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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 23

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 mars 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de Mme Monique Collange, secrétaire,

puis de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Accord d'investissements avec le Liban (n° 917)- rapport


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– Rapport d'information sur le bilan et les perspectives des accords de Schengen ..........


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– Accord de coopération entre les Etats membres de la Convention de Schengen, d'une part, et l'Islande et la Norvège, d'autre part (n° 1304) ; Accord d'adhésion de la Suède à la Convention de Schengen (n° 1309) ; Accord d'adhésion de la Finlande à la Convention de Schengen (n° 1310) ; Accord d'adhésion du Danemark à la Convention de Schengen (n° 1311) - rapport ..........





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– Accord d'investissements avec l'Inde (n° 788) - rapport


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Accord d'investissements avec le Liban

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Michèle Alliot-Marie, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres) (n° 917).

Mme Michèle Alliot-Marie a exposé que cet accord, largement conforme au modèle dont s'inspirent la soixantaine de conventions de même objet conclues par la France avec d'autres Etats, devait contribuer à enraciner la présence économique française au Liban.

L'économie libanaise a connu une très forte expansion depuis la fin de la guerre mais se caractérise par de forts déséquilibres internes qui se traduisent aujourd'hui par un ralentissement de la croissance. Le Produit intérieur Brut a quadruplé sur les six dernières années et, au plan monétaire, plusieurs succès ont été enregistrés. Cependant, la reconstruction a un coût financier élevé qui pèse lourdement sur les finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 23% du PIB en 1997. La part des recettes de l'Etat consacrées au seul paiement des intérêts de la dette a atteint 90% en 1997.

Depuis 1992, les investissements français au Liban ont fortement progressé. Le poste d'expansion économique de Beyrouth a recensé plus d'une centaine d'implantations françaises en 1997, soit un quintuplement en cinq ans. La France est le premier investisseur étranger hors immobilier. Selon la Banque de France, les flux d'investissements français au Liban se sont élevés à 823 millions de francs entre 1993 et 1997 et ont augmenté chaque année. Ils sont constitués essentiellement d'investissements productifs. Outre les neuf banques françaises qui occupent 25% du marché bancaire, les entreprises françaises sont particulièrement présentes dans les télécommunications, l'eau, les produits pétroliers, le secteur électrique et les travaux publics.

La France est également le deuxième partenaire commercial du Liban, loin derrière l'Italie, mais devant l'Allemagne et les Etats-Unis. Les exportations françaises sont passées de 1,6 milliard de francs en 1992 à 4,2 milliards en 1998. Ces exportations sont en outre très diversifiées : elles vont des produits de luxe et de la mode aux produits de l'industrie de pointe.

Ces résultats font du marché libanais une excellente tête de pont pour la pénétration économique française dans la région : en Syrie et en Jordanie, mais aussi en Irak quand les conditions politiques seront réunies. D’autres pays arabes entretiennent des relations économiques privilégiées avec le Liban, ce qui peut favoriser des extensions de notre pénétration dans ces Etats.

L'entrée en vigueur de l'accord d'association entre l'Union européenne et le Liban devrait permettre d'améliorer ces résultats. Cet accord prévoit le démantèlement progressif des tarifs douaniers libanais applicables aux produits industriels communautaires. Sa négociation n'est pas achevée et se heurte à deux difficultés majeures. En premier lieu, le Liban souhaite que la période de transition de douze ans proposée par l'Union pour le démantèlement tarifaire soit allongée. En second lieu, le Liban demande des compensations financières car 45% de ses recettes fiscales proviennent des droits de douanes alors que 50% de ses importations sont d'origine communautaire.

Cela étant, la position commerciale de la France au Liban est menacée. Les excellents résultats des dernières années sont dus pour une part importante aux grands contrats, en particulier à la livraison de deux Airbus. La concurrence italienne est rude et, surtout, les exportations américaines sont en progression rapide. En 1999, les exportations américaines pourraient dépasser les exportations françaises en raison de la levée des restrictions posées aux déplacements des hommes d'affaires américains.

