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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 19 mai 1998

(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Audition de M. Kenneth Roth, directeur général de "Human Rights Watch"

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– Nomination d'un rapporteur ...

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Audition de M. Kenneth Roth

M. Kenneth Roth a remercié la Commission des Affaires étrangères pour son accueil. Il a rappelé, en cette année de cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le rôle de la France en tant que patrie des droits de l'Homme.

Evoquant la Cour Criminelle Internationale, il a indiqué que le 15 juin prochain, de hauts responsables de plus de 150 Etats se réuniront à Rome pour la Conférence diplomatique chargée de mettre au point le statut de cette juridiction. Cette Cour sera chargée d'enquêter et poursuivre les personnes accusées de génocide, de crimes de guerre, et de crimes contre l'humanité, lorsque les cours nationales refuseront ou se révèleront incapables de juger ces crimes. Cette Cour permettra de faire progresser les droits de l'Homme et le droit humanitaire international, et sera une puissante force de dissuasion contre de futures atrocités.

Le statut de cette juridiction prévoit une série de protections très fortes qui devrait apaiser les craintes de poursuites non fondées émises par la France dont l'attitude sur ce point sera déterminante pour l'efficacité et l'impartialité de ce tribunal.

Malgré la contribution constructive du gouvernement français sur le rôle reconnu aux victimes de crimes et sur leur droit à réparations, sa position constitue un obstacle. La France veut permettre aux membres permanents du Conseil de Sécurité d'user de leur droit de veto pour protéger d'éventuels accusés chaque fois que les intérêts de leur pays sont impliqués. Cette proposition saperait gravement l'indépendance, la crédibilité et l'efficacité de la Cour. La Cour n'aura aucun avenir si elle doit s'adresser au Conseil de Sécurité pour l'exécution de chacune de ses décisions. Son crédit sera entamé si elle est perçue comme un outil du Conseil de Sécurité plutôt que comme une institution qui applique la justice en toute équité à toutes les nations.

Le gouvernement français soutient qu'avant de permettre à cette Cour d'exercer sa juridiction, elle doit s'assurer du consentement des Etats concernés. Cette exigence est potentiellement paralysante. La France a insisté pour que l'action de la Cour soit déclenchée uniquement par une saisine du Conseil de Sécurité ou par une plainte d'un Etat partie, mais non par le Procureur agissant seul.

L'Accord de Paix historique de Dayton qui a mis fin aux hostilités en Bosnie prévoit de séparer et de désarmer les troupes afin de mettre un terme à l'épuration ethnique et de traduire devant la justice de la Haye les auteurs présumés de crimes de guerre.

Avec l'aide des troupes françaises, l'essentiel de cette paix a été préservé mais l'impunité dont continuent à jouir plus de 40 personnes inculpées publiquement de crimes de guerre, dont 30 se trouveraient encore en Bosnie, est l'un des obstacles majeurs empêchant d'appliquer pleinement l'Accord.

La France s'est largement investie dans le processus de paix bosniaque : elle a assuré une présence militaire considérable dans le pays depuis le début du conflit ; elle a participé à la création du Tribunal Pénal International et, plus récemment, a autorisé des responsables civils et militaires français à venir témoigner en personne à la Haye. Toutefois, malgré la présence de sept accusés, dont Radovan Karadzic, dans le secteur contrôlé par la France, aucune arrestation n'a eu lieu à ce jour.

Lors de la rencontre de La Baule en 1990, la France a insisté pour que ses partenaires africains démocratisent leurs systèmes politiques. Cependant, lorsque leur loyauté envers de vieux alliés, tel Mobutu au Zaïre, s'est heurtée à cette politique, les responsables français ont choisi la fidélité à ceux qui avaient soutenu les intérêts français.

Le gouvernement français a fourni une aide militaire importante au régime du Président rwandais, Juvénal Habyarimana, alors que celui-ci massacrait sa propre population depuis octobre 1990 et a ensuite gardé le silence lorsque des acteurs proches d'Habyarimana ont planifié l'échec des accords d'Arusha. La France a organisé l'opération Turquoise. Mais si certains concevaient cette opération comme un moyen de sauver des vies, ce qui a effectivement été le cas, d'autres voyaient en elle un moyen de protéger le gouvernement génocidaire et de donner à son armée l'occasion de se regrouper derrière un bouclier français. Les soldats français ont recueilli des informations et fait sortir du Rwanda des documents capitaux pour l'établissement de la vérité sur le génocide qui n'ont toujours pas été mis à la disposition des enquêteurs du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Il est heureux que cette Assemblée ait constitué une mission d'information sur ces évènements. Un représentant de "Human Rights Watch" y témoignera le mois prochain.

