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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 32 rectifié

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 29 février 2000

(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - n° 2132 (Mme Catherine Génisson, rapporteuse)

2

- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de Mme Catherine Génisson, sa proposition de loi, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - n° 2132.

Mme Catherine Génisson, rapporteuse, a rappelé le contexte dans lequel s'inscrit la proposition de loi qu'elle présente au nom du groupe socialiste. L'entrée massive de plus d'un million de femmes de 1986 à 1996 sur le marché du travail, majoritairement mères de famille de plusieurs enfants, renouvelle les termes du débat sur l'égalité professionnelle. On ne peut que constater une dégradation de la situation des femmes ; elles représentent aujourd'hui 80 % des emplois à temps partiel, pour un salaire moyen de 3 650 F qui place 10 % de ces femmes en-dessous du seuil de pauvreté. Pour les femmes ayant des qualifications élevées, les conditions de travail sont également difficiles, avec des discriminations très fortes à l'embauche, mais aussi en termes de salaire, d'accès à la formation et à la promotion. Ainsi, dans le secteur privé, les cadres féminins reçoivent des salaires de 25 à 30 % inférieurs à leurs collègues masculins.

Cette dégradation générale s'est produite en dépit du progrès qu'a constitué l'adoption de la « loi Roudy » en 1983. Celle-ci a permis d'affirmer les deux grands principes de l'égalité professionnelle et de l'interdiction de toute discrimination entre hommes et femmes. Force est de constater cependant que les deux outils mis en place par cette loi ont été peu utilisés : seule la moitié des entreprises de plus de 50 salariés se sont acquittées de leur obligation de présentation d'un rapport de situation comparée des hommes et des femmes, tandis que seulement 34 plans d'égalité ont été conclus, en dépit de l'aide financière de l'Etat auxquels ils ouvrent droit.

Il y a donc nécessité de rénover et renforcer les outils mis en place par la « loi Roudy ». Tel est l'objet du titre Ier de la présente proposition de loi qui ne pourra cependant pas résoudre l'ensemble du problème de l'égalité professionnelle. La question de l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des femmes mais aussi des hommes, le problème de l'égalité des chances dès l'école ou encore celui de la formation professionnelle, qui devrait faire l'objet d'une prochaine réforme législative, doivent en effet être traités parallèlement.

La proposition de loi se divise en deux titres, le premier ayant pour objet de promouvoir l'égalité professionnelle au sein des entreprises, essentiellement en y favorisant le développement de la négociation, et le second d'améliorer l'égalité professionnelle au sein de la fonction publique en fixant l'objectif d'une représentation équilibrée des deux sexes au sein des jurys et instances constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires.

M. Jean-Paul Durieux, président, a indiqué qu'il avait été décidé, afin de coordonner les travaux de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales saisie au fond et de la commission des lois saisie pour avis, de confier à cette dernière le soin d'examiner en premier l'ensemble des amendements sur le titre II puisque celui-ci concerne exclusivement la fonction publique. En conséquence, la commission des affaires culturelles se prononcera aujourd'hui uniquement sur les amendements portant sur le titre I et adoptera sans débat ni amendements les articles du titre II, avant d'examiner, mercredi 1er mars à 16 h 15, les amendements adoptés par la commission des lois ainsi que les autres amendements portant sur le titre II.

M. André Vallini, rapporteur de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, a présenté les treize recommandations adoptées par celle-ci sur la présente proposition de loi. Ces recommandations soulignent notamment la nécessité :

- d'avoir une approche intégrée de la question de l'égalité professionnelle ;

- de conduire une réflexion tant dans les entreprises que dans la fonction publique sur la lutte contre le harcèlement sexuel ;

- de doter l'inspection du travail de davantage de moyens qui puissent lui permettre, notamment, de veiller à la régularité et à la crédibilité des rapports de situation comparée adoptés par les entreprises ;

- d'organiser de vastes campagnes d'information en direction des jeunes filles afin qu'elles soient mieux informées sur les carrières qui se présentent à elles dans le secteur privé comme dans la fonction publique et sur leur accessibilité ;

- de prévoir des objectifs chiffrés dans le rapport déposé tous les deux ans par le Gouvernement au Parlement en application de l'article 21 de la loi du 11 janvier 1984 sur la féminisation des administrations  ;

- de supprimer les deux derniers recrutements distincts qui existent encore dans la fonction publique, à savoir dans les corps de la Maison d'éducation de la Légion d'honneur et dans celui de l'administration pénitentiaire ;

