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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 octobre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

puis de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 1835) :

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a poursuivi l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 1835) sur les rapports de M. Alfred Recours pour les recettes et l'équilibre général, M. Claude Evin pour l'assurance maladie et les accidents du travail, M. Denis Jacquat pour l'assurance vieillesse et Mme Marie-Françoise Clergeau pour la famille.

M. Claude Evin a présenté son rapport sur l'assurance maladie et les accidents du travail.

Le rapporteur a rappelé que l'année 1999 aura été marquée par de nombreux débats sur l'assurance maladie. La CNAMTS a proposé un plan stratégique qui a été voté par son conseil d'administration en juillet dernier et qui a suscité des réactions diverses. Le syndicat national de l'industrie pharmaceutique, l'ordre des médecins, la fédération hospitalière ont formulé un certain nombre de propositions sur le système de santé. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a également contribué à la réflexion : un groupe de parlementaires réunis autour de M. Jean Le Garrec et du rapporteur a proposé des pistes de réforme en juillet dernier.

Le projet de financement de la sécurité sociale pour 2000 reprend de nombreuses propositions de ce groupe de travail. Cependant, dans le cadre de la loi de financement ne peuvent être examinées que des mesures ayant une incidence financière sur la sécurité sociale. La réforme du système de santé se fera donc en deux temps : le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui donne des orientations, puis, au printemps, un texte mettant en place les articles d'application.

Pour ce qui est de la santé publique, l'année 1999 a connu des progrès avec la CMU, les états généraux de la santé et l'affirmation du droit à la dignité par le biais de la lutte contre la douleur et le développement des soins palliatifs. Dans le domaine de la prévention, des avancées notables ont été réalisées sur la contraception, le tabac, la lutte contre le suicide.

Concernant l'assurance maladie, le constat est celui de la paralysie du système conventionnel. Lorsqu'un accord est passé entre une caisse et un syndicat de praticiens, il est régulièrement annulé par le Conseil d'Etat. Dans ces conditions il est urgent d'engager une refonte complète des relations conventionnelles. En outre, le mécanisme du reversement par les médecins né de l'ordonnance de 1996 s'est révélé impraticable juridiquement après la censure par le Conseil constitutionnel de la clause de sauvegarde prévue par la loi de financement pour 1999.

Il est absolument nécessaire de donner aujourd'hui à l'assurance maladie les moyens d'être un véritable gestionnaire des soins et, pour cela, il convient d'accorder une plus grande marge de man_uvre et de négociation aux partenaires sociaux. L'article 17 du présent projet permet de faire un pas dans ce sens par la définition d'une enveloppe honoraires mais, pour des raisons d'ordre constitutionnel, un autre texte sera nécessaire pour pouvoir modifier les articles du code de la sécurité sociale relatifs au système conventionnel. Seule cette refonte des relations conventionnelles permettra d'instituer une véritable délégation de responsabilité à la CNAMTS.

En ce qui concerne le médicament, l'année 1999 a été marquée par la procédure de réévaluation des classes et la politique conventionnelle active menée dans ce secteur avec la signature d'un accord sectoriel en juillet dernier.

Au sujet de l'hôpital, le système des agences régionales d'hospitalisation mis en place en 1996 fonctionne plutôt bien ; ces institutions sont de bons interlocuteurs pour les dirigeants hospitaliers. Le présent projet donne la possibilité de contracter également avec les cliniques privées à l'article 24, ce dont on doit se réjouir puisque cela facilitera le développement de la complémentarité entre secteur public et secteur privé et la fongibilité des enveloppes. La nécessité de développer une tarification par pathologies n'est pas une nouveauté, puisque la possibilité d'y recourir avait été ouverte dans la loi de juillet 1991 et que la loi sur la CMU dans son titre IV prévoit de généraliser l'expérimentation de cette tarification. Cette réforme aurait l'avantage de mettre en place un mode de financement équitable et fondé sur l'activité médicale. En revanche, le chiffrage de la CNAMTS estimant à 30 milliards d'économies apportées par cette nouvelle tarification est irréaliste. Dans le nouveau système, il conviendra de bien distinguer ce qui relève des missions de service public de l'hôpital que la CNAM évalue aujourd'hui à environ 13 % du coût total et ce qui relève du traitement spécifique des pathologies.

