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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 juin 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, Président

SOMMAIRE

 

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– Projets de loi sur l'interdiction des mines antipersonnel (nos 29 et 964) - rapport


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– Accord de coopération spatiale franco-russe (n° 919) - rapport


4


– Accord coopération CE/Chili (n° 914) - rapport


5


– Traité d'amitié avec l'Azerbaïdjan (n° 916) - rapport


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– Informations relatives à la Commission


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Projets de lois sur l'interdiction des mines antipersonnel

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Loncle, suppléant Mme Christiane Taubira-Delannon, empêchée, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996 (protocole II, tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996), annexé à la convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (n° 29) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (n° 964).

M. François Loncle a tout d'abord évoqué les étapes du long combat qui a conduit à la signature d'un traité d'interdiction totale des mines antipersonnel. Il a rappelé que les dangers entraînés par la dissémination des mines antipersonnel ont longtemps été sous-estimés, alors même que cette arme devenait de plus en plus incontrôlable.

Il a ensuite présenté le contenu des deux conventions. Le protocole II sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs, annexé à la convention de 1980, a finalement été modifié en 1996. Cette révision a rendu plus contraignante la réglementation de l'utilisation des mines antipersonnel mais a laissé subsister de graves lacunes. De cette déception, est né le processus d'Ottawa. Le traité finalement signé le 3 décembre 1997 pose le principe d'interdiction totale des mines antipersonnel, c'est-à-dire l'interdiction de leur emploi, de leur fabrication, de leur stockage et de leur transfert. Il organise également un mécanisme de contrôle des obligations souscrites par les Etats parties ainsi qu'une coopération et une assistance internationale dans le domaine du déminage.

Le Président Jack Lang a rappelé que le Parlement a déjà examiné en première lecture une proposition de loi qui prévoit notamment des sanctions pénales en cas d'infraction aux obligations posées par le traité d'Ottawa. Cette rapidité témoigne de la volonté de la France d'aller de l'avant.

M. Pierre Brana a regretté que l'aide internationale pour le déminage des pays particulièrement touchés par les mines antipersonnel, notamment la Bosnie et le Cambodge, ne soit pas plus importante.

Le Président Jack Lang a déclaré partager cet avis et a souhaité que le Rapporteur fasse part de cette préoccupation au Gouvernement lors de la séance publique.

M. René André a demandé des précisions sur la liste des Etats signataires du traité d'Ottawa.

M. François Loncle a précisé que le traité d'Ottawa avait, certes, été signé par 125 pays, mais que, parmi les pays non signataires, se trouvaient notamment les Etats-Unis, la Russie et la Chine.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (n° 29 et 964).

Accord de coopération spatiale franco-russe

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Charles Ehrmann, suppléant M. Marc Reymann, empêché, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques (ensemble une annexe) (n° 919).

Rappelant les grandes orientations de la coopération spatiale franco-russe, M. René André a indiqué que la visite du général de Gaulle en URSS en 1966 en fut le point de départ. La signature de l'accord initial permit à la France d'être le premier partenaire occidental de l'Union soviétique dans le domaine spatial. A mesure que les possibilités de coopération se sont développées, elles ont été traduites par d'autres accords bilatéraux en 1989 et 1992.

Grâce à cette coopération, les scientifiques français ont participé à des missions spatiales de premier plan : dès 1970, ils ont obtenu des échantillons de roches en provenance de la Lune ; en 1972, un premier satellite technologique français (SRET 1) est lancé par une fusée soviétique ; en 1982, Jean-Loup Chrétien est le premier spationaute occidental à voler avec un équipage soviétique.

La France a également été le premier partenaire occidental de l'Union soviétique à engager des échanges industriels et commerciaux dans le domaine spatial. Les principaux succès franco-russes touchent aux télécommunications. Les domaines des lanceurs et de l'observation de la Terre par satellite constituent les nouveaux volets de coopération.

Jusqu'à la fin des années quatre-vingts, les activités spatiales soviétiques étaient largement subventionnées par l'Etat pour pouvoir rivaliser avec les Etats-Unis dans le domaine de la maîtrise technologique. La disparition de l'URSS a largement accéléré la transformation des activités spatiales qui sont désormais soumises aux impératifs de rentabilité. Elles sont gérées par les autorités civiles au travers de l'Agence spatiale russe, créée au début de l'année 1992, qui constitue en fait un quasi-ministère. Les changements politiques et économiques ont progressivement conduit les dirigeants russes à rechercher une utilité et une efficacité accrues aux dépenses budgétaires. Ainsi, dans le domaine des services de lancement, les sociétés russes s'efforcent de promouvoir leurs fusées qui parfois concurrencent directement ARIANE.

L'accord du 26 novembre 1996 modernise le cadre juridique de la coopération spatiale franco-russe et l'adapte au nouvel enjeu que constitue la coopération industrielle et commerciale. Deux institutions se voient confier un rôle-clef dans l'application de l'accord : le Centre national d'études spatiales pour la France et l'Agence spatiale russe pour la Russie. Les dispositions de l'accord prennent en compte la nécessité de transférer des fonds, car les engagements financiers peuvent atteindre environ 80 millions de francs pour un vol de trois semaines à bord de la station MIR.

