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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 31 octobre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Lois de finances pour 2002 :

· Avis ville (Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour avis)

· Avis enseignement scolaire et professionnel (M. Yves Durand, rapporteur pour avis)

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- Examen, en troisième et dernière lecture, de la proposition de loi, rejetée par le Sénat en nouvelle lecture, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles - n° 3349 (M. Jacques Rebillard, rapporteur).

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- Examen, en quatrième et dernière lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat en nouvelle lecture, relative à la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi - n° 3350 (M. Philippe Vuilque, rapporteur).

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Chantal-Rodrigo, les crédits de la ville pour 2002.

La rapporteure pour avis a relevé que, après la croissance considérable qu'ont connue les crédits de la politique de la ville chaque année depuis 1998, les moyens qui lui sont affectés cette année pouvaient sembler n'augmenter que de façon modeste. Plus que d'un budget de consolidation, on doit parler de budget de pérennisation : les crédits dédiés à la politique de la ville confirment et confortent le cap pris en 1998 et son inscription dans la durée.

1998 a marqué un tournant essentiel dans les objectifs et les instruments mis en _uvre. Après quatre années, il est possible d'en dresser un premier bilan dont les résultats justifient la poursuite de la politique menée.

L'état des lieux dressé en 1997 était plutôt sombre. Après vingt ans d'existence, force était de constater que la politique de la ville ne s'inscrivait plus que dans une logique défensive. Elle a certes contribué à éviter une explosion sociale dans les années les plus dures de la crise. En revanche, elle n'a pas su éviter le phénomène de ghettoïsation des quartiers.

Le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 a tiré les leçons de ce constat et posé les bases d'une nouvelle ambition pour la politique de la ville. Il lui a assigné comme priorités l'emploi, la sécurité et l'éducation de façon à garantir l'égalité républicaine et à faire profiter chacun, y compris dans les quartiers les plus populaires, des fruits de la croissance. Le comité interministériel des villes du 2 décembre 1998 a quant à lui renouvelé la méthode en sortant la politique de la ville de l'approche d'assistanat aux quartiers en difficulté, nouvelle approche confortée par une importante augmentation des moyens consacrés à la politique de la ville.

Retisser les liens sociaux implique d'agir dans le temps plutôt qu'au coup par coup. Le choix a donc été fait d'inscrire les actions dans la durée, ce par plusieurs biais : la deuxième génération de contrats de ville couvrant la période 2000-2006 est fondée sur l'intercommunalité et s'accompagne d'un engagement des différents partenaires dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. Un autre aspect essentiel de l'inscription de la politique de la ville dans la durée est l'atténuation des aléas des alternances politiques. Une solution réside dans la création de groupements d'intérêts public.

Les premiers résultats sont encourageants :

- 247 contrats de ville ont été conclus dont 70 % au niveau intercommunal. Le contrat de ville nouvelle formule se veut le fédérateur de l'ensemble des autres dispositifs conventionnels spécifiques (contrats locaux de sécurité, contrats éducatifs locaux,...). Les crédits qui leur sont consacrés par l'Etat sont de 18 milliards de francs pour la période 2000-2006 soit deux fois plus que sur la période antérieure.

- Lancement du programme des Grands Projets de Ville (GPV) : il s'agit d'appuyer l'ensemble de la politique de la ville sur un projet urbain lourd, en intégrant l'ensemble des dimensions y compris sociale. L'Etat s'est engagé dans le cadre du XIIPlan à leur consacrer de façon spécifique 5,55 milliards de francs.

- A ces GPV s'ajoutent trente opérations dites de renouvellement urbain.

L'engagement a été amplifié par le comité interministériel des villes du 1er octobre 2001 dont les décisions comportent des engagements à hauteur de 35 milliards de francs.

La croissance des crédits spécifiques du ministère de la ville est forte depuis 1998 : 115,1 millions d'euros en 1998, 387,24 millions d'euros pour 2002 (soit + 1,34 % par rapport à 2001). Il faut rappeler que ces mêmes crédits avaient augmenté de 47,7 % l'an dernier. En outre, cet effort est relayé par l'ensemble des partenaires.

