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Session ordinaire de 2001-2002

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES

RÉUNION DU MARDI 13 NOVEMBRE 2001

Projet de loi de finances pour 2002

Audition de Madame Catherine Tasca, Ministre de la culture et de la communication
sur les crédits de son ministère

PRÉSIDENCE de M. Jean Le Garrec
Président de la commission

La séance est ouverte à neuf heures.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous sommes ici réunis pour discuter d'un budget cher à notre commission et, la qualité pouvant s'accompagner de concision, j'espère que nous pourrons respecter les délais qui nous sont impartis.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - M. Duffour et moi-même avons l'honneur de vous présenter le budget de la culture pour 2002, dans le cadre de la procédure encore nouvelle de l'examen en commission élargie. Près de 20 questions écrites nous ont été posées et les réponses seront publiées au Journal officiel, ce qui allégera d'autant la séance publique. Je concentrerai mon intervention sur la culture en laissant le soin à M. Duffour de vous présenter le budget du patrimoine.

Malgré un contexte budgétaire plus tendu, le ministère a obtenu une fois encore des moyens accrus. Son budget augmente de 2 %, ce qui est légèrement supérieur à la progression de l'ensemble du budget de l'Etat. Grâce à un redéploiement de 400 millions de francs en crédits de paiement, le ministère pourra disposer de 750 millions de mesures nouvelles. Alors que le budget pour 2001 ne comportait pas d'emplois nouveaux, ce projet prévoit la création de 115 emplois dans les musées, monuments et services déconcentrés, ainsi que la stabilisation de 200 emplois précaires, selon le plan précédemment engagé par Mme Trautmann. Depuis 1997, les budgets de la culture opèrent un rattrapage chaque année et la promesse du Premier ministre de réserver 1 % du budget de l'Etat à la culture est réalisée cette année.

En 2002, deux secteurs prioritaires mobiliseront un tiers des mesures nouvelles. Le premier est le soutien à la création. Nous souhaitons d'abord mettre l'accent sur le spectacle vivant, avec 160 millions de francs de mesures nouvelles, soit deux fois plus que l'an passé. La prochaine directive nationale d'orientation consacrera la moitié des crédits aux esthétiques nouvelles : art de la rue, cirque et danse. Ces domaines suscitent une forte adhésion du public, mais demandent encore un soutien volontariste. Le reste des crédits ira à la décentralisation. Les autres secteurs de la création ne sont pas oubliés : les arts plastiques, l'architecture et le cinéma font en effet partie des missions essentielles de l'Etat et qui furent fondatrices de ce ministère.

En ce qui concerne les arts plastiques, un prochain décret élargira à tous les ministères le principe du 1 %. Quant à l'architecture, la concertation sur la réforme de la loi de 1977 se poursuit pour améliorer la qualité architecturale et remettre l'architecte au c_ur du processus d'aménagement bâti de nos villes. Votre commission y est très sensible puisqu'elle a organisé récemment un colloque à ce sujet. Le cinéma connaît une embellie que nous espérons durable. Sa santé est florissante tant au niveau national qu'international. L'année 2001 aura connu environ 180 millions d'entrées, soit 7 % de plus qu'en 2000. On n'avait pas fait autant depuis 1984. La part de marché des films français aura été de 38 % du total. Votre mission d'information présentera ses travaux dans ce domaine en février. Je vois dans ces résultats la concrétisation de notre politique de défense de la création originale française.

Le second secteur prioritaire est celui des enseignements artistiques, tant spécialisés qu'en milieu scolaire. Il bénéficiera de 85 millions de francs de mesures nouvelles, soit une augmentation près de 5 %. Un effort particulier est fait pour les écoles d'architecture, qui ont été transférées il y a quelques années au ministère sans les moyens adéquats, ainsi que pour les écoles d'art. Nous devrons encore continuer à augmenter leurs moyens.

Dans les autres domaines aussi, nos choix traduisent notre refus du saupoudrage et la continuité des efforts engagés. Les grands projets continuent à avancer, que ce soit le centre de la jeune création du palais de Tokyo, qui ouvrira ses portes en janvier et accueille déjà sa première promotion d'artistes, la cité de l'architecture et du patrimoine du palais de Chaillot, l'institut national de l'histoire de l'art ou la maison du cinéma à Bercy, qui réunit les archives du film, la BiFi - bibliothèque du film - et la cinémathèque française. Ils se déroulent conformément au calendrier prévisionnel.

Les crédits consacrés au patrimoine progressent de 3 %. Ils sont notamment consacrés au musées et aux archives, deux secteurs historiques mais qui sont très actifs. Je ne citerai que le musée des arts premiers du quai de Branly, le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille et le nouveau centre des archives dont le Premier ministre a annoncé dernièrement la création et qui répond à une nécessité reconnue depuis longtemps. Il conjuguera la mission régalienne de conservation des archives et la démocratisation de l'accès aux sources de la mémoire nationale pour des Français qui y sont de plus en plus attachés. Ce budget nous permettra aussi de mener à bien différents projets en région, en partenariat avec les collectivités locales.

Ce projet de budget marque enfin une étape nouvelle dans la modernisation du ministère. Celui-ci est encore jeune, mais il a connu une expansion considérable de ses missions. Il commence à être bien structuré dans les régions, mais il doit faire un effort particulier pour améliorer le dialogue avec les collectivités territoriales. La modernisation est souvent peu spectaculaire, mais nos nouveaux outils informatiques nous permettront d'effectuer un suivi enfin fiable de la consommation des crédits déconcentrés ainsi qu'un meilleur pilotage de la déconcentration. Des protocoles de décentralisation ont été engagés, à l'initiative de M. Duffour, pour trois ans à titre expérimental. Les régimes indemnitaires sont améliorés et un statut est créé pour les conseillers sectoriels des DRAC, qui étaient jusqu'alors contractuels. Ces mesures accompagnent la décentralisation dans le plein respect des missions et des responsabilités de l'Etat.

La démarche choisie nous permet de mieux mesurer les particularités d'un service public de la culture devenu plus divers, plus ouvert, plus impliqué dans la création et mieux inscrit dans les politiques publiques globales du Gouvernement. Le projet de budget pour 2002 renforcera encore les moyens du ministère et lui permettra d'assumer et le présent et l'avenir de l'espace public de la culture, que nous nous engageons à préserver.

M. le Président - Je vous remercie, Madame la ministre, de la qualité de cette synthèse.

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle - Le patrimoine figure parmi les priorités du projet de budget. C'est ainsi que les autorisations de programme augmentent de 2,27 %, pour s'établir à 1,723 milliard. Les capacités d'intervention de l'Etat s'exercent au travers des subventions à l'investissement et à la contractualisation avec les collectivités territoriales. De ce fait, les crédits d'investissement déconcentrés représentent désormais 54,4 % des crédits totaux et pour les crédits d'entretien, le pourcentage de crédits déconcentrés s'établit à 85 % pour les monuments dont l'Etat est propriétaire et à 100 % pour ceux qui ne lui appartiennent pas. Quant à l'apparente sous-consommation des crédits de l'exercice précédent, elle s'explique principalement par les bouleversements de programmes et de calendriers entraînés par les dévastations dues aux tempêtes de 1999. D'autre part, le Gouvernement a souhaité que les fonds de concours soient gérés plus rigoureusement et, donc, ajustés aux opérations effectivement réalisées.

On notera une augmentation de 10 millions de francs des crédits, désormais déconcentrés, consacrés au patrimoine rural non protégé. L'enveloppe consacrée aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat augmente de 5 % pour prendre en compte l'augmentation du coût de la construction. Je rappelle, d'autre part, que des dispositions fiscales particulières ont été prises en faveur des propriétaires de demeures classées. Une circulaire rappelle les mesures fiscales applicables à la restauration des monuments labellisés par la Fondation nationale du patrimoine.

Le projet tient compte de la création de l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive. L'organisation du futur établissement public permettra une véritable coresponsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales qui ont des services archéologiques agréés.

J'en viens à la politique nationale du ministère en faveur des métiers d'art, qui contribuent à la mise en valeur des économies locales. Outre la validation des acquis, voulue par le Gouvernement, les métiers d'art bénéficieront en 2002 d'un crédit de 4 millions au travers du financement européen des programmes de formation.

Un amendement gouvernemental au projet relatif à la démocratie de proximité a permis le transfert aux collectivités territoriales des compétences relatives à la préservation du patrimoine. De ce fait, 8 millions seront consacrés en 2002 à de nouveaux protocoles visant à affirmer la décentralisation culturelle, après que sept protocoles auront été signés en 2001.

