ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
COMPTE RENDU N° 3
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 13 octobre 1998
(Séance de 17 heures 30)
Présidence de M. Jack Lang, président
SOMMAIRE
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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et de M.
Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, sur les
crédits des Affaires étrangèreset de la Coopération pour 1999 .......... |
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Information relative à la Commission |
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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères,
et de M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie
La Commission a entendu M. Hubert Védrine, ministre des Affaires
étrangères, et M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la
Francophonie, sur les crédits des Affaires étrangères et de la Coopération pour 1999.
M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, a
exposé que le projet de loi de finances pour 1999 constituait le premier budget unique
qui regroupait les crédits des Affaires étrangères et de la Coopération, en
application de la réforme décidée le 4 février 1998. Cette nouvelle présentation
correspond à une nouvelle structure ministérielle, placée sous l'autorité du ministre
des Affaires étrangères, assisté du ministre délégué à la Coopération, et à une
nouvelle organisation des services. Par ailleurs, le Comité interministériel de la
coopération internationale et du développement doit se réunir avant la fin de l'année.
Le budget des Affaires étrangères n'a pas été retenu cette année
parmi les budgets prioritaires. Dès lors, le Gouvernement a fixé comme ligne directrice
pour sa préparation la reconduction des crédits en francs courants. Ces crédits
s'élèvent à 20,8 milliards de francs, soit une quasi-reconduction par rapport au
budget voté de 1998 (20,9 milliards). A structure constante, les crédits des Affaires
étrangères augmentent de 2,5%, alors que ceux de la Coopération diminuent de 7%.
Ce projet comporte quatre points forts :
Les crédits de l'action culturelle extérieure ont été maintenus
au-dessus du seuil des 3 milliards de francs. Ils permettront de financer deux priorités
: l'audiovisuel extérieur, qui bénéficie de 130 millions de mesures nouvelles
essentiellement au profit de la redéfinition de la grille de TV5 et la promotion des
formations supérieures françaises en collaboration avec l'Education nationale.
Les contributions volontaires aux organisations internationales, qui
avaient subi une érosion continue, augmentent de 25%, soit 50 millions de mesures
nouvelles. Ces contributions avaient baissé des deux tiers depuis 1993 ; leur
augmentation bénéficiera à des organisations comme le PNUD ou le HCR.
Les dotations aux Français de l'étranger augmentent de 11 millions
s'agissant de l'assistance sociale, qui stagnait depuis des années alors que le nombre de
nos compatriotes en difficulté ne cessait de croître, et de 20 millions au bénéfice
des bourses versées aux familles ayant des enfants dans le réseau de l'enseignement
français à l'étranger.
L'aide au développement est également l'objet de dispositions qui
seront présentées par le Ministre délégué à la Coopération.
En revanche, ce budget subit une contrainte importante avec la
suppression de 119 emplois qui avaient été gelés antérieurement. Cette réduction fait
suite à l'application du schéma d'adaptation des réseaux qui s'est traduite par la
perte de 610 emplois en cinq ans. Le ministère du Budget a considéré que la réforme de
la Coopération pouvait générer des économies dès sa première année d'application.
Cependant, cette nouvelle suppression amène à s'interroger sur la dimension de notre
réseau diplomatique. Le Ministre souhaite que cette réflexion soit conduite à
l'exclusion de toute logique purement budgétaire mais prenne en compte les évolutions du
monde, se penche sur l'avenir des consulats dans l'Union européenne et soit menée en
association avec les autres ministères qui disposent d'un réseau à l'étranger.
Par ailleurs, la modernisation se poursuit. A la réforme de la
Coopération, s'ajoutent des réflexions sur le statut du personnel diplomatique qui doit
s'ouvrir et permettre une plus grande mobilité. La gestion du parc immobilier et la
promotion des nouvelles technologies sont également au coeur de cette entreprise de
réforme.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la
Francophonie, a rappelé que ce budget est le premier à prendre en compte les
nouvelles structures issues de la réforme, telles qu'elles seront prochainement
formalisées par le futur décret portant organisation des services du Ministère des
Affaires étrangères, qui doit être examiné le 20 octobre prochain par le Conseil
d'Etat. La Direction générale de la Coopération internationale et du développement se
substituera, le 1er janvier 1999, aux actuels services de la Rue Monsieur - Direction du
développement et Service de la coordination géographique - et à la Direction générale
des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay. D'ores et déjà,
depuis le début du mois d'octobre, les deux directions d'administration sont en cours de
fusion.
