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Session ordinaire de 1999-2000

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

RÉUNION DU JEUDI 4 NOVEMBRE 1999

Projet de loi de finances pour 2000

Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères
et de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie
sur les crédits du ministère des affaires étrangères

PRÉSIDENCE DE M. Jack LANG

La séance est ouverte à neuf heures.

M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères - Nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner le budget des ministères des affaires étrangères et de la coopération. Nous allons entendre deux ministres, sept rapporteurs et six orateurs de groupe, et nous disposons de quatre heures au maximuM. L'exploit sera réussi si chacun apporte sa contribution, à commencer par nos rapporteurs, qui seront exemplaires par leur concision comme par leur talent...

Nous remercions les responsables de la commission des finances, en particulier le président Bonrepaux et le rapporteur général Didier Migaud, qui, en liaison avec le Président de l'Assemblée nationale, ont imaginé cette formule ingénieuse qui nous permettra d'examiner ces budgets dans une atmosphère sereine. Je remercie aussi les deux ministres qui ont accepté que leur budget soit soumis, à titre expérimental, à la nouvelle procédure. Les interventions des députés après les orateurs ne devront comprendre qu'une seule question.

M. Charles Ehrmann - Rappel au Règlement ! Je voudrais signaler que, d'une part, cette nouvelle formule ne me plaît pas, et que, d'autre part, on nous a demandé d'envoyer nos questions avant le 22 octobre ; on devait nous répondre le mardi 9 novembre, et nous n'avons toujours rien reçu ((Interruptions sur les sur divers bancs).

Plusieurs députés - Le 9 novembre, c'est la semaine prochaine !

M. le Président de la commission - Les réponses pourront vous être données ici même, avant la séance plénière. Vous avez le droit de répéter vos questions ce matin, et même de vous contredire !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - En conformité avec la nouvelle procédure, qui me paraît une heureuse innovation, je vais vous présenter le budget des affaires étrangères pour 2000. J'ai pu mesurer, cette année encore, l'intérêt soutenu que vous attachez à la politique étrangère de la France, dans ses aspects les plus concrets.

Cette année le Gouvernement a voulu inverser la tendance à la réduction des effectifs et des moyens de ce ministère. Le projet de budget nous permettra donc de développer notre action, de moderniser nos services et leurs relais dans le monde et de disposer ainsi d'un réseau diplomatique efficace et cohérent.

Je voudrais vous épargner les propos excessifs que l'approche de l'an 2000 suscite chez certains commentateurs, qui ont oublié le système décimal : nous ne rentrerons dans le XXIème siècle, et donc dans le troisième millénaire, qu'en 2001. Il y a là une erreur collective mais, pour des raisons commerciales, il est difficile de revenir en arrière. Défions-nous des prévisions aventureuses sur le prochain siècle car nos prédécesseurs en 1899 n'avaient pas vraiment annoncé ce qui allait arriver.

Dans ce monde, affecté par des mutations profondes et traversé par des mouvements plus ou moins ordonnés, nous cherchons à défendre à la fois nos valeurs et nos intérêts fondamentaux, qui sont la sécurité, la liberté et la prospérité de notre pays. Notre diplomatie doit y contribuer dans les grandes négociations internationales, comme celle de l'OMC, et aussi par une concertation constante avec nos partenaires -je pense notamment aux questions de défense européenne. Nous devons aussi prévenir ou infléchir les évolutions qui nous seraient défavorables, avec l'objectif d'assurer une influence forte de notre pays en Europe et de faire entendre une voix alternative dans un monde qui tend à l'uniformisation.

Pendant le second semestre de l'an 2000 nous allons présider l'Union européenne. L'Union s'est dotée en 1999 de nouveaux instruments, dont l'euro. Elle a renouvelé la composition de la Commission, et M. Solana a été désigné secrétaire général du Conseil pour les questions de politique extérieure et de sécurité.

Le chantier de la réforme institutionnelle nous attend ; les pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne comprennent maintenant, je crois, la nécessité de procéder à cette réforme avant tout élargissement. Une conférence intergouvernementale va être lancée au début de l'année et il n'est pas exclu qu'elle soit conclue sous la présidence française : nous ferons tout en ce sens. A défaut, c'est la présidence suédoise qui conclura la CIG. Cette conférence devra régler les problèmes laissés ouverts par la précédente CIG et le traité d'Amsterdam, à savoir la composition et le fonctionnement de la Commission, la pondération des voix des Etats membres, le vote à la majorité qualifiée. Nous travaillons étroitement avec nos partenaires allemands pour parvenir à une position commune sur ces points avant l'ouverture de la CIG.

L'élargissement de l'Union européenne est le deuxième enjeu majeur : le Conseil des ministres qui se tient à Helsinki le mois prochain décidera probablement de lancer les négociations d'adhésion avec les douze pays candidats, et non plus seulement quelques uns d'entre eux. Nous devrons les faire avancer sérieusement et au cas par cas, car leurs situations sont différentes. Nous espérons que l'amélioration des relations entre la Grèce et la Turquie donnera à l'Union les moyens d'accompagner la démocratisation et la modernisation de ce dernier pays et de réexaminer la question de sa candidature.

Il faut poursuivre le travail d'organisation du continent européen, en instaurant des partenariats stratégiques entre l'Union et des pays comme la Russie et l'Ukraine.

La France va exercer en même temps la présidence de l'Union européenne et celle de l'UEO. Je rappelle l'objectif formulé par le Président de la République de doter l'Europe d'une d'autonomie de décision et d'action dans le domaine de la défense, et de disposer de capacités militaires propres. La France insistera aussi sur la concertation économique, sur l'harmonisation fiscale et sur une stratégie coordonnée pour l'emploi.

En se renforçant l'Europe pourra peser davantage sur les négociations en matière de commerce international. Le monde a besoin de règles, comme l'a déclaré le Premier ministre, et l'Union européenne doit pouvoir promouvoir le modèle de développement spécifique sur lequel elle est fondée. C'est dans cet esprit que nous aborderons les négociations de l'OMC qui se poursuivront tout au long de l'année 2000 et au-delà. Notre objectif est de faire bénéficier l'économie européenne de l'intensification des échanges mondiaux, tout en préservant nos équilibres sociaux, culturels et alimentaires. Nous voulons renforcer les règles multilatérales accompagnant l'ouverture des échanges et mieux y insérer les pays en voie de développement.

L'année 1999 a été marquée par des décisions préoccupantes dans le domaine du désarmement : le vote négatif du Sénat américain sur le traité d'interdiction des essais nucléaires et l'annonce par l'administration américaine d'un projet de défense antimissiles du territoire américain, risquent de relancer la course aux armements. Pour notre part, nous poursuivrons nos efforts en faveur du désarmement, contre la prolifération des armes nucléaires et pour l'interdiction complète des essais nucléaires. Nous estimons que le démarrage de négociations en vue d'un traité d'interdiction de production des matières fissiles nucléaires est un point de passage obligé. J'ajoute que même si le traité d'interdiction des essais nucléaires ne recueille pas le nombre de ratifications nécessaires, rien n'empêche les pays signataires de l'appliquer.

La France attache, vous le savez, une importance primordiale au rôle de régulation mondiale du Conseil de sécurité de l'ONU. Les problèmes rencontrés ont été parfaitement résumés par le secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de son allocution de septembre dernier. Il a évoqué la relation compliquée entre le principe de la souveraineté nationale et le droit d'intervention.

Mais appliquer ce droit d'intervention revient à contourner le Conseil de sécurité et donc remettre en cause en quelque sorte la souveraineté des Etats. Or c'est leur faiblesse qui est source de bien des drames. Il faut donc rechercher un meilleur équilibre et nous y travaillons.

C'est avec ce souci que la France a pris des responsabilités dans plusieurs crises graves. Nous sommes impliqués dans la gestion de la crise ouverte au Kosovo et nous veillons à faire respecter la résolution 1244. Il est certain que la présence internationale sera durable dans cette zone. S'agissant de la Serbie, s'il faut maintenir les sanctions qui touchent le régime, celles qui touchent la population sont désormais contre-productives et empêchent toute évolution. L'opposition serbe est unanime sur ce point. Je me suis engagé clairement à travailler à une adaptation des sanctions et j'ai écrit à mes collègues européens en ce sens. L'européanisation des Balkans est bien l'objectif à long terme mais l'on ne parviendra pas à mettre en place un pacte de stabilité si la situation reste bloquée à Belgrade.

L'évolution est plus encourageante au Proche-Orient. Les négociations ont repris entre Israël et les Palestiniens mais pas encore entre Israël et la Syrie. Je me suis rendu dans la région et je poursuivrai le travail diplomatique par des visites au Liban, en Syrie et en Égypte. Que peut faire la France ? Avant tout être disponible, se rendre utile aux partenaires qui le demandent, les encourager et les aider à surmonter les obstacles et apporter des idées pour le règlement du statut final. Nous pouvons, par exemple, assister la formation d'un véritable État palestinien, ce qui suppose de renforcer le dialogue avec Israël. Notre présence au Liban restera forte, dans des formes adaptées. Il nous faut dès à présent penser à ce que sera la coopération avec un Proche-Orient en paix et nous plaidons pour que toute l'Union européenne lui apporte son aide.

Des changements significatifs ont également eu lieu au Maghreb, que nous accueillons avec espérance. Nous accompagnons la relève dynastique au Maroc qui se présente sous les meilleurs augures et nous souhaitons répondre aux aspirations euro-méditerranéennes de ce pays. Nous sommes disponibles pour une relance des relations avec l'Algérie et pour participer à la reconstruction dans tous les domaines.