Enfin, pour la première fois, les crédits destinés aux régions dépasseront - de peu...- la moitié des crédits totaux, pour s'établir à 50,9 % de l'ensemble. D'une manière générale, la part sans cesse croissante des crédits consacrés à la culture dans les contrats de plan Etat-régions témoigne d'une décentralisation irréversible.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances - Cette année encore, votre rapporteur spécial voit son travail facilité à la fois par un bon budget et par la rapidité avec laquelle ses questions ont trouvé réponse au ministère. Madame la ministre, soyez-en remerciée. Le projet de budget pour 2002 s'établira à 2,602 milliards d'euros, au lieu de 2,54 milliards inscrits dans la loi de finances pour 2001. On constate donc une augmentation de 2,08 %, qui fait suite à une progression de 2,37 % en 2000 et de 3,98 % en 2001. A structures constantes, le budget de la culture augmentera de 2,02 %.

L'année 2002 marquera ainsi la cinquième étape de la reconstitution d'un vrai budget de la culture, les crédits de paiement s'établissant à 1 % du budget de l'Etat, si l'on se fonde sur la structure de 1998. La promesse du Premier ministre est donc tenue. Depuis 1997, le budget de la culture a progressé de 267 millions d'euros en valeur absolue et de 304 millions d'euros supplémentaires si l'on tient compte des modifications de structure. Cette évolution a été plus favorable que celle des charges nettes du budget de l'Etat, ce qui confirme la priorité donnée à ce secteur par le Gouvernement depuis le début de la législature. C'est ainsi que les crédits du ministère représentent près de 45 % des crédits budgétaires réservés aux interventions de l'Etat dans le domaine culturel, comptes spéciaux compris.

Les mesures de nomenclature seront limitées à trois opérations : l'Institut national d'histoire de l'art, l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive et le patrimoine monumental. Enfin, les dotations au titre des subventions aux maîtres d'ouvrages locaux seront désormais directement inscrites sur l'article 90, ce qui facilitera la compréhension et simplifiera la gestion de ce chapitre.

Le budget de la culture reste marqué par l'importance des subventions aux établissements publics et par celle des dépenses d'intervention. En 1998, 22,5 % du budget étaient consacrés à financer les établissements sous tutelle, et 30,5 % à assurer les moyens d'intervention du ministère. Ces pourcentages restent stables. Outre la progression globale des crédits, l'autre bonne nouvelle tient à la création de 346 postes budgétaires, si bien que les effectifs s'établiront à 15 314 postes en 2002. 47 emplois non budgétaires seront créés dans les établissements publics sous tutelle, auxquels s'ajouteront 1 367 emplois non budgétaires créés par redéploiement, dont 1 351 au bénéfice du nouvel Institut national de recherche et d'archéologie préventive.

Sur les 346 créations budgétaires, 200 serviront à pérenniser des emplois précaires et 35 des emplois d'agents recrutés par l'association pour les fouilles nationales.

Par secteur, les interventions en faveur du spectacle vivant et du cinéma s'accroîtront de 21,8 millions d'euros et les crédits destinés aux arts plastiques passeront de 100,49 millions d'euros à 102,15 millions, en hausse de 1,65 %. Les crédits d'intervention augmenteront de 3,3 %, et même de 6,3 % en ce qui concerne les enseignements spécialisés et la formation. Les capacités d'engagement pour les secteur du patrimoine et de l'architecture passeront de 350,93 millions d'euros à 360,69 millions d'euros, en progression de 2,78 %.

S'élevant à 20,6 % de votre budget, les crédits de paiement pour dépenses en capital diminuent de 4,6 %, principalement en raison des reports prévisibles de crédits non consommés. Ils se répartissent pour moitié environ en investissements exécutés par l'Etat et pour moitié en subventions d'investissement.

Les investissements exécutés par l'Etat sur des monuments lui appartenant pour des opérations d'intérêt national atteindront en 2002 88,02 milliards d'euros en autorisations de programme et 82,26 millions d'euros en crédits de paiements. Une partie non négligeable de ces crédits est destinée à restaurer le patrimoine parisien avec l'installation de la cité de l'architecture et du patrimoine dans le Palais de Chaillot, la poursuite des travaux du Grand Palais et la restauration de l'Opéra Garnier. En province, mentionnons en particulier le plan de restauration de 87 cathédrales qui profitera en 2002 à celles de Bourges, Strasbourg, Beauvais et Amiens, ainsi que la restauration du domaine national de Versailles, grâce à une enveloppe de 11,94 millions d'euros.

Les investissements exécutés par l'Etat sur des monuments ne lui appartenant pas pour des opérations d'intérêt national représenteront 9,63 millions d'euros en autorisations de programme et 9,55 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront de réaliser des opérations lourdes comme l'aménagement du site d'Alésia, la restauration de l'abbaye de Lavoûte-Chilhac en Haute Loire, celle de grands monuments à Lille ou à Paris. S'y ajoutent des crédits d'intervention déconcentrés de 11,05 millions d'euros, en progression de 5 %.

Pour terminer, j'aimerais vous poser quelques questions. D'abord quelles demandes votre ministère a-t-il formulées pour le prochain collectif budgétaire ? A-t-il fait étudier l'impact de l'aménagement et de la réduction du temps de travail sur les pratiques culturelles ? Cette révolution dans l'organisation du temps n'implique-t-elle pas, pour l'avenir, l'accroissement des moyens du ministère de la culture ? A propos de la réduction du temps de travail, où en sont les négociations avec le personnel et combien ont coûté les grèves qui ont affecté les principaux établissements culturels ? Depuis plusieurs années, se pose la question du financement des conseils d'urbanisme et de l'environnement. Traitera-t-on de ce dossier dans la prochaine réforme de la profession d'architecte ? Quel bilan peut-on dresser de la politique menée en faveur du spectacle de rue ? Vous lui accordez un soutien particulier dont nous avons bénéficié dans ma région, après quelques coupes claires tout à fait inadmissibles pratiquées localement. Enfin, que deviendront les _uvres conservées dans le Pavillon des Sessions du Louvre en attendant l'ouverture du musée du quai Branly et seront-elles intégrées au futur musée ?

M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La mission d'un rapporteur pour avis consiste plutôt à vous interroger sur la politique culturelle que votre budget est censé refléter. Auparavant je voudrais vous remercier d'avoir répondu aussi rapidement au questionnaire budgétaire ; c'est la première fois que nous disposons de l'ensemble des réponses avant le débat.

Le budget de la culture augmente de 2 %. Même si cela vous permet d'atteindre le 1 % des charges de l'Etat, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre en 1997, ce n'est gère généreux et cela vous oblige à des choix. Je ne vous en fais pas le reproche, mais je vous demanderai de les expliciter. Manifestement, vous accordez la priorité au spectacle vivant. Les milieux concernés avaient vivement critiqué l'insuffisance du budget 2001. Je n'ose penser que cela ait suffi pour influencer la structure de ce dernier budget de la législature. Le budget de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles augmente donc de plus de 3 %, soit de 132 millions de francs, et ses crédits d'intervention de plus 6,73 %. Par comparaison, ceux de la direction des archives diminuent de 21 % soit 38,7 millions de francs, cette diminution affectant en particulier les autorisations de programme. Etant donné la détresse des centres d'archives, on peut s'étonner qu'il ne soit pas prévu d'investissement à moyen terme. Le budget des musées de France diminue aussi fortement de 11,5 %, soit 55 millions de francs, alors même que, grâce à la pugnacité du Parlement et de la mission d'information sur les musées dirigée par M. Recours, le projet de loi sur les musées vient d'aboutir. Seules les subventions de fonctionnement aux établissements publics augmentent, tous les autres postes sont en diminution. Comment expliquer ce contraste ? Ce budget a ses favoris et ses oubliés.

J'en viens à l'examen titre par titre.

Après les quatre semaines de grève sur le passage aux 35 heures, votre politique de l'emploi, et donc le titre III, nous intéresse particulièrement. Sur les 350 créations de poste pour 2002, 200 sont en fait des consolidations. Il était certes nécessaire de résorber l'emploi précaire, mais cela ne laisse que 150 créations réelles. Si le passage aux 35 heures doit se faire à effectif presque constant, on comprend mieux le malaise social. Où en sont les négociations, et pourquoi sont-elles aussi difficiles ? Peut-on vraiment s'en tenir aux gains de productivité sur les postes fixes comme ceux des gardiens de musée ? Cette grève est extrêmement coûteuse et représente un beau gâchis pour l'image de marque des établissements culturels : on sait que le public se perd plus vite qu'il ne se gagne. Ne pouvait-on éviter d'en arriver là ?

Treize postes seront créés au profit des DRAC et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, dont dix postes d'architectes des Bâtiments de France. Est-ce vraiment ainsi qu'on mettra en _uvre la déconcentration des services, d'autant que le sous-effectif est chronique et que des postes ne sont pas pourvus par exemple en Champagne-Ardenne ? A ce propos, la culture a été la grande oubliée des lois de décentralisation ; ne pensez-vous pas qu'on devrait répartir différemment les compétences en ce domaine entre l'Etat et les collectivités ?

