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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 53

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 20 juin 2000
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale chargé de l'enseignement professionnel.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale chargé de l'enseignement professionnel.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, a fait valoir son souci de traiter les dossiers méthodiquement, progressivement et de manière pragmatique. Remettre sur leurs rails les deux réformes controversées du lycée professionnel et du lycée d'enseignement général et technologique avait constitué la première urgence. Cette mission étant accomplie, il convenait d'en vérifier la mise en place : un accompagnement en personnels, en crédits pédagogiques, en formations, en équipements, en particulier pour les bibliothèques, s'avérait indispensable.

Ces premiers dossiers ont été abordés dans un esprit de dialogue et d'action, au service de convictions. Deux exigences doivent se concilier : celle, la plus élevée possible, de savoir, de connaissance, de recherche, de culture et celle de réussite.

Après l'annonce, aujourd'hui, de mesures concernant l'école primaire, l'étude des réformes relatives aux collèges et aux universités sera mise en chantier au cours de l'été. Leur réalisation dépendra bien évidemment des financements qui seront prévus par la loi de finances, pour lesquels l'influence de la Représentation nationale sera déterminante.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, chargé de l'enseignement professionnel, a indiqué qu'il avait entrepris quatre réformes principales dans le même souci de dialogue et d'action rappelé par le ministre. Il s'agit :

- du projet pluridisciplinaire pédagogique à caractère professionnel (PPPCP), qui se caractérise par une nouvelle grille horaire, et pour lequel un financement de 600 millions de francs représentant 43 000 heures supplémentaires et l'équivalent de 2 670 équivalents temps plein est nécessaire ;

- du renversement de la tendance à l'effondrement des effectifs dans les lycées professionnels, à travers une réforme de l'orientation ;

- de la rétribution des périodes de formation en entreprise ;

- de la mise en place de la licence professionnelle.

En outre, la présidence française de l'Union européenne donnera priorité à la mobilité, notamment celle des enseignants, et à une politique de la qualité, pour laquelle la Commission européenne propose la mise en place d'indicateurs de qualité.

Un débat a suivi les exposés des deux ministres.

M. Jean-Pierre Baeumler s'est félicité de la volonté d'apaisement et de reprise du dialogue dont a fait preuve M. Jack Lang, tout en maintenant la poursuite des réformes.

Après avoir indiqué que c'est toute la filière de l'enseignement professionnel qui allait bénéficier de la réforme entreprise sur le statut des professeurs d'éducation professionnelle, il a demandé des précisions sur :

- les moyens engagés en personnels, en formations et en crédits ainsi que le calendrier retenu pour la réforme de l'enseignement primaire ;

- le collège unique, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas réussi à rétablir l'égalité des chances ou à éviter trop d'exclusions ;

- l'harmonisation des statuts et la formation des personnels ;

- le plan pluriannuel de recrutement, dont on attendait une réduction de l'emploi précaire dans l'enseignement et la satisfaction des besoins en personnels non enseignants ;

- la revalorisation des missions des corps intermédiaires comme celui des chefs d'établissement ;

- le bilan de l'emploi des 65 000 aides-éducateurs, de leur insertion et la pérennisation de leur mission ;

- les moyens budgétaires pour y parvenir, en particulier ceux qui devront être votés en loi de finances pour 2001, en complément des crédits qui viennent d'être dégagés dans la loi de finances rectificative pour 2000.

M. Claude Goasguen, après avoir estimé que le ministre avait trouvé un ministère en état de profonde désorganisation, a indiqué qu'il convenait de lui laisser un « délai de viduité » et que les mesures annoncées ne constituaient pas encore une véritable réforme.

Il a ensuite évoqué la nécessité d'associer la Représentation nationale au débat qui se développe dans l'opinion en matière d'éducation. Celui-ci ne doit pas se limiter à des aspects quantitatifs, à des revendications corporatistes. C'est au Parlement qu'il revient d'avoir un débat préalable sur les grandes orientations de cette politique, alors que l'article 34 de la Constitution enferme l'éducation nationale sur elle-même. Or, en matière de politique éducative, tout ne peut pas être réglé par des mesures réglementaires.

M. Claude Goasguen a posé des questions sur :

- L'avenir de la Charte pour l'école du vingt-et-unième siècle. Cette Charte présentée par M. Claude Allègre pour le primaire a fait l'objet de près de 2000 expérimentations. Les mesures annoncées aujourd'hui la rendent-elles caduque ?