L’Accord est de texture classique. Deux spécificités doivent cependant être soulignées. Les différends seront soumis à un tribunal ad hoc. Par ailleurs, l’échange de lettres joint à l'Accord préserve le régime national libanais relatif à l'investissement étranger dans le foncier. Ce régime soumet ce type d'investissement à autorisation préalable mais la partie libanaise s'est engagée à examiner les demandes françaises dans un esprit d'ouverture.

Cet accord peut contribuer également à renforcer les relations très étroites entre la France et le Liban à un moment où celui-ci est entré dans une nouvelle phase de transition. L'élection en octobre 1998 du Président de la République et la nomination d'un nouveau gouvernement, qui a affiché sa volonté de réforme politique et économique, ont été accueillies avec satisfaction par la population.

Une constante de l'action de la France reste la défense de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale du Liban et l'appel au respect des résolutions des Nations Unies, notamment la résolution 425. Dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient, la France insiste pour que la paix ne se fasse pas au détriment du Liban.

M. Charles Erhmann a noté que le Liban était en plein renouveau mais que, du fait de la présence syrienne, il y avait peu de chances qu’il puisse redevenir ce qu’il était avant la guerre civile.

Mme Michèle Alliot-Marie a exposé que la situation du Liban restait difficile. Cependant, malgré la présence militaire syrienne, les autorités libanaises parviennent à constituer un espace d’autonomie. Grâce au développement économique, on peut espérer que le Liban recouvre une pleine indépendance.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 917).

Rapport d'information sur le bilan et les perspectives des Accords de Schengen

La Commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Loncle sur le bilan et des perspectives des Accords de Schengen.

M. François Loncle a rappelé les différentes raisons justifiant la rédaction d'un nouveau rapport d'information sur Schengen. Schengen, c'est tout d'abord la vie quotidienne des citoyens européens, comme l'illustre le volume annuel du franchissement des frontières intérieures de l'Espace Schengen (1,3 milliard).

La coopération Schengen change de dimension avec l’élargissement progressif du cercle de ses signataires. Elle tend aussi à changer de nature sous le double impact de l’évolution des menaces qu’elle est censée combattre et des réponses proposées par l’Europe. L’achèvement du processus de ratification du Traité d’Amsterdam doit ainsi nous inciter à réfléchir sur l’avenir des Accords de Schengen.

La coopération développée à partir de la signature des Accords de Schengen en 1985 présente des traits originaux.

Les Accords de Schengen se distinguent radicalement des coopérations de police antérieures. Tout d’abord, la coopération s’inscrit dans un cadre contraignant : les Etats n’ont plus seulement la faculté de coopérer ; face à certaines situations, ils en ont l’obligation. D'autre part, la relation établie est fondée sur la confiance mutuelle, sur l’idée que chaque Etat signataire assurera sa part de la surveillance de l’espace commun, qu’il contribuera à assurer à celui-ci un niveau de sécurité uniforme.

Les Etats n’ont renoncé à leur souveraineté exclusive qu’à la condition que la coopération ainsi instituée aurait un caractère opérationnel et servirait de manière concrète à maintenir un niveau de sécurité constant en dépit de la suppression des contrôles fixes aux frontières intérieures.

De là découle la très grande sélectivité des Etats Schengen s’agissant de l’admission de nouveaux membres : la mise en œuvre des accords par l’Italie aura ainsi nécessité huit ans de préparation. La Grèce attend toujours son admission à part entière, sorte de brevet de bonne conduite européenne.

Ce laboratoire de la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure a largement été mis à l’épreuve des faits pendant les premières années de son fonctionnement. Il a tout d’abord été confronté à des problèmes techniques considérables. Au cœur de la coopération Schengen, il y a son système d’information, le SIS, réseau informatique recensant les personnes ou objets recherchés par les polices des Etats signataires, vaste base de données mises en commun. Sa réalisation confiée à la France a suscité bien des problèmes. Ceux-ci ont été résolus avec succès et tous les partenaires s’accordent aujourd’hui sur le fait que le SIS est la réalisation majeure de Schengen. Il est malheureusement à présent confronté à d’autres échéances délicates : saturation des capacités du système, bogue de l’an 2000.

