ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 71
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 22 septembre 1999
(Séance de 9 heures 30)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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- Examen du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail - n° 1786 rectifié (M. Gaëtan Gorce, rapporteur)
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- Informations relatives à la commission
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La commission a examiné le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce - n° 1786 rectifié.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a rappelé que le projet de loi constitue la deuxième étape du processus engagé à l'automne 1997. Il s'appuie sur le résultat des négociations auxquelles a donné lieu la première loi ; il s'agit désormais de passer de l'expérimentation à la généralisation.
Les premières négociations ont débouché sur la conclusion d'une centaine d'accords de branches et près de vingt mille accords d'entreprises. Ces négociations ont permis d'aborder de façon pragmatique les thèmes majeurs tels la situation des cadres, la modulation du temps de travail, la formation, etc... Elles ont permis de concilier les besoins des entreprises, les aspirations des salariés et l'objectif central d'emploi.
En termes de créations d'emplois, les résultats de la première phase, parfois contestés, permettent d'ores et déjà d'apprécier la portée de la loi puisque 120 000 emplois ont été créés et que l'effet d'aubaine, redouté par certains, demeure limité. La démarche initiée par la première loi tient donc ses promesses.
Le projet confirme l'application de la réduction de la durée légale du travail à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés. Le texte n'en ménage pas moins le temps nécessaire à la négociation tant il est vrai que c'est celle-ci qui est créatrice d'emplois.
La réduction du temps de travail ne saurait être restreinte à la seule diminution de la durée légale. Elle peut et doit être l'occasion d'une réflexion plus globale sur des questions aussi diverses que le travail des cadres, l'organisation de la production ou les conditions de travail par exemple. Elle doit donc se faire sans précipitation.
Les créations d'emplois résulteront de la dynamique générée par la négociation, toutes les entreprises ne pouvant passer sous la même toise. Pour autant, l'objectif emploi est bien au c_ur du présent texte comme il l'était dans la loi précédente. D'ailleurs, les résultats sont là et dépassent la fourchette haute des prévisions.
Outre l'emploi, l'objectif de la loi est la définition d'un nouveau droit du temps de travail. A l'heure actuelle, le temps de travail est en miettes. Le modèle du temps de travail collectif sur cinq jours avec congé le week-end et cinq semaines de congés payés le plus souvent concentrés sur le mois d'août a énormément évolué. Cette évolution répond parfois au souhait des salariés d'un temps de travail plus adapté à leur vie sociale et familiale. Mais le nouveau droit du temps de travail adapté à cette évolution est entièrement à construire afin de trouver un équilibre entre les contraintes des entreprises et les aspirations des salariés. Ce nouveau droit doit avant tout respecter le principe essentiel de préservation de la vie familiale ; l'absence de distinction entre temps libre et temps de travail doit être absolument évitée.
De plus, ce nouveau droit du temps de travail doit reposer sur l'articulation entre la loi et la négociation collective. Des initiatives ponctuelles sans cohérence sont souvent défavorables aux salariés comme l'a prouvé la mise en place des différentes techniques de modulation. Loi et négociation collective doivent être conjuguées. La loi devra être enrichie sur certains points : délais de prévenance ou maxima par exemple. Elle devra cependant laisser sa place à la négociation collective. La deuxième loi doit faire le pari de la négociation collective et le point central de cette négociation doit être l'accord majoritaire qui déclenchera les allégements, c'est-à-dire un accord signé par les syndicats majoritaires ou par la majorité des salariés. Seul ce type d'accord permettra de déboucher sur des compromis gagnant-gagnant.
Le troisième enjeu de cette deuxième loi est la promotion à terme d'un certain type de société, à savoir une société du temps choisi. Il s'agit de préserver le temps de la vie collective et sociale. En effet, les salariés sont des travailleurs mais aussi des utilisateurs de services publics, de transports, de crèches, des consommateurs, des citoyens ayant des loisirs et aspirant à la culture. Aussi faut-il coordonner ce temps de travail et le temps social au sens large. Ainsi, en Italie, au sein des bassins d'emplois, la durée d'ouverture des services publics et le temps de travail dans les entreprises sont coordonnés sous le contrôle des élus locaux. De la même façon, il est nécessaire de veiller sur les conséquences de la réduction du temps de travail des grands groupes sur les entreprises sous-traitantes.