- Les internats au collège et au lycée. Les orientations générales peuvent être approuvées, car cette formule peut être adaptée pour les élèves à la fois en difficultés scolaires et sociales, mais quel sera le contenu concret de cette réforme ?

M. Bernard Perrut a posé des questions sur :

- La nécessité d'associer la Représentation nationale au débat sur l'éducation nationale que M. Jack Lang a qualifiée de « vaisseau sans boussole ».

- Les moyens réels d'une réforme de l'école primaire. Les moyens budgétaires de l'Etat doivent être renforcés. La réforme de l'école primaire ne doit pas reposer sur le financement par les collectivités locales. Bien souvent, ce sont elles qui assument par exemple le financement de l'enseignement des langues. Les moyens débloqués par l'Etat doivent être très importants, car 10 % des élèves entrant en classe de sixième ne savent ni lire ni écrire.

- L'avenir des aides-éducateurs, la pérennisation de leurs activités et la nécessité de davantage les spécialiser, par exemple pour l'intégration des enfants handicapés.

- La sécurité en milieu scolaire. Certains enseignants pour asseoir leur autorité disent utiliser des pratiques d'auto-défense. Les enseignants ne doivent plus avoir peur d'enseigner, ils doivent être mieux formés à leur mission d'éducateurs.

- La rétribution des élèves des lycées professionnels et l'avenir de l'apprentissage, que M. Jean-Luc Mélenchon a qualifié de méthode pour régler « de façon hypocrite » le statut social du jeune en formation alors que l'apprentissage est à n'en pas douter une réussite du système éducatif.

M. Bruno Bourg-Broc a posé des questions sur :

- L'association de l'Assemblée nationale aux grandes orientations de la politique de l'éducation nationale.

- La continuité entre les mesures annoncées pour l'école primaire et les réformes engagées par M. Claude Allègre.

- L'appréciation du ministre sur l'idée de décentralisation du système éducatif envisagée par M. Claude Allègre après son départ du Gouvernement.

- Les mesures budgétaires nécessaires à une application rapide et réelle de ce projet de réforme.

- Le développement des enseignements artistiques, alors que la loi de 1988 n'est pas appliquée, le rapport annuel sur sa mise en _uvre n'étant jamais publié.

- L'enseignement des langues dans tous les CM2 dès la prochaine rentrée alors que les moyens budgétaires nécessaires à cette mesure, c'est-à-dire les emplois d'enseignants, ne sont pas prévus et les mesures envisagées pour que cette réforme n'aboutisse pas à un monopole de l'anglais.

- L'avenir des aides-éducateurs et leur éventuelle titularisation.

- La sécurité dans les établissements scolaires qui n'a pas fait l'objet de mesures spécifiques, l'idée de conseil de délégués de classe n'étant qu'un gadget.

En réponse aux intervenants, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, a donné les éléments suivants :

- Concernant l'IUFM, il n'est nullement question d'abandonner la réforme envisagée. De la même façon qu'il convient d'évaluer les procédures d'élaboration des programmes, il apparaît nécessaire de réfléchir à une amélioration du système actuel de l'IUFM créé il y a aujourd'hui plus de dix ans. Des lacunes et des insuffisances dans la formation des maîtres de l'école primaire se sont fait jour : il faut y remédier en évitant les fausses querelles entre les tenants des disciplines d'une part et ceux de la pédagogie d'autre part.

Jules Ferry avait, à la fin du XIXème siècle, fait observer que l'on pouvait être un excellent bachelier et ne pas être en mesure d'enseigner. Cette question de la formation des maîtres se pose à l'heure actuelle avec une acuité accrue. Aujourd'hui, les capésiens s'orientant vers l'enseignement doivent, selon la même logique développée par Jules Ferry, bénéficier d'une formation adaptée pour remplir dans les meilleures conditions leurs futures fonctions d'enseignant. Des formateurs ayant une connaissance profonde et complète du terrain paraissent à même d'aider les futurs enseignants à assumer leurs responsabilités au sein des établissements. Les enseignants doivent en effet faire l'objet d'un encadrement de qualité leur permettant de s'adapter à leur classe, à leurs élèves ; ils doivent être notamment en mesure de gérer le problème de la violence à l'école. Ce phénomène trouve ses origines dans des réalités sociales et humaines profondes ; il est essentiel que les enseignants soient préparés à comprendre cette réalité pour mieux y faire face et pour lui apporter des solutions efficaces et raisonnables.

La réforme des IUFM est donc en marche. L'été 2000 sera d'ailleurs consacré à la poursuite des concertations intenses avec différents acteurs et notamment les directeurs des IUFM.

