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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 novembre 1999
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la communication de la Commission - Proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2000 - n° 1942.

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- Information relative à la commission

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Le Garrec, la proposition de résolution de M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2000 - n° 1942.

Le président Jean Le Garrec, rapporteur, a rappelé que, chaque année, à la fin du mois de novembre, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales était appelée à apporter sa contribution au processus, encore tâtonnant, mais plein de promesses de la définition d'une politique communautaire de l'emploi.

La commission doit, en effet, comme l'an dernier, se prononcer, en application de l'article 88-4 de la Constitution et à l'article 151-1 du Règlement, sur une proposition de résolution de M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres qui, pour l'année prochaine, seront arrêtées par les chefs de Gouvernement et d'Etats réunis à Helsinki les 10 et 11 décembre prochains.

Il a tout d'abord indiqué son intention de profiter de la récente élection de M. Michel Rocard à la présidence de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen pour nouer des liens avec cette commission et organiser une rencontre avec elle sur l'emploi, avant de rappeler quelques éléments relatifs à la procédure de définition de la politique européenne de l'emploi.

La politique de l'emploi est devenue depuis 1997 une composante importante des politiques communautaires et a été consacrée comme telle par le traité d'Amsterdam. Le titre VIII de ce traité fixe précisément la méthode :

- définition de lignes directrices annuelles par le Conseil européen, sur proposition de la Commission européenne et après examen par le Conseil des ministres ;

- en application de ces lignes directrices, élaboration par chaque Etat membre d'un plan national d'action pour l'emploi, le PAN ;

- rapport annuel conjoint entre la Commission et le Conseil sur l'emploi qui analyse le contenu de chacun des plans nationaux et évalue ses résultats.

A la fin de l'année 1997, les 19 premières lignes directrices avaient été adoptées par l'Union européenne. En 1998, ces lignes directrices ont été simplement actualisées, la politique de l'emploi étant au niveau national et encore plus au niveau européen, par définition, une politique à moyen terme. En 1999, il en va de même : le texte soumis à l'Assemblée nationale, la communication de la Commission préparatoire au conseil des ministres qui se tiendra le 29 novembre - date qui justifie pleinement la procédure d'urgence mise en _uvre aujourd'hui - n'a pas d'autre ambition que « d'apporter un nombre limité d'adaptations et de clarification à certaines lignes directrices existantes » sans en proposer de nouvelles.

Cette méthode n'est pas directement critiquée par la délégation européenne mais le dépôt même d'une proposition de résolution détaillée et exigeante montre que la délégation ne se satisfait pas pleinement des apports assez limités de l'édition 1999. Il faut cependant préciser qu'une part importante des critiques et des revendications que la délégation nous propose d'endosser et par la même de faire endosser à l'Assemblée nationale - puisque de toute évidence la résolution que la commission adoptera deviendra définitive sans passer par la séance publique- sont la répétition de celles formulées l'an dernier. Plus précisément la délégation constate que les recommandations que la commission des affaires culturelles avait votées l'an dernier n'ont pas, sur bien des points, été reprises dans la version finale des lignes directrices pour 1999 et propose de les réitérer.

Par cohérence avec la position de la commission l'an dernier, formulée sur rapport de M. Gaëtan Gorce, il est nécessaire d'appuyer la délégation et de voter à nouveau ces demandes, en souhaitant cependant qu'elles ne s'accumulent pas d'année en année.

En conclusion, le rapporteur a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de résolution.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne, a indiqué que la proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres est un mécanisme relativement récent. A partir du Conseil européen du Luxembourg, un processus de travail a été enclenché par la Commission et le Conseil sur les questions de l'emploi qui permet une véritable prise en compte de la dimension de l'emploi au niveau communautaire.

La préparation du programme pour l'an 2000 revêt une importance particulière : tout d'abord, parce que la présidence portugaise a mis au centre de ses préoccupations la lutte contre le chômage en prévoyant un conseil européen portant uniquement sur ce sujet et ensuite parce que la présidence française devrait également être marquée par une réorientation de la politique européenne dans cette direction.

En ce qui concerne les lignes directrices pour l'emploi, même si certaines avancées ont été constatées depuis 1999, d'ailleurs à un rythme moins rapide qu'on pourrait le souhaiter, un grand nombre des demandes formulées par l'Assemblée nationale dans sa résolution adoptée l'année dernière n'ont pas été satisfaites et il est nécessaire de les réitérer. C'est le cas, en particulier, de la fixation d'objectifs quantifiés et d'un calendrier pour les atteindre, concernant le développement de l'apprentissage et de la qualification, l'accès des personnes handicapées au marché du travail, la réduction du montant des charges sur les entreprises ou l'accroissement des emplois dans les services. Il s'agit d'un des enjeux les plus importants, alors que certains pays ne souhaitent pas fixer de tels objectifs. De même, l'harmonisation des indicateurs et des outils statistiques permettant de mesurer la conformité des résultats à des objectifs quantifiés devrait également constituer une ligne directrice.

