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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 1

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 1er octobre 1998
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Election du Bureau de la Commission des Affaires étrangères


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– Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes ..........


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– Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe
– Cour européenne des droits de l'homme (n° 1075 et n° 1076)




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– Informations relatives à la Commission


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Election du Bureau de la Commission des Affaires étrangères

La Commission a procédé à l'élection de son Bureau, en application de l'article 39 du Règlement. Le nombre des candidats pour chaque catégorie de fonction n'ayant pas été supérieur au nombre de sièges à pourvoir, il n'a pas été procédé au scrutin.

Le Bureau de la Commission est ainsi constitué :

Président :

- M. Jack Lang

Vice-présidents :

- M. Georges Hage

- M. Jean-Bernard Raimond

- M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Secrétaires :

- M. Roland Blum

- Mme Monique Collange

- M. René Rouquet

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Audition de M. Pierre Moscovici

La Commission a entendu M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes.

Le Ministre a souligné la densité de l'actualité européenne récente, et notamment le changement de majorité au Bundestag et l'arrivée prochaine de Gerhard Schröder à la chancellerie de la République fédérale d'Allemagne.

Sa visite à Paris, les rencontres avec le Président de la République et le Premier Ministre, permettent de fonder des espoirs nouveaux sur la relation franco-allemande. Celle-ci est essentielle pour faire progresser les grands dossiers européens que sont le financement de l'Union, le processus d'élargissement et la réforme institutionnelle.

Enfin, le tour d'horizon de l'actualité communautaire ne saurait être complet sans un point sur les principaux dossiers de la politique extérieure de l'Union.

A la veille du scrutin allemand, une profonde volonté de changement et la possibilité d'une nette alternance assez large au Bundestag étaient perceptibles. S'il convient de saluer l'impressionnant bilan européen du Chancelier Kohl, ce changement est désormais acquis. Il faut à présent tenter d'en assurer les conséquences sur la relation franco-allemande et sur la construction européenne.

Le changement de majorité au Bundestag est à la mesure des transformations de l'Allemagne auxquelles, habitués à la routine de la relation franco-allemande, nous n'avons peut-être pas été suffisamment attentifs. L'Allemagne se réconcilie certes avec son histoire et sa géographie, mais est confrontée à des difficultés importantes : crise du pacte social, croissance du chômage et coût de la réunification.

On peut, bien entendu, toujours gloser sur certaines prises de position de M. Schröder au début de la campagne, en particulier sur l'euro. Elles ont pu soulever des espoirs dans certains rangs : ils seront déçus. M. Schröder a pris la mesure du rôle et du poids de son pays dans la construction européenne et des responsabilités qu'il aura à exercer à sa tête. Il ne faut pas le sous-estimer.

Son équation personnelle, très différente de celle du Chancelier Kohl - il est d'une autre génération, d'une autre origine, y compris géographique - en fait un Allemand moins instinctivement tourné vers l'Europe continentale que son prédécesseur. Il est, de ce fait, plus soucieux encore d'étayer les raisons de l'engagement européen de son pays auprès d'une opinion publique qui l'attend sur le terrain des réalisations concrètes et, en particulier, de la lutte pour l'emploi.

L'engagement européen du Chancelier Schröder sera peut-être plus pragmatique que celui du Chancelier Kohl, mais, en même temps, plus décidé à rapprocher l'Europe des véritables préoccupations de ses citoyens.

Il y a donc lieu d'être plutôt optimiste sur l'évolution de la relation franco-allemande dans les mois qui viennent ; en particulier, dans la perspective de la Présidence allemande de l'Union.

Le discours du candidat Schröder à Strasbourg, le 14 juillet dernier, a d'ailleurs illustré toute une série de convergences ou, pour le moins, de préoccupations communes, notamment sur le renforcement de l'Union européenne, le rôle de l'euro et la coordination des politiques économiques dans une stratégie européenne de croissance et d'emploi.

Il n'y aura véritablement de relance du dialogue franco-allemand que si nous nous attelons, en priorité, à chercher ensemble des réponses, non à des débats ésotériques, mais aux questions de fond qui engagent l'avenir de la construction européenne ainsi que la place de l'Union dans le monde.

A cet égard, les rencontres de M. Schröder avec le Président de la République et le Premier Ministre paraissent tout à fait encourageantes. Elles dissipent les doutes éventuels sur l'attachement du futur Chancelier à la relation franco-allemande : pour lui, elle est centrale, principale.

Par ailleurs, il est clair que M. Schröder souhaite que le travail en commun sur la réforme des institutions européennes, du financement de l'Union et des politiques communes soit lancé très rapidement. Des propositions devraient être faites dès la fin de l'année. On ne peut aussi que se réjouir du soutien apporté par le futur Chancelier aux propositions françaises de renforcement du rôle des institutions financières internationales.

Il existe aujourd'hui trois questions centrales sur lesquelles un compromis franco-allemand devra être trouvé au cours des prochains mois : le financement de l'Union, que le ministre a évoqué aujourd'hui sous l'angle du budget pour 1999 ; l'élargissement ; la réforme des institutions.

L'évolution des relations financières de la France avec l'Union européenne fera l'objet d'un débat dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 1999. Le budget des Communautés marque une rupture par rapport aux deux exercices antérieurs avec une progression soutenue de 6,1% en crédits d'engagement et une progression plus modérée de 2,8% en crédits de paiement. Ces évolutions sont sensiblement supérieures à la progression moyenne des crédits de dépenses du budget de la France pour 1999 (2,3%).