Au sein du budget unique des affaires étrangères, les crédits de
coopération et de développement représentent une masse de 8,63 milliards de francs,
soit environ 40% du budget total du ministère. Ils sont inscrits sur des chapitres
particuliers qui correspondent aux crédits jusqu'alors mis en oeuvre par les services de
la coopération et de la DGRCST (hors crédits de fonctionnement des services de la
coopération).
La réforme de la coopération n'a pas pour motivation de réaliser des
économies immédiates, même s'il n'est pas interdit d'espérer, à terme, une meilleure
efficacité. Les écarts entre les anciens et les nouveaux crédits de la coopération
concernent les crédits d'ajustement structurel - en baisse de 300 millions de francs - le
financement de l'assistance technique - en recul de 85 millions - et les crédits de
paiement du FAC mis en oeuvre par l'Etat et l'Agence française de développement.
L'amélioration de la situation économique de nos partenaires explique
que cette année encore, la consommation des crédits d'ajustement a été inférieure aux
prévisions. En conséquence, le montant des crédits reportables devrait permetttre,
malgré une dotation de crédits nouveaux sensiblement réduite et en dépit des effets de
la crise économique mondiale, de faire face aux besoins en 1999.
L'évolution en profondeur de l'assistance technique - une assistance
de haut niveau prenant la place d'une assistance de substitution - se poursuit en 1998 et
se traduira en 1999 par une suppression de 170 postes de coopérants. Cette réduction,
dont le Ministre a souligné qu'elle était moins importante que l'année précédente (-
235 postes) devrait permettre par recyclage une amélioration des contrats en cours et à
venir, notamment en ce qui concerne les majorations familiales et la revalorisation des
coefficients géographiques.
Des dotations stables en autorisations de programmes sur le FAC
permettent de confirmer l'effort engagé l'an dernier sur l'aide-projet, étant toutefois
constaté que l'état de consommation des crédits ne nécessitait pas, en 1999, de
dotations supérieures en crédits de paiement, tant sur le FAC Etat que sur les dons
projet de l'AFD.
Enfin, la dotation globale en crédits de coopération culturelle,
scientifique et technique est maintenue.
Le Ministre délégué a souligné que ce budget traduisait les
priorités de l'action extérieure de la France. Le développement de sa capacité
d'influence a conduit à renforcer les crédits de l'audiovisuel extérieur, qui
dépassent pour la première fois le milliard de francs, ainsi qu'à augmenter le volume
de nos contributions volontaires aux organisations internationales et à celles de la
francophonie. La volonté de fidéliser les élites de nos partenaires a été l'origine
de l'augmentation des crédits de bourses et de leur réorientation vers des filières
longues. Le souci d'associer la société civile à la politique d'aide au développement
explique les efforts entrepris pour promouvoir les partenariats et les cofinancements,
notamment à travers les ONG et les collectivités locales.
Le Ministre délégué a précisé que la première réunion du Comité
interministériel pour la coopération internationale et le développement, qui devrait
notamment définir le contour de la zone de solidarité prioritaire, se tiendra début
décembre, après le sommet France-Afrique. Le Haut Conseil de la Coopération
internationale sera réuni quelque temps plus tard. La nouvelle structure administrative
devrait être définitivement opérationnelle au 1er janvier 1999.
M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis sur les crédits des
Affaires étrangères, s'est félicité de la détermination affichée dans la mise en
oeuvre de la réforme de la Coopération et du courage des choix opérés.
Il a souligné qu'il s'agissait davantage d'un budget de stabilité que
de reconquête. L'érosion des personnels ne survient-elle pas un peu tôt pour garantir
la réussite de la réforme ?
Il a évoqué la nécessité d'un redéploiement de la carte
diplomatique.
M. Pierre Brana, rapporteur pour avis des crédits de la
Coopération a estimé que les économies liées à la baisse des crédits
d'ajustement structurel démontrent, à l'évidence, une meilleure santé des économies
africaines. N'eût-il pas été judicieux de réaffecter ces économies dans des actions
visant à accompagner un effort d'investissement accru en direction de ces pays ?
La diminution des effectifs de l'assistance technique va-t-elle se
poursuivre à l'avenir ou a-t-elle atteint un palier ?
Il a également interrogé le Ministre sur la baisse des crédits de
paiement du FAC et des dons affectés par l'Agence française de développement à des
pays pauvres.
