ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 75
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 30 septembre 1998
(Séance de 18 heures)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de
lÉquipement, des Transports et du Logement, sur les crédits de son ministère pour
1999. Nomination dun rapporteur sur la proposition de résolution visant à créer
une commission denquête sur Air France (n° 980) de MM. Dominique
Bussereau, François dAubert et Gilbert Gantier.
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La Commission a procédé à laudition de M. Jean-Claude
Gayssot, ministre de lÉquipement, des Transports et du Logement, sur les
crédits de son ministère pour 1999.
M. Jean-Claude Gayssot a tout dabord souligné que le
projet de budget pour 1999, dune part, manifestait une volonté de consolider les
premières inflexions qui, dans le budget de 1998, traduisaient les priorités nouvelles
du Gouvernement, et, dautre part, ménageait plusieurs transitions, tenant compte de
la préparation des schémas de services de transport, des futurs contrats de plan ainsi
que de laboutissement des réflexions engagées sur le financement des concessions
autoroutières, laménagement urbain ou les transports collectifs. Il a ajouté
quil serait heureux dintégrer à ses travaux les réflexions de la commission
des Finances.
Il a ensuite rappelé que son budget sélevait pour
lensemble de ses composantes, y compris la dotation en capital de 13 milliards
de francs à Réseau ferré de France, à 160 milliards de francs, ce qui
représentait une augmentation de 3,2 % par rapport à 1998, et environ 10% du budget
de lÉtat.
Évoquant la première priorité de son budget, le logement social et
laménagement urbain, il a précisé que les crédits de lurbanisme et du
logement progressaient de 2,2 % en crédits de paiement et de 3,6 % en
autorisations de programme pour atteindre un montant de 49 milliards de francs, ce
qui permettrait de maintenir les programmes de construction et de réhabilitation à un
niveau élevé avec 80.000 prêts locatifs aidés neufs et la réhabilitation de
120.000 logements HLM et de 200.000 logements dans le parc privé et ancien.
Après avoir indiqué que le volume de prêts à taux zéro permettrait de financer la
construction de 110.000 logements, il a souligné la hausse de 6 % de la
dotation consacrée à lactualisation, comme en 1998, des aides au logement, venant
après plusieurs années de non-revalorisation.
Le Ministre a par ailleurs évoqué son intention de garantir sur le
long terme les moyens du 1 % logement ainsi que de mettre en uvre le statut du
bailleur privé qui permettra de développer une offre de logement à loyer maîtrisé
grâce à un régime dinvestissement très incitatif. Il a enfin indiqué que les
crédits consacrés aux agences durbanisme, aux grandes opérations durbanisme
et à la politique foncière étaient maintenus.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite abordé la seconde priorité de son
budget, le soutien aux transports collectifs et ferroviaires, pour laquelle, compte tenu
des dotations budgétaires du fonds dinvestissement des transports terrestres et des
voies navigables (FITTVN), du fonds pour laménagement de la région Ile-de-France
(FARIF) et des concours financiers à Réseau ferré de France (RFF), 60 milliards de
francs au total étaient prévus. Il a estimé que ces crédits permettraient
daccélérer le rééquilibrage en faveur des transports collectifs et ferroviaires
grâce à la réalisation du programme de lignes à grande vitesse, à la modernisation du
réseau classique et aux transports combinés qui bénéficieront de 2,1 milliards de
francs en 1999, soit un doublement des crédits en deux ans.
Il a précisé que le soutien à la réalisation de transports
collectifs bénéficierait de crédits en croissance de 10 % comme en 1998, et que
Réseau ferré de France se verrait attribuer un concours de 13 milliards de francs,
conforme à lengagement triennal, et destiné à lui permettre de stabiliser son
endettement et à éviter ainsi le développement dune charge qui serait devenue
vite insupportable.