Cette progression ne surprend pas. Elle s'explique très simplement par les engagements politiques pris par le passé et que le Conseil n'a pas souhaité remettre en cause. Pour respecter l'accord d'Edimbourg relatif aux perspectives financières 1993-1999, il faut inscrire en 1999, dernière année de la période, la totalité du solde de l'enveloppe des fonds structurels prévue à l'origine pour la période. Compte tenu des retards d'engagements importants constatés sur cette rubrique, on enregistre en 1999 une progression des crédits des fonds structurels de 17% en engagements et de 9% en paiements. Le reste du budget progresse à un rythme tout à fait comparable aux deux dernières années.

Trois réflexions s'imposent à ce stade.

L'année 1999 devrait en bonne logique représenter un "pic" dans l'évolution du budget de l'Union, compte tenu de ce phénomène "d'apurement" des perspectives financières d'Edimbourg.

En revanche, le respect scrupuleux des engagements lourds pris dans le passé doit être utilisé pour affirmer, avec encore plus de force, notre volonté de reconsidérer le statut privilégié de la dépense structurelle pour l'avenir. C'est l'un des enjeux essentiels de la négociation sur "l'Agenda 2000".

Enfin, cette progression des dépenses communautaires en 1999 va augmenter mécaniquement les contributions nettes des grands financeurs, en premier lieu l'Allemagne. Elle doit conduire à accélérer la réflexion sur cette question, au coeur de la relance du couple franco-allemand. C'est là que se noue le débat avec les Allemands sur l'Agenda 2000.

Du reste, la Commission va nous y inviter fortement : elle rendra public son rapport sur le système des ressources propres dans quelques jours. Les solutions qu'elle suggère devraient être sans grande surprise : extension de la ressource assise sur le PNB (plus équitable que la ressource TVA), co-financement de la PAC, programme spécial dans les Länder de l'Est, toutes solutions qui pourraient éventuellement être combinées. En revanche, la Commission devrait exprimer de fortes réserves sur l'instauration d'un système d'écrêtement généralisé des soldes.

Le Gouvernement examinera ces propositions. Sa réflexion intégrera nécessairement trois éléments. En elle-même, la maîtrise des dépenses concourt utilement à limiter l'ampleur du problème des soldes nets, en tout cas à éviter son aggravation. C'est par la maîtrise des dépenses que l'on doit commencer. La France rejettera toute fausse solution, en particulier celles marquées par l'esprit du "juste retour" qui reflèteraient incontestablement un affaiblissement de la construction européenne.

La solution retenue devra se situer à l'intérieur d'un accord global sur l'ensemble du paquet Santer, permettant à tous les partenaires de l'Union de continuer à se sentir pleinement intéressés aux politiques communes.

Sur l'élargissement de l'Union, depuis le lancement du processus au bénéfice des onze candidats, le 30 mars, à Bruxelles, suivi, le lendemain, de l'ouverture des six premières négociations d'adhésion, la Commission a entrepris un important exercice de présentation de l'acquis communautaire aux onze pays candidats. Il s'agit, en quelque sorte, d'une phase pédagogique, destinée à expliquer aux pays qui aspirent à rejoindre l'Union l'ensemble des obligations auxquelles ils devront souscrire.

Cet exercice, désormais bien engagé, a permis à la Présidence autrichienne d'envisager, en novembre, l'ouverture des négociations proprement dites sur les chapitres de l'acquis qui ont fait l'objet de cette présentation analytique.

Le Conseil Affaires générales du 5 octobre, qui précédera une réunion de la Conférence européenne, le 6, au niveau des Ministres des Affaires étrangères et européennes, sera donc chargé d'examiner cette proposition d'ouverture des négociations, avancée par la Présidence et à laquelle certains de nos partenaires, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie par exemple, ont d'ores et déjà apporté leur soutien.

Le souci de la France est double.

Le Conseil doit conserver la maîtrise politique du processus. Notre accord à un engagement rapide des négociations sera soumis à la condition qu'elles ne pourront aboutir aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu négociation sur la totalité de l'acquis. Encore une fois, il ne saurait s'agir de retarder de quelque manière que ce soit le processus qui a été engagé, mais seulement de respecter un principe général d'équilibre de la négociation.

Deuxièmement, le Conseil doit pouvoir débattre des conditions d'engagement de ces négociations. Chypre constitue à cet égard une préoccupation. Il a été demandé à la Commission de faire un rapport factuel, à l'occasion du Conseil Affaires générales de lundi prochain, sur les conditions dans lesquelles elle a pu engager l'exercice d'examen de l'acquis avec Chypre. Sur cette base, il faudra bien constater qu'en dépit des recommandations du Conseil européen, aucun progrès n'a pu être enregistré en ce qui concerne tant le règlement politique de la situation de l'île que les négociations d'adhésion elles-mêmes. Ce sera, pour la France, avec ses partenaires, une occasion de prendre la mesure des difficultés que ne manquerait pas de susciter l'adhésion d'une île divisée. Il ne s'agit donc pas de bloquer la poursuite des négociations d'adhésion avec Chypre - personne n'a intérêt à une escalade qui conduirait au blocage de l'ensemble du processus d'élargissement - mais de prendre date dans la perspective de la conclusion des négociations d'adhésion.

