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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 73

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 Septembre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président
puis de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Suite de l'examen du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail - n° 1786 rectifié (M. Gaëtan Gorce, rapporteur)

 
2

- Information relative à la commission

17

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps du travail - n° 1786 rectifié.

Chapitre premier

Durée légale du travail et régime des heures supplémentaires

Article premier (articles L. 212-1 et L. 212-1 bis du code du travail) : Confirmation du passage à la nouvelle durée légale du travail fixée à 35 heures hebdomadaires

La commission a adopté l'article premier tel qu'amendé au cours d'une précédente réunion de commission.

Article additionnel après l'article premier (article L. 212-4 du code du travail) - Définition des temps compris dans le temps de travail effectif

La commission a examiné, en discussion commune, six amendements relatifs à la définition de la durée effective du travail, dont deux présentés par M. Maxime Gremetz, et trois autres présentés respectivement par M. Yves Rome, M. Yves Cochet et par le rapporteur.

Le président Jean Le Garrec a observé que ces différents amendements obéissaient à deux logiques distinctes : alors que deux d'entre eux tendent à fixer des modalités de calcul du temps de travail effectif en prévoyant pour l'un d'eux le respect d'un mode de calcul constant (amendement de M. Maxime Gremetz) et l'autre une interdiction de la remise en cause des périodes incluses dans le calcul du travail effectif au 1er janvier 1998 dans l'entreprise (amendement de M. Yves Rome), les autres amendements proposent soit de supprimer soit de réécrire le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail.

L'objectif de ces amendements est clair : en dépit des efforts de clarification entrepris dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 et malgré les positions constantes de la Cour de cassation, certaines entreprises ont cherché à interpréter la notion de temps de travail effectif d'une manière biaisée remettant quelques fois en cause les droits et les intérêts des salariés. Il est donc apparu nécessaire de préciser de nouveau les contours et le contenu du temps de travail effectif. Entre les deux approches envisageables, la deuxième paraît la meilleure.

M. Bernard Outin a souligné qu'il convenait d'être extrêmement attentif à ne pas laisser certains employeurs remettre en cause certains acquis par une interprétation tronquée des dispositions du code, notamment en excluant des pauses considérées antérieurement comme du travail effectif.

M. Yves Cochet a observé que la seconde approche - celle tendant à proposer des réécritures plus satisfaisantes du deuxième alinéa en question - lui paraissait plus positive. Il convient de substituer à une rédaction ancienne et peu satisfaisante une rédaction qui dessine les contours du temps de travail effectif. Une réécriture du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail s'impose donc. La nouvelle formulation proposée par son amendement permet de prendre en compte dans le temps de travail effectif les temps de restauration et de pause, qui obéissent dans la plupart des cas à des règles coutumières, comme les temps d'habillage et de déshabillage, dont le régime peut varier selon la nature de l'entreprise.

M. Gérard Terrier a plaidé en faveur d'une définition la plus complète possible de ce qu'il faut entendre par le temps de travail effectif.

M. Alain Néri a rappelé qu'après le vote de la loi du 13 juin 1998, des dérives condamnables se sont produites. Ainsi une note interne au groupe Michelin tend à réduire le temps effectif de travail au seul temps productif et de manière scandaleuse exclut casse-croûte et habillage. Il faut dès lors adopter dans le projet de loi en discussion des dispositions de précaution, aussi précises que possible. De même, il serait bien venu de traiter à cette occasion du temps consacré à la douche dans certaines professions.

M. Germain Gengenwin a exprimé sa crainte qu'une disposition législative encadrant à l'excès le temps de travail effectif ne réduise les possibilités de négociation au sein des entreprises.

M. Maxime Gremetz s'est déclaré prêt à retirer son amendement de suppression du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail au profit de la définition formulée par M. Yves Cochet.

Le rapporteur a souligné la nécessité de sortir de l'ambiguïté actuelle sur des points très précis. L'objectif de réduction du temps de travail serait amoindri si une rédaction claire du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 n'était pas trouvée. A cet égard, l'amendement présenté par M. Yves Cochet paraît le plus à même de protéger les intérêts des salariés.