S'agissant des accidents du travail il faut noter que le dépassement de l'enveloppe fixée pour 1999 (53,5 milliards de francs contre 53 milliards de francs de prévus) s'explique par une dérive des indemnités journalières. On doit par contre se féliciter que la loi de financement pour 1999 et la loi sur la veille sanitaire aient renforcé les efforts en matière de prévention et de veille. Deux points plus spécifiques peuvent être soulignés :

- le nécessaire examen de la situation de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), qui a émis à plusieurs reprises des positions contestables, notamment sur l'amiante ;

- l'extension en 1999 et en 2000 de la reconnaissance des maladies professionnelles, ce dont on doit se réjouir.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean Luc Préel a considéré qu'il était nécessaire de conforter et d'améliorer notre système de protection sociale. Celui-ci est plutôt satisfaisant en ce qui concerne le curatif, car, même si il est regardé comme coûteux, la France ne se situant néanmoins qu'au cinquième rang mondial pour ce qui concerne le rapport entre les dépenses de santé et le PIB. Par ailleurs, le déficit de la branche assurance maladie est relativement modeste rapporté au total des dépenses de la branche.

En revanche, notre système de protection sociale n'est pas du tout satisfaisant en ce qui concerne la prévention et souffre de l'absence d'une véritable politique de santé publique. Toute l'ambiguïté du système réside dans le fait que l'on ne sait pas qui en assure véritablement la conduite et la responsabilité. Lors de la réforme essentielle ayant institué la loi de financement de la sécurité sociale, l'objectif était de privilégier la négociation contractuelle entre les caisses et les partenaires sociaux, une fois l'ONDAM voté par le Parlement. Dans les faits, la ministre n'a cessé d'intervenir dans toutes les négociations et le Gouvernement a conservé la maîtrise du système, qui est donc complètement étatisé. Il faut refuser cette dérive et réaffirmer avec force l'importance de la contractualisation et de la régionalisation.

M. Jean Luc Préel a ensuite posé des questions sur :

- les conséquences sur la fongibilité des enveloppes des dispositions du projet de loi qui prévoient de confier la gestion de la médecine ambulatoire à la CNAMTS, tout en maintenant le médicament et l'hôpital sous la responsabilité du ministère de la santé, et en y rattachant les cliniques privées ;

- le rythme et les critères retenus pour la résorption des inégalités régionales et intra-régionales, en matière hospitalière ;

- les conséquences négatives que le recours aux lettres-clés aura forcément sur les praticiens les plus attachés à la mise en _uvre de bonnes pratiques médicales, un médecin étant d'autant plus pénalisé par une baisse de la valeur de la lettre qu'il voit moins de malades.

M. Jean Bardet a formulé plusieurs observations :

- Il semble difficile de parvenir à une véritable maîtrise des dépenses tant que l'on ne sera pas parvenu à évaluer les besoins de santé.

- La fixation des prix et des niveaux de remboursement des médicaments selon le service médical rendu pourrait entraîner une médecine à deux vitesses.

- Le principe d'une tarification à la pathologie pour les hôpitaux est intéressant mais risque de causer beaucoup de déceptions, les établissements pensant pouvoir ainsi récupérer des moyens supplémentaires alors que les payeurs espèrent, par ce bais, réaliser des économies.

- Le taux d'évolution prévu des dépenses hospitalières va très certainement poser des problèmes à de nombreux établissements en matière de rémunérations du personnel.

M. Yves Bur a fait les remarques suivantes :

- Le Gouvernement n'assure pas aujourd'hui la maîtrise des dépenses de santé. Celles-ci ont augmenté de 58 milliards de francs depuis 1998, soit un rythme de croissance trois fois supérieur à celui observé entre 1996 et 1998. Grâce à l'abondance des ressources, on mène aujourd'hui une politique de la facilité, limitée à une approche comptable et totalement dépourvue de vision stratégique, comme l'a fait ressortir la publication d'un plan stratégique de la CNAM. Le peu d'importance accordée aux objectifs de santé publique en témoigne parfaitement.

- L'échec du système conventionnel évoqué par le rapporteur est très certainement l'échec des partenaires sociaux, mais également celui du Gouvernement, qui n'a pas su créer des conditions favorables au dialogue des parties conventionnelles.

