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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 18 Janvier 2000
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition, en présence de la presse, de Mme Marie-George Buffet, ministre et de la jeunesse et des sports, sur le projet de loi modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives - n° 1821.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Marie-George Buffet, ministre et de la jeunesse et des sports, sur le projet de loi modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives - n° 1821.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, a présenté le présent projet de loi comme étant le dernier volet du travail législatif entamé en 1998 qui permettra de préserver les valeurs éducatives, culturelles et citoyennes du sport, de l'adapter à l'évolution de l'environnement économique et social, tout en préservant son indépendance.

La loi de 1984 exigeait d'être révisée afin que le sport réponde mieux aux enjeux actuels face à sa place grandissante dans notre société, à la diversification des pratiques et aux sommes considérables que constituent les droits de transmission télévisée dont le montant, 3,6 milliards de francs, représente l'équivalent du budget du ministère de la jeunesse et des sports. Plus de 26 millions de Français font en effet du sport ; la dépense sportive totale - dépenses des ménages, des collectivités territoriales, de l'Etat et du sponsorisme - s'élève à plus de 135 milliards de francs. Les entreprises du sport emploient de leur côté directement près de 85 000 personnes. Parallèlement, les événements sportifs internationaux, en valorisant les équipes nationales, posent des exigences de haut niveau et conduisent à une professionnalisation accrue. Le monde économique intervient ainsi de manière croissante dans le monde sportif qu'il est en conséquence nécessaire de protéger afin que le sport ne soit pas détourné de ses valeurs essentielles au profit de la poursuite d'intérêts économiques.

Le présent projet de loi entend protéger les activités sportives en poursuivant cinq objectifs :

- Il s'agit d'abord de conforter les missions de service public du sport en reconnaissant à part entière l'éducation physique et sportive comme discipline scolaire et en élargissant les missions confiées aux mouvements sportifs en matière de développement de l'emploi, d'accessibilité des pratiques et d'éducation tout en démocratisant davantage les institutions sportives.

- Il importe également de renforcer l'unité du mouvement sportif en permettant aux fédérations, regroupées au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), de réguler les pratiques économiques en leur sein. La moralisation de la profession d'intermédiaire devrait permettre de mieux contrôler les transferts et de protéger ainsi les plus jeunes. La mutualisation d'une partie des ressources télévisuelles bénéficiera, quant à elle, aux associations locales et à la formation de leurs animateurs. La promotion de ces dispositions à l'échelle européenne confortera leur efficacité.

- Il faut par ailleurs reconnaître la diversité des pratiques en soutenant les acteurs qui sont impliqués et en valorisant la fonction sociale du sport ; à cette fin, le Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS), dont la composition devra être élargie, doit remplir sa fonction de rencontres et d'échanges et pourrait se voir reconnaître un pouvoir accru dans l'élaboration des normes fédérales.

- Il convient par ailleurs de poursuivre la structuration du sport de haut niveau en confirmant le rôle de la Commission nationale du sport de haut niveau et en reconnaissant les droits et obligations des sportifs confirmés.

- Enfin, il s'agit de moderniser l'organisation de l'encadrement des activités physiques et sportives en rénovant en profondeur l'organisation des métiers et des qualifications, d'une part en renforçant les prérogatives de l'Etat s'agissant de la protection et de la sécurité des personnes, et d'autre part en appliquant aux salariés concernés les règles de droit commun du droit du travail et de la formation professionnelle. Dans ce but, la formation des intervenants sera confiée aux fédérations agréées dont ils font partie tandis que les pouvoirs publics s'investiront davantage dans l'accès à la formation aux métiers du sport.

Après l'exposé de la ministre, M. Patrick Leroy, rapporteur, a rappelé la création, au sein de la commission, d'un groupe de travail chargé de préparer l'examen du présent projet de loi. Les auditions conduites par ce groupe ont mis en évidence le clivage existant entre le sport encadré par les fédérations et le sport dit de loisir. Fort de ses acquis, de la reconnaissance de son action par les pouvoirs publics et de ses résultats, le mouvement sportif, par la voix de la plupart des représentants des fédérations délégataires et du président du CNOSF, accepte mal qu'il soit envisagé d'entamer son monopole alors pourtant que le présent projet de loi ne lui retire aucun pouvoir. Il s'agit simplement de reconnaître au mouvement de la jeunesse et de l'éducation populaire le droit d'édicter, pour la pratique de leurs activités, des règles de pratiques sportives qui ne sont pas celles des fédérations délégataires.

De l'autre côté, les représentants des organismes qui encadrent les pratiques physiques et sportives non orientées vers le sport de haut niveau aspirent à plus de reconnaissance, ce que permet le présent projet de loi sans satisfaire pour autant toutes les attentes, d'où un certain sentiment de déception de leur part.

Le projet permet en tout état de cause de procéder à la nécessaire mise à jour de la loi de 1984. Trois dispositions font l'objet d'un accord quasi unanime : la formation en éducation physique et sportive (EPS) des professeurs d'école, la moralisation de la profession d'intermédiaire et le principe d'une redistribution des ressources générées par les contrats de retransmission télévisée des grandes compétitions, déjà mis en place sur le plan fiscal par la loi de finances pour 2000. Les modalités de cette redistribution devront cependant être précisées.

Les dispositions relatives à la démocratisation et à la parité sont unanimement saluées, bien que leur portée juridique soit en réalité bien modeste.

