, n’intervient qu’une fois par an après la clôture de l’exercice considéré. Ceci conduit à différer, d’un exercice au moins, la régularisation des dossiers devant être soldés ».

La ventilation des engagements à payer au 31 décembre 1993 par année d’ancienneté dans cet organisme fait ainsi apparaître que près de 14 % d’entre eux remontaient aux années 1989 et 1990 ; ce pourcentage atteint près de 25 % si on y inclut l’année 1991.

Quant à l’examen du troisième organisme collecteur effectué pour votre Rapporteur par un cabinet spécialisé, s’il a fait apparaître un suivi satisfaisant des dossiers, il a permis de constater que le montant des reprises de provisions opérées pour annulation de dossiers représentait un pourcentage non négligeable des engagements en cours, variant entre 12,5 % et 15,8 % selon le type de formation. « Ces constats, souligne le rapport fourni à votre Rapporteur, posent donc la question de la réalité de ces provisions qui pourraient constituer :

« — un moyen de limiter les excédents à reverser au trésor ou à l’Agefal,

« — un artifice susceptible d’améliorer le résultat de formation ».

Ces observations ne sauraient épuiser le problème des provisions, car il est des provisions « sociales » rencontrées par votre Rapporteur qui sont tout aussi injustifiées.

— Les provisions sociales

Parmi les anomalies relevées par un des cabinets d’expertise comptable, il convient de citer, en effet, l’existence d’une importante provision pour charges de licenciement (indemnités de préavis et de licenciement) portant sur l’ensemble du personnel d’un collecteur national de branche et enregistrée dans son bilan pour un montant de 8,267 millions de F. au 31 décembre 1993. « Les principes comptables généralement admis, indique le rapport d’expertise, ne permettent pas la constitution de telles provisions, avant que le risque ne se soit réellement matérialisé ». De plus, cette provision est imputée intégralement sur le compte de l’activité « plan de formation » de l’organisme et est renouvelée chaque année, minorant ainsi d’autant l’excédent de cette activité. On peut s’interroger sur le bien-fondé d’une telle provision, alors même que le risque visé ne s’est toujours pas concrétisé depuis des années, et que ce risque de fermeture, mis en avant par l’organisme, est d’autant moins probable qu’il s’agit en l’occurence d’un collecteur national dont la taille constitue à elle seule une garantie.

— La justification de provisions fiscales

A l’inverse, il est permis de se demander si, faute pour les administrations de la formation professionnelle et fiscale d’avoir édicté des règles générales précises en la matière, des provisions fiscales ne seraient pas justifiées.

Le dépouillement des dossiers fournis par les organismes collecteurs en réponse au questionnaire écrit adressé par votre Commission a montré que les organismes collecteurs, qui relèvent tous du régime de la loi de 1901, ne savaient pas très bien en effet à quel type de fiscalité ils devaient se soumettre. Pire, les diverses notifications de redressement fiscal, dont votre Rapporteur a pu avoir connaissance à travers les dossiers fournis, laissent apparaître une diversité de pratiques entre les différentes inspections fiscales du territoire. Il importe qu’une doctrine fiscale précise soit élaborée à destination des organismes collecteurs de manière à limiter les risques fiscaux qui pèsent sur certains d’entre eux.

Un des rapports, remis à votre Rapporteur par un des cabinets spécialisés auxquels il a eu recours, décrit ainsi les risques relevés dans les organismes examinés : «Les revenus de valeurs mobilières de placement ne sont pas fiscalisés. Or, selon l’article 206-5 du Code général des impôts, les revenus provenant du patrimoine sont soumis au taux d’impôt réduit de 24 %. Un arrêt du Conseil d’Etat du 25 janvier 1989 relatif aux revenus de placement de sommes non utilisées confirme ce risque de fiscalisation des organisme collecteurs. Malgré l’importance des produits financiers perçus par ces organismes, ceux-ci n’ont pas constitué de secteurs distincts d activité de TVA et récupèrent la TVA qui leur est facturée à 100 %. Dans ces conditions, l’administration fiscale pourrait remettre en cause une partie de la TVA que ces organismes ont antérieurement déduite. Par ailleurs, dans ce contexte, les organismes devraient, très certainement, être assujettis à la taxe sur les salaires, qu’ils ne versent pas actuellement. (...) Une étude plus détaillée, prenant en compte les situations particulières de chacun des organismes collecteurs serait nécessaire pour pouvoir réellement mesurer les risques fiscaux supportés par ceux-ci ».

Il n’empêche que, globalement, un risque existe.

Si l’on fait abstraction du cas particulier des provisions fiscales, il apparaît bien que le calcul de provisions trop abondantes peut contribuer à favoriser l’existence de disponibilités excédentaires excessives. Et, de fait, on comprend pourquoi il n’est pas rare de voir des organismes collecteurs enregistrer des disponibilités excédentaires égales à un an, ou plus, de collecte (Promofaf), voire à trois ou quatre ans (CCCA).

Sans remettre en cause le principe de constitution d’une provision destinée à faire face à un engagement futur, il apparaît primordial que les organismes de contrôle soient astreints à procéder à une analyse régulière, systématique et approfondie de la réalité de ces provisions d’engagement. Des directives précises du Groupe national de contrôle devraient soumettre en particulier les dossiers anciens non clos à l’examen des conseils d’administration de l’organisme et ce au moins trois fois par an, un seul examen annuel conduisant dans la pratique à différer d’un an au moins la régularisation des dossiers devant être soldés.

La dotation de provisions abondantes n’est pas le seul instrument pour les collecteurs de thésaurisation des fonds en dépôt chez eux.

b. — Le règlement des prestations des organismes de formation

Le peu de zèle déployé par les organismes collecteurs pour rembourser les prestations des organismes de formation constitue aussi un moyen de thésauriser les fonds qu’ils ont recueillis. En effet, parmi les critiques fréquemment émises contre les organismes collecteurs, la lenteur de ces derniers à rembourser les organismes de formation occupe une large place. M. Jean-François de Zitter, Directeur général de l’Institut français de gestion, s’en est ému devant la Commission : « Si je traite avec une grande entreprise, elle me règle sous 60 jours. Quand je suis obligé de passer par un FAF ou une ASFO, celles-ci retiennent 1 argent 60 à 90 jours de plus. Si je refuse, on me répond qu’on ne travaillera plus avec moi. A prendre ou à laisser ». La fixation par voie réglementaire d’un délai de paiement dont le non-respect serait sanctionné peut remédier à cette situation. En tout cas, on ne saurait admettre que la prise en charge du risque financier assumé à ce titre exclusivement par l’organisme de formation ne soit pas rémunérée par l’organisme collecteur.

3. — Elaborer une comptabilité plus transparente

L’article R. 964-5 du Code du travail soumet la comptabilité des fonds d’assurance formation et des ASFO agréées en qualité d’organismes collecteurs des fonds de l’alternance aux règles du plan comptable général, l’application de ce plan faisant l’objet d’un règlement comptable. A vrai dire, cette dernière obligation n’a pas toujours été respectée par les FAF. Quant aux ASFO, elles se sont conformées la plupart du temps au plan comptable de leur organisme de coordination, le Cefar.

Chaque année, les ASFO agréées au titre de l’alternance transmettent au Groupe national de contrôle un bilan comptable certifié par des commissaires aux comptes, un bilan pédagogique et financier et un document retraçant leurs activités au titre des formations professionnelles en alternance. Une même obligation d’enquête annuelle pèse sur les organismes paritaires agréés pour les activités du plan de formation et du congé individuel de formation. Cependant, l’examen des comptes consolidés des organismes collecteurs par regroupement des types de contribution des entreprises révèle les limites de ces informations. Jusqu’au 31 décembre 1993, les FAF étaient en principe soumis à un plan comptable établi en 1982. Les réponses au questionnaire écrit adressé par votre Commission ont montré que tel n’était pas toujours le cas. Certains organismes n’avaient même pas souscrit à l’obligation faite par le Code du travail de disposer d’un règlement comptable, tandis que d’autres avaient élaboré des plans comptables distincts. Aucune harmonisation n’existait, rendant impossible toute comparaison et toute étude globale sur la comptabilité des FAF en France.

Ces organismes sont soumis, depuis le 1er janvier 1994, à un nouveau plan comptable établi par l’administration de la formation professionnelle. Mais il est à craindre que celui-ci soit loin de résoudre les problèmes que soulève la comptabilité de ce secteur professionnel.

a. — Les défauts de l’organisation financière

A la demande de votre Rapporteur, les cabinets spécialisés d’expertise comptable se sont livrés sur place à une analyse détaillée de la comptabilité et de l’organisation financière de trois organismes collecteurs.

Au risque d’apparaître technique, votre Rapporteur croit utile de citer ici les principales conclusions auxquelles sont parvenus ces cabinets, car elles sont toutes révélatrices du manque de lisibilité des comptes et bilans de ces organismes dont on peut penser sans exagération qu’ils ne sont pas les seuls à présenter cette caractéristique.

Dans un premier rapport remis à votre Rapporteur, on peut ainsi lire : « La lecture du compte de résultat est opacifié par l’amalgame réalisé entre les flux de trésorerie et les flux comptables de fonctionnement », cet amalgame empêchant de prendre la mesure exacte de l’organisme en termes de gestion. Plus loin : « le résultat de fonctionnement qui devrait traduire le véritable résultat d’exploitation est de toute manière occulté par les produits financiers qu’il prend en compte. Pour plus de clarté, il serait souhaitable que les flux de trésorerie ne transitent plus par le compte de résultat et que ce dernier présente de manière distincte les produits et les charges, d’exploitation, financiers et exceptionnels ».

Quant au bilan, le cabinet spécialisé souligne qu’il « est établi au 31 décembre de l’année, alors que la collecte au titre de l’année n’est close au 28 février de l’année n + 1. Ce décalage conduit à constater des versements à recevoir qui n’apparaîtraient pas si les deux dates, clôture des comptes et de la collecte, coïncidaient ».

Ce même cabinet d’expertise comptable en est ainsi amené à suggérer que :

« — il soit établi un véritable compte d’exploitation ;

« — les coûts fixes directs soient limités de façon réglementaire aux ressources d’exploitation (mutualisation d’entrée) ;

« — les coûts indirects soient couverts dans une limite à définir par une partie seulement des produits financiers nets »

Par ailleurs, la méthode de calcul des excédents a fait l’objet, de la part des deux cabinets spécialisés mandatés par votre Rapporteur, de critiques convergentes.

Il a tout d’abord été observé que, concernant à la fois l’alternance et le plan de formation, « sont comparés des éléments hétérogènes représentatifs, d’une part, de flux ou de position de trésorerie, et, d’autre part, de charges dont on a déjà fait remarquer le caractère arbitraire ».

En ce qui concerne le calcul des excédents au titre de l’alternance, il a été également indiqué que « les périodes retenues pour établir le calcul ne correspondent pas au véritable cycle de fonctionnement du FAF et ne coïncident pas avec la date d’arrêté comptable », si bien que cela entraîne des effets financiers contestables : « les excédents sont déterminés au 31 mars, et sont calculés par différence entre la trésorerie disponible et la somme des engagements restant à payer et des dépenses de gestion enregistrées en charges. Or, ces dernières sont déjà déduites de la trésorerie puisque payées au cours de l’année écoulée par l’organisme. Autrement dit, la méthode de calcul conduit à constituer une réserve de la totalité des coûts de fonctionnement de l’année suivante ».

Des effets pervers ont été également relevés en ce qui concerne les excédents au titre des plans de formation : « Ceux-ci sont déterminés au 31 décembre et résultent de la différence entre la trésorerie disponible à la clôture de exercice et la totalité des coûts de formation et de fonctionnement comptabilisés en charges (payés ou non).

« Les droits de tirage des entreprises sont utilisés par celles-ci, en moyenne à hauteur de 85 % l’année du versement de la collecte. Autrement dit, la méthode de calcul adoptée consistant à déduire de la trésorerie disponible les droits de tirage et les dépenses de gestion déjà décaissés, conduit à maintenir dans la trésorerie de l’organisme une année d’avance de droits de tirage et de dépenses de gestion ».

Aussi, « pour plus de clarté, serait-il souhaitable, suggère un des cabinets spécialisés consultés par votre Rapporteur, que la date et la période retenues pour les bases du calcul coïncident avec celles de l’arrêté comptable », indiquant même « qu il s’agit là d’une raison supplémentaire pour faire coïncider la date d’arrêté comptable avec la date de fin de collecte, soit le 28 février ». Afin que les éléments de base du calcul soient homogènes, est-il encore souligné, « une solution serait de définir ainsi les excédents : collecte disponible au 28 février de l’année n-1, moins les dépenses de formation de l’exercice n et les provisions constituées au titre des contrats initiés au cours de l’exercice n ».

b. — Les limites du nouveau plan comptable

Il est à craindre que la mise en application du nouveau plan comptable à compter du 1er janvier 1994 ne résolve pas ces questions qui sont d’autant plus sensibles qu’elles n’apparaissent pas de prime abord faute d’investigations approfondies de la part des commissaires aux comptes, comme votre Rapporteur a pu l’observer à la lecture de beaucoup de leurs rapports sur les comptes des organismes collecteurs. Des incertitudes demeurent, notamment, quant à la détermination des flux de trésorerie et du résultat d’exploitation, quant à la requalification des provisions sur engagements et quant à la nomenclature de comptes retenue.

Un des cabinets spécialisés sélectionnés par votre Rapporteur souligne ainsi : « Le nouveau plan comptable entérine le principe de l’inscription des flux de collecte et des dépenses de formation au compte de résultat. De plus il n’opère pas de distinction entre la collecte globale et la collecte disponible puisque la mutualisation d’entrée n’est pas identifiée. En ne permettant pas de faire ressortir de résultat d’exploitation ou de fonctionnement, le nouveau compte de résultat ne dissipe pas en fait l’impression d’opacité que l’on pouvait ressentir antérieurement à l’entrée en vigueur des nouvelles règles ».

Si celles-ci précisent que les engagements de formation non réalisés à la clôture de l’exercice sont inscrits en réserves (réserves affectées aux engagements à financer de la formation : EFF), tous les engagements figureront en engagements hors bilan et les réserves ne seront dotées qu’à la condition que le résultat global de l’exercice soit suffisant. Les engagements qui ne pourront être couverts par ces réserves figureront simplement en engagements hors bilan, sur une ligne distincte des engagements couverts par les réserves. « Il est à craindre qu’à cet égard ces nouveautés retirent toute signification au résultat de l’exercice et rendent la lecture des états financiers d’un FAF encore plus complexe », conclut un des rapports d’expertise remis à votre Rapporteur.

On ne saurait dissimuler, enfin, que la nomenclature de comptes qui a été publiée suscite des interrogations. C’est vrai des EFF (engagements à financer de la formation) ou du « fonds associatif » prévu pour enregistrer la mise de fonds initiale pour l’acquisition ou la création de biens dont la charge incombe à l’organisme. Il appartiendra au Groupe national de contrôle de clarifier rapidement ces points.

Quant à l’incidence que le changement de méthode comptable est susceptible d’entraîner sur le calcul des excédents à reverser éventuellement, les organismes collecteurs interrogés ne semblent pas être en mesure de la préciser. Le second rapport d’expertise remis à votre Rapporteur souligne ainsi : « Si, comme par le passé, le montant des engagements à prendre en compte pour le calcul correspond aux accords de financement donnés par les organes paritaires, le changement de méthode n ’induira aucune conséquence sur le niveau des excédents constatés. Par contre, si seuls les engagements enregistrés comptablement sont pris en compte, le montant des excédents se trouvera augmenté de façon très significative. Cependant, cette hypothèse paraît peu vraisemblable, car elle priverait les organismes des moyens de faire face à leurs engagements futurs ».

Autant dire qu’aucun des deux cabinets d’expertise comptable mandatés par votre Rapporteur n’attend de changement profond des nouvelles règles comptables en vigueur depuis le 1er janvier dernier. L’absence de clarté risque encore de dominer longtemps la présentation financière et comptable des organismes collecteurs.

B. — RÉGLEMENTER LA CRÉATION ET LE FONCTIONNEMENT DES ORGANISMES DE FORMATION

Au 1er janvier 1992, 40.182 organismes de formation professionnelle étaient déclarés auprès des services de contrôle des délégations régionales à la formation professionnelle mais seuls 26.447 avaient exercé une activité en 1991. Toutefois ceux qui avaient déclaré un chiffre d’affaires supérieur à un million de F. n’étaient que 4.758 et avaient réalisé 24,2 milliards de F., soit 85 % de l’activité totale du marché. L’offre de formation est donc plus restreinte que ne le laisserait supposer le nombre d’organismes déclarés.

La suspicion dont souffrent des représentants de la profession et qui rejaillit sur celle-ci dans son ensemble doit inciter les pouvoirs publics à réformer les organismes de formation professionnelle et à revoir par la même la finalité d’un système qui est présenté trop souvent comme un simple enjeu de pouvoir. Permettre aux entreprises et aux particuliers de disposer d’une formation de qualité est un devoir pour la collectivité publique. La subordination de la création des organismes de formation à un agrément, la définition d’un statut juridique uniforme, de règles fiscales précises et la garantie de la qualité des formations pourraient contribuer à atteindre cet objectif.

1. — La nécessité de soumettre la création des organismes de formation à un agrément

Le foisonnement des organismes de formation s’explique largement par l’existence de formalités minimales exigées pour leur création. Leurs dirigeants ne sont astreints qu’à une obligation de déclaration préalable. Comme le faisait savoir M. Jean-François de Zitter, Directeur général de l’Institut français de gestion, devant votre Commission : « Rien n’est plus facile à obtenir qu’un numéro de formateur, qui permet de bénéficier de la déductibilité fiscale. Cela peut aller jusqu’à la séance de yoga pour cadre stressé organisée par un professeur d’éducation physique ou par un masseur kinésithérapeute ». Les conditions de moralité des dirigeants et des administrateurs sont également limitées puisque ceux-ci doivent seulement ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale à raison de faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs et à l’honneur. La faillite personnelle, ou toute autre sanction prise en application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises régissant la faillite personnelle, et d’autres mesures d’interdiction ou la banqueroute, ne sont pas visées.

Ces obligations sont notoirement insuffisantes. Il convient de remplacer ce mécanisme de simple déclaration par un agrément. La nécessité de cet agrément a été d’autant plus ressentie que le public parfois vulnérable qui s’adresse à ces organismes peut être victime de sa crédulité. Proposer un agrément revient à déterminer l’autorité compétence pour le délivrer, à fixer ses critères d’attribution, son champ d’application ainsi que les conditions de sa suspension et de son retrait.

a. — L’autorité compétente

On pourrait concevoir que la profession elle-même se charge de cet agrément, quitte à soumettre celui-ci au contrôle du juge administratif. Cependant, parce qu’elle reviendrait à confier à la profession le soin de s’auto-contrôler au risque d’être exposée aux critiques de malthusianisme et de favoritisme, cette solution ne saurait devoir être retenue. La dévolution de ce pouvoir d’agrément à l’autorité administrative compétente, c’est-à-dire aux services régionaux de la formation professionnelle, devrait conférer à cette procédure des garanties d’objectivité et d’efficacité.

Il serait, par ailleurs, souhaitable, parallèlement à la mise en œuvre de cette procédure d’agrément, que la profession puisse s’organiser en élisant une chambre syndicale représentative apte à être l’interlocuteur qualifié des pouvoirs publics ; celle-ci mettrait en œuvre ultérieurement son propre contrôle de la qualité des formations, fonctionnant ainsi comme un véritable bureau de qualification pour tous les organismes agréés.

b. — Les critères d’attribution

Il ne faut pas se dissimuler que la question des critères d’attribution de cet agrément est délicate car on ne saurait reprocher à l’administration de protéger des organismes déjà établis. Si la moralité des dirigeants doit être prise en compte, l’habilitation devrait être subordonnée également à la durée de vie, aux conditions de capacité financière de l’organisme, à ses capacités d’évaluation, aux moyens humains et matériels mis en œuvre, à la régularité de la situation des candidats à l’agrément au regard de l’obligation d’acquittement des cotisations sociales et des impositions de toute nature. Le critère de la qualité de la formation dispensée qui sera évoqué plus loin devra naturellement intervenir pour une large part dans cette habilitation. Pour être significatifs et permettre une comparaison objective entre les organismes, ces indicateurs devront porter sur des populations homogènes. La difficulté majeure réside toutefois dans le fait qu’il n’est possible de juger de la qualité d’une formation qu’après sa réalisation ; mais cet obstacle pourrait être franchi en n’attribuant l’agrément qu’après une période probatoire de trois ans au cours de laquelle le régime de déclaration préalable continuerait à recevoir application ; par ailleurs, un organisme déjà établi pourrait exciper de son expérience.

c. — Le champ de l’agrément

On peut envisager que cet agrément soit accordé par type de formation professionnelle, par secteur d’activité ou ait une simple implication territoriale ; un souci de simplification administrative militerait en faveur d’un agrément valable sur l’ensemble du territoire afin de couvrir tous les établissements d’un même organisme. En outre, un même organisme pouvant être qualifié dans plusieurs domaines, et l’agrément constituant le moyen d’apprécier la qualité de la formation prodiguée, le critère du secteur d’activité (gestion, formation technologique, informatique, par exemple) paraît être préférable à celui du type de formation professionnelle qui touche plus à l’activité de collecte. Dans la mesure où ils intéressent directement la qualité de la formation, ces critères seront analysés plus loin.

d. — Les conditions de suspension et de retrait de l’agrément

Si la durée de l’agrément peut être fixée par voie réglementaire comme il est d’usage, il convient de prévoir les conditions dans lesquelles l’agrément peut être suspendu ou retiré.

L’agrément pourrait être suspendu pour une durée maximum d’un an ou retiré, après mise en demeure, par le délégué régional à la formation professionnelle pour plusieurs motifs : non respect des conditions de délivrance de l’agrément ; non exercice ou cessation des activités au titre desquelles l’agrément a été délivré ; manquement à la probité ; condamnation judiciaire du responsable de l’organisme inscrite au bulletin n° 3 du casier judiciaire. Par parallélisme des formes avec l’agrément, la suspension et le retrait recevraient application à l’ensemble du territoire national.

Ce souci de mieux encadrer la création des organismes dispensateurs de formation est inséparable d’une définition rigoureuse d’un statut juridique uniforme et de règles fiscales précises.

2. — La nécessité d’une définition rigoureuse d’un statut juridique uniforme et de règles fiscales précises

a. — Un statut juridique uniforme et rigoureux

Les organismes de formation professionnelle connaissent une extrême variété de statuts (association, société anonyme, SARL, GIE). On peut faire remarquer toutefois que ces statuts ne rendent pas toujours compte de la réalité dans la mesure où une seule structure peut dissimuler une multitude d’organismes. C’est ainsi qu’une SA faisant l’objet actuellement d’une procédure judiciaire abrite derrière elle 38 organismes aux statuts les plus divers (société civile, SARL, SA, association). Il n’en demeure pas moins que le statut associatif est le plus répandu, certaines ayant même été déclarées d’utilité publique. Or celui-ci ne constitue désormais bien souvent qu’un habillage juridique pour une activité lucrative. Les cotisations des membres de ces associations sont symboliques, le taux de présence aux assemblées générales est faible et la diffusion de l’information financière restreinte. La distribution de bénéfices n’étant pas autorisée, cette situation permet d’assurer parfois de confortables revenus aux dirigeants.

