La séance est ouverte à quinze heures.
NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE
M. le Président - M. le Premier ministre m'informe de sa décision
de charger M. Michel Tamaya, député de la Réunion, d'une mission temporaire, dans
le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral auprès de
M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Cette décision a fait l'objet d'un décret
publié au Journal officiel du 18 décembre 1998.
LOI DE FINANCES POUR 1999 (lecture
définitive)
M. le Président - M. le Premier ministre m'a transmis le texte du
projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture au cours de sa séance du 16 décembre 1998 et rejeté par le Sénat le
18 décembre 1998. Conformément aux dispositions de l'article 45,
alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de bien
vouloir statuer définitivement.
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en
lecture définitive, du projet de loi de finances pour 1999.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le
Sénat a rejeté ce matin l'ensemble du texte à l'issue d'une question préalable
déposée par le rapporteur général de la commission des finances. J'invite donc votre
assemblée à le rétablir tel qu'elle l'avait adopté en deuxième lecture.
J'en profiterai pour dresser un bilan rapide de nos débats qui ont
considérablement amélioré le projet de budget.
En première lecture, vous aviez redéployé 5 milliards au
bénéfice de nos priorités communes et, en particulier, accru les allégements d'impôts
pesant sur les ménages. Chaque composante de la majorité plurielle a pu imprimer sa
marque sur la fiscalité des grandes entreprises, celle du patrimoine, la fiscalité
écologique et locale, la TVA.
La deuxième lecture, loin de se limiter à un exercice formel, a été
l'occasion de nouvelles améliorations à l'issue d'un vote au petit matin, ce qui n'est
pas courant et qui traduit votre force de proposition. Je rappellerai les cinq
aménagements les plus significatifs que vous avez apportés à ce projet de budget. Ils
concernent les retraités, le contrat de croissance et de solidarité, la Corse, la taxe
sur les bureaux en Ile-de-France et le NIR.
Pour les retraités, vous avez voulu que la limitation de l'abattement
pour frais professionnels soit stabilisé à 20 000 F en l'an 2000.
Concernant les collectivités locales, le mécanisme de compensation
intégrale de la perte de DCTP a été étendu aux communes bénéficiaires de la seconde
part de la dotation de solidarité rurale qui ont un faible potentiel fiscal. Environ
20 000 communes rurales pauvres devraient bénéficier de cette nouvelle disposition.
Au total, le débat parlementaire aura permis d'améliorer
considérablement les moyens en faveur des collectivités locales, et la liste des
avantages accordés par rapport au pacte de stabilité du précédent gouvernement est
longue, puisque ce sont deux milliards de moyens supplémentaires qui ont été mis à
disposition des communes.
Concernant la Corse, vous avez retenu les modifications apportées par
le Sénat à l'initiative du sénateur Michel Charasse et qui ont été adoptées par
l'ensemble des forces politiques de la Haute Assemblée. Vous avez prévu, en outre, que
les sanctions en cas d'absence de déclaration des successions seraient rétablies à
partir du 1er janvier 2000, et que la commission mixte paritaire associant l'Etat et
l'assemblée de Corse serait réactivée afin de faire des propositions dans les neuf
mois. L'efficacité de cette disposition est ainsi renforcée.
La taxe sur les bureaux en Ile-de-France avait été discutée de
façon approfondie en première lecture au Sénat et j'avais indiqué que le Gouvernement
tiendrait compte des observations faites par les parlementaires. Ce qui fut fait, puisque
les tarifs de la taxe sur les commerces et les locaux de stockage ont été très
sensiblement abaissés tandis que le niveau des seuils d'exonération a été relevé.
Le NIR, enfin, avait donné lieu à un débat approfondi en première
lecture. Les traces de ce débat se retrouvent dans les modifications très substantielles
qui ont été apportées au texte par la commission des finances de l'Assemblée. La
faculté donnée à la CNIL d'enjoindre à l'autorité administrative de détruire un
fichier, si elle l'estime nécessaire, représente une protection très importante des
libertés individuelles.
Le projet de budget que je vous invite à adopter aujourd'hui est le
fruit de longs travaux et d'un dialogue authentique entre le Gouvernement et cette
assemblée, en particulier avec sa majorité mais aussi avec l'opposition, dont je salue
la participation aux débats. C'est un texte harmonieux et dynamique qui, j'en suis
certain, contribuera à améliorer la croissance, la situation de l'emploi et la justice
fiscale en France.
Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, d'avoir animé nos
débats souvent longs et passionnés, sur des sujets il est vrai très importants. Je
remercie également tous les députés pour leurs contributions dont j'ai souligné à
l'instant la qualité, ainsi que la commission des finances, en particulier son président
et son rapporteur général, dont la force de proposition et la créativité nous ont
permis d'aboutir à de très bonnes dispositions. Je remercie, enfin, l'ensemble des
services de l'Assemblée de nous avoir accompagnés au long d'un débat qui fut pour moi
une source permanente d'enrichissement (Applaudissements sur les bancs du groupe
socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).
M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des
finances - Comme vient de le rappeler le ministre, le Sénat, en adoptant la
question préalable, a rejeté le projet de loi de finances pour 1999. L'Assemblée est
donc invitée par le Gouvernement à se prononcer définitivement sur le texte qu'elle
avait adopté en nouvelle lecture.
Il s'écarte peu de la proposition gouvernementale initiale, même si
le ministre a bien voulu convenir que l'Assemblée l'avait amélioré, la majorité
manifestant de la sorte sa volonté de conforter les priorités définies par le
Gouvernement.
Je me réjouis, ainsi, que le dialogue entre le Gouvernement, la
majorité et l'ensemble de l'Assemblée ait permis des progrès importants, aussi bien
pour la réduction de TVA que pour le doublement du crédit d'impôt pour les travaux
d'entretien, pour la situation financière des retraités que pour les dotations
supplémentaires aux collectivités locales. Les quelque 150 millions qui ont été
affectés à cet objet permettront à de nombreuses communes en difficulté de voir leur
dotation ne pas se réduire.
En application de l'article 114, 3ème alinéa, du Règlement, la
commission des finances vous propose d'adopter définitivement le texte adopté en
nouvelle lecture au cours de la séance du 16 décembre 1998.
Je remercie les membres de la commission, les services de la séance et
ceux de la commission des finances, tous ceux de nos collègues qui se sont joints à nos
travaux, nos collaborateurs et les journalistes.
L'instant fugace de l'adoption est l'aboutissement de nombreuses heures
de travail, en commission et dans l'hémicycle, et je remercie tous ceux qui ont oeuvré
de concert pour qu'avec ce budget, la France et les Français connaissent une année de
plus grandes justice et solidarité, en faisant en sorte que se poursuive la croissance
constatée en 1998.
M. le Président - La parole est à M. Gilles Carrez pour 15
minutes, qu'il n'est pas obligé d'utiliser à plein, bien des choses ayant déjà été
dites au cours des lectures successives...
M. Gilles Carrez - C'est exact, Monsieur le Président,
mais le moment est important, puisqu'il s'agit de l'instant ultime où je puis demander au
Gouvernement et à la majorité de se ressaisir pour apporter les quelques retouches, les
quelques correctifs que rendent nécessaires à la fois l'évolution de la situation
économique internationale -dont vous n'êtes pas vraiment responsables- et le bon travail
réalisé au sein des deux assemblées.
Se ressaisir, c'est en premier lieu revoir les prévisions qui
sous-tendent ce budget. M. Strauss-Kahn,, vous-même, reconnaissez, par retouches et
glissements sémantiques, ce que nous disions voici deux mois : l'objectif de
2,7 % de croissance est désormais irréaliste, tous les signaux convergent dans ce
sens. J'espère que vous n'engagerez pas le pays dans le scénario de 1992-1993 où,
après des prévisions très exagérément optimistes, le déficit a doublé en quelques
mois. Je l'espère d'autant plus que le déficit prévu pour 1999 est déjà trop élevé.
S'il doit augmenter encore, la situation deviendra très délicate.
Il est une autre prévision passée un peu inaperçue, celle d'une
inflation à 1,2 % ou 1,3 %, alors qu'elle est actuellement d'environ 1 %.
En effet, vous prétendez qu'avec une inflation à 1,3 %, la hausse des dépenses
publiques de 2,3 % ne représentera que 1 % en volume. Mais si l'inflation n'est
que de 0,5 %, la hausse des dépenses sera quatre ou cinq fois supérieure à celle
des prix. Or il est un point capital, puisqu'il concerne 40 % du budget de l'Etat,
50 % de celui des collectivités locales, et 70 % de celui des hôpitaux, celui
des salaires de la fonction publique. L'accord salarial, qui porte sur les
années 1998-1999, induit une évolution des rémunérations quatre à cinq fois
supérieure à l'inflation. Tant mieux pour les fonctionnaires, mais n'est-ce pas injuste
pour les autres catégories ? Chez nous, la dépense publique augmente davantage que
dans aucun des pays engagés dans l'euro.