En revanche, les problèmes de la qualification de l'encadrement, qu'elle concerne les bénévoles ou les professionnels, font l'objet d'une inquiétude communément partagée : les bénévoles devront-ils être qualifiés et dans quelles conditions ? Et surtout qu'en est-il de la liste des activités dont le caractère « à risque » conditionnera l'exigence d'une qualification ? Une rédaction garantissant la sécurité des pratiquants apparaît nécessaire car le risque n'est pas inhérent à l'activité ; il dépend aussi du milieu dans lequel elle se déroule et de l'âge de ceux qui la pratiquent. Rares sont en effet les activités physiques et sportives qui n'ont pas d'incidences sur la santé.

La résurrection du Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS) est pour sa part approuvée par de nombreux interlocuteurs mais sa composition suscite quelques remarques. Il est souhaitable que toutes les composantes de la vie sportive, de la jeunesse et de l'éducation populaire ainsi que les élus locaux en leur qualité de principaux financeurs, soient pris en compte.

Un dernier point porte sur la disparition, dans le présent texte, du projet d'associations créées par des mineurs, alors qu'il recueille l'unanimité des responsables du mouvement de la jeunesse et de l'éducation populaire et qu'il serait un outil de socialisation et de développement du sens des responsabilités important. Il semble donc opportun de le réintroduire dans la loi.

M. Denis Jacquat, après avoir estimé que le sport français connaît dans toutes les disciplines une réussite indéniable et qu'il convient de renforcer cet élan, a fait les remarques suivantes :

- La projet de loi comporte des éléments positifs dans le domaine de l'implantation des installations sportives en milieu scolaire, de l'encadrement ainsi que dans la réglementation de la profession d'agent.

- En ce qui concerne les rôles respectifs des différents types de fédérations, délégataires, affinitaires ou d'éducation populaire, la situation doit être clarifiée car on constate que lorsque celles-ci disposent de pouvoirs équivalents, elles tendent à s'affaiblir mutuellement.

- S'agissant des garanties d'emprunts qui seraient accordées à des associations dont les recettes sont inférieures à 500 000 francs, il conviendrait de préciser si cette somme prend en compte les subventions.

- Concernant les équipements sportifs, le texte semble exclure les universités du dispositif.

- La question de la formation et du statut des bénévoles devrait être approfondie ainsi que le problème des assurances qui devraient couvrir leurs activités.

- Il conviendrait de préciser l'âge minimum auquel des sportifs peuvent participer à des compétitions.

M. Edouard Landrain a formulé les observations suivantes :

- L'obligation faite par le projet de loi aux lycées et collèges de se doter d'équipements sportifs ne s'étend pas aux universités qui manquent cruellement d'installations.

- L'accent mis sur la formation des enseignants dans le domaine sportif, particulièrement en ce qui concerne les élèves handicapés, constitue un point positif.

- Les dispositions de l'article 8 du projet relatives aux prérogatives des fédérations non délégataires risquent d'isoler la France dans des pratiques sportives qui lui seraient propres, au moment où on s'efforce au contraire d'harmoniser les règles aux niveaux européen et international.

- La réglementation des aides des collectivités mentionnées aux articles 13 et 14 n'est pas bien définie, en omettant notamment de tenir compte de la taille des communes.

- L'article 19 propose une mutualisation partielle des droits de retransmission télévisée. Outre, le caractère choquant de la méthode - le vote clandestin d'un article de loi de finances - l'opportunité de cette mesure n'apparaît pas clairement lorsque l'on constate que les grands clubs européens s'enrichissent grâce à ces droits, ce qui leur permet en retour d'acquérir les meilleurs joueurs. Il est donc illogique de ne pas donner la même chance aux clubs français, et cela d'autant plus que cette réglementation ne manquera pas d'être contournée au détriment de la France.

- L'absence des sports de pleine nature dans le projet de loi est regrettable.

- Une diminution de la TVA apporterait apporter une aide précieuse au sport français de même que l'instauration d'une taxe de un centime par cigarette au profit du sport, mais le projet de loi n'aborde pas la question des moyens et ne permet pas d'envisager une augmentation du budget du secrétariat d'Etat.

Après avoir souligné que le projet présenté constitue le quatrième texte sur le sport déposé en 31 mois, M. Henri Nayrou a formulé les remarques suivantes :

- Les mesures relatives aux agents et intermédiaires prévues à l'article 7 permettront notamment d'assainir la situation de sports comme le rugby où, pour quarante intermédiaires actifs, trois seulement sont déclarés.

- Il est juste d'affirmer, à l'article 19, que les droits de propriété de retransmissions télévisées des sports collectifs sont dévolus aux fédérations ou à leur ligue.

- Comme l'a démontré l'examen de la loi relative à la lutte contre le dopage, l'intervention du législateur dans le domaine de la compétition est indispensable.

- Il convient de prendre des mesures pour encourager le bénévolat qui tend à se raréfier. Un amendement tendant à permettre une déduction fiscale représentative du temps consacré à des activités bénévoles, à l'image des dispositions existantes pour un certain nombre de dons sera déposé, tant il est vrai que le temps des bénévoles vaut bien l'argent des mécènes.

M. François Rochebloine a présenté les observations suivantes :

- Le bénévolat tend à disparaître dans le domaine du sport. Le législateur doit s'en préoccuper.

- Une taxe d'un centime prélevé sur chaque cigarette permettrait de doubler le FNDS. Par ailleurs, les retards dans les versements dévolus au FNDS ne sont plus tolérables.

- Les arbitres sont absents du projet de loi.

- La répartition des compétences entre fédérations délégataires et fédérations affinitaires n'est pas claire. Ces dernières seront-elles habilitées à délivrer des titres de champion de France ? Le problème se pose particulièrement pour les nombreuses disciplines relevant des arts martiaux.

- La distribution des bénéfices de la Coupe du monde de football n'a toujours pas eu lieu.


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