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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 janvier 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen, en application de l'article 91 du Règlement, des amendements à la proposition de loi de M. Jean-François Mattei relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux - n° 3431 (M. Jean-François Mattei, rapporteur)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en application de l'article 91 du Règlement, sur le rapport de M. Jean-François Mattei, les amendements à la proposition de loi de M. Jean-François Mattei relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux - n° 3431.

Le président Jean Le Garrec a rappelé qu'à l'issue de la séance publique du 13 décembre dernier, il s'était engagé à faire inscrire la suite du débat à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale. Il a souligné la haute qualité du débat qui s'était alors déroulé et indiqué que l'unanimité s'était faite sur la nécessité de légiférer. Il a rappelé qu'il avait alors repris un amendement déposé par Mme Nicole Catala qui avait le mérite de cadrer le sujet. Cet amendement est retiré puisque la commission examine, dans le cadre de l'article 91 du Règlement, un amendement n° 6 du Gouvernement ainsi qu'un sous-amendement n° 7 de M. Maxime Gremetz.

A la demande du président Jean Le Garrec, M. Claude Evin a présenté l'amendement du Gouvernement. Il a d'abord rappelé sa propre conviction que la décision de la Cour de cassation ne posait pas la question du préjudice d'être né mais celle de l'indemnisation d'un acte médical fautif. Dans un premier temps, même les associations de familles d'enfants handicapés avaient jugé préférable de ne pas légiférer. C'est ce qui ressortait notamment de la table ronde organisée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 29 mars dernier.

Toutefois il faut reconnaître que la position de la Cour de cassation qui consiste à indemniser un enfant du préjudice résultant de son handicap dès lors qu'une faute médicale a privé sa mère de la possibilité d'interrompre la grossesse se heurte à une incompréhension persistante. Le débat du 13 décembre a montré qu'il y avait au sein de l'Assemblée nationale une large majorité pour considérer que le législateur devait agir pour empêcher la confirmation de la « jurisprudence Perruche ». L'amendement du Gouvernement répond à cette préoccupation, avec cohérence même si on peut discuter certains éléments de sa rédaction.

Le premier alinéa de principe qui dispose que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance », écarte, par l'adjectif « seul », les interrogations que pouvait susciter la rédaction proposée par M. Jean-François Mattei, s'agissant des situations où par exemple un enfant est né d'un viol.

Le second alinéa prévoit une indemnisation lorsque l'enfant est victime d'un handicap du fait d'une faute médicale l'ayant provoqué directement, par exemple dans le cas d'une amniocentèse qui blesse le f_tus. Il en va de même pour le handicap qui pouvait faire l'objet d'un traitement et qui n'a pas été identifié lors du diagnostic prénatal. Dans ce cas, l'enfant doit être reconnu victime d'une faute et doit obtenir personnellement droit à réparation.

Le troisième alinéa s'appuie sur la jurisprudence du Conseil d'Etat de l'arrêt Quarrez.

Le quatrième alinéa comporte des dispositions transitoires puisque, lorsque l'on modifie le droit, il convient de traiter les affaires en cours.

Le texte ainsi proposé répond bien à l'objectif visé, éviter le renouvellement de l'arrêt Perruche.

M. Jean-François Mattei, rapporteur, s'est félicité de la qualité du débat tenu le 13 décembre dernier, du respect de l'engagement pris de le poursuivre dans les meilleurs délais et enfin de la volonté du Gouvernement de légiférer sur ce sujet très difficile.

Le premier alinéa de l'amendement du Gouvernement modifie légèrement le texte de la proposition de loi en se bornant à y ajouter la précision que le seul fait de la naissance ne peut permettre à une personne de se prévaloir d'un préjudice.

Le deuxième alinéa reprend avec plus de précisions l'esprit du deuxième alinéa de l'article 1er de la proposition de loi, lui-même adossé à l'article 1382 du code civil.

Le troisième alinéa s'inspire en effet de la jurisprudence du Conseil d'Etat, dite Quarrez, qui a débouté l'enfant mais a attribué 4 millions de francs aux parents au titre des charges induites par le handicap tout au long de la vie de l'enfant. Cette décision, à l'époque, n'a pas déclenché de réaction particulière car, s'agissant d'un établissement hospitalier public, c'est le contribuable qui finance l'indemnisation. Il y a donc lieu d'émettre des réserves sur l'extension de cette règle aux professionnels libéraux qui devront financer cette charge par le biais de leur police d'assurance.