Après l'exposé du rapporteur, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a exprimé des réserves sur l'interprétation des résultats de la période expérimentale en terme de création d'emplois et a estimé que le projet de loi était un texte autoritaire puisqu'il impose un passage obligatoire aux 35 heures à toutes les entreprises sans tenir compte des spécificités des unes et des autres, et un texte qui ne respecte pas le dialogue social puisqu'il n'autorise l'application d'aucun des accords signés depuis juin 1998.
De surcroît, il rigidifie et complexifie le droit du travail, notamment en matière d'heures supplémentaires - jugé ingérable par des responsables syndicaux eux-mêmes - et de SMIC, qui risque de porter préjudice aux salariés.
En outre, ce texte « fourre-tout » traite imprudemment de problèmes autres que la réduction du temps de travail et qui sont de véritables grenades à retardement, tels que la formation professionnelle et surtout la représentativité syndicale, véritable sujet en raison de l'anémie de la vie syndicale en France, qui méritait mieux qu'une disposition incidente au détour d'un texte.
M. Germain Gengenwin a observé que si la première loi avait insisté sur la négociation collective, cette deuxième loi privilégiait la négociation au niveau des entreprises. De nombreux responsables syndicaux sont inquiets car ils savent que les syndicats risquent, au niveau des entreprises, d'être mis à l'écart. En réalité, cette deuxième loi est une très bonne loi pour l'opposition. D'ici deux ans les salariés vont se rendre compte qu'ils ont été lésés par la réduction du temps de travail, notamment les salariés au SMIC dont le nombre a augmenté de 50 % en quatre ans. De nombreuses entreprises vont appliquer l'annualisation et en période de pointe il n'y aura plus d'heures supplémentaires. Les salariés verront donc leur pouvoir d'achat baisser. Il faut signaler enfin que les accords de réduction de temps de travail signés dans les cliniques privées attendent depuis quatre mois l'agrément du ministère de l'emploi. Celui-ci ne donne pas son feu vert, car le personnel des hôpitaux publics réclamerait immédiatement les 35 heures.
M. Maxime Gremetz a énuméré les principales améliorations qui permettraient au groupe communiste de voter le projet de loi :
- la subordination du versement des aides à la création d'emplois, comme cela était le cas dans la première loi et le recrutement des nouveaux salariés par des contrats à durée indéterminée ;
- la définition de la durée effective du temps de travail ;
- l'application de la réduction du temps de travail à l'ensemble des salariés sans en exclure ni la fonction publique ni le secteur public ;
- la modification des règles applicables au SMIC ;
- la suppression de la période d'adaptation pour les heures supplémentaires qui devraient être taxées immédiatement dès la 36ème heure à 25 % au bénéfice du salarié.
Une commission de contrôle de l'utilisation des fonds publics devrait également être créée et le Gouvernement doit s'engager à présenter un projet de loi sur la formation professionnelle continue.
Sont en outre contestables les dispositions de l'article 15 qui remettent en cause la protection du salarié par le contrat de travail, le régime prévu pour les cadres et un encadrement insuffisant de la flexibilité.
Il est enfin particulièrement regrettable que la question du financement de la réduction du temps de travail soit simplement renvoyée au vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est, en effet, inacceptable que l'UNEDIC et les régimes de sécurité sociale aient à participer à ce financement. Il est anormal que par la taxation du tabac le consommateur doive lui aussi y contribuer. Par l'écotaxe et l'imposition des bénéfices les entreprises seront sollicitées, mais une partie des sommes en jeu provient en réalité d'un transfert de l'imposition sur les sociétés. Au bout du compte, les entreprises vont payer 2 milliards de francs en moins et les salariés 80 milliards de francs en plus.
M. Yves Rome a tout d'abord fait valoir que ce projet de loi rénovait, simplifiait et clarifiait le droit du travail et avait le mérite d'introduire les cadres dans la problématique de la réduction du temps de travail.
Ce projet de loi se fonde en outre sur une logique majoritaire : l'article 11 subordonne l'allégement des charges sociales à un accord signé par une organisation syndicale majoritaire, ou approuvé, sous certaines conditions, par le personnel consulté. Les 35 heures seront donc un des stimulants majeurs du renouvellement du syndicalisme patronal et salarial.
Il s'agit également d'un texte qui apporte des garanties et une plus grande souplesse pour les salariés comme pour les entreprises. A la lumière des différents accords conclus le projet confirme la nécessité de la prise en compte de la vie personnelle et familiale du salarié au sein de l'entreprise.