Plus grave, ces dépenses ont un caractère mécanique, puisqu'elles
résultent d'une augmentation des rémunérations et du nombre des fonctionnaires, même
si vous procédez à un effort de redéploiement que je salue. S'y ajoutent les charges
induites pour les 35 heures ou les emplois-jeunes.
Dans ces conditions, si la croissance diminue, et qu'en conséquence
les recettes de l'Etat en font autant, trois possibilités seulement s'offriront à vous.
Soit tailler dans les dépenses d'investissement, qui, avec 150 à 160 milliards ne
représentent déjà que 10 % du budget, et ce serait compromettre l'avenir du pays ;
soit laisser filer le déficit, comme en 1992-1993, mais la mise en place de l'euro exclut
quasiment cette hypothèse ; soit accroître la pression fiscale. Ce point est très
important. Vous aviez promis de réduire la pression fiscale en 1997. Or il ressort des
statistiques d'Eurostat que, cette année-là, les prélèvements obligatoires ont
augmenté davantage que la richesse nationale, dépassant pour la première fois
46 %. Je prends le pari qu'il en ira de même en 1998, et le mouvement se poursuivra
l'an prochain, puisque le projet de loi de finances ne comporte pas de baisse d'impôts.
En effet, le volet fiscal du budget ouvre une réduction du plafond du quotient familial,
soit 4 milliards payés par les familles de France...
M. Gérard Fuchs - Les allocations familiales ont été
rétablies. Vous n'êtes pas honnête !
M. Gilles Carrez - De plus, la fiscalité sur les produits
pétroliers augmente. Enfin, et l'élu francilien que je suis est particulièrement
mécontent, vous créez une nouvelle taxe en Ile-de-France, alors que notre région est
engagée dans une dure compétition avec d'autres régions d'Europe et que l'emploi y
régresse depuis plusieurs années. Ce n'est vraiment pas le moment d'opérer un
prélèvement nouveau, même si, je le reconnais, vous avez rectifié le tir pour tenir
compte de la discussion parlementaire. Cette taxe va donc pénaliser l'activité
économique en Ile-de-France.
La bonne mesure figurant dans le budget, c'est à nous que vous la
devez : l'interruption, mais à partir de 2000 seulement, de la baisse de la
déduction d'impôt au profit des retraités. Je me réjouis que vous ayez accepté notre
argumentation.
M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des
finances - Vous ne teniez pas ce langage il y a deux ans !
M. Gilles Carrez - Depuis deux ans, vous voulez le beurre
et l'argent du beurre.
Vous avez annulé la baisse massive, 75 milliards, de l'impôt sur
le revenu décidée par le précédent gouvernement, et donc engrangé de fait ce montant,
et vous vouliez vous attribuer le mérite de la suppression de tous les petits avantages
fiscaux particuliers. Pour finir, vous vous êtes souvenus des retraités, et, c'est vrai,
vous n'avez pas oublié non plus les journalistes. Mais les Français se souviendront que
vous avez refusé une baisse d'impôt de 75 milliards !
M. Gérard Fuchs - Pour la moitié des Français !
M. Gilles Carrez - C'est la moitié qui travaille et qui
produit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ne procédez pas à ce
genre de dichotomie ! La suppression de la part salariale de la taxe
professionnelle...
M. le Rapporteur général - Ne recommencez pas ! Nous
sommes en lecture définitive !
M. Gilles Carrez - ...est bienvenue pour le contribuable.
Mais je ne m'explique pas que les professions libérales soient exclues du bénéfice de
cette mesure. Mettez-vous à la place des médecins : ils traversent actuellement un
moment difficile... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Secrétaire d'Etat - Les radiologues, par
exemple !
M. Gilles Carrez - ...et vous leur refusez le bénéfice de
la baisse de la taxe professionnelle. De même, vous annoncez aux entreprises une baisse
de la taxe, alors qu'elle augmentera en réalité l'an prochain. Donc, sur la taxe
professionnelle aussi, je vous demande de vous ressaisir, comme je vous demande d'accepter
des dégrèvements pour les collectivités locales, et non pas une subvention de l'Etat,
car les subventions, on le sait, sont facilement remises en cause par les gouvernements
quels qu'ils soient.