Abordant ensuite le rééquilibrage entre modes de transport, il a
évoqué laugmentation des crédits en faveur du transport combiné et du transport
fluvial, lamélioration de la chaîne de transport de fret grâce à la remise en
état de certaines infrastructures portuaires et à la croissance des crédits accordés
aux ports maritimes qui sélèveront en 1999 à 625 millions de francs.
Pour illustrer la troisième priorité de sa politique, assurer des
meilleures conditions de sécurité dans les déplacements, il a souligné la progression
de 4 % des moyens applicables à la politique de lutte contre linsécurité
routière en citant le renforcement des procédures denquêtes administratives lors
des accidents, lamélioration du réseau routier existant grâce à
laugmentation de 6 % des crédits dentretien et de réhabilitation. Il a
ajouté que les investissements de sécurité seront développés comme le montraient le
programme pluriannuel de résorption des passages à niveau, laugmentation des
moyens des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage et la
généralisation de la mise en sécurité de laccès aux zones réservées des
35 premiers aéroports commerciaux avant lan 2000 ou encore
léquipement des aérogares en contrôle des bagages de soute avant la fin 2002.
Après avoir rappelé limportance du soutien à
linvestissement public civil résultant des programmes exécutés par le ministère
de lÉquipement et des entreprises sous sa tutelle, le Ministre a annoncé que le
budget du Tourisme progresserait de 7,2 % en 1999. Il a reconnu que la légère
diminution des investissements routiers neufs ne permettrait pas dexécuter
totalement les contrats de plan. Considérant que lensemble des besoins
nétaient pas satisfaits dans le domaine routier, il a appelé à une réflexion sur
les moyens de dégager les financements correspondants dans le projet de loi de finances
pour 2000.
Tout en souscrivant à lobjectif de stabilité des effectifs de
la fonction publique fixé par le Premier ministre, il a déploré que les
16.000 suppressions demplois pratiquées par les gouvernements précédents
aient pour lessentiel affecté, au cours des quinze dernières années, le secteur
de lentretien et de lexploitation routière et il a indiqué quil avait,
en conséquence, demandé et obtenu que le nombre de suppression demplois soit
ramené de 1.000 à 490. Il a précisé que les effectifs atteindraient
111.683 emplois, soit une baisse nette de 268 postes, compte tenu des
227 emplois créés dans le secteur de la Navigation aérienne et de lAviation
civile.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite insisté sur la réforme, par
larticle 26 du projet de loi de finances, de la taxe sur les bureaux en
Ile-de-France. Après avoir rappelé que la loi, dite Pasqua, du 4 février 1995
avait prévu le transfert progressif du produit de cette taxe de lÉtat à la
région Ile-de-France, il a indiqué que le Gouvernement navait pas souhaité
revenir sur cette décision, mais quil entendait préserver durablement la capacité
dintervention de lÉtat en matière de logement social, de transport collectif
ou dinfrastructure routière en compensant la perte de ressources occasionnée par
ce transfert, et proposait donc délargir, lassiette de la taxe et de
préciser lévolution des tarifs de 1999 à 2004 afin de compenser la perte
évaluée à 1,2 milliard de francs.
Le Ministre a enfin évoqué les mesures prises en urgence afin de
tirer les conséquences de lannulation par le Conseil dÉtat des arrêtés
fixant les taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne au
motif que les dépenses financées par cette recette présentaient un caractère général
impliquant leur financement par limpôt. Il a indiqué que le dispositif envisagé
par le Gouvernement, portant création dun impôt spécifique au transport aérien,
sintégrerait à la fois dans un projet de loi portant diverses dispositions sur le
transport aérien et dans le projet de loi de finances pour 1999 ainsi que dans le projet
de loi de finances rectificative pour ce qui concernait les dispositions fiscales. Il a
souligné limportance de lenjeu financier de cette mesure tant pour les
gestionnaires daéroports (2,3 milliards de francs) que pour lÉtat
(5 milliards de francs).
