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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 3

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 12 octobre 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, Président

puis de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Crédits des Affaires européennes pour 2000 (avis)


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Crédits des Affaires européennes pour 2000

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que l'élaboration du projet de budget communautaire pour l'exercice 2000 s'inscrivait dans une période de refondation de l'Union européenne : l'année 1999 a été celle de la négociation de "l'Agenda 2000", qui comportait les réformes de la politique agricole commune et de la politique régionale, la préparation de l'élargissement à de nouveaux Etats et, enfin, la définition d'un nouveau cadre financier pour la période 2000-2006.

Le Rapporteur a constaté que le prochain budget doit concilier la poursuite des politiques communes, amorcer les nouvelles politiques prévues par le Traité d'Amsterdam, répondre à l'urgence née de la crise kosovare, préparer l'Union élargie de demain, et poursuivre les actions extérieures en cours, notamment dans le domaine du développement. Considérant que tout cela doit avoir lieu avec des montants quasiment inchangés par rapport aux années précédentes, le Rapporteur s'est demandé si les objectifs affichés par le projet de budget ne relèvent pas d'un certain irréalisme, ou bien d'un immobilisme bien dissimulé.

Le Rapporteur a rappelé que la négociation de l'Agenda 2000 s'est déroulée sous la menace d'une crise soulevée par quatre Etats membres figurant parmi les plus importants contributeurs nets au budget communautaire, qui jugent leur contribution excessive. Ce dernier problème n'ayant pas trouvé de solution de fond, les Etats membres ont décidé l'encadrement rigoureux de la dépense communautaire pour la prochaine période 2000-2006. Les perspectives financières pour cette période maintiennent très bas l'appel aux ressources propres et donc le plafond des crédits pour paiement en pourcentage du PNB, limité à 1,13% du PNB des Etats membres. Elles ont toutefois prévu une réserve spéciale de 45 milliards d'euros qui pourrait être progressivement mobilisée à partir de 2002 dans le cas d'un élargissement de l'Union.

Le projet de budget s'établit à 87,9 milliards d'euros en crédits de paiements, en augmentation de 2,8% par rapport au budget 1999. La contribution française s'élèvera à 98,5 milliards de francs, contre 95 milliards en 1999.

Le Rapporteur a ensuite présenté les réflexions conduites par la Commission européenne pour renforcer l'évaluation des dépenses communautaires, ainsi que les décisions prises à la suite du deuxième rapport du "Comité des sages" pour réorganiser les services et le fonctionnement de l'administration communautaire, afin d'éviter à l'avenir les dysfonctionnements qui ont notamment conduit à la démission de la Commission Santer.

Précisant la place de la France dans le projet de budget, le Rapporteur a indiqué que la part relative de la France dans le financement du budget communautaire s'élevait à 17,5% du total, mais que cette part était appelée à s'alourdir à partir de 2002 avec la réforme prévue du système des ressources propres. Le Rapporteur a ajouté que notre pays bénéficie et continuera de bénéficier pendant la période 2000-2006 d'importants retours dans le cadre de la politique agricole et de la politique régionale. C'est pourquoi notre pays se situait en 1997 au sixième rang des pays contributeurs nets au budget communautaire, avec un solde budgétaire négatif raisonnable de 985 millions d'euros.

Mme Marie-Hélène Aubert s'est ensuite inquiétée de la très faible progression des crédits d'action extérieure de l'Union : elle a mentionné le doublement de l'aide de pré-adhésion (seule à progresser) mais a estimé regrettable que le financement de l'aide au Kosovo (500 millions d'euros réservés) se traduise par des redéploiements et une réduction linéaire des crédits pour les autres actions extérieures, alors que l'action extérieure de l'Union ne représente déjà que 4% des dépenses totales. Elle a ensuite mentionné l'état des négociations en ce qui concerne la renégociation de la Convention de Lomé et le renouvellement des programmes d'aide TACIS. Elle a souligné la faiblesse de la traduction financière de la nouvelle dimension de l'Europe qu'est son identité extérieure, estimant, là encore, que les perspectives financières pluriannuelles comme le budget 2000 ne traduisent aucune vision d'avenir.

Enfin, elle a signalé que le Conseil a augmenté les crédits affectés à la recherche et aux réseaux transeuropéens.

Le Rapporteur a conclu en soulignant combien il s'agissait d'un budget tendu, qui ne permet à l'Union aucune intervention impromptue et urgente. Il s'agit d'un budget inscrit dans un "paquet" de transition qui ne reflète aucune perspective de la construction européenne, à l'inverse des précédents "paquets Delors" I et II. C'est ce défaut d'une nouvelle impulsion que déplore le Rapporteur, alors que le traité d'Amsterdam, d'une part, et la situation internationale, d'autre part, appelaient l'Union à s'affirmer selon des principes plus clairs et plus ambitieux.

Le Président Jack Lang a observé que selon lui, les conditions dans lesquelles l'Agenda 2000 a été conclu n'ont pas été favorables à une réflexion attentive et prospective de l'évolution de l'Union européenne. A l'évidence, la présidence allemande a souhaité conclure vite et sans doute trop vite. Le projet de budget 2000 est un budget de faux-semblants et d'apparences qui consacre le passé sans préparer l'avenir, et qui pose plus de questions qu'il n'en résout. Les dépenses souffrent du handicap de devoir financer des programmes trop bureaucratiques alors qu'il faudrait les renouveler, notamment en augmentant les échanges destinés à la jeunesse pour un véritable "brassage européen". Le budget consacré à la culture est presque insignifiant. En outre, rien ne peut garantir que la préservation même des politiques traditionnelles comme l'agriculture ne conduira pas à l'explosion des plafonds. Le seul point rassurant pour le futur réside dans le fait que l'Union européenne dispose encore d'une marge par rapport aux plafonds de dépenses et que la faculté d'emprunter n'a encore jamais été utilisée. Les problèmes que l'on a préféré ignorer resurgiront inévitablement.