M. Bernard Accoyer s'est déclaré pour sa part opposé à cet amendement parce qu'il encadre à l'excès, en la rigidifiant, la législation actuelle, ce qui aura des conséquences négatives sur l'emploi.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a demandé des précisions, d'une part, sur la portée de cet amendement concernant les éventuelles modalités de rémunération des temps de pause par exemple et, d'autre part, sur le régime applicable au temps de transport.

Le rapporteur a indiqué que les usages permettent de rémunérer des pratiques en termes de temps de pause alors même que ces temps ne sont pas considérés, par ailleurs, comme du temps de travail effectif. S'agissant du temps de transport, une jurisprudence constante opère une distinction entre le trajet du domicile au lieu de travail, qui doit être manifestement retiré du décompte du temps de travail, et les transports suivant l'arrivée au lieu de travail qui, lorsqu'ils sont commandés par le chef d'entreprise, relèvent dans ce cas du temps de travail effectif.

Après que les cinq autres amendements ont été retirés par leurs auteurs, la commission a adopté l'amendement présenté par M. Yves Cochet.

Après l'article premier

La commission a ensuite examiné un autre amendement de M. Yves Cochet tendant à prévoir que le temps d'astreinte doit être assimilé à du temps de travail effectif dans une proportion minimale d'un quart de la durée totale de l'astreinte.

M. Yves Cochet a indiqué que cet amendement se situait dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère les astreintes comme relevant d'un temps de travail effectif pour un tiers de leur durée, l'amendement proposant, quant à lui, de retenir plus modestement la proportion d'un quart.

Le rapporteur a souligné l'intérêt de cet amendement venant préciser une notion qui repose sur des bases légales peu satisfaisantes. Cependant, il serait préférable que soit adopté un amendement de synthèse traitant à la fois de la définition des astreintes, de leur mise en place et de leurs éventuelles contreparties.

En conséquence, plusieurs amendements ont été retirés : celui de M. Yves Cochet ainsi que deux amendements du rapporteur portant sur ce même sujet.

Article additionnel après l'article premier (article L. 212-4 du code du travail) - Mise en place des régimes d'équivalence

La commission a examiné un amendement de M. Yves Cochet, visant à revenir sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation qui a permis que des régimes d'équivalence soient mis en place par des accords d'entreprises, l'amendement précisant que seul un décret peut autoriser ce régime.

M. Bernard Accoyer s'est élevé contre un amendement qui conduit à « bâillonner » le dialogue social.

M. Hervé Morin a observé que, dès lors que le régime d'équivalence était instauré par un accord de branche, il n'était pas nécessaire de recourir au décret.

M. François Goulard s'est opposé d'une manière générale à ce que la réglementation prétende définir l'ensemble des aspects des relation du travail.

Le rapporteur, après avoir observé que l'extension permise par la jurisprudence et qui n'était nullement souhaitée par la plupart des partenaires sociaux, se révélait effectivement trop large, s'est déclaré favorable à cet amendement. Celui-ci clarifie la situation en mettant ainsi fin aux ambiguïtés à l'origine de la jurisprudence contestable de la Cour.

La commission a adopté cet amendement.

Après l'article premier

La commission a examiné, en discussion commune, deux amendements de M. Yves Cochet et deux amendements de M. Maxime Gremetz, relatifs aux méthodes de décompte des horaires effectués par les salariés.

M. Yves Cochet a précisé que le premier de ses amendements avait pour objet de renverser la charge de la preuve dans le cas où l'employeur ne pourrait fournir de document faisant le décompte des horaires de ses salariés. Le deuxième amendement vise à préciser qu'il doit exister dans l'entreprise un système d'enregistrement automatique des horaires qui soit à la fois objectif et inaltérable.

M. Maxime Gremetz a indiqué que ses deux amendements visaient, d'une part, à affirmer la nécessité de la comptabilisation des horaires par l'employeur et l'obligation faite par ce dernier d'en apporter la preuve en cas de contestation, et, d'autre part, à mettre en place des systèmes d'enregistrement des horaires permettant de contrôler la durée du travail de façon stricte.