Cette question de la maîtrise politique du processus est cruciale. Elle peut aussi être à la source de convergences nouvelles entre les autorités allemandes et la France. L'Allemagne elle-même a commencé à prendre la mesure de l'élargissement. Cette évolution, déjà perceptible au cours des derniers mois, devrait s'accentuer.

Il ne s'agit pas, bien entendu, pour l'Allemagne, de remettre en cause une dynamique qu'elle a souhaitée et encouragée, mais sans doute d'en mieux mesurer les conséquences et de l'assortir de garanties plus fortes, par exemple en matière de libre-circulation des personnes. Est-il besoin de préciser que c'est exactement l'approche défendue par la France ?

Le dernier sujet sur lequel il faudra rapidement reprendre la concertation avec les nouveaux partenaires allemands est celui des institutions.

Concrètement, où en est-on ? La France a proposé à ses partenaires de distinguer plusieurs étapes dans les réformes à entreprendre. D'abord, celles qui ne nécessitent pas de modification des traités. Il s'agit de réformes pratiques : du Conseil des Ministres, en particulier celui des Ministres des Affaires étrangères, dont le rôle de coordination et de préparation du Conseil européen doit être réaffirmé ; de la Commission, qui doit recouvrer une véritable collégialité ; du Conseil européen, qui doit exercer pleinement sa fonction d'impulsion et d'orientation.

Sur tous ces points, la réflexion a déjà commencé.

Ensuite viendront les réformes indispensables avant l'élargissement et qui constituent le préalable institutionnel admis par tous les Etats membres à Luxembourg : le format et l'efficacité de la Commission ; la généralisation du vote à la majorité qualifiée au Conseil ; et, liée au point précédent, la pondération des voix au sein de ce même Conseil.

Sur ce volet, la concertation a débuté. Dès la mise en place du nouveau gouvernement allemand, il faudra examiner la méthode et le calendrier les plus appropriés. Rien ne pourra sans doute être engagé formellement avant le règlement de la négociation Agenda 2000. Nous avons donc un peu de temps devant nous.

Parallèlement, la réflexion sur la mise en oeuvre du principe de subsidiarité et sur la transparence démocratique des institutions, lancée à Cardiff, sera poursuivie, notamment à l'occasion de la réunion informelle du Conseil européen qui se tiendra à Pörtschach, en Autriche, les 24 et 25 octobre prochain.

Ceci conduit tout naturellement à la question de la ratification du traité d'Amsterdam, qui constituera l'un des dossiers importants de cette session avec, en préalable, la révision de la Constitution. La procédure ayant été lancée, il convient de faire le point des travaux et du calendrier.

Sur le calendrier, d'abord, le Ministre a rappelé qu'il était partisan de l'achèvement du processus de ratification, au plus tard au début de l'année 1999, afin d'éviter toute interférence avec les élections européennes de juin prochain qui ne pourrait que fausser le débat.

Le Gouvernement a présenté un projet de révision constitutionnelle en Conseil des Ministres, le 29 juillet dernier, et des dates ont pu être fixées pour l'examen de ce texte par les assemblées avant la fin de l'année, très exactement, les 25 et 26 novembre pour l'Assemblée nationale, et, dans les semaines qui suivront, pour le Sénat. On peut espérer que le Congrès - puisque cela semble être la procédure retenue par le Président de la République - pourra être réuni dès la mi-janvier. Ceci devrait permettre d'achever ensuite la procédure de ratification, au plus tard début mars.

Sur le fond, quels sont les éléments nouveaux ?

S'agissant de la révision constitutionnelle, le Gouvernement, comme il l'a toujours fait par le passé, en pareilles circonstances, s'est tout simplement calé sur la décision du Conseil constitutionnel. Il n'a donc proposé de modifier que le seul article 88-2 de la Constitution pour autoriser les transferts de compétences qui seront nécessaires, le cas échéant, lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée dans les matières relatives à l'immigration, aux visas et à l'asile.

Des réflexions sur cette révision sont en cours à l'Assemblée, notamment en vue d'étendre l'article 88-4, c'est-à-dire la possibilité d'un contrôle parlementaire aux actes des 2e et 3e piliers. Cette demande existe aussi au Sénat.

Elle paraît tout à fait légitime et juridiquement praticable, à condition toutefois de respecter le critère selon lequel ne sont transmis, au titre de l'article 88-4, que les actes intervenant dans des matières législatives. Il semble essentiel, en effet, de respecter l'esprit des institutions et le principe de la séparation des pouvoirs.

Une fois achevée, cette révision constitutionnelle permettra de passer à la ratification du traité. Celle-ci pose un certain nombre de questions évoquées à plusieurs reprises depuis sa signature à Amsterdam le 2 octobre dernier.

Le Ministre a une nouvelle fois plaidé pour la ratification de ce traité, malgré ses imperfections et la lacune majeure que constitue l'absence d'avancée substantielle sur le plan institutionnel. Ceci a été signifié clairement par la France à ses partenaires en signant, avec la Belgique et l'Italie, une déclaration annexée au traité. Depuis, cette exigence s'est progressivement imposée à nos partenaires et des premier contacts ont été noués sur les modalités des réformes à engager.

Par ailleurs, la volonté de lier exigence d'une véritable réforme institutionnelle et ratification reste vive au Parlement, et c'est compréhensible.

