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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 avril 1999
(Séance de 18 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, président,

et de M. Paul Quilès,

président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères et

  de M. Alain Richard, ministre de la Défense, sur la situation au Kosovo ..........



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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et de M. Alain Richard, ministre de la Défense, sur la situation au Kosovo.

La Commission des Affaires étrangères et la Commission de la Défense nationale et des Forces armées ont entendu M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères et M. Alain Richard, ministre de la Défense nationale.

M. Edouard Balladur a demandé quels étaient les buts poursuivis par l'Alliance atlantique dans les opérations militaires menées en République fédérale de Yougoslavie. Il s'agit de protéger les droits de l'Homme et une population menacée mais comment ? En abattant le pouvoir yougoslave ou en le forçant à négocier ? Peut-on encore négocier avec les autorités de Belgrade et, sinon, quelle est l'alternative ?

M. Xavier Deniau a souhaité savoir s'il était exact que le 501ème régiment de chars avait été déployé en Macédoine et pour quelle mission.

Il a estimé qu'aucune disposition du Traité de l'Atlantique Nord ne permettait à l'OTAN d'intervenir dans un pays tiers.

M. Robert Hue, évoquant des informations récentes selon lesquelles Belgrade avait annoncé un cessez-le-feu unilatéral, a regretté que les Etats-Unis aient rejeté immédiatement cette proposition sans consulter leurs alliés. Son contenu aurait dû être vérifié et examiné sérieusement.

Il a approuvé la déclaration du Premier ministre selon laquelle il convenait de fournir un effort de solidarité en faveur des réfugiés tout en se gardant d'adresser un signal d'encouragement à Slobodan Milosevic. C'est une bonne chose que la France soit disponible pour accueillir des réfugiés sur la base du volontariat.

Il a estimé heureux que le Premier ministre prenne en considération la proposition qu'il avait formulée la semaine précédente, ainsi que celle présentée par le Président Paul Quilès pour permettre l’instauration au Kosovo d’une zone humanitaire protégée sous l’égide de l’ONU.

Il a proposé que l'on saisisse l'occasion d’une réunion imminente du Groupe de contact pour charger M. Primakov d'une deuxième mission de médiation avec l'appui du Secrétaire général de l'ONU.

M. François Loncle a constaté que les informations à propos d'une éventuelle intervention terrestre et des délais de sa préparation étaient contradictoires. Qu'en est-il exactement ?

Il a demandé quelle aide la communauté internationale entendait apporter à la Macédoine et au Monténégro, deux entités qui forçaient l'admiration en raison des progrès qu’elles avaient accomplis dans l’édification de systèmes démocratiques jusqu’à l’aggravation récente des risques de déstabilisation auxquels elles étaient exposées.

M. René André a rappelé que les accords de Rambouillet prévoyaient le déploiement d'une force d'interposition. Or, cette condition n'a pas été clairement évoquée par le Premier ministre lors de sa dernière intervention. Y a-t-il là une évolution de la position de la France ?

M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, a exposé que le but des alliés était de mettre en échec la politique que Belgrade conduisait depuis des années et qui déstabilisait les pays voisins. Cette politique se traduisait par un afflux de réfugiés et menaçait la Macédoine bien avant l'intervention de l'OTAN. L'objectif demeure l'organisation de la coexistence des Serbes et des Kosovars au Kosovo dans le respect de la souveraineté yougoslave. Il s'agit de préserver les intérêts de la Serbie malgré ses dirigeants. A ce but s'ajoute aujourd'hui le retour des réfugiés dans des conditions de sécurité.

Il est pertinent de se demander si l'on peut toujours négocier avec M. Milosevic. On ne peut s'interdire cette voie si elle est utile à l'amélioration de la situation humanitaire. Mais il existe une alternative : celle d’imposer une solution politique. Tel pourrait être le rôle du Conseil de sécurité : définir le cadre d'une solution politique, dans l'esprit des accords de Rambouillet et en prenant en compte les derniers événements. Cette question n'est pas tranchée. Confier cette tâche au Conseil de sécurité suppose un travail en commun avec la Russie.