Sur le reste du continent africain, fidélité, adaptation et ouverture sont les mots clés de notre politique. Nous voulons renforcer la bonne gouvernance et assurer le renouvellement de la convention de Lomé. Nous suivons avec intérêt le retour de la paix en Afrique centrale et dans la région des Grands lacs où M. Josselin s'est rendu en visite, ainsi que la situation de la Corne de l'Afrique qui reste préoccupante. Au-delà des anciennes rivalités nous développons la coopération et le dialogue avec la Grande-Bretagne, la Belgique et le Portugal ainsi qu'avec les États-Unis.

L'Asie est la zone du monde où la multipolarité est la plus évidente. Nous travaillons à ce que ce monde multipolaire soit le plus équilibré possible et pratique la coopération. Nous voulons créer ou renforcer des liens avec les différents pays, ce qui n'exclut pas les débats sur les points de désaccord. En particulier les problèmes de non-prolifération nucléaire se posent désormais surtout en Asie. Je pense au conflit indo-pakistanais, à la Corée du Nord et à la volonté des États-Unis d'associer certains alliés asiatiques à leurs initiatives. L'Asie doit donc prendre de plus en plus de place dans notre réflexion stratégique. Outre les relations bilatérales, nous voulons favoriser l'émergence d'unités régionales. C'est également le cas en Amérique latine où d'importants changements politiques ont eu lieu dans plusieurs pays. Nous encourageons le Mercosur même si les négociations présentent quelques difficultés.

Pour poursuivre ces objectifs, l'action du ministère doit constamment s'adapter. A côté de la diplomatie classique, la diplomatie culturelle devient une dimension de plus en plus fondamentale de l'action extérieure. Nous privilégions la coopération, la formation des élites, l'audiovisuel, le développement des instituts et centres français. Face aux risques d'uniformisation des idées en raison de celle des images, et de simplification des enjeux, la France et l'Europe doivent faire entendre leur voix pour affirmer la diversité culturelle -dont l'exception culturelle n'est qu'un des aspects. C'est le message que nous portons en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

J'en viens aux moyens du ministère pour l'an 2000. La caractéristique essentielle de ce budget c'est de mettre fin à la baisse constante des moyens depuis 1995. L'augmentation de crédits de 170 millions, soit 0,6 %, est minime. Mais le renversement de tendance est fondamental, notamment aux yeux de nos agents qui comprenaient mal comment, face à la multiplication des enjeux et des attentes, on réduisait les moyens et surtout les effectifs.

La chute des effectifs est en effet enrayée. L'achèvement de la fusion avec le ministère de la coopération a permis de dégager 92 emplois qui serviront notamment à renforcer l'administration consulaire. Plusieurs membres de la commission ont joué un rôle important pour parvenir à ce résultat et je les en remercie.

Notre objectif pour 2000 est de poursuivre la modernisation du ministère engagée depuis deux ans. L'accélération de la mondialisation nous oblige à mobiliser des moyens pour assurer une présence partout dans le monde et participer à de nombreuses négociations internationales. La présidence de l'Union européenne au second semestre 2000 représente une lourde responsabilité. Nous sommes aussi sollicités au Kosovo, au Timor, et les autres foyers de tension sont nombreux.

Il nous faut aussi adapter l'administration consulaire à l'évolution des communautés françaises à l'étranger, dont nous assurons notamment la sécurité.

La modernisation passe également par la fusion complète avec la Coopération sur le plan budgétaire. Nous poursuivons la déconcentration des moyens ainsi que des réformes comptables. Des expériences seront menées pour mieux décentraliser encore l'attribution de l'aide sociale. J'ai indiqué aux ambassadeurs qu'il convenait de donner plus de responsabilités aux chefs de poste.

En ce qui concerne l'immobilier, toutes les opérations sont inscrites en loi de finances initiale. Il nous faudra améliorer la prévision, la programmation et le suivi.

Nous nous efforçons également de renforcer la présence française dans le monde. Ce budget maintient nos engagements pour favoriser la diversité culturelle et défendre la francophonie. Les crédits d'aide humanitaire sont en hausse. Le redressement de notre contribution aux organisations internationales est en bonne voie. Nos versements qui, de 450 millions en 1993, étaient tombés à 225 millions en 1998 seront de 307 millions en 2000, soit 30 millions de mieux que cette année.

Nous renforçons l'action consulaire en augmentant de 25 % les crédits pour l'accès de nos ressortissants à l'enseignement français à l'étranger ainsi que l'aide aux personnes en difficulté. Le service central de l'état civil achève sa mue qui était bien nécessaire. J'ai mis un terme au développement du recours aux «recrutés locaux». Comme je l'ai indiqué, j'entends pourvoir un certain nombre de postes grâce aux emplois dégagés. Je peux annoncer la réouverture de notre consulat à Annaba. Nos efforts pour l'accueil des étrangers portent leurs fruits. Les travaux menés dans les consulats grâce au fonds de concours ont permis de l'améliorer. Je suis favorable à la proposition de M. Tavernier de porter le fonds de concours à 100 % des droits de chancellerie. Dans deux ans nous serons privés des coopérants du service national. Je forme donc le v_u que le projet de loi sur le volontariat civil adopté au Sénat le soit rapidement à l'Assemblée.

Notre action se heurte bien sûr à un certain nombre de contraintes. Celle qui portait sur les effectifs a été desserrée, mais les besoins d'encadrement des consulats sont très importants. Aussi avons-nous engagé la réflexion sur le réseau diplomatique de l'Union européenne. La contrainte budgétaire ne doit pas être le seul élément à prendre en compte pour faire évoluer notre réseau. Il faut l'adapter à un environnement mouvant en tenant compte à la fois de ressources limitées et de l'action de nos partenaires.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je me bornerai à passer en revue les tâches essentielles qui incombent à mon département, mais vos questions vont m'aider à préciser les points qui vous intéressent, spécialement sous ces différentes rubriques.

Le nouveau dispositif de coopération a été rendu effectif au cours de cette année. L'appareil administratif était prêt au 1er janvier. Les questions essentielles touchant aux statuts des personnels et à leur régime de rémunération avaient été réglées au préalable dans leur principe. Le comité interministériel -le CICID- s'est réuni et a fixé les contours de la solidarité prioritaire.

D'autre part, comme l'a indiqué Hubert Védrine, le budget des affaires étrangères pour l'an 2000 rompt avec une décroissance régulière : les crédits mis en _uvre par la DGCD progressent de 0,1 %, passant de 9 232 à 9 240 millions. Cela nous permettra d'assumer les priorités que nous nous sommes fixées, notamment en matière de coopération culturelle et de coopération au développement ; nous pourrons exercer une plus grande influence grâce à une meilleure présence diplomatique, médiatique et géographique.

L'une des premières tâches qui nous attend en 2000 est le renouvellement de la convention de Lomé : l'échéance est fixée à la fin de février et nous essayons de convaincre les pays africains de faire le nécessaire afin qu'un accord intervienne ; c'est la condition pour surmonter l'hostilité que suscite chez certains cette convention et pour arracher, dans le cadre des négociations avec l'OMC, la dérogation nécessaire au principe de libre-échange.

La mise en _uvre de l'initiative de Cologne sur la dette est aussi un dossier considérable. Nos partenaires sont ici la Banque mondiale et le FMI et nous nous félicitons que ces deux institutions entretiennent maintenant des relations plus étroites, ce qui permettra à la première de n'être plus seulement l'infirmière chargée de remédier aux conséquences des politiques d'ajustement imposées par le second. La France se réjouit de ce changement auquel elle a contribué.

Nous aurons, bien sûr, à continuer d'appuyer les processus de paix, notamment dans la région des Grands lacs, et à répondre aux situations de crise, qu'elles résultent de catastrophes naturelles ou de guerres. Cependant, la spécialité de la coopération française est de fournir un appui institutionnel aux pays avec lesquels nous sommes en relation. Nous n'oublions pas pour autant la lutte contre la pauvreté et le soutien au développement, mais nous avons l'ambition d'identifier et de fidéliser les élites futures chez nos partenaires en les aidant à se doter de services de douanes, de police et de justice. Les crédits destinés à l'aide publique au développement seront cependant préservés.

Pour ce qui est de nos partenaires, nous devons tirer les conséquences de l'intensification des relations multilatérales. Bien entendu, l'Europe y tient une place importante et nos efforts visent à mieux coordonner l'activité de l'Union avec celle de nos postes. Ce travail est ardu et ne fait que commencer mais nous nous y consacrons avec détermination. Pour ce qui est de l'ONU, l'augmentation de notre contribution devrait nous aider à conforter le partenariat.

Nous attachons également une grande importance à la coopération «hors l'Etat», en particulier à la coopération décentralisée, dans laquelle nous essayons simplement de mettre un peu plus de cohérence, afin que les collectivités n'aident pas toujours les mêmes pays. Les ONG sont aussi des partenaires essentiels que nous voulons aider à se restructurer. Si elles sont nombreuses et efficaces dans le domaine médical et paramédical, elles souffrent d'un certain retard pour ce qui est de l'aide au développement et il convient par conséquent d'y remédier.

Dans le domaine culturel, à côté de l'Université culturelle, notre principal outil est l'audiovisuel extérieur : nous nous attacherons à développer TV 5, au service de la francophonie.

Comme vous, j'observe une montée en puissance de «l'International», dont témoigne la place que les médias lui accordent. Notre souci sera d'y répondre par notre action.

