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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 décembre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-973 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer - n° 1967 (M. Daniel Marsin, rapporteur)

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- Examen de la proposition de loi de M. Laurent Fabius portant création de La Chaîne Parlementaire - n° 1996 (M. Didier Mathus, rapporteur)

3

- Examen de la proposition de résolution de M. François Goulard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation actuelle des harkis en France, et plus particulièrement sur la situation de leurs enfants - n° 1879 (M. Serge Blisko, rapporteur).

8

- Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières -n° 1964 (M. Gérard Terrier, rapporteur).

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Daniel Marsin, le projet de loi, modifié par le Sénat, portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-973 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Le rapporteur a indiqué que ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 10 juin 1999, tend à ratifier trois ordonnances relatives au droit du travail et aux questions sanitaires et sociales outre-mer, prises en application de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.

Le projet de loi a été examiné le 29 novembre 1999 par le Sénat, qui en a modifié le texte. Ces modifications ne remettent pas en cause le dispositif adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, mais le Sénat a introduit cinq articles additionnels, dont quatre résultent d'amendements de sa commission des affaires sociales et un d'un amendement gouvernemental.

Après l'article 1er, un nouvel article tend à prendre en compte le changement de statut de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est plus un territoire d'outre-mer.

Le nouvel article 3 bis remplace, par référence à l'une des ordonnances, l'appellation « grossesse apparente » par celle de « grossesse médicalement attestée » dans la disposition correspondante du code du travail applicable dans les départements et dans celle applicable en Nouvelle-Calédonie.

L'article 6 précise une rédaction et l'article 7, introduit par le Gouvernement, rectifie une erreur de référence.

Enfin, l'article 8 précise que, dans les départements d'outre-mer, la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables prend en compte l'endémie de paludisme. La loi d'habilitation autorisait cette extension, mais aucune des ordonnances ne traitait de cette question, le Gouvernement ayant estimé qu'il s'agissait d'une disposition de nature réglementaire.

Le rapporteur a proposé l'adoption conforme du texte présenté par le Sénat.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi restant en discussion.

Article 1er bis (nouveau) : prise en compte de l'évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis (nouveau) : actualisation de la terminologie relative à la grossesse dans le code du travail

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 (nouveau) : précision rédactionnelle

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (nouveau) : rectification d'une erreur matérielle

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (nouveau) : remboursement des médicaments anti-paludéens

La commission a adopté cet article sans modification.

Puis la commission a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Didier Mathus, la proposition de loi de M. Laurent Fabius portant création de La Chaîne Parlementaire.

Le rapporteur a indiqué que le projet de création d'une chaîne télévisée parlementaire avait fait l'objet de multiples propositions et échanges de vues depuis 1994.

Les présidents des deux assemblées se sont donc mis d'accord sur le présent projet de création d'une chaîne commune, agissant dans le respect du pluralisme des groupes siégeant dans chacune d'entre elles. Cette chaîne devrait permettre de donner une meilleure image des travaux parlementaires, plus fidèle à la réalité et susceptible de combattre l'antiparlementarisme latent qui règne actuellement.

Afin d'assurer l'autonomie et la spécificité de chaque assemblée, la chaîne est composée de deux sociétés de programme juridiquement indépendantes. Le statut de chacune des sociétés sera élaboré sous le contrôle du Bureau de l'assemblée auquel elle se rattache. Leurs dirigeants seront choisis par le Bureau, sur proposition de leur président respectif. MM. Ivan Levaï et Jean-Pierre Elkabbach ont été respectivement choisis par l'Assemblée nationale et le Sénat pour diriger ces sociétés.

Une des questions essentielles porte bien entendu sur l'application du principe de « parité du temps d'antenne » entre l'Assemblée nationale et le Sénat prévu dans la proposition de loi. La convention qui sera passée entre les deux assemblées permettra de préciser les modalités de règlement des litiges éventuels et un organe de concertation paritaire, le conseil de surveillance, sera constitué pour veiller à la bonne application de cet accord.