Par ailleurs, plusieurs améliorations complémentaires pourraient être apportées à la proposition de lignes directrices pour 2000, formulée par la Commission européenne. Outre des suggestions d'ordre rédactionnel et terminologique, la résolution demande notamment de mieux prendre en considération l'insertion des personnes marginalisées ou en voie de l'être et de modifier la proposition de directive concernant la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'_uvre, afin de permettre aux Etats membres de fixer ces taux réduits pour trois ou quatre des cinq secteurs couverts par ce texte, au lieu de deux actuellement.

De même, un renforcement de la coordination des politiques économiques en faveur de l'emploi dans le cadre du Conseil des ministres de l'Union européenne serait indispensable, tout comme le lancement d'un emprunt européen, destiné à financer un programme de projets d'intérêt communautaire dans le domaine des infrastructures, des réseaux de communication et des nouvelles technologies.

Il sera en tout cas indispensable de continuer à travailler sur la politique européenne de l'emploi afin d'en faire un point important de la position française avant le sommet de Lisbonne.

Le président Jean Le Garrec, rapporteur, a indiqué qu'il souhaitait que la commission puisse, en collaboration avec la délégation européenne, débattre à nouveau de cette question, au premier trimestre 2000, afin de mobiliser fortement la Représentation nationale sur cet enjeu.

Il a ensuite formulé les remarques suivantes :

- La discussion de certaines formulations retenues par la Commission n'a qu'un intérêt secondaire.

- Compte tenu du fait qu'il existe déjà 22 lignes directrices, on peut s'interroger sur l'opportunité d'en créer de nouvelles. Il est incontestable toutefois que la fixation d'objectifs quantifiés, l'extension du taux réduit de TVA et le lancement d'un emprunt européen, sous réserve de lui donner une définition plus précise, sont des objectifs essentiels qui peuvent avoir des effets de levier importants en matière d'emploi.

- Il sera indispensable de cibler les objectifs sur deux ou trois points essentiels et clairement définis avant que ne débute la présidence française pour qu'une véritable action puisse être engagée au niveau européen.

M. Pierre Hellier a fait les observations suivantes :

- La notion de politique communautaire de l'emploi, séduisante a priori, semble à ce jour se résumer à un simple « catalogue de v_ux pieux », malgré l'engagement politique fort de diverses personnalités européennes, incluant notamment le Premier ministre français. Il y a fort à parier que les Etats membres ne se mobiliseront pas de façon aussi volontaire dans la mise en place d'une véritable Europe sociale qu'ils ne l'ont fait pour la mise en _uvre de l'Euro.

- La possibilité laissée d'abaisser le taux de TVA sur certains produits et services doit être développée. Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration mériterait particulièrement de bénéficier d'un abaissement de taux. La réponse à une la question écrite adressée au Gouvernement à ce sujet apparaît d'ailleurs tout à fait insatisfaisante, le Gouvernement ayant répondu que ce secteur ne devait pas profiter de cette mesure favorable au motif que les clients de ces services auraient les moyens financiers suffisants pour supporter le maintien du taux de TVA à son niveau actuel.

M. Jean Rouger a fait les remarques suivantes :

- La réduction du taux de la TVA représente un bon moyen d'encouragement au développement économique du secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Toutefois une telle mesure devrait s'accompagner d'un véritable contrat social permettant d'améliorer la situation des salariés de ce secteur.

- D'une manière générale, il est nécessaire de lier les aspects de la politique sociale européenne aux évolutions et aux débats économiques : la dimension sociale de la construction européenne ne saurait être traitée comme une question à part sans être rattachée à une réflexion plus large sur les moyens d'accroître la compétitivité des entreprises et de permettre une meilleure participation des salariés à la vie de leur entreprise.

Mme Jacqueline Lazard a insisté sur la nécessité de prendre les mesures visant à assurer l'égalité entre les hommes et les femmes comme la résolution la recommande dans le domaine de l'insertion professionnelle. Il s'agit là d'un devoir incombant aux Etats membres de l'Union européenne. Cette question revêt en France une importance encore accrue au moment où vient d'être créée la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le président Jean Le Garrec, rapporteur, a déclaré avoir été frappé d'entendre, à l'occasion d'une audition récente, les responsables patronaux de l'artisanat, en particulier ceux du secteur de la restauration, prendre en considération de façon décisive dans leurs discours diverses nécessités sociales, dans le but notamment d'attirer les jeunes générations vers les métiers artisanaux. Leur difficulté à trouver de la main d'_uvre les a ainsi conduit à revoir leur conception des conditions de travail. Ainsi, dans ce secteur, par ailleurs fortement créateur d'emplois, la question d'une baisse du taux de TVA doit être abordée au regard de cette meilleure prise en compte des contraintes sociales.