L'article 9-1 prévoit une exonération douanière de tous droits et taxes, alors que les exportations françaises en Russie sont aujourd'hui taxées de 40 %, ce qui les pénalise par rapport aux fournitures américaines qui bénéficient déjà d'un régime d'exonération.

M. René André s'est inquiété de la concurrence que constituera, pour le centre de lancement de Kourou, la base spatiale flottante Sea Launch financée par un consortium rassemblant Américains, Norvégiens, Russes et Ukrainiens.

M. Charles Ehrmann a expliqué que l'existence de ce projet, concurrent très sérieux de la base de Kourou selon le CNES, justifiait pleinement le développement de la coopération bilatérale franco-russe.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 919).

Accord de coopération CE/Chili

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (ensemble une annexe) (n° 914).

M. Henri Sicre a exposé que l'objectif final de cet accord était d'instituer une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et le Chili. A cet effet, l'accord cadre crée des instances de dialogue et élargit le champ de la coopération. Le libre-échange est également l'un des objectifs de l'accord mais aucun calendrier de libéralisation n'a été défini. L'accord ne précise pas les contours de cette future association mais prévoit que les Parties détermineront l'opportunité du passage à cette seconde étape qui fera l'objet d'un nouvel accord.

Les Etats d'Amérique latine sont tous, à des degrés divers, engagés dans un processus d'intégration régionale. La création du Mercosur, notamment, s'est révélée un succès. Ce régionalisme est vu d'un assez mauvais œil par l'administration américaine. Les Etats-Unis sont parvenus à attirer le Mexique de leur côté avec la création de l'Alena ; en revanche, leur tentative de créer une zone de libre-échange des Amériques d'ici 2005 a échoué. L’Union européenne a adopté une politique beaucoup plus prudente et respectueuse de la sensibilité latino-américaine. Elle est elle-même hostile à un libre-échange débridé, notamment dans le domaine agricole.

Aujourd'hui, le régime politique chilien est démocratique, mais l'héritage de la dictature est encore pesant. L'armée et le général Pinochet ont été mis en cause, mais, de peur de déstabiliser la démocratie, peu de crimes ont été jugés. L'armée a obtenu un régime très particulier grâce aux lois dites "d'amarrage". Le général Pinochet joue le double rôle de protecteur de l'armée et de modérateur des pulsions militaires. Le retour à la démocratie ne s'est pas traduit par un changement fondamental de politique économique qui fait l'objet d'un réel consensus. Les performances économiques affichées par l'économie chilienne depuis dix ans sont remarquables.

La politique économique chilienne est une politique d'ouverture au commerce international. Les droits de douane, notamment, devraient continuer à baisser. En revanche, le Chili a hésité entre l'option régionaliste et l'option nord-américaine. Il n'a pas définitivement renoncé à intégrer l'Alena. Parallèlement, après avoir observé une certaine prudence face à la construction du Mercosur, il s'en est rapproché par un accord d'association, signé en juin 1996.

Le processus de libéralisation des échanges prévu par l'accord est lui aussi prudent. Un état des lieux est en cours d'élaboration et des négociations sont engagées en vue de la conclusion d'accords sectoriels. Dans le cadre des Accords de Marrakech, le Chili applique depuis 1995 un taux de droits de douane uniforme de 11% contre 3,5% pour l’Union européenne. L'Union a donc intérêt à la libéralisation. En revanche, le problème majeur qui se posera pour l'Union concerne le secteur agricole, notamment dans le domaine viticole.

Par ailleurs, l'accord énumère les secteurs où la coopération entre l'Union et le Chili doit se développer. La lutte contre la drogue revêt une importance particulière.

M. Pierre Brana a demandé quels étaient les produits agricoles chiliens qui pouvaient concurrencer les produits européens.

M. Henri Sicre a précisé que de nombreux produits agricoles chiliens sont compétitifs, mais que seuls les pommes et les vins chiliens pouvaient concurrencer les productions européennes, car ils peuvent être conservés, alors que les autres productions sont mises sur le marché à contresaison.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 914).

Traité d'amitié avec l'Azerbaïdjan

La Commission a examiné, sur le rapport de M. René André, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité d'amitié, d'entente et de coopération entre la République française et la République d'Azerbaïdjan (n° 916).

M. René André a exposé que ce traité avait été signé en décembre 1993. La situation intérieure et extérieure de l'Azerbaïdjan explique largement le délai, quatre ans et demi, dans lequel il est présenté au Parlement.

L'Azerbaïdjan s'est trouvé en effet confronté à deux défis depuis la proclamation de son indépendance le 18 octobre 1991, c'est-à-dire avant même la dissolution de l'URSS.