L'action de l'OTAN se fonde sur trois résolutions du Conseil de sécurité dont les exigences nombreuses et précises n'ont jamais été satisfaites par Belgrade. L'OTAN n'est pas une entité autonome mais l'alliance de dix-neuf pays démocratiques qui se sont résolus au recours à la force après l'épuisement de tous les efforts diplomatiques.

L'annonce d'un cessez-le-feu unilatéral par Belgrade fait, en ce moment même, l'objet d'une concertation entre les alliés. Cette concertation engagée au sein de l’Alliance débouchera rapidement sur une prise de position conjointe. L’initiative de Belgrade est un signe que les alliés approchent de leur objectif mais elle est insuffisante. Un cessez-le-feu des forces yougoslaves est indispensable mais il déboucherait sur le retour à la situation antérieure, aggravée par l'exode, s'il n'était pas assorti d'un retrait de ces forces, de la mise en œuvre du droit au retour des réfugiés, d'un accord politique et de garanties internationales de sécurité.

Les Russes ne souhaitant pas mettre en avant le Groupe de contact, une réunion devrait se tenir au niveau ministériel dans le cadre du G8. Par ailleurs, le Secrétaire général des Nations Unies devrait très prochainement nommer un représentant spécial.

Les Américains ont indiqué que leur position à l'égard d'une intervention au sol restait inchangée. Il ne faut pas confondre les prises de positions officielles et celles de diverses personnalités. D'anciens secrétaires d'Etat, des représentants du parti républicain débattent ainsi d'une telle intervention, mais sans entrer dans les détails. Il ne faut pas confondre la sécurisation des frontières de la Macédoine et de l'Albanie par le déploiement de moyens militaires dont le volume peut être important avec une intervention plus longue et plus risquée.

Le principe de base de notre action reste la recherche d’une autonomie substantielle du Kosovo dans une Yougoslavie maintenue dans ses frontières. La question du rôle de la force multinationale de sécurité se pose aujourd'hui en des termes différents, notamment en raison de la nécessité d’assurer le retour des réfugiés, mais l'esprit des accords de Rambouillet demeure pertinent.

La bonne démarche est la suivante : parvenir à des accords politiques, qu'ils soient négociés ou imposés par le Conseil de sécurité des Nations Unies ; leur mise en œuvre devra s'accompagner d'une sécurisation du territoire kosovar, condition préalable indispensable au retour des réfugiés. On ne peut pas plonger ceux-ci de l'exode dans la guerre. Aucun changement de position, concernant notamment l'indépendance du Kosovo, n'est envisagé. L’attitude de défi des Yougoslaves à l'égard du reste du monde ne doit pas nous empêcher d'avoir le souci de préserver la souveraineté de la Yougoslavie.

M. Alain Richard, ministre de la Défense, a tout d'abord rappelé le caractère essentiel de la force d'interposition, réaffirmé aujourd'hui encore par le Premier ministre : elle est au cœur de tout règlement politique. Sa structure et son statut seront-ils identiques à ceux prévus pour la force précédemment envisagée ? Ce point fera l'objet de discussions lorsque les conditions de sa mise en place seront réunies.

Afin de constituer la force de cessez-le-feu initialement prévue, une partie du 501ème régiment de chars de combat avait effectivement été mise en alerte mais n'avait pas été déployée en Macédoine. S'il doit y avoir une force d'interposition chargée de mettre en œuvre des garanties de sécurité au Kosovo, il faut qu'elle soit importante et robuste. Elle devra en effet se déployer dans des conditions de sécurité initialement difficiles. C’est l’un des sujets délicats de la discussion politique. On ne saurait se contenter du déploiement de quelques vérificateurs ou observateurs dans une province ayant connu un tel niveau de violence.

S’agissant de la décision de recourir à une intervention aérienne, les autorités des Etats-membres de l'OTAN ont pris leurs responsabilités en autorisant depuis octobre l'activation des forces de l'Alliance. Ensuite seulement, le pouvoir de déclencher les frappes a été délégué, sous conditions, au Secrétaire général de l'OTAN. Cette démarche n'a d'ailleurs pas été contestée et a indéniablement permis aux discussions politiques de progresser.