Une telle disposition n'est donc pas de nature à apaiser l'inquiétude des échographistes et obstétriciens à l'égard de l'augmentation de leurs dépenses d'assurances. Ainsi, l'amendement du Gouvernement ne répond bien qu'à l'aspect philosophique de la question et ne règle pas le problème de l'étendue de la responsabilité civile des médecins.

Néanmoins il convient que le Sénat puisse se saisir d'un texte voté par l'Assemblée nationale et l'améliorer au cours de la navette.

Le président Jean Le Garrec a salué l'intervention du rapporteur qui a, avec beaucoup de justesse, souligné qu'il n'y avait pas de sujet plus difficile et qu'il convenait de partir d'une base législative qui cheminera entre les deux chambres, de préférence dans le cadre du projet de loi sur les droits des malades.

M. Maxime Gremetz a jugé que l'amendement n° 6 du Gouvernement constituait un progrès puisque chacun s'accordait maintenant à penser que l'arrêt Perruche appelait une réponse du législateur.

Dans la mesure où ils s'efforcent de mettre en harmonie des principes éthiques et des mesures concrètes, les premier et deuxième alinéa n'appellent pas de commentaires particuliers.

En revanche la dernière phrase du troisième alinéa peut créer une difficulté. En effet, la rédaction proposée prévoit d'empêcher les organismes sociaux de faire un recours contre l'auteur de la faute. Le risque est grand que ce principe soit étendu à tous les cas de handicaps, y compris ceux résultant d'un accident du travail ou d'un accident de la circulation. Il y aurait là une tentation pour les assureurs. C'est pourquoi le groupe communiste propose de supprimer cette phrase par le sous-amendement n° 7.

M. Daniel Paul, après avoir indiqué qu'il ne partageait pas les réserves du rapporteur sur le début du troisième alinéa de l'amendement, a observé que la dernière phrase de cet alinéa risquait d'enclencher un engrenage dangereux pour l'indemnisation des préjudices résultant d'accidents de la vie, de la route ou du travail. En effet, pour quelle raison la sécurité sociale serait-elle alors fondée à se retourner contre les responsables de ces accidents alors qu'elle ne le pourrait pas si le handicap à indemniser a pour origine une faute médicale ?

M. Pierre Hellier a considéré que cet amendement constituait une avancée indiscutable mais que le texte méritait encore d'être amélioré. En tout état de cause, on ne peut pas dire que le Parlement légifère dans la précipitation car le problème a été posé depuis plus d'un an, l'urgence s'expliquant par les prises de position de l'opinion publique et des professionnels de santé.

M. Jean-François Chossy a souligné le changement d'attitude du Gouvernement qui, par la voix de Mme Elisabeth Guigou, expliquait encore le 27 novembre 2001 devant l'Assemblée nationale qu'il n'était pas nécessaire de légiférer en la matière.

S'agissant de l'amendement, on ne peut que se satisfaire du premier alinéa qui précise le texte de la proposition de loi de M. Jean-François Mattei et reprend les termes de la proposition de loi n° 2805 déposée en janvier 2001 par lui-même et plusieurs députés du groupe UDF : « Nul n'est recevable à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance. » Le deuxième alinéa se contente de rappeler que l'indemnisation est possible en cas de faute médicale avérée, ce qui n'a jamais été contesté. En revanche, le troisième alinéa ne règle pas le problème des conséquences financières pour les échographistes d'une indemnisation pour faute caractérisée de diagnostic.

M. Alfred Recours a jugé très positif que par le dépôt de cet amendement, le Gouvernement se montre à l'écoute du Parlement, non seulement de l'opposition mais aussi de sa propre majorité, et de ce qui se dit dans le pays. Le premier alinéa de l'amendement semble à lui seul suffisant car il règle le problème éthique et philosophique posé par l'arrêt Perruche tout en écartant les risques d'interdire d'autres actions. Le deuxième alinéa paraît déjà superfétatoire dans le sens où il se contente de rappeler qu'il y a responsabilité en cas de faute médicale, voire gênant car il veut réintroduire la notion de faute qui n'a été évacuée ni par la jurisprudence ni par les propositions de loi. Il aurait été suffisant dans ce deuxième alinéa de « dérouler » l'arrêt Perruche à l'envers pour donner une réponse simple aux décisions de la Cour de cassation.