La politique de la ville est assurément dotée aujourd'hui des moyens budgétaires adaptés aux ambitions affichées. Cette relative richesse ne saurait pour autant dispenser de la recherche d'une meilleure gestion :

- par la sortie progressive du dispositif zones franches urbaines (ZFU) proposée par l'article 71 du projet de loi de finances ;

- par l'amélioration de l'usage des crédits alloués aux ministères concourant à la politique de la ville. Il est regrettable que l'argent reste dans les caisses de l'Etat quand certaines associations attendent désespérément leurs subventions. La rapporteure a ainsi entendu dans le cadre de la préparation du présent rapport une association d'insertion sur le point de licencier plusieurs de ses salariés parce qu'elle n'avait pas perçu un centime de l'Etat en paiement des actions menées dans le cadre du programme TRACE en...1999 !

- par la poursuite et l'approfondissement de la démarche d'évaluation (interne et externe).

Encore convient-il de s'assurer du bon usage des crédits par les opérateurs de la politique de la ville et de l'adéquation des procédures et structures aux besoins de ceux-ci, en particulier s'agissant des associations.

Les associations se trouvent en effet au c_ur de la politique de la ville. Choisir ce thème en cette année 2001 ne relève pas de la seule logique de commémoration. La stabilisation des objectifs et instruments de cette politique devrait permettre de faciliter l'action des associations.

Trois axes de réformes doivent être privilégiés :

- faciliter le fonctionnement des associations ;

- professionnaliser leurs actions ;

- accroître leur cohérence.

Il convient d'adopter des mesures de simplification administrative :

- Chaque demande de subvention(s) pour une action devrait pouvoir être faite par une association en un exemplaire unique quel que soit le nombre des intervenants dans l'octroi de la (ou des) subvention(s).

- Le recours à la « télé-demande » de subvention doit être favorisé.

- Il convient de limiter au strict nécessaire la production de pièces fournies l'année précédente (statuts par exemple), en particulier dans le cas de conventions pluriannuelles.

Des procédures de paiement simplifié et des conventions pluriannuelles permettant de travailler dans la durée sont nécessaires :

- Les préfectures et les comptables publics doivent se voir rappeler de façon ferme et explicite que les subventions inférieures à 50 000 francs sont de droit dispensées de visa préalable du comptable public.

- Pour l'octroi des subventions inférieures à 50 000 francs, il doit être recouru à des arrêtés globaux

- Dans le cadre des engagements pluriannuels, l'octroi dès le début de l'année de 30 % de la subvention qui sera reconduite doit être de droit.

- Il appartient au ministre de rappeler de façon ferme aux préfets et aux comptables publics la nécessité d'encourager le recours par les associations aux conventions pluriannuelles.

- Il faut ouvrir la possibilité à toutes les associations, indépendamment de leur taille, de recourir aux conventions pluriannuelles et de bénéficier de la mise en place accélérée, au plus tard le 15 février, d'une partie voire de la totalité de la subvention reconduite dans ce cadre.

- Il faut créer des dispositifs de secours : fonds d'avances exceptionnelles aux associations et mutualisation des fonds.

Les associations jouent un rôle essentiel dans la perception de la réalité des besoins, de l'adéquation des actions, elles sont l'indispensable relais humain de la politique de la ville.

Il importe donc de favoriser leur inclusion dans les dispositifs visant à renforcer la présence humaine : emplois-jeunes, dispositif adultes-relais. Il faut pérenniser les emplois-jeunes des associations _uvrant à la politique de la ville par la reconduction de l'aide de l'Etat pour cinq ans à niveau inchangé, mettre en _uvre des actions de formation spécifiques aux adultes-relais et poursuivre l'effort de formation des emplois-jeunes.

Au-delà de la formation de ces salariés d'un type particulier, la formation constitue une impérieuse nécessité pour l'ensemble des personnels des associations, possibilité notamment ouverte par l'article 15 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail de prévoir des actions de formation spécifiques en faveur des salariés bénévoles dans une association.

Par ailleurs, la rapporteure ne saurait trop insister sur la nécessaire mise en place d'une filière des métiers de la ville :

- Créer une filière d'étude diplômante spécifique en vue de la formation de chefs de projets de la politique de la ville répondant notamment à la pluridisciplinarité des compétences requises par la fonction.

- Intégrer de façon systématique dans la formation initiale et continue des agents de la fonction publique territoriale une formation à la politique de la ville.

- Créer une filière de métiers propre à la politique de la ville au sein de la fonction publique territoriale.

Il faut en outre renforcer la coordination des actions de la politique de la ville en créant des pôles « ville » mieux identifiés au sein des préfectures et en incitant les collectivités territoriales à procéder de même.