Le rapporteur, ayant indiqué que l'esprit de ces amendements était satisfait par la législation en vigueur, et notamment par l'article L. 611-9 du code du travail, a demandé leur retrait.

M. Hervé Morin, après avoir souligné que la question du décompte des horaires revêtait une importance fondamentale, a rappelé la jurisprudence Thomson : si un salarié travaille plus que ne le déclare son employeur, l'inspection du travail peut demander le décompte de ces horaires. Dans ce cas, ne pas le fournir est constitutif d'un délit. La sous-déclaration est elle-même passible d'une contravention. Enfin, l'employeur peut se voir condamné pour avoir pratiqué du travail dissimulé. Il apparaît donc que la réglementation existante est largement suffisante.

La commission a rejeté ces quatre amendements.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Yves Cochet prévoyant que tout salarié soumis à un aménagement de son temps de travail bénéficie de contreparties pertinentes et proportionnelles aux sujétions professionnelles et personnelles imposées.

M. Yves Cochet a indiqué que les différents types d'aménagement du temps de travail comme la modulation, le travail de nuit, les systèmes de forfaits et le travail à temps partiel comportaient des conséquences sur la vie personnelle et familiale du salarié. Le législateur avait d'ailleurs déjà prévu précédemment que les salariés soumis à modulation devaient bénéficier de contreparties. En 1989, le CNPF et les organisations syndicales avaient ainsi signé un accord national interprofessionnel élargissant le champ d'application du principe de contrepartie à tout aménagement du temps de travail. Il faut rappeler en outre que la référence aux contreparties pertinentes et proportionnelles résulte de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Le rapporteur a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'inscrire ce principe de façon générale dans la loi, mais qu'il convenait de reprendre cette discussion au moment de l'examen des articles 3 relatif à la modulation et 6 sur le temps partiel.

M. François Goulard a exprimé son désaccord vis-à-vis de cet amendement, car il ne permet pas de répondre aux changements de rythme défavorables aux salariés induits dans bien des cas par le passage aux 35 heures.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un autre amendement de M. Yves Cochet prévoyant que tout accord doit préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à un aménagement du temps de travail.

M. Yves Cochet a rappelé que le législateur avait déjà prévu, en 1982 et en 1987, la nécessité d'une justification en cas de modulation. Il convient d'étendre ce principe issu du droit civil, qui prévoit que tout accord doit avoir une cause. Il est nécessaire d'affirmer cette règle de manière générale plutôt que de la rappeler pour chaque aménagement du temps de travail.

Après que le rapporteur s'est opposé à cet amendement pour les mêmes raisons que précédemment, la commission l'a rejeté.

La commission a examiné, en discussion commune, trois amendements présentés respectivement par le rapporteur, M. Yves Cochet et M. Maxime Gremetz, concernant la définition du système d'astreintes.

Après que le président Jean Le Garrec a indiqué que ce problème pourrait être évoqué après un travail plus approfondi lors de la réunion que la commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement, le rapporteur et M. Yves Cochet ont retiré leurs amendements.

M. Maxime Gremetz a indiqué que son amendement visait à définir strictement les astreintes afin de les différencier du travail effectif et assurer ainsi des garanties minimales aux salariés. Les astreintes ne doivent être autorisées que si un accord de branche a été signé et dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein. Des compensations minimales en termes de repos, de durée maximale et de salaire doivent être accordées.

M. François Goulard a tenu à préciser que la notion d'astreinte avait évolué notamment avec l'essor des téléphones mobiles.

Après que le rapporteur a indiqué que la préoccupation visant à mieux encadrer dans le projet de loi le recours aux astreintes sera satisfaite grâce à un amendement commun devant être présenté lors d'une réunion ultérieure, M. Maxime Gremetz a accepté de retirer son amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Yves Cochet visant à créer, après le chapitre III du titre I du Livre II du code du travail un chapitre IV sur l'« harmonisation des temps sociaux » prévoyant que le maire doit favoriser l'harmonisation des horaires des services publics avec les besoins résultant de l'évolution de l'organisation du travail dans les entreprises situées dans le bassin d'emploi correspondant.