M. le Président de la commission - Je vous remercie de votre concision, et j'appelle les rapporteurs à respecter de même strictement leur temps de parole : cette demande s'adresse tout spécialement à M. Tavernier qui, en tant que rapporteur spécial, a obtenu le privilège de parler un peu plus longtemps que les autres.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la commission des finances - Je ferai de mon mieux pour vous être agréable, Monsieur le président.

Le budget des affaires étrangères n'est pas, à l'évidence, un budget prioritaire. Après intégration des crédits de la coopération, il se montera à 20 945 480 000 F, soit 1,25 % seulement du budget général. Il marque certes un arrêt dans la réduction drastique des moyens constatée depuis 1994, mais il faut rappeler qu'en 1993, sa part dans le budget de l'Etat était de 1,68 %, soit quelque 2 milliards de plus qu'aujourd'hui.

Il n'en reste pas moins que votre action, Monsieur le ministre, a permis d'arrêter une hémorragie préjudiciable aux intérêts de la France. Les rapporteurs des deux Assemblées ne vous ont pas ménagé leur appui pour que notre action extérieure dispose enfin de moyens plus conformes à ses ambitions. Le temps n'est plus où M. de Charette pouvait se réjouir de l'amputation de ses crédits !...

M. Pierre Lequiller - Caricature !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - ...La diplomatie ne se nourrit pas de discours, elle a besoin d'argent et de fonctionnaires qualifiés pour tenir son rang.

La première difficulté tient à l'approche purement comptable qui est celle du ministère des finances et dont témoigne notamment le sort fait à notre réseau diplomatique et consulaire, pourtant le deuxième du monde. Nous avons en outre à tenir notre place au Conseil de sécurité et il serait bon que Bercy montre la même compréhension, s'agissant de notre contribution volontaire à l'ONU que lorsqu'il s'est agi d'accroître la dotation au FMI.

Pour juger du bien fondé des demandes budgétaires présentées par le ministre des affaires étrangères, j'ai entrepris une enquête approfondie auprès de nos services consulaires et j'ai pu constater qu'ils n'avaient pas les moyens de remplir correctement leur mission. J'en ai conclu que les demandes du Quai d'Orsay étaient justifiées et l'évolution des crédits pour 2000 montre que l'effort d'explication et de persuasion commence à porter ses fruits. Je me réjouis de leur stabilisation à 1,25 % des charges nettes, en espérant qu'elles préludent à un redressement d'autant plus nécessaire que le ministère a consenti un effort de rationalisation important : fusion des administrations de la coopération et des affaires étrangères, réorganisation de l'administration centrale, modernisation de la gestion... La vertu mérite d'être enfin récompensée.

Les crédits des affaires étrangères ne représentent qu'une part réduite de ceux qui sont consacrés à l'action extérieure de la France. Ceux-ci s'élèveront en 2000 à 54,44 milliards, soit une réduction de 2,03 % par rapport à 1999. Cette baisse demande des explications, pour le moins.

Je me suis également intéressé à la répartition des crédits de cette action extérieure entre les différents ministères. En 1992, le ministère de l'économie et des finances en gérait, hors comptes spéciaux, plus de 37 %, tandis que la part du Quai d'Orsay et de la rue Monsieur était d'à peine 27 %. Pour la première fois en 2000, ces parts passeront respectivement à environ 20 % et 38,47 %. Cette évolution est révélatrice de la place qu'occupe désormais le Quai dans notre politique extérieure. Cela étant, les crédits soumis par le Gouvernement au vote du Parlement ne sont pas exactement ceux qui seront mis en _uvre, notamment en raison des effets de change. Or ce projet de budget fixe le cours prévisionnel du dollar à 5,83 F, alors que la Direction de la prévision de Bercy l'arrête à 5,18 F : ce décalage aussi mérite explication et impliquera des ajustements le moment venu.

La principale nouveauté de ce projet réside dans la création d'emplois après la chute ininterrompue des effectifs constatés entre 1991 et 1998. Le ministère a alors perdu 892 agents, soit 8,6 % de ses effectifs. Certes, on n'enregistrera en 2000 que fort peu de créations nettes d'emplois, mais des mouvements internes permettront d'en dégager 92 et de renforcer notamment les services des visas. Je note cependant, Monsieur le ministre, que vous utilisez là un fusil qui ne tire qu'un coup : il conviendrait de prendre vos précautions pour que la progression ne s'arrête pas là.

Les crédits destinés aux moyens matériels de fonctionnement diminuent légèrement : de 1,95 %. Cette baisse témoigne de l'effort fait pour réaliser des économies par une rationalisation de la gestion. Les crédits d'investissement permettront de construire les ambassades de Berlin et de Pékin, de réhabiliter le Palais Farnèse et de rénover le consulat d'Annaba. L'augmentation des crédits de paiement servira à la réhabilitation ou à la construction des établissements d'enseignement. Par ailleurs, la contribution obligatoire à l'ONU diminue légèrement, les besoins des missions au Kosovo n'étant malheureusement pas pris en compte ; en revanche, pour la deuxième année consécutive, notre contribution volontaire sera sensiblement accrue, passant de 278 à 307 millions. Je m'en réjouis car l'effondrement de 67 % enregistré entre 1990 et 1998 était au détriment des intérêts de la France.

Je note avec plaisir que les crédits d'assistance aux Français en difficulté à l'étranger s'accroissent également pour la deuxième fois. Il en est de même pour ceux qui sont destinés à faciliter la vie de nos compatriotes expatriés, ainsi que des crédits de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ainsi que des crédits de bourses.

Dans nos rapports de 1998 sur la politique de coopération au développement, j'avais demandé qu'un rapport soit soumis chaque année au Parlement et qu'un débat soit organisé. Le CICID qui s'est tenu le 28 janvier a ratifié cette demande. J'aimerais donc savoir quand nous recevrons ce rapport et quand nous pourrons tenir le débat prévu.

Ce projet de budget renverse la tendance au déclin mais cette stabilisation ne doit être qu'un prélude au redressement. Pour y contribuer, j'ai proposé que les droits de chancellerie soient désormais affectés au budget des affaires étrangères. Comme leur produit se montait en 1998 à 322 millions, si le Quai en recevait seulement 50 %, comme Bercy, avec la ristourne sur les missions économiques et financières, cela lui procurerait 161 millions bien utiles, d'autant que le fonds de concours va disparaître en juin 2000. La République est une et indivisible et ce qui est légitime sur la rive droite de la Seine devrait l'être aussi sur la rive gauche. La comptabilité publique ne saurait avoir des règles à géométrie variable.

M. le Président de la commission - Je ne doute pas que la commission des finances et vous-même saurez militer auprès du ministère de l'économie et des finances pour assurer le succès de cette proposition ingénieuse.

M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Ne disposant que de cinq minutes, je résumerai mon rapport en style télégraphique.

Appréciation globale : bien, mais il faut continuer, comme M. Tavernier l'a démontré. La hausse des crédits est apparente plus que réelle, puisque le titre V progresse de 120 millions.

Crédits d'aide au développement : baisse tendancielle, mais c'est plutôt le signe d'un succès des plans d'ajustement.

Effectifs : arrêt de la déflation. C'est plutôt positif.

Contribution volontaire aux Nations Unies : en augmentation de 30 millions après une forte croissance en 1999.

Appréciation également positive en ce qui concerne la promotion de l'enseignement supérieur, les crédits de bourses et l'audiovisuel extérieur. En revanche, comme M. Tavernier, je regrette l'oubli du financement des actions d'urgence au Kosovo.

Autre point positif : l'effort pour remédier aux inégalités entre expatriés. De même, la fusion, appréciée par les syndicats.

La réforme pour donner plus d'autonomie aux postes est excellente, à condition que ceux-ci aient les moyens d'assurer une formation. En revanche, je suis préoccupé par l'évolution des crédits destinés à l'informatisation.

J'ai parlé moins de trois minutes afin de laisser le temps à nos collègues de s'exprimer (Applaudissements).

M. le Président de la commission - Vous donnez un excellent exemple de concision !

M. Georges Hage, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les crédits des relations culturelles - La direction générale de la coopération internationale et du développement -DGCID-, créée au 1er janvier, ne fait plus aucune référence à l'action culturelle. Cet oubli me paraît fâcheux, car nous devons saisir l'opportunité de la création de cette direction pour favoriser notre action culturelle internationale.

Les concours financiers en faveur de l'action culturelle extérieure de la France restent globalement stables. Je me félicite que la promotion de l'enseignement supérieur, la langue française et l'audiovisuel extérieur restent des priorités.

Je ne me livrerai pas à une défense-illustration de la langue française, parlée occasionnellement par 250 millions de personnes environ, mais dont l'originalité est d'être liée à des valeurs, une culture et des projets de société de portée universelle.

La promotion du français doit s'inscrire dans un plurilinguisme bien compris, qui inclut notre capacité à enseigner la langue des autres. Il faut aussi améliorer l'accueil des étudiants étrangers en France. Je vous renvoie, sur ce point, au remarquable rapport de M. Alain Claeys de la commission des finances.

D'autre part, je salue la création d'Edufrance, qui manifeste la volonté du Gouvernement de renforcer l'ouverture internationale des universités françaises et je souhaiterais qu'une attention particulière soit portée à la place du français sur le Net.