Si ce statut n’est pas satisfaisant pour des raisons juridiques, il s’avère également inadapté pour des raisons financières ; il apparaît, en effet, inapproprié à des structures dont le chiffre d’affaires peut dépasser plusieurs dizaines de millions de F. et même atteindre près de 400 millions de F. pour les plus importants d’entre eux.

La solution minimaliste consisterait à ranger ces organismes dans la catégorie juridique des personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique, visée au chapitre V de la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises. Cependant, outre le fait que le décret d’application du 1er mars 1985, rapproché des dispositions de l’article R. 923-2 du code du travail, fixe des seuils de salariés et de chiffre d’affaires en deçà desquels ces organismes peuvent se trouver, l’assujettissement à cette législation ne répondrait pas au souci de renforcement des obligations légales des formateurs. Il serait à la fois plus simple et plus efficace de soumettre ces organismes au statut des sociétés commerciales à but lucratif et aux règles de comptabilité de droit commun fixées par les articles 8 à 17 du Code de commerce. Il est vrai qu’un tel changement de statut irait à l’encontre d’une certaine culture administrative pour qui les associations sont les destinataires privilégiés du financement public mais il appartiendra à ce moment-là à l’administration de s’adapter à ce nouveau contexte en abandonnant une conception traditionnelle des structures de la formation professionnelle qui finit par relever de la mythologie.

Cette réforme excluerait toutefois de son champ les personnes morales de droit public et les associations reconnues d’utilité publique tournées exclusivement vers des publics en grande difficulté.

b. — Un statut fiscal plus précis

Le choix d’un statut associatif non lucratif par la profession n’est pas neutre fiscalement. Il convient de distinguer à cet égard les problèmes soulevés par l’imposition sur les sociétés et par l’assujettissement à la TVA.

S’agissant de l’imposition forfaitaire annuelle, il semble que la position adoptée jusqu’à maintenant par les organismes de formation ayant choisi le statut d’association à but non lucratif — qui justifie à leurs yeux l’exonération de cette imposition — ne pourra résister longtemps. D’ailleurs, c’est parce que certains d’entre eux, comme celui qui a fait l’objet d’un diagnostic de la part d’un cabinet d’expertise comptable mandaté par votre Rapporteur, en sont conscients, qu’ils constituent des provisions pour « risque fiscal », parfois non négligeables. La cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 26 mai 1992 (CAA Paris 26 mai 1992, n° 2540, 2e ch, Association Gepod Formation) a fixé des règles claires en la matière. Elle a en effet estimé qu’une association ayant pour activité la formation professionnelle continue d’adultes, exerce une activité lucrative la rendant passible de l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ; dans la mesure où les besoins en ce domaine sont largement couverts par des entreprises du secteur commercial qui mettent en œuvre des pratiques concurrentielles, cette activité ne présente pas un caractère d’utilité sociale. Cette jurisprudence rejoint un arrêt du Conseil d’Etat qui avait considéré qu’une activité peut être jugée lucrative dès lors qu’elle est susceptible d’être exercée dans un cadre concurrentiel (Conseil d’Etat, 7e et 8e sous-sections, 29 juin 1988, req. n° 73.220). Ce raisonnement a été repris plus récemment encore par la haute juridiction à propos d’une association interentreprises de formation professionnelle mettant à la disposition de ses adhérents des programmes audiovisuels et des films techniques conçus pour la réalisation de stages de formation près des lieux de travail (Conseil d’Etat, 15 avril 1991, req. nos 77.075-77.076).

S’agissant de la TVA, l’administration estime que les organismes de formation peuvent être exonérés de TVA pour les opérations de formation professionnelle, ce qui entraîne leur assujettissement à la taxe sur les salaires, les opérations ne ressortissant pas à la formation professionnelle étant imposables elles à la TVA. Cette option ne peut présenter toutefois d’intérêt réel pour les formateurs que s’ils réalisent peu d’investissements, ce qui est très souvent le cas ; en revanche, une politique d’investissements les inciterait à faire le choix de l’assujettissement à la TVA pour la récupérer. Mais au-delà, on peut se demander si l’assujettissement à la taxe sur les salaires ne constitue pas pour ces associations un moyen supplémentaire de s’exonérer de l’impôt sur les sociétés en arguant de leur statut associatif. En ce sens, la soumission de ces organismes au statut des sociétés commerciales présenterait également le mérite de dissiper toute ambiguïté quant au régime de l’imposition sur le chiffre d’affaires.

3. — La nécessité de garantir la qualité des formations

La garantie de la qualité des formations doit constituer l’un des axes majeurs de toute réforme attachée à améliorer l’efficacité de la formation professionnelle.

La loi du 4 juillet 1990 avait mis en place une procédure d’habilitation plus connue sous le nom de « labellisation » (art. L 941-1-1 du code du travail). Elle prévoyait que l’Etat ne financerait que des projets ayant fait l’objet d’une habilitation par le préfet de région après avis du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l’emploi. Cette habilitation visait à s’assurer de la qualité des programmes de formation proposés. Pour le ministre de la formation professionnelle de l’époque, « l’habilitation n’est pas une appréciation d’ensemble sur la qualité générale d’un organisme de formation ; elle vise à identifier, dans le temps et dans l’espace, les possibilités réelles d’un tel organisme, de former autour d’objectifs pédagogiques clairs, un nombre de stagiaires déterminé » (JO déb. AN., 1ère séance du 3 mai 1990).

Ce processus qui n’a pas été appliqué — le décret d’application n’étant jamais paru — souffrait cependant dès le départ de plusieurs défauts ; d’abord il était à la fois trop détaillé et trop lourd à gérer, certains organismes proposant plusieurs centaines de programmes de formation et les renouvelant en cours d’année. Ensuite, il n’avait qu’un champ limité dans la mesure où il n’intéressait que les stages financés par l’Etat.

Si l’idée de « labellisation » ne paraît pas devoir être remise en cause, et est même souhaitée par la majorité des professionnels puisqu’un projet d’accord-cadre avec la Fédération de la formation professionnelle portant sur le respect de règles de qualité est en cours d’élaboration, l’expérience de la loi de 1990 doit inciter à se montrer très pragmatique dans la définition des critères qualitatifs auxquels sera subordonné l’agrément d’un organisme. Plutôt que de descendre dans l’analyse détaillée des programmes offerts par l’organisme dispensateur de formation ou de cantonner le champ d’application de cet agrément aux formations financées par l’Etat, il serait plus réaliste, comme on l’a vu, de définir, au préalable, avec la profession des domaines de formation assez larges. L’agrément serait alors délivré pour ces formations au vu des documents fournis par l’organisme. Celui-ci, outre ses capacités financières, à travers son compte de résultat et son bilan pédagogique et financier, serait appelé à présenter l’expérience professionnelle des dirigeants et des formateurs, ses méthodes pédagogiques, le taux d’assiduité de ses stagiaires et leur taux de placement six mois après la fin du stage.

Selon votre Rapporteur, ces derniers indicateurs ont été jusqu’ici trop négligés au point même qu’un organisme de formation a cru devoir répondre à votre Rapporteur qu’il n’était pas « concerné » par la question. Répondant au questionnaire écrit que votre Commission leur avait adressé, la plupart des organismes de formation interrogés ont fait savoir qu’ils ne disposaient pas de statistiques sur le devenir professionnel de leurs stagiaires.

Certes, votre Rapporteur est conscient que de tels indicateurs ne permettent pas de s’assurer de la stabilité du salarié dans son emploi et que la définition et le suivi de ces indicateurs se heurtent à des difficultés, notamment lorsque les formations en cause n’ont d’autre objet que d’insérer des jeunes ou des demandeurs d’emploi dans la société. C’est pourquoi la mise en place de ces critères doit se faire de manière suffisamment pragmatique en tenant compte des types de formation et des publics visés. Il n’empêche cependant qu’aucune politique de qualité ne pourra être définie et mise en œuvre si l’on ne dispose pas de ces instruments pour s’assurer de l’adéquation de la formation aux besoins. Ces indicateurs auraient au surplus le mérite de permettre à l’administration de débusquer des formations n’entrant pas dans le champ de l’article L. 900-1 du Code du travail, comme celles qu’a pu relever votre Rapporteur, dans un FAF régional et qui concernaient des stages de « couture », de « cuisine exotique » et d’« aérobic ». Or, jusqu’ici, et à l’exception de quelques enquêtes du CEREQ, force est de constater que l’on n’a aucune vue globale réelle sur la qualité de la formation dispensée.

Enfin, l’effort à mener en faveur de la qualité des formations pourra atteindre plus facilement son objectif si les pouvoirs publics et la profession s’attachent à favoriser la formation des formateurs. A cet égard, en étant particulièrement attentif au contenu de la pédagogie et aux conséquences des nouvelles technologies sur la formation professionnelle, notamment avec l’émergence d’une formation à distance, un institut de formation des formateurs, rattaché au CNAM, pourrait constituer un premier pas dans cette direction. La collaboration avec le CNAM se justifierait par le caractère exemplaire de l’action de cette institution dans le domaine de la formation professionnelle, de la promotion sociale et par son ouverture sur la vie économique.

Au total, le contrôle de la qualité des organismes dispensateurs de formation pourrait s’effectuer à trois stades : au moment de l’agrément, au moment de la signature de conventions financées par les collectivités publiques et lors des vérifications d’agents des groupes régionaux de contrôle. Mais encore faut-il que les missions et les moyens de ces mêmes collectivités publiques aient été redéfinis au préalable. A l’inverse de nombreux observateurs du monde de la formation professionnelle, votre Rapporteur ne considère par que la formation, initiale ou continue, soit un « marché » comme les autres. Si les mécanismes de la concurrence doivent jouer, il appartient aux pouvoirs publics de garantir aux « consommateurs » de formation qu’ils ne seront pas grugés sur la qualité d’un produit immatériel à venir. L’absence d’une véritable chambre syndicale professionnelle se fait cruellement sentir dans ce domaine qui, plus que tout autre, doit faire l’objet d’une véritable information de qualité pour les entreprises et les individus.

II. — MIEUX DÉFINIR LES RÔLES RESPECTIFS DE L’ETAT ET DES RÉGIONS

L’assainissement et la maîtrise du système de formation professionnelle implique aussi une meilleure définition des rôles respectifs de l’Etat et des régions. A cette fin, il convient d’exiger de l’Etat qu’il veille à une meilleure utilisation des crédits publics. Il s’agit aussi de réorganiser le service public de l’emploi et de la formation professionnelle, de donner à l’Etat les moyens d’assurer un contrôle effectif du fonctionnement du dispositif de la formation professionnelle et de permettre aux régions d’exercer pleinement leurs compétences légales.

A. — EXIGER DE L ETAT QU’IL VEILLE À UNE MEILLEURE UTILISATION DES CRÉDITS PUBLICS

L’Etat ne saurait renforcer la réglementation pour assainir et maîtriser le système de formation professionnelle s’il ne s’imposait à lui-même des disciplines. Or son comportement n’est pas à l’abri de critiques.

L’Etat n’est pas suffisamment exigeant en ce qui concerne ses propres organismes de formation ou les organismes qui travaillent pour lui.

On rappellera que l’Education nationale et l’AFPA assurent à elles seules près de 70 % de l’offre globale de formation, à raison respectivement de 38 % et 32 %.

Dans un rapport remis en mai 1989 au gouvernement sur la qualité de l’offre des formations professionnelles financées par l’Etat, M. Bernard Brunhes et Mme Monique Tessier-Garcin soulignent que « l Etat ne s’est pas donné les moyens de maîtriser le dispositif » et notent que « la multiplication des procédures, et surtout l’absence d’une politique de qualité fondée sur une évaluation des qualifications et capacités réelles des organismes aboutissent trop souvent à un mauvais usage des moyens disponibles ».

L’Education nationale occupe une place de tout premier rang dans la formation professionnelle qui constitue pour elle une source de recettes provenant principalement de fonds publics.

L’intervention de l’Education nationale se fait d’abord par l’intermédiaire des Greta, structures constituées d’établissements scolaires publics réunis par convention. En 1991, les Greta ont accueilli 660.000 stagiaires. 28 délégations académiques à la formation continue (Dafco), placées auprès du Recteur, coordonnent l’activité des Greta de l’académie. Les Dafco animent les relations avec les grandes entreprises et assurent la concertation avec les partenaires régionaux de la formation et de l’emploi. 330 Greta fédérant 5.600 lieux de formation (lycées et collèges) analysent les besoins de formation de leurs partenaires et construisent les programmes nécessaires.

A côté des Greta, mais rattachés à eux, 69 centres permanents de l’Education nationale (les CPEN) sont spécialisés dans la formation individualisée sur une ou plusieurs filières professionnelles. Ce vaste réseau représente un effectif de 1.300 conseillers en formation continue et un potentiel de 30.000 formateurs. Ce réseau propose la plupart des prestations liées à la formation : bilans de compétence, formations générales de base, formations qualifiantes et diplômantes, conseil en formation et en gestion des ressources humaines, ingénierie de formation, formation de formateurs ou de tuteurs, évaluation des programmes. L’action des Greta couvre l’ensemble des branches professionnelles et tous les niveaux de formation. Pourtant, les Greta ne font l’objet d’aucune définition juridique et n’ont aucune autonomie, ce qui rend leur situation difficile.

Les fonctions administratives, financières et comptables des Greta sont exercées par un établissement scolaire d’appui. Le conseil d’administration de l’établissement d’appui a tout pouvoir en ce qui concerne le budget qu’il doit approuver. Or, comme le souligne le rapport déjà cité sur les formations professionnelles financées par l’Etat, « paradoxalement l’instance qui décide du budget n a pas en général la formation des adultes pour préoccupation, alors que ce budget peut représenter, par rapport à celui de l’établissement d’appui, une somme considérable ». Les Greta doivent au surplus gérer un personnel au statut disparate en recourant fréquemment aux heures supplémentaires.

On ne s’étonnera pas dans ces conditions du jugement contrasté porté sur leurs activités par le rapport déjà cité : « La carte des Greta est très disparate, très contrastée : les nouveautés pédagogiques les plus brillantes côtoient les fonctionnements un peu poussiéreux ».

Il revient aux Greta de développer des fonctions d’accompagnement vers l’emploi, de mieux former leurs permanents et de dynamiser leur action commerciale. Pour atteindre ces objectifs, il faut les doter d’un statut clair leur permettant de surmonter les nombreux obstacles bureaucratiques qui ont tendance parfois à les paralyser.

L’enseignement supérieur contribue à la formation continue à travers les universités et établissements universitaires de formation continue, les écoles d’ingénieurs et le conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Mais la complexité administrative et le manque de locaux constituent un handicap.

Enfin, l’AFPA, dotée d’une expérience ancienne, tente de s’adapter aux conditions d’un marché concurrentiel. Beaucoup de progrès restent à accomplir, quand on sait que les chefs de centre ont bien des difficultés à calculer leur prix de revient.

Parlant de l’AFPA, le rapport précité sur la qualité de l’offre indiquait que « le positionnement de l’agence régionale de l’AFPA dans le service public de l’emploi n’est pas clair. Certains responsables de l’AFPA imaginent pour leur organisme un rôle central dans le service public de l’emploi, qui manifestement ne correspond ni à sa vocation, ni à ses capacités d’intervention sur le marché du travail ».

L’AFPA doit remédier également à un autre défaut. Par ses activités d’expertise et de contrôle, elle apparaît souvent, aux yeux des organismes de formation qu’elle contrôle, comme coiffée d’une double casquette : a ainsi été cité l’exemple fâcheux d’un centre FPA qui s’inspirait des informations recueillies en expertise pour monter un stage concurrent. Généralement, les organismes de formation reconnaissent la compétence de l’AFPA, mais ils acceptent mal ce qu’ils considèrent comme une forme de concurrence déloyale ou, à tout le moins, biaisée. L’AFPA supportant mal, de son côté, d’être mise en concurrence avec des « privés » sur des appels d’offre, il y a là une occasion de conflits dont il n’est pas opportun de perpétuer trop longtemps l’existence.

L’intervention de l’Etat apparaît comme une source de gêne pour l’AFPA, comme l’a souligné, lors de son audition devant la Commission, M. Michel Praderie, alors Directeur général de l’établissement : « Il conviendrait d’établir un choix clair entre l Etat ou les organes délibérants pour l’exercice du pouvoir dans l’association. Ou bien l’Etat accepte de jouer son véritable rôle parmi les trois partenaires, ou bien nous sortons du pacte associatif, ce qui correspondrait à une solution réaliste ».

Le contrôle a priori de l’Etat nuit à la rapidité de la prise de décision sur le marché de la formation. M. Michel Praderie a fait ainsi part à la Commission de son expérience en ce domaine : « (...) Par exemple, venant moi-même de quitter le milieu industriel, j’avais été étonné de constater que le premier contrat que j hi eu à connaître à l AFPA concernant la formation de salariés du groupe Peugeot, nécessitait accord explicite écrit de la direction du budget. Cette situation est tout à fait insupportable car le client attend une réponse rapide du directeur général de l’AFPA et ne comprend pas les raisons d’un retard de plusieurs semaines imputable au délai d’obtention de l’accord de la direction du budget ».

L’AFPA devrait mieux veiller à la qualité de ses formateurs, dans la mesure où, comme l’a rappelé M. Michel Praderie, « le système d’évaluation des compétences professionnelles de l’AFPA révèle une proportion d’environ 10 % du personnel faisant mal leur métier ».

La formation des formateurs doit être actualisée afin d’éviter que des stages sans réels débouchés continuent à être organisés dans le seul souci de maintenir des emplois de formateurs en activité.

L’AFPA a perdu sa position hégémonique en matière de formation des adultes. Elle devra de plus en plus faire preuve d’efficacité dans ses méthodes de formation et améliorer ses résultats en termes de placement. L’enjeu du contrat de progrès quinquennal qui vient d’être signé avec l’Etat sera donc de prouver que l’AFPA est à même de résister à une concurrence de plus en plus vive. L’établissement se trouve ainsi à la croisée des chemins. Sans un sursaut qualitatif, des réformes de structure, voire des « démembrements », devront être opérés.

Le comportement de l’Etat est critiquable aussi dans ses propres services.

Ainsi, la Cour des Comptes a-t-elle présenté des observations sur la gestion du centre Inffo (Centre pour le développement de l’information sur la formation permanente) qui dépend du Ministère du travail et a le statut d’association de la loi de 1901. Elle a notamment critiqué la superposition des financements entre les subventions d’équilibre et les sommes qui lui sont allouées pour l’exécution d’opération commanditées. La Cour a également noté que le centre ne dispose pas des moyens d’apprécier les résultats de ses activités d’édition et de diffusion et que l’absence de comptabilité analytique ne lui permet pas de justifier les prix demandés pour ses prestations et produits ; a fortiori en est-il de même de la charge résultant éventuellement pour l’association ou l’Etat.

Pourtant, comme l’a rappelé le Ministère du Budget en réponse au questionnaire que lui a adressé votre Rapporteur, le centre Inffo est soumis au contrôle économique et financier de l’Etat dans les conditions prévues par le décret n° 55-733 du 26 mai 1955. Il appartient donc à l’Etat d’utiliser les moyens juridiques à sa disposition pour remettre de l’ordre dans la gestion de cet organisme.

Par ailleurs, les représentants de l’Etat siégeant dans les conseils d’administration des instances de gestion de la formation professionnelle doivent s’efforcer de ne pas se borner à des vérifications formelles des décisions auxquelles ils participent.

Ainsi, il serait souhaitable d’améliorer l’examen des dossiers de demandes de crédits présentés au Conseil de gestion du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale. Ce Fonds a notamment pour objet de concourir au financement des actions entreprises par l’Etat au niveau des différents ministères en matière de formation professionnelle continue, ainsi qu’au financement des conventions régionales signées par le représentant de l’Etat ; ses crédits sont en particulier destinés aux conventions de fonctionnement et d’équipement conclues avec les dispensateurs de formation. Les dossiers de demandes de crédits présentés au conseil de gestion du fonds sont établis par la délégation à la formation professionnelle. Mais les représentants des ministères concernés ne sont pas toujours présents au conseil, et, en tout état de cause, ne sont pas en mesure de vérifier de façon approfondie les éléments des dossiers qui leur sont soumis, même si — comme c’est le cas pour certains d’entre eux —, ils ont fait l’objet d’un examen préalable par une instance consultative ad hoc. C’est ce qu’a reconnu, devant votre Commission, un des représentants du ministère du Budget au conseil, M. François Mongin, affirmant lors de son audition : « Je suis navré de dire que nous ne sommes pas équipés pour l’exercice de la tutelle conjointe avec le ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ».

B. — RÉORGANISER LE SERVICE PUBLIC DE L EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La politique de l’emploi s’appuie sur plusieurs formes d’intervention. On citera, notamment, le suivi de l’évolution du travail et de l’emploi, la lutte contre les aléas du marché du travail (placement des demandeurs d’emploi, mise en œuvre des programmes d’insertion), l’accompagnement des restructurations et l’atténuation de leur coût social, les aides à la promotion des activités et des emplois. Dans cet ensemble, la formation professionnelle a été considérée dans la dernière période, de plus en plus, comme un simple auxiliaire de la politique de l’emploi. Elle a eu tendance à s’« instrumentaliser » pour reprendre une expression de M. André Ramoff, ancien Délégué à la formation professionnelle, qui s’est exprimé ainsi devant votre Commission : « Instrumentalisation : en ce sens que la politique de formation professionnelle a été de plus en plus considérée comme un simple instrument de la politique de l’emploi et que l’on a perdu de vue ses objectifs propres (...) ».

Cette « réduction d’ambition » s’est traduite par le fait que la formation professionnelle a été, pour une grande part, absorbée par le ministère du travail, la répartition des compétences entre l’emploi et la formation professionnelle étant devenue artificielle et peu adaptée. Une clarification s’impose pour la création d’un grand service public de l’emploi et de la formation professionnelle.

1. — Une répartition des compétences devenue artificielle et peu adaptée

a. — L’interministérialité n est plus qu’une fiction

Dans l’esprit des auteurs de la loi de 1971, il s’agissait de doter la formation professionnelle d’une réelle spécificité et d’une existence autonome.