M. Yves Cochet a indiqué que l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle devait représenter une priorité de la politique de réduction du temps de travail. Celle-ci doit être facilitée, à l'exemple de ce qui a été fait en Italie, par la recherche au niveau local d'une conciliation des horaires pratiqués par les services publics avec les contraintes professionnelles et familiales des salariés. Il s'agit d'un objectif d'« harmonisation sociétale » destiné à préserver les conditions de vie notamment dans les agglomérations.

Le rapporteur, après avoir indiqué partager cette préoccupation, s'est exprimé en faveur de l'amendement.

M. Germain Gengenwin, s'étant enquis du rôle précis dévolu au maire dans ce dispositif, M. Yves Cochet lui a répondu qu'il lui revenait de favoriser la négociation entre les gestionnaires des services publics concernés et les partenaires sociaux des entreprises.

Après avoir indiqué qu'il avait lui-même tenté en tant que maire d'harmoniser les horaires des transports urbains avec ceux des entreprises situées dans les zones industrielles, M. Jean-Paul Durieux a considéré que cet amendement n'avait sa place ni dans le code du travail ni dans le projet de loi qu'il risquerait d'alourdir.

M. René Couanau a observé qu'une incitation, seule, aurait peu d'effet et que la logique de l'amendement conduisait à prévoir que le maire a l'obligation légale d'organiser l'harmonisation des horaires collectifs et professionnels !

A la demande du président Jean Le Garrec, M. Yves Cochet a accepté de retirer son amendement pour le redéposer éventuellement lors d'une réunion ultérieure tenue en application de l'article 88 du Règlement.

Après que M. Hervé Morin, considérant qu'il s'agissait d'une piste intéressante, a repris cet amendement, la commission l'a rejeté.

Article 2 (articles L. 212-2, L. 212-5, L. 212-5-1, L. 212-6, L. 212-7-1 et L. 620-2 du code du travail) : Régime des heures supplémentaires

La commission a examiné trois amendements de suppression de l'article : l'amendement n° 22 de M. Thierry Mariani, un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau et un amendement de M. François Goulard.

M. Bernard Accoyer a indiqué que cet article constituait une véritable « usine à gaz », beaucoup trop complexe pour le fonctionnement des entreprises.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré que le régime des heures supplémentaires devait relever de la compétence des partenaires sociaux. Cet article crée de profondes inégalités entre les entreprises et entre les salariés. On ignore à l'heure actuelle quelle sera l'utilisation du produit de la contribution. En tout état de cause, l'ensemble du dispositif paraît totalement ingérable.

M. François Goulard a insisté sur le caractère absolument illisible de cet article, qui permettra dans le meilleur des cas de favoriser l'embauche de polytechniciens dans les entreprises. L'existence d'un mécanisme glissant, sans application immédiate des 35 heures, est l'aveu par le Gouvernement qu'il ne souhaite pas casser par la réduction du temps de travail la dynamique de création d'emplois engendrée par la croissance économique. Il est par ailleurs tout à fait indécent de confisquer une partie de la rémunération des salariés qui effectuent des heures supplémentaires.

M. Germain Gengenwin a considéré qu'il n'était pas normal qu'un salarié gagne plus ou moins d'argent lorsqu'il fait des heures supplémentaires pour la seule raison que son entreprise a ou non négocié un accord de réduction du temps de travail.

Le rapporteur a rappelé que le code du travail était déjà assez complexe aujourd'hui s'agissant du régime des heures supplémentaires. Le projet de loi prévoit une adaptation de ce régime destinée à privilégier l'emploi.

M. Maxime Gremetz a indiqué que cet article méritait de faire l'objet de sérieux aménagements sur lesquels le débat devait avoir lieu.

La commission a rejeté ces trois amendements.

