Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires culturelles (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 55

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 juin 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

Puis de M. Jean-Pierre Foucher, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

-  Examen de la proposition de résolution de M. Gaëtan Gorce sur la proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne - n° 2424 (M. Gaëtan Gorce, rapporteur).

-   Communication de M. Gaëtan Gorce sur l'application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail

-  Communication de Mme Odette Grzegrzulka sur l'application de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle Communication de M. Gaëtan Gorce sur l'application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

-  Examen, en dernière lecture, du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication - n° 2456 (M. Didier Mathus, rapporteur).

2

3

8

12

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce, sa proposition de résolution relative à la proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la communauté européenne - n° 2424.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur, après avoir indiqué que la proposition de directive en discussion a pour objet de fixer un cadre général d'information des travailleurs au niveau européen, a rappelé que la délégation pour l'Union européenne s'est récemment prononcée sur ce texte. Il en est résulté une proposition de résolution qui vise à améliorer le dispositif envisagé. Il paraît nécessaire aujourd'hui de reprendre les lignes de cette proposition de résolution tout en lui ajoutant un point supplémentaire destiné à renforcer encore l'efficacité des mécanismes prévus.

Il faut se féliciter de ce que cette directive soit prochainement adoptée par le Conseil car elle répond à des préoccupations essentielles. Il convient en effet d'associer les salariés de la façon la plus étroite possible à la vie et au fonctionnement de leurs entreprises. Ils doivent être régulièrement informés des décisions économiques que leurs employeurs sont amenés à prendre et qui comportent des implications directes sur l'emploi et les conditions de travail. Par exemple, les restructurations de grande ampleur qui caractérisent l'économie actuelle ont un impact indéniable sur l'activité des entreprises et le niveau de l'emploi. Or il s'avère qu'aujourd'hui, le droit communautaire reste assez lacunaire en ce domaine. Les dispositions très générales ne sauraient suffire et la réglementation sur les transferts d'entreprise, qui a son utilité, ne permet pas de répondre à ces défis.

Les partenaires sociaux européens n'étant pas parvenus à un accord sur ce thème en raison notamment d'une forte réticence de la part de l'UNICE, représentant les employeurs, la Commission a dû se saisir du dossier et propose avec cette directive de nouvelles règles applicables dans tous les Etats membres en matière d'information et de consultation des salariés. Pour utile qu'elle soit, la proposition de directive comporte néanmoins certaines faiblesses. Ainsi, il pourrait opportunément être ajouté à la proposition de résolution adoptée par la délégation un point complémentaire qui n'a pas été soulevé jusqu'à présent.

Dans sa version actuelle, l'article 5 de la proposition de directive dispose que les Etats membres « prévoient que, dans des cas spécifiques et dans les conditions et limites fixées par les législations nationales, l'employeur n'est pas obligé de communiquer des informations ou de procéder à des consultations lorsque leur nature est telle que, selon des critères objectifs, elles entraveraient gravement le fonctionnement de l'entreprise ou porteraient préjudice à celle-ci. » Il apparaît opportun d'adopter un amendement demandant au Gouvernement à ce que les termes de cet article, qui apparaissent particulièrement vagues en l'état, soient davantage précisés dans la version définitive de la directive afin d'éviter que cette disposition ne vide de sa substance l'objectif même du droit à la transparence poursuivi par la directive. Les employeurs ne sauraient se soustraire à leur devoir d'information et de consultation des salariés de façon trop aisée grâce à la souplesse introduite par cet article. Il convient donc de prévoir un meilleur encadrement des cas dans lesquels le droit à la rétention des informations et à la non-consultation des salariés est invocable par les employeurs.

En conclusion de son intervention, M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a donc demandé l'adoption de la résolution sous la réserve de l'adoption de l'amendement présenté.

Le président Jean Le Garrec a souligné l'intérêt et l'importance du thème traité par la directive. Le problème de l'information de la consultation des salariés est cruciale et se pose d'ailleurs avec une acuité particulière dans les entreprises employant moins de cinquante salariés.

