Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires étrangères (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 2 novembre 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Jack Lang, Président

SOMMAIRE

 

page


- Crédits de la Défense pour 2000 (avis) ..........

3

Crédits de la Défense pour 2000

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis, a considéré que ni les enseignements de la crise du Kosovo ni les progrès enregistrés dans le domaine de la défense européenne ne semblaient être pris en considération par le budget de la Défense sans doute en raison de la proximité de ces événements.

Le budget de la Défense diminue de 2,1 milliards de francs, alors que nos principaux alliés, en particulier les Etats-Unis, estiment avoir atteint, en ce qui les concerne, un palier. En 1998, l'enveloppe annuelle moyenne des crédits d'équipement pour les années de programmation restant à courir avait été fixée à 85 milliards. Cette enveloppe, en 1999, avait été fixée à 86 milliards, soit un milliard de plus ; mais, pour l'année 2000, les crédits de paiement ne sont que de 82,9 milliards. Le ministère de la Défense estime que l'augmentation des autorisations de programme permettra d'accélérer le rythme des engagements ; aucun programme d'équipement ne devrait selon lui être retardé ou annulé.

L'évolution des crédits de fonctionnement est globalement satisfaisante dans la mesure où elle accompagne la professionnalisation des armées. L'armée de l'Air aura, quant à elle, pratiquement achevé cette mutation avec deux années d'avance sur la programmation.

La dissuasion nucléaire bénéficiera d'une hausse des autorisations de programme de 38 % par rapport à 1999, en raison, notamment, du développement du missile M51. Le deuxième sous-marin nucléaire de deuxième génération sera admis au service actif cet automne. La commande du quatrième et dernier interviendra en 2000. Le missile ASMP, destiné à équiper la composante aéroportée de la dissuasion, entrera en développement en 2000.

Les différentes armées recevront chacune des matériels nouveaux axés notamment sur le développement des forces projetables.

Cependant, les autorisations de programme comme les crédits de paiement pour la Marine sont en baisse. Il en est de même pour l'armée de l'Air, ce qui est paradoxal, compte tenu du rôle joué par l'arme aérienne dans la guerre du Kosovo. La deuxième tranche groupée de commandes de Rafale est différée à 2001. Eurocopter a conclu une commande sur dix ans de 160 Tigre mais une forte interrogation pèse sur le NH 90 dont le développement est pourtant achevé. Les Allemands tergiversent pour des raisons budgétaires et l'impulsion française fait défaut pour la version transport alors que le vieillissement des Puma devrait nous inciter à les remplacer par le NH 90 dès 2011. Ce retard risque également de décourager les Hollandais, de retarder une alliance plus solide avec les Italiens et de compromettre les possibilités d'exportation très fortes vers les quatre pays nordiques : Norvège, Suède, Finlande, Danemark.

Les progrès en matière de désarmement marquent le pas. Le Traité FCE signé en 1990 a dû être renégocié pour tenir compte du bouleversement de la carte européenne. Ces négociations sont en bonne voie. La non ratification jusqu'à aujourd'hui par la Douma de Start II n'a pas empêché la conclusion d'un accord en 1997 qui prévoit la désactivation anticipée de certaines armes et des négociations pour un nouveau Start III. Cependant, le vote du Congrès américain en faveur d'une défense anti-missile du territoire américain ouvre le risque de déstabiliser le Traité ABM qui, jusqu'à présent, gelait de part et d'autre ces systèmes de défense. A cela s'ajoute le refus de ratification par le Sénat américain du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, ce qui est un mauvais signal pour la Russie et pour les Etats sur le point d'accéder à l'armement nucléaire. On constate les mêmes blocages pour les mines anti-personnel ou pour le protocole d'inspection en ce qui concerne les armes biologiques. Quant aux armes chimiques, il existe une difficulté entre Russes et Américains sur la portée des vérifications.

L'Europe de la défense progresse. Le sommet de Saint-Malo a marqué un renforcement significatif de la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense, tant en matière politico-militaire qu'en matière strictement militaire. Saint-Malo marque un changement d'orientation politique du Royaume-Uni qui n'exclut plus la possibilité de participer à des opérations militaires hors participation des Américains. En outre, à Toulouse, en mai 1999, le sommet franco-allemand a permis d'enregistrer le soutien de l'Allemagne pour une réorientation des missions du Corps européen qui doit devenir un corps de réaction rapide européen. Au sommet de Washington, l'ambition de la France était d'obtenir la reconnaissance par l'Alliance qu'une véritable prise de responsabilité des Européens dans le domaine de la défense ne pouvait se limiter à une identité européenne à l'intérieur de l'OTAN. Le communiqué des chefs d'Etat à Washington répond à cette ambition. Le Conseil européen de Cologne a réaffirmé l'engagement des Européens de poursuivre un effort de défense soutenu et d'adapter les institutions européennes afin que l'Union européenne soit en mesure de conduire des opérations de type Petersberg. Les décisions adoptées à Cologne devront aboutir d'ici la fin de l'an 2000 et la France a saisi ses partenaires de propositions visant à leur donner plus de poids et plus de précisions quant à l'articulation du nouveau dispositif avec les autres organisations comme l'OTAN et l'UEO.