Selon l’article L 910-1 du code du travail, « la formation professionnelle et la promotion sociale font l’objet d’une politique coordonnée et concertée (...) ». A cet effet, il avait été créé auprès du Premier ministre un comité interministériel placé sous sa présidence. Un conseil national de la formation professionnelle, présidé par le Premier ministre et composé des représentants des organisations professionnelles et syndicales d’organismes intéressés et de personnes qualifiées, avait été chargé de donner des avis sur les orientations de la politique de la formation professionnelle. Dans l’intervalle des réunions du conseil national, une délégation permanente, qui en est l’émanation, devait, en principe, être régulièrement réunie et consultée sur les orientations de la politique de formation professionnelle. En outre, un Conseil de gestion du fonds de la formation professionnelle, de la promotion sociale (FFPPS) était institué, composé d’un représentant de chacun des ministres participant au comité interministériel et d’un nombre égal de personnalités qualifiées désignées par arrêté ministériel. Chaque année, le conseil de gestion, après examen des demandes présentées par les différents départements ministériels intéressés et par les préfets de région, doit arrêter, sur la base des directives du comité interministériel et du groupe permanent, la répartition des crédits du fonds.

Aujourd’hui, l’administration de la formation professionnelle continue est placée sous la responsabilité d’un délégué à la formation professionnelle qui dispose de services rattachés au Secrétariat général du gouvernement et mis à la disposition du ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Le délégué à la formation professionnelle a pour mission de préparer la politique interministérielle de formation professionnelle et de la promotion sociale en concertation avec les milieux professionnels ; il est chargé de suivre la mise en œuvre juridique, financière et technique de la politique de formation et de gérer les crédits du Fonds de la FPPS pour le financement des actions de formation.

C’est, par délégation du Premier ministre, que le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle suivait naguère les affaires concernant la formation professionnelle. Aujourd’hui, la délégation à la formation professionnelle est seulement placée sous son autorité alors qu’en 1986, celle-ci était encore rattachée administrativement aux services du Premier ministre, même si elle était placée sous l’autorité du ministre des Affaires sociales et de l’emploi.

Or, on sait que, par nature, la politique de formation professionnelle a un caractère horizontal. Les budgets de nombreux ministères sont concernés et dotés de crédits de formation professionnelle : Agriculture, Artisanat et commerce Education nationale, Jeunesse et sports, Justice, Tourisme, travail.

Entendu par votre Commission, M. Jean Courdouan, actuel délégué à la formation professionnelle considère toujours que le conseil de gestion et le groupe permanent « avec l’appui de la délégation à la formation professionnelle, respectent très largement le jeu de l’interministérialité ». Tel ne semble pas être toutefois le point de vue de M. Claude Blondel, Président du Conseil de gestion du Fonds et ancien Secrétaire général de la formation professionnelle, qui, lors de son audition, s’est ainsi exprimé : « Aujourd’hui, le pilotage de la formation professionnelle a pratiquement perdu tout caractère interministériel, et c’est, à mon sens, un grave appauvrissement », et de préciser que « le groupe permanent de la formation professionnelle qui comprenait tous les directeurs d’administration centrale concernés ne s’est pas réuni depuis trois ans. De ce fait, il y a maintenant une coupure que je trouve très fâcheuse entre la formation professionnelle et le ministère de 1 Education nationale ».

Progressivement, la formation professionnelle a été peu à peu absorbée, non seulement au niveau des objectifs, mais aussi sur le plan administratif et financier par la politique de l’emploi A partir de 1984, la délégation à la formation professionnelle et la délégation à l’emploi sont réunies sous la même autorité ministérielle. En 1987, tous les crédits encore inscrits au budget des services du Premier ministre au titre de la formation professionnelle ont été transférés au budget du ministère des Affaires sociales et de l’emploi, devenu en 1988 le ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

Le formation professionnelle est aujourd’hui dans une situation intermédiaire dont on ne peut se satisfaire. Elle n’a pas les moyens administratifs pour remplir ses finalités spécifiques. Elle ne participe pas non plus réellement à une politique de l’emploi unifiée et dynamique, car l’organisation administrative actuelle manque de cohésion et les moyens sont inadaptés.

b. — Un manque de cohésion et des moyens inadaptés

La place de la formation professionnelle dans l’organisation du service public de l’emploi manque de clarté en raison d’une répartition peu adaptée des compétences entre les instances concernées et de l’enchevêtrement des instances de concertation et de décision.

Les compétences de la Délégation à la formation professionnelle trouvent leur limite dans celles exercées par la Délégation à l’emploi. En effet, celle-ci est non seulement chargée de préparer, d’animer, de mettre en œuvre et de coordonner la politique de l’emploi, mais aussi de concevoir et de suivre l’application des actions de formation professionnelle. La Délégation à l’emploi dispose ainsi du concours de l’AFPA ou des centres privés agréés qui organisent des actions de formation pour la qualification des demandeurs d’emploi. Elle a aussi recours à l’ANPE qui, jusqu’à une date récente, a été un opérateur en formation et au Fonds national de l’emploi (FNE) pour la conclusion de conventions de formation et d’adaptation avec les entreprises. Elle a autorité sur les programmes de lutte contre le chômage de longue durée. La Délégation à l’emploi intervient aussi dans la rémunération des stagiaires en contribuant au financement de l’assurance-chômage au titre de l’allocation de formation-reclassement (AFR).

Le domaine de recoupement des actions des deux délégations s’est donc élargi, rendant inadaptée la juxtaposition de deux structures administratives. Déjà, en 1985, le rapport de la mission relative à l’organisation des administrations centrales (MODAC) sur le ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle soulignait « l’absence de logique qui préside à la répartition des compétences entre les deux délégations, toutes deux administrations de mission que l’on s’est borné à juxtaposer, l’autorité ministérielle étant seule censée assurer l’unité de vue et d’action. »

Cette séparation fonctionnelle entraîne deux logiques d’intervention différentes. D’une part, le Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, à gestion tripartite et dont les crédits sont gérés au niveau régional, a une compétence très étendue en ce qui concerne la formation professionnelle. D’autre part, le FNE, chapitre budgétaire géré par la Délégation à l’emploi, dont les crédits sont déconcentrés à l’échelon du département, assure ponctuellement des actions de formation pour résoudre des problèmes d’emploi. Il est alors difficile, à l’échelon local, d’identifier une politique cohérente. L’action des intervenants obéit à des logiques différentes. Elle s’exerce à destination de leur public potentiel, qui représente en quelque sorte un marché captif et devient même l’objet d’une véritable compétition entre les organismes gestionnaires. On peut, en effet, estimer que le caractère exclusif des mesures sur des publics particuliers et la sectorisation des intervenants conduisent ces derniers à se concentrer chacun sur son dispositif, au détriment d’une action plus globale. De telles situations sont de nature à justifier les critiques portées à l’encontre des opérations ponctuelles en faveur de publics spécifiques pour lesquelles le service public de l’emploi est souvent invité tout bonnement à « faire du chiffre » en remplissant les stages.

L’opération « 900.000 chômeurs de longue durée » engagée en 1992 a permis de mesurer la difficulté pour l’un des intervenants, en l’occurrence l’ANPE, de parvenir, de manière durable, à une liaison efficiente entre les différentes actions associées au « traitement » de cette catégorie de demandeurs d’emploi. Convocations et entretiens individuels relevaient directement de l’ANPE, mais les procédures d’orientation vers des programmes de formation, ou vers la reprise d’emploi sur des contrats aidés, ne pouvaient se concrétiser qu’en fonction des moyens dont disposaient d’autres intervenants.

M. Dominique Balmary, actuel délégué à l’emploi, a reconnu, lors de son audition, que la cohérence entre les interventions du Fonds de la FPPS et du FNE « n’a pas toujours été parfaite : on a constaté une certaine confusion et certains chevauchements, d’autant plus que les interventions locales sont mises en œuvre par des organismes eux-mêmes différents. » Sans doute des progrès sont-ils réalisés car « les délégations départementales de l’emploi et de la formation professionnelle conduisent à présent l’ensemble des actions de formation professionnelle à l’échelon départemental. Le ministère compte aussi mettre en place également au niveau régional une instance unique d’intervention d’ici à la fin du semestre. De plus, depuis deux ans, » (la délégation à l’emploi s’applique), « dans les relations avec les entreprises, à séparer totalement les compétences des deux fonds. » a-t- il indiqué. Mais en l’absence d’une réforme plus ample de l’institution, les résistances « sur le terrain » resteront très vives et les habitudes resteront ancrées solidement.

2. — Pour un grand service public de l’emploi et de la formation professionnelle

Des tentatives de réorganisation du service public, de l’emploi et de la formation professionnelle ont déjà eu lieu. En 1990, les moyens financiers et les dispositifs destinés aux chômeurs de longue durée ont été globalisés et les programmes ont été déconcentrés. L’ANPE essaie de se recentrer sur ses missions de base, celle du placement, et les services extérieurs du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle sont, en principe, chargés de la mise en œuvre et de la gestion des actions de formation.

Mais ces mesures sont très modestes, compte tenu de l’aggravation du chômage.

La condition essentielle d’une maîtrise de la politique de l’emploi réside dans la simplification et le regroupement des services extérieurs, des établissements et organismes. Certes, pour surmonter les blocages, des structures de coordination ont été mises en place, par exemple, le coordonnateur emploi-formation ; mais leur multiplication ne fait qu’ajouter encore à la confusion générale.

Il convient, en réalité, de mieux coordonner l’action de l’Etat et des collectivités territoriales. L’article 76 de la loi quinquennale vise à rationaliser et à coordonner les structures d’intervention au plan infra-départemental en matière d’insertion professionnelle des jeunes. Encore ne s’agit-il que d’un objectif et d’une simple volonté de coordination de l’action de l’Etat, de l’ANPE, des régions et des missions locales. L’institution d’un guichet unique, pour utile qu’elle soit, n’est qu’un système minimum destiné à faciliter les démarches des employeurs et des demandeurs d’emploi.

Une réforme globale du service public de l’emploi et de la formation professionnelle s’impose. Pour réussir une telle réforme du service public de l’emploi, il faut au moins rapprocher les organismes chargés de l’indemnisation du chômage et ceux chargés de l’accueil et du suivi des chômeurs. Un réel rapprochement de ces missions suppose une fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.

L’ANPE doit mettre fin à ses errements du passé et faire preuve de crédibilité auprès des entreprises. Comme le reconnaissait lui-même M. Gilbert Hyvernat, Directeur général délégué de l’ANPE, lors de son audition, il arrive « que l’ANPE envoie des peintres ou des carreleurs à des employeurs souhaitant recruter des constructeurs en béton armé ». L’ANPE n’a d’ailleurs plus elle-même d’activité de formation et n’est pas à même de vérifier que les demandeurs d’emploi qu’elle souhaite placer ont les compétences nécessaires, ou même l’exacte qualification, pour occuper le poste de travail offert. Un grand service de l’emploi et de la formation professionnelle fondé sur une politique active coordonnée et sur la nationalisation des organismes d’indemnisation doit être aujourd’hui sérieusement envisagé.

A cette fin, une coordination de l’ensemble des organismes intervenant sur le marché du travail s’impose. Ainsi, une coordination doit être mise en place entre les missions locales, les agences de l’ANPE et les dispositifs de formation. Il n’y a pas actuellement de circuits d’information réciproques entre ces organismes et ces dispositifs. Les personnels des missions locales regrettent ainsi de ne pas être informés du devenir des jeunes qu’ils accueillent avant de les orienter vers un dispositif d’insertion.

Une liaison doit être également établie entre l’ANPE et les dispositifs de formation. La récente réforme de l’ANPE, recentrée sur ses missions de base, risque d’entraîner une déconnexion entre l’offre de formation et les besoins des demandeurs d’emploi. Or, l’ANPE, si elle était rénovée, devrait au contraire être, en toute logique, un opérateur unique pour maîtriser l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi. Comme un pilotage national serait irréaliste, un tel établissement devrait être très largement déconcentré dans chaque région.

Comme dans d’autres cas précédemment évoqués, l’ANPE se trouve à la croisée des chemins. Si des mesures importantes de rénovation n’intervenaient pas dans les plus brefs délais, c’est la nature même de l’établissement qui devrait être remise en cause, éventuellement par des mesures de décentralisation ou de changement de statut.

Une fusion du Fonds de la FPPS et du FNE doit aussi être envisagée. La conséquence de cette réforme serait de déconcentrer les crédits dans une enveloppe à l’échelon régional qu’il appartiendrait au préfet de répartir.

Enfin, il convient d’alléger les dispositifs de consultation que l’abondance de structures parallèles risque de confiner à un rôle purement formel. La plupart des responsables locaux critiquent la lourdeur du comité départemental de la formation professionnelle (CODEF) ainsi que les doubles consultations du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l’emploi (COREF) et du comité économique et social régional. En l’occurence, alléger les institutions et les procédures vise à renforcer la concertation et à améliorer l’efficacité des dispositifs.

C. — DONNER À L ETAT LES MOYENS D’ASSURER UN CONtrÔLE EFFECTIF DU FONCTIONNEMENT DU DISPOSITIF DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

1. — Un constat accablant pour l’Etat

Le réquisitoire contre les défaillances de l’Etat prononcé par le Ministre du travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle lors de son audition devant votre Commission, le 21 avril dernier a été sans appel : « A l’évidence, les contrôles actuels, qui sont insuffisants, doivent être renforcés aussi bien pour les organismes de collecte que pour les organismes de formation. (...) Il est vrai que le contrôle ne fonctionne pas et qu’il faut mettre en place les moyens — notamment en personnel — nécessaires à un fonctionnement effectif ».

Force est de reconnaître que l’Etat a complètement démissionné de ses responsabilités dans ce domaine, sans aucune justification. Il apparaît aujourd’hui clairement que les abus que l’on a recensés dans la collecte et dans la formation elle-même n’ont pu être commis que faute d’une volonté politique. Ces carences se sont traduites par le délaissement de la fonction de contrôle de l’Etat.

Deux exemples témoignent de l’absence de toute politique de contrôle : la pratique des agréments et la pratique des contrôles proprement dits.

a. — L absence caractérisée d’une politique d’agrément

Comme le montre le tableau ci-dessous qui retrace l’évolution des agréments donnés aux organismes collecteurs depuis 10 ans, l’administration a délivré, entre 1984 et 1993, 287 agréments. Antérieurement à 1984, 67 organismes avaient été agréés au titre du congé individuel de formation et 98 au titre du plan de formation

Evolution des agréments donnés aux organismes collecteurs depuis 10 ans
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 Total
FAF 2 - 1 3 2 1 - - - 3 12
CIF - - - - - - - - - - 0
OMA - 188 5 1 - - - - 1 3 198
OCA - - - - - - - - - 77 77
Total 2 188 6 4 2 1 0 0 1 83 287

Source : Ministère du travail, de l’Emploie et de la Formation professionnelle.

On constatera, à la lecture de ce tableau, qu’alors même qu’aucun agrément nouveau n’avait été accordé en 1990 et 1991, sept agréments au titre de l’alternance et du plan de formation ont été attribués en 1992 et 1993, à un moment, pourtant, où le rapport de janvier 1992, déjà cité, de l’IGF-IGAS, avait suffisamment mis en lumière la nécessité de simplifier le système de collecte.

Mais rapprochée de ces agréments, la statistique des retraits d’agréments est accablante :

Evolution des retraits d’agrément opérés depuis 10 ans
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 Total
FAF - - 1 1 4 - 2 - 1 1 10
CIF - - - - - - - - - - 0
OMA - - - - 1 - - - 1 - 2
OCA - - - - - - - - - - 0
Total 0 0 1 1 5 0 2 2 2 1 12

Source : Ministère du travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

Sur les 12 retraits d’agrément recensés par le Ministre, seul un retrait, en dix ans, a été prononcé en fait sur la base d’irrégularités de fonctionnement constatées lors d’un contrôle sur place. Les autres sont dus soit à la cessation d’activité de l’organisme collecteur, soit à la fusion d’organismes, soit à une remise en cause du paritarisme suite au départ des organisations syndicales représentatives de salariés, soit encore pour les OMA à des retraits consécutifs à la décision du retrait d’agrément de l’activité FAF de l’organisme.

La pratique des vérifications des entreprises et des organismes tant collecteurs que de formation ne plaide pas non plus en faveur de l’efficacité de la politique de contrôle de l’Etat.

b. — Une politique de contrôle quasi inexistante

Le tableau ci-après retrace, à la demande de votre Commission, les activités de contrôle menées depuis dix ans par l’administration de la formation professionnelle tant à l’égard des déclarations exonératoires des entreprises que des organismes collecteurs ou dispensateurs de formation.

Evolution des activités de contrôle de l’administration de la formation professionnelle*
Années Entreprises Organismes de formation Organismes paritaires agréés Autres structures Total
Nombre de contrôles Montant des rejets Nombre de contrôles Montant des rejets Nombre de contrôles Montant des rejets Nombre de contrôles Montant des rejets Nombre de contrôles Montant des rejets
1983 2.655 (1.330) 67.020.733 70 3.687.775 1 866.970 - - 2.726 71.575.478
1984 3.611 (2.614) 35.174.203 28 3.908.617 2 5.321 - - 3.641 39.088.141
1985 2.496 (1.491) 49.807.938 6 534.984 1 761.833 - - 2.503 51.104.755
1986 4.387 (3.558) 34.627.418 104 3.595.537 7 7.282.668 - - 4.498 45.505.623
1987 3.254 (2.751) 31.423.887 67 11.833.095 6 6.513.014 - - 3.327 49.769.996
1988 2.939 (2.910) 17.041.361 55 7.427.724 5 1.565.703 358 12.566.702 3.357 38.601.490
1989 3.164 (2.904) 15.047.242 66 12.721.735 3 898.705 324 469.679 3.557 29.137.361
1990 3.179 (2.875) 13.699.090 44 5.291.627 3 172.087 51 53.041 3.277 19.215.845
1991 4.850 (4.728) 10.495.619 117 2.728.891 3 30.986.351 11 110.000 4.981 44.320.861
1992 5.827 (5.711) 10.160.994 89 10.487.687 3 59.686.750 23 2.291.410 5.942 82.626.841

Source : Ministère du travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

* Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de contrôles sur pièces, les autres chiffres totalisant le nombre de contrôle sur pièces et sur place.

La lecture de ce tableau édifiant livre quatre enseignements :

— L’Etat a porté son effort sur les entreprises, négligeant les vérifications des organismes collecteurs et des formateurs. Ces choix apparaissent d’autant plus contestables que les entreprises semblent désormais s’acquitter régulièrement de leurs obligations légales et que le produit des rejets constatés dans ces entreprises après redressement de leurs comptes par rapport au nombre d’entreprises contrôlées est sans rapport avec celui qui est enregistré chez les organismes collecteurs ou dispensateurs de formation ; en 1992, 5.827 contrôles d’entreprise ont abouti à des rejets de 10 millions de F., alors que 89 contrôles d’organismes de formation et trois contrôles d’organismes collecteurs rapportaient respectivement 10 millions et 59,6 millions de F. Les chiffres suffisent en eux-mêmes à montrer où doit porter désormais le contrôle. On a le sentiment parfois que l’Etat a cherché, pour des raisons diverses, à épargner les partenaires sociaux alors qu’il n’a pas fait preuve de la même mansuétude à l’égard des entreprises.

— On ne peut qu’être frappé par la faiblesse persistante des contrôles des organismes collecteurs, soit trois par an dans les dernières années. Au rythme actuel, il faudra près d’un siècle pour contrôler au moins une fois l’ensemble des organismes paritaires agréés...

— En dix ans, 646 organismes dispensateurs de formation auront été contrôlés. Si l’on rapporte ce nombre au chiffre actuel estimé d’organismes de formation en activité (26.000 environ), cela représente 2,5 % du nombre global d’organismes susceptibles d’être aujourd’hui contrôlés. A ce rythme, et à supposer que le nombre d’organismes de formation en activité reste stable, il faudrait... 400 ans pour contrôler au moins une fois l’ensemble des organismes de formation de ce pays.

— On relève enfin un grand retard de l’Etat dans le contrôle des structures autres que celles que l’on vient d’évoquer, en particulier en ce qui concerne les opérations réalisées sur fonds publics dans le cadre de la formation des demandeurs d’emplois, les financements conjoints des actions réalisées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions et la politique contractuelle de l’Etat avec les entreprises.

Au titre de 1993, les résultats provisoires de l’analyse de l’activité des services de contrôle mettent en évidence une croissance très forte du montant de redressement. Mais la hausse enregistrée de 150 millions de F. est largement due à la vérification d’un OMA important qui a été contraint de reverser 71 millions de F. à l’Agefal. Il a été décidé de poursuivre en 1994 les contrôles sur le système de financement de la formation professionnelle en alternance et de mener également une série de contrôles administratifs et financiers dans les permanences d’accueil, d’information et d’orientation et dans les missions locales, structures qui ont été complètement négligées jusqu’ici.

2. — Les raisons de la carence de l’Etat

En réalité, l’absence d’une politique de contrôle s’explique aisément par un manque considérable de moyens humains et par une absence cruelle de directives.

a. — Un manque considérable de moyens humains

Le rappel de l’organisation nationale des structures de la formation professionnelle permet de se convaincre des déficiences de l’Etat.

Placée sous l’autorité du Ministre du travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, comme on l’a vu, la Délégation à la formation professionnelle est chargée de préparer et d’animer la politique interministérielle de la formation professionnelle, tant au niveau national que régional, en liaison avec les partenaires sociaux, les branches professionnelles et les régions. La responsabilité de cette délégation n’a connu qu’un seul titulaire entre 1981 et 1990, deux délégués généraux s’étant succédés à ce poste depuis lors ; quant au délégué-adjoint, il est en place depuis 20 ans. 91 personnes sont employées à la Délégation.

A côté, un Groupe national de contrôle de la formation professionnelle est chargé du contrôle, de la réglementation et du contentieux ; ces fonctions recouvrent l’observation et le contrôle des organismes paritaires agréés et des organismes de formation ainsi que le suivi de la réglementation fiscale, comptable et financière ; 9 personnes sont affectées à ces tâches dont trois seulement pour la fonction de contrôle, et ce depuis peu. Il faut savoir que le Groupe national de contrôle n’a réalisé aucun contrôle sur place entre 1983 et 1993, selon les informations fournies à votre Commission par le Ministère du travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Il a été indiqué à votre Rapporteur qu’en 1994, pour la première fois depuis de nombreuses années, des investigations seraient menées sur place par des inspecteurs en poste au sein de ce groupe.