Enfin, il convient de souligner l'importance des actions à mener en faveur du renforcement des liens entre associations elles-mêmes. Elles peuvent prendre des formes multiples : sessions de formation communes ; mutualisation des moyens de fonctionnement (y compris des personnels salariés et bénévoles), éventuellement sur un même lieu, dans des maisons des associations, voire des « maisons de la ville », encouragement à la création d'associations des associations. Par ailleurs, la Délégation interministérielle à la Ville, doit renforcer sa présence sur le terrain.

En conclusion, la rapporteure pour avis a redit sa satisfaction devant les progrès réalisés dans la définition et la mise en _uvre de la politique de la ville depuis 1998 : priorités clairement établies, stables, augmentation des moyens, meilleure évaluation des actions. L'effort doit naturellement être poursuivi dans le sens indiqué par le Premier ministre. Le budget qui est proposé en fournit les moyens. La rapporteure pour avis a donc proposé de l'approuver.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure pour avis.

M. Bernard Perrut s'est interrogé sur :

- le rôle et les travaux menés par l'Institut des villes depuis son installation au printemps dernier ;

- les modalités de financement et les actions menées par les « adultes-relais » mis en place l'an passé ;

- la remise du rapport annoncé sur la veille éducative.

Il a ensuite souligné, pour les regretter, les retards récurrents de versement des subventions de l'Etat dont souffrent les associations ainsi que les difficultés de coopération entre les différents acteurs de la politique de la ville rencontrées au quotidien. Les élus locaux et les associations ont souvent le sentiment d'une perte de temps et d'énergie considérable dans d'innombrables réunions et dans l'attente des décisions de l'Etat de subventionner tel ou tel projet. Il serait vraiment nécessaire d'intensifier la décentralisation, à la fois dans les prises de décision et les financements. Il serait ainsi préférable que l'Etat octroie, en début d'année, une enveloppe globale aux acteurs locaux qui auraient ensuite la charge de l'utiliser, avec tous les contrôles nécessaires, pour mettre en _uvre les actions les plus adaptées à la réalité du terrain.

M. Pierre Hellier a constaté que le budget n'augmenterait que de 1,34 % en 2002, ce qui risque d'être insuffisant pour satisfaire l'ambition du Gouvernement « d'apaiser la ville ».

Mme Catherine Génisson a confirmé la nécessité d'être plus attentif aux associations, qui sont au centre de la vie dans les quartiers et dans la ville. Il conviendrait de leur permettre de présenter plutôt une évaluation à posteriori de leurs actions que de volumineux dossiers a priori, pour justifier leurs activités et donc l'octroi d'une subvention. A cet effet, on doit se féliciter de la proposition d'allouer directement les subventions inférieures à 50 000 francs aux associations bénéficiaires. Toujours dans une logique de rapprochement du terrain, il convient également de renforcer les services de l'Etat dans les préfectures afin de les aider à dépasser une conception parfois théorique des problèmes.

M. André Schneider a évoqué la trop grande complexité des mécanismes de décision applicables dans le domaine de la politique de la ville et réclamé une plus grande décentralisation. Aujourd'hui, les élus sont trop souvent soumis aux décisions des personnels de la préfecture d'autant que les sous-préfets à la ville, changeant régulièrement, n'ont pas toujours une bonne connaissance des réalités du terrain. Quant aux associations, leur vie serait sûrement plus facile si la gestion des crédits publics dont elles bénéficient était décentralisée et confiée, au moins en partie, aux instances locales.

En réponse aux intervenants, la rapporteure pour avis a donné les indications suivantes, après avoir précisé qu'elle ne disposait pas dans l'immédiat d'information en ce qui concerne l'Institut des villes et le rapport sur le veille éducative :

- Le budget pour 2002 prévoit le financement de 12 000 adultes-relais ; ceux-ci intervenaient jusqu'à présent dans le cadre des associations mais pourront désormais également être présents dans les organismes HLM et au sein des collectivités territoriales. Leurs emplois sont financés comme les emplois-jeunes (rémunération à 80 % du SMIC) mais ils bénéficient d'un contrat de trois ans renouvelables.

- Le fonctionnement des structures locales peut être tout à fait satisfaisant pour peu qu'un élu en assure la présidence, fasse preuve d'un véritable engagement et dispose d'un vrai pouvoir de décision. Lorsque ces structures sont constituées sous la forme de groupements d'intérêts publics (GIP), elles disposent des moyens financiers nécessaires à leur action puisque chaque personne publique participante verse sa contribution en début d'année. En outre, il est possible de reporter les crédits non utilisés sur l'année suivante.