Il faut rappeler que la création d'une chaîne parlementaire n'est pas une totale novation. Les exemples de C-SPAN aux Etats-Unis et des chaînes parlementaires existant au Canada et en Grande Bretagne montrent que des expériences de ce type peuvent être couronnées de succès. Par contre, des échecs existent aussi, comme celui de la chaîne Phoénix, en Allemagne, extrêmement peu regardée en raison du peu d'intérêt de la programmation.

La Chaîne Parlementaire devrait tirer des leçons de ces différentes expériences et ne se contentera pas, à l'instar de ce qui existe aujourd'hui, de retransmettre des débats. Elle diffusera aussi des reportages, des débats et des émissions de mise en perspective. En termes techniques, il s'agit de présenter au public une programmation «  chaude », en lien constant avec l'actualité et comportant des émissions de plateaux, des portraits de parlementaires et des reportages sur le terrain. Les émissions devraient démarrer dès janvier 2000.

Il faut bien avoir à l'esprit que la réalisation d'une telle grille a un coût. Certes, l'Assemblée nationale mettra à disposition de la société de programme l'ensemble de ses équipements techniques, qui sont complets et tout à fait modernes, mais le budget dégagé par l'Assemblée nationale pour 2000, qui s'élève à 25 millions de francs, risque d'être un peu juste pour permettre à la chaîne de faire des reportages par exemple. Ce montant devra être identique pour le Sénat. A titre de comparaison, une chaîne thématique telle que Canal Jimmy coûte entre 120 et 150 millions de francs par an.

L'équipe de La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale devrait être réduite (une vingtaine de personnes dont la moitié de journalistes) mais certaines questions demeurent encore en suspens, et notamment celle de ses locaux.

Une convention annuelle élaborée sous le contrôle des bureaux fixera les droits et obligations des nouvelles sociétés ainsi que les modalités d'exécution de leurs missions. C'est également cette convention qui définira la contrepartie financière versée annuellement par l'Assemblée nationale pour l'exécution de ses missions. La publicité sera interdite. Chaque société pourra faire appel au partenariat pour d'éventuelles co-productions.

Deux points importants du dispositif juridique doivent enfin être signalés :

- D'une part, afin de garantir le respect de la séparation des pouvoirs prévue par la Constitution et le principe d'autonomie financière des assemblées, le fonctionnement et la ligne éditoriale de La Chaîne Parlementaire ne relèveront pas du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Dans le prolongement de la jurisprudence dégagée par le Conseil d'Etat en ce qui concerne l'application du code des marchés publics à l'Assemblée nationale, ce sont les bureaux de chacune des assemblées qui seront chargés de préciser et de faire respecter le droit applicable à la chaîne, qui peut difficilement s'insérer dans la réglementation de droit commun prévue pour les chaînes thématiques.

- Par ailleurs, la proposition de loi institue une obligation de reprise gratuite des programmes de La Chaîne Parlementaire pour tous les distributeurs de services par câble ou satellite (c'est à dire les opérateurs de bouquets), cette reprise, selon le principe du « must and carry », devant se faire gratuitement, tant pour la société éditrice (c'est à dire la chaîne) que pour l'abonné (qui ne devra donc pas payer de supplément pour recevoir la chaîne). Cette obligation offrira à La Chaîne Parlementaire un public potentiel de 9 millions de personnes, dans l'attente d'une éventuelle diffusion sur les nouveaux canaux du numérique hertzien.

En conclusion, le rapporteur a formulé le souhait que la création de cette chaîne puisse concourir à rapprocher les citoyens français de leur Parlement.

Après l'exposé du rapporteur, le président Jean Le Garrec a souligné que si l'anti-parlementarisme est une vieille tradition française, on avait finalement plus à craindre encore de l'indifférence des citoyens vis à vis du Parlement.

Il a proposé à la commission de procéder à l'audition de M. Ivan Levaï à l'occasion d'une prochaine réunion.

M. Pierre Hellier s'est interrogé sur les relations devant exister entre l'actuel « Canal Assemblées » et la future chaîne parlementaire ainsi que sur sa diffusion par satellite.