En ce qui concerne le titre IV et les crédits d'intervention, vous avez souhaité donner la priorité à la création mais j'ai le sentiment que, pour être aidé, mieux vaut être danseur ou metteur en scène qu'artiste plasticien. Les dotations destinées à la Délégation aux arts plastiques croissent en effet de 3,3 % et de 12 millions, mais 11,5 millions iront au Centre de la jeune création du Palais de Tokyo ! Quant aux crédits d'acquisition, ils ne bénéficieront pas d'un euro supplémentaire, non plus que la Direction de l'architecture et du patrimoine, pour faciliter la diffusion de l'art contemporain. Pourtant, dans ce dernier domaine, les plaintes sont nombreuses et un rapport au vitriol a même été remis au ministre des affaires étrangères.

Le piètre traitement réservé à la Direction de l'architecture et du patrimoine me surprend et me déçoit également. N'a-t-il pas été question de la loger dans des Algeco à la Villette ? J'aimerais en tout cas que vous fassiez le point sur les projets de réorganisation de votre ministère, ainsi que sur l'opération des Bons Enfants.

Les crédits d'acquisition du chapitre 43-92 progresseront de 4,3 millions ; 2 millions de mesures nouvelles sont prévues pour le patrimoine monumental, 1,9 million pour le Fonds du patrimoine et pour l'achat de trésors nationaux et 800 000 F pour le spectacle. En revanche, les crédits destinés aux commandes publiques et aux achats d'_uvres d'art diminuent de 385 000 F et rien n'est prévu pour le patrimoine muséographique ou pour le Centre Pompidou. Je sais que le Parlement vient d'obtenir du ministère des finances un avantage fiscal pour les entreprises contribuant à l'achat de trésors nationaux, mais ce n'est pas une raison pour ne doter le Fonds du patrimoine que de 97 millions de francs, soit à peine la moitié du prix atteint par un tableau de Degas lors d'une vente récente. Pourriez-vous préciser vos orientations en la matière ?

Vous savez que je porte un intérêt tout particulier aux arts du cirque, pour lesquels un salon est organisé à Châlons-en-Champagne. Je me félicite donc du soutien que vous apportez à ce secteur de la vie culturelle et à votre décision d'organiser une Année des arts du cirque. Cependant ces artistes auraient besoin de conseils et d'expertises dans les matières juridique, réglementaire, économique, comptable et fiscale. La disparition de l'ANDAC, en 1994, les a laissés démunis dans tous ces domaines et l'association HorsLesMurs ne peut répondre à leurs demandes. Que comptez-vous faire pour les aider ?

S'agissant du patrimoine, les crédits d'investissement des titres V et VI sont en complète stagnation. Par ailleurs, le regroupement en un article unique de ceux qui sont consacrés aux opérations déconcentrées ne permet pas d'isoler les dotations destinées aux monuments historiques. Je regrette profondément ce qui m'apparaît comme une insouciance à l'égard du patrimoine commun : la culture se nourrit de création, mais elle plonge ses racines dans une histoire et on ne peut donc ainsi faire fi du poids de notre mémoire. J'aimerais en tout cas que vous précisiez votre conception du travail que doit mener la Fondation du patrimoine. Je souhaiterais également des informations sur le projet de musée du Quai Branly : quel est le calendrier des travaux ? Où en est la mission de préfiguration ? Quels seront les moyens de fonctionnement de l'établissement public ? De quels crédits disposera-t-il pour constituer les différentes collections ?

Je vous ai posé de nombreuses questions, sans doute, mais j'espère que vous pourrez y répondre avec la même célérité que vos services l'ont fait au cours de l'été et de l'automne.

M. le Président de la commission - Il faut en effet féliciter la ministre pour la célérité avec laquelle elle nous a répondu. On voit qu'elle a longtemps présidé une commission. Peut-être pourrait-elle maintenant organiser des stages de formation pour ses collègues du Gouvernement (Sourires).

Monsieur Bourg-Broc, vous ne pouvez compter pour rien le fait que ce gouvernement a tenu son engagement de consacrer 1 % du budget à la culture. Je pense d'ailleurs que cet élément vous a contraint à un exercice de trapèze difficile, mais vous en êtes venu à bout grâce à votre intérêt pour les arts du cirque ! Quant aux négociations professionnelles, peut-être pourriez-vous vous adresser avec profit à la directrice de l'action architecturale...

Que les négociations sur les 35 heures soient délicates, il n'y a là rien pour étonner. En revanche, je pense qu'il faudrait accorder beaucoup plus d'attention qu'on ne le fait à la transformation du rapport au temps qui va résulter de cette réforme.

Tout ce que la ministre ou le secrétaire d'Etat ont dit sur les métiers de l'art et de l'artisanat témoigne d'une politique de grande qualité. Nous avons pour notre part organisé une table ronde sur l'architecture et nous souhaitons qu'un projet de loi soit soumis au Conseil des ministres le plus vite possible. Pour ce qui est du cinéma, la mission Rogemont s'est en effet achevée en février et il serait bon qu'on accélère la décentralisation des aides à la création.

S'agissant des musées, la CMP a abouti et le texte sera voté définitivement à la fin de décembre. Pourriez-vous veiller à ce que les décrets soient prêts à ce moment ?

Le projet relatif aux établissements publics culturels est très attendu. Il a été voté en première lecture par les deux assemblées et j'espère que les efforts déployés par M. Duffour afin de convaincre nos collègues du Sénat permettront là aussi d'aboutir en CMP. En effet, s'il en était autrement, il faudrait repartir de zéro, je le crains.

Je solliciterai également M. Duffour pour qu'il aide à débloquer le débat sur le texte relatif à la protection des objets nationaux.

Cela étant dit, Madame la ministre, nous vous sommes reconnaissants de votre pugnacité et de la qualité de votre action. Les initiatives prises par la commission ne visaient qu'à vous appuyer et j'espère que vous n'avez qu'à vous en féliciter.

Mme la Ministre - Je remercie les rapporteurs et le président de la commission pour les appréciations qu'ils ont portées sur le travail de mon ministère. Le fait que je n'aie quitté le Parlement que récemment m'a peut-être aidé à comprendre l'intérêt du travail parlementaire, y compris pour le ministre lui-même.

La réduction du temps de travail aura en effet un impact sur les pratiques culturelles et, puisque mon ministère élabore tous les trois ans une étude sur le sujet, je vous annonce que la prochaine sera consacrée au sujet, c'est-à-dire à la relation entre transformation du temps de vie et évolution des pratiques.

Les grèves dans mon département durent depuis le 8 octobre. Le mouvement, qui a touché 15 % des effectifs environ le premier jour, a ensuite été suivi inégalement. Il est aujourd'hui suspendu mais certains monuments ou musées doivent encore fermer, en raison de blocages ponctuels des caisses. Ce mouvement me préoccupe bien évidemment et je n'ai jamais voulu laisser mes services seuls dans les négociations.

Notre ministère est en train de moderniser et d'étendre son action, il doit renouveler profondément sa relation avec le public, ce qui soulève évidemment certaines questions. Une journée nationale d'action est prévue le 15 novembre, et nous avons pris rendez-vous avec l'intersyndicale pour le 16. Les discussions n'ont jamais cessé, mais nous devons les conduire dans le cadre du décret du 25 août 2000, qui s'applique à toutes les administrations.

Cela dit, il faut reconnaître que notre administration ne dispose pas encore de tous les moyens qui lui seraient nécessaires ; c'est un héritage très ancien que nous nous efforçons de corriger. La situation des DRAC s'est beaucoup améliorée, Monsieur Bourg-Broc. On a défini un statut de conseiller sectoriel - ce qui permettra de mieux gérer les effectifs -, créé des emplois de conseiller pour l'architecture, alors qu'il n'y en avait aucun voici peu. J'espère que les négociations en cours aboutiront.

Le spectacle de rue a déjà reçu ses lettres de noblesse comme le démontrent les brillantes performances du Royal Deluxe. Cette forme de spectacle, considérée longtemps comme foraine, n'entrait pas dans les compétences traditionnelles du ministère. Mais j'ai pu constater cet été, à Aurillac, les progrès réalisés, et il paraît tout à fait légitime de consacrer à ces activités un chapitre budgétaire. Les crédits pour 2002 augmentent sensiblement, et je compte bien renforcer les relations institutionnelles avec les acteurs, sachant que nous devons compter là aussi avec les collectivités locales. De ce point de vue, je suis préoccupée de certains revirements.