Les missions du Groupe national de contrôle, compétent pour les seuls organes nationaux, sont remplies à l’échelon régional par des groupes régionaux de contrôle. Les effectifs de ces groupes régionaux sont eux aussi restés longtemps dérisoires. On comptait, ainsi, il y a deux ans encore, 91 agents au total pour l’ensemble de ces groupes, le nombre de contrôleurs assumant effectivement des tâches de contrôle étant de 28 en 1991, soit à peine un pour trois départements... Même si les effectifs de ces groupes régionaux ont été depuis sensiblement accrus (74 contrôleurs effectifs pour 154 agents en 1993), ils restent de très loin insuffisants pour assurer une véritable politique de contrôle

Les déclarations de M. Jean Lambert, Chef du Groupe national de contrôle, devant votre Commission permettent de prendre la mesure de la carence de l’Etat en ce domaine. Nommé à ce poste en avril 1993, il a déclaré : « (...) avant mon arrivée, seule une personne au sein du Groupe était employée à effectuer des contrôles sur place mais elle consacrait l’essentiel de son temps à d’autres tâches, par exemple la préparation du "Jaune" budgétaire. Depuis l’an dernier, deux inspecteurs de la formation professionnelle ont rejoint notre Groupe, et j’ai commencé à libérer le troisième de ses tâches périphériques ». Comme le soulignait le rapport conjoint de l’IGF et de l’IGAS de janvier 1992 : « Cette situation apparaît tout simplement grotesque au regard de l’ampleur des sommes, du nombre des organismes nationaux et de la complexité des contrôles à opérer ».

Non seulement l’Etat se doit d’augmenter dans des proportions considérables les effectifs du Groupe national de contrôle, mais il doit redéployer vers le Groupe national de contrôle les personnels de la Délégation affectés trop souvent à des tâches d’études et de recherche au détriment de fonctions opérationnelles. Il apparaîtrait raisonnable, d’une part, que les effectifs de l’administration de la formation professionnelle soient redistribués à parts égales entre l’animation de la politique de la formation et le contrôle de son application et, d’autre part, que ces agents reçoivent une formation fiscale et comptable plus étoffée que celle qui leur est dispensée actuellement. Un effort a été engagé à l’échelon régional, il doit être poursuivi et relayé à l’échelon central.

La mise en place d’une authentique politique d’agrément, qui ne se contente pas, comme ce fut le cas dans le passé, d’entériner purement et simplement les accords professionnels de création d’organismes, ainsi que l’augmentation du nombre de contrôles sur place, rendent nécessaire un accroissement important des effectifs du Groupe national et des groupes régionaux de contrôle. Ce contrôle doit s’accompagner de l’institution dans chaque organisme collecteur important d’un commissaire du gouvernement, sur le modèle de celui prévu à l’Agefal dans la loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.

Le renforcement des moyens affectés aux tâches de contrôle doit également s’accompagner d’une vigilance accrue dans l’application des règles de nomination à des fonctions d’Etat et d’accès des fonctionnaires ou anciens fonctionnaires à des fonctions privées. Votre Rapporteur souhaite éviter une situation qui ferait que les fonctionnaires et le personnel non titulaire de l’administration de la formation professionnelle, attirés par de meilleures conditions matérielles, quittent fréquemment leur administration d’origine pour travailler dans des organismes collecteurs ou dispensateurs de formation beaucoup plus rémunérateurs.

La réorientation des missions et des effectifs de l’administration de la formation professionnelle prônée par votre Rapporteur pourrait se doubler encore d’une refonte totale des documents comptables et financiers adressés par les organismes collecteurs et de formation, qui trop souvent sacrifient une information comptable et financière approfondie à de pures données statistiques, sur lesquelles les contrôleurs peuvent difficilement s’appuyer pour effectuer un contrôle sur pièces. Il faut passer du stade de l’exploitation minimale des informations reçues destinées à figurer dans l’annexe à la loi de finances à une information plus opérationnelle sur les structures, les sommes gérées ou immobilisées et la gestion interne de ces organismes. Cette tâche de collecte de l’information pourrait être assumée sur les instructions et sous le contrôle d’une commission des comptes de la formation professionnelle rattachée à l’Insee, qui établirait annuellement les comptes de la formation professionnelle. Cette commission serait composée de représentants des partenaires sociaux, de personnalités qualifiées ainsi que de représentants de l’Etat et des régions ; ces travaux permettraient de disposer d’une véritable information financière sur la formation professionnelle dont on ne peut que déplorer aujourd’hui l’absence, celle-ci contribuant à rendre encore plus opaque et fermé sur lui-même ce secteur d’activité dont l’enchevêtrement des circuits est par là-même suffisamment décourageant.

b. — Une absence de directives

Ce manque de moyens s’est accompagné d’un manque évident de directives, faute d’une volonté politique. Les déficiences des liaisons administratives entre le Ministère du Budget et la Délégation nationale de la formation professionnelle, soulignées par le représentant du Ministère du Budget lors de son audition devant votre Commission, l’isolement des groupes de contrôle dans le dispositif de la formation professionnelle, que dénonçait il y a sept ans déjà un rapport de l’IGAS, n’ont pu que s’accentuer au fil des ans, faute de lignes directrices claires de l’Etat. On rappellera qu’il a fallu, en effet, attendre 1993 pour qu’une circulaire du délégué à la formation professionnelle définisse la mise en œuvre d’une politique de contrôle de la formation professionnelle.

Plus encore peut-être qu’une absence de contrôle, la crédibilité et l’image des organismes collecteurs ont souffert d’une insuffisance criante de règles précises et de directives claires. Les analyses effectuées à la demande de votre Rapporteur par deux cabinets spécialisés auprès de trois de ces organismes ont bien montré que les FAF et autres organismes paritaires agréés bénéficiaient d’une très grande liberté d’action dans leur fonctionnement quotidien. L’absence de règles comptables et fiscales claires ne facilite pas les prises de décision. L’esprit « angélique » de la loi de 1971 a, sans doute, créé de mauvaises habitudes. La Commission a eu quelquefois le sentiment que des responsables publics ou privés n’avaient même pas eu conscience qu’ils côtoyaient des pratiques quasi frauduleuses, tant cette idée de contrôle paraissait absente d’une démarche initiale qui consistait à penser que « par nature » la formation s’améliorerait si on lui en donnait les moyens.

D. — PERMETTRE AUX RÉGIONS D’EXERCER PLEINEMENT LEURS COMPÉTENCES LÉGALES

1. — Des compétences régionales en fait limitées

Depuis le 1er janvier 1983, la région assure, en principe, « la mise en œuvre des actions d’apprentissage et de formation professionnelle continue » qui relevait jusqu’alors de la compétence de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’a cessé depuis de reprendre à la région les compétences qui lui avaient été attribuées par la loi.

En matière d’apprentissage, la compétence de la région est presque totale. Chaque conseil régional est maître d’œuvre des politiques de formation d’apprentis dispensées dans les CFA à recrutement régional ou départemental et le président du conseil régional signe ou dénonce les conventions avec les CFA.

En contrepartie, la loi de 1983 attribue à l’Etat des compétences d’attribution limitativement énumérées :

— financement des actions ne relevant pas du Fonds de la formation professionnelle et dont les dotations budgétaires sont inscrites aux budgets des ministères ;

— mise en œuvre des actions de formation professionnelle qui relèvent de plusieurs régions ou ne peuvent être rattachées à une seule région ;

— définition et mise en œuvre des actions de portée générale créées en application de programmes établis au titre d’orientations prioritaires.

L’Etat est, en outre, resté compétent dans le domaine de l’offre de formation, notamment grâce à l’AFPA dont les compétences sont interrégionales. Les crédits inscrits aux budgets des différents ministères compétents recensés dans l’enveloppe de formation professionnelle sont utilisés par les administrations centrales, soit dans le cadre des agréments nationaux par ministère, soit dans le cadre des agréments régionaux financés sur crédits déconcentrés.

L’Etat assure, de plus, des formations destinées à certains publics spécifiques, sans considération de leur origine régionale, notamment les handicapés.

Chaque année, l’Etat soutient financièrement des actions de formation et de promotion sociale en fonction des orientations prioritaires, établies, au plan national, par le Comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale. Il arrête des programmes de formation prioritaires, soit par public, soit par secteur d’activité. Ainsi, l’Etat consacre, depuis 1982, une part essentielle de ses financements à l’insertion sociale et professionnelle, et finance, depuis 1984, les formations dans des secteurs dits prioritaires dans un domaine relevant pourtant de la compétence de droit commun des régions, puisqu’aucun critère objectif, comme le public visé ou la structure juridique du dispensateur, ne permet d’établir un partage clair des compétences.

L’Etat exerce aussi une compétence en matière d’actions d’accompagnement. Afin de préparer, de promouvoir ou de soutenir les programmes de formation qu’il finance, l’Etat effectue les études et actions expérimentales nécessaires à la mise en place de ces programmes.

De même qu’il conserve sa compétence normative, l’Etat reste seul compétent pour contrôler l’utilisation de la participation des employeurs au financement de la formation (« le 1,5 % »). Il est responsable de l’organisation des services de contrôle de la formation et de la détermination des procédures en direction des entreprises et des organismes de formation.

Ainsi l’Etat a su garder un poids prédominant dans la formation professionnelle, notamment parce qu’il est responsable des programmes qui ont pris le plus d’ampleur, destinés aux jeunes, aux demandeurs d’emplois ou aux cadres par exemple. Aussi, malgré un doublement de leur effort financier entre 1984 et 1991, la part de l’action des régions, par rapport à celle de l’Etat, s’est-elle réduite de 25 à moins de 20 %.

La mise en œuvre de la réforme de janvier 1983 n’a pas été conforme à l’intention du législateur. Le financement de droit commun de la formation professionnelle est resté très largement à la disposition de l’autorité publique nationale qui aurait dû exercer des compétences seulement résiduelles. Les ressources des Fonds régionaux de la formation professionnelle proviennent encore, pour l’essentiel, de crédits transférés par l’Etat. Au fil du temps, par le biais des actions nouvelles (actions jeunes, crédit-formation), l’Etat a récupéré en pratique certaines des compétences initialement dévolues aux régions.

2. — Les inégalités régionales de la formation professionnelle

La politique de formation professionnelle des régions n’est pas exempte elle-même de critiques. Certes, la formation professionnelle est considérée comme un élément important des politiqués régionales. La part de la formation professionnelle et de l’apprentissage représente actuellement plus du tiers des budgets de fonctionnement et, en moyenne, 14 % du budget global des régions. Les compétences des conseils régionaux portent en fait beaucoup sur les problèmes de formation (40 % de leur budget global en y incluant les dépenses de formation scolaire).

Des régions ont su mettre en œuvre des actions innovantes mais l’effort proprement régional révèle d’importantes disparités.

Le graphique ci-après fait ainsi bien apparaître « la hiérarchie » des régions en matière de formation professionnelle, au regard, d’une part, du montant des dépenses consacrées à ce titre par rapport à la masse salariale, et, d’autre part, des taux d’accès à la formation. Les efforts sont très variables, par exemple dans la répartition des crédits entre l’apprentissage et la formation continue. Certaines régions ont très vite consacré des moyens importants à l’apprentissage. Ailleurs, il a fallu d’importantes incitations de l’Etat. Certaines régions ont tardé en outre à mettre en œuvre une politique de suivi des stagiaires. Leur attitude a été également réservée dans certains cas en ce qui concerne le financement des budgets des missions locales. Certaines régions privilégient l’insertion professionnelle dès le niveau V (sorties de l’année terminale des cycles courts professionnels et abandons de la scolarité du second cycle long avant la classe de terminale). D’autres préfèrent n’intervenir qu’au niveau III (sorties avec un diplôme de niveau Bac + 2). Enfin, lorsque les conseils régionaux se sont impliqués dans des actions expérimentales, il a fallu le plus souvent l’initiative et l’appui de l’Etat.

3. — La loi quinquennale du 20 décembre 1993 relance timidement la décentralisation de la formation professionnelle

La loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle du 20 décembre 1993 tente de corriger la prédominance de l’Etat par rapport aux régions. Mais, en réalité, cette démarche de décentralisation apparaît bien limitée. Ainsi, l’article 49 vise à une décentralisation concertée et progressive, et ne concerne que la formation professionnelle continue des jeunes. D’une part, le transfert aux régions ne touche que les programmes de formation destinés aux jeunes de 16 à moins de 26 ans. D’autre part, l’objectif d’une compétence régionale sur l’ensemble de la formation professionnelle continue en faveur des jeunes a été reporté à l’issue d’une période de cinq ans.

Mais l’essentiel réside dans les modalités de transfert des compétences de l’Etat et dans les sources de financement. En cette matière, il convient de rester prudent. En effet, si la dotation générale de décentralisation sera abondée sur la base des textes de 1983 en ce qui concerne les actions qualifiantes transférées immédiatement, en revanche, le financement des actions déléguées à la région par la voie contractuelle sera assuré sur crédits budgétaires dont l’Etat conserve la maîtrise. Ces crédits ne seront en principe consolidés qu’à l’issue d’une période transitoire de cinq ans, et les personnels ne seront pas transférés, mais simplement mis à disposition pour appui technique.

Répartition des régions selon le taux de participation financière (TPF) et le taux d’accès à la formation (*)

Plus généralement, si la loi quinquennale a retenu la méthode d’une décentralisation progressive de la formation professionnelle continue des jeunes, elle ne dit rien sur la fixation des orientations de la politique d’insertion professionnelle dont on peut se demander si elle ne relèvera pas encore longtemps du domaine de l’Etat.

4. — La relance d’une politique partenariale de formation professionnelle entre l’Etat et la région

La régionalisation ne saurait se concrétiser sans une politique partenariale d’accompagnement. C’est l’objet, notamment, des contrats de plan entre l’Etat et la région qui sont un instrument très utile au service de la formation.

On rappellera succinctement que tous les contrats de plan comprennent effectivement un chapitre relatif à la formation professionnelle correspondant, en moyenne, entre 5 et 6 % du total des montants contractualisés. Ces crédits contractualisés par l’Etat sont déconcentrés à l’échelon des délégués régionaux à la formation professionnelle chargés de gérer et de contrôler l’utilisation de ces fonds. Le contrat de plan permet de contractualiser les actions de formation et les équipements. La mise en œuvre des actions requiert l’accord du préfet de région, c’est-à-dire du délégué régional à la formation professionnelle, et du conseil régional.

Les premiers contrats de plan, entre 1984 et 1988, ont eu pour intérêt de développer les relations concertées entre les services des DRFP et des conseils régionaux et d’approfondir la politique contractuelle de branche et les opérations d’individualisation des formations.

Grâce aux contrats de plan, la politique de formation professionnelle a pris, entre 1989 et 1994, de l’ampleur dans plusieurs domaines prioritaires. L’information sur la formation professionnelle a été améliorée grâce aux observatoires régionaux de l’emploi et de la formation et à l’aide au conseil aux branches et aux entreprises. La politique contractuelle avec les branches et les entreprises a été développée grâce aux engagements de développement de la formation qui accompagnent, de façon concertée, la modernisation des entreprises, et permettent d’ouvrir aux salariés non qualifiés des possibilités de première qualification. Cette politique a permis aussi d’accroître la lutte contre l’exclusion et l’illettrisme. Enfin, plus de 6 milliards de F., c’est-à-dire huit fois plus que dans la période précédente, ont contribué à la rénovation de l’apprentissage, à travers la formation des maîtres d’apprentissage et la modernisation des équipements des CFA.

Des critiques ont pu être formulées sur les insuffisances des contrats de plan, et, notamment, sur leur faible contribution à la réduction des inégalités entre les régions. Par ailleurs, comme cela avait été souligné, en 1987, par un groupe de travail sur le sujet constitué au sein du commissariat général du Plan, le contrat de plan doit être fondé sur « une analyse précise des situations existantes qui doivent être modifiées. Cette analyse doit permettre en particulier de prendre ses distances avec les visions de courte vue et les effets de mode, qui ne manquent pas en matière de formation, comme avec les opinions attachées à pérenniser les actions entreprises au cours des années antérieures ».

La politique contractuelle Etat-région constitue le moyen le plus adapté de mise en place progressive d’une formation professionnelle décentralisée. Les contrats de plan doivent prendre un nouvel élan en contribuant à résorber les inégalités dont souffrent les régions et en encourageant les innovations. Le partenariat doit contribuer à faciliter l’accès à la formation professionnelle d’un maximum de candidats, et en priorité aux demandeurs d’emploi et aux jeunes les moins qualifiés.

La régionalisation est de nature à améliorer le rapport coût-avantage de la formation professionnelle. L’échelon régional présente l’intérêt d’être à la fois suffisamment proche des bassins d’emploi et de permettre l’établissement d’un diagnostic des besoins économiques locaux qui peut s’inscrire, toutefois, dans une perspective d’intérêt général.

La régionalisation doit permettre la rencontre de l’offre et de la demande de formation en cohérence avec le territoire. Mais elle ne doit pas aboutir à compliquer un dispositif dont on a déjà vu qu’il était en lui-même déjà trop complexe. Votre Rapporteur a aujourd’hui encore trop le sentiment que l’échelon régional vient se surajouter à d’autres niveaux existants, donnant ainsi l’occasion de déperditions financières supplémentaires. On serait tenté de dire que, paradoxalement, l’insuffisance actuelle de la régionalisation en matière de formation professionnelle est source de dysfonctionnements, auxquels il convient de remédier. En effet, les dispositifs de formation dépendent de trop nombreux circuits différents et de multiples opérateurs interviennent de façon dispersée et selon des critères différents. Une rationalisation administrative est nécessaire. Elle ne peut se faire sans l’affirmation claire que la région, décentralisée ou déconcentrée, est la structure territoriale de réforme en matière de formation professionnelle.

Une étude réalisée en février 1992, par le Service de contrôle de la formation professionnelle d’Ile-de-France, sur l’offre de formation des organismes intervenant dans le dispositif du crédit-formation jeunes dans cette région, a bien montré les difficultés d’un contrôle en la matière, dans la mesure où intervenait un trop grand nombre d’opérateurs publics ou privés.

Pour que la régionalisation ne soit pas un moyen d’encourager les gaspillages supplémentaires et d’augmenter les coûts financiers, il conviendrait, en premier lieu, de renforcer les contrôles dont votre Rapporteur a déjà souligné l’insignifiance générale.

Il importe également de mettre fin à la dispersion des responsabilités entre les délégations régionales de la formation professionnelle, les directions régionales du travail et de l’emploi, l’ANPE, l’AFPA, les ASSEDIC et les missions locales.

Mais un regroupement organique n’est pas une condition suffisante à la disparition de l’émiettement des fonctions. Pour éviter que la dispersion des responsabilités et la pure juxtaposition des dispositifs de l’Etat et des régions n’entraîne des coûts supplémentaires, il serait en tout état de cause souhaitable de renforcer le rôle du comité de coordination des programmes régionaux d’apprentissage et de formation professionnelle continue. Le fonctionnement du comité devrait viser à arbitrer les conflits trop fréquents entre les trois partenaires de la formation professionnelle, l’Etat, les régions et les partenaires sociaux et à améliorer la coordination des orientations fixées par l’Etat et par les régions.

III. — DONNER AUX PARTENAIRES SOCIAUX LES MOYENS DE MIEUX PARTICIPER À L’EFFORT DE DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Si la responsabilité de l’Etat dans l’échec des mécanismes actuels de formation professionnelle est patente, celle des partenaires sociaux ne l’est pas moins. L’Etat leur avait confié très largement le soin de gérer le système mis en place à leur initiative. Or, force est de constater aujourd’hui que ceux-ci ont été en quelque sorte dépassés par un mouvement qu’ils ne maîtrisent pas. Les plus lucides — ou les plus sincères — d’entre eux sont prêts à reconnaître les limites et les dysfonctionnements de la gestion paritaire actuelle, afin de dégager, dans un deuxième temps, les voies d’un paritarisme rénové.

A. — PRENDRE LA MESURE DES DYSFONCTIONNEMENTS DU PARITARISME

Le choix d’une gestion paritaire de la formation professionnelle répondait, au départ, au souci de sensibiliser au mieux l’ensemble des acteurs sociaux de ce pays à ce qui n’était pas encore perçu comme une nécessité économique absolue. Au fil des années, le champ du paritarisme s’est considérablement élargi, au point d’aboutir à un foisonnement d’instances paritaires aux pouvoirs réels limités, bref à un système opaque dont le coût finit par ne pas être négligeable.

1. — Le paritarisme répondait à l’origine au souci de mobiliser les entreprises et les salariés

Ancien délégué à la formation professionnelle durant près de 10 ans (1981-1990), M. André Ramoff a rappelé à la Commission, lors de son audition, l’esprit qui avait présidé, au début des années 1970, à la naissance d’un système conçu, dès l’origine, dans une conception extrêmement pluraliste. « C’est très délibérément, a-t-il indiqué, que dans ce domaine, plus que dans tout autre et probablement avant tout autre, l Etat a accepté de se déposséder d’une partie du pouvoir de direction, d’impulsion, d’organisation des choses (...) au profit des partenaires sociaux ».

Il s’agissait alors d’une sorte de partage naturel des responsabilités qui s’inscrivait « dans la logique des choses », car « c’est d’abord pour l’entreprise que la formation s’exerce et pour ceux qui vivent et produisent dans les entreprises. (...) Ceux qui mieux que personne savent de quoi les salariés ont besoin, ce sont les salariés des entreprises eux-mêmes », comme a pu le souligner devant votre Commission cet ancien délégué à la formation professionnelle

On ne s’étonnera pas qu’un tel jugement soit également celui des représentants syndicaux entendus par la Commission. Certains n’hésitent pas, pour défendre le principe, à aller un peu loin dans l’appréciation exagérément optimiste des résultats du système paritaire.

Ainsi, pour la CGC, il est important que le paritarisme existe et que les représentants des salariés soient associés à la formation, car « on sait bien qu’en formation, si on ne s implique pas, on perd son temps ».

Rappelant qu’il y a vingt ans, lors de la mise en place du dispositif légal de formation professionnelle, FO avait même proposé « sans que l’idée ait finalement été retenue, d’instituer une cotisation spécifique des salariés », M. Antoine Faesch, Secrétaire confédéral de FO, a indiqué à son tour devant la Commission qu’il ne voyait pas « au nom de quoi, on pourrait supposer à ce que, dans une branche donnée, les partenaires sociaux s’accordent pour bâtir un système d’assurance-formation dans le cadre de la politique conventionnelle ». De même, l’intérêt de la gestion paritaire réside, pour les représentants de la CFDT reçus par votre Commission, dans « les relations de confiance » qui peuvent s’établir à l’intérieur du système, et notamment entre les entreprises de cinquante salariés ou moins et les organismes collecteurs.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que, depuis qu’il existe, ce système a sensiblement évolué, tout en restant fondé sur le même principe.

Le champ d’intervention des partenaires sociaux s’est ainsi considérablement élargi. « Nous avons pu mettre en place, de façon plus rapide depuis dix ans, a souligné, lors de son audition, Mme Christiane Bressaud, Secrétaire confédérale de la CFDT, un système relativement performant en matière de qualification individuelle des salariés et de formation en alternance des jeunes », ajoutant également qu’un « système de formation fondé sur les contrats à durée déterminée a été développé pour les salariés licenciés bénéficiant des conventions de conversion ». Quant au rôle des partenaires sociaux dans le domaine de la formation initiale et de l’apprentissage, elle a rappelé que le dernier accord interprofessionnel, signé il y a trois ans, montrait une volonté de l’accroître, « même si elle reste timide ».