Ce projet de loi nécessite cependant quelques améliorations ou enrichissements sur les points suivants :
- les astreintes et les équivalences ;
- la réduction des durées maximales ;
- la justification du recours à la modulation ;
- la définition des cadres dirigeants;
- le transfert du compte épargne-temps lorsque le salarié change d'entreprise
- l'encadrement du co-investissement en posant le principe de la création d'un droit individuel de formation ;
- la rénovation du droit d'opposition, facteur supplémentaire de démocratie sociale ;
L'existence du comité de suivi sera appuyée par un renforcement de son rôle dans la vérification des accords, la mesure de leurs effets et la proposition d'éventuelles modifications. L'absence de réunions du comité de suivi devrait être une condition de suspension du bénéfice de l'allégement et la protection du salarié mandaté siégeant à ce comité devrait être renforcée.
Une majoration des allégements de charges devrait être envisagée dans le cadre du passage aux 32 heures et à la semaine de quatre jours, c'est-à-dire le passage à la société du temps choisi au service de l'emploi.
M. Jacques Rebillard après avoir rappelé que les radicaux de gauche soutenaient le projet de loi a estimé qu'il devait assurer la protection des salariés et également défendre les petites et moyennes entreprises. Il faut que la loi donne naturellement envie aux PME de passer aux 35 heures parce qu'il s'agit d'un effort important alors même que ces entreprises doivent se préparer au passage de l'an 2000 et doivent se plier à la multiplication de normes de sécurité et autres.
Il est heureux que la deuxième loi favorise le dialogue social en décentralisant la négociation au niveau de l'entreprise mais le législateur doit rester vigilant quant aux conséquences de la loi à l'égard des petites entreprises. La réduction du temps de travail ne doit en aucun cas être l'occasion pour les très grandes entreprises d'en répercuter les conséquences sur leurs sous-traitants.
Favorables à ce projet de loi qui est globalement positif, les radicaux de gauche présenteront un ensemble d'amendements visant à améliorer la loi et non à l'alourdir, sur la protection des très petites entreprises, la promotion de la semaine de quatre jours, l'insertion de la formation dans les négociations sur la réduction du temps de travail, l'aménagement du territoire - afin de préserver les avantages attachés aux zones de revitalisation rurale - et enfin les procédures à mettre en place en cas de refus par un salarié de se voir appliquer la réduction du temps de travail. Cette loi est donc globalement positive mais elle ne doit pas gêner le développement des PME qui sont les entreprises les plus créatrices d'emplois.
M. Gérard Terrier a souligné que de nombreux observateurs jugeaient le texte équilibré et que les investisseurs étrangers n'étaient pas forcément favorables au projet mais considéraient qu'en aucun cas il n'empêchera l'investissement en France.
Il faut améliorer le projet de loi mais il ne faut pas non plus le corseter au point de la rendre inapplicable. Ce texte majeur doit conjuguer l'intérêt des salariés qui est la préoccupation première de la majorité actuelle et le pragmatisme économique. Dans le débat, deux thèses s'affrontent. L'une affirme que l'entreprise n'est que sociale dans une économie administrée. L'autre affirme que l'entreprise n'est qu'économique et n'a que pour but le profit. La réalité est plus nuancée : tout chef d'entreprise est conscient des contraintes économiques mais sait également que, sans dialogue social, son entreprise ne peut que péricliter. En matière de relations sociales dans l'entreprise, il ne s'agit pas de contraindre mais de convaincre les salariés. La grande force de ce projet de loi est justement de laisser une place considérable au dialogue social.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a rappelé qu'elle était favorable à l'aménagement du temps de travail mais totalement opposée à ce projet de loi qui ne reprend pas l'esprit et l'efficacité de la « loi Robien » qui, elle, a créé des emplois. Aujourd'hui la France, comme l'atteste une étude de l'OCDE, est avec l'Allemagne et l'Italie le pays qui parvient le moins dans les pays développés à résorber son chômage.
Cette loi ne créera pas d'emplois car il s'agit d'une réduction autoritaire et uniforme du temps de travail en inadéquation avec la société moderne, de plus en plus diversifiée. Dans la mesure où la réduction du temps de travail provoque une augmentation du coût du travail, seules les entreprises faisant des gains de productivité pourront créer des emplois. Or, toutes ne peuvent pas le faire : pour celles-ci, la réduction du temps de travail est une menace. On ne peut que regretter que la loi s'applique de manière uniforme, quel que soit l'âge des salariés ou le métier qu'ils exercent.