A propos du cirque, je tiens à rassurer M. Bourg-Broc. Le ministère lui accorde toute sa place, qu'il soit traditionnel ou plus novateur. Nous soutenons les écoles de cirque, qui rencontrent un grand succès auprès des jeunes - une école Fratellini vient de s'installer à Saint-Denis. Le ministère s'efforce de parvenir à une mise en réseau des différentes initiatives.

Vous m'avez interrogée encore sur l'avenir des _uvres présentées actuellement au pavillon des sessions. Elles recueillent beaucoup d'intérêt de la part du public, et modifient l'image du Louvre, dans un échange réciproque : la collection des arts premiers tire certes bénéfice de sa présentation dans un lieu aussi prestigieux, mais le musée du Louvre lui-même y trouve une audience renouvelée. C'est pourquoi, la collection restera au pavillon des sessions après l'ouverture du musée Branly, pour incarner un lien essentiel entre des siècles et des continents demeurés jusqu'ici trop cloisonnés. Les travaux du musée Branly ont commencé en juin 2001, ils devraient se terminer fin 2004. Les collections qu'on y présentera sont en cours de récolement et de restauration au Musée de l'homme et au Musée de la Porte dorée, où elles continueront d'être exposées jusqu'en 2003.

Il est vrai, et je le revendique, qu'un budget doit marquer des choix. Le champ de ce ministère est immense, mais il ne faut pas considérer seulement les mesures nouvelles. Le budget préserve la continuité des missions fondamentales, archives, patrimoine, arts plastiques. Pour ces derniers, de nouveaux locaux seront installés dans le quartier de l'Opéra. Mais ce n'est pas l'émotion de certains personnels à l'idée de s'exiler à la Villette qui a déterminé ce choix, ce sont des problèmes techniques. Une installation à la Villette, site symbolique de l'expansion culturelle de la capitale, n'eût certes pas été une infamie pour les plasticiens et les fonctionnaires de ce secteur. Quant aux autres services, ils s'installeront aux Bons Enfants au début 2004. L'ensemble que représentent le réseau des centres d'art, le réseau des FRAC, les musées d'art contemporain, l'ouverture de Tokyo, manifestent bien l'attention du Gouvernement au secteur des arts plastiques.

Il n'y a aucun recul pour les archives, si l'on considère la tendance sur plusieurs années. Mais le budget 2001 comprenait une opération exceptionnelle à Marseille - pour 50 millions de francs.

Les métiers d'art revêtent une grande importance, Monsieur le Président, dans notre vision de la politique culturelle. Ils font en effet le lien entre la création artistique la plus expérimentale et le savoir-faire traditionnel.

Nous travaillons à la loi sur l'architecture en liaison avec ma collègue Marie-Noëlle Lienemann. Mais nous avons le souci d'associer la concertation d'autres professions que celle des architectes.

Le spectacle vivant occupe il est vrai une place particulière dans le budget. Cela tient d'abord à l'histoire, car c'est l'action des gens du spectacle, dans le cadre de la décentralisation dramatique notamment, qui a lancé le grand mouvement d'irrigation de l'ensemble du territoire. Le réseau du spectacle vivant reste un ferment indispensable, et nous avions à redresser une situation compromise.

M. le Secrétaire d'Etat - Un mot pour répondre à différentes questions. Monsieur Bourg-Broc, vous savez que nous sommes très attentifs aux difficultés des propriétaires privés. Nous veillons à les rencontrer lors de chacun de nos déplacements, comme je l'ai fait il y a quelques jours dans le Bourbonnais. De 1997 à 2001, les crédits consacrés à leurs édifices ont augmenté de 20,7 % et ils continuent à progresser cette année. Par ailleurs, l'an dernier, l'Etat a alloué 200 millions de francs aux propriétaires privés pour réparer les dégâts des tempêtes.

Nos rapports avec la Fondation du patrimoine sont étroits, notamment avec ses antennes locales. Nous venons de mener une action exemplaire en commun dans le Valenciennois. Il faut maintenant évaluer les effets des déductions fiscales annoncées l'an passé par Mme Tasca, qui peuvent se monter à 50 % du montant des travaux pour la réparation et l'entretien des façades, toitures et infrastructures.

En ce qui concerne la loi Lequiller, un groupe de travail a été constitué, mené par le sénateur Laffitte, pour rapprocher les points de vue, ce qui ne devrait pas être insurmontable. Reste maintenant à inscrire le texte à l'ordre du jour du Sénat. Quant au fait que nous ayons regroupé différents travaux sur une seule ligne budgétaire, il ne s'agit pas de rendre la procédure budgétaire moins lisible mais de conférer davantage de souplesse aux opérations décentralisées. Le contrôle parlementaire peut continuer à s'exercer sur les sommes allouées région par région.

S'il est vrai que nous avons peu légiféré en matière de décentralisation culturelle depuis 1983, le mouvement ne s'en est pas moins développé, par le fait d'une intervention de plus en plus importante des collectivités territoriales. C'est ce qui a motivé les nouveaux protocoles de décentralisation, qui semblent susciter le consensus. Ils permettront de développer les actions culturelles en assurant une meilleure répartition et une meilleure individualisation des compétences. Hier, en Lorraine, les quatre départements et la région, toutes tendances politiques confondues, ont signé avec moi un protocole pour développer l'inventaire dans la région. Dans deux ou trois années, au vu de ces expérimentations, nous serons en mesure de légiférer.

Enfin, l'ensemble des parlementaires s'accordent au sujet de la création des établissements publics de coopération culturelle. Un seul point de la proposition de loi pose encore problème. L'Assemblée nationale refuse que ces établissements utilisent des CDI de droit public, ce qui risquerait de généraliser ce type d'emploi et serait contraire aux souhaits de tous les syndicats de la fonction publique. Le Sénat, lui, n'exclut pas ces contrats qui existent déjà dans de grands établissements publics nationaux tels que celui de l'archéologie préventive.

M. le Président de la commission - Je vais donner maintenant la parole aux représentants de chaque groupe et je leur demande avec insistance de respecter leur temps de parole.

M. Michel Herbillon - Vous appelez à la concision, Monsieur le Président, et de façon récurrente mais pour la première fois que ce budget est examiné selon la nouvelle procédure, nous devons avoir le temps de nous exprimer. Pour ma part, je respecterai l'esprit de cette procédure en privilégiant les questions aux ministres.

Tout d'abord, on nous annonce un budget qui bénéficie à deux secteurs prioritaires : le soutien à la création et l'enseignement artistique. Peut-être serait-il plus justifié de parler de soutien au spectacle vivant que de soutien à la création. L'opposition ne voit rien à redire à ce que le spectacle vivant soit le « chouchou » de la ministre, mais assumez-en les conséquences ! Il est évident que les archives, les musées, l'architecture, la musique, la danse, le patrimoine et les arts plastiques subiront le contrecoup de cette préférence, mais vous nous avez expliqué ce qui avait motivé votre choix.

Vous évoquez aussi le fameux 1 % et la réalisation des promesses du Premier ministre. Respecter ses engagements est certes une bonne façon de faire de la politique, mais elle n'est pas réservée à la majorité. Personne ne se plaint de vous voir arriver au 1 %, mais nous ne comptons pas non plus nous en extasier. Si ce mot d'ordre avait un sens il y a trente ans, il ne signifie plus vraiment grand chose, sauf pour la politique de communication de votre ministère. Passer de 0,94 % à 1 % du budget d'une année sur l'autre ne va pas révolutionner la politique culturelle, d'autant que les prévisions vont peut-être être revues à la baisse compte tenu du ralentissement de la croissance.

Outre les moyens nouveaux, vous avez obtenu l'accord du Premier ministre pour redéployer les crédits d'investissement qui n'avaient pas été consommés. Pouvez-vous préciser l'origine de ces fonds ? Par ailleurs, atteindre le 1 % ne peut dissimuler que les marges de man_uvre de la politique culturelle sont réduites. En effet, les crédits de fonctionnement absorbent les trois quarts du budget. Le coût exorbitant des grands travaux mitterrandiens mine en particulier le budget de la culture depuis plusieurs années. Sans remettre en cause l'Opéra Bastille ni la Bibliothèque nationale de France, on ne peut que constater qu'ils ont connu de nombreux avatars qui nous coûtent très cher. J'espère que les déboires à répétition de la BNF finiront par s'apaiser. En revanche, l'image que donnent l'Opéra Bastille et la Grande Arche de la Défense est particulièrement dégradante. L'Opéra, ce fleuron de notre patrimoine, est emmailloté dans des filets depuis cinq ans - sans compter que les sommes consacrées à l'installation et à l'entretien de ces filets auraient bien été utiles ailleurs. Il s'agit d'éviter que les plaques qui recouvrent la façade ne tombent sur les passants ! De même, la Grande Arche de la Défense est recouverte de marbre de Carrare - excusez du peu - mais qui ne supporte pas les intempéries ! La France est la première destination touristique, mais lorsque les étrangers viennent à l'Opéra, ils ne voient que des abords effroyablement sales et des filets dont ils finiront pas penser qu'ils font partie du projet initial de l'architecte !