M. Didier Migaud, rapporteur général, a interrogé le
Ministre sur létat dexécution des contrats de plan par rapport aux
engagements initiaux. Rappelant les mesures prises pour adapter loffre de transport
de marchandises par voie routière la modernisation des entreprises de
transport afin quelles sadaptent à la libéralisation du cabotage au niveau
communautaire, le volet social de laccord de 1996, laccord de branche du
2 avril 1998 sur le congé de fin dactivité il a demandé des
précisions sur le financement de ces mesures ainsi que sur les moyens de contrôle de
lapplication de la législation du travail. Il a ensuite souligné
lendettement des sociétés concessionnaires dautoroutes et a demandé quelles
étaient les orientations du Gouvernement pour le financement des grandes voiries.
Rappelant quaprès labandon du projet de canal Rhin-Rhône, la politique
fluviale semblait se concentrer sur laménagement du bassin Seine-Nord et sur le
déchirage des navires obsolètes, il a souhaité connaître la place exacte que le
Gouvernement assignait au transport fluvial.
M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial des crédits des
transports terrestres, a marqué limportance des transports collectifs comme
solution à lengorgement des villes et à la lutte contre la pollution. Il
sest, en conséquence, inquiété des capacités des collectivités locales à faire
face aux dépenses de fonctionnement et dentretien liées aux investissements en
faveur des transports collectifs en province et a demandé si lÉtat était en
mesure dévaluer les coûts futurs du développement des infrastructures
correspondantes, tant pour les collectivités locales que pour le budget national. Il a
estimé que la cohérence de la politique des transports conduisait nécessairement à
poser la question de laide de lÉtat.
Puis le Rapporteur spécial a demandé des précisions sur la réforme
de Réseau ferré de France, la situation financière de cet établissement public et les
relations quil entretenait avec la SNCF, en notant que, sur le terrain, ces
relations, dans la gestion quotidienne, lui étaient parfois apparues délicates. Il a
ensuite interrogé le Ministre sur le montant de la dette des sociétés dautoroutes
et les modalités de gestion de cette dette, ainsi que sur une éventuelle révision du
schéma autoroutier.
M. Jean-Louis Idiart a enfin fait part de sa préoccupation sur la
présence des services de léquipement sur le territoire, et a considéré que le
non-remplacement des personnels risquerait davoir des conséquences
particulièrement graves dans certaines zones, notamment en montagne, pour les hivers à
venir.
M. François dAubert, rapporteur spécial des
crédits de laviation civile et de la météorologie, a mis laccent sur les
rapprochements de grandes compagnies aériennes, notamment American Airlines et British
Airways dun côté, les compagnies composant Star Alliance de lautre côté,
et a estimé quAir France, en dehors des accords de partage de codes, demeurait
dramatiquement absente de tout grand système de réseau mondial. Il sest demandé
si le statut public de la compagnie nétait pas un obstacle à son développement et
à la signature de telles alliances. Il a ensuite fait remarquer que les contrôleurs
aériens semblaient échapper à lautorité de lÉtat, pratiquant une
quasi-autogestion de leurs heures de présence, et a appelé en conséquence à un
renforcement du contrôle de lÉtat sur la navigation aérienne, service public
indispensable à la sécurité.
Le Rapporteur spécial a pris acte de la réforme de la fiscalité du
transport aérien et des infrastructures aéroportuaires et a souhaité que le rendement
des taxes créées par la future réforme natteigne pas un niveau supérieur au
produit de la redevance actuelle. Il a ensuite dénoncé lapplication sans
discernement des normes techniques routières, qui aboutit à des situations concrètes
aberrantes comme il a pu en observer dans son propre département.