- de substituer à la notion restrictive de « mixité » dans la définition de la proportion de représentants appartenant à chacun des sexes celle de « représentation équilibrée » ;

- d'atteindre la parité au plus tard en 2010 au sein des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires ;

- d'établir un cadre juridique précis afin que les organes représentatifs des personnels dans le secteur privé et dans la fonction publique débattent de la question du harcèlement moral ou psychologique ;

- de prévoir une représentation équilibrée des élus locaux au sein des commissions administratives paritaires et des comités techniques paritaires de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l'Etat avec l'objectif de parité d'ici 2010 ;

- d'inciter les organisations syndicales à équilibrer leur représentation au sein des organismes paritaires des fonctions publiques avec l'objectif de parité d'ici 2010.

Le Président Jean Le Garrec a estimé que les recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes étaient très pertinentes et soulevaient des problèmes de fond allant au-delà de la proposition de loi, par exemple en ce qui concerne l'équilibre hommes-femmes dans la représentation syndicale.

Mme Marie-Thérèse Boisseau s'est interrogée sur les apports réels de cette proposition de loi au regard de la « loi Roudy » et des projets de lois à venir évoqués.

La rapporteuse a indiqué que la proposition de loi simplifiait le rapport de situation comparée entre hommes et femmes dans les entreprises, qu'elle créait, pour les entreprises, une obligation de négociation spécifique à l'égalité professionnelle et qu'elle étendait le régime des aides publiques réservées jusqu'à présent aux plans d'égalité, à d'autres formes d'actions favorisant l'égalité professionnelle ainsi qu'à d'autres employeurs que les entreprises. Il s'agit donc de rénover et renforcer les outils de la « loi Roudy ».

Mme Marie-Thérèse Boisseau s'est demandé si ce texte n'était pas prématuré compte tenu de la volonté manifestée par les partenaires sociaux de négocier sur le sujet de l'égalité professionnelle. Il est pour le moins paradoxal de légiférer tout en déplorant l'absence de dialogue social.

La rapporteuse a rappelé qu'elle avait procédé à de larges consultations de l'ensemble des partenaires sociaux au cours de l'élaboration de sa proposition de loi et de son rapport. Ils sont très demandeurs d'un nouvel outil législatif dans ce domaine.

Le président Jean Le Garrec a constaté que le programme de négociation élaboré par les syndicats et le patronat était très ambitieux mais que le législateur devait assumer sa propre part de responsabilité, en accompagnant et en encourageant la négociation. Ainsi, certaines recommandations de la délégation aux droits des femmes pourraient fort utilement être prises en compte dans ce cadre.

M. Jean-Paul Durieux, président, a souligné l'enrichissement mutuel des deux démarches que pourrait permettre l'avancée parallèle d'une navette parlementaire qui ne fait que débuter et des négociations sociales.

M. Pierre Hellier a craint que la fixation d'un cadre législatif ne limite les possibilités de négociation.

La rapporteuse a souligné que le cadre défini dans sa proposition de loi en concertation avec tous les acteurs était suffisamment large pour que la négociation puisse se développer librement.

M. Jean-Pierre Pernot a insisté sur l'utilité d'un cadre législatif qui fournit des outils aux négociateurs.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article premier (article L. 432-3-1 du code du travail) : Contenu du rapport de situation comparée

La commission a examiné un amendement de la rapporteuse précisant que les indicateurs pertinents du rapport de situation comparée définis par décret reposent notamment sur des éléments chiffrés et peuvent être complétés par des indicateurs spécifiques à l'entreprise.

La rapporteuse a indiqué que cet amendement reprenait la proposition faite à l'article 3 du présent texte de créer le cas échéant des indicateurs adaptés aux spécificités de chaque entreprise en sus des indicateurs généraux définis par décret. L'insertion de cette disposition dans l'article L. 432-3-1 du code du travail permet de faire des indicateurs spécifiques un élément à part entière du rapport de situation comparée, et accroît donc la cohérence de celui-ci et améliore l'information du comité d'entreprise. Par ailleurs, il est proposé de conserver une référence à l'existence de données chiffrées, objectives et facilement comparables d'une entreprise à l'autre.

MM. Jean-François Chossy et Bernard Perrut ont souhaité savoir quels seraient les indicateurs concernés.