M. Jean Rouger s'est demandé, au sujet de l'amendement du rapporteur, si dans certains cas les informations ne pourraient pas être fournies aux représentants syndicaux sous réserve qu'elles restent confidentielles.

M. Bernard Outin a fait part de ses craintes de voir le principe de confidentialité brandi par certains employeurs susceptibles d'utiliser cette souplesse à des fins de manipulation des représentants des salariés.

Mme Muguette Jacquaint a estimé que la levée du secret s'imposait dans certains cas et que le fait de reconnaître de façon trop large le principe de la confidentialité risquait d'apparaître comme une marque de mépris à l'égard des organisations syndicales comme des salariés concernés.

Mme Gilberte Marin-Moscovitz a exprimé son souhait que l'information des salariés en général soit mieux assurée à l'avenir en notant combien il était important que des discussions entre partenaires sociaux puissent être organisées, par exemple, en amont de l'annonce de plans sociaux et de licenciements économiques.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a indiqué qu'il lui semblait difficile de rentrer trop dans le détail dans la rédaction de l'amendement proposé. Il convient de poser le principe selon lequel chaque législation nationale doit s'efforcer d'encadrer le plus possible les cas de recours au droit à la rétention d'informations afin d'éviter tout risque d'abus de la part des employeurs.

La commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur avant d'adopter la résolution ainsi modifiée.

*

La commission a ensuite entendu une communication de M. Gaëtan Gorce sur l'application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a tout d'abord souligné le caractère nécessairement incomplet de la présente communication qui intervient seulement cinq mois après la promulgation de la loi du 19 janvier 2000, les informations disponibles à ce jour et le temps limité imparti ne permettant que de dresser un bilan partiel de la loi. Il est cependant possible de dresser deux constats majeurs dès à présent.

Le premier est que la loi est entrée en vigueur dans des conditions juridiques et dans des délais satisfaisants. En effet, le Conseil constitutionnel, qui a rendu sa décision le 13 janvier 2000, n'a déclaré non conformes à la Constitution que quatre séries de dispositions, et n'a nullement remis en cause l'équilibre et l'esprit même de la loi. La démarche de généralisation des 35 heures s'est ainsi trouvée confortée par cette décision. On peut relever toutefois une difficulté juridique résultant du rejet partiel de « l'amendement Michelin » qui a eu pour effet d'aboutir à une rédaction insatisfaisante de l'article L. 321-9 du Code du travail. En l'état actuel du droit, suite à l'invalidation incomplète du dispositif de « l'amendement Michelin », l'obligation d'élaborer un plan de reclassement intégré dans le plan social ne s'appliquerait plus aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires, ce qui ne correspond naturellement en rien à la volonté du législateur. Il faut donc s'en remettre aux juges en espérant qu'ils pourront, en cas de contentieux, se référer aux débats parlementaires qui traduisent les intentions du législateur à ce sujet.

Autre sujet de satisfaction, la publication rapide des décrets, au nombre de quatorze, entre le 27 janvier et le 23 février 2000 et de la circulaire d'application de la loi diffusée le 6 mars a permis aux différents acteurs de disposer dans les meilleurs délais des outils indispensables à la négociation. Reste le problème de l'interprétation par le pouvoir réglementaire de la question du contingent d'heures supplémentaires applicable aux cadres, point qui reste aujourd'hui en discussion.

Le deuxième constat pouvant être fait de l'application à ce jour de la loi du 19 janvier 2000 porte sur la dynamique de négociation qu'elle a suscitée, dans le prolongement de la première loi sur la réduction du temps de travail du 13 juin 1998. Au 14 juin 2000, près d'un salarié sur deux des entreprises comptant plus de vingt salariés était concerné par un accord de réduction du temps de travail, soit au total près de 3,6 millions de salariés. On compte ainsi plus de 33.000 accords d'entreprises de réduction du temps de travail signés depuis le 13 juin 1998, dont plus de 5.000 depuis le 19 janvier dernier. Ces accords ont permis de créer ou de préserver plus de 200.000 emplois, même s'il reste difficile de distinguer l'effet de la croissance et celui de la réduction du temps de travail sur la baisse du chômage. Selon de récentes études de la Dares qui a étudié des entreprises ayant des comportements comparables et situées sur des marchés voisins, ce sont les entreprises appliquant la réduction du temps de travail qui ont le plus recruté au cours des derniers mois. Le taux d'embauche atteint en moyenne 6 % pour ces entreprises contre 3,5 % pour les entreprises n'étant pas encore passées aux 35 heures.