Alors, Madame la ministre où en sont les expertises, quel sera le coût des réparations, combien de temps tout cela va-t-il durer et qui va payer ? De même, quel est le coût prévisionnel de fonctionnement des nouvelles infrastructures dont vous nous annoncez la création ?

De manière plus générale, le temps est venu d'envisager différemment le financement de la politique culturelle de l'Etat. Pour cela, il faut commencer par décider d'une politique d'évaluation des performances, ce qui suppose la mise en place généralisée d'une comptabilité analytique. La Comédie Française s'est lancée dans cet exercice, mais c'est un cas isolé. Envisagez-vous la même procédure pour la Bibliothèque Nationale de France ou le Louvre ? Je rappelle, par ailleurs, que la Cour des Comptes recommande la création d'un Observatoire des spectacles vivants ; qu'en pensez-vous ?

J'en viens au mécénat. C'est tout l'honneur du Parlement d'avoir constitué une mission d'information bien avant la discussion du projet de loi sur les musées, et je remercie le président Le Garrec d'avoir permis la constitution de ce groupe de travail, auquel j'appartiens. Les parlementaires qui le composent demandent, tous, une montée en puissance du mécénat, lequel ne devrait pas se substituer au financement public mais le compléter. Je me félicite, à cet égard, que la CMP réunie pour examiner les dispositions de la loi sur les musées soit tombée d'accord sur le principe d'une disposition fiscale très incitative. Cependant, Madame la ministre, peut-être auriez-vous besoin de l'appui des parlementaires, toutes sensibilités confondues, dans le combat constant qui vous oppose au ministère des finances... La rumeur court en effet que Bercy voudrait remettre en cause le double dispositif qui fait l'objet de l'article 15 du nouveau texte et, en bref, la déduction de 40 %. D'autre part, il serait sans doute judicieux de proposer une déduction fiscale de 100 % lors de l'achat d'_uvres, car le « ticket modérateur » que vous souhaitez instituer pour des motifs symboliques sinon idéologiques risque d'avoir un effet dissuasif pour nombre d'entreprises.

M. le Président de la commission - Je vous serais obligé de conclure.

M. Michel Herbillon - J'y viens, Monsieur le Président, mais non sans avoir évoqué notre patrimoine. Je me dois en effet de souligner la situation des propriétaires des 40 000 monuments historiques privés. L'Etat ne consacre en moyenne que 20 000 francs à chacun de ces monuments non protégés, ce qui est très insuffisant. D'autre part, vous devriez, Madame la ministre, vous faire le chef d'orchestre de la protection du patrimoine qui dépend des ministères de l'éducation nationale, de la santé ou de la défense. A titre d'exemple, je vous rappellerai le cas de l'école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, dont je vous ai saisie, et à propos duquel je me suis heurté à une fin de non-recevoir. Ce bâtiment, qui date de 1775, est dans un état de délabrement complet ; pour des raisons administratives que je peux comprendre mais qui n'excusent rien, rien n'est fait, si bien que les dégradations vont s'accentuant.

M. le Président de la commission - Monsieur Herbillon, je vous en prie, finissez-en.

M. Michel Herbillon - Tout de suite, Monsieur le président, mais il me reste à traiter de la mise en place chaotique des 35 heures au ministère de la culture et de l'image désastreuse que cela donne de nos musées aux innombrables touristes qui ont, bien trop souvent, trouvé porte close. Enfin, Madame la ministre, quel est le bilan des cartes d'abonnement instituées dans les cinémas et que pensez-vous du développement désordonné des salles en multiplex ?

M. Bernard Birsinger - Ainsi, le fameux « 1 % « est atteint ; faut-il pour autant crier victoire ? Si l'on fait référence à la politique suivie par la droite entre 1993 et 1997, qui avait été de réduire de 20 % le budget de la culture, on le peut, en effet, et vous avez eu raison, Madame la ministre, de rappeler que le budget de votre ministère a augmenté de 16 % en 5 ans. Les critiques du groupe communiste doivent donc être comprises comme l'expression de la nécessité du passage à la vitesse supérieure.

En 2002, le spectacle vivant aura la part belle, ce dont je me félicite puisque, l'année dernière, j'avais demandé le doublement des mesures nouvelles en sa faveur ; c'est chose faite. Ainsi, de jeunes compagnies pourront exercer leurs talents en de nouveaux lieux sur tout le territoire, ce qui est bien. Mais les besoins sont tels que ces premiers moyens devront être bientôt complétés.

Plus largement, je ne pense pas que l'on puisse tenir pour une victoire de consacrer 1 % du budget de l'Etat à la culture. Les enjeux sont considérables car la culture est le moyen d'action privilégié contre la marchandisation de la société et l'on sait combien les financiers lorgnent sur le secteur culturel, en France particulièrement. La pression du « tout sécuritaire » se renforce sans cesse ; qui ne sait pourtant, que la solution aux problèmes sociaux que nous connaissons passe aussi par l'éducation, la création et donc l'accès de tous à la culture ? Je me félicite donc de l'effort décidé par le Gouvernement en faveur de l'enseignement artistique. Elu de Bobigny, commune où le libéralisme a fait des ravages, je suis déterminé à ne pas baisser la garde. Les attentats du 11 septembre disent assez la nécessité de l'action culturelle. C'est dire que le budget qui nous est proposé est très en deçà des attentes. Il faut ouvrir une nouvelle ère culturelle, en profitant des nouvelles formes artistiques qui apparaissent, des perspectives offertes par les nouvelles techniques de l'information et de la communication, des retombées de la RTT et des nouveaux partenariats institués entre l'Etat et les collectivités territoriales. Les lois de décentralisation devraient permettre une politique culturelle renforcée. D'ailleurs, le « 1 % » a été revendiqué il y a 20 ans, et le symbole de la nouvelle ambition culturelle que j'appelle de mes v_ux devrait être un budget de la culture établi à 2 % du budget de l'Etat.

On connaît, aussi, les attentes du personnel. On se félicitera, certes, que le Gouvernement se donne pour objectif la résorption de la précarité, mais il faut prévoir des emplois nouveaux en nombre suffisant pour garantir l'application harmonieuse des 35 heures. Les moyens nécessaires doivent être dégagés à cette fin et des négociations de fond devront être engagées avec l'intersyndicale, qui vise l'amélioration du service public.

S'agissant de la transparence, nous nous réjouissons d'apprendre que Bercy envisage de réaffecter au ministère de la culture 380 millions de francs de crédits gelés, mais nous aimerions savoir quel en était l'usage prévu. De même, les répartitions internes aux DRAC se caractérisent par leur opacité, et nous souhaitons mieux comprendre l'affectation de ces crédits.

En conclusion, tout oppose l'action culturelle de la gauche et celle de la droite. Pour autant, la culture est un enjeu de civilisation. Des moyens en augmentation substantielle doivent donc lui être consacrés.

M. Christian Kert - Votre budget atteint 1 % de celui de l'Etat ; au-delà de l'effet d'annonce, cet objectif n'a plus le même sens que lorsqu'il fut fixé il y a vingt ans. Votre ministère couvre de nouveaux secteurs comme l'architecture et des établissements issus des grands travaux présidentiels en dépendent désormais. Enfin, le seuil de 1 % est fragile et à la merci d'un collectif budgétaire, nous l'avons vu en 1993.

En outre, la répartition des crédits nous inquiète. Les crédits de fonctionnement absorbent la plus grande part de la croissance globale, notamment par la création d'emplois. En revanche, les dépenses en capital diminuent de 4,5 %, les crédits d'acquisition sont insuffisants, de même que les crédits d'entretien et il vous faut gérer le difficile passage aux 35 heures.

L'augmentation des crédits de fonctionnement permettra certes de poursuivre des objectifs nouveaux. Mais il s'agit pour 380 millions de crédits non utilisés à leur affectation d'origine. Sous couvert de mobiliser tous les moyens disponibles, il y a là un redéploiement occulte au détriment des dépenses d'investissement. De plus cette augmentation introduit une rigidité dans votre budget car les moyens consacrés aux services en représentent 48 % contre 40 % il y a cinq ans seulement : il sera difficile de revenir en arrière.

A elle seule la Bibliothèque nationale de France, avec 623 millions, absorbe 10 % des frais de fonctionnement culturel. On ne peut continuer ainsi. J'imagine que vous réfléchissez à la façon de maîtriser l'inflation de ces dépenses.