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial des crédits du
tourisme, a relevé la progression satisfaisante du budget du tourisme, qui mettait un
terme à un délaissement critiqué par des parlementaires de toutes tendances. Il a
regretté que le projet de loi de finances ne contienne aucune mesure en faveur de la
réhabilitation du parc immobilier de loisirs, et quà la différence du dispositif
Périssol, il ne comporte aucune incitation fiscale à limmobilier de loisirs, alors
que les besoins du secteur sont criants et quil est tout particulièrement
nécessaire de rééquilibrer la fréquentation touristique sur le territoire français.
Il a ensuite appelé lattention sur les possibles effets pervers de
laugmentation de la fiscalité du gazole sur les coûts de fonctionnement des
réseaux de transports urbains en province. Soulignant que ces réseaux ne bénéficiaient
pas automatiquement de subventions de lÉtat à hauteur de leurs déficits, à la
différence de lIle-de-France, il a constaté que leurs capacités de financement se
trouvaient dès lors amputées par lévolution de la TIPP. Il a enfin demandé des
précisions sur létat des négociations entre la Commission européenne et le
Gouvernement français à propos de la mise en conformité au droit européen du système
français de concession autoroutière.
Répondant aux rapporteurs, M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de lÉquipement, des Transports et du Logement, a notamment apporté les
précisions suivantes :
les contrats de plan seront exécutés à la fin de 1999 à
hauteur de 81 % pour les routes et 55 % pour les ports. Il existe
indéniablement un décalage entre la programmation et les résultats malgré la
prolongation dun an de ces contrats et leffort des régions. Il faudra veiller
à une meilleure adéquation entre les objectifs et les financements pour les prochains
contrats de plan ;
toutes les promesses faites par le Gouvernement à
loccasion du conflit des routiers ont été tenues à légard des
transporteurs routiers. Certains points ne dépendent pas du Gouvernement mais des
résultats des négociations paritaires : il nest pas question
dadministrer le transport routier. Le mémorandum européen de décembre 1997 a
prévu lharmonisation des lois sociales applicables aux transports routiers, pour
éviter le dumping économique et social. Des négociations entre patronat et syndicats à
léchelle européenne sont en cours sur la durée du travail, lintégration du
temps de conduite et des temps de service, attente et repos. Une réunion des ministres
des transports européens, le 17 octobre prochain, examinera les modalités de
modification des règles européennes, élargissant la problématique aux transporteurs
indépendants ;
le crédit consacré, dans le projet de budget pour 1999,
à lamélioration de loffre de transport se ventile ainsi :
20 millions de francs pour la formation initiale et continue denviron
20.000 conducteurs ; 25 millions de francs pour le regroupement des
entreprises de transport ; 5,5 millions de francs pour les fonds régionaux
daides au conseil (FRAC) ; 180 millions de francs en faveur des congés de
fin dactivité ; 16,3 millions de francs pour le contrôle routier ;
larticle 18 du projet de loi de finances
prévoit le remboursement, au profit des entreprises de transport, de 3,5 centimes
par litre au titre de la TIPP pour les véhicules supérieurs à 12 tonnes ;
cette mesure ne concerne pas les transports publics urbains parce quils ne sont pas
soumis à la concurrence. Il est prévu que le rattrapage du différentiel de la
fiscalité sur le gazole avec les pays de la Communauté européenne sétale sur
sept années, les transporteurs routiers ne paraissant pas mécontents, pour leur
part, du dispositif de remboursement ;
dans le cadre des opérations de contrôle des infractions
à la réglementation routière, qui ont porté sur 160.000 véhicules,
ladministration a procédé à limmobilisation de 20.000 véhicules et
constaté en particulier de nombreuses infractions à la législation sociale.