La rapporteuse a précisé que les indicateurs spécifiques résulteront de la négociation et qu'ils compléteront les indicateurs définis par décret qui formeront le socle minimal du rapport. Ceux-ci pourraient comporter des données chiffrées par sexe concernant notamment :

- la répartition par catégorie socio-professionnelle selon les différents contrats de travail ;

- la pyramide des âges par catégorie socioprofessionnelle et par type de contrat de travail ;

- la répartition des effectifs selon la durée du travail et l'organisation du travail ;

- la répartition des embauches et des départs par catégorie professionnelle et type de contrat ;

- la répartition des effectifs selon les niveaux d'emplois définis par les grilles de qualification au sens des conventions collectives ;

- la répartition des promotions au regard des effectifs de la catégorie socioprofessionnelle concernée ;

- l'éventail des rémunérations, les rémunérations moyennes mensuelles et la proportion de primes dans les salaires ;

- la participation aux actions de formation, la répartition par type d'action et le nombre moyen d'heures d'action de formation ;

- l'exposition à des risques professionnels chimiques, biologiques ou physiques.

Il faut en effet que le rapport de situation comparée ne soit pas seulement une photographie de la situation des femmes et des hommes dans l'entreprise, mais permette une véritable mise en perspective de cette situation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a formulé les remarques suivantes :

- La rédaction de l'amendement est obscure, voire contradictoire en ce qui concerne la définition des critères.

- La multiplication des critères crée une charge lourde pour les entreprises alors que moins de 50 % d'entre elles rédigent actuellement un rapport de situation comparée ; comment entend-on les faire se conformer à cette obligation ?

- Il faut que les résultats de ces rapports soient exploités pour qu'ils puissent être utiles.

La rapporteuse a rappelé que les éléments devant figurer dans ce document sont communs à toutes les entreprises et sont définis par décret. La liberté leur est cependant laissée d'ajouter des critères qui leur sont propres. Il n'y a donc pas ici de contradiction.

Consultés, les partenaires sociaux n'ont pas estimé que l'élaboration du rapport pouvait entraîner un surcroît de travail. Au contraire, le texte proposé tend vers la simplification du rapport et de la définition des objectifs. Les résultats seront nécessairement exploités puisque la loi comporte l'obligation de négocier ; dans ces conditions, le document constituera une référence objective, une base de négociation.

M. Jean-Paul Durieux, président, a estimé qu'il s'agissait d'un document de première importance constituant un diagnostic propre à éclairer les partenaires sociaux.

La commission a adopté cet amendement ainsi que l'article premier ainsi modifié.

Après l'article premier

Mme Odette Casanova a retiré un amendement précisant que l'avis rendu par le comité d'entreprise sur le rapport de situation comparée est motivé, après que la rapporteuse a indiqué que cet amendement était déjà satisfait par le texte actuel du code du travail.

Article 2 (article L. 432-3-1 du code du travail) : Information des salariés sur le rapport de situation comparée

La commission a examiné un amendement de la rapporteuse précisant les conditions d'information des salariés sur les indicateurs de situation comparée.

La commission a adopté cet amendement, ainsi que l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (article L. 132-27 du code du travail) : Obligation de négociation spécifique au niveau de l'entreprise

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

La commission a adopté les articles 4 (article L. 153-2 du code du travail) : Sanctions pénales et 5 (article L. 132-27-1 nouveau du code du travail) : Négociation intégrée au niveau de l'entreprise sans modification.

Article 6 (articles L. 123-3-1 et L. 132-12 du code du travail) : Obligation de négociation spécifique au niveau de la branche

Article 7 (article L. 132-12 du code du travail) : Modalités de la négociation spécifique au niveau de la branche

La commission a adopté un amendement de suppression de cet article, présenté par la rapporteuse.

La commission a donc supprimé l'article 7.

La commission a adopté l'article 8 (article L. 132-12-1 nouveau du code du travail) : Négociation intégrée au niveau de la branche sans modification.

Article 9 (article 18 de la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983) : Aides publiques en faveur de l'égalité professionnelle

*

Informations relatives à la commission

La commission a nommé les candidats à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Titulaires

Suppléants

   

M. Jean Le Garrec

M. Alain Néri

M. Jean-Claude Beauchaud

Mme Catherine Picard

M. Henri Nayrou

M. Marcel Dehoux

M. Guy Drut

M. Christian Estrosi

M. Edouard Landrain

M. Bruno Bourg-Broc

M. Patrick Leroy

M. François Rochebloine

M. Bernard Charles

M. Denis Jacquat


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