Le deuxième alinéa de l'amendement n'est pas exactement cette réponse. Qu'est-ce qu'une « faute médicale » concernant le diagnostic prénatal ? Comment une faute de diagnostic peut-elle aggraver un handicap alors que le diagnostic n'est pas une thérapeutique en soi mais une observation permettant de donner des informations ? Qui en jugera alors que les échographistes eux-mêmes estiment que dans 40 % à 45 %  des cas, il n'est pas possible de déceler un handicap ? Il ne faut donc pas donner le sentiment que le diagnostic prénatal pourrait permettre d'empêcher la survenance ou l'aggravation du handicap ou permettre de l'atténuer, sachant qu'en aucun cas provoquer l'IVG n'est une mesure d'atténuation du handicap.

Le troisième alinéa, en disposant que les titulaires de l'autorité parentale peuvent demander une indemnité destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges découlant, tout au long de sa vie, de son handicap, sans que l'on précise que la faute a provoqué, aggravé ou empêché d'atténuer le handicap, réintroduit le handicap dû au fait de la naissance et recrée probablement les conditions d'une jurisprudence du type de l'arrêt Perruche.

Enfin, il devrait être possible de répondre aux préoccupations légitimes de M. Maxime Gremetz et Daniel Paul, c'est-à-dire éviter de remettre en cause les droits à récupération de la sécurité sociale pour les accidents de la vie, sans pour autant prévoir une telle récupération pour le cas particulier de l'indemnisation du handicap congénital.

M. Jean-Pierre Foucher a indiqué qu'il se contenterait aussi de garder le premier alinéa de l'amendement. En outre le troisième alinéa ne règle pas le problème posé aux échographistes. On peut notamment se demander comment la jurisprudence sera amenée à définir une faute caractérisée. Cela risque de creuser un fossé entre échographies de surveillance et échographies de diagnostic, qui ne seraient plus pratiquées que par quelques médecins spécialisés en médecine f_tale avec un risque financier important à assurer.

M. Bernard Charles a observé que l'amendement du Gouvernement ne répondait pas véritablement à la question posée. Premièrement il ne tranche pas complètement la question du caractère fautif de l'acte qui serait à l'origine du handicap. En effet, les erreurs, voire les difficultés d'interprétation des échographies de dépistage, ne sont pas des actes créateurs du handicap. Il est à craindre que beaucoup des échographistes qui ont cessé de pratiquer ces échographies ne les reprennent pas. Deuxièmement, la rédaction retenue ne fait pas véritablement obstacle à la poursuite de la jurisprudence Perruche.

M. Philippe Nauche a rappelé que cet amendement avait pour objectif de répondre aux interprétations diverses dont l'arrêt Perruche avait fait l'objet, arrêt dont, il faut le rappeler, la dernière phrase : « ce dernier (l'enfant) peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues » ne comporte pas le mot de « naissance ». Cet amendement propose une solution cohérente qui prend en compte les différentes dimensions du problème - tout le monde pouvant y trouver son compte - et opère de nécessaires clarifications.

Ce texte doit pouvoir être amendé au cours de la navette car le véritable problème soulevé par l'arrêt Perruche est en réalité une question de santé publique. Il s'agit de savoir si en France, compte tenu du fait que les professionnels considèrent que les conditions juridiques nécessaires à l'exercice de leur mission ne sont pas remplies, le niveau très important de dépistage anténatal qui avait été atteint pourra être maintenu. Cette question est la seule qui justifie que l'on légifère et non l'arrêt Perruche lui-même.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le projet de loi relatif aux droits des malades, par la reconnaissance de l'indemnisation de l'aléa médical, va modifier la question de la réparation, puisque celle-ci sera désormais possible sans qu'il y ait à prouver l'existence d'une faute médicale.

Enfin, on peut considérer qu'il est effectivement licite que la mère ait droit à une réparation si une faute médicale l'a empêché d'exercer ses droits. Il est également licite que l'enfant se voit accordé une réparation lorsqu'une faute médicale a provoqué le handicap, l'a aggravé ou n'a pas permis son atténuation. Par contre, on peut craindre que le troisième alinéa de l'amendement pose non seulement un problème aux professionnels de santé mais, plus fondamentalement, en réparant le handicap congénital, risque de signifier que certaines naissances seraient illicites.