La France a la possibilité d'aider à endiguer le transfert d'armes dans la région des Grands Lacs et dans d'autres régions confrontées à de violents conflits d'autant que des ressortissants français ont joué un rôle important dans certaines ventes d'armes au Burundi.

Depuis le mois d'août, les atrocités commises sur une grande échelle à l'encontre de civils innocents, hommes, femmes, enfants et vieillards, ont attiré l'attention de l'opinion publique internationale sur la situation en Algérie. Nombre de ces tueries barbares ont été l'oeuvre de groupes armés opposés au gouvernement mais de graves questions se posent sur les efforts consentis par le gouvernement algérien pour mettre fin à ces tueries. Les autorités algériennes n'ont mené aucune enquête crédible sur les massacres et autres exactions et ont catégoriquement repoussé les efforts des Nations unies et des organisations internationales des droits de l'Homme reconnues, telles que "Human Rights Watch", qui réclamaient une enquête transparente.

Le soutien de la France à une telle enquête pourrait être un signal clair et puissant lancé au peuple algérien montrant que la communauté internationale entend ses cris. L'obstruction française face aux initiatives internationales relatives à l'Algérie est décevante. On ne peut que regretter son attitude, lorsque l'Union européenne a récemment envisagé de présenter une résolution sur l'Algérie devant la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU.

Au début de cette année, l'Union européenne a annoncé qu'elle renoncerait à parrainer une résolution sur la Chine à la Commission des Nations-Unies sur les droits de l'Homme et qu'elle mettrait l'accent sur le dialogue. La France, ainsi que l'Allemagne et les Etats-Unis, préfèrent aider la Chine à polir son image plutôt qu'exercer une pression visant à améliorer ses pratiques en matières de droits de l'Homme. Cette approche est restrictive car elle ne lie pas les progrès en matière des droits de l'Homme à l'amélioration des relations entre l'Union européenne et la Chine.

L'Union européenne a précisé que le CICR devrait être autorisé à "reprendre ses visites en Chine". En fait, le CICR n'a jamais été autorisé à mener des visites de prison sur une base régulière et confidentielle. L'Union européenne continue ses efforts en faveur de la libération d'un certain nombre de dissidents mais Pékin ne se montre disposé à libérer des dissidents que s'ils quittent le pays. Comme l'Union européenne, la France n'a pas plaidé pour la réforme des lois de sécurité draconiennes en Chine, l'allègement des restrictions sévères imposées aux libertés publiques, l'arrêt du harcèlement et de l'intimidation de groupes religieux non-officiels et la signature et la ratification par la Chine des principales conventions des droits de l'Homme.

La France doit recommander aux firmes françaises de garantir et de préserver le respect des droits de l'Homme dans le cadre de leurs activités. En Birmanie, une enquête de la Commission européenne sur l'usage du travail forcé a entraîné la suspension, en mars 1997, du Système de Préférence Généralisé. Ce pays a régulièrement recours au travail forcé. En raison de son caractère généralisé, le travail forcé bénéficie à toute entreprise étrangère. On ne peut qu'être préoccupé par l'attitude de Total qui exploite les gisements de gaz et le gazoduc de Yadana en joint venture avec la compagnie américaine Unocal, la Petroleum Authority of Thailand et la firme publique Myanmar Oil and Gas Enterprise.

La France fait obstacle aux initiatives de l'Union européenne visant à accroître les pressions exercées à l'encontre du gouvernement militaire nigérian pour que ce dernier mette en place un véritable programme de transition menant au rétablissement de la démocratie. Elf et Total ont exercé des pressions en faveur du développement des opérations commerciales avec le Nigéria et ces deux firmes ont été récompensées par des contrats octroyés par le gouvernement nigérian. "Human Rights Watch" a recueilli des informations sur l'attitude de la Royal Dutch/Shell lors de la répression menée à l'encontre de ceux qui protestaient contre les activités de la compagnie.