Les 364 créations d'emplois et les 397 titularisations concourent à résorber l'emploi précaire, ce qui était nécessaire. Mais il ne sera pas possible de remédier aux difficultés de fonctionnement du ministère et surtout des services déconcentrés dont le personnel est vraiment insuffisant. Il faudrait améliorer la gestion des ressources humaines qui n'est plus adaptée à la multiplication des établissements sous tutelle. Là encore, je ne doute pas que ce soit un de vos sujets de préoccupation.

Les moyens affectés à la création et au spectacle vivant doublent, mais c'est avant tout au profit des institutions nationales, notamment théâtrales. La rallonge budgétaire que vous avez obtenue suffit à peine à faire face à l'augmentation des charges de nos scènes dramatiques et au passage aux 35 heures. Quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

Notre politique du patrimoine est insuffisante et les biens culturels risquent de partir à l'étranger. L'activité du marché de l'art français a diminué de 24 % en dix ans alors que le montant des ventes augmentait de 12 % en Allemagne et de 50 % en Grande-Bretagne. Il y a bien là un phénomène propre à notre pays ; comme le disait Pierre Rosenberg, « France, ton patrimoine fout le camp ! ». Les crédits du patrimoine ne permettront pas d'inverser la tendance et les arbitrages budgétaires se font à leur détriment. Les crédits d'acquisition sont réduits à la portion congrue alors qu'il est de la responsabilité propre de l'Etat d'augmenter nos collections et de protéger les trésors nationaux. Il est vrai que le budget pèse peu face au prix atteint par certaines _uvres. Dans ce domaine, la mission sur les musées a suggéré certaines pistes, comme l'encouragement au mécénat. Pour cela, il faudrait réformer la législation, augmenter le montant déductible lors de l'achat des _uvres et permettre aux entreprises de les exposer dans leurs locaux jusqu'à la donation. Il s'agit d'un aspect important de la loi sur les musées. Comptez-vous suivre le Parlement sur ce point et quel effort ferez-vous pour les dations ?

Les archives restent le parent pauvre du ministère de la culture, alors qu'il s'agit d'un élément essentiel du patrimoine. Les promesses faites par le colloque sur les Français et leurs archives restent à l'état de bonnes intentions. Avec 4,3 millions de crédits de fonctionnement et 3 millions de dépenses d'investissement, ce budget ne traduit pas les engagements pris. Pour la Cité des archives notamment, va-t-on enfin aller au-delà des études préalables ?

La politique culturelle est soumise à une forte pression sociale, on l'a évoqué. Alors que la saison touristique était déjà menacée, le Louvre a perdu 400 000 visiteurs et le Centre Pompidou 250 000 F de recettes par jour. Il faut évidemment s'en préoccuper.

Je veux enfin, s'agissant des intermittents du spectacle, dénoncer l'attentisme du Gouvernement, sinon le votre - vous êtes restée plutôt silencieuse - du moins celui de la ministre de l'emploi qui semble se complaire dans le vide juridique actuel. Comment peut-elle en appeler à la responsabilité des acteurs sociaux, alors que sa politique a entraîné le départ du patronat des conseils d'administration des organismes sociaux ?

M. le Président de la commission - Cette conclusion n'est pas à la hauteur du reste de votre intervention.

M. Olivier de Chazeaux - Je ne reviens pas longuement sur la cosmétique du 1 %. Elle n'a pas empêché des critiques nombreuses à divers titres. Étant donné l'importance des frais de fonctionnement, il s'agit avant tout d'un budget de l'administration de la culture, les artistes étant moins privilégiés. Il serait plus juste d'annoncer un budget de 0,5 % pour l'action culturelle.

A propos de la politique de l'emploi, je ne crois pas avoir entendu vos réponses aux questions de M. Idiart sur d'éventuels crédits au collectif budgétaire et sur la mise en _uvre de la réduction du temps de travail.

Je me félicite du soutien apporté au spectacle vivant. Comme le démontre le festival d'Aurillac, c'est un bon moyen de ramener les Français à leur culture. Mais j'aimerais savoir si dans ce domaine vous allez soutenir la création plutôt qu'aider à prendre en charge les frais de fonctionnement des théâtres et des festivals. S'agissant du festival d'Avignon, quel est l'état de votre réflexion aujourd'hui ? Après les débats houleux de l'été sur son avenir, en restez-vous à votre première analyse sur sa direction ? Allez-vous accroître votre soutien ? Pour ma part, j'y serais favorable.

Nous pouvons être satisfaits des succès du cinéma français, mais je préférerais que vous parliez de sa promotion plutôt que de sa défense. Notre cinéma est novateur, par exemple en ce qui concerne la numérisation. Quel soutien allez-vous lui accorder dans ce domaine ? Le succès va à un cinéma de qualité, un cinéma d'auteur. Envisagez-vous d'apporter un soutien à l'écriture ?

Il y a là un risque de carence à conjurer. Vous avez demandé une étude à des professionnels : que retenez-vous de leurs propositions ?

Je ne suis pas entièrement convaincu par ce que vous proposez pour l'enseignement artistique dans le secondaire, car je ne suis pas certain que les élèves se passionnent pour la pratique des arts plastiques. Ne vaudrait-il pas mieux, en liaison avec l'éducation nationale, développer l'enseignement de l'histoire de l'art ? Et, pour l'enseignement supérieur, fallait-il se contenter d'augmenter les crédits de 0,71 % ?

Je prends acte avec satisfaction d'une première aide de 4 millions en faveur des métiers d'art, mais je souhaiterais qu'on développe davantage l'enseignement de ceux-ci, avec le souci de les revaloriser.

Beaucoup ont relevé la faiblesse des crédits d'acquisition, sans commune mesure avec les prix du marché de l'art. J'aimerais donc savoir de quel _il vous regardez la suggestion faite par M. Rosenberg : êtes-vous favorable ou hostile à une utilisation des recettes de la Française des Jeux ?

La politique du patrimoine perd beaucoup du fait de la non-consommation des crédits, enfin, et j'y vois un des effets de l'absence d'une loi-programme.

M. le Président de la commission - Que ne vous laissez-vous aller à voter ce budget, au lieu de chercher des arguments mal fondés pour le rejeter ? Ainsi, ne pouvez-vous comprendre qu'il faut d'abord défendre le cinéma pour le promouvoir ?

M. Marcel Rogemont - Cette charge de cavalerie légère est en effet bien faible, tant les éléments en sont mal assis ! M. Bourg-Broc, par exemple, au lieu de « budget d'une apparente qualité », aurait été mieux avisé de parler d'une « qualité bien apparente ». N'avons-nous pas retrouvé le niveau de 1 % ? Ce pourcentage ne relève certainement pas d'une politique cosmétique, et ce n'est pas non plus une frontière. En revanche, à travers lui, on peut lire toute l'histoire récente du budget de la culture et l'opposition entre une politique de droite, qui a réduit les crédits de 11 % entre 1993 et 1997, et une politique de gauche qui les a accrus de 16 % et de 2,4 milliards. Aujourd'hui, au terme de la législature, nous nous retrouvons ainsi avec le meilleur budget que nous ayons connu depuis des lustres.

M. Michel Herbillon - Les prédécesseurs de Mme Tasca apprécieront...

M. Marcel Rogemont - Le résultat supposait un effort continu et toute comparaison sera donc bienvenue...

Ce budget est d'abord le meilleur parce qu'on y privilégie les dépenses certaines plutôt que les dépenses espérées. Ce choix permet des redéploiements et des mesures nouvelles, à hauteur de 751 millions. Le ministère aura ainsi les moyens de ses ambitions, notamment en faveur de la création et du spectacle vivant. Pour ce dernier secteur, les dotations ont crû de 40 millions en 1998, de 110 en 1999, de 80 en 2000 et en 2001, et elles croîtront de 160 l'an prochain, soit une progression de 470 millions en cinq ans. Elles atteindront ainsi 2 415 millions et la danse, dont certains se soucient, aura bénéficié d'une augmentation de 60 % sur ces cinq ans - de 15 % rien que pour 2002. On voit donc qu'aucune forme de spectacle vivant n'est négligée.

S'agissant de la démocratisation de la culture, Madame la ministre, vous avez raison de vouloir doter chaque équipement ou établissement d'un service éducatif. Nous avions nous-mêmes souhaité cette mesure quand nous avons examiné la loi sur les musées : il est indispensable d'améliorer l'accueil du public et de reconnaître la médiation culturelle comme une nécessité sociale, comme un métier porteur d'avenir.

Le retour au 1 % permettra aussi de donner une nouvelle impulsion à l'éducation artistique. Le dispositif Tasca-Lang assure une présence continue de l'art à l'école, et de l'art sous toutes ses formes. La fréquentation des _uvres et des artistes enrichit ainsi les élèves, les aidant à se forger une identité, mais elle contribue aussi à de nouveaux liens sociaux.