M. Gaëtan Gorce a ensuite présenté trois observations finales :

- Si l'abondement du fonds de financement des 35 heures ne pose pas en lui-même de problème, il convient en revanche de s'interroger sur le bouclage économique du dispositif, l'effort consenti par l'Etat devant être équilibré par celui de l'UNEDIC qui enregistre aujourd'hui d'importants excédents. Alors que l'Etat vient en aide au régime d'assurance-chômage lorsque ce dernier rencontre des difficultés - comme cela a été le cas en 1992 et 1993 - il serait tout à fait logique que l'UNEDIC puisse en retour participer au bouclage économique de la réduction du temps de travail, dans la mesure où cette démarche est créatrice d'emplois et permet par là même une augmentation significative des rentrées de cotisations sociales. D'une manière générale, une clarification des relations financières entre l'UNEDIC et l'Etat serait souhaitable.

- Les difficultés de recrutement observées sur le marché du travail et notamment dans certains bassins d'emploi doivent être étudiées de façon précise afin notamment de déterminer quel pourrait être le rôle des partenaires sociaux en la matière.

- Enfin, une réflexion globale doit être menée s'agissant de l'évolution des conditions et de l'organisation du travail qui se caractérise depuis plus d'une dizaine d'années par la montée du phénomène de l'intensification des rythmes de travail. Il faut noter que ce mouvement préexistait à l'application de la mise en _uvre de la réduction du temps de travail. Si les salariés et les employeurs s'estiment, d'après les sondages disponibles, satisfaits à plus de 80 % de la nouvelle organisation du travail découlant de la réduction du temps de travail, il demeure indispensable de définir les règles du nouvel « ordre public social » qui devrait s'articuler autour de la notion du droit à mener une vie familiale normale.

Après l'exposé du rapporteur, le président Jean Le Garrec a tout d'abord relevé la difficulté d'avoir une vision précise de l'application de la loi sur le terrain et estimé d'autant plus nécessaire le travail mené en termes de suivi de la loi, qui devrait être prolongé par une nouvelle étape à la fin de cette année ou au début de la prochaine. Il a ensuite déclaré partager les positions exprimées par le rapporteur et s'est notamment déclaré en accord sur les points suivants :

- Des études économiques prouvent de façon incontestable l'existence d'un lien entre la diminution du temps de travail et la baisse du chômage ; le taux de réactivité du marché de l'emploi à la croissance a été considérablement modifié puisque 2,5 points de croissance étaient nécessaires pour augmenter l'emploi d'un point, il y a quinze ans, alors qu'il n'en faut plus que 1,5 aujourd'hui. Il est dès lors permis de penser que les prévisions de créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail faites lors de l'élaboration de la loi pourront être tenues.

- Le problème de l'activation des dépenses passives est majeur et il conviendra à l'avenir de clarifier les relations entre l'UNEDIC et l'Etat.

- Les difficultés de recrutement actuelles ne découlent pas de l'existence d'un prétendu seuil de chômage incompressible, thèse qui doit être absolument rejetée, mais sont plutôt le signe du besoin de réformer les dispositifs d'adaptation des salariés, de formation professionnelle et d'apprentissage dont les évolutions n'ont pas suffisamment suivi celles du marché du travail, notamment du fait du poids du chômage.

- L'intensification des rythmes de travail et sa conséquence sur la santé des salariés, en particulier dans certaines structures industrielles, doivent faire l'objet d'une étude approfondie.

Mme Odette Grzegrzulka a souligné les problèmes qui se posent au sein des entreprises de moins de cinquante salariés dans la désignation des salariés appelés à négocier les accords. Les syndicats n'y sont que faiblement représentés tandis que mandatés et délégués du personnel sont parfois contestés. Par ailleurs, il est assez peu fait appel par les salariés au conseil en ingénierie.