M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la Commission des Finances
sur les crédits des Affaires étrangères, a noté que le budget des Affaires
étrangères subissait une baisse de 0,7% et que, plus significativement encore, les
crédits de toute nature concourant à l'action extérieure de la France, affichaient une
baisse de 2 milliards de francs. Du reste, au cours de la dernière décennie, la
décroissance a été constante. La France continue d'entretenir le deuxième réseau
diplomatique mondial, de même qu'elle est le deuxième contributeur en matière de
coopération et de développement, malgré des crédits qui se raréfient.
Il a relevé des points positifs, en matière d'action culturelle, de
francophonie et d'audiovisuel.
Il a abordé le problèmes des effectifs : au cours de la décennie
écoulée, ils ont baissé de 20%. Le plan quinquennal, qui devait s'achever l'an dernier,
semble se poursuivre. La cote d'alerte n'est-elle pas dépassée, en particulier en ce qui
concerne les personnels des consulats ?
Réduire les moyens des deux ministères en profitant de l'évolution
structurelle est une bonne occasion de réaliser des économies ; toutefois, n'eût-il pas
été préférable d'étaler cela dans le temps, la réforme n'étant pas pleinement mise
en oeuvre ?
Il a interrogé le Ministre sur le taux de change pris en compte pour
l'établissement de son budget.
M. Georges Hage, rapporteur pour avis sur les crédits des relations
culturelles internationales et de la francophonie, a questionné le Ministre sur le
redéploiement géographique des crédits affectés à la coopération.
M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial de la Commission des
Finances sur les crédits de la Coopération, a observé que l'optimisation des moyens
semblait se faire principalement au détriment de l'action de la rue Monsieur. Il a
souligné la nécessité de reconnaître tous les savoir-faire, en évitant de
hiérarchiser les relations.
Il a interrogé le Ministre sur les objectifs de la politique
française en matière de coopération technique compte tenu de la diminution constante
des effectifs, sur le champ de la coopération et sur les délégations de crédits du FAC
à l'Agence française de développement.
M. François Léotard a abordé les questions de la
représentation diplomatique conjointe à l'étranger, des conséquences de la suppression
du Service national sur notre politique de coopération et du bilan de l'action menée par
M. Boutros-Ghali, Secrétaire général de la Francophonie.
M. Hubert Védrine a estimé que les arbitrages successifs dans
le domaine des suppressions d'emplois avaient pénalisé son ministère depuis six ans.
Les autres administrations n'ont pas apporté une contribution équivalente dont les
effets sont particulièrement sensibles sur une petite administration. Un certain nombre
de postes n'ont pu être pourvus à l'administration centrale. Sans doute des
redéploiements sont-ils possibles dans une certaine limite. La densité du réseau
diplomatique est un facteur de rayonnement pour la France. Le réseau doit s'adapter aux
évolutions du monde. Au cours des dernières années, beaucoup d'ambassades ont été
ouvertes et des fermetures de consulats ont été décidées sous la pression des
contraintes budgétaires. La réflexion doit reprendre en concertation avec les autres
administrations disposant d'un réseau à l'étranger.
Le taux de change du dollar adopté pour le projet de loi de finances
(6,07 francs) laisse a priori une marge de précaution pour l'exercice 1999.
La future Direction générale pour la coopération internationale et
le développement doit reconnaître tous les savoir-faire de la Coopération qui ne se
limitent pas au métier du développement. Le personnel de l'ancienne DGRCST apporte aussi
en héritage ses connaissances dans l'enseignement du français, l'action audiovisuelle,
la diplomatie...
Les projets de représentation à l'étranger en association avec
d'autres pays européens n'ont pas connu de progrès sensibles. Les deux projets à
l'étude - à Praïa et en Moldavie - sont au point mort en raison notamment du peu
d'intérêt de nos partenaires pour leur aboutissement.
M. Charles Josselin a fait remarquer que si la coopération
semblait payer un peu fortement l'application de la réforme, le budget pour 1999 n'était
pas de nature à remettre en cause la deuxième place de la France pour le montant net de
l'aide publique au développement, derrière le Japon mais avant les Etats-Unis. Seuls les
pays nordiques consacrent une part relative plus importante que la France à cette aide
publique, mais ils n'ont pas à financer de dépenses militaires. L'aide publique
consacrée au développement par les Etats-Unis représente 0,08% de leur PIB, ce qui est
très en-dessous du 0,45% de la France, en léger recul sur le 0,47% de l'année
dernière.