Ainsi l'idée est-elle née d'introduire un article 2 dans la loi de ratification. Mais, là encore, il faudra respecter l'esprit et la lettre des règles constitutionnelles. Il conviendra donc, le moment venu, d'élaborer un tel article en pleine concertation entre le Parlement et le Gouvernement. Selon le Ministre, il devrait s'inspirer essentiellement du texte de la déclaration franco-italo-belge.

Un tel article ne saurait, en effet, exprimer une conditionnalité à proprement parler, puisque l'acte soumis à ratification relève du seul pouvoir exécutif. Il faudra donc veiller, compte tenu des limites évoquées, à ne pas envoyer, en recourant à cette procédure inhabituelle, un signal négatif aux partenaires de l'Union, comme aux pays candidats à l'adhésion, alors même que l'on a réussi, petit à petit, à les convaincre du bien-fondé du préalable institutionnel.

Le Ministre a ensuite abordé les questions externes en commençant par deux dossiers qui concernent les relations avec le continent américain au sens large.

En premier lieu, s'agissant des relations euro-atlantiques, il a rappelé que le Conseil des Ministres de l'Union s'était finalement rallié aux arguments de la France pour repousser l'initiative du Commissaire Brittan, qui visait à établir une zone de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Le sommet euro-américain du 18 mai a adopté une déclaration sur le Partenariat économique transatlantique fondée, comme nous le souhaitions, sur les conclusions du plan d'action défini à Madrid, en 1995. Cette déclaration prévoit un renforcement de la concertation afin de préparer les échéances prévues par l'Organisation Mondiale du Commerce et définit certains domaines pouvant faire l'objet d'une coopération bilatérale plus approfondie : normes, marchés publics, propriété intellectuelle... Cette déclaration ne vaut pas, en tant que telle, mandat de négociation pour la Commission européenne qui devra donc revenir devant le Conseil avant d'engager les discussions. C'est pourquoi celle-ci a préparé un plan d'action et les directives de négociation qui seront présentés au Conseil Affaires générales de la fin octobre et qui sont satisfaisantes à quelques réserves près, notamment sur le plan de la convergence réglementaire et sur le plan des services. La France fera connaître ces réserves dès la fin octobre.

Sur la question des loi extra-territoriales qui avait pesé sur la préparation du dernier sommet, un "paquet" a été négocié. Il comporte en particulier un texte sur les disciplines en matière d'investissement, qui vise à décourager les investissements dans les propriétés expropriées de façon illégale, notamment à Cuba. Pour nous, et c'est le sens d'une déclaration unilatérale qui rappelle l'opposition de l'Union au principe même des lois extra-territoriales, l'application de ce texte est subordonnée à l'octroi de dérogation - les "waivers" - à la mise en oeuvre des législations Helms-Burton et ILSA. L'administration américaine s'est engagée à octroyer une dérogation à Total pour ses investissements en Iran. En revanche, les dérogations à la loi Helms-Burton seront difficiles à obtenir en raison de l'attitude du Congrès américain. Cependant, pour la France, il est clair que l'absence de dérogations reportera d'autant l'entrée en vigueur du texte sur les disciplines.

En second lieu, la Commission a présenté une communication sur l'approfondissement des relations avec les pays du cône sud de l'Amérique latine, sous la forme d'une "libéralisation réciproque et progressive des échanges". L'objectif du Commissaire Marin est d'obtenir une approbation du mandat de négociation avant le sommet Europe-Amérique latine de juin 1999.

Nous sommes confrontés, sur ce dossier, à un impératif politique : nous ne pouvons opposer au Mercosur et au Chili une fin de non-recevoir, pour des raisons liées à la tenue du sommet de juin 1999, dont la France a pris l'initiative avec l'Espagne, mais aussi pour des raisons plus profondes, tenant à la volonté des pays latino-américains d'éviter que l'intégration en cours sur leur continent ne se fasse au détriment des relations avec l'Europe. Nous avons cependant deux contraintes. Du fait de l'OMC, nous ne pouvons nous engager, avec les pays du Mercosur et le Chili, dans une négociation tarifaire bilatérale partielle, ni dissocier le volet industriel du volet agricole. D'autre part, la contrainte agricole rendrait une zone de libre-échange incompatible avec les règles de l'OMC, du moins en l'état actuel de la PAC. Les pays du Mercosur sont des pays fortement exportateurs de produits agricoles : les produits sensibles à exclure d'un tel accord constitueraient 12 à 14 % des échanges. Enfin, le passage au libre-échange agricole induirait, selon la Commission elle-même, un surcoût de 5,7 à 14,3 milliards d'écus à l'horizon 2005-2010.

C'est pourquoi l'objectif de juin 1999 pour l'adoption d'un mandat de négociations nous paraît réaliste. A supposer même que les travaux sur la réforme de la PAC aboutissent au premier semestre 1999, ce qui paraît peu probable, on voit mal comment les Quinze pourraient se mettre d'accord, en parallèle, sur un mandat de négociation avec le Mercosur. Nous devons donc impérativement desserrer le calendrier. Ce sera l'un des enjeux du Conseil Affaires Générales de la fin octobre.

L'initiative du Commissaire Marin illustre parfaitement certains travers actuels du fonctionnement de la Commission, auxquels il importe de remédier rapidement : une concertation insuffisante des Etats membres avant le lancement d'une proposition, un affichage politique qui, tout en faisant pression sur les Quinze, crée des attentes dans les pays tiers, un manque évident de cohérence par rapport aux autres grands dossiers communautaires, comme la réforme des politiques communes ou la préparation des échéances à l'OMC.