M. Germain Gengenwin a fait les remarques suivantes :

- Un certain nombre de personnes à faible capacité d'adaptation ne pourront en tout état de cause pas être employées par les entreprises. Il existe bien un chômage structurel auquel le passage aux 35 heures ne permettra pas de remédier.

- En dépit des propos optimistes du rapporteur, les salariés ont bien à souffrir du passage aux 35 heures, leurs salaires pouvant être notablement affectés par le moindre recours aux heures supplémentaires.

- Il serait sage de repousser la date d'application des 35 heures pour les entreprises de moins de vingt salariés.

- Il est nécessaire de prendre en compte la pression exercée sur les cadres par les 35 heures et le problème du harcèlement moral.

Mme Muguette Jacquaint a observé que, si beaucoup de choses avaient été accomplies, d'autres restaient à faire. Elle a rappelé le relevé par les inspecteurs du travail d'un certain nombre de difficultés d'application des 35 heures. Pour compenser la baisse du temps de travail, les salariés sont soumis à une densification du travail, avec des risques pour leur santé et un durcissement des conditions de travail. Il faut aussi souligner qu'il est toujours demandé à l'Etat, et donc aux contribuables, d'aider les entreprises pour financer la baisse des charges sociales, alors que les efforts pour relancer l'emploi devraient être partagés. A cet égard, les excédents de l'UNEDIC pourraient être utilisés pour pallier le manque de qualification et de formation de certains salariés. La poursuite du travail de suivi de l'application est indispensable.

M. Pierre Hellier a constaté que les petites entreprises ne seront mises en difficulté par le passage aux 35 heures qu'après 2002, ce qui repousse la possibilité de dresser un bilan de l'application de la loi après certaines échéances. Il s'est également interrogé sur l'application des 35 heures dans la fonction publique.

M. Bernard Perrut a observé que si les 35 heures ont permis la création de quelques emplois nouveaux, les salariés regrettent la diminution du temps de travail. Elle entraîne pour eux celle des salaires et donc des difficultés pour faire face à certaines dépenses ou à des remboursements de prêts. Il a également souhaité connaître le nombre de jeunes bénéficiant du programme TRACE ou du concours d'une mission locale ayant pu s'insérer dans le monde du travail grâce aux 35 heures.

M. Gérard Terrier a insisté sur les conditions pratiques d'application de la loi en ce qui concerne l'appui-conseil. Il s'agit de savoir comment les missions d'ingénierie sont utilisées, notamment dans les petites entreprises où la technicité des représentants des salariés est moins grande. On constate aussi une forme d'inéquité dans l'utilisation de ces missions entre employeurs et salariés, ces derniers n'y ayant que peu recours.

M. Jean-Marie Geveaux a fait état des réactions négatives des organisations syndicales face aux baisses de salaires résultant du passage des 35 heures. La question de la rémunération semble avoir été exclue de la réflexion qui a présidé à la mise en place des 35 heures. Il a également considéré que la compression du temps de travail ainsi réalisée risquait de poser des problèmes de santé pour les salariés.

M. Jean Rouger a relevé le caractère « vivant » du processus de réduction du temps de travail. Les salariés couverts par les accords conclus dans les dix-huit mois qui ont précédé l'adoption de la loi du 19 janvier 2000 sont en quelque sorte les cobayes de cette évolution. Quelle solution peut-on envisager pour qu'ils cessent d'avoir le sentiment d'être défavorisés par rapport à ceux qui peuvent bénéficier des dispositions de la loi ?

En réponse aux intervenants, M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a fait les observations suivantes :

- Dans la pratique, le principe en matière de salaire a été très largement celui du maintien de la rémunération pour les salariés passés à 35 heures. De plus, le maintien des salaires est rendu obligatoire en vertu de la loi du 19 janvier 2000 pour les salariés rémunérés au SMIC. Si le fait que les heures supplémentaires sont contingentées entraîne des difficultés financières pour les salariés, cela signifie que c'est en réalité le salaire horaire réel qui pose problème. Cette question mérite d'être abordée de même que pourraient être opportunément remis en cause un certain type de politiques salariales pratiqué dans de nombreux secteurs et branches.