S'agissant des négociations internationales sur le maintien de l'exception culturelle, bien que les fondements juridiques de ce concept soient fragiles, j'approuve ceux qui plaident en faveur de la diversité culturelle, laquelle suppose un monde multipolaire, ce qu'on oublie trop souvent comme on oublie que la langue qui sera dominante est celle de l'impérialisme dominant. Je fais mienne l'opinion de Bourdieu selon laquelle la culture ne peut être traitée comme un produit commercial : la défense de la langue française doit prendre la forme d'une résistance culturelle, n'en déplaise au commissaire européen Leon Brittan, de fâcheuse mémoire.

Les mécanismes d'aide publique à la création sont indispensables pour préserver la diversité des sources de créativité européenne.

Nous nous félicitons que le plan d'entreprise présenté par le nouveau président de TV5 ait permis d'accroître l'audience de cette chaîne sur tous les continents, à l'exception toutefois de l'Amérique. Je veux croire que cet échec n'est que temporaire. Je me réjouis que le Gouvernement ait fait un geste particulier en faveur de TV5 dans ce budget que je vous demande de voter.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Marqué par la continuité, le budget de la DGCID qui s'élève à 9,2 milliards permettra de financer certaines mesures nouvelles correspondant aux priorités assignées à la direction générale réunifiée.

S'agissant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger -AEFE- je me réjouis que 15 millions supplémentaires soient affectés aux bourses, tout en appelant à la vigilance sur la dérive inflationniste des frais de scolarité.

Les 35 millions affectés au programme Eiffel, qui s'ajoutent aux 50 millions déjà mobilisés l'an dernier, permettront de financer 850 bourses, l'objectif étant d'en financer 1 500 en 2002. Cette évolution illustre notre nouvelle politique d'accueil des étudiants étrangers, qui devrait nous permettre de rattraper notre retard sur les pays anglo-saxons.

En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, 25 millions de mesures nouvelles sont principalement affectées à TV5, dont je salue le remarquable travail effectué par son président, M. Jean Stock. J'espère que nos rencontres avec nos amis québécois permettront de débloquer rapidement le dossier TV5 Amérique. La France est le premier contributeur de cette chaîne, mais n'en assure pas le contrôle.

Je me réjouis également des 20 millions de dotation supplémentaires affectés à RFI, tout en souhaitant que le ministère de la culture fasse un effort significatif pour stabiliser cette radio en pleine phase de transition.

Je voudrais, maintenant, aborder trois points particuliers. Tout d'abord, M. Védrine a signalé les problèmes que pose la disparition progressive des coopérants du service national. Outre le futur projet de loi sur le volontariat civil, il conviendra d'approfondir la réflexion sur le rôle décisif des coopérants dans les postes diplomatiques et consulaires, en particulier pour la maintenance d'Internet. Ensuite, je signale l'excellent travail du nouveau directeur de l'association française d'action artistique, M. Poivre d'Arvor, qui en fait une véritable agence internationale d'ingénierie culturelle, intervenant dans des domaines nouveaux, tels que les arts appliqués, le design, la mode ou le tourisme culturel. Cette association a créé des événements culturels de grande qualité tels que «Le temps du Maroc» et j'espère que nous pourrons accueillir un jour prochain «Une saison algérienne en France». Enfin, pour ce qui est de la francophonie, à la lumière de mon séjour à Moncton, je forme le v_u que l'enjeu linguistique reste au c_ur de la francophonie. La grande leçon à tirer du huitième sommet des pays ayant le français en partage est que la francophonie ne doit plus apparaître comme une forteresse assiégée par l'anglais. A cet égard, l'intitulé du prochain sommet qui aura lieu à Beyrouth, «Dialogues entre les cultures» est révélateur, de même que la création à Moncton d'un observatoire de la démocratie et des droits de l'homme. Tout ceci est très directement lié à la bataille qui se livrera prochainement à Seattle : Moncton a permis d'associer de nouveaux pays à la défense de la diversité culturelle.

En conclusion, outre les négociations de l'OMC, des négociations ont lieu au sein de l'Union européenne ainsi qu'entre celle-ci et les Etats-Unis. La France y joue un rôle moteur notamment sur le plan juridique grâce à son droit bien adapté aux enjeux d'Internet. Elle est très présente sur la thématique de la diversité culturelle.

M. le Président de la commission - Nous abordons les crédits de la coopération.

M. Maurice Adevah-P_uf, rapporteur spécial de la commission des finances - Je ferai une observation préliminaire : alors que j'ai envoyé mon questionnaire budgétaire au début du mois de juillet, je n'ai pas encore obtenu à ce jour le tiers des réponses aux questions que je posais ! Si une telle situation devait se reproduire, mes protestations prendraient une autre forme car il s'agit des prérogatives du Parlement et de sa capacité à travailler efficacement.

M. Arnaud Montebourg - Très bien !

M. Maurice Adevah-P_uf, rapporteur spécial - Cela dit, bien que les comparaisons soient difficiles, parce que nous ne raisonnons pas à structures constantes, le présent budget de l'aide publique au développement paraît convenable.

Toutefois, au titre III, je ne m'explique pas la baisse de près de 50 % des crédits de l'Office universitaire et culturel français pour l'Algérie. Au titre IV, le chapitre 41-43 relatif aux concours financiers n'appelle pas d'observation particulière. Sa baisse de 105 millions, soit près de 40 %, s'explique par l'amélioration de la situation économique de la zone franc, qui requiert de moindres crédits d'ajustement structurel. En revanche, je vous interroge une nouvelle fois sur le chapitre 42-12, en particulier sur la baisse de plus de 180 millions, soit 14,9 %, des crédits d'assistance technique. A quelle logique, autre que celle des économies budgétaires, la déflation continue des moyens financiers et des effectifs de l'assistance technique obéit-elle ? Que faites-vous pour faciliter la reconversion des personnels concernés ?

Au total, les crédits du titre VI préservent notre capacité d'intervention.

Dans la nouvelle nomenclature, apparaît un chapitre 68-93, qui comporte 1 milliard en autorisations de programme et 922 millions en crédits de paiement pour un opérateur unique : l'Agence française du développement. Siégeant à son conseil de surveillance, je me porte garant du sérieux de son travail. Mais cette présentation budgétaire pose le problème du contrôle a priori des engagements de crédits. Y a-t-il une justification technique à la création d'un tel chapitre ? Si ce n'était pas le cas, je défendrai devant la commission des finances un amendement de suppression, afin de réintégrer ces crédits dans le chapitre 68-91.

La réforme des instruments de notre politique de coopération a donné lieu à de nombreuses déclarations. Il faut certes du temps pour réorienter notre politique d'aide publique au développement, mais le temps passe et nous n'observons aucune évolution substantielle. Certains pays demeurent privilégiés et d'autres sont négligés. En outre, je sais que les paradis fiscaux ne bénéficient pas de l'aide bilatérale, mais ils profitent de l'aide multilatérale. Je souhaite que la France, qui représente 24 % des crédits du Fonds européen de développement, fasse en sorte que l'argent du contribuable ne serve pas à favoriser le développement d'économies fondées sur la fraude. Je souhaite en outre la ratification rapide de la convention de l'OCDE contre la corruption.

De nombreuses voix s'élèvent pour nous expliquer que la démocratie ne peut pas fonctionner de la même manière dans le tiers-monde que chez nous. Un personnage éminent vient d'ailleurs de l'écrire à propos d'un pays méditerranéen ami de la France... Cependant, la démocratie n'est pas une mode, mais une condition du développement, parce qu'elle garantit la représentation des minorités, la dénonciation des abus ainsi que la libre circulation des biens, des personnes et des idées.

Nous connaissons votre rôle dans la renégociation des Accords de Lomé et nous vous demandons de vous montrer ferme auprès de nos amis ACP.

Nous ne pouvons accepter que Djibouti et le Congo bénéficient d'une aide bilatérale par habitant de, respectivement, 449 F et 472 F en 1997, alors que le Bénin et le Mali ne reçoivent que 26 et 37 F par habitant. Les premiers disposent pourtant de ressources importantes, tandis que les seconds, qui n'ont rien, font des efforts de démocratisation que personne ne conteste.

M. le Président de la commission - Les deux rapporteurs de la commission des finances, on le voit, soutiennent la cause des deux ministères qui nous intéressent aujourd'hui.

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, sur le budget de la coopération - Préparé par une administration unique, le budget de la coopération nous permet de tirer les premières leçons de la fusion de l'ancien ministère délégué à la coopération et du ministère des affaires étrangères. A cet égard, je vous renvoie à mon rapport écrit.

Les crédits de la direction générale de la coopération internationale et du développement augmenteront de 0,85 %, ce qui est comparable à l'évolution totale des crédits des affaires étrangères, qui sera de 0,82 %. Les moyens de l'aide au développement sont donc globalement préservés.

Il a été mis fin à la dégradation du budget des affaires étrangères. J'espère que l'année prochaine, celui-ci augmentera, compte tenu de la diversification des tâches.

J'approuve l'augmentation significative des aides à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Je note aussi un effort en faveur des bourses scolaires, des bourses d'excellence et des bourses d'enseignement supérieur. J'espère que ce mouvement s'amplifiera l'année prochaine, afin d'enrayer la diminution du nombre des étudiants étrangers, notamment africains, en France.

Malgré une légère baisse de 300 000 F, les crédits de la coopération décentralisée s'élèvent à 1 milliard. Comme l'année dernière, je souhaite que les collectivités locales puissent coordonner leur action car certains pays recueillent de nombreuses aides et d'autres quasiment rien. La mise à disposition d'une base de données pourra aider ces collectivités à mieux répartir les financements.

Je me réjouis de voir qu'augmente la subvention aux opérateurs de l'action audiovisuelle, dont l'importance n'est plus à démontrer.