"Human Rights Watch" interroge tous les gouvernements, sans peur ni faveur. Cette organisation traite de la même manière les groupes rebelles, les institutions internationales et les grandes entreprises. La France joue un rôle déterminant sur la scène internationale et les principes qui inspirent sa vie démocratique nationale doivent davantage étayer l'action extérieure. Par la place qu'elle occupe au sein du système des Nations-Unies, par son rôle moteur au sein de l'Union européenne, par les réseaux qu'elle a tissés avec des pays du Nord et du Sud au nom de la Francophonie, la France peut aider à faire la différence.

Le Président Jack Lang a estimé légitime que le Directeur général d' "Human Rights Watch" se présentant devant une commission de l'Assemblée nationale française, y expose ses attentes à l'égard d'un pays traditionnellement à l'avant-garde en matière de défense des droits de l'Homme. La capacité d'influence qui nous est prêtée, peut-être parfois surestimée, constitue en elle-même une manière d'hommage à notre pays.

La loi du genre, qui implique que soient abordés des sujets sur lesquels la France a partie liée, peut parfois donner le sentiment d'une mise en accusation. Sans sombrer dans le chauvinisme, mais en tant que combattant pour la cause des droits de l'Homme, le Président Jack Lang a souhaité que les points traités soient abordés avec un minimum d'équité et de nuances.

Sur la question de la cour criminelle, le débat est ouvert tant au Parlement qu'au sein du gouvernement et rien n'a été définitivement arrêté quant aux positions qu'adoptera notre pays. Il convient de rappeler que ce projet est en partie d'inspiration française. L'idée d'établir un lien avec le Conseil de sécurité est guidée par un souci d'efficacité. A titre personnel, le Président Jack Lang a souhaité qu'elle soit dotée d'un statut lui permettant d'agir avec un maximum de liberté. C'est une question encore en débat au sujet de laquelle les positions ne sont pas aussi tranchées que M. Roth le rapporte dans sa présentation.

Sur le Rwanda, il a déploré des accusations qui surviennent alors même qu'une enquête est en cours et n'a pas livré ses conclusions. Notre pays est le seul qui s'est efforcé, dans une situation extrêmement complexe, de maintenir la paix civile puis, une fois le génocide engagé, de trouver des solutions susceptibles d'y mettre un terme. L'ONU s'est révélée impuissante. Certains Etats, notamment les Etats-Unis, se sont opposés aux initiatives nécessaires pour faire cesser ce génocide. En comparaison, le comportement de la France a été digne et tout à fait respectable. La mission d'enquête nous informera ; il est prématuré de se prononcer pour le moment. En revanche, on ne peut pas laisser dire que le soutien apporté en son temps au gouvernement légal rwandais était un soutien au génocide. C'est plutôt le contraire qui s'est produit : nous essayions de sauvegarder la paix civile, même si le gouvernement n'était pas pleinement satisfaisant.

En ce qui concerne la Bosnie, il convient de souligner, d'une part, que la procédure est respectueuse de l'indépendance du procureur de la cour, d'autre part, que l'ensemble du territoire concerné est placé sous commandement de l'OTAN. C'est l'OTAN qui a le pouvoir de procéder à l'arrestation des suspects dans quelque secteur qu'ils se trouvent.

A propos de la Chine, les approches, les sensibilités sont différentes. Certains pensent que c'est par le dialogue et la négociation que la cause de la démocratie peut progresser dans ce pays. D'autres partagent l'approche du Président Jack Lang : il convient de tenir bon et de défendre "bec et ongles" la cause des droits de l'Homme et de la démocratie. La "Real politik" n'est pas nécessairement la plus réaliste des politiques.

M. Pierre Brana a estimé que l'accumulation des griefs donnait l'impression un peu désagréable d'être mis en accusation. Il a souligné que différents ministres étaient régulièrement venus devant la Commission des Affaires étrangères afin de traiter certaines des questions abordées par M. Roth. Ainsi, M. Védrine, à l'écoute des inquiétudes et des interrogations des parlementaires au sujet de la CCI, a apporté des réponses plus nuancées sur la position française que la présentation qu'a bien voulu en faire M. Roth.

M. Pierre Brana a estimé que si tout le monde était d'accord pour arrêter et juger les criminels de guerre, ce sont les modalités qui restaient à définir. Des pressions s'exercent sur les différents acteurs afin d'éviter que les arrestations ne se traduisent par des bains de sang supplémentaires dans ce malheureux pays.