M. Marcel Rogemont a estimé que la création de La Chaîne Parlementaire constituait bien un instrument de lutte contre l'antiparlementarisme ou l'indifférence puisqu'elle devrait permettre aux citoyens de mieux comprendre le système parlementaire français, trop souvent réduit à deux images, l'atmosphère électrique des questions au Gouvernement et l'hémicycle vide des séances tardives. Des chaînes civiques existent d'ores et déjà dans plusieurs pays, il est bon de s'en inspirer.

Si l'on doit se féliciter que le statut de La Chaîne Parlementaire en fasse un objet civique et non pas un instrument de pouvoir, plusieurs questions demeurent cependant posées, comme celle de l'application concrète du principe de parité avec le Sénat et des moyens prévus pour le fonctionnement de la chaîne.

Mme Brigitte Douay, après avoir souligné le caractère positif de toute initiative renforçant l'instruction citoyenne et l'information sur le Parlement a souhaité connaître la date à laquelle La Chaîne Parlementaire commencera ses émissions.

M. François Goulard a observé qu'il n'existait pas d'autre solution possible que celle de la parité entre les deux assemblées et a insisté sur la nécessité du respect des droits de l'opposition, qui sera la condition de la crédibilité de la chaîne. Il a ensuite souhaité savoir pourquoi la formule juridique de la société anonyme avait été choisie et non pas celle de l'établissement public, compte tenu de la mission assignée à La Chaîne Parlementaire.

M. Gérard Terrier a fait valoir que les expériences des canaux locaux montraient que le respect des droits de l'opposition était largement assuré dans les chaînes de télévision « citoyennes ». Il a ensuite interrogé le rapporteur sur le devenir de Canal Assemblées.

M. Serge Blisko a fait part de ses inquiétudes sur les risques qu'impliquait la création d'une chaîne parlementaire. Il ne faudrait pas qu'à l'avenir le comportement des députés et leur façon de travailler soient dictés par les impératifs de la retransmission télévisuelle.

M. Rudy Salles a souhaité savoir pourquoi Canal Assemblées n'était pas diffusé sur tous les réseaux câblés et a insisté sur l'utilité de l'audition de M. Ivan Levaï, la question de la programmation étant essentielle. Le budget de La Chaîne Parlementaire sera très inférieur à celui des autres chaînes thématiques alors que, pour aller à la rencontre du public sur un sujet aussi difficile, ses émissions devront être de qualité. Le choix a été fait de deux professionnels reconnus, ce qui constitue une garantie, mais La Chaîne Parlementaire constitue un contexte extrêmement particulier dans lequel il faudra effectivement éviter les dérives.

M. André Schneider a émis le v_u que La Chaîne Parlementaire puisse élaborer des programmes spécifiques en direction des écoles. Elle doit être un instrument de communication civique sans aspect partisan, sauf si des créneaux étaient réservés aux partis politiques.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Canal Assemblée va disparaître en tant que telle et ses moyens seront intégrés dans ceux de la future chaîne. Par contre, la retransmission intégrale des débats telle qu'elle est diffusée sur le circuit intérieur et, via des fibres optiques particulières, à l'ensemble des grands médias audiovisuels, sera bien évidemment maintenue.

- L'article 3 de la proposition de loi prévoit que toute offre groupée de télévision, par câble ou par satellite, sera obligée de diffuser La Chaîne Parlementaire. Pour le satellite, la chaîne sera donc diffusée sur Astra et Eutelsat.

- En ce qui concerne le démarrage de la chaîne, il semble que les deux assemblées n'en soient pas au même stade de préparation. L'objectif pour l'Assemblée nationale est de pouvoir diffuser dès la fin du mois de janvier 2000.

- Le statut des sociétés de programme a été arrêté après une très longue discussion entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Le choix de deux sociétés anonymes distinctes, se partageant le canal, est apparu comme la solution la plus souple et la plus simple. De plus, la proposition de loi ne ferme par l'éventualité, à terme, que deux canaux soient créés s'il y a un public.

- L'équilibre entre l'opposition et la majorité devrait être trouvé facilement grâce à l'expérience démocratique des assemblées.