En matière de coopération militaire, les crédits baissent en apparence à cause d'un certain nombre de transferts, mais en réalité ils sont stables en francs constants. Seuls diminuent les crédits des forces françaises prépositionnées, mais ce mouvement est compensé par un effort spécial d'équipement et de formation en direction des armées africaines, de façon que celles-ci puissent conduire les opérations de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU ou de l'OUA. C'est le sens du programme RECAMPE.

S'agissant des crédits de l'assistance technique, j'ai déjà regretté l'année dernière qu'ils servent de variable d'ajustement. Je n'ai rien à ajouter aux propos de mon collègue Adevah-P_uf.

Sur le sujet délicat des droits de l'homme, comment concilier persuasion et coopération ? On ne doit, en tout cas, jamais renoncer à protéger ces droits. C'est pourquoi il est bien que la France, en 1999, ait suspendu toute activité avec les Comores, la Guinée-Bissau, le Niger et le Togo.

Composante essentielle de notre politique étrangère, l'aide au développement doit se faire plus efficace et plus transparente, d'autant que la politique de coopération est de plus en plus soumise à la critique. Je me réjouis que le Gouvernement ait accepté d'organiser un débat parlementaire annuel sur ce sujet. J'espère que la date sera fixée rapidement.

Ce budget va dans le bon sens et je vous invite à l'adopter.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Une fois de plus, les crédits du chapitre 42-31 vont permettre à la France d'être le premier membre permanent du Conseil de sécurité à régler sa cotisation à l'ONU. Il s'agit de conforter celle-ci au moment où la première puissance de la planète accumule les retards de manière délibérée, afin de pouvoir faire pression sur l'organisation.

Notre politique vise aussi à conforter l'action de l'OTAN au Kosovo, dans les limites des résolutions 1199 et 1203, et à permettre à l'ONU de reprendre l'initiative, par la résolution 1244. Dans la même logique, des initiatives ont été prises pour améliorer la capacité d'action du département des opérations de la paix. Celle de la MINURCA en Centrafrique se solde par un bilan très positif.

La France est aussi présente dans neuf opérations placées sous l'autorité du DOMP, dont la FINUL qui dure depuis 1978, et dans nombre d'opérations déléguées par le Conseil de sécurité. En tout, plus de 11 000 militaires français y participent, dont 3 500 au sein de la SFOR en Bosnie-Herzégovine et 6 500 dans la KFOR au Kosovo.

Il faut approuver sans réserve la politique suivie sans réserve au sein de l'OTAN, qui se fait dans le respect de notre doctrine politique internationale.

A l'initiative de la France, le nouveau concept stratégique fait référence à la charte des Nations Unies. S'agissant des frappes au Kosovo, chaque changement de phase n'a été décidé que par le Conseil Atlantique. La France a conservé le contrôle politique des forces qu'elle avait engagées, notre commandement étant demeuré en contact permanent avec le chef d'état-major des armées, lui-même en référant aux autorités politiques, conformément à un dispositif mis au point en Bosnie. Dans ce contexte, la participation de la France aux GFIM, les états-majors projetables, ne fait que traduire une meilleure connaissance par nos forces des procédures de l'OTAN, ce dont il faut se féliciter.

De même, la croissance régulière de notre participation au budget de l'OTAN, qui atteindra 660 millions en 2000 contre 422 en 1997, ne fait que traduire cette évolution et ne signifie nullement que nos forces sont passées sous le contrôle d'une autorité extérieure.

La politique menée dans le cadre de la PESC doit être approuvée, tout particulièrement la possibilité d'intervenir militairement sous le timbre européen. La procédure de l'abstention constructive, qui permet à un pays de ne pas faire participer ses forces tout en laissant l'opération se dérouler, est tout à fait adaptée à ce type d'action, et l'on sait que la France avait longuement tenté de l'introduire dans les mécanismes de décision de l'UEO. L'intégration annoncée de celle-ci dans la structure de l'Union européenne, l'adoption des premières stratégies communes, la progression à cet effet des crédits d'engagement consacrés à la PESC sont des éléments positifs.

Je veux aussi saluer le soutien de la France à l'OSCE, dont le budget a été multiplié par 8 en cinq ans. Aux cinq sixièmes, il finance les opérations mises en place en Bosnie, en Albanie et au Kosovo.

La réforme de la coopération militaire est profonde. La nouvelle direction de la coopération militaire travaille désormais en liaison avec les états-majors. Les missions ont été reformulées et déclinées par zones géographiques. Pour la deuxième année consécutive, j'observe qu'a été respectée la règle fixée par le Conseil de défense en 1998 et selon laquelle 3 % au moins des crédits doivent être redéployés chaque année au profit de l'ex-zone «hors champ».

Les crédits consacrés à ces pays passent de 86,1 millions de francs en 1998 à 132,3 millions de francs en 2000. Ils représentent désormais 21 % des crédits réservés aux pays du champ contre 17 % en 1999 et 12 % en 1998.

Je voudrais souligner l'efficacité du projet RECAMP et le travail très positif effectué dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique, véritables écoles militaires françaises décentralisées. Au total, la France a 427 coopérants militaires en Afrique.

La politique française de défense est donc, désormais, cohérente. La commission de la défense l'approuve et a donné un avis favorable à ce budget.

M. le Président de la commission - Nous allons maintenant entendre les porte-parole de chaque groupe, à raison de cinq minutes chacun. Les ministres leur répondront et, ensuite, les députés pourront intervenir.

M. Jean-Bernard Raimond - Le budget du ministère des affaires étrangères est globalement stable. On ne peut pas parler d'une réelle augmentation mais plutôt d'une pause après le déclin inadmissible des dernières années. La baisse des effectifs est stoppée grâce à la fusion avec le ministère de la coopération. Mais je crains que l'année prochaine de nouvelles difficultés ne se révèlent.

Personnellement j'ai toujours été un partisan résolu de la fusion, mais la création d'un fonds prioritaire pour 61 pays et la répartition des crédits avec l'Agence française de développement laissent craindre que les ex-pays du champ ne souffrent de la réforme. Il faudra faire l'an prochain le bilan de ce rééquilibrage.

Quelques mots sur la situation internationale et notamment sur le conflit du Kosovo. Ce n'est pas un hasard si l'intervention au Kosovo et les progrès dans le concept de défense européenne ont eu lieu simultanément. En ce qui concerne le Kosovo, Milosevic est le dernier avatar du communisme en Europe : pour conserver son pouvoir il s'est lancé dans une guerre nationaliste et dans une purification ethnique, mais il est en fait isolé et faible. Tous les problèmes des Balkans seront résolus quand Belgrade aura cessé d'être communiste, ce qui signifie le départ de Milosevic. Pensez-vous que la meilleure méthode pour provoquer ce départ est d'exclure la Serbie de l'aide promise aux Balkans par le pacte de stabilité ? Je sais que vous avez essayé d'apporter des correctifs à cette politique de sanctions, qui pèse surtout sur le peuple serbe.

Point positif, la Kfor a profité de l'expérience passée, notamment en Bosnie : son commandement est unifié et ne dépend pas du secrétaire des Nations Unies. D'autre part la France a contribué à rendre aux Nations Unies le rôle qui leur revient sur le plan juridique : la situation actuelle s'appuie sur une résolution de Conseil de sécurité. Toutefois deux questions restent ouvertes. Faut-il modifier la composition du Conseil de sécurité pour éviter que les décisions concernant des pays extra-européens ne soient pas contestées par la communauté internationale ? Que faire en cas de blocage du Conseil de sécurité, comme il s'en est produit sur le Kosovo ?

En ce qui concerne la défense européenne, jamais les conceptions n'ont été aussi réalistes. Le sommet de Saint-Malo, en décembre 1998, s'est voulu beaucoup plus concret et on assiste à un changement radical de ton sur cette question. Le conseil européen de Cologne du 3 juin a repris les mêmes formules. Le 29 mai, en pleine crise de Kosovo, le sommet franco-allemand de Toulouse a proposé la création d'un corps européen de réaction rapide.

La conjonction de la crise du Kosovo et d'ambitions nouvelles en matière de défense européenne met en lumière la nécessité pour l'Europe de se doter de moyens militaires crédibles par rapport au partenaire américain, ce qui est loin d'être le cas actuellement. En revanche, il faut se féliciter de l'unité parfaite manifestée par les Européens membres de l'Alliance atlantique pendant cette crise, ce qui leur a permis de jouer un rôle décisif, par exemple dans le choix des cibles. De leur côté, les pays de l'Europe centrale et orientale ont eu un comportement remarquable. Tout cela devrait amener les États-Unis à mieux prendre en considération la force que représente l'Europe.

Au cours du deuxième semestre 2000, la France assurera la présidence de l'Union et aura donc un rôle déterminant à jouer pour faire avancer la défense européenne et la réforme des institutions.

Pour conclure, le groupe RPR, préoccupé par les conséquences peu lisibles de la fusion des ministères et par la stagnation du budget, en dépit de vos efforts appréciables, Monsieur le ministre, votera contre l'adoption de ces crédits.