Vingt-trois nouveaux postes de contrôleurs, sajoutant aux 405 emplois
existants, sont créés par le projet de loi de finances ;
les décrets dapplication de la loi du
4 février 1998 sur les transports routiers sont presque tous parus ; seul
reste en instance le décret relatif aux conditions dinscription sur le registre des
transports des véhicules de plus de 3,5 tonnes quexamine le conseil de la
concurrence ;
la réduction très importante quont connue depuis
cinq ans les crédits de politique fluviale est regrettable, car le réseau fluvial est
énorme (8.000 km) et un effort très important est nécessaire pour le remettre en
état et permettre ainsi le développement du transport intermodal. Plusieurs projets sont
à lexamen pour compléter ce réseau ; les résultats de lenquête
publique sur le canal Seine-Nord sont actuellement étudiés par les services du
ministère. Le soutien aux jeunes professionnels et à la constitution de groupements
dartisans coexistant avec les armateurs fluviaux sera développé ;
une réforme des sociétés dautoroutes est
nécessaire au regard de leur situation financière et de lenvironnement
juridique : leur endettement atteint 150 milliards de francs, dont
140 milliards de francs pour les cinq concessionnaires publics ;
linstauration depuis 1991 dobligations communautaires en matière de
concessions autoroutières oblige à une négociation complexe avec la Commission
européenne. Mais il nest pas possible dapprouver les évolutions
réglementaires tout en imaginant pouvoir les contourner : le blocage des travaux sur
lA86, avec un enjeu financier de 11 milliards de francs, suite à la récente
décision du Conseil dÉtat jugeant que la procédure suivie navait pas été
conforme à la réglementation communautaire, le montre bien. Lobjectif de la
réforme envisagée, qui intégrera les travaux menés par la commission des Finances du
Sénat, est de conforter les concessionnaires publics.
Le Ministre a tenu ensuite à préciser sa position sur les relations
entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) et la réforme du système
ferroviaire :
il convient dengager la " réforme de la
réforme ", car lapplication de la réforme initiée par le gouvernement
précédent conduisait à un endettement intenable pour RFF (cet endettement aurait pu
atteindre 200 milliards de francs) et menaçait lunicité du système
ferroviaire. Pour autant, il ne sagit pas de revenir à la situation antérieure,
car une certaine séparation entre maître duvre et maître douvrage
doit être préservée ; la " réforme de la réforme " portera
sur la dette, le renforcement de lunicité du système ferroviaire et les rapports
sociaux à la SNCF et fera, dici trois ans, lobjet dun bilan sur ces
trois points ;
sagissant de la dette, les contraintes budgétaires
et européennes interdisent une reprise intégrale de celle-ci par lÉtat, comme
dautres pays ont pu le faire ; toutefois, il convient de noter que la dette de
la SNCF aura été réduite de 28 milliards de francs depuis lentrée en
fonction du Gouvernement et quil est prévu une dotation de 13 milliards de
francs pour RFF en 1999 (37 milliards de francs en trois ans), contre
8 milliards de francs dans le schéma initial. Quant aux péages, leur niveau doit
être ajusté pour garantir à RFF des ressources suffisantes sans pénaliser outre mesure
la SNCF ;
lunicité du système ferroviaire est menacée par
certaines propositions " ultra libérales ", au point que le
gouvernement précédent lui-même sétait opposé au " livre
blanc " de la Commission européenne. Dans sa résistance, la France nest
pas dépourvue dalliés en Europe ; à léchelon national, il sera
proposé de créer un Conseil supérieur du service public ferroviaire, qui sera une
instance de proposition et dévaluation ;
enfin, le troisième volet de la réforme sattachera
à améliorer les rapports sociaux à la SNCF ; il sagit notamment de sortir de
la logique qui consiste à supprimer chaque année de 5.000 à 6.000 emplois de
cheminots pour retourner à léquilibre financier, et dont lexpérience a
montré quelle était une fausse solution.
Sagissant de lapplication des schémas directeurs
(autoroutes, TGV...), le Ministre a indiqué dans quelles conditions certains éléments
étaient remis en cause :
dune part, sont remis à plat les projets
manifestement mal étudiés, avec une concertation insuffisante comme le segment
autoroutier Grenoble-Sisteron. Compte tenu des risques dannulation contentieuse
quaurait provoqué une déclaration dutilité publique prise sans tenir compte
des variantes proposées, cette décision nentraîne, en fait, aucun retard dans la
réalisation concrète de léquipement ;
dautre part, les ambitions affichées sont parfois
disproportionnées aux financements disponibles : il faudrait ainsi quatre siècles
pour financer les 2.300 km de TGV prévus au schéma directeur du gouvernement
précédent.