D'une manière générale, la réduction du temps de travail participe d'une démarche d'ensemble visant à une meilleure répartition des fruits de la croissance. On sait que la part des salaires dans la répartition de la valeur ajoutée progresse fort peu depuis plusieurs années. Il est regrettable que les débats actuels concernant la refondation sociale n'aient pas incité à ce jour les partenaires sociaux et notamment la partie patronale à s'engager résolument à traiter ce dossier essentiel.

- Il existe de réelles carences en matière de représentation des salariés au sein de certaines entreprises et notamment des plus petites d'entre elles. De fait, l'absence d'interlocuteurs compétents conduit trop souvent à la méconnaissance par les salariés des règles qui leur sont applicables.

- Les difficultés de recrutement dans certaines branches d'activités traduisent en réalité une inadéquation entre l'offre et la demande d'emplois, ce qui renforce la nécessité et l'urgence des efforts à entreprendre en matière de formation et de qualification des demandeurs d'emploi comme des salariés en poste.

- Loin d'être un phénomène trouvant son origine dans la démarche de réduction du temps de travail, l'intensification du travail est observée depuis une dizaine d'années aussi bien dans les services qu'au sein des entreprises. Les acteurs sociaux seraient bien inspirés de traiter cette question à l'occasion de leurs négociations, même si l'on ne saurait exclure pour autant une éventuelle intervention du législateur en la matière. Le thème des rythmes de travail soulève des interrogations connexes comme la question de savoir si le temps d'astreinte doit être considéré comme une période de repos ou de travail.

- Le mécanisme de l'appui-conseil connaît un vif succès avec 19.000 accords signés, dont 3.000 depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000. Il faut rappeler que les crédits inscrits dans le budget pour 2000 étaient légèrement en retrait par rapport à ceux inscrits en loi de finances pour 1999 ; cependant des informations récentes du ministère de l'emploi et de la solidarité font état d'un relèvement en cours d'année 2000 de ces crédits afin de faire face à la demande des entreprises. D'une manière générale, le système de l'appui-conseil ne vas pas sans susciter quelques interrogations car il dépend de la demande exprimée par l'entreprise en tant qu'entité juridique, ce qui aboutit dans bien des cas à privilégier le conseil dispensé à l'employeur parfois au détriment des conseils donnés aux salariés et à leurs représentants. C'est la raison pour laquelle la bonne utilisation des crédits formation à destination des organisations syndicales ainsi que la réalisation d'audits locaux pour le passage aux 35 heures, notamment en milieu rural, doivent être encouragées.

*

La commission a ensuite entendu une communication de Mme Odette Grzegrzulka sur l'application de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.

A titre liminaire, Mme Odette Grzegrzulka, rapporteure, a tout d'abord indiqué que toutes les recommandations de sa première communication n'étaient pas à ce jour prises en compte. La question de l'engagement de la participation des CCAS n'est toujours pas résolue et le partenariat entre les caisses d'assurance maladie et les organismes complémentaires n'est pas très actif, en dépit des efforts du Gouvernement, comme la création d'un répertoire des mutuelles, malheureusement trop complexe.

Elle a ensuite résumé les points principaux de son étude portant sur le panier de soins :

- Le montant du panier de soins a été fixé à 1 500 francs par personne et il comprend l'ensemble des soins ambulatoires, les prestations d'hospitalisation, les médicaments remboursés par la sécurité sociale, les lunettes et les soins dentaires. On constate certaines inadaptations du dispositif mis en place. Les textes prévoient le remplacement de deux verres d'optiques et non d'un seul. Il n'est pas permis de déroger au plafond si les dix dents à remplacer se trouvent sur les deux maxillaires. Les chaises roulantes ne font pas partie des dispositifs médicaux contenus dans le panier de soins.

- Le fonds de financement de la CMU s'est mis en place assez rapidement.