Le Ministre a ensuite évoqué la place de l'Europe dans le Monde, au travers d'une part de la situation en Russie, d'autre part des projets de réforme du système financier international et, enfin, de la Chine.

La crise en Russie est une crise monétaire, sociale, politique ; une crise d'identité, en somme, qui suscite, en retour, une interrogation majeure sur le rôle de l'Occident en Russie depuis les changements entrepris par M. Gorbatchev.

Ce qui frappe, c'est moins l'ampleur de la crise financière elle-même que ce qu'elle révèle, c'est-à-dire le retard pris par la Russie dans la modernisation de son économie. Mais il ne faut pas se voiler la face. Le bilan de la mise en oeuvre, dans ce pays, des programmes d'aide parle de lui-même : désorganisation des structures, absence d'interlocuteurs stables à tous les niveaux de l'Etat, sous-utilisation des crédits d'assistance technique, dont il serait mal venu de mettre en cause l'utilité mais dont il faut constater qu'ils ont rarement débouché sur de véritables projets d'investissement. Sans doute aussi avons-nous présumé des capacités de la Russie à réorienter rapidement ses structures économiques vers l'économie de marché. Il faut donc reprendre la réflexion pour tenir davantage compte de l'état de ce pays et de sa spécificité, et sans doute aussi, pour remettre de la régulation dans ce pays.

L'heure n'est pas, en effet, à se désengager d'un pays dont, il faut en être tout à fait conscient, la déréliction ne pourrait que constituer une menace pour le processus de recomposition du continent européen qui a été entrepris sous l'égide de l'Union européenne : menaces en termes de sécurité, mais aussi de prolifération nucléaire, de déstabilisation des sociétés, de risque migratoire, de trafics...

La place de l'Europe dans le monde, c'est aussi la réponse que les Européens peuvent apporter aux désordres monétaires et financiers. Les autorités françaises ont fait des propositions à leurs partenaires de l'Union européenne. Le constat est simple : l'Union, qui s'est jusqu'à présent surtout consacrée aux aspects internes de l'euro, devra assumer les responsabilités que lui confère son poids au sein de l'économie mondiale. La conjoncture monétaire et financière actuelle ne peut que rendre d'autant plus nécessaire cette prise de responsabilité.

Trois pistes de réflexion fondent les douze propositions présentées à nos partenaires à l'occasion de la toute récente réunion informelle des Ministres de l'Economie et des Finances.

A court terme, l'Europe doit contribuer au rétablissement de la situation. Nous ne pouvons nous borner à surveiller les indicateurs de conjoncture en espérant que celle-ci ne nous affectera pas. La question des ressources du FMI est cruciale : il faut aborder clairement, auprès des autorités américaines, la question de l'augmentation de ses quotes-parts.

A moyen terme, le Système Monétaire International doit être réformé. Une économie mondialisée a besoin d'institutions fortes et légitimes, capables de faire respecter les règles du jeu économique et financier international et de répondre aux urgences. Nous jugeons donc souhaitable que le FMI soit confirmé comme la pierre angulaire de cette architecture et que, dans cette optique, le Comité intérimaire devienne une véritable instance de pilotage politique.

Enfin, l'euro doit servir de point d'appui pour promouvoir la stabilité monétaire. C'est pourquoi la représentation extérieure de la zone euro doit être organisée, pour concrétiser le poids de l'Union au sein de l'économie mondiale.

Dans un contexte international marqué par une Présidence américaine affaiblie, une Russie au bord de la faillite, une Asie et une Amérique latine menacées par la récession, la Chine, où le Premier Ministre s'est rendu à l'invitation du Premier Ministre Chinois, apparaît paradoxalement comme un pôle de stabilité.

Cette visite de quatre étapes, marquée par deux longs entretiens avec le Premier Ministre, M. Zhu Rongji, et le Président Jiang Zemin, s'est déroulée dans un climat de grande cordialité, avec un ton direct et franc sur tous les sujets. Elle a permis, outre des résultats économiques significatifs comme la signature du contrat Alsthom, une intensification de notre coopération dans le cadre du partenariat esquissé par la déclaration adoptée lors de la visite d'Etat du Président de la République en mai 1997.

Bien entendu, des difficultés demeurent, en particulier sur la question des droits de l'Homme. Néanmoins, il faut être attentif à une évolution qui se dessine dans ce domaine là aussi, même si les média occidentaux en rendent assez généralement mal compte. Le Premier Ministre a d'ailleurs pu s'en entretenir franchement avec ses interlocuteurs et le Ministre délégué a remis aux autorités chinoises une liste, définie en accord avec nos partenaires de l'Union, de dissidents dont nous souhaitons la libération prochaine. De même, la question tibétaine a été évoquée franchement : nous avons incité fortement les autorités chinoises à engager le dialogue avec le Dalaï-Lama.

A côté de ces signes plutôt encourageants, la Chine apparaît aussi, pour l'instant du moins, comme une zone de relative stabilité, grâce, en particulier, à la détermination des autorités chinoises à ne pas dévaluer le yuan. Relativement épargnée par la crise financière, ses performances économiques, avec un taux de croissance proche de 7 % sont, pour l'heure, réconfortantes.