La coopération Schengen a également dû résoudre les difficultés liées aux différences de structures considérables. Elle a ainsi subi la confusion régnant déjà dans chaque Etat où coexistent différents services répressifs. Il est difficile d’établir une coopération entre des services dont les compétences diffèrent complètement d’un Etat à l’autre. Par ailleurs comment concilier les méthodes de travail de services répressifs auxquels l’autorité juridictionnelle est associée à des stades très variables ?

A cette confusion des structures nationales s’ajoute celle des structures européennes. Outre l’abondance des niveaux de négociation propres au système Schengen, on ne peut négliger la complexité liée à la proximité des champs d’action de Schengen et du troisième pilier. Les différences d’approche entre Etats se traduisent de manière très visible par de profondes disparités dans l’alimentation du SIS : plus de 90% des signalements ont été très longtemps fournis par la France et l'Allemagne. Cette dernière inscrivait ainsi dans le SIS les demandeurs d’asile déboutés à la différence de ses partenaires.

Pour assurer la sécurité souhaitée, les Etats signataires se sont dotés de règles d’action, d’une méthode, de procédures, esquissées dans les accords de 1985, précisées dans la convention d’application de 1990 et déclinées par les différents manuels et instructions élaborés en commun.

On doit probablement ce succès au pragmatisme des Etats membres et des services répressifs. Celui-ci est perceptible dans l'adaptation de leurs structures nationales et dans le développement "spontané" de structures destinées à faciliter la coopération : création de commissariats communs, puis plus récemment de centres de coopération policière et douanière.

Ce même pragmatisme et le souci du caractère opérationnel de la coopération se retrouvent dans la manière dont les Etats Schengen affrontent les menaces pesant sur la sécurité de leur espace commun. La coopération Schengen repose sur des "coups", des opérations ponctuelles : opération SNOW contre la drogue, opérations dites "Hazeldonck", "itinéraire véhicules volés",… Elle repose aussi sur une capacité réelle à affronter les crises : ainsi le plan d’action décidé en réponse au brusque afflux d’immigrants kurdes au début de 1998 témoigne de façon intéressante de la qualité de la coopération Schengen.

Force est de s’interroger sur la pertinence de l’usage durable fait par la France de la clause de sauvegarde dite de l’article 2.2 conçue pour être temporaire. Même si elle n’est pas dénuée d’effets diplomatiques, son efficacité dans la lutte contre le trafic de stupéfiants est douteuse. Cette attitude – politique – de la France reflète les limites de la coopération mise en œuvre au sein de Schengen.

La coopération Schengen est incontestablement efficace. Alors pourquoi vouloir la changer ? Pourquoi en prôner l’intégration dans l’Union ?

L’intégration de la coopération Schengen dans l’Union européenne est une décision discutée.

Le Rapporteur a rappelé que la Délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne avait publié, le 10 décembre 1998, un rapport d'information sur ce point (n° 1257).

La coopération Schengen a montré son efficacité : il s’agit là d’une vertu indispensable, mais pas suffisante.

Schengen souffre d’un manque notoire de transparence. Les conditions dans lesquelles les accords ont été initialement négociés ont fait planer l’idée d’une construction secrète, liberticide, par des policiers suspectés de chercher à s’affranchir des règles de droit nationales en intervenant au delà des frontières. Le SIS a été comparé à une sorte de Big Brother.

Ce n’est évidemment pas le cas. Les travaux menés au sein de Schengen ont cependant longtemps été entourés de mystère pour des raisons de sécurité sans réelle justification : était-il important de tenir secrète l’instruction consulaire commune ? Pourquoi ne pas spécifier le motif précis d’un refus de visa opéré sur la base d’un signalement SIS ?

Ce besoin de transparence, de contrôle des informations et de l’usage qui en est fait, appelle de toute évidence un renforcement de l’autorité de contrôle commune Schengen chargée de cette tâche. Outre que son indépendance devrait être confortée, on peut se demander s’il ne serait pas opportun de confier à cette instance la surveillance de l’ensemble des fichiers de police de l’Union (Europol et Eurodac notamment), même si la nature et les utilisateurs diffèrent. Cette sorte de CNIL européenne verrait ainsi sa légitimité accrue et porterait un regard d’ensemble sur des coopérations relativement cloisonnées.