- Depuis le plan Juppé, aucune réflexion approfondie n'a été menée. Il convient aujourd'hui d'innover et surtout de renoncer à une gestion centralisatrice et désuète du système au profit d'une véritable politique de régionalisation. Pour le moment, les politiques régionales de santé sont totalement illisibles.

- En confiant à la CNAMTS, la gestion de la médecine de ville, le projet de loi de financement lui fait en réalité un cadeau empoisonné car il ne lui accorde pas les moyens nécessaires pour assurer cette gestion.

- Il n'est pas acceptable que le panier de soins de la CMU ne soit toujours pas défini.

- Les laboratoires pharmaceutiques, s'ils sont trop malmenés par la loi, tendront de plus en plus à mettre des médicaments sur le marché sans demander le remboursement, ce qui créera forcement une médecine à deux vitesses.

M. Jean-Pierre Bauemler a souligné l'utilité des agences régionales d'hospitalisation dont la mission est confortée puisque le projet de loi étend leurs compétences aux cliniques privées. L'hôpital public s'adapte, améliore le service rendu et cette tendance devrait être renforcée par l'accréditation.

Deux questions se posent toutefois pour l'hôpital : tout d'abord la prise en compte de l'activité médicale à travers le PMSI dans la répartition des moyens hospitaliers, ensuite la pénurie de médecins dans certaines disciplines qui menace l'avenir des établissements de proximité.

M. Pierre Hellier a observé que la révision du mode de fixation de l'ONDAM ne suffisait pas à apaiser les inquiétudes du corps médical. Il a ensuite dénoncé la temporisation du Gouvernement, notamment à l'égard du plan stratégique de la CNAM et s'est demandé pourquoi l'hôpital restait en dehors de la gestion de celle-ci.

M. Edouard Landrain s'est interrogé sur la différence de traitement entre le secteur public hospitalier soumis au budget global et le secteur privé qui conduit l'hôpital public à opérer des transferts vers les cliniques privées lorsque les dotations sont épuisées.

En réponse aux intervenants, M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail a apporté les précisions suivantes :

- Il n'y a pas d'étatisation du système. La ministre n'est intervenue, à l'égard des spécialistes, seulement à partir du moment où la négociation avait échoué et en usant du règlement conventionnel minimal mis en place par les ordonnances de 1996. Il est indispensable qu'en l'absence de convention les partenaires puissent quand même discuter. Tel est l'objet du projet de loi qui en l'absence d'accord, permet aux caisses de prendre des mesures unilatérales évitant ainsi l'intervention du Gouvernement.

- L'ordonnance de 1996 a mis en place quatre enveloppes étanches. Il faut aujourd'hui sortir de ce dispositif par la régionalisation de notre système de santé.

-  La répartition régionale de l'enveloppe hospitalière s'opère selon quatre critères définis par le Gouvernement. En principe, il faudrait effectivement définir les besoins avant de fixer les moyens mais se pose le problème de l'appréciation exacte des besoins de santé. Par exemple, parmi les critères utilisés, il existe un indice de mortalité. Or, si on ne peut nier l'existence de fortes inégalités entre les régions devant la mort, on est moins affirmatif sur le rôle que peut jouer le niveau de l'offre de soins dans leur réduction, compte tenu d'autres facteurs.

- La valeur des points ISA n'est que l'un des critères de l'affectation des dotations budgétaires tant au niveau infrarégional qu'interrégional.

- Une réflexion devrait être menée notamment sur les études médicales pour mettre fin à la pénurie de certaines catégories de praticiens dans les hôpitaux.

- Il ne faudrait pas oublier que l'hôpital public n'a jamais été dans une relation contractuelle avec les caisses d'assurance maladie. Toutefois les caisses régionales sont partie prenante de l'agence régionale d'hospitalisation.

- Une étude devra être menée sur la question des transferts entre hôpital et médecine de ville ou cliniques privées. Chacun des acteurs a le sentiment que la responsabilité pèse sur l'autre. Il n'est pas sûr, en réalité, que l'importance des transferts soit très importante. Mais une clarification statistique doit être faite par le Gouvernement car les controverses sont nombreuses.