Reste que les difficultés sont importantes et qu'il est légitime de se demander si la Chine sera capable de résister seule encore longtemps, dans un environnement régional de plus en plus dégradé. C'est une raison supplémentaire d'encourager au plus vite la montée en puissance de l'Europe dans le Monde.

Le Président Jack Lang a fait allusion à la visite à Paris du Premier ministre marocain. Le Gouvernement français sera appelé à préciser dans quelle mesure il pourra épauler les efforts de la nouvelle équipe. Nous nous réjouissons que ce pays ait choisi la voie de la démocratie, même s'il reste encore des progrès à accomplir. Aujourd'hui même, certaines informations ont été données concernant les prisonniers politiques et les disparus, témoignant ainsi d'une évolution importante, susceptible de servir d'exemple dans la région. Ceci mérite un encouragement matériel et politique non seulement sur le plan bilatéral, mais plus encore européen.

L'accord d'association récemment conclu comporte une clause démocratique que le Maroc finit par respecter. Ceci justifierait que l’Union européenne soit davantage attentive à son évolution d'autant plus qu'il va consentir, sur le plan financier, un effort important en raison du démantèlement des droits douaniers. L’Union européenne ne devrait-elle pas mieux accompagner ce processus dans le contexte plus général de sa politique méditerranéenne ?

En ce qui concerne les élections allemandes, le Président Jack Lang a souligné combien la population allemande avait évolué en matière européenne, notamment en ce qui concerne l'euro et l'intégration politique.

A propos de la visite du Premier Ministre en Chine, M. Jacques Myard a rappelé le voyage effectué par un de ses prédécesseurs et les critiques essuyées à l'époque.

Il a fustigé les dérives de la Commission européenne et en a auguré de pires dans la mesure où le Traité d'Amsterdam va lui conférer encore davantage de pouvoirs.

Il a contesté le rôle de l'euro comme pôle de stabilité monétaire dans le monde.

Il a demandé des précisions sur certaines positions de M. Schröder qui lui semblent aux antipodes de celles défendues par M. Moscovici.

M. Jacques Godfrain s'est inquiété du rôle de l'euro par rapport au franc CFA.

M. François Loncle s'est enquis de la position européenne dans les crises du Kosovo et de l'Albanie, puis de l'affaire de l'AMI qui semblerait refaire surface du côté de l'OCDE.

M. Pierre Brana a évoqué le drame bosniaque après lequel les pays européens s'étaient engagés à éviter le déclenchement d'une nouvelle guerre dans les Balkans ; or, face à l'évolution de la situation au Kosovo, l'Europe s'en remet à la médiation américaine. Est-elle décidée à jouer pleinement son rôle ?

Quelles ont été concrètement les réactions des autorités chinoises lors de la remise d'une liste de dissidents ? Cette liste sera-t-elle rendue publique ?

M. Paul Dhaille s'est inquiété des déclarations du secrétaire général de l'OCDE concernant l'AMI, des conditions de la reprise des négociations et des directives données aux négociateurs français.

Il a fait allusion aux rumeurs concernant l'utilisation de fonds européens par certains membres de la Commission. Ces faits sont-ils avérés ? Existe-t-il un mécanisme de contrôle, voire de sanctions ?

M. François Léotard a évoqué la position du Gouvernement français face à nos partenaires allemands quant au rééquilibrage des contributions financières. Pourrait-on établir un lien avec la pondération des voix ?

Si la ratification d'Amsterdam est l'affaire du Parlement, quelle action le Gouvernement entend-il mener pour compenser la dimension populaire du débat ? Quels éléments de communication vont être mis en oeuvre auprès des élus ?

La situation au Kosovo rappelle très exactement les débuts de la crise bosniaque. Quelles conditions le gouvernement français met-il à une éventuelle présence de forces militaires au sol ? Serait-elle subordonnée à une présence américaine ?

Que sont devenus les dissidents chinois arrêtés le jour même de l'arrivée du Premier Ministre en Chine ?

M. Xavier Deniau a demandé des précisions sur le calendrier de ratification du Traité d'Amsterdam.

Mme Marie-Hélène Aubert a constaté, à propos de la ratification du Traité d'Amsterdam, le caractère pointilleux du rappel par le Ministre des règles constitutionnelles et législatives en la matière. Elle a déploré que le Gouvernement n'ait pas été aussi sourcilleux lors de l'examen de la proposition de loi sur la chasse.

Elle a revendiqué un rôle pour les parlementaires dans ce débat. Si l'adjonction d'un article 2 est difficile, voire strictement encadrée, quelles sont les initiatives concrètes qui restent à leur disposition ?

A propos des récents déplacements ministériels en Chine et en Iran, elle a évoqué la pénible contradiction entre l'évocation des droits de l'Homme, la vision de nos gouvernants sablant le champagne avec les autorités locales et les communiqués victorieux saluant la signature des grands contrats.

Elle s'est inquiétée de l'aide à fournir aux ONG qui veulent continuer à s'investir en Bosnie et au Kosovo. La France semble considérer que sa contribution au fonds européen est suffisante.

Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour progresser vers l'élaboration d'une véritable politique étrangère commune ?

Le Ministre a répondu aux différents intervenants.

Comme le Président Jack Lang, il considère que l'évolution démocratique du Maroc n'est pas complètement achevée et que ce pays peut espérer un appui de la France dans ses négociations avec l'Union européenne. Ainsi, au-delà de son accord d'association avec l'Union, la question d'un soutien financier spécial pourrait être envisagée. Le Ministre délégué en parlera à MM. Hubert Védrine et Dominique Strauss-Kahn.