Enfin, l'annonce de 120 000 emplois créés ou préservés est mensongère. Les emplois sont créés en raison de la croissance et non de la réduction du temps de travail comme l'atteste la création de 1 400 emplois chez Citroën suite à l'augmentation de la consommation par les Français de voitures neuves. En revanche, certains emplois ne sont pas créés en raison de la loi même, qui a des effets de seuil négatifs, certaines entreprises hésitant à dépasser le nombre de 20 salariés afin de bénéficier d'une plus longue période de transition. En réalité, de nombreux emplois seront détruits.
Si la réduction du montant des cotisations sociales est une bonne chose dans son principe, telle qu'envisagée, elle est socialement dangereuse. Elle risque de « coller » de nombreux salariés au SMIC ; il serait donc judicieux de réduire les charges sociales pour tous les salaires.
Trois difficultés particulières doivent être évoquées : le financement, l'opportunité d'intégrer dans le processus de RTT la question de la représentativité syndicale, l'insuffisance du texte dans le domaine de la formation professionnelle.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les éléments suivants :
- La place prise par la négociation dans le processus de réduction du temps de travail n'exclut pas une intervention de la loi. Tous les rapports faits par le passé sur le sujet ont montré la nécessité d'une telle intervention.
- Face aux inquiétudes exprimées sur la question de la représentativité syndicale, on peut se poser la question de savoir s'il est souhaitable que des accords portant sur des points fondamentaux, parfois dérogatoires, soient conclus sans l'assentiment de la majorité des salariés ; le débat est ouvert.
- Il n'est pas normal de régler la question des salaires par les heures supplémentaires sur lesquelles les salariés n'ont pas prise ; à cet égard, la modulation est préférable.
- Les craintes au sujet de la création d'emplois ne sont pas véritablement fondées puisqu'il ne saurait y avoir d'allégements de charges sans contrepartie. La réduction du temps de travail constitue cette contrepartie, or il existe un lien solide entre réduction du temps de travail et création d'emplois. Par ailleurs, le texte peut être enrichi sur ce point. Une perspective de création de 450 000 emplois est donc réaliste.
- S'agissant de la lutte contre la précarité, l'application de la loi du 13 juin 1998 a montré que les négociations liées à la réduction du temps de travail stabilisent la situation contractuelle des salariés mais on peut aller plus loin.
- La question du financement est fondamentale et sera précisée lors de la présentation des textes budgétaires (loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale). Pour l'UNEDIC, il ne s'agit pas de prélever des fonds actuellement existants mais d'anticiper sur les recettes supplémentaires dues à la diminution du chômage qui ne manquera pas de résulter de l'application de la loi.
- La période courant du 1er janvier au 31 décembre 2001 doit être mise à profit pour conduire une réflexion sur l'application de la réduction du temps de travail aux très petites entreprises.
Le président Jean Le Garrec a estimé que le débat permettrait l'amélioration du texte sur un certain nombre de points importants :
- le SMIC ;
- la formation professionnelle ;
- la consultation des salariés ;
- la période d'adaptation qui est indispensable, la création d'emplois ne pouvant être instantanée, il faut contourner le double risque du recours massif à l'intérim et de l'augmentation précipitée de la production.
La recherche d'un équilibre entre l'intérêt des salariés et celui des entreprises constitue un axe fondamental de la loi. En effet, rien ne serait pire que de favoriser les uns au détriment des autres ; de cet équilibre dépend l'adhésion des salariés et la réussite de la mise en _uvre du texte.
S'agissant de l'emploi, si dans une période d'incitation il était nécessaire de fixer des règles, il serait irréaliste d'imposer des obligations quantifiées dans une période de généralisation compte tenu de la diversité des entreprises et de leur situation.
Du reste l'obligation de création d'emplois n'est pas abandonnée puisque l'abaissement des cotisations constitue la contrepartie de la réduction négociée du temps de travail.
Il ne s'agit pas ici de légiférer pour deux ans mais d'élaborer un texte qui marquera son époque. Les avancées relatives au statut des cadres en donnent un bon exemple. A travers le processus désormais bien initié, on assiste à une modification des rapports au pouvoir dans l'entreprise, mais aussi du rapport au travail et à sa nature même. Raisonner sur le seul modèle taylorien d'organisation de l'entreprise conduirait à une impasse. D'autres modèles doivent être pris en compte par le législateur, à la lumière d'une réflexion sur le travail qui, déjà amorcée dans les années 70, a été étouffée sous le poids de la crise et du chômage et revient désormais à la surface.