- Le risque de perversion par la télévision de l'institution parlementaire est réel, il conviendra d'y veiller. Les présidents directeurs généraux des chaînes ayant déjà entamé cette réflexion, l'audition de M. Ivan Levaï sur ce sujet sera intéressante. Il faut faire de La Chaîne Parlementaire l'outil d'un vrai progrès démocratique.

- L'élaboration d'émissions pédagogiques est également une des préoccupations. Les sociétés pourront travailler en coproduction, par exemple, avec La Cinquième. La proposition de loi ouvre également une possibilité de parrainage pour leur permettre de travailler avec des collectivités locales et des ministères.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Le rapporteur a tout d'abord précisé que les deux propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale et au Sénat devant être adoptées dans des termes identiques, les amendements présentés avaient été rédigés en accord avec le Sénat.

Article premier (article 45-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Programme de présentation des travaux parlementaires

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l'Assemblée nationale et le Sénat « font diffuser » les programmes de La Chaîne Parlementaire, cette diffusion ne pouvant pas être directement assurée par les sociétés éditrices.

La commission a examiné un amendement du rapporteur supprimant la précision selon laquelle la chaîne serait diffusée par satellite.

Le rapporteur a précisé que la référence à la diffusion par voie hertzienne comprenant de fait la diffusion par satellite, il n'était pas nécessaire de la mentionner explicitement.

M. François Goulard a remarqué que l'usage était de différencier le satellite de la diffusion hertzienne que l'on qualifiait de terrestre. Il a ensuite remarqué qu'il serait préférable d'adopter une rédaction plus générale qui permettrait d'intégrer les innovations technologiques le moment venu, en particulier la diffusion sur Internet.

M. Pierre Hellier a insisté sur la nécessité de ne pas se limiter aux moyens de diffusion existants.

M. Marcel Rogemont a considéré que la référence à la diffusion hertzienne et à la diffusion par câble couvraient un champ suffisamment large.

Le rapporteur a souligné que la proposition de loi adaptait la loi sur l'audiovisuel de 1986 qui en constitue le cadre de référence. Il est probable qu'ultérieurement cette loi ait besoin d'être modifiée pour intégrer les nouveaux réseaux. Mais, pour l'instant, la proposition de loi ne peut que se situer par rapport à la réglementation existante.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur précisant la référence aux groupes politiques « constitués » dans chaque assemblée et non « siégeant » dans celles-ci.

La commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (article 45-2 nouveau de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Création de « La Chaîne Parlementaire » (LCP)

La commission a adopté trois amendements rédactionnels et un amendement de coordination présentés par le rapporteur.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

La commission a adopté deux amendements de forme du rapporteur.

Elle a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (article 46 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Soumission de « La Chaîne Parlementaire » au droit des sociétés anonymes

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, puis elle a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Elle a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Serge Blisko, la proposition de résolution de M. François Goulard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation actuelle des harkis en France, et plus particulièrement sur la situation de leurs enfants.

Le rapporteur a rappelé que, selon le texte de cette proposition de résolution, déposée le 21 octobre 1999, la commission d'enquête devrait avoir quatre tâches :

- dresser un bilan de l'ensemble des mesures économiques et sociales prises en faveur des harkis depuis leur arrivée, au début des années soixante, sur le territoire métropolitain ;

- réaliser un audit sur l'utilisation des fonds versés à la communauté harkie, que les auteurs évaluent à 6,8 milliards de francs depuis 1987 ;

- étudier les causes du chômage chez les enfants de harkis et les moyens d'y remédier ;

- identifier les difficultés scolaires que rencontrent les enfants de harkis.

La proposition de résolution répond aux conditions de recevabilité posées par l'ordonnance du 17 novembre 1958 et par le Règlement de l'Assemblée nationale, puisqu'elle vise des faits précis et que ceux-ci ne font pas l'objet de poursuites judiciaires. En revanche l'opportunité de créer une commission d'enquête est contestable, étant donné que les questions qui devraient faire l'objet de ses travaux, examinées chaque année par le Parlement lors du débat sur les crédits demandés au titre des actions en faveur des rapatriés, sont bien connues de l'Assemblée nationale. Il n'en demeure pas moins que cette proposition de résolution a le mérite d'attirer l'attention sur le drame de la communauté harkie, victime de l'ingratitude de la République.