L'action aérienne a été privilégiée en raison de la brièveté de ses délais de mise en œuvre. Une intervention de nature terrestre aurait nécessité une préparation de cinq à six semaines au minimum et n'aurait pu se faire dans les mêmes conditions de discrétion. Si on avait voulu la préparer, il aurait fallu le faire pendant les négociations de Rambouillet, ce qui aurait constitué un signal fortement préjudiciable au bon déroulement de ces dernières.

Par ailleurs, la préparation d'une intervention terrestre aurait créé un risque majeur de recrudescence des exactions perpétrées à l'encontre des Kosovars. C'est aussi à ce risque que répond le choix des frappes aériennes. Les frappes donnent en effet des résultats : elles entravent le déplacement des forces serbes au Kosovo et réduisent leurs possibilités de recevoir des renforts ou un appui aérien. Les conditions de réalisation d’une intervention au sol changent d’ailleurs à mesure que l’action aérienne fait sentir ses effets.

L'offre de cessez-le-feu formulée par la République fédérale yougoslave fait l'objet de discussions. Elle constitue avant tout un sujet de travail. Il faut prendre garde à des réactions trop vives. Le sang-froid, nécessaire à l'égard de ce qui pouvait ralentir le règlement du conflit, est tout autant de circonstance face à ce qui pourrait accélérer une éventuelle solution.

Le Président Paul Quilès s’est déclaré satisfait de la position prise par le Premier ministre et confirmée par le Ministre des Affaires étrangères, selon laquelle il appartenait au Conseil de sécurité de fixer un cadre politique de négociation. Il a néanmoins souhaité que soit précisée la démarche conduisant à ce cadre de référence, la définition de chacun de ses éléments constitutifs pouvant faire l’objet de discussions prolongées. Or, dans l’état actuel de la situation, le Kosovo risque d’être vidé de sa population albanophone d’ici quinze jours. Suggérant que le cadre de référence défini par le Conseil de sécurité fixe des orientations générales, sans entrer dans les détails de leur mise en œuvre, il s’est enquis du temps nécessaire pour l’établir.

Il a ensuite demandé au Ministre des Affaires étrangères de faire le point sur les contacts diplomatiques directs de la France avec ses alliés et avec la Russie, dont la contribution serait essentielle pour aboutir à une décision du Conseil de sécurité. Il a, à cet égard, évoqué la tonalité très positive des propos récemment tenus par l’Ambassadeur de Russie en France.

Faisant ensuite référence à la dépêche de l’AFP dans laquelle l’OTAN et les Etats-Unis qualifient d’« inacceptable » et la Grande-Bretagne d’« insuffisante » la proposition de cessez-le-feu faite par M. Milosevic, le Président Paul Quilès a demandé s’il serait possible, en termes diplomatiques, de la considérer comme un « premier pas ». Il a estimé qu’une telle expression permettrait aux alliés de montrer qu’ils étaient prêts à saisir cette occasion pour formuler d’autres exigences auprès du gouvernement serbe et, en tout premier lieu, le retrait de ses forces militaires et paramilitaires du Kosovo.

Notant enfin qu’on avait jusqu’ici peu évoqué le rôle que pouvait jouer le Secrétaire général des Nations Unies alors qu’au moment d’un épisode récent de la crise irakienne la France avait mis à sa disposition un de ses avions pour lui permettre de se rendre à Bagdad, il a demandé s’il était encore possible de le voir contribuer à la résolution du conflit.

Mme Marie-Hélène Aubert s’est inquiétée de la situation des membres de la LDK et s’est dite perplexe devant l’attitude prêtée à M. Ibrahim Rugova, qui se serait associé à la demande de cessez-le-feu présentée par M. Milosevic. Elle a demandé au Ministre des Affaires étrangères des précisions à ce sujet et l’a interrogé sur l’état des négociations visant à autoriser M. Rugova à quitter la Yougoslavie. S’agissant de l’accueil des réfugiés kosovars par certains pays de l’Alliance et de la possibilité de leur retour ultérieur, elle a rappelé que Mme Emma Bonnino avait souligné la nécessité de leur fournir les papiers indispensables à leur rapatriement. Elle s’est demandé comment les pays de l’Alliance allaient s’organiser pour permettre l’établissement de ces documents.