- Il est effectivement indispensable pour la bonne mise en _uvre de la politique de la ville que les services de l'Etat compétents dans les préfectures soient renforcés.

- Quant aux remarques sur la trop faible augmentation du budget de la ville en 2002, il convient de rappeler que ce budget a été multiplié par trois depuis 1997 et qu'il avait augmenté l'an dernier de 47 % : l'opposition est donc mal placée pour émettre des critiques.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2002.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Durand, les crédits de l'enseignement scolaire et professionnel pour 2002.

Le rapporteur pour avis a rappelé que ce budget constitue, en y ajoutant le budget de l'enseignement supérieur, le plus gros budget sectoriel de la nation. Comme cela est de tradition à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, l'avis s'attachera plus à analyser les politiques menées que la répartition des crédits, étudiée en détail par le rapporteur spécial de la commission des finances.

Ce budget est caractérisé par trois lignes de force :

- Il bénéficie tout d'abord de la plus forte croissance des crédits de l'enseignement scolaire depuis six ans, puisqu'il augmente de 4,11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. Cette croissance permettra la création de 10 942 postes, dont 8 800 en application du principe de pluri-annualité inscrit dans la loi de 1989, qui n'avait jusqu'à présent jamais été mis en _uvre en dépit des demandes des rapporteurs des commissions des finances et des affaires culturelles au cours des années précédentes. S'agissant plus particulièrement des personnels non enseignants, seront créés 1 945 emplois supplémentaires d'ATOSS.

- Le budget de l'enseignement scolaire pour 2002 est d'autre part un budget qui permet de tenir les engagements pris en ce qui concerne la maîtrise des savoirs fondamentaux dès l'école primaire, et plus particulièrement du français, ainsi que l'initiation à une langue vivante dès le CE2. Les crédits nécessaires à la réalisation de ces deux objectifs figurent bien dans le projet de budget ; 110 millions de francs étant notamment prévus pour l'initiation aux langues vivantes.

Il s'agit de développer l'enseignement d'une langue étrangère et de l'étendre progressivement au CE2, puis à la grande section de maternelle. En effet, la France doit rattraper dans ce domaine le retard qu'elle a contracté par rapport à d'autres pays européens.

- Le budget accompagne enfin l'évolution du système éducatif, en particulier en ce qui concerne la réforme du collège qui va apporter une réelle et nécessaire amélioration. De fait, même si l'expression de « collège maillon faible du système éducatif » peut sembler excessive, elle n'en correspond pas moins à une certaine réalité. Les causes en sont connues puisque les jeunes pré-adolescents sont plus difficiles à cet âge. Par ailleurs, le collège a accumulé des difficultés d'adaptation dans un contexte marqué par l'hétérogénéité croissante des publics. Tous les ministres concernés se sont successivement attelés à cette tâche et plusieurs réformes ont été tentées, avec plus ou moins de succès mais les dispositions arrêtées par l'actuel ministre de l'éducation nationale vont incontestablement dans le sens du collège de la réussite. Il convient particulièrement de se féliciter de sa volonté de maintenir le « collège unique. »

La présente réforme du collège porte notamment sur :

- la mise en place de l'aide individualisée, dans le prolongement de ce qui avait été entrepris par le ministre Claude Allègre en faveur des élèves de seconde ;

- l'amélioration de la liaison entre le CM2 et la sixième ;

- le développement des « itinéraires de découverte », qui consistent à insister sur l'approche interdisciplinaire de certaines matières vers lesquelles l'élève est susceptible de s'orienter dans le futur. Cette mesure est très positive, même s'il est encore nécessaire de surmonter certaines résistances de la part des enseignants. A cet égard, le rapporteur pour avis a regretté que les initiatives antérieures en vue de développer les « travaux croisés » n'aient pas rencontré le succès mérité ;

- l'amélioration de l'encadrement des collégiens par le développement de l'internat public. Une mission a été confiée à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, députée, par le ministre de l'éducation nationale. Le plan de relance de l'internat a pour objet de doter chaque département d'un internat d'ici cinq ans, accueillant particulièrement les élèves qui rencontrent des difficultés. Il ne s'agit pas d'internat disciplinaire ni de maison de correction mais d'une réponse véritablement éducative à des conditions de vie à l'extérieur des établissements parfois peu propices à la sérénité nécessaire à une scolarité épanouie. On constate en réalité que de nombreuses demandes proviennent des élèves eux-mêmes, qui souhaitent pouvoir travailler et réussir leurs études. Il ne s'agit pas non plus d'une réponse à la sempiternelle question de la violence.