L’intégration dans Amsterdam permet de contrebalancer l’approche trop policière de Schengen par un contrôle du Parlement européen tant sur les actes adoptés selon la procédure de codécision dans le premier pilier que sur les décisions cadre prises dans le troisième. Il en va de même du contrôle juridictionnel – d’ampleur variable – qui sera effectué par la Cour de justice des Communautés européennes après l’entrée en vigueur du Traité. On mesure à quel point cette double garantie – politique et juridictionnelle – est importante dans des matières touchant aux libertés et droits fondamentaux des personnes, traditionnellement du domaine de la loi nationale.

Enfin, Amsterdam offre la chance de sortir d’une approche essentiellement répressive, d’insérer la notion de sécurité dans une approche plus large, plus humaine.

Amsterdam devrait permettre d’élargir l’approche Schengen et favoriser l’émergence d’une véritable politique de sécurité.

La coopération Schengen a jusqu’à présent fonctionné sur le court terme et sur une approche purement défensive. Une telle approche est désormais insuffisante comme le montrent bien les afflux brusques et massifs de populations aux frontières des Etats mettant en œuvre des politiques de régularisation des étrangers en situation irrégulière ou de ceux dont la législation sur l’asile est plus favorable. Elle est impuissante à prévoir les mouvements liés à la perception par les migrants d’une faiblesse dans le dispositif Schengen et surtout à les éviter : elle ne peut que les juguler. En outre, elle tend à provoquer une surenchère des Etats, chacun cherchant à éviter de devoir assumer la charge des phénomènes migratoires. Un tel processus risquerait, poussé à l’extrême, de donner raison a posteriori à ceux qui voyaient dans Schengen une forteresse. L’émergence d’une politique harmonisée du droit d’asile est ainsi désormais une urgence.

Enfin, Schengen n’est pas en mesure de répondre au défi créé par l’élargissement de l’Union européenne : il s’agira en effet d’assurer la sécurité d’un espace plus exposé à certaines menaces et donc de conforter la stabilité de l’environnement de l’Union européenne. Comment dans la lutte contre la criminalité organisée négliger l’intérêt qu’il y a à aider au retour d’un Etat stable et de la prospérité en Russie et dans les pays qui l’entourent ?

Amsterdam vise à doter l’Union de cette vision globale qui lui fait défaut, à établir un espace de justice, de sécurité et de liberté.

Pour cela, l’Union européenne s’est dotée d’instruments efficaces : le programme PHARE finance dans la perspective de l’élargissement des programmes dits de jumelage destinés à renforcer les structures des futurs Etats membres de l’Union européenne en matière de justice et d’affaires intérieures ; dans la même perspective, le Traité d’Amsterdam affirme solennellement l’existence d’un lien entre accroissement de la liberté de circulation des personnes au sein de l’Union et maintien d’un niveau de sécurité constant à ses frontières.

Mais ces outils ne sont rien sans la définition de politiques communes dotées d’objectifs. La libre circulation rend un peu vain tout exercice solitaire en la matière. Combien d’étrangers veut-on admettre en Europe ? Dans quelles conditions ? Avec quelles perspectives de retour ?

Amsterdam offre la possibilité de faire émerger une véritable politique européenne en matière de libre circulation des personnes. Il est paradoxal que ce soit une Commission quasiment moribonde qui ait le 3 mars dernier proposé d’avancer sur la voie d’une politique européenne de l’asile, avant même l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam.

S'il est bien un apport de Schengen et de son caractère intergouvernemental à conserver, c’est le dynamisme des Etats. Schengen a montré qu’ils étaient capables de donner l’impulsion. Il importe qu’ils continuent de le faire au sein de l’Union européenne. A ce titre, la France, tant par son attachement particulier au droit d’asile que par sa connaissance des phénomènes migratoires, a des idées à faire valoir, par exemple le co-développement, et un rôle particulier à jouer dans l’intérêt de tous.

Convention de Schengen

- le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'Accord de coopération entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République italienne, le Royaume d'Espagne, la République portugaise, la République hellénique, la République d'Autriche, le Royaume de Danemark, la République de Finlande, le Royaume de Suède, Parties contractantes à l'Accord et à la Convention de Schengen, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège, relatif à la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes (ensemble une annexe) (n° 1304) ;

- le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'Accord d'adhésion du Royaume de Suède à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n° 1309) ;

- le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'Accord d'adhésion de la République de Finlande à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n° 1310) ;

- le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'Accord d'adhésion du Royaume de Danemark à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n° 1311).