La commission a rejeté un amendement présenté par M. François Goulard visant à simplifier le régime des heures supplémentaires mis en place par le projet et à prévoir un abaissement progressif des seuils de déclenchement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Hervé Morin disposant que les conventions ou accords collectifs étendus, les conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement ainsi que les accords de branche déjà signés à la date d'entrée en vigueur du projet en discussion demeureraient applicables pour les dispositions négociées relatives au régime des heures supplémentaires.

M. Hervé Morin a regretté que certaines des dispositions des accords conclus par les partenaires sociaux dans le cadre de la première loi de réduction du temps de travail puissent être invalidées du fait du régime des heures supplémentaires mis en place par le projet. Il s'agit là d'un véritable reniement du dialogue social.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement en rappelant que le régime des heures supplémentaires était d'ordre public social.

L'amendement a été rejeté.

Paragraphe I de l'article 2

La commission a adopté un amendement de forme du rapporteur rectifiant un décompte d'alinéas.

Elle a rejeté un amendement n° 36 de M. Thierry Mariani tendant à la suppression des deuxième et troisième alinéas de l'article.

La commission a examiné deux amendements identiques de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et de M. Patrick Malavieille tendant à supprimer les dispositions autorisant l'organisation de travail par cycles grâce à de simples accords d'entreprise ou d'établissement.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz a considéré que le projet propose d'entériner une extension tout à fait discutable du système de travail par cycles qui permet, sur des périodes de quelques semaines, d'organiser une variation de la durée hebdomadaire du travail se répétant d'un cycle à l'autre. Ce mode d'organisation du travail est particulièrement astreignant pour les salariés concernés. En outre, lorsque le travail est organisé en cycles, seules sont considérées comme heures supplémentaires celles qui dépassent en moyenne sur plusieurs semaines la durée légale. Les heures accomplies au-delà de l'heure légale au cours d'une semaine ne sont donc pas systématiquement considérées comme des heures supplémentaires et n'emportent alors ni rémunération majorée, ni repos compensateur, ni imputation sur le contingent annuel des heures supplémentaires. Etant donné que le projet de loi laisse déjà une part importante à la flexibilité, il n'apparaît pas souhaitable de favoriser, en sus, ce type d'organisation du travail.

M. Maxime Gremetz a rappelé que, lorsqu'il avait été mis en place, le système des cycles de travail était destiné à répondre à des problèmes propres à certaines professions bien spécifiques, comme les infirmières ou les salariés occupant des postes de gardiennage. Permettre d'instaurer des cycles par accord d'entreprises sort totalement de cette logique de spécificité et qui paraît dès lors présenter un grand danger.

M. Alfred Recours a considéré que le problème soulevé par ces amendements était d'une grande importance. Il n'y a pas de raison qu'une organisation du travail particulière, rendue nécessaire par la spécificité d'un métier, soit traitée différemment dans des entreprises au sein d'une même branche. Il faudrait faire en sorte de limiter le recours au travail par cycle au seul niveau de la branche professionnelle.

Le rapporteur a approuvé cette position en considérant que le droit actuel, qui autorise l'organisation de cycles par accord de branches, était suffisant. Les amendements proposés présentent l'intérêt de ne pas modifier l'état du droit à ce sujet.

M. Hervé Morin, tout en considérant qu'il s'agit là d'un problème essentiel, a fait observer que si la limitation aux accords de branches pouvait être acceptable dans le cas de métiers très spécifiques (comme dans le secteur du pétrole par exemple), celle-ci devenait inopérante pour des branches qui comprennent des professions très différentes, comme dans le secteur alimentaire. Dans ces cas, l'organisation au niveau de l'entreprise s'avérerait nécessaire.

M. Germain Gengenwin s'est déclaré favorable à la négociation du travail par cycle au niveau de l'entreprise.

La commission a adopté les deux amendements.

La commission a examiné deux amendements présentés par M. Maxime Gremetz :

- le premier fixant à 32 heures la durée légale du travail pour les salariés affectés à des travaux pénibles, pour les travailleurs postés et les travailleurs de nuit ;

- le second réservant cette baisse de la durée légale aux seuls travailleurs postés en continu.