- l'ouverture des collèges et des lycées en direction de la cité et des parents. Elle se traduit par la multiplication du nombre des collèges demeurant ouverts en dehors des heures de classe, notamment en période de vacances scolaires. De même, la renaissance de l'éducation civique dans les collèges et lycées est visible, tant dans les programmes que dans les évaluations.

Le renforcement du partenariat avec les parents d'élèves doit être poursuivi afin que ceux-ci deviennent des « co-éducateurs » aux côtés des enseignants, mais chacun à sa place respective.

Après avoir rappelé que le budget pour 2002 présentait une forte progression, en particulier des moyens alloués aux personnels, le rapporteur pour avis a précisé que la politique éducative ne se réduisait pas à une seule question de moyens et que, à cet égard, une bonne synthèse était faite entre ces moyens et leur utilisation.

La bonne utilisation de ces moyens est en effet manifeste à plusieurs égards :

- En matière de personnels, la gestion déconcentrée du mouvement engagée par le ministre Claude Allègre a surmonté les réticences initiales et s'effectue désormais dans la satisfaction générale, ainsi qu'en a témoigné le bon déroulement de la rentrée scolaire. En outre, l'accent mis sur la formation des enseignants dans le cadre de la réforme des IUFM porte notamment sur la découverte du métier et l'accompagnement des enseignants inexpérimentés par des collègues plus chevronnés. Cette sorte de tutorat va indéniablement dans le bon sens.

Il en est de même du dispositif ayant pour objet de stabiliser les équipes par une bonification de carrière, lorsque les jeunes enseignants s'engagent à accomplir plusieurs années dans les collèges dits sensibles : ce sont précisément ces collèges, caractérisés jusqu'à présent par une forte rotation des personnels, qui ont le plus besoin d'équipes éducatives stables.

En conclusion, le rapporteur pour avis a rappelé que le budget présenté allie l'augmentation des moyens à une utilisation qui en est appropriée en réaffirmant les engagements pris à l'égard des « fondamentaux », du collège et de la formation des enseignants. Il a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire et professionnel pour 2002.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Germain Gengenwin a formulé les questions et observations suivantes :

- Quel sont les effectifs des emplois-jeunes présents dans l'éducation nationale ? Quel sera le sort de ces jeunes ? Seront-ils intégrés à l'éducation nationale ?

- L'augmentation du nombre de postes d'ATOSS s'explique par un besoin de rattrapage mais également par les conséquences prévisibles de l'application de la réduction du temps de travail, quelle est la part de chacun de ces facteurs ?

- L'affectation des jeunes enseignants se révèle parfois catastrophique ; à titre d'exemple, trois jeunes alsaciens envoyés dans l'académie de Créteil ont vécu un réel « test d'endurance. » Dans ces conditions, il conviendrait de parler de prime de risque plutôt que de bonification de carrière.

- Le financement du développement de l'internat public, en imaginant que celui-ci ne soit pas simplement conçu comme moyen de concurrencer l'internat privé, demeure problématique, les crédits n'étant probablement pas prévus à un niveau suffisant.

- La réforme des IUFM ne contient que de fausses nouveautés ;

- La politique d'ouverture des collèges sur la cité ne relève que du slogan.

M.  Jean-Paul Durieux, président, a insisté sur l'importance de la relance de l'internat comme mode d'hébergement et de stabilisation des adolescents en difficulté.

M. Bruno Bourg-Broc a fait les remarques suivantes :

- Un bon budget n'est pas nécessairement un budget en augmentation, ce qui importe étant l'utilisation qui est faite des moyens ; dans ces conditions, l'augmentation de 4,11 % ne constitue pas, en soi, un objet de gloire.

- Un document budgétaire souligne que la présence d'adultes dans les établissements est un facteur de diminution des violences dans l'enseignement du second degré. Est-il envisagé d'augmenter le temps de présence des enseignants dans les établissements à cette fin ? Cela permettrait de limiter le recours à des intervenants extérieurs à l'éducation nationale.