M. Pierre Méhaignerie, reprochant au Ministre une
présentation quelque peu caricaturale des choses, a alors fait observer que lon
pouvait recourir à des financements autre que budgétaires.
M. Jean-Claude Gayssot a déclaré que cétait vers
lÉtat que lon se tournait en dernier ressort ; il a précisé quil
avait ainsi dû trouver les moyens nécessaires à la construction du TGV Méditerranée,
qui nétaient pas disponibles à son entrée en fonction, et porter de 3,7 à
8 milliards de francs la participation de lÉtat à lédification du TGV
Est.
A M. Gilbert Mitterrand, qui déplorait que le seul
argument invoqué pour ne pas entreprendre détudes de faisabilité de la ligne à
grande vitesse Tours-Bordeaux fût quelle ne sinscrivait pas dans le schéma
directeur national, M. Jean-Claude Gayssot, concédant que la concertation et
les études de variantes devaient être prioritaires lors de la présentation des grands
investissements, a rappelé que les schémas des services de transport établissaient une
planification à lhorizon de vingt ans. Prenant lexemple du TGV Ouest, pour
lequel les régions ne sont pas encore parvenues à un accord, il a déclaré quil
convenait de laisser du temps à la concertation afin que des positions initialement
divergentes deviennent compatibles.
M. Pierre Méhaignerie a alors rappelé quon avait
fait état, pour le TGV Ouest, dune rentabilité économique telle que la
réalisation de cet équipement sans recours à largent public paraissait
envisageable. Il a demandé au Ministre ce quil conseillait de répondre aux
responsables qui croient possible de faire la ligne TGV Le Mans-Rennes dans les cinq ans
qui viennent.
M. Jean-Claude Gayssot a estimé que la conclusion
dun accord entre les collectivités intéressées était une condition préalable
nécessaire.
M. Pierre Méhaignerie layant jugée possible, le Ministre
a précisé que le financement de lopération pouvait être dès lors envisagé à
léchéance de deux contrats de plan.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite apporté de nouvelles
précisions :
il est, de fait, nécessaire dintégrer les variantes
dans les études préliminaires. Toutefois, il est notoire que, pour le TGV, tout le monde
veut la gare et proscrit la ligne. Cest dailleurs pourquoi il faut resserrer
les choix, sous peine de blocages qui, touchant un nombre important de personnes, font
grandir dautant lopposition au projet ;
léventualité dune modification des critères
de réalisation doit être également prise en considération ; il faut ainsi
sinterroger sur lopportunité de construire des gares TGV à une trentaine de
kilomètres des gares traditionnelles, tout en prenant en compte la saturation des
réseaux, qui affecte notamment le transport de marchandises.
Revenant par ailleurs sur les suppressions demplois dans le
secteur " entretien et exploitation " des services de
lÉquipement, le Ministre a considéré quelle avaient atteint la limite
au-delà de laquelle les missions ne pourraient plus être convenablement assurées ;
il a ajouté que, dès lors, il avait insisté pour que les réductions deffectifs
de ces personnels soient quatre fois moins importantes en 1999 quau cours des
années passées, et relevé le contraste entre les demandes adressées individuellement
au ministère par les parlementaires de lopposition et lhostilité
systématique effectuée par celle-ci envers les dépenses de fonctionnement.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite répondu aux questions portant
sur les transports aériens :
laccord franco-américain conclu, après une
négociation de deux ans, au premier semestre de cette année, était une condition
nécessaire pour que les compagnies américaines changent dattitude à légard
des alliances. Mutuellement avantageux, il a permis daugmenter de 13 % le
trafic entre la France et les États-Unis. Cet accord nest pas un accord de
" ciel ouvert ", et il noffre pas aux compagnies américaines
lusage de la " cinquième liberté ". Des alliances allant
jusquau partage de codes ont bien été conclues par Air France avec Delta et
Continental ;
Air France a, par ailleurs, passé récemment avec la Chine
des accords prévoyant le développement des liaisons vers ce pays ;
si, comme il faut lespérer, un accord est conclu
avec les pilotes, louverture du capital dAir France deviendra possible, et
permettra de renforcer lentreprise tout en la laissant dans le secteur public.