M. Jacques Baumel a déclaré que, plus insupportable encore que bien des tragédies humanitaires auxquelles on assiste actuellement dans les Balkans, était la situation du camp de Blace, en Macédoine, qui n’est ni plus ni moins que la reconstitution d’un camp de concentration, cinquante après la seconde guerre mondiale, avec ses fils barbelés, ses policiers en faction et des conditions de vie désastreuses. Il s’est demandé s’il n’était pas possible d’obtenir des autorités macédoniennes une conduite plus humaine et si les trois mille soldats français qui stationnent à quelque deux cents kilomètres de ce camp allaient devenir les témoins d’une shoah des temps modernes. Il a interrogé les ministres sur la possibilité de parachuter dans ce camp des produits de première nécessité. S’agissant enfin du débat sur l’accueil des réfugiés, il a demandé s’il ne serait pas possible de rapatrier dans les pays de l’Alliance les grands malades par les avions destinés à l’aide humanitaire.

Après s’être associé aux remarques de M. Jacques Baumel et fait observer que les questions qu’il allait formuler étaient dans une certaine mesure des critiques, malgré le soutien qu’il apportait à la politique menée par le Président de la République et le Gouvernement face à la crise du Kosovo, M. Pierre Lellouche s’est déclaré perplexe sur quatre points.

Il s’est tout d’abord demandé comment il était possible de négocier avec un homme qu’on veut par ailleurs déférer devant le Tribunal pénal international et dont on sait qu’il a commis des crimes contre l’humanité. Evoquant ensuite les propos du Ministre des Affaires étrangères, selon lesquels le Kosovo avait une vocation multiethnique, il a estimé qu’il s’agissait là d’une position peu réaliste et s’est demandé si on n’allait pas, en se fixant un tel objectif de sortie de crise, recommencer de manière caricaturale ce qui avait été fait en Bosnie, où seule la présence de trente-six mille soldats permet de préserver le dispositif prévu par les accords de Dayton. Faisant ensuite allusion aux propos du Premier ministre, selon lesquels l’objectif poursuivi par les forces de l’Alliance était de faire revenir M. Milosevic à la table des négociations, il s’est étonné que n’ait pas été mentionnée l’autonomie du Kosovo. Il a enfin déclaré que, quelle que soit l’appellation sous laquelle on la désignerait, les Français savaient qu’on se dirigeait inéluctablement vers une opération terrestre, l’envoi par les Etats-Unis d’hélicoptères Apache et de 2 000 soldats en Albanie représentant des signes très clairs à cet égard. Etant donné que tout se joue dans l’adhésion des opinions publiques, n’est-ce pas se compliquer encore la tâche que de retarder sans cesse leur préparation à cette issue qui s’imposera quoiqu’il arrive ?

M. Guy-Michel Chauveau a demandé quels contacts avaient été établis, en particulier pour des fins humanitaires, entre les autorités macédoniennes et les forces alliées, déployées notamment par la France et d’autres pays de l’Union européenne. Il a également fait observer que le mandat de la FORDEPRONU déployée en Macédoine n’avait pas été renouvelé après le 1er mars.

Rappelant que, lors des négociations qui s’étaient tenues à Rambouillet, il n’avait pas été question d’indépendance mais d’autonomie du Kosovo, M. François Guillaume s’est étonné des propos tenus par M. Mitsotakis, ancien Premier ministre grec, selon lesquels, après que l’UCK eut refusé le projet d’accord établi par le Groupe de contact, le principe de l’indépendance de la province dans les trois années à venir y avait été ajouté, à la demande de cette organisation. Il a demandé au Ministre des Affaires étrangères des précisions sur ce sujet.