A propos de l'euro, l'opinion publique allemande a largement évolué. Les positions courageuses prises par le Chancelier Kohl ont grandement contribué à convaincre les Allemands du bien-fondé de la monnaie unique. M. Schröder partage ce point de vue. Par ailleurs, il est partisan, lui aussi, de la réforme des institutions européennes. Dans son discours du 14 juillet dernier devant le Parlement européen, M. Schröder déclarait : "Les modifications que le traité d'Amsterdam apporte au traité de Maastricht constituent dans bien des domaines un progrès dont nous nous félicitons. C'est pourquoi les sociaux-démocrates ont également apporté leur soutien à ce traité. Il n'en reste pas moins que le résultat obtenu n'est pas encore satisfaisant. Nous souhaiterions renforcer la capacité d'action de l'Union européenne aux plans tant interne qu'externe en poursuivant la réforme des institutions. Nous pensons en particulier à un développement judicieux du principe du vote à la majorité dont la nécessité se fera surtout sentir lorsque l'élargissement viendra accroître le nombre des membres de l'Union, sachant que, sinon, le principe de l'unanimité paralysera la capacité d'action de cette dernière". Lors de sa récente visite en France, la création d'un groupe de travail franco-allemand sur la réforme institutionnelle, le financement de l'Union européenne et la réforme des politiques communes a été décidée.

Sur la visite en Chine d'un ancien Premier Ministre, M. Moscovici s'est gardé de tout commentaire, en souhaitant que l'on compare ce qui a été dit en Chine sur les Droits de l'Homme et le Tibet par les uns et les autres. Le Premier Ministre a fait ce qu'il devait pour sensibiliser les Chinois aux droits de l'Homme. Une liste de neuf noms leur a été remise : huit sont régulièrement présentés par les pays membres de l'Union ; la neuvième personnalité est connue au Tibet. La répétition de ce geste permet d'améliorer la situation au fur et à mesure que la Chine s'ouvre. Un nouveau Tien An Men semble inconcevable aujourd'hui.

Après une discussion serrée, Alsthom a obtenu le contrat de construction du métro de Shanghaï sans contrepartie commerciale cachée. Il n'est donc pas pertinent de critiquer systématiquement les grands contrats conclus par la France à l'étranger.

Il n'y a pas de lien entre le traité d'Amsterdam et le renforcement du rôle de la Commission. Cependant, une réforme de la Commission s'impose car elle n'est plus une instance collégiale mais une instance pléthorique au sein de laquelle chaque commissaire prend des initiatives isolées. Une révision du nombre des commissaires et de l'étendue de leurs attributions est nécessaire. Il est souhaitable qu'ils soient plus hiérarchisés, mieux dirigés. Chaque pays membre souhaite être représenté, mais les grands pays pourraient renoncer à l'un de leur deux commissaires ; en contrepartie, la pondération des voix pourrait être revue à leur profit.

L'effet stabilisateur de l'euro est évident. Les fluctuations des monnaies européennes qui ne font pas partie de la zone euro le démontrent. D'ailleurs, il n'y a pas de spéculations sur l'avenir de l'euro malgré les problèmes monétaires. Le FMI comme la FED préconisent une baisse des taux d'intérêt ; c'est également la position de M. Schröder. L'Union européenne dispose de "fondamentaux" pour être une zone de croissance ; ses efforts sont donc payés de retour.

Sur les liens entre l'euro et le franc CFA, les perspectives sont rassurantes. Le Ministre de l'économie, des finances et du budget qui recevait aujourd'hui son homologue autrichien à ce sujet sera en mesure de donner des informations plus précises.

Au sein de l'OCDE, la France et le Canada ont été les seuls pays à s'opposer à l'Accord Multilatéral d'Investissement (AMI). Une pause de six mois dans la négociation a été décidée. Les travaux n'ont pas repris malgré des rumeurs infondées. Une concertation des Quinze s'est engagée sur l'AMI. Certains de nos partenaires sont désormais plus réservés. Les travaux d'évaluation se poursuivent.

Le Conseil Affaires générales examinera la nomination d'un "M. ou Mme PESC" qui disposera des pouvoirs prévus par le traité d'Amsterdam. Il est souhaitable que ce soit une personnalité politique ayant rang de ministre pour conférer à la politique étrangère de l'Union une véritable identité.

Le Conseil Affaires générales examinera la situation très complexe de l'Albanie. L'ancien président Berisha, après avoir adopté des positions maximalistes sur le Kosovo, a tenté une sorte de coup d'Etat. Fatos Nano a manqué d'autorité en ces circonstances et un homme très jeune lui a succédé aux fonctions de Premier ministre.

A propos du Kosovo, le Conseil de Sécurité a adopté le 23 septembre une résolution qui se fonde sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cette résolution appelle au cessez-le-feu, condamne le terrorisme et annonce des actions additionnelles pour rétablir la paix. Parallèlement, le Groupe de contact s'est réuni et l'OTAN a poursuivi ses préparatifs militaires. La question d'un ultimatum à la Yougoslavie reste ouverte, alors que ses autorités mènent sur le terrain un double jeu d'apaisement et de répression. La position constante de la France est que les opérations de l'OTAN ne peuvent se traduire par un engagement au sol des seuls soldats européens tandis que les Etats-Unis se limiteraient à un appui logistique.