Il a ensuite évoqué la mission d'information sur le Rwanda dont les travaux remettent déjà en cause certaines affirmations contenues dans l'exposé de M. Roth. Ces faits seront rendus publics au terme des travaux de la mission. C'est un bilan global qu'il faut dresser en entendant un maximum d'acteurs, et ce n'est qu'ensuite que l'on pourra porter un jugement sur l'action de chacun.

M. Brana a ensuite évoqué son attachement à l'Algérie, pays auprès duquel la France n'est souvent pas la mieux placée pour intervenir, sous peine d'être accusée de néocolonialisme.

En ce qui concerne la Chine et le Nigéria, nous avons reçu ici même des dissidents et évoqué l'efficacité des politiques d'embargo. Bien d'autres causes restent à défendre, notamment la persistance de la peine de mort dans certains Etats américains.

Enfin, M. Brana a interrogé M. Roth sur la diplomatie parallèle menée par certaines ONG.

M. François Loncle a jugé les propos de M. Roth intéressants mais s'est déclaré choqué par certains jugements excessifs portés à l'égard de la France. Il en a cité deux exemples :

A propos du Rwanda, une mission d'information est constituée mais ses travaux n'aboutiront que dans quelques mois. C'est l'honneur du parlement français d'avoir pris cette initiative et de la mener à bien. Il conviendrait que d'autres, notamment les Etats-Unis et les Nations Unies, se prêtent aux mêmes investigations.

M. François Loncle a protesté contre les propos de M. Roth concernant la programmation de l'échec des accords d'Arusha. Il s'est interrogé sur les responsabilités dans l'attentat du 6 avril 1994 qui a abattu l'avion transportant les présidents du Rwanda et du Burundi, sur l'absence d'enquête, sur la provenance des missiles et sur l'identité des tireurs. Il n'est peut-être pas trop tard pour qu'une enquête internationale fasse la lumière sur ces différentes questions.

De semblables interrogations pourraient être formulées à propos de l'Ouganda, pays qui n'était pas spécialement lié à la France. Que chacun prenne ses responsabilités.

Que penser du Congo ? Comment M. Kabila est-il arrivé au pouvoir ?

Que penser de l'implantation des compagnies pétrolières américaines dans le golfe de Guinée ?

M. Loncle a estimé que l'analyse de la situation algérienne faite par M. Roth était fausse. Il aurait souhaité de sa part une condamnation ferme des crimes abominables perpétrés par la mouvance des intégristes islamistes.

Il a souhaité connaître l'action menée par "Human Rights Watch" en ce qui concerne les droits de l'Homme aux Etats-Unis et le contrôle exercé sur la politique étrangère américaine.

M. Jacques Myard a rappelé que selon un propos attribué à Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant.

A propos de l'approche du problème rwandais, il a dénoncé la naïveté ou pseudo-naïveté de la propagande américaine.

Il a estimé que les propos de M. Roth étaient erronés, tant sur le Rwanda que sur l'Algérie.

Le combat pour les droits de l'Homme est le combat de chacun. Il ne faut pas en faire un instrument de guerre. L'inconvénient des positions américaines est qu'elles multiplient les sanctions - boycott, embargo - et génèrent ainsi des blocages. C'est une attitude ambiguë.

M. Myard a demandé à M. Roth des précisions sur le financement de son organisation.

Le Président Jack Lang a précisé que M. Kenneth Roth ne s'exprimait pas en tant que citoyen américain ou représentant du gouvernement des Etats-Unis mais en tant que directeur général d'une organisation internationale non gouvernementale. On ne pouvait donc lui répondre en retournant ses accusations contre les Etats-Unis. Par ailleurs, M. Kenneth Roth a sans doute souhaité parler des sujets sur lesquels la France a son mot à dire. Dans son souci d'aller à l'essentiel, il a pu paraître caricatural et a pris ainsi à rebrousse-poils les membres de la Commission des Affaires étrangères alors que celle-ci, depuis peu de temps, s'intéresse plus particulièrement aux droits de l'Homme.

M. Kenneth Roth a répondu aux commissaires.

Il a tout d'abord précisé que, dans le peu de temps qui lui était imparti, il avait voulu concentrer son propos sur les reproches que l'on pouvait adresser à la politique étrangère de la France. Cependant, son organisation est tout aussi critique à l'encontre de beaucoup d'autres pays et, au premier chef, les Etats-Unis. "Human Rights Watch" a des observateurs dans plus de 70 pays et s'attache à critiquer publiquement les politiques étrangères qui semblent le mériter. Compte tenu de la tradition française dans le domaine des droits de l'Homme, il espérait pouvoir nouer avec la France un partenariat mais cette attente a été déçue. Son catalogue de critiques n'enlevait rien à son amitié pour la France. "Human Rights Watch" a publié des rapports exhaustifs sur la situation des droits de l'Homme aux Etats-Unis, qu'il s'agisse du traitement des immigrés, des conditions de détention ou de la peine de mort. A beaucoup d'égards, elle traite ce pays avec plus de sévérité que les autres.