Lappartenance dAir France au secteur public lui donne des capacités de
rayonnement et dembauche précieuses à une époque où les opérations de fonds
dinvestissement américains mettent en péril de grandes entreprises privées ;
un protocole daccord a été signé pour trois ans
avec lensemble des syndicats des contrôleurs aériens ; on peut en mesurer
toute la portée si lon veut bien se souvenir de la manière dont ont été gérés
les conflits antérieurs, avec les conséquences funestes que lon sait. Par
ailleurs, le ministère a récemment conclu avec le ministre de la Défense un accord
visant à améliorer la gestion de lespace aérien. Mettre en cause la conscience
professionnelle des personnels et de ladministration nest pas une attitude
constructive ;
le rendement de la nouvelle taxe, dont la création sera
prochainement proposée au Parlement, sera équivalent à celui de la redevance
actuelle ;
la décision de faire tomber le couperet sur
lamortissement Périssol à la fin de 1999 est de la responsabilité du gouvernement
précédent. Le Gouvernement actuel a décidé, au contraire, de pérenniser ce dispositif
en le modifiant par lintroduction de critères de garantie pour les locataires. Il
est clair quen létat ce dispositif nouveau ne sapplique pas à
limmobilier de loisirs ;
Mme Michèle Demessine, secrétaire dÉtat au
Tourisme, a présenté le matin même un bilan du tourisme ainsi que ses choix pour
lavenir ; lattention portée au budget du Tourisme, dont les crédits,
certes en forte augmentation, demeurent dun montant limité, se justifie si
lon veut bien se rappeler que la France est actuellement le premier pays touristique
du monde et quil convient donc de soutenir le développement dun secteur
fortement créateur demplois.
M. Yves Deniaud a plaidé pour une diminution de la
TVA sur les transports urbains indispensable à leur développement. A propos du fret
ferroviaire, il sest interrogé sur les perspectives de création de couloirs
nord-sud et est-ouest permettant déviter lIle-de-France et le couloir
rhodanien. Enfin, évoquant les inquiétudes des élus et des populations, il a souhaité
obtenir des précisions sur le sort des programmes dautoroutes actuellement en
suspens, notamment lA 28 entre Rouen et dAlençon.
Relativisant la progression du budget, M. Francis Delattre
a fait observer que celle-ci résultait davantage de recettes extrabudgétaires, notamment
des recettes de privatisation et le produit de la taxe sur les bureaux affectée au Fonds
daménagement de la région Ile-de-France (FARIF), les dotations budgétaires
proprement dites ne progressant que de 0,6 %. Se demandant si la progression des
dépenses de fonctionnement nétait pas due pour une large part à la création
demplois destinés à lentretien des routes, il sest interrogé sur les
risques de double emplois avec les services décentralisés et a estimé souhaitable une
définition claire des responsabilités respectives de lÉtat et des départements.