Le rapporteur a rappelé les origines historiques du problème, en insistant sur le lourd tribut payé par les supplétifs pendant la guerre d'Algérie, puisqu'on évalue à 5 000 le nombre de leurs morts, et sur le sentiment d'abandon et de mauvaise conscience que suscite la situation de cette communauté : alors qu'au moment des accords d'Evian, les autochtones engagés du côté français et leurs familles représentaient près d'un million de personnes, seulement 91 000 d'entre elles ont pu s'établir en France à partir de 1962, dans des conditions d'hébergement souvent indécentes, tandis que des massacres ont été perpétrés à l'encontre de ceux qui sont restés en Algérie.

La reconnaissance de la France envers les anciens supplétifs musulmans s'est traduite par le vote de trois lois :

- la loi du 9 décembre 1974, qui leur donne vocation à la qualité de combattant ;

- l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, relative à l'indemnisation des rapatriés, qui prévoit le versement d'une allocation forfaitaire aux anciens harkis ;

- la loi du 11 juin 1994 qui instaure en faveur des rapatriés anciens membres des formations supplétives ou placés en captivité en Algérie après l'indépendance, un plan quinquennal de 2,5 milliards de francs, sur lesquels environ 2,35 milliards ont été consommés à la fin de 1998 et qui vient d'être prolongé d'un an.

Le dispositif, qui concerne essentiellement les harkis de la première génération, comporte les mesures suivantes :

- une allocation forfaitaire de 110 000 francs, en complément de l'indemnité de 60 000 francs accordée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 ;

- une aide spécifique de 80 000 francs pour l'accession à la propriété, cumulable avec les aides de droit commun et l'allocation forfaitaire ;

- un dispositif de résorption du surendettement mis en place au 1er janvier 1995, pour ceux d'entre eux qui sont déjà propriétaires et qui sont confrontés à une situation de surendettement immobilier ;

- une aide à l'amélioration de l'habitat de 15 000 francs, pouvant être portée exceptionnellement à 50 000 francs pour les propriétaires occupants.

Enfin, une attention toute particulière est apportée à deux catégories de personnes :

- une aide spécifique est attribuée aux conjoints survivants des anciens membres des formations supplétives qui ne disposent pas de ressources supérieures ou égales à 4 000 francs par mois ;

- les victimes de la captivité en Algérie bénéficient désormais d'un statut ouvrant droit à pension d'invalidité.

Les données concernant l'utilisation des fonds destinés aux harkis, dont les montants correspondent à ceux figurant sont dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, sont disponibles auprès de la délégation aux rapatriés. Un audit n'est donc pas nécessaire.

Les préoccupations des auteurs de la proposition de résolution à l'égard des enfants de harkis, mais aussi désormais de leurs petits-enfants, sont légitimes. Toutefois, dans ce domaine aussi, des mesures ont déjà été prises. Il s'agit :

- en matière de logement, d'une aide à la réservation de logement, d'un montant maximum de 50 000 francs, et d'une nouvelle aide d'un montant de 10 000 francs destinée à permettre la prise en charge de la caution et des frais liés à l'entrée dans les lieux ;

- en matière de formation, d'aides diversifiées : bourses d'études, contrats de qualification et d'apprentissage, places réservées au sein d'écoles spécialisées ou stages de formation au permis poids lourds.

La situation des enfants de harkis en matière d'emploi, qui était particulièrement préoccupante, est en voie d'amélioration. Au début de la décennie, leur taux de chômage était de 30 %, contre 20 % en moyenne nationale. Plusieurs facteurs expliquaient cet écart : la concentration des harkis dans les départements du Sud-est, qui connaissent un chômage élevé ; le faible niveau de qualification de ces jeunes ; l'attitude discriminatoire de certains employeurs envers les jeunes d'origine maghrébine, en général. Après le vote de la loi de 1994, les préfets ont reçu des instructions qui commencent à donner des résultats favorables. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, le taux de chômage des enfants de harkis est désormais proche de celui de l'ensemble des jeunes.