- En revanche, se pose le problème sérieux des refus de soins de certains dentistes et opticiens. Dans une ville comme Perpignan, c'est l'ensemble des orthodontistes qui oppose un véto systématique à toute demande de traitement. A Avignon, un généraliste et un ophtalmologue ont même apposé dans leur salle d'attente une affiche précisant que les « cmuistes » ne sont pas acceptés. A ces pratiques inacceptables s'ajoutent les refus fondés sur les défaillances de la procédure du tiers payant et les avances de trésorerie qui en découlent.

Une des conséquences de ces refus de soins est l'afflux massif de bénéficiaires de la CMU dans les centres de santé, ce qui contribue à aggraver leur déficit et occasionne une importante surcharge de travail.

- En ce qui concerne la mise en _uvre du tiers payant, une seule des deux procédures prévues, la procédure A, est opérationnelle et le délai pour la mise en place de la procédure B court jusqu'en 2001.

- Le coût du panier de soins est à ce jour très difficile à estimer, le ministère avançant le chiffre de 70 francs par personne pour les trois premiers mois de l'année 2000, ce chiffre n'étant pas du tout significatif. La fédération nationale de la mutualité indépendante et la Fédération française des sociétés d'assurance évoquent un surcoût de l'ordre de 25 à 30 %.

En conclusion, Mme Odette Grzegrzulka a insisté sur les points suivants :

- Il est nécessaire d'assouplir, au moins à titre transitoire, le contenu du panier de soins notamment pour les nouveaux bénéficiaires de la CMU qui ont à rattraper un retard en matière sanitaire.

- Les dentistes doivent se responsabiliser en tant que médecins. Les refus de soins sont des infractions au code de déontologie passibles de poursuites disciplinaires ; l'Ordre national des chirurgiens-dentistes doit le rappeler comme l'a fait l'Ordre national des médecins.

- Il est inacceptable que les organismes complémentaires aient procédé à des augmentations tarifaires en les justifiant par le financement de la CMU. Les bénéficiaires de la CMU ne doivent pas endosser un rôle de bouc émissaire.

- Il est regrettable de ne pouvoir disposer des chiffres concernant les dépenses hospitalières. Les délais de facturation des hôpitaux empêchent toute estimation du coût du panier de soins.

Le thème de la troisième communication sera les conséquences de l'effet de seuil. Le nombre de bénéficiaires devrait être 5 millions plutôt que les 6 millions prévus, ce qui pourrait permettre une réévaluation du panier ou une augmentation du plafond des ressources.

Il convient également de s'interroger sur l'éventuelle utilisation de l'aide médicale gratuite des 5 % conservés par les conseils généraux pour pallier les effets de seuil.

Après l'exposé de la rapporteure, le président Jean Le Garrec a formulé trois remarques :

- La CMU mobilise nécessairement des acteurs très différents et il n'est pas souhaitable d'en avoir une vision trop générale, trop homogène, car les comportements varient d'un département à l'autre. Ainsi, s'il est vrai que certains CCAS se sont retirés, d'autres continuent à assumer leur mission.

- Il n'est pas acceptable que des organismes complémentaires aient justifié par la CMU l'augmentation des cotisations. La création de la CMU ne doit pas être banalisée, l'objectif est d'amener une partie de ses bénéficiaires dans le droit commun et non pas de mettre de côté cinq millions de nos concitoyens.

- Dans l'évaluation du panier de soins, il convient de distinguer la part du coût correspondant au rattrapage de l'insuffisance de soins dont a pâti pendant longtemps une partie de la population.

M. Jean-Luc Préel a posé des questions sur :

- le nombre des bénéficiaires de la CMU ;

- le nombre des personnes assurées par les CPAM au titre de la couverture complémentaire ;

- le report de l'examen par les caisses des conditions de ressources ;

- la sortie du dispositif complémentaire ;

- le panier de soins : cette notion est intéressante, mais limitative et complexe ; les personnes au-dessus du seuil ont-elles les mêmes prestations, au même tarif que la CMU ?