« Tout cela a évolué, bien sûr, mais nous aussi », a confié devant la Commission M. Jean-Jacques Briouze, Délégué de la CGC pour la formation professionnelle. Parlant du rôle des organismes à gestion paritaire, il a précisé : « Notre conception n’est plus la même qu’il y a vingt ans, lorsque les organismes avaient uniquement une vocation de collecte », poursuivant : « maintenant, ils apportent, en outre, aux entreprises, et en premier lieu aux petites entreprises, la possibilité de mettre en place des plans de formation ».

M. Jacques Voisin, Secrétaire général de la CFTC, n’a pas développé un autre point de vue, quand il a indiqué devant la Commission : (...) lorsque dans une petite entreprise, il n a pas les structures nécessaires, ni un véritable souci de formation, l’outil de gestion paritaire est seul capable de faire des propositions et tient le rôle d’un conseiller en formation ».

Soulignant le fait que le système paritaire avait plutôt profité aux petites entreprises en ce qui concerne la formation en alternance, Mme Christiane Bressaud, au nom de la CFDT, a cité, devant la Commission, l’exemple du bâtiment et des travaux publics, dont les patrons n’avaient, selon elle, absolument pas les moyens de développer la moindre politique de formation professionnelle ; elle s’est ainsi demandé « ce que serait, par exemple aujourd’hui, la formation des salariés de (ce secteur) s’il n’y avait pas eu le GFC- BTP ».

Il n’y a rien d’étonnant à ce que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises ait également particulièrement souligné cet « acquis » devant la Commission : « (...) l’ensemble des entreprises françaises ont fini par considérer la formation professionnelle comme un investissement et non comme une contrainte. (...) Aujourd’hui la preuve est faite que les entreprises, y compris les petites de moins de 10 salariés, participent également (...) au développement de la formation professionnelle ».

Votre Rapporteur, pour sa part, ne saurait faire preuve d’un tel optimisme. Si certains résultats ont été effectivement obtenus, il n’en reste pas moins que, dans l’ensemble, la gestion paritaire a donné naissance à une architecture dont on a décrit plus haut la très grande complexité. Celle-ci fait que l’on a désormais l’impression d’être en face d’un système que plus personne, et pas même leurs auteurs, ne maîtrisent. Bref, un système dont on aurait tendance à dire qu’il tourne, quelquefois, un peu trop sur lui-même à son seul profit.

2. — Le développement du paritarisme a conduit à un foisonnement d’instances paritaires aux pouvoirs réels limités

Construction purement paritaire, l’architecture repose sur des conventions collectives ou autres accords entre partenaires sociaux, si bien que les structures se sont développées librement au gré des besoins des entreprises.

Aussi est-il difficile de porter un jugement d’ensemble sur le fonctionnement du paritarisme ; « je ne sais si cela fonctionne pareillement d’une branche a l’autre, s’est interrogé devant votre Commission M. Pierre Gilson, Vice-Président de la CGPME ; tout dépend de la volonté patronale et syndicale, puisqu’il s’agit d’une gestion paritaire. Il existe des différences ». En caricaturant à peine, on serait, en effet, presque tenté de dire qu’aucun organisme ne se ressemble.

Pourtant, les travaux menés par votre Commission, comme ceux qui ont été conduits dans les dernières années par les différents corps d’inspection de l’administration, permettent de dégager quelques dysfonctionnements d’ensemble du système, dont certains ont été au demeurant reconnus, plus ou moins explicitement, par les organisations syndicales elles-mêmes lors de leurs auditions.

Au premier rang d’entre eux figure l’extraordinaire foisonnement d’instances paritaires.

On sait que chaque organisme collecteur agréé est doté au moins d’un conseil paritaire, dit d’administration, de gestion ou de perfectionnement suivant les cas, conseil chargé de définir les grands principes de fonctionnement de l’organisme et d’en assurer le contrôle. Mais rares sont ceux qui, en plus de ce conseil dans la plupart des cas composé de 20 à 40 membres et d’un bureau qui en est généralement l’émanation, n’ont pas institué des commissions internes paritaires spécialisées par type de formation. Des organismes ont pu également choisir une organisation interne par section pour tenir compte des spécificités diverses de certains secteurs d’activité, chacune de ces sections étant alors dotée elle-même d’une commission paritaire appelée à remplir, en quelque sorte par délégation, certaines des tâches dévolues normalement au conseil de gestion ou d’administration de l’organisme lui-même. C’est le cas, par exemple, d’Uniformation, de l’Agefaforia, ou du FAF-PL.

D’autres organismes collecteurs — mais aussi parfois les mêmes — ont retenu une organisation déconcentrée en instaurant des délégations régionales bâties sur le même modèle que l’échelon national avec un conseil, voire des commissions spécialisées paritaires. On peut citer, dans cet ordre d’idées, l’Afos-PME et ses 22 Agefos régionales, ou encore le GFC-BTP et ses 24 Aref (Associations régionales pour la formation continue). Ce dernier organisme est particulièrement exemplaire d’une situation absurde dans laquelle le nombre d’administrateurs (plus de 700) dépasse, et de loin, le nombre de gestionnaires des fonds collectés par cet organisme (280 salariés).

C’est par milliers qu’il faut chiffrer le nombre d’administrateurs syndicaux et patronaux appelés à participer au fonctionnement des organismes collecteurs agréés et de leurs démembrements. Même s’il est certain qu’un grand nombre d’entre eux exercent plusieurs mandats, il n’est pas exagéré de dire que ce chiffre se situe entre 8.000 et 10.000 personnes.

Ce nombre élevé, dont on verra ci-dessous qu’il n’est pas sans poser problème aux structures syndicales, n’est pas pour autant la garantie du bon fonctionnement du paritarisme. Bien au contraire, serait-on tenté d’écrire. En effet, et bien que cela soit extrêmement variable d’un organisme à l’autre, force est de constater que, dans l’ensemble, le paritarisme ne joue pas à plein le rôle qui lui est dévolu au travers de ces nombreuses instances.

Le rapport conjoint déjà cité de l’IGF-IGAS de janvier 1992 a mis ainsi en évidence le faible nombre de réunions tenues annuellement par le conseil de gestion d’un organisme contrôlé, ainsi que la faible participation de ses membres aux séances dudit conseil. « Cette faible participation, conclut-il, introduit un doute sur le caractère effectif du rôle du conseil paritaire » de cet organisme.

Le diagnostic effectué, à la demande de votre Commission, sur le fonctionnement d’un organisme collecteur national par un cabinet spécialisé a fait apparaître que, si les commissions paritaires de branche avaient un rôle déterminant dans l’affectation des fonds, le conseil d’administration proprement dit de l’organisme ne disposait pas réellement, faute notamment, d’un service d’audit interne, des moyens d’exercer un contrôle véritable, d’une part, sur le fonctionnement de l’organisme lui-même, et, d’autre part, sur les décisions des commissions paritaires et de leur conformité avec les orientations fixées par le conseil.

Intervenant dans un autre organisme collecteur revêtant la forme d’une ASFO, le même cabinet spécialisé indique, dans son rapport, après avoir souligné l’absence de formalisme juridique, que « le conseil de perfectionnement paritaire se réunit seulement une fois par an et son rôle se limite essentiellement à fixer les orientations sur le choix des formations à financer. Il n’examine jamais directement les dossiers et son action sur le plan du contrôle de l’utilisation effective des fonds collectés semble faible ».

Sans doute faut-il voir là, en ce qui concerne ce dernier organisme, le fait que le conseil de perfectionnement paritaire mis en place dans les ASFO agréées constitue ce que le rapport de l’IGF- IGAS de janvier 1992 appelle « une construction artificielle, mise en place pour les besoins de la cause et qui ne correspond pas réellement à l’esprit du paritarisme ». Il faut rappeler aussi que 70 % des organismes agréés au titre de l’alternance sont des ASFO qui assurent plus de 60 % du montant de la collecte.

Ce même rapport met également l’accent sur le fait que d’autres organismes collecteurs agréés ont été créés par des institutions professionnelles qui, désireuses d’obtenir un agrément, n’avaient pas cependant a priori vocation à assurer de façon paritaire la gestion des fonds de la formation professionnelle. Ce fut le cas des chambres de commerce et d’industrie dont certaines ont été à l’origine de la création de FAF et d’OMA en passant des conventions avec des organisations syndicales de travailleurs salariés.

Devant votre Commission certaines organisations syndicales se sont interrogées sur la réalité du paritarisme et le poids effectif qu’elles avaient au sein du système.

« Que pèse le paritarisme ? » s’est ainsi demandé sans ambage, lors de son audition, M. Jacques Voisin, Secrétaire général de la CFTC. « Que pesons-nous, nous, organisations syndicales, dans le paritarisme ? Je l’ai souvent dit moi-même, nous nous sommes contentés de mettre en place un dispositif de gestion. Ce que nous voudrions, c’est pouvoir gérer le paritarisme ».

C’est une préoccupation voisine qu’a exprimée également, semble-t-il, M. Jean-Michel Joubier, responsable du secteur formation de la CGT. Parlant des organismes paritaires, il a souligné que « le poids de l’appareil technique (y était) très important. Dans les faits, il est plus proche d’une partie du paritarisme que de l’autre », et a ainsi posé nettement les grandes questions que soulève à ses yeux le paritarisme dans son expression actuelle : « Le fait qu’une partie du paritarisme représente à elle seule 50 % pose déjà un premier problème. Ensuite, le fait que chaque organisation syndicale pèse le même poids quelle que soit sa représentativité dans la branche professionnelle pose un deuxième problème (...). Il conviendrait aussi, a-t-il ajouté, que nous ayons des moyens véritables de peser sur les décisions ».

Cette question des moyens, qui rejoint celle de la formation des hommes à la gestion paritaire, est au centre des débats sur le paritarisme. « Nous n’avons pas eu le temps de former nos hommes au paritarisme et ils n’y sont pas notamment sensibles » a reconnu lors de son audition le Secrétaire général de la CFTC ; lui faisant écho, le représentant de la CGC réclamait devant votre Commission des « militants qui connaissent à la fois les dispositifs existants, la pratique du paritarisme et la problématique de la formation ».

3. — « Le paritarisme coûte cher »

« Le paritarisme coûte cher » a souligné devant votre Commission le Secrétaire général de la CFTC, précisant aussitôt : « Nous nous sommes donné les moyens de financer le paritarisme avec beaucoup de souplesse et selon des modèles différents ».

De fait, différents mécanismes ont été institués, qui varient selon les organismes, mais qui relèvent tous de ce qu’on pourrait appeler de la « gymnastique financière ». Certains d’entre eux sont même manifestement contraires aux dispositions légales de l’article L. 951-3 du Code du travail qui définit les types de dépenses que peuvent financer les organismes agréés au titre du congé individuel de formation.

Il en est ainsi, en premier lieu, des subventions versées pour le « bon fonctionnement du paritarisme » aux organisations patronales et syndicales membres des conseils paritaires des organismes agréés. Il s’agit là du moyen le plus fréquemment utilisé, que M. Gérard Dantin, Secrétaire national de la CFDT, a justifié ainsi lors de son audition par la Commission : « Des subventions peuvent être accordées aux fins de paritarisme parce que cela représente du temps pour les gens qui s’en occupent (...). Comme nous sommes dans le cadre du paritarisme, nous demandons à être traités de la même façon que le patronat ».

Comme le soulignait le rapport déjà cité de janvier 1992 élaboré par l’IGF et l’IGAS, les versements directs aux organisations participant au paritarisme peuvent atteindre des montants significatifs. Ils peuvent être prévus dans le règlement intérieur et sont parfois même régis par des dispositions expresses très précises.

Ainsi, et à titre d’exemple, un protocole d’accord de juin 1973, modifié en juillet 1993, fixe-t-il ce que le GFC-BTP (et ses Aref) ainsi que le CCCA doivent verser chaque année aux organisations d’employeurs et de salariés au titre des « frais de préparation et d études résultant pour elles de leur participation à la gestion de ces organismes ». L’ensemble des sommes ainsi versées doit atteindre en 1997, selon un calendrier d’évolution progressive, un certain pourcentage du total des cotisations perçues.

L’annexe à l’avenant du 20 décembre 1983 portant statut de Plastifaf fait obligation aux administrateurs du fonds d’assurer, par un budget annuel, aux organisations signataires les moyens nécessaires au bon fonctionnement du paritarisme.

Il en est également de même à l’Afos-PME, où il est prévu, à l’article 13 des statuts types régionaux, que chaque conseil d’administration régional définit les « moyens à mettre à la disposition des organisations signataires pour assurer le bon fonctionnement du paritarisme ».

Le règlement intérieur de Promofaf dispose, quant à lui, en son article 8, que les frais engagés par les organisations signataires pour l’information de leurs mandants, l’étude des problèmes concernant le fonds et leur propre documentation, doivent « faire l’objet de participations forfaitaires arrêtées chaque année par le conseil d’administration paritaire national ».

On peut citer encore le cas du FAF-PL dont l’article 2-3 du règlement intérieur prévoit le versement annuel d’indemnités forfaitaires aux différentes organisations membres du conseil de gestion.

Dans d’autres organismes, l’attribution de subventions aux organisations siégeant dans les instances paritaires peut se faire indépendamment même de l’existence de dispositions expresses, comme le relève le rapport conjoint de l’IGF-IGAS de janvier 1992, citant un prélèvement opéré par un organisme sur ses frais de gestion pour « permettre aux organisations syndicales d’assurer une information de leurs adhérents sur les activités de l’organisme ». L’analyse du fonctionnement d’un organisme collecteur national, opérée par un cabinet mandaté par votre Rapporteur, a également mis en lumière le versement par l’organisme d’une subvention annuelle pour l’ensemble des organisations présentes à son conseil de gestion, « en échange de la promotion de la formation faite par les syndicats ».

L’aide au fonctionnement du paritarisme peut revêtir également la forme de personnels, dénommés conseillers (ou assistants) techniques, recrutés et salariés des organisations mais dont la prise en charge financière est assurée par le biais d’une dotation spécifique de l’organisme paritaire.

Interrogé, lors de son audition par votre Commission, sur l’existence de permanents payés par les FAF, M. Jean-Jacques Briouze, représentant la CGC, n’a pas nié leur existence : « (...) nous avons la possibilité dans certains fonds de rémunérer des conseillers techniques chargés, par exemple, de faire des recherches particulières en matière de formation professionnelle pour permettre aux organisations syndicales d’exercer correctement leur mandat. Ces personnes participent notamment à la formation des administrateurs ».

Le responsable du secteur formation de la CGT, M. Jean-Michel Joubier, est allé plus loin, lors de son audition, pour justifier le recours à cette formule : « Nous avons à faire à des représentants patronaux dont l’appareil technique a plus de moyens que nous et qui sont donc généralement mieux armés. Cela impose que de notre côté, nous ayons des camarades qui travaillent plus particulièrement sur les orientations et sur leur application. Sinon, c’est le déséquilibre le plus total. »

Pour M. Antoine Faesch, Secrétaire confédéral de FO, l’existence des conseillers techniques est due également au fait que « les syndicats n’ont pas suffisamment de militants disponibles pour suivre la gestion des fonds d’assurance formation ».

De fait, votre Commission a pu trouver trace, au travers de l’enquête lancée auprès des organismes collecteurs, de la présence de conseillers techniques dans quelques uns des organismes collecteurs les plus importants. Pour certains d’entre eux, leur existence est même institutionnalisée dans le règlement intérieur de l’organisme.

A titre d’exemple, on peut citer ainsi le cas du premier d’entre eux, l’Afos-PME, dont l’article 11 des statuts nationaux fixe le principe, le rôle et les conditions d’activité de ces conseillers : « Chaque organisme signataire a la possibilité d’utiliser les services d conseiller technique de son choix. Le nombre est porté à deux pour le collège employeurs. Chaque organisation recrute et désigne librement et sans limitation de durée son conseiller technique (...). L’indemnisation au titre de conseiller technique est fixée chaque année par le conseil d’administration. Le conseiller technique exerce ses activités auprès des administrateurs de l’Afos-PME : il reçoit la même documentation que les administrateurs et a accès aux mêmes informations. Les activités remplies par les conseillers techniques correspondent à deux fonctions : aide technique et liaison (...) ».

L’article 6 du règlement intérieur d’Uniformation prévoit, quant à lui, que « le conseil de gestion fixe, chaque année, dans le cadre du budget du fonds, une enveloppe annuelle attribuée aux six organisations syndicales signataires et à l’association des employeurs adhérents ». Ce financement, est-il précisé, est lié à la désignation d’un conseiller technique.

Dernier exemple que votre Rapporteur citera, celui de Promofaf, dont le règlement intérieur, en son article 9, dispose qu’il doit passer avec chaque organisation signataire de la convention créant le fonds, des contrats d’assistance technique, au terme desquels Promofaf prend en charge pour chaque organisation la rémunération d’assistants techniques désignés par chacune d’entre elles.

Les organisations syndicales et patronales, interrogées lors de leurs auditions sur l’existence et le nombre des conseillers dont elles disposaient, sont resté relativement discrètes et visiblement « sous-informées ».

Après avoir déclaré qu’il ne savait pas « de quoi on parlait » lorsque notre collègue Michel Berson a évoqué devant lui l’existence de « vrais faux salariés » des organismes collecteurs, M. Alain Dumont, Directeur du service enseignement et formation du CNPF, a garanti qu’il n’y en avait pas « au niveau du CNPF », précisant même : « sinon, on le saurait ». Au nom de la CGC, M. Jean-Jacques Briouze, Délégué national chargé de la formation professionnelle, a fixé à trois le nombre de conseillers techniques existants « au niveau de la confédération », mais a indiqué qu’il ne connaissait pas le chiffre pour les fédérations. C’est cette même difficulté à rassembler l’information dans les fédérations et les régions qu’a mise en avant, lors de son audition, M. Jacques Voisin, Secrétaire général de la CFTC. Quant à FO, M. Antoine Faesch, déjà cité, a fixé à « une quinzaine au maximum pour chaque organisation syndicale » le nombre global de conseillers techniques.

Une autre forme d’aide au fonctionnement du paritarisme peut être enfin relevée, qui a trait à un détournement des remboursements de frais engagés par les organisations syndicales dans le cadre de l’exercice de leurs mandats au sein des conseils paritaires.

Votre Commission a pu constater que, dans la très grande majorité des cas, les organismes collecteurs pratiquaient, en matière de défraiement des membres de leurs conseils paritaires, les règles habituelles en la matière. Il n’en reste pas moins que la pratique la plus généralement retenue de remboursement sur présentation de notes justificatives peut s’accompagner d’abus.

Le rapport déjà cité de l’IGF-IGAS a ainsi relevé que des remboursements d’actions de formation organisées par les syndicats avaient été accordés par un organisme collecteur en 1989 et en 1990, sans que des contrôles sérieux aient été effectués par l’organisme sur les pièces justificatives.

Dans le même ordre d’idées, on peut s’interroger sur le montant particulièrement élevé des indemnités versées, en 1992, par un grand organisme collecteur, en remboursement de frais exposés par les représentants des organisations nationales syndicales et professionnelles siégeant dans les instances paritaires de cet organisme.

Cette courte analyse des moyens de fonctionnement du paritarisme ne prétend nullement à l’exhaustivité. Elle suffit cependant à montrer les limites d’une gestion paritaire qui place sous dépendance financière ceux-là mêmes qu’elle charge de définir les orientations et d’assumer le contrôle.

« Le contrôle interne par les organisations syndicales n’est pas réel puisqu’elles sont à la fois gestionnaires de ces fonds et ponctuellement bénéficiaires », souligne un des cabinets spécialisés mandatés par votre Rapporteur dans le cadre du diagnostic qu’il a été conduit à formuler sur le fonctionnement d’un organisme collecteur. Ce jugement sans appel, frappé au coin du bon sens, et que fait sien votre Rapporteur, doit conduire à dégager pour l’avenir les voies d’un paritarisme rénové.

B. — DÉGAGER LES VOIES D’UN PARITARISME

L’histoire de la formation professionnelle témoigne du caractère irréversible de l’engagement des partenaires sociaux en ce domaine. L’ensemble des institutions et dispositifs utilisant la contribution des entreprises est aujourd’hui devenu totalement autonome par rapport à l’Etat. Un partage de fait s’est instauré entre la contribution obligatoire destinée aux seuls salariés de l’entreprise, et les financement de l’Etat consacrés aux personnes n’appartenant pas au monde du travail. Une réforme tendant à faire de l’Etat le seul gestionnaire de l’ensemble du système et des mécanismes serait aujourd’hui vouée à l’échec. Le paritarisme doit être maintenu et renforcé, mais il doit s’exercer dans un cadre nouveau et selon des modalités plus transparentes.

1. — La gestion directe par l’Etat n’est pas envisageable

On ne s’étonnera pas que la formule qui consisterait à confier directement à l’Etat la gestion des fonds aujourd’hui dévolue aux organismes paritaires agréés ait recueilli l’assentiment de principe des représentants de la direction du Budget entendus par votre Commission : « Ce qu’il y a de plus opérationnel pour nous c’est l’affectation directe des fonds à l’Etat et la redistribution par l’Etat. C’est pour nous la réponse la plus simple et la plus facile à gérer », précisant toutefois : « mais vous savez bien que cela n’est pas possible ».

Le rapport de janvier 1992 de l’IGF-IGAS a parfaitement posé la problématique qui régit aujourd’hui le système, et qui s’impose à tout responsable désireux d’en améliorer le fonctionnement. « La réforme de ce système, ont écrit les auteurs de ce rapport, semble ne pas admettre la demi-mesure : ou bien l’Etat considère que le 1,2 % serait mieux utilisé, du point de vue de l’intérêt général, dans un autre cadre, et c’est la nature même de la contribution obligatoire qui doit être modifiée, pour permettre à l’Etat d’en disposer comme bon lui semble, ou bien le système reste dans son état actuel, qui convient aux partenaires sociaux ». Poursuivant son analyse, le même rapport conclut que « l’intervention de l’Etat sur des fonds censés appartenir à l’entreprise serait considérée comme illégitime ».

L’ancien Délégué à la formation professionnelle que fut, durant près de dix ans, M. André Ramoff, a fait part à la Commission d’une conclusion voisine : « Je ne pense pas que les mauvais exemples soient suffisants pour condamner le système, en tant qu’il est porteur de cette richesse que représente le paritarisme. Je pense que si l’on substituait à ce système un système administré par l’Etat seul, nous aurions vraisemblablement des résultats plutôt moins bons et assurément une moindre aptitude à mobiliser les entreprises les moins dynamiques ».

M. Jean Courdouan, actuel Délégué à la formation professionnelle, n’a pas développé, lors de son audition, un raisonnement différent : « Cette construction qui souffre à l’évidence d’imperfections a sans doute besoin d’assouplissements et mérite d’être revigorée grâce à une volonté politique sous-jacente. En revanche, il serait dommageable de vouloir la remettre en question dans ses bases, dans la mesure où beaucoup de fruits ont déjà été produits ».

Si tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité de poursuivre la gestion paritaire, encore faut-il que celle-ci s’exerce dans un cadre rénové.