J'en viens maintenant à quelques questions, qui n'auront, elles, rien de désagréable - comment d'ailleurs être désagréable envers une ministre dont même ses adversaires ont salué la jeunesse et le dynamisme ?

S'agissant des bibliothèques et des droits de lecture, vous avez dégagé une solution originale : quand la mettrez-vous en _uvre ?

En ce qui concerne les intermittents du spectacle, Mme Guigou m'a apporté une réponse convaincante lors de la dernière séance des questions d'actualité, mais il me semble qu'on poserait mieux le problème si, à propos du déficit des annexes 8 et 10, on prenait en compte l'ensemble des branches de la culture et de l'audiovisuel. Y aurait-il encore déficit ? Il me semblerait en tout cas intéressant d'étudier ce point. Plus généralement quelles initiatives envisagez-vous pour une solution rapide et équitable ?

J'espère que l'institut de recherche sur l'archéologie préventive ouvrira comme prévu le 1er janvier prochain. Vous avez en tout cas créé les 70 postes nécessaires et pris en compte les besoins de l'archéologie programmée. Ce secteur devrait ainsi cesser d'intervenir uniquement dans l'urgence, et pouvoir enfin effectuer un travail de fond.

Pour ce qui est des EPCC, j'ose espérer que le projet n'échouera pas à cause de 5 ou 6 de ces établissements et de leurs problèmes spécifiques.

S'agissant de la société d'information et de la juste rémunération des créateurs, des initiatives ont été prises et nous avons nous-mêmes voté certaines dispositions, mais quelle est votre position propre ?

Dans le domaine du cinéma, il faut vous remercier particulièrement de votre action, Madame la ministre, car seul un public nombreux et stable permettra au service public de la culture d'exister.

M. Pierre Lequiller - Sur ma proposition de loi, que l'Assemblée nationale a votée à l'unanimité en première lecture, un accord avec le Sénat paraît possible si j'en juge par les amendements que celui-ci a adoptés en commission. Pour que ce texte puisse être adopté rapidement, il serait bon d'organiser un dialogue entre le ministère et les deux assemblées, de façon que le Sénat vote un texte que l'Assemblée puisse adopter conforme. Pourriez-vous, Madame la ministre, prendre l'initiative d'une réunion à cet effet ?

M. le Président de la commission - Je soutiens tout à fait cette proposition, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure.

M. Patrice Martin-Lalande - Le produit culturel que nos concitoyens consomment le plus, c'est la télévision. Que fait le Gouvernement pour développer à l'école la formation critique des futurs téléspectateurs ?

Par ailleurs, j'avais déposé un amendement à la loi sur la démocratie de proximité, au sujet des architectes des bâtiments de France. Vous avez pris alors l'engagement de présenter un texte du Gouvernement à ce sujet. Quand sera-t-il discuté ?

Où en est la réflexion à propos des droits d'auteur sur Internet ? La loi sur la société d'information ne sera pas applicable avant au moins deux ans, il faut donc imaginer une réponse provisoire.

« Les rendez-vous de l'Histoire » se tiennent à Blois depuis quatre ans, et rencontrent un incontestable succès. Mais du fait de certaines tensions entre les organisateurs et la nouvelle municipalité de Blois, une délocalisation serait envisagée vers Tours. Or, l'Etat accorde à cette manifestation une subvention de 460 000 francs - 260 000 au titre de la culture et 200 000 au titre de l'éducation nationale. Que ferez-vous pour maintenir ces rendez-vous à Blois, car il ne faut pas jouer avec des investissements aussi importants ?

M. Georges Colombier - On dit que vous viendrez inaugurer le 17 décembre les Grands ateliers de l'Isle-d'Abeau. J'ai même lu dans un rapport qu'ils avaient déjà ouvert. Mais lorsque je passe à côté, j'ai l'impression que le chantier n'est pas terminé. Alors, où en est-on ? Quels postes avez-vous créés pour assurer le fonctionnement correct de ces ateliers ?

M. Jean Dufour - D'abord trois questions locales : où en est la réflexion sur le musée Europe-Méditerranée à Marseille ? Comment articulerez-vous le projet de la Belle de Mai avec le pôle économique multimédias ? Que devient l'opéra de Marseille ?

D'autre part, le ministère ne devrait-il pas se soucier davantage des langues régionales, et des pratiques musicales des amateurs ?

M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur pour avis - Vous qui avez été en charge de la francophonie, Madame la ministre, vous citez très peu celle-ci à présent. Collaborez-vous avec M. Josselin ? En quoi votre budget sert-il la francophonie ?

M. Michel Herbillon - Le marché de l'art français est peu attrayant du fait de la fiscalité qu'il subit : TVA de 19,6 % contre 0 % en Grande-Bretagne, droit de suite, taxe à l'exportation. Envisagez-vous des réformes fiscales pour empêcher les distorsions de concurrence ?

Le trafic d'_uvres d'art est particulièrement intense dans notre pays, il vient juste après le trafic de stupéfiants. Les _uvres volées sont revendues souvent dans des pays européens voisins, tels que la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas. On éviterait cela si on harmonisait l'arsenal répressif en Europe. Où en est-on de ce point de vue ?

M. le Président de la commission - Voilà beaucoup de questions très variées, et pour certaines extrêmement précises. Je doute que Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat puissent répondre en détail sur tous les points, certains feront sans doute l'objet de réponses écrites ultérieures.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est faux de prétendre que le patrimoine serait le parent pauvre du budget. Si les dépenses en capital baissent de 220 millions de francs, cela est dû à la réduction des autorisations de programme liées au musée Branly, lesquelles sont ramenées de 376 millions de francs à 150 millions de francs. Hors cette opération, les AP progressent légèrement.

Quant aux CP, ils subissent un redéploiement de 378 millions de francs, - 238 au titre V et 140 au titre VI. Mais cela n'aura pas d'incidence sur les capacités d'investissement du ministère, ni sur la conduite des opérations. Il s'agit d'un simple échelonnement des paiements. Par ailleurs, mieux vaut afficher des crédits en augmentation de 1 % et qui seront entièrement consommés plutôt qu'une progression plus importante mais mal calculée.

En ce qui concerne les monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'Etat, un effort considérable a été mené en direction par exemple des patrimoines du 20e siècle, industriel ou ethnologique. Ce domaine prend une place non négligeable dans notre budget. Quant aux architectes des Bâtiments de France, Monsieur Martin-Lalande, nous n'avons pas annoncé de nouveau texte de loi ! Nous avons simplement émis des réserves sur la proposition de loi du sénateur Fauchon qui a été adoptée par la Haute assemblée. Il faut notamment améliorer les possibilités de saisine pour les citoyens. En janvier, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la démocratie de proximité au Sénat, nous tenterons de faire évoluer les choses sur ce point.

Les trois décrets d'application relatifs à l'architecture préventive sont en cours d'élaboration. L'ouverture de l'établissement public devrait être possible dès janvier. Par ailleurs, mes services ont bien mené une concertation avec M. Lequiller concernant sa proposition de loi. Le même travail a été mené avec le sénateur Laffitte pour rapprocher les points de vue. Toutefois, il serait difficile de réunir une CMP avant même que le texte ne vienne en discussion au Sénat ! Mais j'ai bon espoir de parvenir à un texte consensuel.

En ce qui concerne le musée de Marseille, le concours international d'architecte sera ouvert au printemps 2002. Les études de programmations sont avancées et nous avons obtenu l'accord de toutes les collectivités territoriales concernées. Ce musée est un des grands objectifs de la décentralisation culturelle. A l'Isle-d'Abeau, les bâtiments ont bien été livrés fin octobre. Les crédits pour le premier équipement des ateliers ont déjà été délégués à la DRAC et le GIP sera doté par la contribution de ses membres, alors que jusqu'à maintenant, l'école de Grenoble a géré son budget de préfiguration. Par ailleurs, le budget pour 2002 crée trois emplois pour l'Isle-d'Abeau, ce qui montre bien notre intérêt pour ce projet.

Mme la Ministre - En ce qui concerne le 1 %, il est vrai qu'on peut toujours considérer un verre à moitié vide ou à moitié plein, mais je soutiens qu'il est la traduction d'un engagement prononcé du Gouvernement pour la politique culturelle. Dans le contexte actuel, je suis très fière d'avoir pu convaincre le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement d'accepter cette progression. Je souhaite qu'à l'avenir, ce taux soit considéré comme un point de non-retour. Le qualifier de « cosmétique » me paraît exagéré. Je préfère le point de vue de M. Birsinger, qui nous pousse à élargir encore nos ambitions.