M. le Président de la commission - Si je comprends bien, c'est un vote négatif constructif. (Sourires)

M. François Loncle - Ce budget marque-t-il un mieux par rapport aux précédents ? Oui, car l'érosion des crédits et des effectifs est stoppée, ce qui permettra de poursuivre la modernisation du ministère, et il reflète les priorités de notre politique étrangère. Non, car l'effort de redressement est insuffisant et doit être accentué. Notre groupe a d'ailleurs travaillé avec vous, Monsieur le ministre, pour inverser la courbe et nous nous félicitons des moyens nouveaux prévus pour l'audiovisuel et la coopération dans l'enseignement supérieur, du renforcement de l'effort de solidarité pour les Français de l'étranger, de l'augmentation des contributions volontaires aux organisations internationales et du maintien de l'aide au développement. Le déploiement recherché en matière de coopération commence à produire ses effets dans un certain nombre de nouveaux pays. On peut toutefois regretter que cette redistribution se fasse aux dépens de l'Afrique francophone. La réforme de la coopération devrait également permettre une meilleure lisibilité de la politique en ce domaine et une mobilisation des acteurs locaux.

Vous avez défini les objectifs de la politique extérieure de la France : nous les partageons. Nous célébrons actuellement le dixième anniversaire de la chute du mur de Berlin, qui est un des événements majeurs du siècle. Dans un monde dominé par la superpuissance américaine, les derniers mois ont été marqués par l'intervention au Kosovo, la reprise des pourparlers de paix israëlo-palestiniens, les événements du Timor et de la Tchétchénie, la poursuite de la construction européenne.

Un mot sur les Balkans. Nous approuvons vos efforts pour que les sanctions infligées à la Serbie pèsent moins sur le peuple serbe. Je m'étonne d'ailleurs du silence des médias et des intellectuels sur les événements inquiétants qui se déroulent actuellement au Kosovo : je lisais hier dans un article signé par quelques universitaires que les Serbes et les Roms restés sur place sont victimes d'exactions allant jusqu'au meurtre et que la Kfor est contrainte de protéger les monastères orthodoxes de la destruction. Nous saluons les efforts entrepris par nos militaires, par Bernard Kouchner et par la diplomatie pour éviter que ne se reproduisent les mêmes événements en sens inverse.

Le deuxième semestre de l'année 2000 sera marqué par la présidence française de l'Union européenne. Nous souhaitons que cette opportunité soit utilisée pour faire progresser l'Europe des citoyens, l'Europe des libertés, l'Europe de la sécurité, l'Europe de la politique étrangère commune et que l'ouverture à l'Est ne freine pas la vocation méditerranéenne de l'Union.

Parce que vos moyens sont confortés et que nous approuvons votre conduite de la politique extérieure de la France, le groupe socialiste votera ce budget.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Monsieur le ministre, j'ai écouté votre présentation avec beaucoup d'intérêt et je voudrais vous poser quelques questions.

Je me réjouis que les 85 millions économisés sur les postes de coopérants servent à soutenir des projets locaux, dans la même ligne que votre prédécesseur Alain Juppé. Mais sur les 92 postes créés dans votre ministère, seuls 20 seront à l'étranger : comment vont faire nos ambassades pour remplacer les coopérants ?

Je vous remercie d'avoir créé l'an dernier de nouveaux postes pour la Mission d'adoption internationale : les demandes d'information qui lui sont adressées sont passées de 79 000 à 95 000 en un an. Mais compte tenu de la réduction du budget des services consulaires, comment la surveillance des visas demandés pour les enfants adoptables pourra-t-elle être exercée ? Et pourquoi avoir réduit de 300 000 francs le budget social de la mission ? Enfin, où en est la signature de l'accord Vietnam-France sur l'adoption ?

Sur l'article 4, pourquoi la bonification d'intérêt des prêts d'ajustement structurel est-elle réduite de moitié, alors que le PNB de l'Afrique ne cesse de diminuer ? Pour les dons en faveur de l'ajustement structurel, la France s'aligne-t-elle sur la politique du FMI ?

Comment va être répartie l'augmentation de 25 millions des crédits de TV5 ?

Pourquoi la contribution obligatoire de la France à l'ONU reste-t-elle de 30 millions, alors que sa participation volontaire augmente de 30 millions ? S'agit-il d'un simple jeu d'écritures ?

Enfin, si je me réjouis des concours attribués à Strasbourg en tant que capitale européenne, est-il normal que l'État continue à financer la desserte aérienne de cette ville, alors que beaucoup d'autres ne bénéficient pas d'une telle manne ?

La position du groupe UDF sera celle d'une abstention favorable.

Mme Marie-Hélène Aubert - Je voudrais à mon tour souligner la faiblesse de ce budget. Avoir mis fin à la baisse ne doit pas porter au triomphe, si l'on considère l'importance des enjeux de la mondialisation et des problèmes auxquels il faut faire face. Si l'on veut s'y attaquer résolument, la faiblesse de ce budget paraît paradoxale.

Je vous poserai trois questions qui portent autant sur les finances ou les aspects sociaux que sur les affaires étrangères proprement dites, tant aujourd'hui il n'est plus de politique cloisonnée.

D'abord, nous sommes nombreux à demander un bilan de l'impact de la libéralisation des échanges et des accords de Marrakech sur tous les plans -économie, société, environnement- et chez nos voisins ou dans les pays du Sud comme en France. Il semble en effet qu'on se lance dans un nouveau cycle de négociations sans avoir dressé un bilan clair. Nous avons obtenu d'en débattre au Parlement et nous recevons plus d'informations des ministères, mais nous sommes encore loin du compte. Je souhaite donc savoir quel est le mandat de la France, dans le cadre de l'Union européenne, dans la perspective des négociations de l'OMC ? Chacun proclame son attachement aux normes sociales et environnementales. En pratique, on a peine à voir ce qui va dans ce sens. En particulier comment, avec des effectifs si peu nombreux, faire un bilan satisfaisant, des propositions et mener à terme des négociations aussi complexes ? Comment aussi faire progresser le droit international dans les domaines du commerce et de la lutte contre la corruption et faire respecter les conventions internationales qui ont été signées ?

Ma seconde question porte sur l'environnement et le développement durable. La cinquième conférence sur l'effet de serre se tient actuellement à Bonn. Des conventions importantes ont déjà été signées sur l'effet de serre, la désertification, les forêts ou les océans. Nous sommes nombreux à déplorer l'extrême lenteur -plusieurs années parfois- avec laquelle elles sont présentées pour ratification. On nous les soumet quelquefois un ou deux mois seulement avant l'échéance ! Cela jette le discrédit sur nos intentions face à des problèmes aussi urgents. Et j'y insiste de nouveau, pour que ces conventions aient une traduction concrète, il faut du personnel, comme il en faut pour répondre aux questions des parlementaires. Je regrette donc la faiblesse des effectifs face à l'importance des enjeux. Il y a là une véritable question politique car la gestion de l'eau et des ressources naturelles fait partie intégrante de la lutte contre la pauvreté et de l'aide au développement.

En troisième lieu, il faut repenser l'aide publique au développement. Elle n'a pas diminué en volume, mais reste largement insuffisante. Rationaliser, lutter contre les doubles emplois, l'absence de transparence, c'est bien. Il ne faut pas considérer pour autant que les crédits ne doivent pas augmenter. En réalité, rationalisation et augmentation de l'aide doivent aller de pair tant les chantiers sont immenses. Or, nous sommes très loin de l'objectif de 0,7 % du PIB avancé par l'ensemble des partenaires de la majorité, pour ne pas parler du 1 % qui serait souhaitable.

Trop d'acteurs répartis dans différents ministères s'ignorent. Il n'existe pas de base de données permettant d'avoir une vision claire de l'utilisation de ces crédits dans l'ensemble des pays concernés. Certaines situations sont scandaleuses. Des pays dotés de richesses pétrolières ou minières reçoivent des aides injustifiées sans qu'en contrepartie les droits de l'homme soient respectés ou que l'état de droit progresse. Or les objectifs essentiels de l'aide publique au développement doivent être de favoriser la mise en place d'un état de droit et le développement durable. Il faudrait poser ces conditions de façon plus exigeante. En outre, une aide publique au développement bien pensée serait un outil de prévention des conflits, de même que le recours au volontariat civil, et permettrait d'éviter certaines interventions militaires.

Enfin, il faut mieux associer les parlementaires, la société civile et les ONG à la mise en _uvre des politiques définies. M. Josselin a manifesté ce souci en ce qui concerne les ONG. Il reste vraiment beaucoup à faire et elles s'étonnent de l'accueil méfiant, voire glacial, qu'elles reçoivent dans certaines administrations.

Le groupe RCV déterminera son vote sur ce budget en fonction du débat et des réponses qui lui seront apportées.

M. Pierre Lequiller - Dans un contexte nouveau où la globalisation s'accélère et où la France assumera en 2000 la présidence de l'Union européenne, on a insisté à juste titre sur l'importance des missions du ministère des affaires étrangères pour assurer la sécurité et l'influence de la France et éviter que notre monde ne soit unipolaire.

Votre budget passe de 20,812 milliards à 20,945 milliards, soit une hausse de 0,64 % qu'il faut relativiser puisque l'on n'a pas tenu compte d'une inflation de 0,9 %. Il n'y a donc pas inversion, mais stabilisation de la baisse. D'autre part, de quelles marges de man_uvre disposez-vous pour corriger la sous-estimation de 24 % du taux de change avec le dollar ?

S'agissant de l'aide au développement, les subventions d'investissement restent identiques. La contribution à l'action humanitaire augmente, cette hausse étant de 10 % pour le fonds d'urgence. Votre ministère contribuera pour 300 millions au plan d'action humanitaire au Kosovo. Au détriment de quelles autres actions opère-t-on ce redéploiement ? Les concours financiers aux budgets des Etats les plus démunis sont passés de 590 millions en 1998 à 265 millions en 1999 et 160 millions en l'an 2000. A quelles actions servent les crédits ainsi dégagés ?

