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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 janvier 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Audition de Mme Edith Cresson, commissaire européen chargée de la science, de la recherche et du développement ..........


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Audition de Mme Edith Cresson, commissaire européen chargée de la science, de la recherche et du développement

Mme Edith Cresson, commissaire, s'est réjouie de pouvoir présenter à la Commission des Affaires étrangères les principaux résultats des politiques de l'Union dans les domaines de sa responsabilité, à savoir : la recherche et le développement, l'innovation, l'éducation et la formation, ce que l'on appelle les politiques de la connaissance, et de pouvoir en débattre avec elle.

L'adoption récente du 5ème programme-cadre de recherche et développement et des programmes spécifiques est un très grand succès. La structure dans laquelle ils s'inscrivent est fortement novatrice. La politique de recherche et de développement de l'Union, troisième budget de celle-ci, va désormais pouvoir se concentrer sur un nombre limité d'objectifs propres à satisfaire la compétitivité économique et les besoins sociaux. Cette ligne politique a été adoptée à l'unanimité par le Conseil, puisque telle est la procédure tant que le Traité d'Amsterdam n'est pas en vigueur.

L'accord difficilement trouvé entre le Parlement et le Conseil, sur 14 960 millions d'euros pour les années 1999 à 2002, marque la volonté commune des institutions communautaires de faire progresser les moyens de la recherche dans un contexte budgétaire très tendu. L'augmentation de 4,6 % par rapport au 4ème PCRD est un résultat remarquable. Ces moyens seront utilisés pour stimuler les coopérations et les synergies entre les différents acteurs de la recherche.

L'organisation du 5ème PCRD autour des programmes transversaux, des programmes thématiques et d'une vingtaine d'actions clés donne les moyens d'une forte flexibilité et aussi d'une mobilisation des ressources sur une large gamme de disciplines et de technologies.

Une innovation importante par rapport au 4ème PCRD est le resserrement des priorités sur quatre thèmes majeurs :

- les sciences de la vie ;

- la communication ;

- la compétitivité des entreprises ;

- l'énergie et l'environnement.

Une seconde innovation résulte de la mise en place de groupes consultatifs associant chercheurs, entreprises et usagers. Les nominations au sein de ces 17 groupes résultent d'un long processus qui a démarré avec plus de 5 000 candidatures, 400 étant finalement retenues.

Il convient de noter que la France est particulièrement bien placée dans le domaine de la Recherche puisqu'elle est le deuxième bénéficiaire des crédits qui lui sont consacrés, même s'il est difficile de raisonner en termes d'intérêts nationaux, puisque la plus-value dans la recherche européenne vient de la fertilisation croisée des connaissances.

L'obtention, dans des conditions de calendrier difficiles, de positions communes sur les programmes Socrates et Leonardo est également un grand succès.

Concernant les moyens, on peut apprécier très positivement les montants obtenus tant sur Socrates avec une base de départ de 1 550 millions d'euros pour les années 1999 à 2006 que pour Leonardo avec une base de 1 150 millions d'euros. Ces chiffres marquent la volonté commune des institutions communautaires de faire progresser les moyens des politiques d'éducation et de formation. Ceux-ci, même s'ils restent en-deçà des demandes, stimuleront les coopérations et les synergies entre les différents acteurs et développeront la dimension européenne de l'éducation et de la formation. On ne peut que relever la satisfaction que suscitent les programmes mis en oeuvre, dont on notera qu'ils ne se cantonnent pas aux échanges d'étudiants mais s'adressent également aux apprentis.

Depuis Maastricht, plusieurs initiatives européennes ont vu le jour dans ce domaine même s'il reste prioritairement de la compétence des Etats. A ainsi été lancé le projet des "écoles de la deuxième chance" qui s'adresse à des jeunes dépourvus de formation, de diplômes et privés de toute perspective d'emploi. Cette action associe notamment des collectivités locales et des entreprises et vise à donner aux participants au projet une nouvelle chance, par le recours au multimédia.

Est de même développé un système d'accréditation des compétences dont le but est d'évaluer les connaissances d'un individu sur des sujets très pointus, sans que l'appréciation sur ses compétences linguistiques générales fausse ce jugement. On espère ainsi favoriser la mobilité professionnelle au sein de l'Union.

On peut légitimement tirer satisfaction des orientations et des moyens mis en oeuvre dans le secteur éducation-jeunesse de même que l'on ne peut que se réjouir de la montée en puissance du service civique volontaire.

Le niveau de la recherche européenne est très satisfaisant et égale pour le moins celui des Etats-Unis. En revanche, la capacité de l'Europe à le transcrire en services et produits est déficient. Lorsque l'on observe le comportement des sociétés de capital-risque européennes, on s'aperçoit que leur soutien se concentre dans les secteurs traditionnels et sert essentiellement au rachat d'entreprises, non à leur création. Il s'agit là d'un problème culturel et financier. Il a donc été demandé à la Banque Européenne d'Investissements de consacrer un milliard d'euros au capital-risque afin d'encourager l'innovation.

M. Pierre Brana a demandé à Mme Cresson les raisons de l'acharnement manifesté à l'encontre du programme Leonardo.

Evoquant le récent conflit entre le Parlement européen et la Commission, il l'a interrogée sur ses déclarations à propos du comportement de certains médias allemands.

M. Jacques Myard a souhaité dépasser les questions personnelles, subsidiaires et sans importance. Evoquant les propos de M. Allègre sur la communauté scientifique qui n'a pas besoin de la Commission européenne pour échanger ses programmes et exister, il a estimé que le principe de subsidiarité devrait s'appliquer au secteur de la recherche.