M. Yves Bur a souligné que le troisième alinéa de cet amendement risquait de conduire à la fixation d'un niveau d'indemnisation du handicap congénital au profit des parents sur lequel la solidarité nationale sera nécessairement amenée à ajuster sa prise en charge, sous peine de conduire à de graves discriminations entre handicapés congénitaux.

M. Jean-Michel Dubernard, après avoir regretté la précipitation dans l'examen de la proposition du Gouvernement, s'est déclaré d'accord avec la position exposé par M. Alfred Recours qui consiste à s'en tenir au premier alinéa de l'amendement, le deuxième alinéa n'ayant guère de sens et le troisième étant très critiquable.

Mme Nicole Catala a formulé les observations suivantes, en précisant que ces observations feraient l'objet de sous-amendements présentés en séance :

- Il est à craindre que la rédaction du premier alinéa n'écarte pas en réalité une action exercée par l'enfant non du fait de sa naissance mais du fait de son handicap car, comme certains juristes l'ont encore souligné devant la commission des lois du Sénat, les requérants se plaignent non du « seul fait de la naissance » mais du handicap. Le préjudice c'est le handicap. Il conviendrait donc de préciser que « nul, fut-il né handicapé » ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

- Le troisième alinéa devrait être clarifié pour indiquer nettement quel est le titulaire du droit à indemnisation, l'enfant ou les parents.

- Il conviendrait d'être plus exigeant quant à la faute, en posant que celle-ci doit être « d'une particulière gravité » et non seulement « caractérisée », ce qui serait une garantie pour les médecins.

Mme Catherine Génisson, après s'être réjouie du dépôt de cet amendement, conforme à sa prise de position favorable à la proposition de loi de M. Jean-François Mattei, a regretté que le troisième alinéa fasse sortir la prise en charge du handicap de la logique de solidarité au profit d'une logique d'indemnisation et risque de créer des inégalités inadmissibles. Il en résultera nécessairement la définition d'une hiérarchie de critères d'anormalité ce qui est en soi absolument inadmissible.

M. Daniel Paul a indiqué qu'il avait déposé un amendement sur l'article 2 afin d'assurer une programmation pluriannuelle continue des moyens de prise en charge des personnes handicapées. Les carences de cette prise en charge, particulièrement après les vingt ans de l'enfant, auxquelles s'ajoutent les difficultés résultant du vieillissement de la population handicapée, sont en effet les raisons qui ont conduit certains parents à chercher à obtenir devant la justice les moyens leur permettant de faire face à cet avenir.

Mme Nicole Catala a fait observer que le Gouvernement avait pris l'engagement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 de présenter un rapport sur l'accueil des personnes handicapées vieillissantes.

M. Claude Evin a souhaité donner sa position personnelle sur le sujet en précisant que ce débat soulevait trois types de difficultés : le problème moral relatif à l'incompréhension de la société, la légitime prise en compte du droit des victimes, l'attention qui doit être portée à l'inquiétude du corps médical. Abordées dans un même texte, ces différentes questions présentent une réelle complexité. Elles n'appellent pas en réalité le même niveau de réponse et mériteraient à bien des égards d'être dissociées.

S'agissant du premier alinéa de l'amendement présenté par le Gouvernement, il ne saurait suffire à lui seul car il n'empêche pas en tant que tel le renouvellement d'une jurisprudence analogue à l'arrêt Perruche. En effet, la Cour de cassation a exclusivement considéré l'indemnisation du handicap résultant d'un accident fautif. En l'absence de faute, il n'aurait par conséquent pas été question d'indemniser ce handicap. Cette position est donc parfaitement cohérente sur le plan juridique même si elle a pu soulever un problème de nature morale dans la mesure où la naissance n'aurait peut être pas eu lieu en l'absence de faute. Il n'y a donc pas de risque de dérive vers l'indemnisation de tout handicap congénital.