En réponse aux intervenants, M. Alain Barrau, président de la Délégation pour l'Union européenne a donné les précisions suivantes :

- Il est exact que le texte de la proposition de la résolution adoptée par le délégation pour l'Union européenne contient à la fois des modifications de pure forme ou de vocabulaire et des points concernant des questions de fond relatives au contenu même des lignes directrices pour les politiques de l'emploi. Ces divers sujets ne revêtent manifestement pas le même degré d'importance, même s'ils semblent, comme c'est la loi du genre, figurer à égalité dans le texte - global - de la proposition de résolution.

- Suite aux premières demandes émanant du Parlement et visant à ce que le Gouvernement français incite la Commission européenne à autoriser certaines baisses du taux de TVA, les réponses obtenues de la part des instances communautaires apparaissaient incertaines et floues. La situation a favorablement évolué, ce dont il faut se réjouir. Ainsi des baisses de taux ont pu intervenir en France en faveur du bâtiment et des services aux personnes. Une directive adoptée par le Conseil à l'initiative de la Commission permet en effet à chaque Etat membre de choisir, au sein d'une liste limitative de cinq secteurs caractérisés par une forte intensité de main d'_uvre, deux secteurs pouvant faire l'objet d'une réduction de taux. Dans ce contexte, de telles mesures de baisses ciblées de ce taux ne sont plus considérées comme euro-incompatibles. La directive reste cependant insuffisante.

C'est pourquoi la proposition de résolution suggère au Gouvernement que la directive sur la possibilité d'appliquer, à titre expérimental, un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main d'_uvre « soit modifiée afin de permettre aux Etats membres de fixer des taux réduits de TVA pour ce type de services à trois ou quatre des cinq secteurs couverts par ce texte, au lieu de deux actuellement ».

- S'agissant de la perspective d'un emprunt communautaire, certains membres de la délégation pour l'Union européenne ont exprimé leur souhait de demander au Gouvernement français d'_uvrer dans ce sens, tandis que d'autres se sont montrés plus réticents à cette idée, voire même hostiles, considérant qu'une telle démarche irait dans le sens d'un accroissement des prélèvements obligatoires. Il est clair que toute mesure en faveur de l'emploi comporte par nature des implications d'ordre économique. La question de l'emprunt au niveau européen a vocation à être posée dans le cadre des politiques de promotion de l'emploi et non pas exclusivement dans celui des politiques fiscales ou macro-économiques. Dans sa proposition de résolution, la délégation suggère donc au Gouvernement de demander « le lancement d'un emprunt destiné à financer un grand programme de projets d'intérêts communautaire notamment dans le domaine des infrastructures, des réseaux de communication ou des nouvelles technologies. »

Malheureusement, les tenants de le thèse selon laquelle il convient de profiter davantage de la capacité d'emprunt de l'Union européenne sur les marchés internationaux, restent aujourd'hui minoritaires au sein du conseil des ministres européen. On peut espérer que, sous la présidence portugaise, le Conseil s'engage plus fortement dans la reconnaissance d'un lien entre d'une part cette capacité d'emprunt et d'autre part l'aide à la croissance économique et la lutte contre le chômage.

- Concernant les procédures applicables en vertu de l'article 88-4 de la Constitution, il est incontestable que la délégation a la possibilité de se saisir de tout sujet de nature communautaire. En revanche, si elle souhaite porter un débat jusqu'à la séance plénière de l'Assemblée nationale, la délégation a toujours besoin de l'intérêt bienveillant de l'une des six commissions permanentes. Des débats ont ainsi pu avoir lieu en séance publique : sur l'euro, les chemins de fer, la TVA, mais ils ont pu l'être grâce au concours d'une commission permanente. La délégation a été récemment amenée à travailler en bonne intelligence avec la commission de la production et des échanges, la commission des lois et celle des finances. Elle serait heureuse de le faire plus souvent avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Ainsi il serait opportun qu'avant la conférence de Lisbonne, l'Assemblée nationale adresse au Gouvernement un texte formulant ses propositions sur l'évolution des politiques de l'emploi des Etats membres en 2000.

Le président Jean Le Garrec, rapporteur, a réitéré son souhait de mener un véritable travail en commun avec la délégation sur cette question importante.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles demandées par M. Alain Barrau.

Information relative à la commission

La commission a désigné M. Jean Le Garrec rapporteur sur la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la communication de la Commission - Proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2000 (n° 1942).


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