- Le plan pluriannuel constitue un exercice nouveau de la plus grande importance ; il permet aux responsables de se projeter dans le futur afin de créer le contexte le plus favorable pour l'éducation nationale de demain. Des objectifs politiques clairs ont été définis. Il convient que le système éducatif soit réellement au service des jeunes et notamment de ceux rencontrant des difficultés particulières.

La question des personnels de l'éducation nationale doit être traitée de façon sereine et sérieuse. La situation actuelle des personnels précaires, dont le nombre a eu tendance à croître au fil des années, ne saurait perdurer. Des consolidations de ces emplois précaires doivent naturellement être financées et progressivement mises en _uvre.

- La remise en mouvement des corps intermédiaires apparaît plus que jamais nécessaire. Il convient d'associer le plus possible ces personnels dans les actions de réforme et de transformation du système éducatif. Cet immense vaisseau que représente l'éducation nationale ne saurait être mené à coup de décrets ou de directives. La concertation et le dialogue constituent des outils indispensables à la réussite des réformes entreprises. Ainsi il est nécessaire que le ministre rencontre régulièrement les recteurs d'académies. Une réunion doit d'ailleurs avoir lieu prochainement avec l'ensemble des recteurs. De même, les inspecteurs d'académies doivent être écoutés car ils sont parties prenantes de l'évolution du système scolaire tout entier.

- La question de l'avenir des aides-éducateurs se pose aujourd'hui de façon très sérieuse et appelle de la part des pouvoirs publics et du Gouvernement une réponse claire. Il est certain que les très nombreux jeunes qui, au titre du programme « nouveaux emplois-nouveaux services », ont été recrutés dans des établissements scolaires ont, pour l'immense majorité d'entre eux, donné pleinement satisfaction aux responsables et apporté une aide précieuse à beaucoup d'élèves, notamment ceux se heurtant à des problèmes particuliers. La pérennisation du système constitue donc une solution à envisager, même s'il semble évident que tous les jeunes concernés ne pourront pas rester employés dans le cadre de l'éducation nationale, mais éventuellement dans d'autres administrations et institutions.

Il ne s'agit pas pour l'heure de régler des cas individuels, mais de poser le principe selon lequel il serait souhaitable que de nombreux jeunes poursuivent leurs activités au sein de leur établissement au-delà des cinq ans maximum initialement prévus. Etant donné le contexte favorable du marché de l'emploi actuellement, une telle solution ne paraît pas totalement irréaliste. Cependant la décision politique n'a pas été encore prise de façon ferme et définitive.

Le moment venu, il n'est d'ailleurs pas impossible que les aides-éducateurs puissent être orientés exclusivement vers les écoles et non plus vers les collèges et les lycées. En outre, les métiers exercés par ces derniers mériteraient d'être parfois mieux définis, car il est arrivé trop souvent que les aides-éducateurs remplissent dans les faits des missions administratives en substitution d'agents.

- En ce qui concerne l'accueil des handicapés, des efforts importants ont été réalisés : pas moins de 4000 éducateurs sont mobilisés vers des missions d'intégration d'élèves handicapés. Certes des améliorations restent toujours possibles, mais la situation a favorablement évolué pour cette catégorie d'élèves, désormais beaucoup mieux accueillis dans les établissements qu'auparavant.

- Il convient de se méfier d'une certaine forme de suivisme qui conduit les hommes politiques et certains responsables, toutes sensibilités confondues, à reprendre sans esprit critique des chiffrages parfois fantaisistes concernant l'éducation nationale. L'esprit de responsabilité doit prévaloir sur celui de revendication.

- Les orientations de la Charte pour l'école du XXIème siècle ne sont pas abandonnées, mais, avec le plan pluriannuel, nous sommes passés d'une logique d'expérimentation à une démarche de généralisation. Les 1 700 expériences engagées à travers l'INRP représentent une base solide. De même sont maintenus les contrats éducatifs locaux qui ont le mérite essentiel de permettre une discussion régulière et fructueuse entre les différents acteurs concernés au niveau local.

- A propos de l'internat, les premières prises de position du ministre peuvent être datées de 1992. Il ne s'agit nullement de réintroduire les « internats casernes » d'antan mais de proposer à certains jeunes dépourvus de structures familiales rencontrant des difficultés sociales ou psychologiques un accueil en internat.

Des réflexions ont d'ores et déjà été engagées pour développer ce projet, notamment dans la région Ile-de-France, M. Julien Dray, vice-président du conseil régional, envisageant heureusement des internats « d'excellence » et non de « relégation ».