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La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.
Chapitre premier
Durée légale du travail et régime des heures supplémentaires
Article premier (article L. 212-1 et L. 212-1 bis du code du travail) - Confirmation du passage à la nouvelle durée légale du travail fixée à 35 heures hebdomadaires
La commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par Germain Gengenwin.
M. Germain Gengenwin a considéré que cet article devait être supprimé car il privilégie une approche autoritaire et idéologique de la réduction du temps de travail alors qu'il convient précisément de développer une approche incitative en la matière à l'instar de ce que la loi du 11 juin 1996 dite de Robien avait proposé.
Le rapporteur a donné un avis défavorable à cet amendement en indiquant que cela revenait à vider de sa substance l'ensemble même du projet de loi. En effet, le premier article poursuit un double objectif : il inscrit dans le code du travail l'existence d'une nouvelle durée légale fixée à 35 heures et il rappelle les deux échéances déjà annoncées dans la loi du 13 juin 1998 : celle du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et celle du 1er janvier 2002 pour les autres entreprises.
La commission a rejeté l'amendement.
La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean Pontier, présenté par M. Jacques Rebillard, posant l'interdiction pour un salarié de contourner la durée légale du travail en signant plusieurs contrats de travail auprès d'employeurs différents.
Le rapporteur a indiqué qu'il n'était pas envisageable qu'un salarié puisse s'exempter du respect de la durée légale du travail en concluant plusieurs contrats de travail. Après que Mme Roselyne Bachelot-Narquin a fait observé que le souci exprimé par cet amendement était déjà réglé dans le code du travail, il a confirmé que la législation existante interdisait à un salarié de conclure plusieurs contrats de travail aboutissant à lui faire dépasser la durée légale hebdomadaire. Le fait que cette durée légale passe de 39 heures à 35 heures ne lève aucunement cette interdiction. Il faut en effet rappeler que la notion de durée légale du travail s'applique au salarié. Il s'est en conséquence déclaré défavorable à cet amendement.
La commission a rejeté l'amendement.
La commission a examiné un amendement de M. Hervé Morin visant à assouplir les conditions d'application de la nouvelle durée légale du travail en prévoyant que les 35 heures s'appliquent dans les entreprises et les établissements au minimum à 80 % des salariés.
M. Hervé Morin a fait valoir que ce type de dispositions apparaît dans l'accord signé dans le secteur de la métallurgie en Allemagne. Cet accord permet en effet, sur la base du volontariat, à 20 % des salariés de l'entreprise au maximum de ne pas être concernés par la réduction du temps de travail. Les autres salariés se voient appliquer la réduction de leur temps de travail. Cette méthode souple devrait inspirer la rédaction du projet de loi.
Le rapporteur a considéré que cette disposition, qui prévaut en vertu d'un accord en vigueur en Allemagne, ne saurait être transposée en France. Les dynamiques de négociations et les traditions syndicales diffèrent en effet grandement d'un pays de l'Union européenne à l'autre. Par ailleurs, le caractère opérationnel de l'amendement tel qu'il est présenté peut être mis en doute. On voit mal selon quelles modalités ce dispositif - qui nie l'applicabilité généralisée du passage à la nouvelle durée légale - pourrait être mis en place de façon concrète.
M. Alfred Recours a souligné que cette disposition comportait un risque important pour le personnel d'encadrement qui serait sans doute systématiquement exclu du bénéfice de la réduction du temps de travail dans un tel système. En outre, dans le projet de loi, c'est la réduction du temps de travail qui conditionne la validité de l'accord et ouvre droit aux allégements de cotisations sociales patronales, ce qui n'est nullement le cas dans l'exemple allemand cité.
M. Maxime Gremetz s'est déclaré opposé à la reconnaissance par la loi de deux catégories de salariés : l'une bénéficiant de la réduction du temps de travail et l'autre s'en trouvant exclue.
M. Gérard Terrier a indiqué qu'il n'était pas de bonne méthode d'isoler de son contexte global un dispositif particulier prévalant dans un autre pays.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a souhaité que soit reconnue la grande diversité des salariés et de leurs aspirations, ce qui ne permet pas d'élaborer une loi généralisée s'appliquant uniformément à l'ensemble des salariés.