M. Maxime Gremetz a rappelé que l'ordonnance du 16 janvier 1982 avait prévu une durée légale du travail de 35 heures par semaine pour les travailleurs postés en continu. Les deux amendements proposés ont pour but d'appliquer une nouvelle réduction du temps de travail pour ces types d'emplois ainsi que pour les travaux de nuit. Il ne s'agit pas ici d'une avancée mais bien de la réparation d'un oubli puisque la première loi sur les 35 heures avait en quelque sorte annoncé cette adaptation. Le présent projet apparaît en l'état en retrait par rapport aux engagements pris.

Le rapporteur a fait observer que seul le travail posté en continu était concerné par l'ordonnance de 1982. Il convient de rappeler que l'objet du présent projet est de fixer une nouvelle durée légale du travail applicable à l'ensemble des salariés et d'inciter à la négociation pour aller le cas échéant en-dessous de ce seuil. S'agissant des cas visés par les amendements, il faut faire confiance à la négociation collective. Il n'apparaît pas souhaitable d'aller au-delà dans la loi.

M. Maxime Gremetz a admis qu'il fallait mettre à part le travail de nuit.

Le président Jean Le Garrec a souligné l'importance des questions soulevées et a rappelé certains engagements pris au moment de la discussion sur la première loi qui doivent conduire à poursuivre la discussion.

M. Hervé Morin a souhaité savoir si ces salariés passés à 32 heures dans ces conditions ouvriraient droit à une aide supplémentaire en ce qui concerne les allégements de cotisations sociales.

La commission a rejeté les deux amendements.

Paragraphe II de l'article 2 (article L. 212-5 du code du travail)

La commission a examiné deux amendements présentés par M. Yves Cochet destinés à mettre en place un régime distinct d'heures supplémentaires dans les entreprises ayant réduit le temps de travail en deçà de 35 heures.

M. Yves Cochet a expliqué qu'il souhaitait mettre en _uvre par différents amendements un système incitatif de taxation différentielle des heures supplémentaires en fonction du degré d'engagement des entreprises dans la démarche de réduction du temps de travail. Les entreprises pratiquant les 35 heures verraient les heures supplémentaires taxées, comme aujourd'hui, à 25 %. Les entreprises effectuant un effort plus important bénéficieraient d'un bonus si leur durée collective est en deçà de 35 heures, alors que celles demeurées au-dessus de cette durée seraient taxées à 35 %.

Le rapporteur a considéré que le seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires devait être le même pour tout le monde, l'incitation à une réduction supplémentaire du temps de travail se faisant par d'autres moyens et notamment les allégements de charges sur les bas salaires.

La commission a rejeté les deux amendements.

I de l'article L. 212-5 du code du travail

La commission a rejeté un amendement de M. Jean Pontier précisant le régime de rémunération des heures supplémentaires ainsi qu'un amendement de coordination de M. Yves Cochet.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que chacune des huit premières heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail donne lieu à une majoration de salaire de 25 %.

M. Maxime Gremetz a tout d'abord regretté que le débat sur les heures supplémentaires s'effectue de façon éclatée, ce qui ne permet pas de dégager une logique d'ensemble. En ce qui concerne l'amendement présenté, celui-ci se contente de reprendre la législation actuelle en matière de rémunération des heures supplémentaires. En effet, alors que celle-ci n'est déjà pas suffisamment contraignante pour dissuader les entreprises d'avoir recours de façon massive aux heures supplémentaires, le présent projet propose de maintenir une majoration de 25 % jusqu'à la 47ème heure, ce qui n'est pas acceptable.

Le rapporteur a précisé que la nouvelle rédaction de l'article L. 212-5 du code du travail proposée par le projet, qui définit le nouveau dispositif définitif des heures supplémentaires applicables dans le cadre des 35 heures, répond à un double objectif qui consiste, d'une part, à ne pas modifier le dispositif actuel pour toutes les entreprises s'inscrivant dans la durée légale du travail, sauf changer le niveau du seuil, et d'autre part, à pénaliser les entreprises qui n'ont pas joué le jeu de la réduction du temps de travail par un prélèvement supplémentaire affecté à un fonds pour l'emploi.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a examiné un amendement de M. Patrick Malavieille supprimant la mention d'une durée « équivalente » à la durée légale dans le dernier alinéa de l'article L. 212-5 nouveau du code du travail.