- le coût réel du dispositif pour l'Etat ;

- l'application du panier de soins dans les départements qui assuraient déjà une meilleure prise en compte des soins ;

- l'accroissement des cotisations des organismes complémentaires, qui ont dû faire face à la fois à une augmentation de dépenses de 1,75 % et à une baisse de recettes liée à la perte de certains adhérents.

Mme Muguette Jacquaint a rappelé que la CMU représente un important effort qui permettra à six millions de personnes d'avoir accès aux soins comme tous leurs concitoyens. Toutefois, des inégalités demeurent, en particulier pour la dentisterie, la lunetterie et les équipements de handicapés.

Dans le domaine de la santé, le facteur culturel est déterminant. Il ne faut pas créer une catégorie d'assurés sociaux de seconde zone. L'attitude des mutuelles est inadmissible, elle remet en cause les accords préalables. De plus, les caisses de sécurité sociale de certains départements connaissent des difficultés : de plus en plus de centres doivent fermer un jour par semaine à cause du retard général des dossiers, les remboursements attendent parfois deux ou trois mois et ces difficultés sont imputées par certains assurés aux bénéficiaires de la CMU.

L'objectif de la CMU était de réduire l'exclusion et de renforcer la solidarité. Elle ne doit pas aboutir à des divisions entre les assurés . les bénéficiaires de la CMU sont des assurés sociaux nouveaux. Il convient d'octroyer des moyens supplémentaires pour accueillir dans de bonnes conditions ce public difficile, qui a parfois des problèmes d'expression et dont le traitement des dossiers peut prendre jusqu'à vingt minutes. La ministre de l'emploi et de la solidarité avait permis des embauches nouvelles : où en est-on ?

Il convient également de reconnaître le rôle des centres de santé, dont la charge de travail est de plus en plus lourde. En conclusion, il est souhaitable de dégager les moyens nécessaires et de revoir la place des mutuelles et le panier de soins.

M. Pierre Menjucq a exposé que si la CMU représente un progrès social indéniable, elle n'en génère pas moins de sérieuses distorsions :

- Le seuil de 1 500 francs étant inférieur à celui des minima sociaux, 42 % des bénéficiaires hors RMI de l'aide sociale des Pyrénées-Atlantiques ne pourront plus être pris en charge, l'enveloppe de 5 % laissée aux conseils généraux s'avérant de surcroît nettement insuffisante pour y faire face.

- Les personnes attributaires de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) ne peuvent pas être bénéficiaires de la CMU et ne peuvent pas non plus être soutenus par les départements.

M. Jean-Pierre Foucher, président, s'est interrogé sur :

- Les conséquences de la mise en place de la CMU sur la fréquentation des services d'urgence hospitalière, sachant qu'on a pu constater une augmentation brutale des consultations depuis qu'elle est instaurée.

- La baisse de la prise en charge de certaines prothèses dentaires par rapport à ce qui était fait par les départements.

- La pertinence de l'évaluation du nombre supposé des bénéficiaires de la CMU, 6 millions alors que des prévisions raisonnables avaient établi un chiffre proche de 4 millions.

En réponse aux intervenants, Mme Odette Grzegrzulka, rapporteure, a apporté les précisions suivantes :

- Concernant l'enveloppe budgétaire de la CMU, il est en effet nécessaire de distinguer ce qui relève du rattrapage nécessaire pour apporter les soins qui avaient manqué aux personnes visées par le dispositif, du traitement du flux normal de prestations qui s'apparente à celui du reste de la société. Toutefois, il convient de rappeler que le RMI a finalement été versé à beaucoup plus de personnes et sur une période plus importante que ce qui avait été prévu à l'origine.

- La part de l'Etat dans le financement de la CMU s'élève à 1,7 milliards de francs.

- Les pertes de cotisation subies par les mutuelles du fait de la prise en charge par la CMU de la gratuité des soins de certains cotisants sont infimes car elles ne concernent que les retraités agricoles.