En conclusion, M. Jean-Bernard Raimond a rappelé que la présence américaine en Europe demeurait considérable. Les Américains sont présents militairement en Macédoine, en Bosnie, au Kosovo. La zone de responsabilité du commandement des forces américaines en Europe s'est même élargie à l'Arménie, à l'Azerbaïdjan, à la Géorgie, à l'Ukraine, à la Moldavie et à la Biélorussie. D'autre part, le nouveau concept stratégique retenu à Washington s'accompagne d'un effort de modernisation des forces américaines.

En présence de ces forces américaines, il est clair que la défense européenne et la revendication d'un meilleur partage des responsabilités entre les Américains et les Européens ne peuvent être crédibles que si ces derniers font un effort significativement accru en matière d'équipement. A cet égard, le présent budget n'est pas satisfaisant. Pour marquer cette lacune à la fois par rapport aux ambitions de la défense européenne et aux enseignements de la crise du Kosovo, le Rapporteur pour avis a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2000.

M. Roland Blum a, d'une part, demandé des précisions sur la position française en ce qui concerne l'hélicoptère NH 90. D'autre part, il s'est dit frappé par les propos du Rapporteur pour avis faisant état d'un renforcement de la présence militaire dans le Caucase, chasse gardée de la Russie. Dans ces conditions, d'éventuels problèmes entre Russes et Américains ne sont-ils pas à craindre ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille a, tout d'abord, regretté que le Rapporteur pour avis n'ait pas développé la question tellement importante de l'Irak, estimant qu'il revenait à l'Assemblée nationale de faire état des événements terribles qui se passent dans ce pays.

Faisant ensuite remarquer que l'Assemblée nationale ne devait ratifier l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, que si les choses se passaient bien dans cette région, elle s'est étonnée que le vote en séance publique soit prévu le 23 novembre prochain.

Le Président Jack Lang a rappelé que, certes, le chemin de la paix était semé d'embûches, mais que l'on pouvait noter des différences notables entre la politique du précédent Premier Ministre et celle de l'actuel qui paraît démontrer une volonté certaine.

Saluant l'objectivité du rapport de M. Jean-Bernard Raimond mais désapprouvant sa conclusion, M. François Loncle a souhaité revenir sur l'insuffisance des crédits consacrés à l'espace. Le Rapporteur pour avis ayant évoqué une défaillance des partenaires européens de la France, il a demandé qui, en Europe, « traînait des pieds ».

Il a également souhaité faire une remarque s'agissant de la nécessité d'accentuer la stratégie de l'Union européenne pour l'élaboration d'une défense européenne. Faisant état de la prise en compte de ce dossier par la future présidence française de l'Union européenne, il a estimé qu'il serait intéressant d'avoir une évaluation objective des coûts de cette défense, y compris dans leur progressivité.

M. Jean-Bernard Raimond a répondu que les Etats-Unis étaient dans une position d'attente à l'égard des conflits du Caucase, intimement liés à la situation politique intérieure de la Russie. Il faut espérer qu'une solution au centre de l'échiquier politique russe permettra de démêler ces imbroglios.

Les retards dans le programme NH90 sont pour partie imputables à l'Allemagne mais la France paraît elle aussi passive.

L'Irak ne représente plus aujourd'hui un danger réel en raison du travail réalisé par l'UNSCOM. Pourtant les bombardements anglo-américains continuent et l'Irak n'est plus du tout contrôlé. La France _uvre au Conseil de Sécurité pour promouvoir une solution combinant la suspension de l'embargo et le reprise d'un contrôle. La politique des Etats-Unis à l'égard de l'Irak ne paraît pas rationnelle.

En 1999, le projet d'une identité européenne de sécurité et de défense a progressé. Les déclarations adoptées lors des différents sommets, en particulier la déclaration de Saint-Malo, sont très positives. Il convient à présent de leur donner une suite concrète. A cet effet, la France est favorable à l'attribution de responsabilités dans le domaine de la défense au Haut représentant pour l'Union européenne et à la création d'une instance permanente chargée d'analyser les crises.

La coopération européenne dans le domaine spatial souffre de la réticence de certains pays comme l'Allemagne.

Le Président Jack Lang a estimé qu'il conviendrait d'établir les scénarii envisageables pour la définition d'une politique européenne de défense. Au service de quel projet serait placé cette défense européenne, pour défendre qui ? Alors que l'Union européenne s'impose des contraintes budgétaires lourdes, est-il raisonnable d'augmenter l'effort de défense ? L'Union ne devrait-elle pas plutôt investir en priorité dans les nouvelles technologies ?

M. Jean-Bernard Raimond a répondu que le scepticisme à l'égard de la défense européenne était de bon aloi. Cependant, comme l'a démontré la politique des Etats-Unis à l'égard de la Yougoslavie jusqu'en 1995, les Américains pouvaient se désintéresser d'une crise européenne. Par ailleurs, les Européens, comme ils l'ont fait durant la crise du Kosovo, doivent s'efforcer de peser davantage au sein de l'Alliance atlantique.

Contrairement aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2000.

_______

· Défense

· Union européenne-Israël


© Assemblée nationale