L'Azerbaïdjan a connu quatre présidents dans les trois années qui ont suivi son indépendance. L'élection de M. Aliev en juin 1993 marque le début de la stabilisation politique : soutenu par le Parlement, l'armée et la police, M. Aliev a ainsi pu affronter deux tentatives de coups d'Etat, en septembre 1994 et en mars 1995. Le pays semble désormais tenu en mains en dépit de la persistance d'incidents de nature diverse : multiplicité des accusations de complots, scandales financiers liés à la persistance de structures claniques, accusations portées à l'égard d'importants dignitaires du régime. Dans ce contexte, la progressive émergence d'un véritable Etat de droit mérite d'être relevée : outre la tenue d'élections pluralistes, l'apparition d'une véritable opposition parlementaire et la suppression récente de la peine de mort attestent des progrès réalisés dans cette voie.

Le deuxième problème que l'Azerbaïdjan doit surmonter est celui des relations complexes qu'il entretient avec ses voisins. Cette complexité résulte à la fois du nationalisme parfois ombrageux d'un pays n'ayant recouvré sa souveraineté que de manière récente et de la convoitise qu'il suscite.

L'Azerbaïdjan apparaît en effet comme le pays au potentiel économique le plus élevé de la zone, compte tenu de l'importance de ses réserves en pétrole. On estime les recettes tirées de leur exploitation à 80 milliards de dollars sur quinze ans ; la somme pourrait doubler au cas où les recherches actuellement menées déboucheraient sur la découverte de gisements exploitables. Cette manne a éveillé la convoitise des exploitants pétroliers, des grandes puissances et des Etats voisins.

Les relations sont notamment difficiles avec la Russie : l'intervention de troupes soviétiques en 1990 a fait à Bakou 160 morts parmi la population. Ces événements empoisonnent toujours les relations bilatérales entre les deux Etats.

Le nationalisme ne facilite guère les relations avec les autres voisins, et, en tout premier lieu, avec l'Arménie. Après une série de revers azerbaïdjanais dans le conflit pour la maîtrise du Haut-Karabagh, le cessez-le-feu signé en mai 1994 a figé sur le terrain une situation défavorable à Bakou. 20% du territoire national est aux mains des séparatistes du Haut-Karabagh, l'Azerbaïdjan a en outre dû accueillir près d'un million de réfugiés.

Les relations avec l'Iran ne sont pas non plus des meilleures, les compagnies iraniennes ayant été exclues par l'Azerbaïdjan, à la demande des Etats-Unis, du principal contrat pétrolier.

Ce relatif isolement a conduit l'Azerbaïdjan à développer des liens forts avec l'Occident, au premier chef avec les Etats-Unis, mais aussi avec les Britanniques, notamment en vue de l'exploitation des ressources pétrolières. Toutefois, peu désireux de nouer une relation exclusive avec le partenaire américain, l'Azerbaïdjan s'efforce de développer ses relations avec l'Europe et notamment avec la France.

C'est en France que le Président Aliev a fait sa première visite officielle. Il y est revenu à sept reprises depuis cette date. Cette faveur n'est pas remise en cause par la proposition de loi visant à la reconnaissance du génocide arménien adoptée par notre Assemblée, en dépit de quelques mouvements d'humeur en Azerbaïdjan.

S'agissant de la qualité des relations, on ne peut que relever l'importance croissante des échanges économiques et l'excellente position qu'occupent certaines entreprises françaises en Azerbaïdjan, Total par exemple.

La ratification du présent traité et la prochaine visite du Président de la République en Azerbaïdjan attestent bien de la qualité des relations et du souhait de la France de les renforcer encore. A cette fin, le traité qui nous est présenté n'offre pas d'instrument novateur, mais la palette classique de la coopération bilatérale.

M. Jacques Myard a souligné l'importance d'apporter notre aide à l'Azerbaïdjan : ce pays, à la différence de certains Etats de la région, défend la laïcité et la liberté religieuse. Par ailleurs, il s'efforce de mener une politique internationale équidistante dans un environnement régional dangereux, alors que ses ressources en pétrole suscitent bien des convoitises.

M. Pierre Brana s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles un trafic d'oeuvres d'art important semblait avoir choisi l'Azerbaïdjan comme base d'action.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 916).

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 17 juin 1998 :

1. Rapporteurs pour avis pour le projet de loi de finances pour 1999 :

· Première partie du projet de loi de finances (article relatif à l'évaluation du prélèvement communautaire)

- Affaires européennes Mme Marie-Hélène Aubert

· Deuxième partie du projet de loi de finances

A. Dépenses civiles

Affaires étrangères :

- Affaires étrangères M. Jean-Louis Bianco

- Coopération M. Pierre Brana

- Relations culturelles internationales

et Francophonie M. Georges Hage

Commerce extérieur :

- Commerce extérieur Mme Louise Moreau

B. Dépenses militaires

Défense :

- Défense M. Jean-Bernard Raimond

2. Rapporteurs pour des projets de loi :

- M. René André, pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble une annexe) (n° 915).

- M. René André, pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité d'amitié, d'entente et de coopération entre la République française et la République d'Azerbaïdjan (n° 916).

- M. Etienne Pinte, pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres) (n° 918).

- M. Pierre Brana, pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 920).

- M. René Mangin, pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique (n° 785).

- M. Paul Dhaille, pour le projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie.

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