- Le nombre de personnes embauchées par les caisses d'assurance maladie pour le traitement des dossiers relatifs à la CMU a été successivement de 1 400 et 1 600, soit un total de 3 000, il convient d'ailleurs de rendre hommage au travail accompli par ces personnels qui ont maîtrisé leurs nouvelles taches d'évaluation des ressources des bénéficiaires de la CMU.

- Le seuil fixé pour le bénéfice de la CMU est effectivement supérieur au montant de l'AAH. Il n'est pas envisagé de le modifier.

- Le taux de 42 % de personnes sortant du dispositif de l'aide sociale sans pour autant bénéficier de la CMU semble anormalement élevé. Seuls les huit départements, au moment du vote de la loi, avaient un plafond de ressources pour l'aide médicale gratuite supérieur à celui prévu pour la CMU et donc une aide à l'accès aux soins plus généreuse.

- Aucun hôpital n'est actuellement en mesure de fournir des statistiques précises sur l'influence de la création de la CMU sur la fréquentation de leurs services d'urgence. On peut cependant affirmer sans erreur qu'un tel phénomène peut être mis sur le compte du refus de certains praticiens d'apporter leurs soins aux personnes intéressées.

*

La commission a ensuite examiné, en quatrième et dernière lecture, sur le rapport de M. Didier Mathus, le projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

M. Didier Mathus, rapporteur, a rappelé que le Sénat a, en nouvelle lecture, confirmé la version du texte qu'il avait adoptée en deuxième lecture et sur laquelle un accord n'avait pu être trouvé en commission mixte paritaire. Les points majeurs de désaccord qui avaient été soulignés lors de la troisième lecture par l'Assemblée nationale demeurent donc.

L'Assemblée nationale est désormais saisie par le Gouvernement d'une demande tendant à ce qu'elle statue définitivement conformément à l'article 45, alinéa 4 de la Constitution. La commission mixte paritaire ayant échoué, l'Assemblée nationale ne peut que se prononcer que sur le dernier texte voté par elle, le 15 juin dernier.

Il est cependant nécessaire de prendre en considération certains amendements adoptés par le Sénat à l'occasion de la nouvelle lecture, qui sont le fruit de la réflexion nourrie par la navette ou permettent de réaliser des modifications de coordination.

La commission est ensuite passée à l'examen des amendements.

Article premier A (articles 43-6-1, 43-6-2, 43-6-3 et 43-6-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) : Responsabilité et obligations des prestataires techniques des services de communication en ligne - Obligation d'identification des fournisseurs de services en ligne

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, reprenant un amendement adopté par le Sénat en nouvelle lecture sur proposition du Gouvernement, le rapporteur ayant qu'il s'agissait de préciser que les données de connexion sont des données nominatives protégées par le régime pénal afférent à la loi du 6 janvier 1978 « informatique et liberté » et, d'autre part, de prévoir la consultation de la Commission nationale informatique et libertés sur le décret qui définira ces données de connexion.

Article 22 bis A (article 25 de la loi du 30 septembre 1986) : Conditions techniques de diffusion des services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre

La commission a examiné un amendement du rapporteur, reprenant un amendement adopté par le Sénat en nouvelle lecture et étendant à l'ensemble des chaînes (et donc également aux chaînes diffusées en clair) l'objectif d'inter-opérabilité des moteurs d'interactivité défini par l'Assemblée nationale pour les seules chaînes payantes.

M. Didier Mathus, rapporteur, a précisé que l'amendement renvoyait la définition des conditions techniques de cette inter-opérabilité à un arrêté interministériel.

La commission a adopté l'amendement.

Article 22 decies : Planification des fréquences

La commission a examiné un amendement du rapporteur, reprenant un amendement adopté par le Sénat en nouvelle lecture et précisant que la liste des fréquences visées par l'article ne constitue que la première étape du travail de planification entrepris par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Le rapporteur a rappelé que l'Assemblée nationale avait donné un an au CSA pour publier la liste des fréquences disponibles pour la diffusion hertzienne de services de télévision. L'amendement donne une plus grande souplesse au Conseil supérieur de l'audiovisuel dans la réalisation de cette mission : il apporte donc une précision utile.

La commission a adopté l'amendement.


© Assemblée nationale