Le deuxième alinéa de l'amendement du Gouvernement suscite des inquiétudes sérieuses et ne met pas davantage un terme à la jurisprudence Perruche. Le rejet d'une telle jurisprudence aurait requis en réalité une formulation plus directe sur l'impossibilité pour un enfant né handicapé d'obtenir réparation par un professionnel de santé du préjudice résultant de son handicap dans le cas où la faute commise par ce professionnel a empêché sa mère d'exercer son droit à interrompre sa grossesse. Il y a un risque à traiter, comme le fait l'alinéa, des principes de la responsabilité médicale en général.

Il convient de prendre en compte les droits des victimes, notamment au regard de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l'homme. Le souci de garantir le respect de l'article 6 de cette convention devrait en particulier conduire à ne pas limiter le droit des victimes à obtenir réparation et laisser libre appréciation à la jurisprudence.

S'agissant de l'inquiétude des médecins, la démarche actuelle prenant en considération les préoccupations des médecins-échographistes et des spécialistes de la naissance ne doit pas pour autant négliger d'autres spécialités telle que l'anesthésie, la chirurgie ou les centres de transfusion sanguine également susceptibles d'être concernés. C'est la raison pour laquelle la question de la responsabilité a été abordée dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des malades, dont le titre III prévoit d'ores et déjà certaines dispositions à ce sujet, en particulier la dissociation de l'accident fautif de l'accident non fautif et la création d'un fonds d'indemnisation des victimes relevant de la solidarité nationale dans ce dernier cas.

Il conviendrait d'aller plus loin en limitant la portée du risque assurantiel couvert dans le cadre de l'action en responsabilité et en prévoyant l'intervention du fonds d'indemnisation et donc du recours à la solidarité nationale au-delà d'un certain risque. A cet égard, le plafond du risque couvert pourrait opportunément être fixé par voie réglementaire en fonction des spécialités considérées.

Le rapporteur s'est tout d'abord félicité de l'accord dégagé d'un point de vue philosophique sur la nécessité de lever l'ambiguïté résultant de l'arrêt de la Cour de cassation, chacun ayant en revanche pu exprimer sa conception en matière de responsabilité.

S'agissant de la prise en charge des handicapés, la logique d'indemnisation relevant de l'assurance n'est certainement pas préférable à celle de la solidarité. Le corps médical accepte sans difficulté l'engagement de la responsabilité pour faute. Il accepte la réparation du préjudice moral tout en refusant le préjudice matériel qui relève davantage de son point de vue d'une logique de solidarité. Enfin il est extrêmement attaché au principe selon lequel, particulièrement en matière prénatale, l'activité médicale obéit davantage à une obligation de moyens que de résultats.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute susceptible d'être engagée lorsqu'un handicap n'est pas décelé, le renvoi proposé par M. Claude Evin à l'aléa thérapeutique contenu dans le projet de loi sur les droits des malades implique le recours au mécanisme de la solidarité nationale. Il conviendrait en pratique que celle-ci soit effectivement engagée - ce qui n'est pas le cas actuellement -.

S'agissant de la difficulté soulevée par M. Daniel Paul relative à la possibilité d'étendre le risque couvert aux accidents du travail, un amendement sera proposé lors de l'examen en séance publique pour bien circonscrire la proposition du Gouvernement à la réparation de la faute n'ayant pas permis de déceler un handicap.

En conclusion, un réel progrès a été accompli à l'occasion de la discussion de ce texte dont on peut souhaiter qu'il sera adopté par l'Assemblée nationale puis transmis au Sénat afin d'être intégré au projet de loi sur les droits des malades.

Le président Jean Le Garrec s'est félicité de la qualité des débats en dépit des difficultés soulevées par un sujet délicat qui transcende les clivages politiques. Certaines interrogations demeurent néanmoins, en particulier s'agissant du deuxième alinéa de l'amendement du Gouvernement dont on aurait pu souhaiter une rédaction plus précise pour mettre un terme définitif à l'arrêt Perruche. Toutefois, cet amendement présente une cohérence d'ensemble. C'est la raison pour laquelle il convient de ne pas le modifier à ce stade de la discussion. Il est donc souhaitable que, à l'issue de son adoption par l'Assemblée nationale, la proposition de loi soit intégrée au projet de loi sur les droits des malades en cours d'examen au Sénat.

La commission a ensuite rejeté le sous-amendement n° 7 de M. Maxime Gremetz et adopté l'amendement n° 6 du Gouvernement.


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