- La tarification à la pathologie permettra de disposer d'éléments de comparaison plus pertinents entre secteur public et secteur privé et donc d'améliorer l'allocation des ressources entre les deux composantes de l'hospitalisation.

M. Yves Bur a souhaité que la commission mène une étude sur la question importante de la régionalisation.

Le président Jean Le Garrec, après s'être réjoui des travaux menés par le rapporteur au mois de juillet et de leur contribution à l'élaboration du présent projet de loi a ensuite insisté sur sa volonté de donner un rôle croissant à la commission dans la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment en entretenant des liens étroits avec la Cour des comptes et de peser sur la prise de décision dans le domaine de la santé.

*

M. Denis Jacquat a ensuite présenté son rapport sur l'assurance vieillesse.

Il a tout d'abord rappelé des données relatives au vieillissement de la population : l'espérance de vie s'accroît de trois mois chaque année. 2006 sera l'année du « papy-boom ». D'un taux de croissance de 110 000 retraités chaque année, on arrivera en 2006 à un taux de 250 000. En 2040, un tiers des Français auront plus de 60 ans et l'on comptera 7 retraités pour 10 actifs. La France connaît de surcroît un problème spécifique tenant au fait que l'âge de cessation d'activité ne coïncide plus avec celui de la retraite.

Il est clair que le système de retraite par répartition doit être conservé. Cependant on assiste à un début de décrochage entre les régimes notamment du aux différences d'indexation des pensions existant entre le régime général et les régimes spéciaux. Il faut aussi préciser que le quart du revenu des retraités provient de leur patrimoine.

La baisse du chômage annoncée pour 2006 ne résoudra pas à elle seule la question du déficit. Un taux de chômage de 3 % de 2006 à 2033 ne suffirait pas en effet à y mettre fin.

Le fonds de réserve dont le rapporteur avait, l'an dernier, approuvé la création n'est encore que symbolique. Pour qu'il devienne effectif, il doit être abondé, car les besoins, que l'on peut évaluer à 66 milliards de francs en 2006, ne feront ensuite que s'accroître d'année en année. Il faut en outre s'interroger sur le fait qu'il ne concerne que le régime général. Qu'en est-il pour les autres régimes ?

Même avec un fonds de réserve abondé, le niveau des retraites ne pourra être garanti. Il faut un troisième étage à la fusée, qu'on l'appelle épargne-retraite ou fonds de pension. Il est indispensable que tous puissent y accéder, car l'épargne salariale ne suffit pas.

Le rapport Charpin préconise un allongement de la durée de cotisation. Cette proposition, qui a été largement commentée, aurait un simple effet mécanique, en faisant baisser le nombre de retraités à payer. En revanche, on peut s'interroger sur les moyens d'occuper davantage d'actifs, alors que la France est le pays d'Europe où il y a le plus grand nombre de cessations anticipées d'activité.

La réforme de 1993, qui a allongé la durée de cotisation et pris comme référence les vingt-cinq meilleures dernières années de salaire, va entraîner une disparité entre actifs et retraités, mais aussi entre les retraités du régime général et ceux de la fonction publique. Il y a là un risque d'explosion sociale. Une réflexion sur l'harmonisation des régimes et la réforme des régimes spéciaux est nécessaire, en ayant à l'esprit que la retraite des fonctionnaires est un élément statutaire.

Les mesures prises en 1999 en faveur des veuves civiles sont insuffisantes, il faut améliorer leur situation sur plusieurs points : le pourcentage de réversion, le plafond du cumul, la prise en compte de la majoration pour enfant.

La prestation spécifique dépendance ne peut être qu'une première étape. Il est avéré que ce mécanisme ne fonctionne pas bien. La solution réelle est la création d'un « cinquième risque » couvert par la sécurité sociale, car ce problème ressortit à la solidarité nationale. A défaut, les inégalités entre départements perdureront.

En fait, il faut avoir l'ambition d'une réforme globale qui, face au vieillissement de la population, inclut la prise en compte de la dépendance, de la démence sénile et la réforme des institutions médico-sociales. Nous avons donné des années à la vie, il faut donner de la vie aux années.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Yves Bur a formulé les observations suivantes :

- L'accroissement du nombre des personnes âgées pose la question de leur statut et de leur rôle. Quelle place peuvent tenir dans la société des personnes retraitées à partir de 55 ou 60 ans et dont l'espérance de vie va jusqu'à 90 ou 95 ans ? Les retraités manifestant de plus en plus, ils ont découvert leur pouvoir de pression.