Encore un point très préoccupant. Grâce à un ultime effort du
Gouvernement, avez-vous indiqué, les communes pauvres de moins de 10 000 habitants
qui n'ont pas droit à la dotation rurale de solidarité et dont le potentiel fiscal est
inférieur à la moyenne, bénéficieraient d'un petit coup de pouce. Fort bien, mais
pourquoi ne vous intéressez-vous pas aux communes urbaines pauvres, alors que 80 %
des Français vivent en ville ? Les communes urbaines pauvres sont nombreuses, et ont
des maires de toutes tendances, et certaines, comme Juvisy, ne touchent pas la DSU au
motif qu'elle n'a pas un parc social assez important. Pourtant, elle compte de nombreux
logements sociaux de fait, et doit entretenir sa voirie, ses écoles, etc. Ce sont ces
communes qui vont terriblement souffrir en 1999, et si leurs maires ne sont pas encore
conscients du désastre qui les attend, le mécontentement va bientôt gronder (Exclamations
sur les bancs du groupe socialiste).
Je conclurai en remerciant les services de la commission et ceux du
ministère, ainsi que le secrétaire d'Etat, qui nous a toujours écoutés avec attention,
même s'il ne nous a guère entendus... Le groupe RPR votera contre ce budget, qui pose
d'énormes problèmes et n'engage pas notre pays sur la voie du renouveau (Applaudissements
sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL).
M. Daniel Feurtet - La majorité sénatoriale nous a infligé,
avec son budget virtuel, de douloureux souvenirs : celui de ses budgets réels
passés et du plan Juppé, expression d'un conservatisme étroit que les électeurs ont
rejeté. L'opposition n'a rien renié ni rien appris : pour elle, si le tissu social
se déchire, c'est parce que la concurrence entre les individus n'est pas assez rude, et
si la crise financière se développe, c'est parce que le libéralisme tarde à
triompher ! Ce serait presque comique, si les conséquences n'étaient pas si graves,
et les événements de Toulouse nous rappellent à notre impérieux devoir de réparer les
dégâts.
N'oublions pas, en effet, que de lourdes incertitudes planent sur
l'avenir. Je pense, entre autres, au taux de croissance, cet indicateur de bonheur des
temps modernes (Sourires). De deux choses l'une : soit nous nous en remettons
au destin, qui prend souvent les traits, hélas, des marchés financiers, soit nous
considérons qu'une impulsion politique plus accentuée est nécessaire. La majorité
plurielle a certes redonné une âme à ce budget, mais le groupe communiste maintient
qu'il serait opportun de donner un coup de pouce supplémentaire à la toupie qui tourne.
Une réforme fiscale audacieuse est engagée. Veillons à ce qu'elle
intègre toutes les dimensions du problème, baissons la TVA et imposons davantage les
fortunes et les revenus du capital. Sur le plan européen et international, faisons la
preuve de nos convictions en exigeant la taxation des mouvements de capitaux, la levée du
secret bancaire et la fermeture des paradis fiscaux. Ne nous contentons pas de critiquer
les critères de convergence, mais agissons plus hardiment pour réorienter la
construction européenne en faveur de l'emploi et de la protection sociale, car c'est là
que sont les clés de la stabilité et du dynamisme économiques de demain. Sur le plan
intérieur, enfin, interdisons les licenciements massifs, relevons le pouvoir d'achat de
nos concitoyens et encourageons plus fermement les grandes entreprises à appliquer les 35
heures.
Les députés communistes continueront à oeuvrer à la réussite de la
politique économique et confirment leur vote en faveur du projet de loi de finances (Applaudissements
sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).
M. Gilbert Gantier - Vous avez refusé de tenir compte de nos
remarques et de celles du Sénat, mais les faits, jour après jour, nous donnent raison.
Nous n'avons cessé de dire que ce budget souffre d'un vice de construction :
l'hypothèse d'une croissance de 2,7 %, que tous les instituts de conjoncture
considèrent comme utopique, y compris, depuis hier, l'INSEE. Nous aurons donc droit,
hélas, au cocktail suivant : plus de dépenses et moins de recettes, plus de
déficit et plus d'endettement.