Faisant référence au fait que ce budget intègre partiellement la réduction des fonds structurels et la suppression progressive des programmes d'initiative communautaire, M. François Guillaume a demandé si l'on avait essayé de déterminer comment le solde net français évoluerait par rapport aux années antérieures et par rapport aux autres pays contributeurs nets. S'agissant des diverses mesures envisagées pour réformer le système des ressources propres, telles que la réduction progressive de la ressource TVA, quelles en seront les conséquences pour la France ? Quel est l'avenir de la correction apportée à la contribution britannique ?

M. Pierre Brana a émis la crainte que le financement de l'aide au Kosovo ne vienne en déduction des actions de coopération et de développement destinées en priorité aux pays du Sud, et plus particulièrement aux pays africains. Cette crainte est-elle motivée ? Considérant les cas de fraude intervenus ces dernières années et pour lesquels la responsabilité a été imputée à la Commission, il a demandé quelle était la teneur des 90 recommandations du comité des sages et quelles étaient les mesures prises par la Commission. Il s'est dit peu convaincu par le remplacement de l'UCLAF par l'OLAF, qui ne lui paraît pas constituer un progrès décisif : y a-t-il d'autres dispositions plus efficaces pour limiter la fraude ?

M. Jacques Myard a fait remarquer que ce budget était semblable aux budgets précédents dans le sens où l'on retrouvait deux actions fortes, la PAC et l'action structurelle, et puis une série de saupoudrages. Cette absence de ligne de force vient de la multiplication des compétences de l'Union européenne et donc de leur dilution alors que l'Union européenne devrait accomplir des actions fortes et laisser les Etats faire le reste.

M. François Loncle a considéré que le flou budgétaire était accentué dans le contexte de l'élargissement. La programmation annuelle ne suffit pas à y voir plus clair. Il a estimé qu'un état des lieux et un calendrier plus précis devraient être élaborés, ainsi qu'une traduction sur le plan budgétaire du processus de l'élargissement. Le Rapporteur peut-il apporter des éclaircissements à ce sujet ?

M. Charles Ehrmann a considéré que tant l'approfondissement que l'élargissement de l'Union demeuraient des questions non résolues. Il a demandé quelle était la position de la France en termes de contribution nette. Il a fait remarquer que pour accroître la part française l'on parlait de recettes fiscales sans prendre en compte les emprunts.

Mme Marie-Hélène Aubert a répondu aux intervenants.

En ce qui concerne l'avenir des fonds structurels, ceux-ci demeurent des dépenses privilégiées dans la prochaine période pluriannuelle. Les actions structurelles bénéficieront d'une augmentation de 1,8% en crédits de paiement pour l'exercice 2000 par rapport à 1999. La réforme des fonds structurels décidée à Berlin concentre davantage l'aide sur les régions les plus en difficulté, ce qui entraînera une diminution de la part relative de la France : le retour pour la prochaine période 2000-2006 s'établira à 7,96%, alors qu'il était de 9,8% pour la précédente période (hors Fonds de cohésion, réservé à quatre pays de l'Union). Mais la France recevra encore la part la plus importante des aides destinées à la reconversion économique de certaines régions, en recul industriel par exemple.

La réforme du système des ressources propres interviendra à partir de 2002. La réduction progressive de la recette "TVA" et l'augmentation corrélative de la recette assise sur le PNB aura pour effet l'alourdissement de la contribution française, qui serait alors portée à 120 milliards de francs. Notre pays figure actuellement en sixième position de contributeur net derrière l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Belgique.

Le financement de l'aide au Kosovo réduira effectivement les financements disponibles pour certaines actions extérieures. Le Parlement européen s'oppose d'ailleurs vivement à cette réduction, et demande au Conseil la révision des perspectives financières, qui est possible en cas de circonstances imprévues. Selon le Parlement, les événements intervenus au Kosovo justifient pleinement la révision, qui permettrait de maintenir le niveau des autres actions extérieures.

Le Rapporteur a indiqué que la Commission avait adopté plusieurs programmes pour développer et systématiser l'évaluation de la dépense communautaire. Elle a par ailleurs entrepris, sous l'impulsion de son nouveau Président Romano Prodi, une réforme de ses services s'inspirant du rapport du "Comité des sages".

La perspective de l'élargissement est intégrée au sens strict par les perspectives pluriannuelles au moyen de la réserve de 45 milliards d'euros, utilisable pour faire face aux dépenses (agricoles, structurelles), qu'entraînerait un éventuel élargissement. Cependant, de façon plus générale, ni les perspectives pluriannuelles ni a fortiori le budget 2000 n'offrent un cadre approprié et encourageant pour la préparation de cet élargissement. Il est à craindre que la manière de procéder des Quinze, bureaucratique et dénuée de vision d'avenir, ne décourage les pays candidats qui accomplissent des efforts très importants en vue de l'adhésion. Le Rapporteur a souhaité que les Etats membres définissent rapidement une position plus claire et plus ambitieuse.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Affaires européennes pour 2000.

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