Dans les négociations sur l'Agenda 2000, la situation de la France est celle d'un grand pays qui tire beaucoup de profits des politiques communes et dont la contribution nette est faible, notamment quand on la compare à celle de l'Allemagne. On ne peut nier qu'il existe un problème allemand à ce propos. La France a pour objectif de préserver la ligne directrice agricole. Elle a fait acter l'idée d'une double programmation distinguant les dépenses à quinze et celles de l'élargissement. Elle s'oppose aux concepts de juste retour, d'écrêtement ou de solde net. Nous attendons les propositions du futur Chancelier allemand ainsi qu'un rapport de la Commission européenne.

La ratification du traité d'Amsterdam doit être l'occasion d'un grand débat parlementaire. Le Gouvernement est favorable à un article additionnel au projet de loi autorisant la ratification ainsi qu'à une révision de l'article 88-4 de la Constitution. Mais la Constitution de la Ve République doit être respectée. Une ratification sous condition est impossible. Il faudra trouver une rédaction conciliant ces principes.

S'agissant de la loi sur les dates d'ouverture de la chasse, il apparaîtra bientôt qu'un nouvel examen parlementaire est nécessaire pour la rendre compatible avec le droit communautaire. Faute de quoi, la France sera soumise à des astreintes financières.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Paul Dhaille, les projets de loi :

- autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme (n° 1075),

- autorisant la ratification du sixième Protocole additionnel à l'Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe (n° 1076).

M. Paul Dhaille, Rapporteur a exposé que ces deux textes visaient à restructurer le mécanisme de contrôle établi par la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Ils permettent l'application concrète du protocole N° 11 à cette Convention qui institue une Cour permanente européenne des droits de l'Homme entrant en fonction le 1er novembre 1998.

Les deux textes soumis à ratification adaptent les accords antérieurs à la création de cette instance qui risquait d'être paralysée par le nombre de plaintes (12500 plaintes, dont 90 % déclarées irrecevables). En 1997, près de 2000 plaintes contre la France ont été adressées ; 70% de ces requêtes concernaient et portaient sur le droit à un "procès équitable", la durée de la détention provisoire et le droit des étrangers. La France a d'ailleurs tenu compte de la jurisprudence de la Cour.

La réforme proposée prend en considération le caractère permanent de la nouvelle Cour en modifiant le statut des magistrats et en renforçant la protection des personnes participant aux procédures.

Assimilés à des envoyés diplomatiques, les magistrats bénéficient d'immunités (immunité de juridiction pour leurs paroles, leurs écrits ou les actes réalisés dans l'exercice de leurs fonctions, facilités de rapatriement en période de crise internationale) et de privilèges fiscaux (facilités de change, importation et exportation en franchise de leur mobilier et de leurs effets, achat d'un véhicule en franchise et exonération de l'impôt sur les rémunérations, de la taxe d'habitation, et de la TVA sur les carburants).

Traditionnellement, la France exclut ses ressortissants et les "résidents permanents" sur son territoire du bénéfice des privilèges fiscaux ou douaniers accordés aux envoyés diplomatiques. Aussi le Gouvernement a prévu d'assortir le dépôt des instruments de ratification de l'accord d'une déclaration interprétative précisant que l'exonération de la taxe d'habitation, de la TVA sur les carburants, ainsi que la franchise sur l'achat d'un véhicule, ne bénéficierait pas au juge français ni aux juges étrangers résidents permanents en France.

Cette déclaration interprétative peu opportune risque à terme de créer des inégalités entre les magistrats de la nouvelle Cour ce qui est regrettable au regard des faibles incidences financières de cet accord et de l'importance pour la France d'être le pays du siège de la nouvelle Cour.

Ce dispositif est complété par le second accord qui adopte une conception extensive de la notion de participation aux procédures. Certaines personnes morales jouissent de la protection, il n'en est pas de même des personnes privées de liberté comme le prévoit la déclaration interprétative que le Gouvernement doit déposer. L'immunité de juridiction s'applique exclusivement aux déclarations écrites ou orales faites à la Cour et non en dehors d'elle et couvre toutes les pièces produites. La liberté de circulation est assurée à chacun. Toutefois un "visa spécial" devra être obtenu par les étrangers expulsés du territoire français.

En cette année de cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, notre Commission se doit d'approuver ces deux accords qui renforcent le Conseil de l'Europe, institution à laquelle la France est attachée.

M. Jacques Myard a observé que la déclaration interprétative de la France correspondait à une tendance répandue dans les pays anglo-saxons d'exclure leurs nationaux des privilèges fiscaux. Il s'est interrogé sur la pertinence de nombreux recours devant la Cour européenne.

Le Président a expliqué que la procédure d'examen de la recevabilité des requêtes permettait d'emblée d'en écarter le plus grand nombre.

M. Pierre Brana s'est interrogé sur les possibilités de refus du "visa spécial".

M. Paul Dhaille a précisé que 90 % des requêtes étaient déclarées irrecevables et que le "visa spécial" ne pouvait être refusé que pour des motifs liés à la défense nationale.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (N° 1075 et 1076).

Informations relatives à la Commission

M. Paul Dhaille a été nommé rapporteur pour les projets de loi autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme et la ratification du sixième Protocole additionnel à l'Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe (n° 1075 et 1076).

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