- Une somme importante est effectivement consacrée à l'enseignement des langues vivantes mais la prééminence de l'anglais et l'absence de diversification des langues enseignées constituent un réel problème.

- La sortie des emplois-jeunes reste un sujet d'interrogation.

- On constate depuis 1997 une diminution de près de 20 % du nombre de candidats aux concours d'enseignants, ce qui traduit avec une certaine ampleur une désaffection vis-à-vis du métier d'enseignant. Un début de réponse est apporté par la pluri-annualité des recrutements, mais il serait peut-être opportun de recréer le dispositif des IPES qui avaient donné de bons résultats dans les années soixante-dix.

- Il serait intéressant de connaître l'évolution des crédits en faveur de l'enseignement privé.

Après avoir souligné les inégalités existant en matière d'éducation en défaveur du secteur rural, par exemple en matière d'apprentissage des langues étrangères, Mme Catherine Génisson a formulé les remarques suivantes :

- Les « itinéraires de découverte » constituent indéniablement une mesure positive qu'il faut encourager.

- Il faut faciliter la mise en place d'internats qui permettront d'accueillir dans de meilleures conditions certains jeunes en déshérence et en errance.

- Le concept d'école ouverte doit se concrétiser par une plus grande mutualisation des moyens afin que les aides-éducateurs puissent effectivement travailler en commun avec les emplois-jeunes des collectivités locales.

- Outre son renforcement au collège et au lycée, il convient de promouvoir l'instruction civique à l'école primaire.

- La réforme des IUFM et le développement du tutorat permettront de mieux former les futurs enseignants. Il faudrait cependant éviter d'affecter de jeunes professeurs peu expérimentés dans les établissements les plus difficiles.

M. Bernard Perrut a fait les observations suivantes :

- On ne peut pas apprécier l'efficacité de la politique éducative au travers du seul budget de l'éducation nationale. En effet, les lourdeurs et la complexité de l'administration de l'éducation nationale limitent les effets des efforts financiers entrepris. Il en résulte de trop nombreuses disparités d'un département à l'autre, ainsi qu'en atteste un rapport récent de la direction de la programmation et du développement du ministère de l'éducation nationale. En outre, au-delà de l'effort du budget de l'Etat, les collectivités locales contribuent globalement pour près du quart aux dépenses d'éducation.

- L'accueil des jeunes handicapés à l'école demeure insuffisant. Il manque des auxiliaires de vie et le mécénat privé devrait être relayé par des crédits d'Etat.

- La lutte contre l'échec scolaire doit passer à l'école primaire par une meilleure connaissance des savoirs fondamentaux, notamment de la lecture, car trop de jeunes sortent du système scolaire sans en avoir vraiment acquis la maîtrise.

- La désaffection constatée pour les postes de directeurs d'école justifie une revalorisation conséquente de la situation de ces personnels dont les indemnités de fonction sont insuffisantes. Ils devraient disposer d'un statut spécifique assorti d'une formation appropriée et d'une meilleure reconnaissance de leur rôle.

- Il y a des inégalités entre le public et le privé dans les financements en ce qui concerne la création d'internats, les aides à l'informatique et l'apprentissage des langues dans l'enseignement primaire.

- On peut s'interroger sur l'effectivité des réseaux d'aide aux parents qui ne semblent pas avoir été réellement mis en place sur le terrain.

- L'éducation nationale minimise trop les problèmes de violence et ne se donne pas ainsi les moyens nécessaires pour assurer la sécurité dans les établissements.

M. André Schneider a considéré que tout n'allait pas aussi bien dans le système éducatif que voudrait le laisser croire le rapporteur, même s'il faut saluer les efforts financiers supplémentaires dégagés en faveur de l'enseignement scolaire. Pour une meilleure efficacité des dépenses, l'interministérialité devrait, tout comme l'interdisciplinarité, être développée.

S'agissant du collège unique, il faut bien avouer qu'il n'existe pas véritablement et que l'origine sociologique des élèves varie considérablement d'un endroit à l'autre.

La déconcentration du mouvement constitue certes un élément positif mais elle n'empêche pas des erreurs d'affectation, en particulier en ce qui concerne les enseignants inexpérimentés.

Il faut reconnaître la charge supplémentaire réelle que constituera pour un établissement la mise en place d'un internat et se demander comment seront sélectionnées les équipes d'encadrement adéquates. Il faut enfin s'interroger sur les possibilités de passage des enseignants du privé vers le public.