Le dispositif spécifique comprend :

- la convention-emploi ;

- des aides à la création ou à la reprise d'entreprises ;

- une aide à la mobilité ;

- la fixation d'objectifs en ce qui concerne le recrutement de 1 800 jeunes sur des contrats emplois-jeunes qui a déjà permis 1 100 recrutements au 30 septembre 1999 ;

- la création et le développement dans vingt-cinq départements en 1999 de cellules pour l'emploi constituées de professionnels du reclassement dans le secteur marchand et fonctionnant selon les méthodes de suivi des cellules de conversion. Après un an et demi de fonctionnement, un peu plus de 1 300 insertions ont été réalisées, dont les trois quarts dans les services marchands.

Ainsi, pour l'année 1999, les crédits en faveur des harkis et de leurs enfants sont estimés à 2 173 millions de francs, ce qui est d'ailleurs l'évaluation qui figure dans la proposition de résolution.

Il existe une pression, de la part de certains services de l'Etat, pour supprimer, près de quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, les dispositions spécifiques en faveur des harkis, lesquelles produiraient un effet pervers en maintenant cette population et ses descendants dans un système clos. Toutefois, en dépit de ces pressions, le Gouvernement a maintenu la délégation aux rapatriés. Le plan entré en vigueur le 1er janvier 1995 a d'ailleurs été prorogé d'un an par une circulaire interministérielle en date du 31 mai 1999 qui a également eu pour objet d'améliorer plusieurs mesures existantes.

Par ailleurs, le devoir de mémoire est important. Comme l'a récemment souligné la sociologue Dominique Schnapper en introduction à un colloque qui leur était consacré, « depuis 1962, les harkis ont été aidés et assistés, mais ce n'est pas l'assistance qu'ils demandent aujourd'hui, c'est le reconnaissance, ils ont droit à la vérité et à la justice. » Il convient donc de se féliciter de l'annonce, par la ministre de l'emploi et de la solidarité, de l'installation prochaine d'une stèle commémorative dans la commune de Bias, lieu emblématique de leur accueil.

Le rapporteur a conclu au rejet de la proposition de résolution.

Après l'exposé du rapporteur, M. François Goulard a considéré que l'excellent travail du rapporteur permettait de disposer d'un panorama complet et non partisan sur un sujet difficile et humainement douloureux. Pour autant, un malaise demeure au sein de la communauté harkie. Ainsi, le 11 novembre 1999, à l'occasion des manifestations commémoratives sous l'Arc de Triomphe, des incidents ont opposé des associations de harkis avec la police, ce qui est symptomatique de la difficulté pour cette communauté de s'exprimer et se faire entendre. De même, se déroulent encore des grèves de la faim et des occupations de permanences parlementaires, expression d'un malaise latent et d'un manque de reconnaissance.

Il est donc important de faire le point sur la situation des harkis et de comprendre pourquoi il est encore nécessaire, quarante ans après, de prolonger les dispositifs particuliers qui les concernent. Il y a en effet un problème d'efficacité collective, au vu des dysfonctionnements subsistant en dépit des efforts consacrés par les gouvernements successifs. La création d'une commission d'enquête est donc nécessaire.

M. Pierre Hellier a estimé que la situation actuelle des Harkis méritait encore des efforts particuliers.

M. Georges Colombier a souligné la difficulté pour les Harkis de ne pas être considérés comme des Français à part entière.

M. Christian Kert a rappelé quelques actions exemplaires d'intégration des Harkis menées en particulier dans les Bouches-du-Rhône.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a indiqué que la méthode de la commission d'enquête n'était pas la mieux appropriée étant donné la difficulté pour tous les intervenants de trouver des interlocuteurs tout à la fois stables et représentatifs. Les questions posées par la proposition de résolution ont en réalité déjà trouvé leur réponse pour une grande part dans la loi du 11 juin 1994. Le contrôle public, réalisé par l'IGAS, permet d'ores et déjà de vérifier son application.