M. François Loncle a expliqué que les trois premiers accords visaient de façon classique à autoriser l’approbation d’actes d’adhésion aux accords de Schengen, celles du Danemark, de la Finlande et de la Suède. Le quatrième accord, en revanche, est tout à fait singulier. Les trois candidats à l’adhésion ont en effet lié celle-ci au respect de l’accord qu’ils ont conclu en 1957 avec la Norvège en vue de constituer un espace de libre circulation des personnes, l’Union nordique des passeports (UNP). Le Danemark, la Finlande et la Suède ne souhaitaient pas que leur adhésion à Schengen conduisît de fait au rétablissement de contrôles frontaliers supprimés depuis des décennies. Ce quatrième accord définit donc les relations entre les parties signataires des accords de Schengen d’une part et l’Islande et la Norvège de l’autre.

De nature différente, ces accords n’en forment pas moins de toute évidence un ensemble cohérent et ne peuvent être dissociés.

Les trois candidats à l’adhésion présentent des traits communs qui laissent présager une intégration relativement rapide à l’espace Schengen. Les actes d’adhésion ne comportent pas de clauses restrictives, l’ensemble de l’acquis Schengen est repris. Ces pays disposent en outre d’une tradition de contrôle efficace des frontières extérieures soutenue par de réels moyens sur le terrain, de législations sévères en matière de lutte contre l’immigration illégale et contre le trafic de stupéfiants, et d'un édifice normatif tout imprégné du souci de respecter les libertés.

Leur appartenance commune à l’Union nordique pose un problème pratique : il était et il reste très difficile d’envisager l’insertion d’une partie seulement des Etats signataires dans l’espace Schengen. Mais elle est aussi la preuve qu’ils sont capables de s’en remettre pour partie à leurs partenaires pour leur sécurité intérieure et d’adopter l’état d’esprit nécessaire au sein de l’espace Schengen.

On estime que ces Etats seront techniquement prêts pour la mise en vigueur de l’ensemble des dispositions Schengen au deuxième semestre de l’an 2000, date prévue pour leur rattachement au SIS. Il n’en demeure pas moins que des adaptations restent à réaliser et qu’il appartiendra au Comité exécutif Schengen de vérifier, avec sa vigilance habituelle, que la mise en vigueur est possible.

La volonté des trois nouveaux adhérents à Schengen de préserver l’Union nordique des passeports et donc d’associer la Norvège et l’Islande à cette coopération ne pose guère de problèmes en termes de sécurité, ces deux Etats n’étant guère plus éloignés des normes Schengen que leurs partenaires de l’UNP. En revanche, elles posaient un redoutable problème juridique, la convention de Schengen ne prévoyant pas l’adhésion d'Etats extérieurs à l’Union européenne.

On comprend cependant aisément que les trois Etats scandinaves membres de l’Union européenne ne souhaitent pas, après quatre décennies de libre circulation, rétablir des contrôles aux frontières communes avec l’Islande et la Norvège. Ceci conduirait par exemple la Suède à devenir frontière extérieure de l’espace Schengen pour la frontière commune avec la Norvège !

L’accord du 19 décembre 1996 apporte une réponse : reprise de l’intégralité de l’acquis, primauté des dispositions Schengen, association sans droit de vote des Etats-associés à l’élaboration de celles-ci.

Compte tenu de l’intégration de Schengen dans l’Union européenne, il conviendra "d’actualiser" la relation prévue dans l’accord d’association par l’adoption d’un nouveau texte.

M. Pierre Brana s'est déclaré surpris que les contrôles des flux en provenance du Sud ne soient pas plus étroits.

M. Charles Ehrmann a estimé que les services de contrôle à la frontière franco-italienne étaient saturés et que les saisies de drogue avaient atteint un haut niveau. Que peut-on faire contre les Etats narco-trafiquants et l'emprise de la mafia sur le trafic de drogue ? Le développement des pays pauvres est la seule solution à terme.

M. Gilbert Le Bris a demandé quel était aujourd'hui, parmi les pays membres de l'espace Schengen, le maillon faible du dispositif de contrôle des frontières.