Nombre d'entre vous ont évoqué le poids des charges de fonctionnement. Monsieur de Chazeaux, il ne faut pas confondre le fonctionnement du ministère et les charges de fonctionnement des établissements culturels, qu'ils soient gérés par l'Etat ou décentralisés. Par ailleurs, on ne peut parler de soutien à la création en faisant mine de croire que cela ne se traduit que par des investissements. Le soutien à la création se fait aussi par des professionnels et des artistes installés ou invités dans les établissements. La politique culturelle n'est donc pas handicapée par les charges de fonctionnement : celles-ci sont au contraire le signe que l'activité des établissements est en constante progression.

Le poids des grands travaux lui aussi est important. Dès 1981, nous avons choisi de doter le pays des institutions qui pourront assurer la diffusion de la politique culturelle. La BNF, le Louvre et tant d'autres pèsent bien sûr sur notre budget, mais ils produisent des contreparties importantes, en terme de recettes touristiques bien sûr, et elles sont considérables, mais surtout de vie culturelle. Quant à l'emballage de l'Opéra Bastille, les filets ne peuvent disparaître tant que les contentieux sont en cours. Je regrette comme vous ces ratés, mais vous reconnaîtrez qu'il s'agit d'une grande réussite de la politique lyrique, qui bénéficie à un public considérablement élargi et tient une place décisive sur la scène internationale.

M. Michel Herbillon - Je n'ai pas mis en cause votre politique lyrique. J'ai posé une autre question, à laquelle vous ne répondez pas.

Mme la Ministre - Je vous ai dit que les contentieux étaient en cours, et lorsqu'il y a malfaçon, il est hors de question de réparer avant qu'ils n'aboutissent. Ainsi que je l'ai déjà dit, lorsqu'on construit une infrastructure, on doit assumer son fonctionnement. Les charges de fonctionnement, qui créent par ailleurs des emplois, sont le signe de la vie artistique de notre pays. En revanche, nous pouvons travailler à les contenir. Les établissements doivent garder des marges de man_uvre suffisantes pour pouvoir réorienter leurs actions en fonction de l'évolution de la vie artistique.

M. Rogemont a mieux que moi défini l'objet des mesures nouvelles d'aide à la création. Il est évident que la danse, les arts de la rue, le cirque et toutes les musiques entrent dans leur champ.

En ce qui concerne le marché de l'art, le Gouvernement a déjà beaucoup fait pour améliorer la situation. La loi sur les enchères publiques est en vigueur depuis cet été. Bruxelles a tranché, en matière fiscale, pour le droit de suite au détriment de la TVA. Les législations européennes vont donc être alignées sur le régime français. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les achats considérables qu'a effectués l'Etat et le succès de manifestations comme la FIAC, ni ce qu'apportera pour la jeune création l'ouverture prochaine du Palais de Tokyo. Je me réjouis que les échanges entre le Parlement et le Gouvernement aient abouti à un dispositif fiscal. La déduction de 90 % de la valeur de l'_uvre acquise grâce au mécénat est une bonne mesure. Une déduction semblable, de 40 %, pourrait être accordée aux entreprises. Le Gouvernement y réfléchit. Quoi qu'il en soit, nous voyons bien là le bénéfice que la politique publique peut tirer d'une amélioration du mécénat et de la contribution des entreprises.

Le collectif budgétaire comportera des annulations de crédit de 200 millions de francs, de caractère technique, qui ne provoqueront aucun bouleversement de notre politique. Il faut en déduire des ouvertures de crédits de 31 millions pour le titre IV et de 3 millions pour le titre III. Le décalage total avec la loi de finances initiale s'élève donc à 166 millions.

J'ai bien entendu le plaidoyer de M. Martin-Lalande pour le festival de Blois. Je souhaite autant que lui le maintien de cette manifestation, qui eût certes été plus sûr si la ville n'avait connu un changement de municipalité.

M. Olivier de Chazeaux - Heureusement !

Mme la Ministre - En ces matières, l'Etat ne peut agir seul ; le Gouvernement, qui maintiendra son appui au Festival, espère que la ville de Blois reviendra à de meilleurs sentiments.

Votre rapporteur a évoqué la place de la langue française dans notre politique culturelle. Il va sans dire qu'il ne s'agit pas là de la francophonie, qui relève d'un autre ministère. Pour autant, je suis très vigilante à l'application de loi de 1994, et je considère que la contribution du ministère de la culture à la vitalité de la langue française se traduit par la multiplicité de ses actions de soutien : soutien au multimédia, aide à la création au sein du CNC, soutien à la chanson française, soutien à l'édition, soutien au spectacle vivant... Encore ne traiterai-je pas à nouveau aujourd'hui de l'audiovisuel public... Toute la politique culturelle du Gouvernement vise à développer des contenus en français, sur tous les supports et tous les médias.

S'agissant du prêt des livres, je présenterai au Conseil des ministres, au plus tard au début de l'année prochaine, un train de mesures législatives qui permettront de transcrire la réforme souhaitée dans la loi.

Je m'étonne que certains orateurs m'aient jugée « silencieuse » à propos des intermittents du spectacle. Chacun sait pourtant combien je suis attachée à leur sort ; j'ai d'ailleurs rencontré certains d'entre eux lors du festival d'Avignon, cet été. Le Gouvernement dans son entier est favorable à la persistance du régime spécifique d'indemnisation des intermittents du spectacle. Mettre fin à ce dispositif, ce serait compromettre le spectacle lui-même. Le Gouvernement souhaite donc vivement que les partenaires sociaux s'accordent sur le devenir des annexes 8 et 10, et il déplore le silence du MEDEF. Si ce silence devait s'éterniser, Mme Guigou et moi-même présenterions un plan de mesures législatives visant à consolider un régime qui a fait la preuve de ses effets bénéfiques pour les entreprises françaises du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia, lesquelles ont fondé leur prospérité, parfois remarquable, sur le recours aux intermittents - à dire vrai, on est même fondé à s'interroger sur l'ampleur de ce recours... Certains seraient bien inspirés de ne pas scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Le Gouvernement entend bien, par ailleurs, préserver les droits d'auteur. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication ont modifié les termes techniques de la question, mais la philosophie ne varie pas : une juste rémunération est toujours due aux créateurs. C'est pourquoi j'ai demandé au Conseil supérieur de la propriété artistique et littéraire de me proposer les adaptations indispensables.

L'éducation artistique constitue l'un des volets essentiels de notre politique. C'est bien pourquoi nous souhaitons renforcer l'éducation artistique à tous les niveaux de l'enseignement. Pour le seul enseignement supérieur, nous y consacrerons 1,52 milliards de francs en 2002, soit 5 % de plus qu'en 2001 et 35 % de plus qu'en 1997. Les moyens pédagogiques seront renforcés, les écoles nationales d'art mises en réseau et le plan social étudiant sera poursuivi. De plus, M. Lang et moi-même allons élaborer un plan relatif à la pratique artistique à l'Université.

J'espère avoir répondu à toutes les questions que vous m'avez posées. Si j'en ai malencontreusement oublié, je leur apporterai une réponse écrite.

M. le Président de la commission - Il est toujours très difficile de prétendre maîtriser un débat qui porte sur des aspects aussi divers. Ainsi aurais-je pu aborder la question de la scène et de la musique actuelles, mais j'ai préféré n'en rien faire. Je vous remercie, Madame la ministre, de vous être prononcée avec un si grande netteté sur la situation des intermittents du spectacle, problème que je sais, d'expérience, complexe, et d'avoir affirmé votre volonté de trouver une solution. Je vous remercie également de la précision des réponses que vous nous avez données. Notre prochain rendez-vous sera, en février, et nous entendrons de conserve le compte rendu de la mission sur le cinéma. Ce sera l'occasion, agréable, de traiter d'une réussite française.

(M. le président de la commission raccompagne Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat)

M. le Président de la commission - Chacun ayant pu s'exprimer très largement, j'aimerais connaître le point de vue du rapporteur pour avis sur les crédits du ministère de la culture.

M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur pour avis - Mon propos liminaire donnait déjà quelques indications de vote et les réponses qui nous ont été apportées ne m'ont pas satisfait. Je le répète, la part faite dans ce budget aux crédits d'intervention est trop importante, le manque de transparence est avéré et rien n'est dit sur la manière dont seront appliquées les 35 heures. Dans ces conditions, je suggère à la commission de voter contre ce projet de budget.

Consultée, la commission émet, à main levée, un avis favorable à l'adoption des crédits du budget de la culture.

La séance est levée à 12 heures.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

Jacques BOUFFIER

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Mardi 13 novembre 2001
(séance de 9 heures)

Projet de loi de finances pour 2002 :
Audition de Madame Catherine Tasca, Ministre de la culture et de la communication sur les crédits de son ministère.


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