Comme il y a dix ans, vous avez gaspillé les fruits de la croissance
et cédé, pour satisfaire une majorité divisée et un peu dissipée (Exclamations sur
les bancs du groupe socialiste), à la facilité consistant à augmenter les dépenses
courantes -non pas, d'ailleurs, de 1 % comme vous le prétendez, mais de près de
2 %, car l'inflation sera de 0,5 % et non de 1,2 %.
Ce budget mal bâti est aussi un budget anti-familles, anti-retraités,
anti-épargnants et anti-contribuables, bref : un budget anti-économique.
M. le Secrétaire d'Etat - Non : anti-seizième !
M. Gilbert Gantier - La diminution du quotient familial alourdit
l'impôt sur le revenu de près de 4 milliards et remet en cause l'équité familiale (Interruptions
sur les bancs du groupe socialiste), en pénalisant les familles d'un enfant. Le
plafond de l'abattement de 10 % sur les retraites est de nouveau abaissé, et
l'exonération des contrats d'assurance vie, vieille de quarante ans, est supprimée. Qui
plus est, vous avez enfanté un monstre juridique et administratif en autorisant le
regroupement des fichiers du fisc et de la Sécurité sociale ; le groupe DL vous
demande de retirer cette disposition attentatoire aux libertés publiques, qui risque
d'ailleurs d'être annulée par le Conseil constitutionnel. Enfin, vous augmentez de
façon inconsidérée la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, ce qui provoquera des
délocalisations et la baisse des recettes fiscales.
Le groupe DL votera contre ce budget, qui place la France parmi les
mauvais élèves de l'Union européenne pour le niveau des déficits publics et des
prélèvements obligatoires. Je remercie néanmoins, en même temps que les fonctionnaires
de la commission des finances, le secrétaire d'Etat pour sa parfaite courtoisie (Applaudissements
sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).
M. Jean-Louis Idiart - Ce budget, qui reprend diverses
propositions d'origine parlementaire, notamment sur la fiscalité du patrimoine et sur la
fiscalité écologique, est un budget courageux, car il va dans le sens de la solidarité
et du dynamisme. Nous avons obtenu des baisses de TVA, mais il faudra aller plus loin l'an
prochain.
Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour la façon dont
vous avez travaillé avec votre majorité, comme d'ailleurs avec l'ensemble du Parlement.
Vous êtes souvent allé dans le sens que nous souhaitions, mais vous avez su également
écouter nos propositions -ce qui rompt heureusement avec la méthode suivie par un autre
gouvernement, dirigé par un Premier ministre droit dans ses bottes !
Les collectivités locales ne peuvent que se féliciter de sortir du
pacte de stabilité pour entrer dans l'ère d'un contrat de croissance et de solidarité,
auquel nous avons apporté des améliorations l'autre nuit. Monsieur Carrez, il est
dommage que vous nous ayez quitté après nous avoir adressé des reproches, vous auriez
constaté ces avancées. Lorsque vous écrivez aux maires, vous devriez bien modérer vos
propos et songer qu'il y a des élus ruraux parmi vos correspondants !
Ce budget a aussi été marqué par un effort de moralisation. Il me
faut bien, à ce propos, revenir sur l'affaire des droits de succession, qui a tant
mobilisé les élus corses : si nous avons proposé des mesures dans ce domaine,
c'est parce que, nous aussi, nous aimons la Corse et que nous estimions ces changements
nécessaires. Les incantations ne sauraient suffire, il est temps de passer aux actes,
fussent-ils modestes comme celui-ci. Je me réjouis que la plus grande partie de la
majorité et de l'opposition se soit accordée sur cette position.
S'agissant cette fois de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, il
est regrettable que les élus de cette région n'aient pas fait, comme ceux des autres
grandes régions, l'effort de s'organiser : aide-toi, le ciel t'aidera ! Il n'y
a aucune raison en tout cas pour qu'ils s'opposent à une taxe qui permettra de réaliser
des infrastructures bien nécessaires.
L'amendement adopté dans le droit fil du rapport Brard contribuera
également à la moralisation de la fiscalité. Les lois fiscales doivent être
respectées et la fraude doit être poursuivie : nous le devons aux contribuables qui
paient leur impôt honnêtement.