M. Guy Lengagne a rappelé que certains territoires du Nord de l'Europe avaient d'importantes ressources halieutiques et que, pour cette raison, ils ne faisaient pas partie de la Communauté européenne. Faut-il accepter qu'ils bénéficient des avantages de la Communauté, par le biais d'accords partiels, alors qu'ils en refusent les inconvénients ?

M. François Léotard a considéré que la question de la libre circulation des personnes était un sujet aussi important que celui de la monnaie unique. Il a posé une série de questions :

- Que sont devenus les 250 000 étrangers régularisés récemment par le gouvernement italien ?

- Quelle est la langue de Schengen ? Quels sont les efforts de formation linguistique entrepris en faveur des policiers ?

- Qu'en est-il de l'harmonisation des législations s'agissant de la garde à vue et de la rétention administrative ?

- Le SIS est-il respectueux des droits de la personne ? Les signalements font-ils référence aux appartenances ethniques et religieuses ?

- Quelle est la capacité d'action des policiers ayant la possibilité d'intervenir au-delà des frontières nationales dans un Etat Schengen ? Est-il envisageable qu'ils puissent verbaliser sans l'assistance d'un policier de cet Etat ?

- Des policiers des autres Etats Schengen ont-ils assisté la police italienne lors de l'afflux des Kurdes ?

- Ne pourrait-on envisager de créer à l'étranger des consulats communs aux différents Etats parties aux accords de Schengen ?

Il a estimé en outre que seule une politique d'aide au développement du Maghreb était susceptible de mettre un terme aux phénomènes comme le franchissement illégal du détroit de Gibraltar.

M. Georges Sarre a tout d’abord fait observer que les douaniers français devaient parler français. Ayant compris de l'exposé du Rapporteur que la coopération Schengen ne fonctionnait pas, il a demandé si celui-ci disposait de statistiques permettant d'évaluer son efficacité. S’agissant de la proposition d’une CNIL européenne, il a souhaité savoir sur quelle base elle pourrait être édifiée. Enfin, il a demandé plus d’analyse et de réflexion quant à la proposition d’instituer des consulats communs. Il faut être euroréaliste et ne pas poursuivre des chimères. Il a néanmoins précisé qu’il approuvait les quatre conventions.

M. François Loncle, rapporteur, a répondu aux questions des commissaires.

Les différences relevées dans les modalités de contrôles aux frontières nord de la France traduisent une divergence d’approche fondamentale entre Etats-membres.

S’agissant des faiblesses du dispositif Schengen, géographiquement, le maillon le plus fragile est encore la Grèce. Bien qu’elle ait consenti des efforts considérables, la surveillance de ses frontières extérieures reste, du fait de sa géographie, difficile et retarde la mise en vigueur intégrale des accords sur son territoire. Quant aux progrès à apporter au fonctionnement de Schengen, la priorité doit aller au développement de contrôles mobiles réalisés par des équipes plurinationales.

Le Rapporteur s’est déclaré hostile à une Europe à la carte, il souhaite la réduction progressive des coopérations différenciées par lesquelles certains Etats cherchent à n’adopter que les avantages desdites coopérations tout en refusant les contraintes qui leur sont liées. Cependant, dans le cas d’espèce, pour l’Islande et la Norvège, il n’était pas possible de faire autrement.

En ce qui concerne l’Italie, elle est incontestablement une frontière sensible de l’espace Schengen du fait de la proximité des Balkans et donc de pays sources d’émigration (Kosovo, Albanie).

Les inquiétudes relatives aux droits de l’Homme sont légitimes : toute harmonisation européenne en la matière doit être opérée par le haut. Par exemple, la situation de certains centres de rétention est indigne. Cependant, le SIS ne constitue pas un danger en la matière et ne comporte pas d’information de nature discriminatoire.

Les inquiétudes manifestées sur l’efficacité de la coopération Schengen sont en revanche sans fondement. Schengen, en dépit de ses imperfections, est efficace, et notamment plus efficace que ce que les Etats faisaient isolément.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a décidé la publication du rapport d'information sur le bilan et les perspectives des accords de Schengen.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a approuvé les projets de loi (nos 1304, 1309, 1310 et 1311).