Après que M. Maxime Gremetz eut fait valoir que cet amendement permettait de lever une ambiguïté existant dans le texte, le rapporteur a souligné qu'il convenait d'envisager également dans le projet l'hypothèse d'une durée de travail calculée sur l'année.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a rejeté deux amendements : le premier amendement (n° 29) de M. Thierry Mariani, tendant à faire passer de 25 % à 15 % la bonification des quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises appliquant la durée légale, et un second amendement, présenté par M. François Goulard fixant ce taux à 10 %.

Elle a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à supprimer la contribution de 10 % sur les quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises ayant une durée collective de travail supérieure à la nouvelle durée légale.

M. Maxime Gremetz a jugé anormal et illogique le prélèvement sur les rémunérations perçues par les salariés au profit d'un fonds pour l'emploi.

M. Hervé Morin a exprimé son entier accord avec ce raisonnement et son hostilité tant au principe de création du fonds qu'au système de la contribution. Le régime des heures supplémentaires doit être identique pour tous, faute de quoi la fracture sociale risque de s'accentuer.

Le rapporteur a considéré qu'il convenait d'éviter que les entreprises qui ne passent pas aux 35 heures puissent passer des « compromis salariaux » grâce à l'utilisation des heures supplémentaires.

M. Alfred Recours a souligné que les salariés concernés ne perdraient nullement avec le mécanisme proposé : les heures supplémentaires leur apporteront dans tous les cas de figure un supplément de salaire. En outre, il faut éviter que, par le biais des heures supplémentaires, les salariés d'une entreprise soient favorisés par rapport aux chômeurs. Il ne faut pas perdre de vue que la loi doit prioritairement être favorable au développement de l'emploi.

M. Germain Gengenwin a jugé inconcevable que les salariés subissent la ponction proposée par le projet.

M. Maxime Gremetz s'est dit « atterré » par certains propos. Les salariés vont effectivement perdre les 10 % de contribution des heures supplémentaires qui iront au fonds pour l'emploi.

M. Bernard Accoyer, tout en jugeant lui aussi « inique » cette disposition, s'est interrogé sur sa conformité aux droits fondamentaux, dès lors qu'elle distingue sans motif deux catégories de salariés : ceux qui sont concernés par la durée collective des 35 heures et ceux qui ne les sont pas.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. François Goulard supprimant le principe de la contribution de 10 % versée au fonds pour l'emploi.

La commission a examiné un amendement de coordination de M. Yves Cochet prévoyant que dans les entreprises n'ayant pas conclu d'accords collectifs de réduction du temps de travail, la contribution de 10 % au fonds sera complétée par une contribution de 10 % due par l'employeur.

Après que le rapporteur a exprimé un avis défavorable, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Germain Gengenwin portant la bonification des heures supplémentaires à 25 % et supprimant consécutivement la contribution de 10 % au fonds.

La commission a examiné un amendement de M. Bernard Accoyer permettant aux salariés rémunérés jusqu'à hauteur de deux fois le SMIC de choisir les modalités de bonification des heures supplémentaires entre le repos compensateur et la majoration financière.

Le rapporteur s'est opposé à cet amendement en faisant valoir que le projet de loi posait le principe d'une bonification sous la forme de repos compensateur dans le cas de l'absence d'un accord permettant d'opérer un choix entre les deux options possibles - repos ou majoration financière. Il s'agit, en privilégiant la solution du repos, de favoriser l'application de la réduction du temps de travail et donc de créer des emplois.

La commission a rejeté cet amendement

La commission a examiné un amendement de M. François Goulard permettant que les modalités de la bonification soient définies par un accord collectif de branche, même non étendu.

M. Hervé Morin a observé que cet amendement posait le problème de fond de la place respective de l'Etat et des partenaires sociaux dans la définition des règles du droit du travail. Le pouvoir d'extension est apparu parfois comme une pratique arbitraire.