M. Alain Néri a fait les remarques suivantes :

- Le maintien de classes uniques en milieu rural ne constitue pas une solution optimale car il ne permet pas une véritable évaluation des élèves non plus qu'une socialisation satisfaisante. Il serait préférable de procéder à des regroupements pédagogiques à moyens constants dans les départements qui seraient volontaires.

- Les collèges gagneraient également à être mis en réseau avec l'aide de l'Etat.

- La mixité sociale entre élèves des villes et « élèves des champs » pourrait être réalisée par la création d'internats en zones rurales moyennant des politiques d'aides financières et de transport adaptées.

- L'apprentissage des langues étrangères à l'école est trop concentré sur l'anglais. Il ne laisse pas ainsi assez de place à l'allemand. Il serait également souhaitable de prévoir à titre facultatif un enseignement, dans le cadre scolaire, des langues maternelles d'origine pour les populations issues de l'immigration, et notamment de l'arabe.

- Les IUFM gagneraient à être rapprochées du modèle des anciennes écoles normales où la formation dispensée mettait davantage l'accent sur la pratique du métier.

- La mise en place du plan Handiscol doit être renforcée et accélérée.

- Il faut rappeler, avec Jules Ferry, l'importance primordiale de l'apprentissage des savoirs fondamentaux à l'école primaire, et bien évidemment de la lecture.

- Le rôle spécifique des directeurs d'école doit être reconnu en leur accordant des heures supplémentaires de décharge plutôt qu'en leur créant un statut propre.

M. René Couanau a fait les observations suivantes :

- Il est temps de dégonfler les « baudruches ministérielles » sur l'effet des augmentations de crédits et de postes en regardant en face la réalité scolaire. En particulier, il faudrait se poser la question, de savoir pourquoi, malgré des augmentations, les disparités persistent à la sortie de l'école primaire selon le niveau de vie des familles. Cette interrogation devrait être au c_ur des préoccupations du ministre, de même que celle de l'échec scolaire. Si la solution ne réside pas seulement dans la baisse des effectifs, il faudrait néanmoins envisager, dans le contexte de baisse démographique constatée dans l'enseignement primaire, des expérimentations en vue de l'affectation de maîtres en nombre supplémentaire dans les classes.

- Un véritable statut de directeur d'école serait aussi indispensable. Il permettrait de mettre fin à la désaffection considérable de cette fonction.

- L'enseignement des langues à l'école primaire est mis en pratique de façon très hétérogène, selon les lieux, et même selon les années, en fonction des personnels disponibles.

- S'agissant des équipements informatiques, on ne peut que regretter que les collectivités locales ne puissent les financer pour les écoles privées. La parité des moyens doit être également assurée.

- La pérennisation des emplois-jeunes et le sort des personnes qui ont occupé ces emplois ne sont pas réglés. On peut que redouter la reconstitution d'un auxiliariat pour ceux qui n'ont pas trouvé de débouché professionnel dans les concours de recrutement notamment.

- La progression trop faible de l'intégration des enfants handicapés dans les établissements scolaires de droit commun est scandaleuse. Elle n'est pas toujours du fait des pouvoirs publics, elle résulte aussi du peu d'enthousiasme de certaines équipes pédagogiques. Face aux demandes des parents, un effort considérable doit être accompli.

M. Michel Tamaya, après s'être félicité de la qualité du budget présenté, a souhaité obtenir des précisions sur la question des disparités de statut des personnels de SEGPA entre ceux qui bénéficient du statut de PLP2 (professeur de lycée professionnel) et ceux qui relèvent de celui d'instituteur spécialisé. La différence de service horaire qui en résulte est loin d'être négligeable.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a insisté sur l'impossibilité, pour les communes, de financer les équipements informatiques des écoles privées au motif qu'il s'agit de dépenses d'investissement. Une réponse urgente doit être apportée par le ministre à cette question. Il conviendrait en particulier de requalifier ces dépenses en dépenses de fonctionnement afin de les rendre éligibles au financement par les collectivités locales.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- La qualité d'un budget ne s'apprécie pas seulement à l'examen de ses éléments financiers mais ceux-ci sont néanmoins indispensables. Un budget qui prévoit des créations de postes sera toujours préférable à un budget qui en supprime.