- Le fonds de réserve est toujours à l'état virtuel, ce qui conduit à s'interroger sur la portée des lois de financement.

- Il serait souhaitable d'établir une programmation pour la prise en charge des malades atteints de la maladie d'Alzheimer et des déments séniles, car l'importance numérique de ce problème n'est pas perçue et la France est, sur ce point, en retard par rapport à l'Allemagne.

- L'avenir de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) est inquiétant et risque d'amener les élus locaux à prendre des mesures difficiles.

- La réforme de la tarification des établissements va entraîner pour les familles un surcoût parfois considérable, jusqu'à 2 000 francs par mois. Est-on sûr d'avoir pris la mesure de la diversité des situations ?

M. Jean Bardet a observé que, pour les retraites, il est beaucoup plus facile d'évaluer les besoins qu'en matière de santé. Il a regretté le faible contenu de ce projet de loi, le Gouvernement ayant reporté les décisions à l'année prochaine.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur pour la famille, a abordé la situation des quatre millions de conjoints survivants. Alors que certaines demandes n'avaient jamais été prises en compte, des avancées sont actuellement enregistrées, en ce qui concerne les successions, dans le cadre du projet de réforme du droit de la famille. Elle a ensuite évoqué le problème des pluripensionnés, qui se trouvent pénalisés quand le conjoint décédé avait cotisé à plusieurs régimes.

M. Jean-Luc Préel a fait les remarques suivantes :

- Cette loi ne prépare pas l'avenir, face au double défi du financement des retraites et de la prise en compte de la dépendance.

- Il semble que le fonds de réserve n'a pas été effectivement créé et abondé.

- Il est regrettable que pour la revalorisation de 0,5 % des retraites au 1er janvier, on prenne en compte seulement la hausse des prix et pas les loyers, d'autant qu'on peut s'interroger sur l'évolution du pouvoir d'achat réel des retraités, compte tenu de l'application de la CSG.

- Le projet de loi ne comporte aucune disposition sur les régimes spéciaux, à l'exception d'un article relatif aux géomètres.

- Les problèmes de la prestation spécifique dépendance, de la tarification des établissements ainsi que la situation des conjoints survivants restent non réglés.

M. François Goulard a posé des questions sur :

- l'estimation de la dotation nécessaire au fonds de réserve à compter de 2006 ;

- l'état des travaux gouvernementaux à propos de la retraite par capitalisation et sur l'appréciation du rapporteur à l'égard de l'amendement, voté par la commission des finances, abrogeant la loi de 1997, créant les plans d'épargne-retraite, dite « loi Thomas ».

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a fait les observations suivantes :

- La prestation spécifique dépendance ne pose pas seulement un problème de moyens financiers. C'est l'ensemble du dispositif qui est inadapté et manque de souplesse.

- Les risques d'entrée dans la dépendance ne sont pas seulement d'ordre médical mais tiennent aussi au niveau de ressources.

- Dès lors, la notion de cinquième risque n'est pas nécessairement pertinente et il vaudrait mieux concevoir un système de prestations légales regroupant l'ensemble des dispositifs.

- En matière de tarification, il est souhaitable qu'on prenne en considération le niveau en matière de soins.

- Des dispositions spécifiques aux démences séniles et à la maladie d'Alzheimer ne seraient pas appropriées.

- Le vieillissement de la population ne pose pas seulement les questions du financement des retraites et de la dépendance, mais aussi celle de la place des personnes âgées dans la société : à quoi sert-on quand on ne sert pas ?

- Il faut déplorer que les départements n'aient en général dépensé aucun crédit, ou même aient choisi d'en économiser, en matière de prestation spécifique de dépendance. Si aucune modification n'intervient dans l'agencement du système actuel, il est certain que les disparités entre les départements vont persister, voire s'accentuer. Il faut à cet égard se reporter aux solutions préconisées dans le rapport de Mme Guinchard-Kunstler déjà cité relativement à la création d'une prestation unique et égale pour tous.