Le rapporteur a indiqué que la loi renvoyant à la négociation pour choisir les modalités de la bonification, la place de la négociation était préservée.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a rejeté un amendement présenté par M. François Goulard supprimant le principe d'une bonification sous forme de repos en l'absence de convention ou d'accord, après que le rapporteur a exprimé son désaccord.

II de l'article L. 212-5 du code du travail

III de l'article L. 212-5 du code du travail

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Bernard Accoyer visant à permettre aux salariés les plus modestes de conserver le choix d'être rémunérés, pour leurs heures supplémentaires, sous forme de repos compensateur ou de majoration financière.

La commission a ensuite rejeté deux amendements de conséquence de M. François Goulard visant à supprimer la nécessité pour un accord de branche d'être impérativement étendu par le ministère pour être valable.

La commission a examiné deux amendements identiques de M. Yves Cochet et de M. Maxime Gremetz supprimant la non-imputation sur le contingent annuel des heures supplémentaires de celles faisant l'objet d'un remplacement par un repos compensateur.

M. Yves Cochet a indiqué que l'exclusion de ces heures supplémentaires faisant l'objet d'un remplacement par un repos compensateur résultait d'un accord entre le gouvernement de M. Edouard Balladur et le CNPF, qu'avait retranscrit la loi quinquennale de décembre 1993. Cette exclusion ne favorise pas l'emploi car le volume autorisé d'heures supplémentaires s'en trouve accru d'autant.

M. Maxime Gremetz a souligné l'importance de cet amendement qui vise à éviter que le repos compensateur de remplacement ne se transforme en outil de flexibilité totale.

Le rapporteur s'est exprimé en défaveur de ces amendements car le dispositif en vigueur, maintenu par le projet de loi, permet en l'état d'inciter au paiement des heures supplémentaires en repos.

M. Bernard Accoyer a attiré l'attention sur les entreprises ayant des activités saisonnières et ayant besoin de pouvoir remplacer le paiement des heures supplémentaires par du repos.

M. Hervé Morin a considéré que cette question devait relever de la négociation entre partenaires sociaux.

La commission a rejeté ces amendements.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. François Goulard tendant à fixer le contingent annuel des heures supplémentaires à 188 heures par salarié au lieu de 130 heures actuellement.

Paragraphe III de l'article 2

La commission a examiné trois amendements identiques de MM. Bernard Accoyer, François Goulard et Maxime Gremetz supprimant l'affectation du produit de la contribution sur les heures supplémentaires au financement des 35 heures.

M. Bernard Accoyer a considéré qu'il était inacceptable de faire financer une partie de la baisse des cotisations sociales par les salariés eux-mêmes et par les entreprises avec l'instauration d'une contribution sur les heures supplémentaires.

M. Maxime Gremetz a estimé que ce qui était pris aux salariés devait leur être rendu.

La commission a rejeté ces trois amendements

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à affecter le produit de la contribution au fonds paritaire pour l'emploi de l'UNEDIC.

Le rapporteur a indiqué qu'il souhaitait retirer son amendement afin de ne pas préjuger des résultats des négociations engagées entre le Gouvernement et l'UNEDIC sur le financement des 35 heures.

M. Bernard Accoyer a protesté contre le « hold-up » organisé sur l'UNEDIC. Il a également déploré l'atteinte aux droits du Parlement que constitue l'absence d'informations claires sur le financement des 35 heures.

M. Maxime Gremetz a également tenu à souligner le manque de transparence en ce qui concerne le financement des 35 heures. Lors de son audition par la commission sur l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000, Mme Martine Aubry n'a d'ailleurs pas annoncé de chiffres précis permettant d'effectuer des calculs précis.

Le rapporteur a retiré son amendement, après avoir indiqué que l'existence d'un fonds pour le financement de compensation des allégements de cotisations sociales liées aux 35 heures permettait de garantir la transparence des comptes.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Jean Rouger rapporteur sur la proposition de loi de M. Jean Le Garrec relative à la création d'un Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) - n° 1516.


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