- L'éducation nationale a recruté 70 000 aides éducateurs au titre des emplois-jeunes avec l'idée que la formation acquise permettra à ces personnes de trouver un emploi durable. La règle applicable relève du droit commun des emplois-jeunes : les postes, à l'inverse des personnes qui les occupent, seront pérénnisés car les nouveaux services ainsi assurés sont aujourd'hui indispensables au fonctionnement des établissements. Le ministre sera interrogé en séance sur ce sujet.

- La mise en _uvre du plan Handiscol, qui bénéficie d'une dotation de plus de 56 millions de francs dans le budget pour 2002, doit effectivement être accélérée. Un effort de coordination est indispensable entre les équipes pédagogiques, les associations et les communes, de même que la nécessité de faire sauter certaines résistances observées parmi les enseignants.

- La création d'un statut de directeur d'école est une revendication ancienne. Des avancées indiciaires ont eu lieu. Comme pour le statut des personnels des SEGPA, il faut laisser se dérouler la négociation.

- Le plan de relance de l'internat concerne effectivement le secteur public. La question du secteur privé devra être posée au ministre en séance, qu'il s'agisse de l'internat ou de l'équipement informatique des écoles.

- Les regroupements pédagogiques et la mise en réseau font partie des priorités du ministre, mais il faut reconnaître qu'il est parfois difficile de mettre d'accord des partenaires divers et nombreux.

- En ce qui concerne l'apprentissage des langues vivantes, il existe une réelle difficulté pour rattraper le retard accumulé. Le problème réside dans la formation des enseignants qui devrait néanmoins être améliorée. On peut critiquer la prédominance de l'anglais, on ne peut pas forcer les parents à faire pour leur enfant le choix d'une autre langue. Une réflexion est à mener sur ce sujet, réflexion dont ne peut être absente l'idée développée naguère par Claude Allègre selon laquelle l'anglais ne sera plus une langue étrangère pour les générations à venir. C'est la raison pour laquelle il sera utile de débuter l'apprentissage d'une seconde langue vivante à compter de la sixième. Le budget met par ailleurs l'accent sur l'enseignement des langues d'origine pour les populations issues de l'immigration.

- Le processus de première affectation reste délicat même si la déconcentration du mouvement a amélioré la situation. Le rapporteur reste favorable à une régionalisation des recrutements dans le cadre de concours qui demeureraient nationaux.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire et professionnel pour 2002.

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La commission a ensuite examiné, en troisième et dernière lecture, sur le rapport de M. Jacques Rebillard, la proposition de loi, rejetée par le Sénat en nouvelle lecture, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles - n° 3349.

M. Jacques Rebillard, rapporteur, a indiqué que le Sénat a rejeté, en deuxième et nouvelle lecture, la proposition de loi par l'adoption d'une question préalable. L'Assemblée nationale est donc saisie par le Gouvernement d'une demande tendant à ce qu'elle statue définitivement conformément à l'article 45, alinéa 4 de la Constitution. Cet article permet à « l'Assemblée nationale de reprendre soit le texte de la commission mixte paritaire, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat » en nouvelle lecture, la commission saisie du fond étant, aux termes de l'article 114, alinéa 3 du Règlement, alors chargée de déterminer dans quel ordre ces textes sont respectivement appelés. En l'espèce, la commission mixte paritaire ayant échoué, et le Sénat ayant rejeté le texte en bloc, l'Assemblée nationale ne peut se prononcer que sur le dernier texte voté par elle.

M. Jacques Rebillard, rapporteur, a donc proposé, conformément à l'article 45, alinéa 4 de la Constitution de reprendre, sans modification, le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième et nouvelle lecture le 11 octobre 2001.

M. Germain Gengenwin a indiqué que, s'il s'abstenait à titre personnel car cette proposition de loi maintient en l'état le régime particulier d'assurance contre les accidents du travail qui existe en Alsace-Moselle, le groupe UDF votait contre ce texte qui impose de fait une obligation d'affiliation des agriculteurs à la MSA.

La commission a décidé de demander à l'Assemblée nationale d'adopter, sans modification, le texte voté par l'Assemblée nationale le 11 octobre 2001.

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La commission a ensuite examiné, en quatrième et dernière lecture, sur le rapport de M. Philippe Vuilque, la proposition de loi, modifiée par le Sénat en nouvelle lecture, relative à la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi - n° 3350.

La commission a décidé de demander à l'Assemblée nationale d'adopter sans modification le texte voté par l'Assemblée nationale le 11 octobre 2001.


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