- 80 % des classes de CM2 bénéficient déjà d'un enseignement linguistique, et c'est le cas pour 75 % des classes de CM1. De nombreux professeurs des collèges disposant encore d'heures d'enseignement vacantes accepteraient d'assurer cet enseignement dans le primaire. En leur garantissant que l'anglais sera enseigné en deuxième langue vivante en sixième, il faut convaincre les familles de choisir une autre langue dans le primaire.

- Dans le domaine des nouvelles technologies, l'action de M. Claude Allègre a permis l'équipement des lycées et collèges à un niveau proche de 100 %, même si, dans le primaire, seulement 35 % des écoles sont équipées. 60 millions de francs sont prévus dans le collectif budgétaire pour un fonds d'incitation en matière d'équipement informatique et la même somme sera reconduite l'année prochaine. 2 000 écoles seront à la disposition des enseignants pour leur fournir une formation accélérée dans le domaine de l'informatique.

M. Pascal Terrasse a souligné l'intérêt que représente le renforcement des moyens du ministère en direction de l'accueil de la petite enfance en primaire. Il a rappelé qu'en 1997 de nombreux postes avaient été supprimés dans l'éducation nationale et que des moyens complémentaires seront nécessaires pour leur recréation.

A propos du collectif budgétaire, il a souhaité connaître le détail de l'utilisation du milliard de francs attribué à l'éducation nationale. Il a enfin relevé que si le taux d'équipements techniques s'était singulièrement amélioré, un déficit de postes ATOS perdurait.

M. Pierre Hellier a interrogé le ministre sur le déséquilibre existant entre le nombre de personnes actuellement formées en IUFM et le nombre supérieur de départs en retraite. Evoquant la situation du département de la Sarthe, il s'est inquiété des fermeture de classes alors que le nombre d'élèves croît.

M. Alfred Recours a relevé l'intérêt de l'introduction des nouvelles réformes dans le secteur primaire. La question de l'enseignement des langues étrangères dans le primaire, prévu par la loi d'orientation de 1989, est récurrente. Si le recours à des professeurs du secondaire n'est pas sans intérêt, le problème de fond est bien celui de la formation initiale et continue des professeurs du primaire, qui devrait être assurée en IUFM. De plus, nous ne sommes pas prêts au recrutement de centaines de milliers de professeurs dans les dix ans à venir, qui risque pourtant d'être nécessaire.

Mme Hélène Mignon a indiqué que dans les quartiers difficiles, malgré l'excellence des professeurs, un soutien psychologique est indispensable. En ce qui concerne l'enseignement des langues étrangères dès le CM2, il paraît peu réaliste de vouloir soumettre à un tel enseignement des enfants dont la langue natale n'est pas reconnue dans leur pays de résidence. En ce qui concerne la pilule du lendemain, la prescription par les infirmières scolaires est une bonne solution, mais qui se heurte à l'insuffisance de leurs effectifs.

M. Michel Herbillon a estimé que s'il était bon d'évoquer les droits des enfants et des élèves, il s'étonnait de ne pas voir d'initiative prise afin de leur rappeler leurs devoirs.

Il s'est en outre interrogé sur les mesures envisagées pour réduire l'inégalité que constitue la violence. Il a enfin indiqué que dans le Val-de-Marne, alors que les élus réclament un plan d'urgence depuis de nombreuses années, on va procéder à 132 fermetures de classes pour seulement pour 28 créations : le ministre reprend-il à son compte les engagements pris devant la commission par Mme Ségolène Royal en vue de réduire le caractère automatique des critères de révision de la carte scolaire ?

M. Alain Néri, tout en jugeant très intéressantes les propositions faites par le ministre sur l'école primaire, s'est étonné de l'absence totale de référence au sport dans un projet d'école citoyenne. En ce qui concerne la médecine scolaire, un effort est assurément nécessaire, tant du point du nombre d'infirmiers que de celui des médecins. Il convient en outre d'observer que l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire est trop souvent à la charge des collectivités locales ; il faut veiller à établir de ce point de vue une continuité entre les langues enseignées à l'école primaire et celles susceptibles d'être choisies au collège et prendre en compte dans le choix desdites langues vivantes les spécificités régionales. Enfin, il faut tenir compte dans la mise en place des internats de leur rôle crucial dans l'aménagement du territoire et pas seulement de leur intérêt pour les enfants en difficulté.