*

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Le président Jean Le Garrec a indiqué qu'il avait décidé de réserver l'article premier et l'article 2 jusqu'à la fin du débat, l'article premier pour les raisons habituelles de coordination avec les articles ayant un caractère normatif et l'article 2 parce que des négociations étant en cours avec l'Unedic, il peut être utile d'attendre une journée pour voir si elles donnent des résultats, étant entendu que de toute manière l'Etat sera amené à garantir l'équilibre du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de la sécurité sociale.

M. Jean-Luc Préel a marqué sa désapprobation en indiquant que l'article premier donne tout son sens à la loi de financement de la sécurité sociale, tant il est vrai que les mesures de santé publique devraient être placées en tête du texte qui doit ensuite traiter des mesures annoncées. Quant à la réserve de l'article 2 elle témoigne de la totale improvisation qui préside à la création du fonds.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a considéré que la vision de M. Jean-Luc Préel relevait de la chronologie, mais que cette logique ne constitue pas nécessairement la règle comme le prouvent les dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale permettant la réserve de certains articles ou amendements. Le rapport annexé à l'article premier a toujours été examiné en fin de débat. Sur l'article 2, la commission sera appelée à examiner un amendement de la commission des finances prévoyant que l'équilibre du fonds pourra être assuré par un ajustement de la contribution sociale sur les bénéfices (CSB).

M. Jean Bardet a rappelé que le rapport annexé à l'article premier devait définir les priorités de la politique de santé du Gouvernement, mais que le texte proposé au vote du Parlement n'est qu'un répertoire de bonnes intentions non chiffrées. Cela ne remet toutefois pas en cause la logique voulant qu'il soit discuté en premier lieu.

Mme Christine Boutin a rappelé l'expérience menée au sein de l'éducation nationale tendant à enseigner l'histoire en dehors de l'ordre chronologique qui a entraîné une grande confusion dans l'esprit des élèves.

M. Bernard Accoyer a indiqué qu'il lui semblait évident de discuter des besoins de santé de la population avant leurs chiffrages financiers.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Article additionnel avant l'article 2 (article L. 136-6 du code de la sécurité sociale) : Augmentation du seuil de recouvrement de la CSG sur les revenus du patrimoine

La commission a examiné un amendement de M. Bernard Charles visant à relever le seuil de recouvrement de la CSG sur les revenus du patrimoine de 160 francs à 400 francs.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, s'est déclaré favorable à l'amendement, après avoir remarqué qu'un amendement identique avait été adopté par la commission des finances à l'initiative du président Augustin Bonrepaux. Il permet de régler d'une manière plus juste la situation fiscale de certains retraités titulaires de petits revenus du patrimoine complémentaires, qui payent la CSG mais ne sont pas redevables à l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Luc Préel a rappelé que la CSG constituait aujourd'hui un dispositif d'une grande simplicité mais que des dérogations allant plus loin que celle ici proposée pourraient en altérer l'esprit et l'universalité.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a souligné que tel n'était pas l'effet de cet amendement qui consiste en une simple harmonisation des règles de recouvrement de la CSG avec celles de l'impôt sur le revenu.

La commission a adopté l'amendement.

Avant l'article 2

La commission a examiné un amendement de M. Pascal Terrasse visant à l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite, dite « loi Thomas ».

M. Pascal Terrasse a rappelé que le même souhait avait été exprimé l'an dernier à l'initiative du groupe communiste et que la ministre avait précisé qu'il ne pouvait entrer dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale. Il convient toutefois dès à présent de renouveler cette exigence pour aboutir à une solution législative.

M. Maxime Gremetz a observé que la promesse faite d'abroger la « loi Thomas » avait été une condition de l'abstention du groupe communiste sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et que la ministre s'était engagée, à cette occasion, à inscrire cette mesure dans un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social. De ce fait, le groupe communiste n'a pas jugé bon de représenter son amendement dans le cadre de l'examen du présent texte. Une telle initiative concurrente manque donc singulièrement de courtoisie.

M. Pascal Terrasse a indiqué que cet amendement avait essentiellement pour but de rappeler l'engagement pris et s'est donc déclaré prêt à le retirer.

M. Jean Bardet s'est déclaré opposé à l'abrogation de la « loi Thomas ».

M. Denis Jacquat a souligné qu'une telle mesure d'abrogation ne pouvait qu'être liée à la mise en place parallèle d'un « troisième étage » des retraites.