M. Alain Juppé a cité Mme Cresson à propos du passage de la recherche à l'innovation, du laboratoire à l'entreprise et de l'insuffisance du capital-risque. La Commission a-t-elle étudié les conditions dans lesquelles on peut créer une entreprise dans les différents pays de l'Union ? Les réflexions souvent entendues sur plus de souplesse, d'efficacité, de rapidité sont-elles avérées ? La France pourrait-elle s'en inspirer ?

Le Président Jack Lang a évoqué le programme Erasmus qui a porté ses fruits et a été une source d'enrichissement exceptionnelle pour tous ceux qui en ont bénéficié. Ce programme représente une charge modeste pour le budget de l'Union européenne. A-t-on réfléchi à son extension, en liaison avec les initiatives nationales ? Comment favoriser la mobilité des étudiants ?

Mme Louise Moreau a évoqué les expériences menées dans les années 80, à l'époque du commissaire Davignon, lorsque de jeunes étudiants étaient envoyés en entreprise, dans des pays asiatiques et notamment au Japon, afin d'en apprendre la langue et d'être ensuite utiles aux entreprises françaises. Cela se pratique-t-il encore ?

M. Yves Dauge a interrogé Mme Cresson sur les dépôts de brevets et les problèmes susceptibles de surgir à cet égard entre l'Europe, les Etats-Unis et le Japon.

Mme Edith Cresson a rappelé que le programme Leonardo qui concerne la formation professionnelle fonctionne bien et que le Conseil, en le renouvelant en décembre 1998 pour sept ans, a augmenté son budget.

Ce qui est en cause au Parlement européen, c'est le Bureau d'Assistance technique, consortium privé en charge pour la Commission de la gestion du programme. Le rapport d'enquête de la Direction du contrôle budgétaire a relevé quelques dysfonctionnements. Le service de la lutte antifraude continue ses investigations mais, à ce jour, aucun délit n'a été constaté.

Les parlementaires européens n'avaient pas, sur le sujet, les réponses de l'administration incriminée. Le climat, en fait, s'est détérioré sous la pression de la presse et du rapport excessif d'un fonctionnaire, M. van Butinen, qui a diffusé des informations erronées et qui a été sanctionné de ce fait.

Les motions de censure ont été rejetées mais le bilan politique de cette crise est lourd. L'alliance traditionnelle entre les sociaux-démocrates et les chrétiens démocrates qui était l'axe politique du Parlement européen a volé en éclats car le PPE s'est divisé sur un clivage nord/sud. Les fonctionnaires européens sont inquiets car les institutions européennes semblent sortir affaiblies de cette crise.

S'agissant des programmes communautaires en faveur de la recherche, il permettent de rapprocher les chercheurs et les entreprises sur des recherches prometteuses en termes d'emploi. Sans doute les chercheurs n'ont-ils pas attendu la Communauté pour travailler ensemble mais ils ont, grâce à elle, accès à des fonds consacrés à des objectifs concrets. La Commission veille particulièrement à ce que les PME puissent bénéficier de ces crédits.

Dans le domaine de l'éducation, les échanges d'étudiants et l'homologation des diplômes sont des enjeux essentiels. L'action de la Communauté a été étendue aux apprentis. Les programmes ont un retour sur investissement important et véhiculent efficacement le message européen.

On ne peut malheureusement que souscrire aux remarques faites sur la lourdeur du processus de création d'une entreprise, notamment en France. Il n'est toujours pas possible d'en créer une en huit jours ; de plus les charges liées à une telle démarche restent élevées. Mme Cresson a signalé qu'à sa connaissance, les décrets d'application relatifs au guichet social unique n'étaient toujours pas parus. Cependant, on progresse sur certains points, par exemple avec la possibilité donnée aux chercheurs de créer leur entreprise. Il y a une réelle prise de conscience en la matière.

S'agissant du développement des échanges européens, les chiffres parlent d'eux-mêmes : 250 000 étudiants seront concernés dans les futurs programmes contre 150 000 dans le cadre actuel, auxquels viennent s'ajouter 100 000 apprentis. Un nouvel effort bute sur la question des moyens : de ce point de vue, une prise de conscience accrue par les collectivités locales de l'intérêt de tels échanges peut constituer une solution. Par ailleurs, l'homologation des diplômes au niveau européen servirait également l'objectif de progression de programmes dont le développement reste trop lent.

Le programme d'échanges avec les universités japonaises se poursuit de façon satisfaisante ; en revanche, l'accès des étudiants européens aux entreprises japonaises reste difficile.

Une autre initiative européenne mérite d'être notée, le programme de 5 000 bourses par an dites "Marie Curie", qui permet à des jeunes chercheurs européens de travailler dans des entreprises d'autres Etats membres.

La question des brevets est éminemment problématique. Le Conseil d'administration de l'Office européen des brevets est composé de représentants des offices nationaux dont l'intérêt n'est pas que ceux-ci perdent de leur substance. 50 % du produit des brevets européens leur est actuellement reversé, ils en réclament d'ailleurs 70 %. La nécessaire traduction en neuf langues explique pour partie qu'il soit cinq fois plus cher et plus long de déposer un brevet en Europe qu'aux Etats-Unis.

Mme Cresson a plaidé, avec M. Monti, pour une réduction du nombre de langues de traduction, par exemple selon la formule "langue du pays d'origine + deux autres langues". Il faut en outre réfléchir à une homogénéisation des procédures de dépôt des brevets entre Europe et Etats-Unis.

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