Les crédits destinés aux actions en faveur des Français de l'étranger augmentent légèrement, de 0,68 %. Nous aurions souhaité une hausse plus importante, notamment pour le fonds d'action sociale. D'autre part, même si cela ne relève pas strictement de votre ministère, j'appelle votre attention sur l'avenir de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Actuellement elle est excédentaire. Un projet de réforme risque de la mettre en déficit. Un rapport de l'IGAS est défavorable à ce projet. Je vous demande d'en faire valoir les conclusions auprès de Mme Aubry.

Je me réjouis du développement de l'audiovisuel extérieur et de TV 5 ainsi que de son expansion en Amérique, j'espère. Mais je m'inquiète devant la situation du réseau d'enseignement français à l'étranger qui est pourtant fondamental pour la francophonie et pour cette offensive culturelle que vous appelez de vos v_ux. Les établissements conventionnés ou en gestion directe ont de plus en plus de mal à remplir leur mission. Alors que les effectifs augmentent, les moyens de l'Agence diminuent en postes et en crédits. Le taux d'encadrement en personnel titulaire baisse et les frais de scolarité augmentent. Cette augmentation affecte les familles étrangères qui ne perçoivent pas de bourse ainsi que les familles françaises les plus modestes, le nombre de bourses ayant diminué. Pour que notre réseau d'enseignement joue pleinement son rôle, il doit aussi accueillir de plus en plus d'élèves étrangers. Or leur nombre diminue depuis trois ans tandis que celui des élèves français augmente. Que comptez-vous faire pour enrayer ce phénomène ? Enfin, dans le rapport sur l'enseignement à l'étranger que j'ai rédigé, j'indiquais la nécessité de redéployer les établissements, notamment vers l'Amérique du Nord et l'Asie. Quelles sont vos intentions dans ce domaine pour l'an 2000 ?

La coopération militaire et de défense comporte un volet d'aide en matériel. Ses crédits ne cessent de diminuer et passent de 789 millions à 754 millions dans ce budget. De même, le nombre de coopérants et d'assistants militaires techniques sera de 660 en 2000 contre 808 il y a deux ans. Il y a là un effet de la professionnalisation des armées qui était prévisible, mais rien n'a été fait. Comment pallier la disparition de ces postes ?

Enfin, je m'inquiète de la diminution de l'assistance technique de coopération et notamment de celle de l'aide au développement pour les pays du champ, en particulier les pays francophones. J'insiste à mon tour pour que l'aide soit assortie de conditions plus fortes en ce qui concerne la démocratie.

Etant donné la faiblesse de ce budget face aux missions à accomplir dans un environnement nouveau, le groupe DL votera contre.

M. Jean-Claude Lefort - Après la fusion des administrations des Affaires étrangères et de la Coopération, ce budget enraye enfin la compression des dépenses et la réduction des effectifs. Cela étant, il subsiste à nos yeux un décalage important entre ce qu'exigerait la nouvelle donne mondiale et les moyens affectés à notre politique étrangère. Le redressement engagé ne doit donc être qu'une première étape et nous serons vigilants à l'avenir.

La marginalisation, voire la tétanisation de l'ONU à l'occasion de la guerre du Kosovo, l'importance donnée à l'OMC et ses liens avec les institutions onusiennes montrent bien à quel point le système mondial évolue. En même temps, le rapport du PNUD souligne l'aggravation des inégalités dans le monde. Dans un tel contexte, c'est le concept même de sécurité qui se modifie pour inclure une dimension sociale, économique et les préoccupations de démocratie et d'environnement.

Cette situation détermine une demande accrue de démocratie qu'il convient de prendre en compte. Or je constate que le sommet d'Istanbul de l'OSCE se prépare actuellement dans l'opacité, ce qui ne peut qu'affaiblir le rôle pourtant majeur de cette organisation. M. Tavernier a également rappelé le projet d'organiser un débat parlementaire annuel sur la politique de coopération, à partir d'un document recensant clairement les interventions par institution, par pays et par secteur d'activité. Or, ce projet ne se concrétise toujours pas, mais on pourrait faire la même observation s'agissant des perspectives de l'Union et de la situation au Kosovo.

Il est positif que le ministère de la coopération ait défini des zones de solidarité prioritaire, élargi les compétences de l'Agence française de développement et installé le Haut conseil de la coopération internationale. Reste à lever les incertitudes entourant le contrôle parlementaire du fonds de solidarité.

On ne peut parler de l'aide au développement sans évoquer les menaces que les décisions de l'OMC font peser sur la politique commerciale préférentielle que mène l'Union à l'égard des pays de la convention de Lomé. La France doit impérativement _uvrer au maintien de ce soutien spécifique à 71 Etats qui sont pour elle autant d'alliés importants. Il y va de la construction d'un monde réellement multipolaire.

Pour marquer son encouragement vigilant aux efforts en cours, le groupe communiste votera ce budget.

M. le Président de la commission - Les ministres vont maintenant répondre aux rapporteurs, avant que nous en venions aux questions individuelles. En accord avec tous deux, et comme il a été beaucoup question de la réforme du ministère de la coopération et de l'aide au développement, je donnerai d'abord la parole à M. Josselin.

M. le Ministre délégué - Je vous remercie de vos questions nombreuses, qui sont le signe de l'intérêt que vous portez à la coopération, et je m'efforcerai d'y répondre de façon complète et précise.

Pour ce qui est du débat parlementaire, puis-je vous proposer un calendrier ? Le Haut conseil, que doit présider votre collègue Jean-Louis Bianco, sera installé le 26 novembre. Il pourra alors se consacrer à l'élaboration d'un rapport qui sera à la fois un bilan et un document d'orientation. Le prochain CICID devrait quant à lui se réunir vers le mois d'avril : si l'on veut que vos suggestions servent son travail, votre débat pourrait se tenir en mars, ce qui laisserait trois mois pour l'élaboration du rapport. En outre, vous interviendriez au moment où l'on définira les orientations budgétaires pour 2001 : inutile d'insister sur l'intérêt de cette coïncidence.

M. Védrine et moi-même sommes, bien entendu, favorables à ce que le Parlement exerce son contrôle dans sa plénitude. Cependant, je ne puis que regretter l'amendement que se propose de déposer cet après-midi M. Adevah-Poeuf, amendement qui vise à supprimer le chapitre 68-93 : il est d'autres moyens de marquer votre volonté de préserver votre contrôle que de supprimer des crédits. S'agissant de la réforme du fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence de développement, je suis prêt à me réunir avec vous pour examiner les moyens propres à préserver vos prérogatives.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Ma proposition de supprimer le 68-93 ne vise pas à priver le ministère des affaires étrangères d'un milliard de crédits mais, l'article 40 ne s'appliquant pas à l'Assemblée avec les nuances dont bénéficie le Sénat, je n'avais pas d'autre moyen à ma disposition. Vous avez cependant tout loisir de déposer vous-même un amendement pour réintroduire ces crédits au chapitre 68-91.

M. le Président de la commission - Dans un système cadenassé, les moyens de forcer le dialogue sont en effet peu nombreux. Il conviendrait certainement de déverrouiller et je suis sûr qu'un démocrate comme vous le comprend, Monsieur le ministre délégué.

M. le Ministre délégué - La commission des finances est souveraine et le vieux parlementaire que je suis ne peut que comprendre votre point de vue.

MM. Tavernier, Bianco et Lequiller ont soulevé la question du financement de l'aide d'urgence destinée au Kosovo. Nous avons consacré 300 millions à l'aide humanitaire et à la reconstruction en mettant à contribution les crédits de la coopération technique et culturelle et le FAC notamment. Cependant, M. Kouchner, que j'ai rencontré hier à Strasbourg, m'a confié que, si les ministres des finances étaient favorables aux programmes présentés sur projet, ils comprenaient moins bien la nécessité où il se trouvait de payer les fonctionnaires indispensables pour faire fonctionner écoles et hôpitaux.

De notre côté, nous étions comme tous les autres ministères confrontés à une demande de régulation budgétaire. Notre seul choix était entre financer cette aide au Kosovo ou être victimes de cette régulation. Finalement l'opération s'est révélée intéressante pour nous puisqu'elle nous a permis de garder la maîtrise de cette assistance. Pour 2000, l'évaluation des besoins de reconstruction est en cours et les bailleurs bilatéraux et multilatéraux seront sollicités. Pour l'instant, la position de la France serait plutôt d'exercer une pression sur l'Union européenne pour qu'elle prenne sur les moyens mis à sa disposition. Restera bien sûr à financer le fonctionnement des administrations : nous avons renforcé nos équipes en leur adjoignant des spécialistes, car il nous faut, avant tout, bien utiliser les crédits disponibles.

L'Afrique a-t-elle été sacrifiée dans la réforme ? Certains ont cru comprendre que le Quai d'Orsay avait saisi l'occasion qu'il attendait depuis longtemps de mettre la main sur les crédits de la coopération. Certes, les redéploiements vont permettre une présence accrue de la France en Amérique du sud et en Asie, mais la diminution des crédits destinés à l'Afrique, notamment à l'Afrique francophone, s'explique pour une bonne part par l'amélioration de la situation financière dans plusieurs pays de ce continent -puisque le taux de croissance est, pour plusieurs, quoi qu'on dise, supérieur à 5 %- ainsi que par les situations de crise qui ont interdit de consommer les crédits prévus pour le Congo, le Togo, le Niger ou la Guinée-Bissau. Pour ce qui est de la coopération technique, la déflation des effectifs était commencée depuis longtemps puisque le nombre des coopérants était tombé de près de 30 000 à 2 000. Il convenait de fait d'abandonner ce qu'on pourrait appeler la coopération de substitution, car il apparaît à tous égards préférable de former dans chacun des pays concernés des gens qualifiés. Comme le montre un rapport en cours de rédaction, nous avons davantage besoin d'experts que de coopérants. La coopération change donc de nature et nous pouvons par conséquent continuer à organiser sans trop de difficulté une réduction maîtrisée des effectifs de coopérants techniques.