M. Patrice Martin-Lalande a relevé la nécessité d'une plus grande ouverture des locaux scolaires au profit d'autres activités en dehors des heures d'enseignement. Il a également dénoncé le point de blocage que constitue la fixation à seize ans de l'âge minimal pour entrer en apprentissage. La prolongation de la formation générale se solde en réalité le plus souvent par une à deux années d'échec scolaire. Il conviendrait de prévoir la possibilité d'entrer en apprentissage de façon différenciée dès l'âge de quatorze ans, ainsi qu'une formation générale adaptée à la sortie de l'enseignement normal.

M. Jean-Michel Dubernard a regretté que la médecine scolaire ne constitue pas une priorité et ce depuis des années. Elle n'est de manière générale pas efficace. Elle l'est particulièrement peu dans le dépistage du handicap et elle ne l'est pas du tout dans le suivi et la coordination des traitements. Force est de noter que les initiatives prises en la matière le sont par les collectivités locales qui en assument le financement.

M. Michel Fromet a noté avec satisfaction la priorité donnée à l'éveil de la sensibilité artistique, culturelle et sportive. Sans attendre la mise en place de formations spécifiques dans les IUFM, des initiatives ont été, quoique trop rarement, prises par certaines communes. Cependant, leur développement est entravé par la crainte que les contrats locaux ainsi conclus ne soient qu'éphémères.

M. Germain Gengenwin a attiré l'attention du ministre sur la situation des auxiliaires travaillant dans les centres de formation des apprentis (CFA) : certains travaillent depuis sept ou huit ans sans bénéficier de la sécurité de l'emploi. En ce qui concerne la volonté de rétribuer les élèves en stage en entreprises, quel est le financement prévu et quel sera le statut de ces élèves ?

Mme Yvette Benayoun-Nakache a souligné la nécessité de prendre en compte dans l'enseignement de l'instruction civique le devoir de mémoire. Elle a regrétté que des centres de loisirs avec activités d'éveil soient parfois fermés.

En réponse aux intervenants, M. Jack Lang a donné les indications suivantes :

- Le collectif ne satisfait peut-être pas forcément tous les goûts, mais il a permis de financer la réforme du lycée professionnel et de régler certaines des questions liées à la prochaine rentrée. Il a par exemple permis d'allonger les listes de concours.

- En ce qui concerne la rentrée, il est important de souligner que sa réussite ne dépend pas uniquement d'une question de postes, mais aussi de la qualité de son organisation. Le ministre a indiqué avoir demandé que l'on anticipe la mise en place des enseignants dès le mois de juillet.

- Le département du Val-de-Marne n'est pas le moins bien traité de France. Il revient à chaque recteur et inspecteur d'académie de chercher à répondre aux difficultés tenant à l'adéquation des postes aux besoins. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que l'ensemble des demandes additionnées par département excède de très loin les moyens disponibles et représente quinze années du budget de l'éducation nationale. Un groupe de travail est créé auprès du directeur de l'enseignement scolaire pour asseoir les décisions prises sur des critères objectifs et rationnels. Le ministre a conclu sur ce point en soulignant que l'on ne pouvait être favorable à la délocalisation, à la déconcentration, voire à la décentralisation de la gestion des mouvements de personnels et attendre de lui qu'il distribue des postes depuis Paris.

Enfin, M. Jack Lang a rappelé qu'il avait été le premier ministre de l'éducation nationale à organiser, en 1992, un plan de lutte contre la violence dans les écoles. A l'époque, une telle initiative avait été jugée étrange, surtout de la part d'un ministre de gauche, mais elle a néanmoins permis de mettre au point certains dispositifs encore utilisés aujourd'hui, comme la présence d'appelés du contingent dans les établissements.

Il reste que, malgré les efforts de M. Claude Allègre, la solution à ce problème ne saurait être uniquement sécuritaire. Si le ministère de l'éducation nationale peut très certainement améliorer les choses en faisant un effort supplémentaire en matière d'encadrement, l'autre grande cause de la violence à l'école, c'est à dire l'évolution actuelle de notre société, et plus particulièrement la dévaluation de la notion de règle, en appelle à la responsabilité de tous.

Il convient néanmoins de ne pas ignorer la violence provenant de l'intérieur même de l'institution. Tous les efforts doivent être mis en _uvre pour travailler à ce que les élèves se sentent plus épanouis et mieux dans leur peau dans l'univers scolaire, qui doit lui-même être plus respectueux de leur personnalité et de leurs attentes. Pour cela, les activités en groupe, comme les chorales ou le sport, peuvent être très précieuses.

Au total donc, vaincre la violence à l'école est une mission difficile et de longue haleine, sur laquelle il convient d'éviter la surenchère démagogique.


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