2. — Les voies et moyens d’un paritarisme rénové

Le système paritaire doit être renforcé pour permettre au paritarisme de jouer à plein la fonction de contrôle à l’intérieur des organismes collecteurs. Son rôle doit être accru dans le suivi des plans de formation des entreprises. Il doit jouer, par ailleurs, un rôle d’intermédiaire plus actif entre la demande et l’offre de formation. Enfin, de nouvelles règles de financement des organisations syndicales représentatives doivent être mises en place afin de leur donner, dans la clarté, les moyens de leur mission.

a. — Un contrôle renforcé de la gestion des organismes

Jusqu’ici le champ du paritarisme tel qu’il s’exerce à l’intérieur des organismes collecteurs agréés inclut tout à la fois la définition des orientations, la gestion et le contrôle. A cette logique traditionnelle du paritarisme s’oppose celle développée, lors de son audition, par M. Dominique de Calan, Secrétaire général-adjoint de l’UIMM et tendant à séparer les organes de contrôle et de gestion : « Le contrôle et le suivi, tant du respect des orientations que de l’utilisation des fonds, doit relever d’un paritarisme renforcé, par exemple, au moyen du rattachement des commissaires aux comptes. En revanche, la gestion des fonds devrait être unique et purement patronale, ce qui présenterait le double avantage d’éviter la confusion des rôles et de bien distinguer les responsabilités ».

Quoiqu’avec de sensibles nuances, M. Alain Dumont, représentant le CNPF devant votre Commission, s’est exprimé dans le même sens : « Autant il nous paraît important que les fonctions d’orientation et de contrôle soient paritaires, autant le travail auprès de l’entreprise nous paraît difficilement pouvoir être paritaire ».

Tout en reconnaissant le bien fondé de ces thèses qui ont le mérite de ne pas diluer les responsabilités, sans pour autant garantir la clarté de la gestion, votre Rapporteur ne saurait y souscrire. Elles reposent d’ailleurs sur un raisonnement juridique fallacieux qui attribue aux fonds affectés à la formation une nature strictement privée et patronale, plus privative encore que la gestion des entreprises. L’option paritaire semble donc préférable.

Il n’empêche cependant que tout le monde s’accorde à reconnaître — et au premier chef le patronat lui-même — la nécessité de renforcer le contrôle interne et paritaire des organismes agréés. La mise en place systématique dans les organismes collecteurs les plus importants d’un service d’audit interne, sur le modèle de ce qui peut exister dans certaines entreprises privées, qui serait à la disposition de chaque organisation siégeant dans l’organisme, pourrait être un premier pas dans cette direction. Pour les autres, le rattachement du commissariat aux comptes de l’organisme au conseil de gestion pourrait constituer une première mesure en ce sens.

b. — Une meilleure participation au suivi des plans de formation

« Le maillon faible du système nous paraît être les plans de formation » déclarait à la Commission, Mme Christiane Bressaud, Secrétaire confédérale de la CFDT. Elle poursuivait ainsi : « (...) ceux-ci permettent peu l’accès des salariés à la formation professionnelle et n’anticipent pas suffisamment l’évolution des emplois, alors qu ils bénéficient de l’essentiel des financements ».

M. Jacques Voisin, Secrétaire général de la CFTC, faisait également savoir à la Commission qu’en la matière, selon lui, « l’avis du comité d’entreprise sur le plan de formation ne suffit plus, il faut impliquer les salariés ».

Les plans de formation sont discutés dans les comités d’entreprise dans lesquels siègent les partenaires sociaux. Mais Mme Christine Bressaud, déjà citée, a souligné devant la Commission le fait qu’il s’agit bien souvent d’une simple consultation sans implication réelle des salariés et de leurs représentants : « Nous sommes consultés sur les plans de formation normalement deux fois par an (...). Bien souvent, il s’agit d’une réunion au cours de laquelle nos représentants reçoivent une liste d’actions programmées et où ils se contentent d’émettre un avis, sauf dans les entreprises dont la direction laisse les syndicats s’impliquer dans le plan de formation et qui connaissent des réussites spectaculaires. (...) Mais nous sommes trop peu impliqués dans le processus de formation dans les entreprises ».

Sans aller jusqu’à « donner un véritable pouvoir de contrôle au comité d’entreprise », comme l’a souhaité devant la Commission M. Jean-Michel Joubier, au nom de la CGT, il importe néanmoins que les organisations représentatives syndicales soient davantage associées au suivi des plans de formation des entreprises. Votre Rapporteur est convaincu qu’il y a là un champ nouveau d’intervention du paritarisme, jusqu’ici trop cantonné dans la gestion des organismes agréés. A l’exception des entreprises petites et moyennes, pour des raisons techniques évidentes, l’essentiel de la formation devrait, dans un avenir plus ou moins proche, s’établir, sans intermédiaire, entre l’entreprise de production et l’entreprise de formation. Il convient de préparer les entreprises à un exercice davantage concerté de la formation professionnelle.

c. — Un rôle plus actif sur le marché de la formation

Dispersée, complexe, l’offre de formation laisse souvent désarmé le demandeur individuel ou le demandeur collectif qu’est l’entreprise. On a souvent dit les difficultés que pouvaient rencontrer les entreprises, et notamment les petites et moyennes, pour bâtir un plan de formation et, plus encore, se retrouver parmi les multiples formations et organismes existants.

Les travaux menés par votre Commission ont montré qu’en cette matière rares sont les organismes paritaires agréés qui s’investissent de manière significative dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui l’ingénierie en formation. Votre Rapporteur est de ceux qui considèrent que les organismes collecteurs doivent en cette matière aller plus avant. Ils sont les mieux placés pour renseigner les entreprises non seulement sur les formations mais aussi sur la qualité des organismes qui les dispensent. Des fichiers, informatisés ou non, doivent être progressivement mis à la disposition des entreprises afin de les aider dans leur recherche de formation. Certains organismes paritaires s’y emploient, qui doivent être confortés dans leur démarche. Mais, globalement, ce rôle de conseil ne paraît pas pleinement rempli.

Lors de son audition par la Commission, Mme Christiane Bressaud, au nom de la CFDT, souhaitait que le système paritaire joue « davantage son rôle d’intermédiaire entre l’entreprise et l’organisme de formation, c’est-à-dire entre la demande de l’offre de formation », en demandant que ce système « se reconcentre sur ses missions de conseil et d’aide pour rapprocher l’offre et la demande de formation et anticiper les besoins futurs ».

Mais ce rôle d’intermédiaire actif entre l’entreprise et l’organisme de formation doit être assuré en présentant toutes les garanties de neutralité, notamment dans le processus d’orientation des entreprises vers les organismes formateurs.

Des critiques sont fréquemment formulées à cet égard à l’encontre des organismes collecteurs. Il semble que certains de ces organismes privilégient délibérément des organismes de formation juridiquement indépendants, mais avec lesquels ils entretiennent des relations ambiguës, parfois situées dans les mêmes locaux. Certains sont allés jusqu’à parler de « marché captif » ou de « réseaux ». Le risque est d’autant plus grand que certains organismes collecteurs sont en situation d’exercer un véritable monopole sur le territoire national dans leur branche professionnelle.

Le rôle d’intermédiaire actif doit s’exercer également en faisant en sorte que l’organisme collecteur assume pleinement désormais le risque financier que peuvent représenter pour un organisme de formation les défaillances de paiement des entreprises consommatrices de formation. Aujourd’hui, les organismes collecteurs dans leur ensemble ne fournissent en effet aucune garantie à l’organisme formateur sur le paiement de ses prestations. Cette situation peut être particulièrement critique pour les organismes de formation travaillant beaucoup avec des petites entreprises. L’examen du fonctionnement d’un organisme de formation effectué par un des deux cabinets spécialisés mandatés par votre Rapporteur a montré que les provisions sur ce type de clients pouvaient représenter, dans le bilan de l’organisme de formation, jusqu’à 25 % du montant brut des créances correspondantes. Il ne serait pas anormal que les produits financiers dégagés sur leur trésorerie par les organismes collecteurs, et dont on a vu que leur montant pouvait être important, servent à assumer la charge financière de ces risques.

Votre Rapporteur est convaincu que le paritarisme, riche de ses sensibilités différentes, peut jouer en ce domaine un rôle irremplaçable, que jusqu’à présent ni l’Etat ni tout autre acteur n’a pu ou n’a su jouer.

d. — Etablir de nouvelles règles de financement des organisations syndicales représentatives

« Si certains peuvent avoir le sentiment que le syndicalisme a pour souci premier ses propres moyens d’existence, c’est qu il doit y avoir problème ». En s’exprimant ainsi devant votre Commission, M. Jacques Voisin, Secrétaire général de la CFTC, a clairement soulevé un des problèmes majeurs du paritarisme, celui de son financement, et donc, pour reprendre ses propres termes, « peut-être cela doit-il poser toute la question du taux de syndicalisation ».

Le déclin des syndicats dans la vie économique et sociale de notre pays n’a pas pu, en effet, ne pas avoir de répercussions sur le fonctionnement du paritarisme. La « crise du syndicalisme » qui frappe notre société depuis au moins une décennie est sans aucun doute une des raisons de la faiblesse actuelle du paritarisme. On ne peut envisager de rénover la gestion paritaire sans que soit davantage assurée leur stabilité matérielle. Ce renforcement passe, notamment, par une reconnaissance financière de leur rôle. Ne serait-ce qu’en raison du pouvoir que la loi leur reconnaît dans le cadre des dispositions relatives à l’étendue du champ d’application des conventions collectives, les organisations syndicales représentatives contribuent à l’exercice d’une mission de service public. Ils sont des éléments essentiels pour l’expression de la démocratie sociale, en même temps que pour la stabilité de la vie économique. Des moyens de diverses natures leur sont déjà accordés, soit sur financement public, soit sur financement des entreprises, notamment au titre des sections syndicales, de la participation aux différentes instances consultatives nationales, régionales ou locales, du fonctionnement des bourses du travail, des aides à la presse, ou encore sous forme de délégations ou crédits d’heures pour les représentants du personnel.

Ces financements, pour réels qu’ils soient, présentent l’inconvénient d’être dispersés, et de ne pas s’effectuer dans tous les cas en pleine clarté. Un véritable bilan consolidé du financement des organisations syndicales devrait être, dans un premier temps, élaboré, de manière à pouvoir dégager dans la sérénité et la transparence de nouvelles règles de financement.

Afin d’encourager le dialogue social dans l’entreprise, des mesures fiscales incitatives devraient être systématiquement adoptées, de manière à amplifier et généraliser le financement interne par l’entreprise, à l’instar de ce qui se fait dans certains pays étrangers ou certaines grandes compagnies françaises d’assurances.

Parallèlement, il pourrait être envisagé de rationaliser et d’accroître l’aide publique aux organisations syndicales représentatives dans le cadre d’une loi dont les principes s’inspireraient de ceux retenus en matière de financement des partis politiques. Une aide publique serait ainsi accordée à chacune des organisations syndicales représentatives sur le plan national qui comprendrait, notamment, pour partie, une base forfaitaire identique à chaque organisation, et, pour une autre, un montant individualisé dépendant des résultats à des élections professionnelles significatives.

Interrogé, lors de votre audition par votre Commission, sur le principe d’une telle loi, M. Jacques Voisin, Secrétaire général de la CFTC, s’est montré favorable à cette proposition : « Lorsque M. Mitterrand a proposé la loi sur le financement des partis politiques, j’ai trouvé qu’il avait tout à fait raison, et je dois dire que j’ai pensé que ce serait une bonne chose de l’étendre au syndicalisme (...). Ce serait plus net, il faut bien financer le système paritaire ».

M. Antoine Faesch, Secrétaire confédéral de FO, s’est montré plus réservé, voire même plutôt hostile : « (...) je considère que l’effort financier représenté par les crédits d’heures et les dépenses de formation est déjà très important, et qu’il n’a pas lieu de demander notablement plus. Si les syndicats étaient trop subventionnés, ils ne feraient plus d’efforts pour avoir des adhérents, et ne seraient donc plus en phase avec les intérêts des salariés ». Il faut préciser toutefois qu’au préalable M. Faesch avait pris soin d’indiquer que « sans doute, notre trésorier vous ferait-il une tout autre réponse que moi (...) ».

Dans l’esprit de votre Rapporteur, il va de soi que ces nouvelles règles de financement ne pourraient être édictées sans qu’un système de transparence ait été préalablement défini avec les partenaires sociaux. Un tel système, dont il ne saurait être question ici d’approfondir les contours, pourrait utilement être envisagé pour maintenir l’équilibre du paritarisme et permettre à celui-ci d’avoir, pour reprendre l’expression d’un responsable syndical devant votre Commission, « une ambition pour demain ».

CONCLUSION

Le « système » de formation professionnelle, fondé sur la loi de 1971, et dont on aurait tort de sous-estimer les résultats passés, semble aujourd’hui avoir atteint ses limites. En négligeant l’exercice d’un véritable contrôle sur les fonds recueillis, en émiettant à l’infini les mesures conjoncturelles, en différant les remises en cause globales, la gestion de la formation professionnelle à manifestement favorisé un gaspillage des ressources. Malgré son intérêt essentiel perçu par tous, ce « système » s’est enfermé dans des habitudes et n’a pas suffisamment assumé les conséquences de la crise.

L’optimisme des partenaires sociaux qui dressent un bilan positif de cette gestion contraste ainsi avec les résultats de l’enquête approfondie à laquelle a procédé votre Commission. La confusion des buts assignés à la formation professionnelle, l’opacité des circuits de financement, les défaillances de l’Etat dans le contrôle des organismes de collecte et de formation, l’absence d’exigences suffisantes quant à la qualité des formations dispensées sont autant de symptômes de dysfonctionnement que les partenaires sociaux et l’Etat ne peuvent ignorer plus longtemps. La sévérité d’un tel constat et la nécessité, dans un contexte de récession, de veiller à une meilleure utilisation des prélèvements sociaux ne peuvent qu’inciter les partenaires sociaux et les pouvoirs publics à remettre à plat le dossier de la formation professionnelle et de son financement. Une loi générale sur la formation professionnelle devient nécessaire, donnant une impulsion comparable à ce que fut, à son époque, la loi de 1971.

Il incombe aux partenaires sociaux de s’accorder à redéfinir les finalités de la formation professionnelle, à déterminer en fonction de ces choix les priorités auxquelles doit s’attacher l’effort de financement des entreprises et de l’Etat. Devant l’augmentation du nombre de jeunes sans formation, le moment est sans doute venu de privilégier dans cette optique l’insertion professionnelle et de faire celle-ci un levier indispensable de la formation, en même temps qu’un devoir « social » de l’entreprise. C’est aux organisations professionnelles que revient également le soin de rationaliser les circuits de collecte en les regroupant et en les rendant plus transparents. La collecte ne doit plus être l’apanage d’organismes foisonnant et concurrents, selon des modalités qui, naturellement, les poussent à une gestion pour le moins contestable. Il convient de mettre en place des structures peu nombreuses, aptes à exercer une véritable fonction de conseil en formation et de mutualisation des fonds recueillis tout à la fois à l’échelon national entre branches professionnelles et sur des bases interprofessionnelles et régionales homogènes.

Le législateur doit désormais porter son effort sur la nécessité de garantir une qualité des formations et une restructuration de ce secteur professionnel en imposant un agrément minimum indispensable aux dispensateurs de formation

Ayant laissé ce champ d’action aux partenaires sociaux, l’Etat, quant à lui, verra son autorité et son crédit restaurés lorsqu’il sera en mesure d’assurer un contrôle effectif des organes de collecte et des organismes de formation, grâce à des moyens humains et matériels considérablement renforcés, grâce à une simplification de ses modes d’intervention, et grâce à une meilleure répartition de ses attributions par rapport à celles exercées par les collectivités locales. Progressivement, la région doit trouver les compétences que lui reconnaissent les lois.

« Nous risquons de connaître une société où tout le monde passera par le chômage. Tout le monde devra redevenir étudiant sans cesse. Nous allons nous apercevoir que l’on ne peut plus séparer formation et travail. » Cette prévision de M. Alvin Toffler est désormais communément admise. La formation ne doit plus rester la chasse gardée de quelques uns, le champ clos d’intérêts où elle est quelquefois sacrifiée à la facilité de gains financiers à court terme mais être l’affaire de tous, salariés, entreprises, partenaires sociaux et pouvoirs publics. Si ce rapport peut contribuer à dénouer l’écheveau complexe de l’univers de la formation professionnelle et donc favoriser cette prise de conscience, il n’aura pas été vain.

La Commission a adopté à l’unanimité le présent rapport au cours de sa séance du mardi 17 mai 1994, après avoir entendu les explications de vote ci-après.

Elle a ensuite décidé qu’il serait remis à M. le Président de l’Assemblée nationale afin d’être imprimé et distribué, conformément aux dispositions de l’article 143 du Règlement de l’Assemblée nationale.

EXPLICATIONS DE VOTE

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT AU GROUPE DU RPR (*)

Le groupe du RPR tient d’abord à exprimer sa satisfaction de la décision, il y a six mois, de l’Assemblée nationale d’avoir créé cette commission d’enquête.

C’est la première fois qu’une telle instance s’est préoccupée du financement de la formation professionnelle.

Le rapport qui nous est soumis témoigne du long et patient travail de la Commission présidée par M. Jean Ueberschlag. Il a le grand mérite d’être clair, précis et complet.

En proposant de simplifier et de clarifier les domaines de la formation professionnelle et de son financement, à travers une meilleure maîtrise et un assainissement de sa mise en œuvre, la Commission apporte une première pierre à son indispensable réforme.

De simples retouches ne suffiront plus. En effet, une véritable mise à plat est devenue nécessaire.

Le rapport dresse un constat et fait un état des lieux objectifs.

Les commissaires RPR tiennent à réaffirmer leur attachement au paritarisme en ce domaine, et souhaitent que les réformes proposées aboutissent à une plus grande transparence et à un meilleur contrôle des circuits de financement.

Le rapprochement des filières de l’alternance ne devra pas se faire au détriment de l’apprentissage ; nous préconisons non une fusion des filières, mais une harmonisation.

La séparation des fonctions de collecte et de dispense de formation est indispensable.

Ils s’interrogent, par ailleurs, sur la fusion, suggérée dans le rapport, entre l’ANPE et les Assedic et la place dévolue dans cette hypothèse au paritarisme.

Quant aux inégalités régionales de la formation professionnelle évoquées, une régionalisation totale ne les supprimerait sans doute pas. Dans ce domaine, la volonté et la liberté des régions, et des responsables en charge du problème, feront qu’il y aura toujours des différences.

Le RPR souscrit toutefois aux lignes générales du rapport, dans son ensemble, et a décidé de l’approuver.


* MM. Jean-Paul Anciaux, Claude Barate, Jérôme Bignon, Bruno Bourg-Broc, Mme Nicole Catala, MM. Claude Demassieux, Jean-Michel Fourgous, Robert Galley, Etienne Garnier, Michel Hunault, Jean de Lipkowski, Pierre Pascallon, Jean-Jacques de Peretti, Jean Ueberschlag.




EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT AU
GROUPE DE L’UNION POUR LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE
(*)

Les députés du groupe UDF se félicitent du rapport remis par la Commission d’enquête sur l’utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle. Ils partagent l’analyse et les conclusions du rapporteur M. Claude Goasguen, notamment dans sa volonté de simplifier, clarifier, assainir et maîtriser les financements. Il faut, en effet, parvenir à une remise à plat de dispositions souvent confuses et sans efficacité réelle.

Une loi sur l’alternance et la formation professionnelle s’impose donc pour confirmer les orientations de la récente loi quinquennale sur le travail, l’emploi et la formation professionnelle.

Les députés du groupe UDF tiennent aussi à insister fortement sur le rôle central qui doit être effectivement confié aux régions en matière de formation professionnelle des jeunes.

La mission des régions est encore excessivement concurrencée, notamment par l’Etat, alors que la loi la reconnaît depuis 1983 et que les actions initiées par celles-ci ont permis d’innover et de donner un nouvel élan à la formation professionnelle des jeunes.

Les régions doivent devenir, sans ambiguïté, le niveau territorial d’intervention. Les débats lors de la discussion de la loi du 20 décembre 1993 sur le travail, l’emploi et la formation professionnelle ont montré qu’elles souhaitaient assumer leurs responsabilités en la matière et qu’elles avaient les moyens de remplir leur tâche.

Outre leur meilleure connaissance du terrain et des attentes des employeurs potentiels, elles peuvent, comme le souligne très justement le Rapporteur, œuvrer au rapprochement des différents partenaires. Leurs initiatives, au lieu d’aviver la concurrence entre les acteurs, ouvrent des voies de coopération entre les professions, les partenaires sociaux et l’Education nationale.

Or, cette collaboration est une des clés nécessaires au succès des formations offertes aux jeunes. Chacun des partenaires apporte, en effet, sa compétence et des moyens qui permettent à ces jeunes de disposer d’un parcours plus complet et de meilleure qualité. Cette coopération répond, de plus, au besoin de développer en France de véritables cursus en alternance qui devront déboucher sur la création prochaine d’une filière cohérente, que les députés du groupe UDF appellent de leurs vœux.

En ce sens les expériences en cours sont déjà très probantes. A titre d’illustration, il parait utile de citer les « CFA sans murs », mis en place par la région Rhône-Alpes. Ces cycles de formation permettent d’assurer une transition vers le monde du travail, intégrée au cursus de formation.

Cette filière, dans les lycées techniques, professionnels, les universités ou les grandes écoles, concerne plusieurs milliers de jeunes sous statut d’apprentissage ou de contrat de qualification.

Ces cursus opèrent donc plusieurs rapprochements. Ils associent, par voie de conventions, les professions qui gèrent la formation et l’Education nationale qui l’accueille. La proximité des organismes mutualisateurs agréés pour l’alternance permet de rapprocher les jeunes apprentis de ceux sous contrat de qualification. Ceci rend possible une implication des partenaires sociaux.

Sur des projets concrets, les régions font la démonstration des coopérations possibles et de leur utilité pour l’emploi des jeunes. Celles-ci reposent sur une définition claire des compétences de chacun des intervenants. Si les professions et l’Education nationale doivent concourir à la formation des jeunes, il ne saurait être cependant question de confondre les responsabilités.

Au niveau régional, ces rapprochements se réalisent plus naturellement. Ils répondent mieux aux réalités des bassins d’emploi. Ils constituent une valeur ajoutée par les régions.

Les députés du Groupe U.D.F. tenaient à rappeler ces éléments essentiels à la réussite de la formation professionnelle des jeunes et à leur intégration progressive dans le monde de l’emploi.


* MM. René Couanau, Georges Colombier, Germain Gengenwin, Claude Goasguen, Jean-Jacques Jégou, Joseph Klifa, Pierre Lang, Bernard Leroy, François Loos, Francisque Perrut, Jean-Pierre Philibert.




EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE (*)

Conscient des graves dysfonctionnements du système de financement de la formation professionnelle, le groupe socialiste avait été très favorable à la création de la commission d’enquête.

Un large consensus — ce qui est nouveau — s’est réalisé au sein de la Commission pour :

— établir un constat très sévère : la complexité et l’opacité du financement de la formation professionnelle, l’absence de contrôle tant financier que pédagogique de la formation conduisent à des déperditions financières importantes,

— et conclure à la nécessité de « mettre à plat le dossier de la formation professionnelle et de son financement ».

Le rapport présente des pistes de réflexion et quelques orientations novatrices pour clarifier, rationaliser, assainir et contrôler les circuits de financement. Sans en partager la totalité des propositions, le groupe socialiste a adopté ce rapport. Il y a retrouvé la démarche qui est la sienne et qui devrait utilement contribuer à la nécessaire et urgente réforme du financement de la formation professionnelle.

Le groupe socialiste est, en effet, convaincu que seule une refonte globale et effective — et non un sinple aménagement, comme semble le préconiser le gouvernement — du système de financement de la formation professionnelle, et tout particulièrement des formations en alternance (apprentissage et alternance sous statut scolaire) permettra, enfin, d’atteindre les objectifs de lisibilité, de transparence et d’efficacité que la Commission unanime a appelé de ses vœux.

Aussi, pour que ce rapport ne soit pas « qu’un rapport de plus », quelques axes essentiels doivent être clairement affirmés et constituer les fondements de cette réforme globale.


* M. Michel Berson, Mme Martine David, M Serge Janquin.



A.— Le développement des formations en alternance implique maintenant que soit nettement séparé le financement des formations techniques et professionnelle sous statut scolaire et celui des formations en alternance sous contrat de travail.

La création d’une taxe spécifique — versée dans un fond répartiteur régionalisé, se substituant partiellement à l’actuelle taxe d’apprentissage — pour financer les formations techniques et professionnelles sous statut scolaire devrait y contribuer. L’objectif étant de développer le partenariat entre le système éducatif et le monde de l’entreprise et de faire de l’alternance sous contrat de travail un complément et non un concurrent de l’alternance sous statut scolaire.

B. — S’il est souhaitable de garder deux types de contrat en alternance :

— l’un conduisant à l’obtention d’un diplôme ou d’un titre homologué,

— l’autre, à une qualification professionnelle reconnue par les partenaires sociaux,

il apparaît, en revanche, nécessaire que ces deux contrats relèvent d’un système unifié, voire unique, de la formation professionnelle en alternance sous contrat de travail, fondé sur quelques principes clairs :

1. — La gestion paritaire de l’ensemble du système de formation en alternance

2. — La fusion des financements de l’apprentissage et de l’alternance

— en séparant le financement des formations technique et professionnelle de celui de l’alternance sous contrat de travail,

— en rapprochant, puis en fusionnant, les contributions des entreprises au financement de l’apprentissage stricto sensu et des formations en alternance.

Cette double orientation permettrait d’engager, enfin, la nécessaire refonte de l’ensemble du financement de la formation professionnelle. La répartition de la taxe d’apprentissage étant si opaque, si injuste et si complexe que son simple aménagement est devenu tout à fait inopérant.

3. — La séparation nette entre organismes collecteurs et organismes de formation,

4. — La réduction du nombre des OMA (une par région, interprofessionnelle et une par branche, nationale).

5. — Le financement des organismes de formation, directement par les OMA, sans transiter par les entreprises.

6. — L’habilitation des organismes de formation, dans l’esprit de la loi de 4 juillet 1990 sur le contrôle de la qualité de la formation dont les décrets d’application n’ont pas encore été publiés.

C. — Pour l’avoir dénoncé depuis plusieurs années, le groupe socialiste tient à réaffirmer que le contrôle de la formation professionnelle n’existe pratiquement pas.

L’Etat n’assume plus sa mission. 45 inspecteurs dont le statut n’offre pas les garanties d’indépendance indispensable pour assurer leur mission, contrôlent 26.000 organismes dont le chiffre d’affaires s’élève à 28,5 milliards de F.

Il n’y aura pas de contrôle effectif et efficace des organismes collecteurs, comme des organismes de formation, aussi bien financier, administratif que pédagogique pour ces derniers, sans une volonté politique forte.

A cet effet, d’importants moyens humains doivent être dégagés, les fonctions de gestion et d’animation des dispositifs de formation doivent être séparées des fonctions de contrôle. Et, en matière de contrôle, les missions des inspecteurs du travail, des inspecteurs de la formation professionnelle et des inspecteurs de l’apprentissage doivent être mieux définies, voire regroupées.

D. — Le contrôle parlementaire des crédits du ministère de la formation professionnelle n’est pas, lui aussi, très efficient, dans la mesure où il existe des différences substantielles entre le budget voté en loi de finances initiale et le budget effectivement exécuté.

L’importance des crédits concernant la formation, dans le budget des charges communes ou les comptes d’affectation spéciale, le système des reports de crédits, les décisions modificatives fréquentes, les abondements des crédits en cours d’exercice réduisent considérablement les pouvoirs du Parlement en matière de choix et de contrôle budgétaire.

E. — Avec le développement de la crise, au début des années 1980, notre système de formation a connu une évolution sensible. On s’est progressivement éloigné de l’idée de l’éducation permanente pour privilégier une formation strictement professionnelle.

Avec l’aggravation de la crise de l’emploi, au début des années 1990, une nouvelle évolution est apparue, les crédits, notamment publics, de la formation sont de plus en plus utilisés pour faciliter l’accès à l’emploi et non plus pour le développement de la formation professionnelle des jeunes sans qualification ni diplôme. Il y a là une dérive qui peut être dangereuse si l’on n’y prend pas garde, car elle peut conduire à substituer l’emploi précaire à la formation qualifiante.

Il est regrettable que la démarche « nouvelle qualification », de Bertrand Schwartz, saluée par le rapport et qui apporte une réponse adaptée aux jeunes sans aucune qualification, ait été abandonnée par le gouvernement. L’abandon progressif de la démarche du CFI, offrant une deuxième chance aux jeunes, est tout aussi regrettable.

Le souci de rentabilité immédiate des organismes de formation ne doit pas avoir pour conséquence l’aggravation de l’exclusion sociale et professionnelle des jeunes en grande difficulté.

F. — sLe groupe socialiste tient enfin à rappeler que toute refonte du système de formation ne peut se concevoir qu’avec la participation active des partenaires sociaux.

On peut regretter à cet égard que les partenaires sociaux n’aient pas été pleinement associés à la préparation du projet de loi quinquennale sur l’emploi. Le gouvernement n’a pas su réunir les conditions d’une bonne négociation collective de la refonte du système de formation professionnelle en alternance.

Aussi, aujourd’hui, sommes nous en droit de nous demander, si après le récent rapport de l’IGAS et de l’IGF et celui de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale, le gouvernement aura la volonté politique de mettre en œuvre une réforme de fond du système de la formation professionnelle, et si le transfert aux régions des compétences de l’Etat en matière de formation professionnelle des jeunes ne compliquera pas la mise en œuvre d’une telle réforme.




DÉCLARATION DU COMMISSAIRE APPARTENANT AU GROUPE COMMUNISTE (*)

La Commission a fait un travail important et nécessaire pour clarifier des interférences complexes au sein de la véritable nébuleuse que constitue la formation professionnelle en France.

Elle a constaté du même coup les nombreuses insuffisances, qu’il s’agisse des contributions obligatoires, de l’absence criante de contrôle démocratique et donc de l’efficacité des multiples filières de formation tant pour l’emploi que pour les jeunes qui sont directement concernés.

Force est de constater que l’utilisation de plusieurs dizaines de milliards reste extrêmement difficile à appréhender, ce qui au niveau des causes principales relève de la responsabilité directe du patronat et de la complicité plus ou moins passive de l’Etat. Les organisations syndicales et les organismes représentatifs n’ont pas les moyens réels de connaître l’utilisation des fonds, pas davantage d’influer réellement sur les choix de formation.

L’orientation la plus étroite et le contrôle le plus direct de la formation générale, professionnelle de la jeunesse est devenue un des axes essentiels du remodelage de la société française entrepris par les forces du capital.

Le pouvoir de droite entend accélérer la mise en place d’un système de formation répondant à ces exigences : priorité à l’apprentissage, tel que le conçoit le patronat, financement des établissements privés par les collectivités locales, déréglémentation de l’université, désengagement de l’Etat, restriction des crédits publics ; se conjuguent pour appauvrir le service public, le déstructurer et mettre en place un système scolaire dual et concurrentiel « à l’américaine ».

Ainsi, alors même que le nombre de bacheliers a plus que doublé en vingt ans, chaque année, l’exclusion par l’échec touche plusieurs centaines de milliers de jeunes qui sortent de l’école ou de l’apprentissage sans qualification ou de l’université sans diplôme.


* M. René Carpentier.

Cinq propositions nous semblent prioritaires :

1. — Il convient d’opérer une rénovation de notre système éducatif de formation initiale et continue faisant du droit à la formation réussie pour tous une priorité nationale.

Doit s’exercer dans l’ensemble du système de formation, et à l’égard de tous les intervenants une responsabilité publique nationale. Un grand service public national de l’enseignement et de la formation doit exercer sa responsabilité sur l’ensemble du système de formation, public et privé. Un grand débat national est nécessaire pour en définir le contenu et les formes.

2. — Il faut assurer le contrôle démocratique de l’utilisation des fonds publics de toutes origines (Etat, régions, collectivités) en mettant partout en place des commissions départementales avec participation des élus locaux en reconnaissant des droits d’intervention et de contrôle pour les salariés, leurs organisations syndicales, les associations de chômeurs et les comités d’entreprise ; en organisant la transparence et l’information sur les fonds distribués et leurs utilisations.

3.-Doit être créé un service public décentralisé d’insertion dans l’emploi et la formation. Il appartient à l’Etat de s’engager d’urgence dans une véritable bataille pour agir effectivement sur l’offre et la demande d’emplois, ainsi que sur la cohérence entre le développement des formations et les créations d’emplois dans la production et les services.

Ce service public décentralisé créé à partir des institutions déjà existantes et en relation avec les ministères concernés, disposerait, au niveau national et dans chaque département, des pouvoirs et moyens pour coordonner et impulser les interventions publiques des services de l’Etat et des organismes publics concernés : ANPE, organisations de formation, etc., et pour favoriser des initiatives prises par les collectivités, les associations, les entreprises.

Ce service doit disposer de moyens financiers importants. Un conseil consultatif pourrait être mis en place auprès de sa direction nationale. Il serait informé en permanence des actions entreprises et de leurs résultats, et consulté sur les orientations à décider. Les représentants des groupes parlementaires ainsi que ceux des organisations syndicales y participeraient.

De tels conseils consultatifs seraient créés auprès de chaque direction départementale du service public d’insertion dans l’emploi et la formation. Les élus municipaux, départementaux et régionaux pourraient y intervenir, ainsi que les représentants des organisations syndicales. Les représentants des organisations de chômeurs pourraient y faire entendre leur voix.

4. — Enfin il est indispensable que 10 % du temps de travail soit consacré à la formation, à l’insertion, au partage du savoir, en développant une coopération nouvelle des entreprises avec l’Education nationale et les institutions de formation.

5. — Il est important pour ce faire de ne pas diminuer les crédits consacrés à la formation (actuellement de 120 milliards de F.) mais au contraire de les abonder afin de permettre une véritable formation répondant aux besoins grandissant en particulier de la jeunesse.



ANNEXES

QUESTIONNAIRE DE LA COMMISSION ADRESSÉ AUX ORGANISMES COLLECTEURS AGRÉÉS
(Il sera répondu aux questions en distinguant par section d’activité)
1. — Indiquer la date de création de l’organisme et de son agrément, son objet, ses champs d’activité et d’application ; fournir la convention constitutive de l’organisme, ses statuts et son règlement intérieur. Indiquer les organismes collecteurs avec lesquels vous avez des relations structurelles ou financières. Préciser la nature de ces relations.
2. — Indiquer le nombre d’entreprises adhérentes ainsi que pour chacune d’elles leurs effectifs ; fournir l’évolution de ces adhérents depuis 5 ans, année par année.
3. — Fournir l’organigramme de l’organisme et l’évolution de ses effectifs, année par année, depuis 5 ans ; indiquer le statut du personnel et fournir les conventions collectives auxquelles celui-ci est éventuellement assujetti ; indiquer, pour les salariés, le montant de la rémunération annuelle 1993 la plus basse et le montant de la plus élevée, ainsi que, pour les membres du conseil d’administration ou de gestion, les modalités et le montant unitaire de rémunération ou d’indemnisation.
4. — Préciser le montant des subventions publiques éventuellement perçues par l’organisme en 1990, 1991 et 1992.
5. — Fournir le règlement comptable de l’organisme et, pour les exercices 1990, 1991 et 1992, les documents visés à l’article R. 964-7 du Code du travail.
6. — Retracer l’évolution depuis 5 ans, année par année, des frais de gestion (personnel et fonctionnement), et leur part dans les ressources de l’organisme.
7. — Préciser le montant des crédits consacrés depuis 5 ans, année par année, au financement d’études ou de recherches intéressant la formation, l’intitulé de celles-ci et, pour chacune d’elles, son coût, l’organisme bénéficiaire ainsi que les suites données à ces études par l’organisme collecteur.
8. — Indiquer le montant des ressources perçues depuis 5 ans, année par année, au titre de la réalisation d’études, de conseils dispensés en faveur de vos adhérents et la part de ces sommes dans les ressources de l’organisme.
9. — Quels sont les types de conseils prodigués par votre organisme à vos adhérents ? Dans le cadre de cette activité, votre organisme a-t-il testé les organismes de formation concurrents sur une même formation et selon quelles méthodes ? A-t-il exploité les résultats de ces tests en faveur de ses adhérents ?
10. — Recenser les actifs patrimoniaux de l’organisme et, pour chacun d’eux, les modalités de leur financement, leur valeur au 1er janvier 1993 et leur affectation.
11. — Indiquer le montant du fonds de roulement de l’organisme à la fin de chaque trimestre civil des exercices 1991, 1992 et 1993.
12. — Fournir l’évolution depuis 5 ans, année par année, du montant des provisions au 31 décembre et au 30 juin, ainsi que de leur part dans l’ensemble des dépenses. Dresser un bilan précis de l’engagement des sommes ainsi prévues année par année.
13. — Indiquer le volume des ressources perçues au 15 mars 1993, le montant des disponibilités existantes à cette même date ainsi que les différents types de placements effectués entre le 15 mars et le 20 juin 1993 et la rémunération de ces placements produite au 30 juin 1993. Fournir l’état précis des placements au 1er février et au 30 juin 1993.
14. — Indiquer l’évolution depuis 5 ans des excédents au sens de l’article R. 964-8 du Code du travail, au 31 mars de chaque année.
15. (Suivant la section d’activité) — Préciser pour chacun des exercices 1990, 1991 et 1992 le montant des excédents :
a) consacrés à des programmes de formation autorisés par l’administration ;
b) versés, au plus tard le 20 juin, à un ou plusieurs organismes de mutualisation ; Préciser les organismes concernés et le montant pour chacun d’eux ;
c) versés, au plus tard le 30 juin, à l’AGEFAL ;
d) éventuellement reversés au Trésor.
15 bis — (question supplémentaire posée aux ASFO agréées) : Indiquer l’évolution depuis 5 ans des excédents au sens de l’article R. 950-13 du Code du travail.
Préciser pour chacun des exercices 1990, 1991 et 1992 le montant des excédents constatés ainsi que le montant des excédents reversés année par année aux employeurs intéressés. Indiquer le montant des excédents reversés au titre des conventions annuelles et pluriannuelles et selon leur durée. Indiquer les types de placement effectués dans le cadre des dispositions de l’article R. 950-13 ainsi que le montant des produits financiers dégagés par ces placements année par année pour les exercices 1990, 1991 et 1992. Indiquer le montant de ces produits consacrés au financement d’actions de formation visées aux a) et c) du 4° de l’article R. 950-9, par catégorie de personnes visées ainsi que par catégorie de contrat. Indiquer le montant des produits financiers éventuellement reversés au Trésor public.
16. — Fournir les documents adressés par l’organisme aux entreprises adhérentes retraçant l’emploi des fonds par l’organisme collecteur.
17. — Indiquer la date à partir de laquelle les comptes de votre organisme ont été soumis à un commissaire aux comptes. Fournir les observations formulées par ce dernier sur les derniers exercices.
18. — Votre organisme a-t-il fait l’objet d’un contrôle de la part des pouvoirs publics ? Si oui, par qui et quand ? Fournir un exemplaire du rapport de contrôle et indiquer les suites données par l’organisme.
19. — Que pensez-vous de la proposition formulée par le rapporteur spécial de la Commission des finances de l’Assemblée nationale sur les crédits de la formation professionnelle pour 1994, tendant à regrouper les organismes collecteurs à raison d’un seul par région et d’un seul par branche ?
20. — Quels sont les avantages et les inconvénients des formules qui permettent au sein d’un même organisme d’assurer
21. — (question supplémentaire posée aux ASFO agréées) : Fournir pour les trois exercices 1990, 1991 et 1992 le nombre de stagiaires, de bilans de compétence et d’heures de stages financés et/ou assurés par votre organisme ; idem pour les stages assurés par des organismes sous-traitants ; part du chiffre d’affaires des activités de formation sous-traitées dans votre chiffre d’affaires et liste de ces organismes de sous-traitance depuis 1990, année par année.
22. — (question supplémentaire posée aux ASFO agréées) : Dans quelle mesure les actions de formation financées et/ou assurées correspondent-elles aux objectifs définis à l’échelon de la branche professionnelle ?
23. — (question supplémentaire posée aux ASFO agréées) : Fournir le bilan détaillé sur les trois exercices 1990, 1991 et 1992, année par année, des actions de formation financées et/ou assurées par votre organisme en distinguant par catégorie de public, par grand type de contrat, par nature de stage et selon leur durée ; différencier la part des stages individuels et des stages collectifs, la collecte des fonds de formation professionnelle et de dispenser des actions de formation ?