"Human Rights Watch" ne reçoit aucune subvention gouvernementale et son financement repose exclusivement sur des fonds d'origine privée.

S'agissant de la Cour criminelle internationale, il est exact que le débat est encore ouvert et que tous les pays partagent les mêmes interrogations. Dans les mois qui viennent, il faudra opter entre un tribunal qui pourra entendre en toute liberté qui il voudra - y compris des militaires - ou bien une juridiction soumise à davantage de contraintes. "Human Rights Watch" opte clairement pour la première solution en insistant sur le fait que les autres pays n'accepteront pas que les membres permanents du Conseil de Sécurité bénéficient de dérogations. Le principe de complémentarité des juridictions mérite certainement d'être appuyé. Les tribunaux français, notamment, doivent pouvoir traiter de ces affaires. Mais les Etats ne doivent pas se voir reconnaître un droit de veto et le tribunal international ne doit pas supporter le fardeau insurmontable du consensus entre les Etats.

De nombreux Etats sont coupables dans la tragédie du Rwanda, y compris les Etats-Unis. Mais la France a joué un rôle tout particulier. Avant le génocide, elle était le pays qui avait les relations les plus étroites avec les autorités rwandaises. Elle était en mesure de savoir ce qui se préparait. La mission d'information parlementaire qui a été courageusement mise en place devrait étudier comment les signaux d'alerte auraient dû être interprétés. Pendant le génocide, une intervention était probablement possible mais la volonté politique a fait défaut. Ce qui a été entrepris a permis de sauver quelques vies humaines mais a permis aussi aux génocidaires de prendre la fuite. La mission d'information parlementaire est une excellente initiative.

L'OTAN a donné son feu vert à l'arrestation des suspects en Bosnie. Contrairement à la France, les Etats-Unis et les Pays-Bas ont autorisé leurs troupes à procéder à ces arrestations. Radovan Karadzic se trouve dans la zone française ; son arrestation est impossible sans le concours de la France. Le travail du Tribunal pénal international échouera si Karadzic et Mladic restent en liberté. On peut comprendre le souci d'éviter un bain de sang mais les précédentes arrestations n'ont donné lieu à aucune représailles et Karadzic est affaibli.

L'importance du dialogue avec la Chine n'est pas à négliger. Cependant, le peu de progrès réalisés a résulté des pressions exercées sur les autorités chinoises, comme la résolution annuelle de la Commission des droits de l'Homme de l'ONU. La France propose de se contenter de ce dialogue sans d'autres initiatives ce qui revient à se condamner à l'échec.

"Human Rights Watch" condamne les exactions des islamistes en Algérie qui portent la responsabilité de l'essentiel des massacres. Cependant, de nombreux observateurs ont constaté l'ambiguïté de l'attitude des autorités algériennes. Les forces armées algériennes sont restées parfois passives et les milices villageoises ont été responsables de sévices. Une enquête internationale impartiale est donc nécessaire. Il est regrettable que la France n'y soit pas favorable. Tant que le gouvernement algérien pourra dissimuler ses actes, les tueries continueront.

Le Président Jack Lang a estimé que cet échange avait été profitable si l'on allait au delà des malentendus. "Human Rights Watch" est une organisation irremplaçable grâce à l'action désintéressée de ses militants.

Le chemin vers la vérité est souvent tortueux. Des progrès sont prévisibles s'agissant de la Cour criminelle internationale ou de l'arrestation des criminels de guerre en Bosnie. La différence d'approche entre M. Kenneth Roth et les parlementaires s'explique par l'histoire. Une enquête internationale sur le rôle des compagnies pétrolières serait très utile. Beaucoup d'autres situations auraient aussi pu être évoquées, notamment celle de la Turquie.

Information relative à la Commission

M. René Rouquet a été nommé rapporteur sur la proposition de loi de M. Didier Migaud et plusieurs de ses collègues, relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 (n° 895).

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