La baisse des crédits consacrés à l'ajustement structurel est une
bonne nouvelle, même si elle contribue à la baisse globale des crédits de la
coopération, dès lors qu'elle traduit la meilleure santé économique de nos
partenaires.
Les effectifs de l'assistance technique civile comprennent 1420
enseignants et 1150 techniciens. La suppression de postes concerne exclusivement les
enseignants. Une mission de réflexion sur l'avenir de la coopération technique a été
confiée à M. Jean Nemo, ancien directeur général de l'ORSTOM, qui associera les
représentants des personnels et éclairera le débat sur les missions, les statuts et le
format de l'assistance technique.
Les effectifs de la coopération militaire s'élèvent à 570 et
subiront une réduction de 24 postes en 1999.
M. Charles Josselin a expliqué que la baisse de l'utilisation des
crédits de paiement du FAC résultait notamment de l'existence de conflits dans les pays
bénéficiaires et du retard pris dans l'exécution de certains projets.
La zone de solidarité prioritaire qui sera définie après le sommet
France-Afrique devrait accorder une place à la zone Caraïbe et s'ouvrir plus largement
à l'Afrique de l'Est et à l'Afrique non francophone.
Des discussions sont en cours avec l'AFD pour améliorer les
procédures de paiement même si actuellement le versement par tranches trimestrielles
semble donner satisfaction.
Un projet de loi sur le volontariat devrait être déposé
prochainement devant le Parlement ; il devrait permettre de pallier les inconvénients de
la suppression du service national obligatoire.
La France a décidé de consacrer 43 millions de francs pour la mise en
oeuvre des actions en faveur de la francophonie, dont 22 millions pour les inforoutes. Le
nouveau Secrétaire général à la Francophonie participe ativement à la promotion de la
francophonie, notamment en Afrique.
La politique en faveur de l'audiovisuel extérieur a fait le choix du
renforcement de TV5.
*
* *
Répondant à une demande du Président Jack Lang, M. Hubert
Védrine a apporté les précisions suivantes sur la situation au Kosovo.
L'action diplomatique a été correctement coordonnée au sein du
Groupe de contact. Les contacts avec les Etats-Unis, notamment, ont été soutenus et
quotidiens. Cette action a été combinée avec la montée en puissance de la menace
militaire qui sera maintenue tant que les engagements de Slobodan Milosevic n'auront pas
une traduction concrète. L'OSCE doit envoyer une mission de 2000 observateurs au Kosovo.
La vérification aérienne par l'OTAN implique la désactivation des défenses aériennes
yougoslaves. Slobodan Milosevic doit faire une déclaration unilatérale sur l'engagement
du processus de négociation. Une résolution du Conseil de Sécurité devra entériner
l'accord. Le Groupe souhaite que les négociations débouchent sur une autonomie
substantielle. Aucun pays n'envisage une indépendance du Kosovo qui serait
déstabilisatrice. D'ici la fin de la semaine, l'OTAN décidera ou non le maintien de
l'ordre d'activation des forces militaires.
M. François Loncle a demandé au Ministre des précisions sur
le futur statut d'autonomie substantielle du Kosovo.
Il s'est montré perplexe quant aux menaces de frappes aériennes, aux
fermetures d'ambassades et aux différentes manoeuvres d'intimidation militaire.
M. Pierre Brana s'est enquis des contacts éventuellement noués
avec Ibrahim Rugova et Adem Demaçi.
Le Ministre a répondu aux intervenants.
Le Groupe de contact a seulement énoncé quelques éléments d'un
futur statut pour le Kosovo dans le cadre des frontières de la République fédérale de
Yougoslavie.
Il a été envisagé que les frappes éventuelles soient graduelles et
ciblées sur des objectifs militaires afin de réduire les capacités répressives de la
Serbie et de démontrer la détermination de la communauté internationale. L'Ambassade de
France n'a pas été fermée.
Les derniers contacts français avec Ibrahim Rugova ne sont pas très
récents mais seront réactivés et les Américains ont régulièrement informé leurs
partenaires.
Information relative à la Commission
A été nommé, le mardi 13 octobre 1998 :
M. Paul Dhaille, rapporteur pour le projet de loi autorisant
l'approbation du protocole additionnel à la charte sociale européenne prévoyant un
système de réclamations collectives (n° 676), et pour le projet de loi autorisant
l'approbation de la charte sociale européenne (révisée) (ensemble une annexe) (n°
678).
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