M. Valéry Giscard d’Estaing a fait remarquer que l’OTAN, organisation défensive et militaire, ne semblait guère adaptée à la situation, puisqu’elle s’était lancée dans des opérations semi-offensives et qu’elle se trouvait confrontée à des défis de nature civile, concernant des réfugiés. Il a estimé que le désordre actuel dans les pays limitrophes de la Yougoslavie venait du fait qu’il n’y avait pas d’institution capable d’assumer le volet civil de la mission de l’OTAN, le HCR et la Communauté européenne présents sur le terrain ne pouvant pleinement jouer ce rôle. Il s’est donc prononcé pour la mise en place d’une agence civile chargée d’évaluer et de prendre en charge la situation en complément des actions militaires.

Observant ensuite qu’il n’y aurait de règlement que mutuellement supportable par les populations, il a jugé que les propositions communiquées aux Serbes n’étaient pas recevables par ceux-ci, qui étaient fondamentalement hostiles à tout ce qui pouvait conduire à l’indépendance du Kosovo. Ajoutant que M. Milosevic avait pris politiquement appui sur cette opposition, il s’est demandé si, au lieu de créer une nouvelle situation juridique, il ne serait pas plus judicieux de remettre en vigueur le statut d’autonomie de 1974, qui avait été instauré par la Yougoslavie d’alors et dont les Kosovars ne s’étaient pas mal trouvés.

Enfin, rappelant que la plupart des conflits récents du type de celui du Kosovo s’étaient achevés par des partitions territoriales, il a demandé si, face à la détermination du Président Milosevic, les Alliés avaient en tête des propositions de cet ordre et s’il n’était pas temps pour eux d’annoncer qu’ils récusaient d’emblée toute partition.

M. Jean-Yves Besselat s’est interrogé sur la situation militaire et l’efficacité des frappes ainsi que sur la durée prévisible du conflit au cas où l’engagement de l’OTAN resterait limité à des frappes aériennes.

M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères, a apporté les éléments de réponse suivants :

— l’élaboration par le Conseil de sécurité d’un cadre de référence pour le règlement du conflit suppose qu’aient été reconstituées des conditions de travail en commun avec la Russie. Devront en faire partie le droit au retour des réfugiés, les éléments essentiels de la situation institutionnelle future du Kosovo, sachant qu’aucun des Etats du Groupe de contact n’a changé d’avis sur le point de l’indépendance, et enfin la configuration de la force de sécurité internationale. Le retrait des forces serbes est également une condition évidente et sa nécessité sera rappelée. Il faut être conscient que cette démarche peut requérir de longues discussions ;

— le Secrétaire général des Nations Unies n’a pas souhaité prendre d’initiative, au contraire de la situation qui avait prévalu lors de la guerre du Golfe et où il y avait aussi une demande en ce sens de certains membres du Conseil de sécurité ; les choses peuvent cependant changer en ce domaine ;

— aussi longtemps qu’aucun responsable occidental ne peut avoir de contacts avec M. Rugova, il est impossible d’authentifier ni ses déclarations, ni les images où il est apparu. Le Gouvernement pense que, sauf s’il avait pris un virage incompris de la population du Kosovo, M. Rugova reste l’un des éléments d’une solution future ;

— l’Ambassadeur de France en Macédoine a été chargé aujourd’hui d’une démarche auprès des autorités macédoniennes pour exposer l’incompréhension de la France devant l’attitude d’un Etat par ailleurs demandeur de relations plus étroites avec l’Union européenne. Même s’il faut prendre en compte la vulnérabilité de ce pays, l’affaire du camp de Blace est intolérable ;

— aucun pays occidental n’a tout à fait franchi le pas au-delà duquel le Président Milosevic ne serait plus un partenaire possible ; à ce stade de la crise, des accords peuvent encore être négociés et conclus avec lui ;

— aucun des gouvernements de l’Alliance n’a changé de position sur l’indépendance du Kosovo. Refuser le fait accompli signifie que les personnes déplacées doivent pouvoir retourner au Kosovo, pas que les Serbes du Kosovo doivent partir. Dans le cadre d’une souveraineté yougoslave maintenue, le Kosovo comportera donc plusieurs communautés, dont des Serbes. Cette situation devra être organisée ; les accords de Rambouillet incluaient par exemple une disposition selon laquelle les Serbes du Kosovo pourraient être déférés devant des tribunaux serbes. Par ailleurs, les Serbes du Kosovo gardent du statut en vigueur entre 1974 et 1989 le souvenir d’avoir été écartés des lieux de décision par les Albanais, qui imposaient notamment l’usage exclusif de leur langue dans l’administration. Il ne s’agit pas cependant d’envisager on ne sait quelle partition géographique mais seulement d’organiser la coexistence ; un statut particulier de la région des monastères au sein d’un Kosovo très autonome, solution un temps envisagée, peut relever de cette démarche ;