Nous voterons bien entendu ce projet de loi de finances en souhaitant
que 1999 nous apporte la croissance espérée. Les commentateurs émettent des doutes
quant à nos chances d'atteindre les 2,7 % prévus. Ne nous crispons pas sur cet
objectif : une petite marge de correction est tout à fait admissible et le pire
serait sans doute de céder au même catastrophisme que, naguère, M. Juppé (Applaudissements
sur les bancs du groupe socialiste).
M. Jean-Jacques Jegou - Le groupe UDF a fait part de ses
interrogations sur les hypothèses qui fondent cette loi de finances. Parce que nous
aimons notre pays, nous souhaiterions nous tromper mais tout nous indique que la
croissance se ralentira l'an prochain. Les organismes de prévision sont unanimes et les
entreprises ont cessé d'envisager de nouveaux investissements.
Or ce budget comporte beaucoup trop de dépenses, tandis que le
déficit n'est pas suffisamment réduit. Je me suis particulièrement inquiété, en
deuxième lecture, de l'écart entre salariés du privé et agents de la fonction
publique. Le propos a pu paraître excessif et il ne faut pas opposer ces deux
catégories, mais il ne faut pas non plus qu'il y ait des gens plus égaux que
d'autres ! Or ceux qui n'ont pas la garantie de l'emploi et qui ont de justes raisons
de s'inquiéter de leurs retraites ont, en sus, des salaires en moyenne inférieurs à
ceux des agents de l'Etat !
Ce budget est le dernier avant le passage à l'euro, qui se fera dans
quatorze jours seulement : il eût été bon de faire preuve à cette occasion de
plus de vigueur. Trop d'articles de cette loi de finances laissent planer des
incertitudes : ainsi l'article 5, consacré à la fiscalité des
micro-entreprises, fait craindre des distorsions et un retour en force du travail au noir.
Comme nos collègues socialistes de la commission des finances et comme
M. Méhaignerie, je regrette également l'absence de simulations pour la réforme de
la taxe professionnelle : des surprises ne sont pas exclues ! Un des rares
partisans de la réforme des bases, je ne puis de même que déplorer votre recul sur
cette question. Vous n'êtes certes pas les premiers à agir ainsi mais, quelles que
soient les difficultés à surmonter -il convient en particulier de veiller à ce qui se
passera dans les communes comptant beaucoup de logements sociaux-, j'en appelle à une
attitude plus sérieuse !
S'agissant de l'Ile-de-France, vous avez à juste titre rappelé les
difficultés auxquelles donne lieu l'application de la loi de 1990. Je suis, pour ma part,
choqué de recevoir chaque année, dans ma mairie, un formulaire de déclaration pour
cette taxe sur les bureaux, comme si nous avions des bureaux qui ne reçoivent pas de
public ! Cependant, cette taxe permet à l'Ile-de-France de se doter d'équipements.
Vous venez d'en ajouter une autre. Vous avez certes modifié le texte en deuxième lecture
mais, comme nous avons essayé de le montrer, il demeure des risques. En tout état de
cause, nous ne pouvons que voir là les effets d'un désengagement de l'Etat...
Puisque nous arrivons à l'époque des voeux, je voudrais enfin
souhaiter que nous puissions mener dans le consensus la réforme de l'Etat à laquelle
nous travaillons tous. Il y va de l'efficacité de nos institutions et du rôle de notre
Parlement, notamment. Si 1999 doit être l'an I de la fiscalité écologique,
j'espère que ce sera aussi l'an I d'un Parlement revigoré, apte à travailler en
partenariat avec le Gouvernement.
Le débat a été long, ardu et fatigant : je vous souhaite à
tous une bonne année ! (Applaudissements sur tous les bancs)
M. le Président - La discussion générale est close. La CMP
n'étant pas parvenue à un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le
dernier texte voté par elle, en nouvelle lecture, conformément au 3ème alinéa de
l'article 114 du Règlement.
L'ensemble du projet de loi de finances, mis aux voix, est adopté.
M. le Président - Avant de nous quitter, je remercie M. le
ministre, la commission des finances, son président et son rapporteur général et tous
ceux qui ont travaillé durement sur ce budget 1999.
Les résultats sont différemment appréciés par les uns et les
autres : je souhaite qu'ils soient conformes à l'intérêt de notre pays.
Prochaine séance lundi 21 décembre 1998, à 15 heures.
La séance est levée à 16 heures 5.
Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,
Jacques BOUFFIER