Après que M. Hervé Morin a insisté sur la nécessité de laisser le maximum de souplesse aux entreprises et de ne pas faire du projet de loi un instrument technocratique, la commission a rejeté l'amendement.
Elle a examiné un autre amendement de M. Hervé Morin tendant à soustraire les entreprises de moins de 10 salariés de l'application de la nouvelle durée légale du travail.
M. Hervé Morin a expliqué que cet amendement de principe visait à éviter que les entreprises artisanales, qui comptent en moyenne trois salariés, n'aient à subir les conséquences catastrophiques pour elles de l'application des 35 heures. Dans une petite entreprise de trois salariés, le passage à la nouvelle durée légale créé un manque de douze heures. Il leur est très difficile dans ces conditions de procéder à des embauches. De plus, les salariés ne sont pas interchangeables ; ils ont des compétences propres : comment dès lors organiser le travail de façon efficace dans une si petite structure ?
Le rapporteur a estimé qu'il n'était pas souhaitable d'écarter les salariés de ces entreprises du champ de la réduction du temps de travail et qu'au contraire, de nombreuses entreprises de moins de 10 salariés avaient déjà soit conclu des accords soit manifesté le souhait d'entamer des négociations et de procéder ainsi à des embauches de personnel.
M. Alfred Recours a observé que l'adoption de cet amendement impliquerait la création d'un nouveau seuil avec un effet de seuil tout à fait préjudiciable à l'emploi.
M. Germain Gengenwin s'est inquiété des risques de développement du travail clandestin pouvant résulter de l'application des 35 heures. En effet, le développement du temps libéré peut inciter les salariés, notamment ceux qui sont peu rémunérés, à augmenter leurs ressources financières grâce à du travail non déclaré.
La commission a rejeté cet amendement.
La commission a ensuite réservé l'examen d'un amendement de M. Maxime Gremetz relatif à la réduction du temps de travail pour les salariés affectés à des travaux pénibles, pour les travailleurs postés et les travailleurs de nuit, le rapporteur ayant indiqué que cet amendement, qui vise à légiférer sur une question liée au travail par cycle, pourrait opportunément être examiné à l'article 2 qui contient des dispositions en la matière.
La commission a examiné un amendement de M. André Schneider proposant d'étendre la possibilité de mettre en _uvre des régimes d'équivalences aux conventions agréées.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin a indiqué que cet amendement visait à résoudre un problème technique posé aux établissements médicaux et sociaux par une jurisprudence récente de la Cour de cassation qui prévoit la possibilité de recourir aux équivalences par décret, accord de branche étendu et accord d'entreprise. L'exclusion des conventions agréées laisse le champ libre à la négociation d'accords d'entreprise, lesquels risquent d'être plus défavorables aux salariés.
Le rapporteur, tout en reconnaissant la réalité du problème posé, a souligné que les conséquences juridiques de l'amendement devraient être étudiées de manière plus approfondie.
Le président Jean Le Garrec a souligné la nécessité d'une expertise approfondie sur cette question et a observé que l'amendement poursuivait un objectif de protection des salariés.
M. Yves Cochet a considéré que la rédaction de l'amendement élargissait de manière dangereuse le périmètre des équivalences qui, selon lui, ne devraient être autorisées que par décret et non par convention ou accord. Dans cette dernière hypothèse en effet, on perd de vue l'objectif de création d'emplois par la réduction du temps de travail.
M. Maxime Gremetz s'est déclaré hostile à l'amendement dans la mesure où celui-ci élargit le champ des recours possibles aux régimes des équivalences.
M. Alfred Recours a fait valoir que la récente décision de la Cour de Cassation permettait la mise en place de régimes d'équivalences par accord d'entreprise, ce qui était précisément susceptible de conduire à des dérives.
Le président Jean Le Garrec a souhaité que cette question fasse l'objet d'un réexamen au cours des débats.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin a retiré l'amendement de M. André Schneider, en vue d'un nouvel examen au cours de la réunion que la commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement.
Informations relatives à la commission
La commission a nommé :
- Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur sur la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
- Mme Odette Grzegrzulka, rapporteur d'information sur l'application de la loi n° 99-641 du 27 juillet 19999 portant création d'une couverture maladie universelle.
- M. Gérard Terrier, rapporteur d'information sur l'application de la loi n° 99-584 du 12 juillet 1999 modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.
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