— aujourd’hui, l’envoi d’hélicoptères Apache doit être sans doute plutôt analysé comme le substitut à un engagement terrestre que comme sa concrétisation ;

— l’objectif prioritaire reste une force terrestre de sécurisation dans le cadre d’un accord politique que la France souhaite de préférence voir légitimé par le Conseil de sécurité ;

— à Rambouillet, la délégation kosovare avait demandé une clause de rendez-vous avec référendum au bout de trois ans. Cette demande a été refusée par l’unanimité des membres du Groupe de contact et c’est un accord non modifié que les négociateurs kosovars ont finalement signé après l’avoir initialement rejeté ;

— l’OTAN n’est en effet pas adapté à certaines tâches civiles ; ses responsables militaires en conviennent volontiers et ne cherchent pas à étendre indûment leurs responsabilités à ce domaine.

Le Ministre des Affaires étrangères a conclu que les remarques exprimées par les députés membres des deux commissions rejoignaient son souci de concilier la souveraineté yougoslave et l’octroi au Kosovo d’un statut de très large autonomie, indépendamment des modalités utilisées pour y parvenir, négociations ou imposition par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

M. Alain Richard, ministre de la Défense, a estimé que la situation dans les camps de réfugiés en Albanie et Macédoine était en voie d'amélioration, du fait notamment d'une meilleure coopération entre les agences humanitaires et les autorités nationales. Des forces ont été mises à la disposition des agences humanitaires pour les aider dans leur fonction logistique. En revanche, leur emploi en vue d’assurer la sécurité des camps de réfugiés reste soumis à l'accord préalable de la Macédoine. Le parachutage des secours dans les camps a été écarté car de telles actions seraient de nature à provoquer des désordres.

M. Alain Richard a précisé que l'utilisation d'hélicoptères de combat, décidée par le Conseil de l'Alliance, ne devait pas être interprétée comme le prélude d'une intervention terrestre mais comme la volonté de faire intervenir des moyens supplémentaires dans le cadre de la phase 2 des opérations aériennes.

Le délai nécessaire au déploiement de forces d'interposition pour assurer le respect et la mise en œuvre d'un éventuel accord de cessez-le-feu et de retrait des troupes yougoslaves serait très inférieur à celui d’une intervention terrestre, dès lors que la planification des moyens prévue lors de la conférence de Rambouillet serait appliquée. En revanche, si pour des raisons diverses, des modifications devaient intervenir quant aux participants, les délais seraient allongés d'autant.

Le Ministre de la Défense a déclaré que la capacité des forces aériennes yougoslaves avait été fortement amputée et que celles-ci n'étaient plus en état d'apporter leur aide aux forces terrestres. Les systèmes de défense aérienne yougoslaves ont été également détruits dans une forte proportion, ainsi que les moyens de communication et de contrôle.

Deux sujets de préoccupation demeurent. Le premier concerne la difficulté à opérer des frappes directes sur les forces yougoslaves en mouvement au Kosovo, en raison des risques encourus par la population civile. Ces frappes sont toutefois désormais prévues. Le second point d'inquiétude a trait aux capacités d'attaque sol-air de la Yougoslavie qui pourraient menacer sérieusement les avions alliés volant à basse altitude pour frapper les troupes yougoslaves en action au Kosovo. Les risques pris par nos aviateurs vont devenir de plus en plus grands.

M. Alain Richard a conclu son intervention en estimant que la proposition de cessez-le-feu unilatéral qui venait d’être annoncée par les autorités yougoslaves pouvait être considérée comme un indicateur indirect de l'évaluation faite par Belgrade de la situation militaire.

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