Accord d'investissements avec l'Inde

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Joseph Tyrode, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 788).

M. Joseph Tyrode a tout d’abord présenté l’accord franco-indien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Celui-ci est d'une facture classique, même s'il présente quelques particularités :

- la définition du territoire indien fait référence au droit interne, alors que la définition retenue par la France se réfère exclusivement au droit international (article 1) ;

- une réserve est introduite en matière d'investissements indirects (article 2). En effet, les investissements indirects ne sont couverts par l'accord que si cette dernière est contrôlée au moins à 51 % par un investisseur français ou indien ;

- l’indemnité due en cas d'expropriation (article 6) devra être "raisonnablement prompte". Une nuance est introduite ici par rapport aux accords-types où l’indemnité doit être "prompte et adéquate" ;

- une alternative au CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) est prévue (article 9). Le recours à un second tribunal d'arbitrage est possible si l'investisseur le décide. Il s'agit d'un tribunal ad hoc créé selon le règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) ;

- un article intitulé "exceptions" est créé (article 12). En cas d'extrême urgence et à la condition qu'elles soient appliquées de bonne foi et de façon non discriminatoire, des mesures peuvent être prises par l'une ou l'autre Partie au titre de la sécurité nationale et de la santé publique. Il s’agit cependant d’une clause de sauvegarde et non pas d’une clause d’exception.

Le Rapporteur a ajouté que cet accord intervenait dans un contexte de renouveau des relations franco-indiennes après des années d’indifférence réciproque et alors que la position commerciale française en Inde se dégradait progressivement. Seule la coopération culturelle, scientifique et technique peut être qualifiée de dense et diverse alors que les résultats de nos échanges commerciaux avec l'Inde sont médiocres et les investissements français modestes.

Plusieurs raisons expliquent cette dégradation :

- pendant longtemps, les relations politiques entre la France et l'Inde ont singulièrement manqué de substance et de continuité ;

- en outre, les espoirs des compagnies françaises ont été sévèrement déçus, au cours des années passées, par la mauvaise image du marché indien parfois qualifié de protectionniste ;

- enfin, l'instabilité politique en Inde a également longtemps rebuté les investisseurs étrangers.

Le Rapporteur a fait valoir que, malgré ces facteurs négatifs, l’Inde s’était lancée, depuis 1991, dans un vaste programme de libéralisation de son économie, après un demi siècle d'étatisme, devenant ainsi un acteur majeur émergent.

Les contacts officiels franco-indiens se sont multipliés depuis 1997 mais le geste décisif est venu de la France au moment des essais nucléaires indiens en mai 1998. Celle-ci a certes très tôt marqué sa préoccupation devant les conséquences considérables des essais indiens mais elle a refusé de s'associer aux sanctions prônées par les Etats-Unis et a apporté son soutien à l'Inde. Elle a souhaité maintenir le dialogue dans l’espoir que celle-ci se rapproche du régime de non-prolifération.

En outre, si les liens franco-indiens se sont resserrés grâce aux efforts de la France pour sortir l'Inde de l'ostracisme dans lequel elle était tenue par ses essais nucléaires, cette dernière a répondu par diverses mesures.

Le gouvernement indien a réaffirmé sa volonté de poursuivre les réformes libérales et l'ouverture de l'économie à l'investissement direct étranger.

A ce titre, l'annonce en 1998 de l'extension à de nouveaux secteurs économiques de la procédure d'autorisation automatique pour les investissements étrangers est un signal clair. Il en va de même de la nomination, en novembre 1998, d'un responsable pour accélérer les procédures d'autorisation des investissements. Les opérations de privatisation ne seront pas fermées aux étrangers. L'ouverture du marché des biens de consommation est programmée. La fin du monopole d'Etat dans le secteur de l'accès à Internet vient également d'être annoncée.

C’est pourquoi, au vu des efforts fournis par l'Inde pour rompre avec le protectionnisme et de sa volonté clairement affichée d'accueillir largement les investisseurs étrangers, M. Joseph Tyrode a proposé à la Commission d'adopter le présent projet de loi, d’autant que la procédure requise par les autorités indiennes pour l’entrée en vigueur de cet accord est achevée.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 788).

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