Le président Jean Le Garrec a indiqué qu'il allait, au nom de la commission, écrire à la ministre en charge du dossier afin d'attirer son attention sur les problèmes soulevés par la proposition de résolution et par l'excellent rapport de M. Serge Blisko.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gérard Terrier, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières - n° 1964.

Le rapporteur a rappelé que le régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire d'Alsace-Moselle est l'expression d'une véritable solidarité régionale car il assure à ses bénéficiaires, en contrepartie d'un effort contributif proportionné, la prise en charge des prestations de sécurité sociale à 90 % pour les dépenses ambulatoires et à 100 % pour le forfait hospitalier. Il s'agit d'un modèle de bonne gestion financière, mise en oeuvre de manière autonome par une instance de gestion propre depuis 1994.

Ce régime est applicable aux salariés et anciens salariés du régime général qui travaillent, ont résidé ou résident dans un des trois départements concernés. Les trois caisses de mutualité sociale agricole (MSA) correspondantes ont toujours appliqué aux salariés agricoles alsaciens-mosellans, qui sont estimés à 40 000 en 1998, les mêmes dispositions que pour le régime local. Lors de l'examen de la loi n° 98-278 du 14 avril 1998 qui a consolidé, modernisé et étendu ce régime, le législateur avait souhaité faire bénéficier les salariés agricoles des dispositions valables pour le régime local. Il avait pour cela habilité le pouvoir réglementaire à adapter, après concertation avec tous les acteurs concernés, les dispositions de cette loi au régime local agricole, sans remettre en cause l'existence d'un régime agricole distinct.

Le bénéfice des prestations et les taux de cotisation ont bien été alignés pour les deux régimes. De ce fait, 3 000 retraités agricoles ne résidant plus dans la région ont pu être réintégrés dans le régime. En revanche, des disparités de gestion ont subsisté : en effet, alors que l'instance de gestion du régime local général fixe elle-même les taux de cotisation spécifiques, il revient toujours au ministre chargé de l'agriculture de fixer par décret les taux correspondants pour les salariés agricoles. Il s'agit de montants non négligeables puisque le régime local agricole gère un budget de 43 millions de francs et dégage un excédent cumulé de 20 millions de francs depuis 1995. Il eût été possible d'intégrer les salariés agricoles au sein de l'instance de gestion du régime local, mais cette solution n'est pas réaliste compte tenu de l'équilibre démographique des deux régimes et elle n'a de toute façon pas été souhaitée par les acteurs concernés. Il convient donc de déroger au principe inscrit dans la loi du 14 avril 1998 et selon lequel la compétence de l'instance de gestion du régime local général a vocation à s'étendre au régime local agricole.

Pour cela et afin de répondre aux demandes des organisations syndicales locales et des gestionnaires respectifs des deux régimes locaux concernés, le Sénat a adopté le 24 novembre 1999, à l'unanimité et avec l'accord du Gouvernement, une proposition de loi créant une instance de gestion spécifique pour le régime local agricole, calquée sur l'instance de gestion du régime local général. Ce texte reprend en fait l'article 58 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel au motif qu'il a été adopté au terme d'une procédure irrégulière.

En conclusion, le rapporteur a approuvé ces dispositions, qui répondent à une attente locale, ont permis de dégager un consensus et ne soulèvent aucune difficulté juridique, et a proposé à la commission de demander à l'Assemblée nationale d'adopter conforme cette proposition de loi.

MM. Jean-Pierre Bauemler, André Schneider et Jean-Jacques Weber ont exprimé leur accord avec les conclusions du rapporteur.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi adoptée par le Sénat.

Article 1er (article 1257-1 nouveau du code rural) : Définition des règles applicables au régime local agricole d'Alsace-Moselle

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (article 1257 du code rural et article 5 de la loi n° 98-278 du 14 avril 1998 relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) : Coordination

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 : Date d'entrée en vigueur

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté, à l'unanimité, l'ensemble de la proposition de loi sans modification.


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