Il a rappelé que, depuis vingt ans, la loi attribuait à la région
Ile-de-France la compétence en matière de transports, mais quelle nétait
pas appliquée faute de moyens financiers, contre le voeu des élus franciliens de toutes
tendances. Il sest ensuite déclaré déçu par lattitude prudente du ministre
qui, en tant quélu révolutionnaire, aurait pu faire preuve daudace, et lui a
demandé son avis sur la création dune ressource financière nouvelle telle
quune taxe additionnelle à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Se déclarant favorable à la création de dessertes tangentielles en
Ile-de-France, il a regretté que la politique du ministère dans ce domaine se limite à
la modernisation du réseau existant de la grande ceinture et a souhaité que le contrat
de plan comporte en particulier la création dune desserte Cergy-Roissy essentielle
au rééquilibrage de la région parisienne.
A propos de la construction de deux pistes supplémentaires à Roissy,
dont tout le monde savait quelle était inévitable, M. Francis Delattre
sest inquiété des retards pris dans la définition des modalités de répartition
du produit de la taxe sur le bruit. Il a également invité le Ministre à prendre ses
responsabilités et à se prononcer sur la localisation du futur troisième aéroport de
la région parisienne, qui devient inéluctable, alors que le transport croît de plus de
6 % par an et que de plus en plus de compagnies expriment le souhait de
sinstaller à Roissy ; il a mis en garde le Ministre contre le risque de
réactions exaspérées que pourrait susciter une attitude attentiste chez les populations
intéressées.
Enfin, il a souhaité des précisions sur lorigine exacte du
blocage juridique résultant, pour le bouclage de lA 86 à louest de
Paris, des contraintes communautaires, et sur le débouché final de lA 16.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Claude
Gayssot a apporté les précisions suivantes :
la réflexion sur le financement des grands équipements
est indispensable et il importe de faire des propositions de nature à dégager les moyens
financiers nécessaires ; lutilisation de la TVA, mais il existe des
contraintes communautaires, ou de la TIPP, est envisageable comme lest
lallongement de la durée des emprunts, actuellement de vingt ans, pour la
rapprocher de la durée de vie réelle des équipements ;
la création de couloirs de fret ferroviaire est
indispensable et des corridors ont déjà été créés avec nos voisins, tels que le
Luxembourg, la Belgique, lItalie et lEspagne ; cependant, il existe des
goulots détranglement, notamment Lyon et la région parisienne, qui résultent de
la cohabitation du transport de voyageurs et de marchandises sur les mêmes voies ;
lactuel Gouvernement na pas fait le choix du
tout TGV, mais entend développer le réseau classique ; il ne privilégiera pas le
trafic voyageurs, et se préoccupera tout autant du fret. Au demeurant, pour la première
fois depuis une quinzaine dannées, le rail a repris des parts de marché en
matière de transport de marchandises ;
il ny a pas de risque de doubles emplois entre les
services de lÉtat et ceux du département puisque ceux-ci confient lentretien
de la voirie départementale soit par convention aux directions départementales de
léquipement, soit en utilisant une fraction spécifique des moyens de ces
directions ; cette seconde solution entraîne un surcoût denviron
3 millions de francs par an ;
pour les autoroutes aucun engagement de travaux en cours
1.000 kilomètres dautoroutes concédées et 300 non
concédées na été arrêté par le Gouvernement. Là où les travaux
nétaient pas engagés, où des contestations se faisaient jour et où des variantes
sont suggérées, le Gouvernement a décidé de poursuivre les discussions. Plus
particulièrement, ladossement de lA 28 entre Rouen et Alençon à la
société dautoroute Paris-Normandie a été écarté en raison de
lendettement de cette société. Dans tous les cas en suspens, les procédures
seront reprises en conformité stricte aux règles communautaires ;
pour annuler les décrets autorisant les travaux de
lA 86, le Conseil dÉtat ne sest pas fondé sur la contestation du
tracé projeté, mais sur le non-respect de la procédure dattribution des marchés
de travaux telle quelle est fixée par les directives communautaires. Il ny
avait pas dautre solution que darrêter complètement le chantier, avec des
répercussions très importantes sur lemploi, sous réserve de la réalisation de
quelques travaux de sécurité indispensables.
f p f p
© Assemblée nationale
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