QUESTIONNAIRE DE LA COMMISSION ADRESSÉ AUX PRINCIPAUX ORGANISMES DE FORMATION
1. — Indiquer la date de création de l’organisme, son objet et ses champs d’activité ; préciser sa forme juridique ; fournir les effectifs de votre organisme.
2. — Indiquer le montant de la rémunération annuelle 1993 la plus basse et le montant de la plus élevée ainsi que, pour les membres du conseil d’administration, les modalités et le montant unitaire de rémunération ou d’indemnisation.
3. — Fournir pour les exercices 1990, 1991 et 1992 les documents visés à l’article L. 920-5 du Code du travail.
4. — Retracer l’évolution depuis cinq ans, année par année, des frais de gestion et leur part dans le bilan de l’organisme.
5. — Indiquer au 1er septembre 1993 le coût horaire d’une formation de programmeur sur gros système ; de pupitreur ; d’initiation à l’anglais commercial ; d’initiation d’une secrétaire à un logiciel de traitement de texte. Fournir le tarif unitaire d’un bilan de compétences.
6. — Indiquer le montant des frais annexes demandés aux stagiaires par l’organisme pour chacun des stages susvisés.
7. — Evolution depuis cinq ans des taux d’assiduité pour chacun des stages susvisés ainsi que le taux moyen d’assiduité relevé pour l’ensemble des stages dispensés par votre organisme.
8. — Fournir les statistiques dont dispose votre organisme sur le devenir professionnel de vos stagiaires à l’issue de leur stage et les appréciations portées par vos stagiaires sur vos stages.
9. — Quel jugement portez-vous sur les mécanismes actuels de collecte des fonds de formation professionnelle ? Quels sont les dysfonctionnements qu’ils recèlent selon vous et quelles améliorations pourraît-on y apporter ?
10. — Votre organisme a-t-il fait l’objet d’un contrôle de la part des pouvoirs publics ? Fournir les résultats’de ce contrôle.
11. — Indiquer les effectifs de vos formateurs en distinguant selon leurs rémunérations (salaires ou honoraires) ; ventiler ces effectifs par niveau de qualification ou diplôme ; indiquer la rémunération horaire la plus basse et la plus élevée.
Organismes collecteurs ayant répondu au questionnaire de la Commission d’enquête
ACIFOP Bergerac, ACIFOP Libourne, ACM, ADAETAE, ADAP, ADFORECO, ADFP Besançon, ADFPNFC, ADOFIA, AESTE, AFASF les Alyscamps, AFAUDI, AFC94, AFCA, AFCEP, AFCP, AFDAS, AFIM 33, AFISOM, AFOCILB, AFOPEC, AFOPRIG, AFORP-OISE ASFO, AFP, AFP 93, AFPAD, AFPCO, AFPI, AFPIASF038, AFPI Haute Marne, AFPIA, AFPIC CHIMIE, AFPIC CUIRS, AFPICIM, AFPIM Chartres, AFPIM le Havre, AFPMA, AFPMD, AFSOPEMA, AFT, AGE FAFIC NPC, AGECIF-RATP, AGECIF 63, AGECIF CAMA, AGECIF IEG, AGECIF Sécurité Sociale, AGECIF SNCF, AGEFAFCATEP, AGEFAFOM, AGEFAFOP, Agefaforia, Agefomat, Agefos PME, Agefos PME Corse, AIFC, AIFCC, AIFCO, AIFP, AILR, AMIFOP, ANFA, ANFORS, ANIFOP, Appuis textile, ARFOP, ARIFOC, ASFEL, ASFEM Méditerranée, ASFIM, ASFO 10, ASFO 17, ASFO 24, ASFO 47, ASFO 63, ASFO 86, ASFO ALSACE, ASFO Bas-Rhin, ASFO Bayonne, ASFO Béarn-Soule-Bigorre, ASFO Châlons sur Marne, ASFO Cher, ASFO CIDEP, ASFO CNFDT, ASFO Corrèze, ASFO Côte d’Azur, ASFO d’Armor, ASFO des Landes, ASFO du Finistère, ASFO entreprendre formation, ASFO Guadeloupe, ASFO Hainaut Cambresis, ASFO Limousin, ASFO métaux, ASFO Midi Pyrénées, ASFO Provence, ASFO Thiers, ASFO Var, ASFO Vaucluse, ASFOC, Asfocim, Asfodel, Asfodelp, ASFOLOG, ASFOP 16, Asfored, Asforis, ASP L’Erier, ASSICOF, Assifo, Assifor, BJO formation, CCCA-BTP, CCFP, CEFICEM, CEPITRA, CER 92, CFPE, CFPJ, Champfor, CIFCA, CIFOP, CIPES, CM 17 (Chambre de Métiers Charente Maritime), CONSERV-ASFO, DISTRIFAF, ENSPM FI, FADEP, FAF bourse, FAF Centre Alsace, FAF Chambre de Métiers Paris, FAF CMIL, FAF de Bretagne, FAF de l’Est, FAF Haute Alsace, FAF Interformation Gironde, FAF Métal Ardennes, FAF Nord Franche Comté, FAF Pêche, FAF PL, FAF salariés boulangerie, FAF Sécurité Sociale, FAF Travail Temporaire, FAFCA, FAFCASE, FAFCASO, FAFDES, FAF des salariés de la Haute-Saône, FAFEP, FAFIC, FAFIC Haute Loire, FAFIC Haute Normandie, FAFIC Manche, FAFIC Vosges, FAFIH, FAFIL, FAFIRC, FAFJOUP, FAFOFR, FAFORCHAR, FAFRO, FAFSA, FAFSEA, FAFTIS, FASER, FASFOV, FIMECO Sarthe, FJAF, FOGECIF Bourgogne, FONGECIF Alsace, FONGECIF Auvergne, FONGECIF Basse-Normandie, FONGECIF Bretagne, FONGECIF Centre, FONGECIF Champagne Ardenne, FONGECIF Franche Comté, FONGECIF Haute-Normandie, FONGECIF Ile-de-France, FONGECIF Limousin, FONGECIF Lorraine, FONGECIF Midi-Pyrénées, FONGECIF Nord-Pas-de-Calais, FONGECIF Pays de la Loire, FONGECIF Picardie, FONGECIF Poitou-Charentes, FONGECIF Rhône-Alpes, FONGECIF Transport, FOPIRCIF Languedoc Roussillon, FORECIF, Formabois, Formeca, FPAFJ, GACO formation, GEDAF, GERAPE ASFO, GFC-BTP, GICFO, GIFCOM, GRAFITH, Habitat Formation, IDE formation, IFCIL, IFERP, IFH, IFIP, IFOROP, IFRL, INFORMA, INHNI, INTERFOC, Interformation Doubs, IPL, IRFIP, Plastifaf-CIF, PROMOFAF, Section paritaire du FAF du secteur des métiers et des services de Haute-Normandie, SIFOR OISE ASFO, TEXIEL, UFPIH, UNIFORMATION, UNIPE, UNIPRO Cliniques, Valeurs & Performance, Viandes formation
Organismes de formation ayant répondu au questionnaire de la commission d’enquête
ACPM, AAENPC, Académie ACCOR, ACEREP, ACM, ADAP, ADIP, Aéroformation GIE, AFEC, AFIDA ASFO, AFNOR, AFOREST EMOM, AFORP Oise, AFORTEC Formation, AFPAD, AFPI 38, AFPM, AFPOLS, AFT Formation Continue, AFTAM, AIF, AIFCC , Alcatel CIT, ANFA, APAVE Nord-Picardie Formation, APPAVE, APTH, AREP, ARFEM, ASFO Côte d’Azur, ASFO Hainaut Cambresis, ASFO Provence, ASFO Vaucluse, ASFOSAR, Association pour l’enseignement de l’assurance, Association pour la formation du personnel, Association interprofessionnelle pour la formation, BULL Formation, Campus Thomson, Centre Yves Bodiguel, CCI, Colmar, CCI Lille-Roubaix Tourcoing, CCI Toulouse, CCI Versaille-Val d’Oise-Yvelines, CCI Limoges, CCI Strasbourg, CEDEP, CEFICEM, CEGOS, Centre de formation de la profession bancaire, Centre de formation E. Pico, Centre de formation et de perfectionnement des journalistes, CESI Rouen, CESI Gentilly, CESI Ecully, CETE de l’APAVE du Sud-Ouest, CIEFOP Développement, CIPL-IAEE, CITEF, CLPS, CNPP Entreprise, CNOF, CPA, CREAR, CRECI Consultants, Crédit Mutuel Fédération Centre Est Europe, CSP, CUCES Universités, CUEFA, CUEEP, Demos, Digital Equipment France, Ecole nationale supérieure des PTT, Education et Formation, ENSPM, FORGET Formation, France Telecom Montpellier, Francis Lefèbvre Formation, GICFO, GIFOP INEURA, GRETA Bordeaux, GRETA Caen-Bayeux, GRETA Région Havraise, GRETA Ardennes, GRETA Hainaut, GRETA Flandre maritime, GRETA Haute-Alsace, GRETA industriel de l’agglomération lyonnaise, GRETA Nancy-Toul, GRETA Nord-Isère, GRETA Rennes, GRETA RTV LYS, GRETA Strasbourg Europe, GRETA Sud-Isère, GRETA Tertiaire 94, GRETA Tertiaire Nord 77, Groupe Formation, Groupement des CCI Hainaut-Cambresis, HEC Management, Hewlett Packard, IBM Formation, ICOFAP, IDEF, IFACAP, IFCAM, IFG Langues, IFOCOP, IFPA, IFRA, IFTIM Entreprise, ILEP, INAFON, INFATH, INFIPP, INFREP, INSEAD, INSTEP Formation Léo Lagrange, Institut de gestion sociale, Institut Renault de la qualité Institut Scheidegger, Inter Services Conseil S.A., IRFA Grand-Est, IRFA, IRFIP, Learning International, Learning Tree International, Les compagnons du devoir du tour de France, P7I Informatique, Performance 13, PROMOTRANS, Sciences Po. Formation, SEPR, SIADEP, SIFOP, SIGMA Formation, SJT, SUDES, SUN Service France, TEXIEL, UNAPEC, UNEDIC , Université Aix Marseille III, Vivre.
Classement des organismes collecteurs agréés selon le montant de leur collecte (*)
(Année 1992)
Nom de l’organisme Montant de la collecte selon le type d’agrément Collecte des CIF Total des collectes par organisme
FAF OMA Sous total
AFOS-PME 997.013.555 898.325.484 1.895.339.039 1.895.339.039
GFC-BTP 517.351.024 398.931.770 916.282.794 170.781.131 1.087.063.925
FONGECIF ILE-DE-FRANCE 509.920.512 509.920.512
PROMOFAF 345.054.288 87.765.853 432.820.141 69.541.366 502.361.507
CCCA 398.931.770 398.931.770 398.931.770
IFERP 373.882.682 373.882.682 373.882.682
FAF-EST 309.335.651 60.916.498 370.252.149 370.252.149
UNIFORMATION 202.939.497 71.934.246 274.873.743 61.117.820 335.991.563
FAF DU TRAVAIL TEMPORAIRE 71.625.025 109.284.471 180.909.496 92.236.927 273.173.423
AGEFAFORIA 126.677.997 96.137.637 222.815.634 48.401.189 271.216.823
AFDAS 95.534.759 79.521.772 175.056.531 82.497.279 257.553.810
UNIPE 250.077.001 250.077.001 250.077.001
FAFIH 85.642.630 100.787.414 186.430.044 61.299.755 247.729.799
PLASTIFAF 112.262.745 53.655.221 165.917.966 22.828.937 188.746.903
IPL PAYS DE LOIRE 132.672.407 44.509.795 177.182.202 177.182.202
FAF SECURITE SOCIALE 108.432.278 67.835.000 176.267.278 176.267.278
FAF-PMI 167.535.830 167.535.830 167.535.830
INTERFOC 97.046.343 33.373.257 130.419.600 130.419.600
AFT 128.335.309 128.335.309 128.335.309
FAFCA 44.778.384 57.406.430 102.184.814 19.657.991 121.842.805
ANDFPCRACM 117.286.469 117.286.469 117.286.469
INTERFORMATION RHONE LOIRE 59.174.655 46.365.338 105.539.993 105.539.993
FAFSEA 53.918.858 27.216.740 81.135.598 24.327.879 105.463.477
HABITAT FORMATION 55.685.526 25.471.615 81.157.141 13.584.074 94.741.215
FAF-PL 64.004.112 27.861.576 91.865.688 91.865.688
FONGECIF NORD PAS DE CALAIS 87.752.537 87.752.537
FAFCASE 46.392.298 26.404.528 72.796.826 7.204.596 80.001.422
FOCADEP 64.174.619 64.174.619 12.252.780 76.427.399
FONGECIP PACA 74.747.690 74.747.690
FAFIC HAUTE NORMANDIE 39.200.853 35.021.470 74.222.323 74.222.323
FAF-BRETAGNE 43.270.016 19.884.624 63.154.640 63.154.640
ASFO-ALSACE 63.023.695 63.023.695 63.023.695
FAFTIS 42.361.115 12.783.169 55.144.284 7.679.343 62.823.627
FAFIEC 62.594.256 62.594.256 62.594.256
FONGECIF TRANSPORT 58.074.905 58.074.905
FONGECIF PAYS DE LOIRE 54.644.221 54.644.221
AGEFOMAT 17.821.234 27.533.577 45.354.811 9.562.168 54.916.979
FONGECIF ALSACE 51.869.384 51.869.384
FONGECIF CENTRE 51.512.203 51.512.203
ADAP 51.218.902 51.218.902 51.218.902
UNIPRO-CLINIQUE 26.071.143 24.091.850 50.162.993 50.162.993
FONGECIF LORRAINE 48.652.120 48.652.120
IFIP 48.237.242 48.237.242 48.237.242
AIFP 47.446.896 47.446.896 47.446.896
FONGECIF AQUITAINE 46.968.785 46.968.785
AFPI 46.665.547 46.665.547 46.665.547
FONGECIF HAUTE NORMANDIE 45.092.688 45.092.688
FAFIL 28.616.394 28.616.394 16.293.751 44.910.145
ASFOMP 44.578.767 44.578.767 44.578.767
AFPIC CHIMIE 44.308.254 44.308.254 44.308.254
AGECIF-SNCF 44.270.089 44.270.089
FONGECIF BRETAGNE 42.664.792 42.664.792
AGECIF EDF-GDF 40.714.075 40.714.075
FAFRO 27.959.649 12.516.859 40.476.508 40.476.508
AFAUDI 17.038.036 15.445.499 32.483.535 7.795.659 40.279.194
FONGECIF MIDI PYRENEES 39.648.647 39.648.647
FONGECIF PICARDIE 39.082.506 39.082.506
AGECIF SECURITE SOCIALE 38.502.199 38.502.199
FAFCASO 22.436.766 11.128.677 33.565.443 4.543.698 38.502.199
CEFICEM 37.453.015 37.453.015 37.453.015
FAF HAUTE ALSACE 26.932.037 9.981.455 36.913.492 36.913.492
GIFCOM 36.644.904 36.644.904 36.644.904
ENSPM 35.828.407 35.828.407 35.828.407
AFCEP 35.374.789 35.374.789 35.374.789
ASFIM 35.279.652 35.279.652 35.279.652
FAFDES 21.126.468 12.922.883 34.049.351 34.049.351
AFPIC CUIRS 33.989.906 33.989.906 33.989.906
AGECIF CAMA 32.665.858 32.665.858
FONGECIF BOURGOGNE 32.486.491 32.486.491
CFPJ 32.070.681 32.070.681 32.070.681
ASMFP 30.303.719 30.303.719 30.303.719
AFOPRIG 30.302.759 30.302.759 30.302.759
IRFIP 29.285.844 29.285.844 29.285.844
FONDS JURASSIEN A F 18.788.544 9.629.134 28.417.678 28.417.678
AFPAD 28.245.573 28.245.573 28.245.573
ASFODEL 27.453.961 27.453.961 27.453.961
ADAETAE 27.109.468 27.109.468 27.109.468
FONGECIF FRANCHE COMPTE 26.968.986 26.968.986
ASFO PROVENCE 26.907.305 26.907.305 26.907.305
FOPERCIF LANGUEDOC ROUSSILLON 26.684.688 26.684.688
ASFO LA 26.324.359 26.324.359 26.324.359
IFOROP 26.039.236 26.039.236 26.039.236
ASFOCA 25.642.148 25.642.148 25.642.148
FONGECIF BASSE NORMANDIE 25.285.022 25.285.022
FAF METAL ARDENNES 13.220.418 8.770.192 21.990.610 3.290.095 25.280.705
FAFIC DES VOSGES 15.619.165 9.472.957 25.092.122 25.092.122
FONGECIF CHAMPAGNE ARDENNES 25.069.333 25.069.333
FONGECIF POITOU CHARENTES 24.982.714 24.982.714
ETUDOC 24.585.076 24.585.076 24.585.076
FAF CENTRE ALSACE 20.337.907 4.019.855 24.357.762 24.357.762
FOPIRCIF 23.589.238 23.589.238 23.589.238
FAF BOULANGERIE PATISSERIE 14.013.419 7.729.890 21.743.309 1.422.477 23.165.786
FONGECIF AUVERGNE 22.980.212 22.980.212
AFCP 22.913.962 22.913.962 22.913.962
FAF DE LA COTE D’OR 15.619.165 6.442.998 22.062.163 22.062.163
AFP 93 21.867.889 21.867.889 21.867.889
INHNI 21.576.179 21.576.179 21.576.179
ASFEM MEDITERRA 21.178.482 21.178.482 21.178.482
GERAPE ASFO 20.698.177 20.698.177 20.698.177
INTERFORMATION DU DOUBS 13.502.349 6.628.000 20.130.349 20.130.349
SIFOR OISE 19.716.547 19.716.547 19.716.547
FAFIC MANCHE 9.891.165 9.502.847 19.394.012 19.394.012
FAFIRC 425.397 11.605.551 12.030.948 6.958.840 18.989.788
AESTE 18.927.216 18.927.216 18.927.216
CIPES 18.665.407 18.665.407 18.665.407
FAF 70 11.164.493 7.099.340 18.263.833 18.263.833
ASFO D’ARMOR 18.131.104 18.131.104 18.131.104
GRAFITH 18.009.273 18.009.273 18.009.273
FORMABOIS 17.987.666 17.987.666 17.987.666
F.A.F.A.C. FAF DE LA BOURSE 11.296.607 4.023.546 15.320.153 2.323.552 17.643.705
C.C.F.P. 7.512.845 5.529.463 13.042.308 4.408.814 17.451.122
ASFO HAINAUT 17.230.342 17.230.342 17.230.342
AFPICIM 17.208.043 17.208.043 17.208.043
AFIDA 16.813.774 16.813.774 16.813.774
GACO FORMA 16.362.079 16.362.079 16.362.079
ASSIFO 16.194.341 16.194.341 16.194.341
FAF MIDI FORMATION 15.652.123 15.652.123 15.652.123
ARFOP 15.617.924 15.617.924 15.617.924
CHAMPFOR 14.822.922 14.822.922 14.822.922
CFPE 14.822.732 14.822.732 14.822.732
CER 92 14.811.893 14.811.893 14.811.893
AFISOM 14.734.213 14.734.213 14.734.213
FAFSOV 9.175.616 4.113.321 13.288.937 1.318.852 14.607.789
GIFCO 14.547.630 14.547.630 14.547.630
AFIM 14.283.288 14.283.288 14.283.288
AFC94 14.268.949 14.268.949 14.268.949
FORMECA 13.786.738 13.786.738 13.786.738
CIFOP 13.551.001 13.551.001 13.551.001
GEDAF 13.490.967 13.490.967 13.490.967
AFPI CEREALES 13.480.872 13.480.872 13.480.872
FAFOFR 2.907.555 10.402.807 13.310.362 13.310.362
FAFSCO 13.201.583 13.201.583 13.201.583
AIFC 13.143.165 13.143.165 13.143.165
ASFORED 13.112.546 13.112.546 13.112.546
VIANDE FORMATION 12.966.873 12.966.873 12.966.873
AIFCC 12.935.577 12.935.577 12.935.577
ADFORECO 12.882.746 12.882.746 12.882.746
ASFO63 12.686.609 12.686.609 12.686.609
AFP 12.540.375 12.540.375 12.540.375
ASFO BSB 12.479.778 12.479.778 12.479.778
AFPMD 12.353.416 12.353.416 12.353.416
DISTRIFAF 2.396.520 6.556.705 8.953.225 3.035.773 11.988.998
IFCIL 11.842.655 11.842.655 11.842.655
FAF-CROIX ROUGE 7.638.781 4.008.244 11.647.025 11.647.025
AFCA 11.433.232 11.433.232 11.433.232
FAF INTERFORMATION GIRONDE 4.987.061 6.373.260 11.360.321 11.360.321
PROMOTRANS 11.338.793 11.338.793 11.338.793
FAFORCHAR 6.904.013 2.357.431 9.261.444 1.913.359 11.174.803
ASSICOF 11.173.785 11.173.785 11.173.785
ASFO 86 11.100.789 11.100.789 11.100.789
AFPIM 10.799.337 10.799.337 10.799.337
FAF DE L’ISERE 10.747.775 10.747.775 10.747.775
FAFIC HAUTE LOIRE 6.306.507 4.407.857 10.714.364 10.714.364
ASP 10.559.648 10.559.648 10.559.648
AFORP OISE 10.535.495 10.535.495 10.535.495
ASFO-CIDEP 10.519.836 10.519.836 10.519.836
UNAPEC 10.323.589 10.323.589 10.323.589
FONGECIF LIMOUSIN 10.162.161 10.162.161
AFPIM 10.075.318 10.075.318 10.075.318
AGECIF RATP 9.902.993 9.902.993
FAF NORD FRANCHE COMPTE 5.658.061 40.71.220 9.729.281 9.729.281
AIFCO 9.573.841 9.573.841 9.573.841
AFOPEC 9.398.184 9.398.184 9.398.184
CIFCA 9.184.783 9.184.783 9.184.783
ACM 9.183.192 9.183.192 9.183.192
ASFO VAUCLUSE 9.156.902 9.156.902 9.156.902
FAF FIMECO-SARTHE 4.536.389 4.536.389 4.469.223 9.005.612
ASFOPEMA 8.684.442 8.684.442 8.684.442
FASER. 2.625.216 2.625.216 5.884.871 8.510.087
ASFOC 8.466.028 8.466.028 8.466.028
ASFI 8.429.055 8.429.055 8.429.055 8.429.055
FOPERFIC 8.237.414 8.237.414 8.237.414
AFPIA 8.178.547 8.178.547 8.178.547
FAF DU PERSONNEL DES CHAMBRES 6.417.755 6.417.755 1.708.022 8.125.777
ASFOVAR 7.982.656 7.982.656 7.982.656
ANFORS 7.774.503 7.774.503 7.774.503
AFPMA 7.727.891 7.727.891 7.727.891
ASFO LIMOUSIN 7.640.556 7.640.556 7.640.556
AGECIF 63 7.499.289 7.499.289
AFPI HTE MARNE 7.447.553 7.447.553 7.447.553
MULTIFAF 7.424.441 7.424.441 7.424.441
AGEFAFOM 7.263.584 7.236.584 7.263.584
ADFP 7.262.154 7.262.154 7.262.154
FAFIC NORD PAS DE CALAIS 66.523 7.171.685 7.238.208 7.238.208
ASFO METAUX 6.797.768 6.797.768 6.797.768
ASFEL 6.784.496 6.784.496 6.784.496
AFOCILB 6.752.857 6.752.857 6.752.857
ASFO 17 6.604.447 6.604.447 6.604.447
ASFO 6.513.299 6.513.299 6.513.299
IFP 6.378.662 6.378.662 6.378.662
FAFSA 5.832.705 5.832.705 516.958 6.349.663
ANIFOP 6.343.990 6.343.990 6.343.990
CEPITRA 6.286.361 6.286.361 6.286.361
TEXIEL 6.280.912 6.280.912 6.280.912
ASFO BAYONNE 6.261.435 6.261.435 6.261.435
FAF PHARMACIE 6.257.187 6.257.187 6.257.187
AGEFAFOP 4.294.985 4.294.985 1.876.648 6.171.633
ASFO 47 6.092.196 6.092.196 6.092.196
AGEFOS-PME 4.076.906 4.076.906 1.914.986 5.991.892
ADFP NFC 5.910.987 5.910.987 5.910.987
ASFO 10 5.719.851 5.719.851 5.719.851
ASFORIS 5.715.926 5.715.926 5.715.926
ICF 5.414.943 5.414.943 5.414.943
CENTRE BIE 5.380.408 5.380.408 5.380.408
IDE 5.331.609 5.331.609 5.331.609
ASFO 19 5.082.099 5.082.099 5.082.099
CONSERVASFO 4.956.044 4.956.044 4.956.044
ASFO 40 4.912.044 4.912.044 4.912.044
FAF DE LA PARTINIQUE 884.295 NON CONNU 884.295 4.005.413 4.889.708
ASFOBSB 4.857.260 4.857.260 4.857.260
FORBOPAIN 4.831.260 4.831.260 4.831.260
AMIFOP 4.582.631 4.582.631 4.582.631
ASFOCIM 4.571.726 4.571.726 4.571.726
BJO FORMATION 4.202.949 4.202.949 4.202.949
ASFO CHALONS 4.070.226 4.070.226 4.070.226
FPAFJ CRFPS 4.022.171 4.022.171 4.022.171
ASSIFOR 3.963.634 3.963.634 3.963.634
ASFO 24 3.940.583 3.940.583 3.940.583
ASFOTHIERS 3.714.992 3.714.992 3.714.992
FONGECIF GUADELOUPE 3.263.017 3.263.017
INFORMA 3.254.907 3.254.907 3.254.907
AILR 3.250.818 3.250.818 3.250.818
FAF DU REPUBLICAIN LORRAIN 3.228.148 3.228.148 3.228.148
FAF LOSFOR 2.981.153 2.981.153 2.981.153
LES ALSYCAMPS 2.894.909 2.894.909 2.894.909
UFPIH 2.786.408 2.786.408 2.786.408
FAF PECHE 1.204.162 1.351.953 2.556.115 2.556.115
FAF JOUP 2.381.246 2.381.246
FAF DE L’EST REPUBLICAIN 2.056.132 2.056.132 2.056.132
FAF PATISSERIE CONFISERIE 1.890.879 1.890.879 1.890.879
ASFODELP 1.880.195 1.880.195 1.880.195
ASFO ARDENNES 1.746.686 1.746.686 1.746.686
ACIFOP 1.576.370 1.576.370 1.576.370
FAFCMIL 1.540.382 1.540.382 1.540.382
ACIFOP 1.361.334 1.361.334 1.361.334
ENAF 1.199.876 1.199.876 1.199.876
ASFO CHER 1.136.571 1.136.571 1.136.571
FAF PRO CLINIQUES PRIVEES 1.135.130 1.135.130 1.135.130
FAFCAGERS 1.130.395 1.130.395 1.130.395
ADOFIA 1.123.986 1.123.986 1.123.986
FAF DU JOURNAL L’UNION 992.647 992.647 992.647
AGEFAFCATEP 666.992 666.992 209.144 876.136
IFH 847.806 847.806 847.806
AFPCO 834.834 834.834 834.834
ASFOLOG 656.836 656.836 656.836
ASFOLAINE 470.717 470.717 470.717
FADEP 378.182 378.182 60.772 438.954
FAF CM 17 394.557 394.557 394.557
FAFORIEP 75.212 75.212 75.212
TOTAL GENERAL 4.432.189.505 5.859.735.399 10.291.924.904 2.303.400.505 12.595.325.409

* Etabli d’après les infomations recueillies par la Commission.

Consulter le tome II (auditions).