M. Jean-Luc Préel a estimé que la mise en place nécessaire de ce « troisième étage » n'imposait pas l'abrogation de la « loi Thomas » et que son éventuelle modification, à l'initiative du ministre de l'économie et des finances, pouvait suffire.

M. Yves Bur a déclaré voir dans l'amendement proposé un mauvais signe pour la réforme des retraites, qui s'annonce tout à fait insuffisante pour faire face aux besoins liés à leur financement, ne serait-ce qu'à l'horizon 2006.

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a regretté que certains sujets ne puissent être abordés dans le cadre de l'examen des lois de financement de la sécurité sociale, en raison de la définition trop restrictive de la loi organique de 1996. Il s'est déclaré sensible à l'argumentation développée par M. Maxime Gremetz et a exprimé le souhait que le présent amendement soit retiré par son auteur.

M. Alfred Recours, rapporteur sur les recettes et l'équilibre général, a considéré que l'amendement présenté était en accord total avec la démarche de M. Maxime Gremetz, puisqu'il s'agissait ainsi de rappeler les engagements pris. La commission des finances a également adopté un amendement identique.

L'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné un amendement de M. François Goulard visant à déplafonner l'exonération de charges sociales pour l'emploi d'aides à domicile par les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans.

M. Pascal Terrasse a objecté qu'il existait déjà un certain nombre de dispositifs d'exonérations totales de charges et que le présent amendement visait uniquement à octroyer de nouvelles exonérations à des catégories qui n'en ont pas véritablement besoin.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a estimé qu'il s'agissait d'une véritable remise en cause du dispositif voté dans la loi de financement de la sécurité sociale de l'an dernier, en ce qui concerne la définition d'un plafond de rémunération.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a considéré que le dispositif proposé était très dangereux dans le cadre de l'emploi direct d'aides à domicile par des personnes ayant de graves difficultés physiques.

La commission a rejeté cet amendement, ainsi qu'un amendement de repli de M. François Goulard sur le même sujet.

La commission a examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse créant un nouveau dispositif d'allégement de charges des entreprises sous forme de bonifications de crédits en contrepartie de créations effectives d'emplois et de mise en formation des salariés.

M. Maxime Gremetz a regretté que l'application de l'article 40 de la Constitution entrave l'examen de propositions parlementaires alternatives pour le financement de la sécurité sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale avait pour sujet le financement de la protection sociale et que celui de la réduction du temps de travail n'a pas à être regardé sous le même angle. Il ne s'agit donc pas de remettre en cause dans le cadre du présent projet de loi de financement les dispositions qui viennent d'être adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture sur la réduction négociée du temps de travail. Toutefois, la seule extinction de la ristourne dégressive à compter de 2004, proposée par le dernier alinéa de l'amendement, mériterait d'être étudiée en détail si elle faisait l'objet d'un amendement spécifique.

La commission a rejeté l'amendement.

Article additionnel avant l'article 2 (article L. 241-2 bis nouveau du code de la sécurité sociale) : Création d'un régime d'assurance pour le paiement des cotisations patronales de sécurité sociale

La commission a examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse visant à réduire la dette des entreprises à l'égard des organismes de sécurité sociale par l'assujettissement des employeurs à des cotisations d'assurances destinées à couvrir le risque de non-paiement des cotisations sociales patronales.

M. Maxime Gremetz a indiqué que les difficultés de la sécurité sociale étaient structurellement liées au chômage. La dette patronale à l'égard des organismes de sécurité sociale, aujourd'hui de 100 milliards de francs, est fréquemment passée sous silence et la situation des entreprises, de ce point de vue, contraste avec celle des salariés contraints de s'acquitter de leurs cotisations. Il s'agit donc, en s'inspirant de l'association pour la gestion du régime d'assurance de créances des salariés (AGS), de contraindre les entreprises au paiement de leurs cotisations par l'organisation d'un régime d'assurance.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a estimé que les arguments développés relevaient du bon sens et que la formule proposée semblait adaptée à l'objectif recherché. Sous réserve des difficultés que pourrait faire apparaître une expertise technique ultérieure, il s'est déclaré favorable à l'adoption de cet amendement.


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