Edufrance, Monsieur Hage, rencontre déjà un très grand succès comme le prouve l'afflux d'étudiants. L'accueil des étudiants étrangers en France a naturellement fait l'objet de discussions très serrées avec le ministère de l'Education nationale. Dans ce cadre, la question de la gratuité a été posée. Autant il est clair que cette gratuité doit s'appliquer à l'accès à nos universités, autant on peut en débattre s'agissant des services annexes : logement, activités culturelles et sportives, insertion sociale. Nous nous sommes demandé s'il ne serait pas envisageable de mettre au point une prestation globale, qui pourrait être payante. L'exemple de ce qui se fait à l'étranger prouve que la gratuité n'est pas toujours attractive et nous devons réfléchir à des modes d'accueil nouveaux.

Le montant des bourses a, par ailleurs, été accru dans des proportions notables. Quant aux bourses d'excellence évoquées par Mme Isaac-Sibille, une centaine sont gérées par l'AEFE et 850 par la Bourse Eiffel, qui disposera de 85 millions l'an prochain. Les premières sont destinées aux étudiants les plus brillants, les secondes aux étudiants des deux premiers cycles se destinant à des carrières d'ingénieur ou d'administrateur.

La résistance culturelle à laquelle incite M. Hage s'exprime notamment par la francophonie. Je n'y reviendrai pas, sauf pour rappeler qu'à Hanoï, il a été décidé d'accorder une forte priorité à la réalisation d'autoroutes de l'information en français, en coopération avec nos partenaires du Sud. Nous nous efforçons aussi d'encourager la pratique de notre langue dans toutes les enceintes internationales et de former au français les jeunes diplomates des pays du Sud. Notre souhait est que, partout où le français est reconnu comme une langue de travail, nos compatriotes usent de cette faculté. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas et cela incite les francophones des autres pays à s'exprimer à leur tour en anglais. En revanche, j'ai pu constater hier à Strasbourg que les ministres russe, ukrainien, bulgare et grec étaient disposés à recourir à notre langue, une fois que je me fus moi-même exprimé en français.

M. Bloche a souligné l'effort accompli en faveur des bourses et de TV5. Sur ce dernier point, les discussions se poursuivent entrent les «Canado-Québécois» et les Français pour améliorer la qualité du signal qui concerne à la fois l'Amérique du Nord et l'Amérique latine. La conférence ministérielle qui devait avoir lieu sur ce sujet a été reportée, mais un nouveau patron a été nommé à la tête du consortium Canada-Québec. D'autre part, comme vous, Monsieur Bloche, nous sommes très attentifs à l'augmentation des moyens de RFI et à sa restructuration.

Pour employer une métaphore marine, Monsieur Adevah-Poeuf, je dirai qu'une partie de votre questionnaire a été victime d'un coup de vent. En effet, le taux de réponse à vos questions n'a été que de 55 % au lieu de plus de 85 % à 98 % pour les autres rapporteurs. Soyez sûr que des têtes vont tomber ! (Sourires)

En ce qui concerne l'office universitaire franco-algérien, les crédits inscrits à ce budget ne sont que résiduels, puisque cet organisme n'a plus aucune activité en Algérie. Ces crédits sont uniquement consacrés à l'entretien des bâtiments dont l'office est propriétaire. Bien entendu, si la coopération avec l'Algérie redémarrait, nous redonnerions à cet office les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions.

D'autre part, vous avez observé une baisse des crédits du chapitre 42-12 au bénéfice du 42-11. C'est le résultat d'un arbitrage qui a été rendu en faveur de la coopération culturelle et au détriment de la coopération technique. Le partage qui avait été effectué par approximation à l'été 1998 a été revu au cours de l'année 1999, une fois connu l'organigramme définitif. En ce qui concerne les crédits de l'Agence Française de Développement, c'est après le sommet de La Baule qu'ont été identifiés dans des chapitre budgétaires distincts le Fonds de solidarité prioritaire, d'une part, l'AFD de l'autre dont les compétences sont élargies à la maîtrise d'_uvre des infrastructures en matière de santé et d'éducation. Nous veillerons à ce que cette réforme ne porte pas atteinte à l'exercice du contrôle parlementaire.

M. Loncle a parlé de l'Afrique sacrifiée. Je croyais avoir répondu sur ce point. Cela dit, le partage très inégal des ressources au bénéfice de certains pays africains s'explique par des situations particulières comme par exemple, la présence d'une de nos bases militaires très importante à Djibouti. Si certains pays riches en ressources naturelles telles que le pétrole semblent être mieux dotés que d'autres, c'est parce que les chiffres qui apparaissent correspondent à des prêts que ces pays peuvent rembourser.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Ils le font avec l'argent que nous leur prêtons !

M. le Ministre délégué - Alors que les pays les plus pauvres reçoivent des dons, ceux qui sont capables de rembourser obtiennent des prêts et les sommes en jeu ne sont pas les mêmes. Toutefois nous sommes en train de rectifier le tir, et j'observe que les chiffres que vous avez cités datent de 1997. Le rapport du Haut Conseil nous éclairera sur les redistributions à opérer au bénéfice ou au détriment de certains pays.

Mme Marie-Hélène Aubert s'est préoccupée du traitement des questions sociales et environnementales par l'OMC. J'ai rencontré le nouveau patron de l'OMC à Genève : les Etats-Unis viennent de présenter un texte qui fait référence à ces questions. La France et l'Allemagne avaient déjà fait une proposition comparable. Nous attendons que la Commission européenne la reprenne, mais nous savons les résistances très fortes des pays en voie de développement sur ces deux points. J'ai cependant rappelé la volonté de la France que les négociations qui s'ouvrent intègrent les préoccupations sociales et environnementales. En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, l'idée est que les marges de man_uvre dégagées grâce à l'effacement de la dette publique des pays en voie de développement servent à atteindre cet objectif. Cela dit, la progression vers la démocratie, indissociable de la lutte contre la pauvreté, suppose des Etats construits. Aussi devons-nous aider les Etats concernés à se doter par exemple d'une police ou d'une justice, même si la société civile n'est pas toujours sensible à cette nécessité. S'agissant du volontariat civil, le Sénat a adopté à l'unanimité le projet de loi que nous lui avons présenté il y a quelques semaines, pour remédier aux effets de la suppression du service national. Cette loi introduit des innovations, notamment en ce qui concerne l'aide au développement.

Il est exact, Monsieur Lequiller, que la qualité de l'enseignement du français à l'étranger est très inégale selon les Alliances françaises et les pays concernés. Nous en sommes très conscients. Nous veillerons à éviter que la baisse de la qualité de l'enseignement n'affaiblisse notre influence. Pour ce qui est de l'accueil des étudiants étrangers, nous avons dynamisé le CIES pour augmenter l'attrait des universités et des grandes écoles françaises auprès des pays étrangers.

M. Charles Ehrmann - Une nouvelle fois je tiens à rappeler au ministre des affaires étrangères que l'Union européenne, c'est la paix. C'est une question politique et les perspectives que vous avez évoquées, Monsieur le ministre, m'inquiètent. M. Prodi a réuni un comité de trois sages dont la France ne faisait pas partie. Or il est vital de trouver une solution institutionnelle satisfaisante. A défaut, l'Europe ne sera que commerciale et non politique.

S'agissant de la défense de la langue française, la responsabilité incombe à chacun de nous. Le rapport du Haut conseil de la francophonie de janvier 1999 fait apparaître une dégradation de l'emploi du français. Mais j'observe qu'au Conseil de l'Europe, où l'anglais et le français sont les deux langues officielles, la plupart des intervenants s'expriment en anglais. Ainsi, quand le Premier ministre roumain, ancien député du Conseil de l'Europe, a remercié à Strasbourg ses anciens collègues en français, la présidente allemande, pourtant professeur de français, l'a remercié comme elle l'avait accueilli, en anglais. J'ai envoyé une lettre de protestation. La francophonie n'est pas une forteresse assiégée par l'anglais : elle a les moyens de se défendre. Nous devons notamment ouvrir nos universités aux étudiants étrangers et augmenter les crédits destinés aux instituts, lycées et alliances françaises qui font un travail admirable. Disposez-vous, Monsieur le ministre délégué, des moyens nécessaires à cette fin ?

Le groupe DL votera contre ce budget, mais personnellement j'ai décidé de le voter, estimant que la politique étrangère est bien conduite par M. Védrine. Du reste, depuis dix-huit ans que je siège à la commission des affaires étrangères, je n'ai jamais vu de changement de politique que le ministre soit de gauche ou de droite ! (Applaudissements et sourires)

M. le Président de la commission - Je ne sais si votre remarque sera prise comme un éloge ou comme une critique...

M. Arnaud Montebourg - Ma question a trait à la politique de la France à Djibouti, et s'adresse à M. le ministre délégué. Certes, il convient de soutenir les efforts de démocratisation de certains pays, mais je tiens à rappeler les atteintes gravissimes aux libertés publiques commises par la République de Djibouti à l'égard de ses opposants politiques, et dont ont été notamment victimes des militants syndicaux, des avocats et des journalistes. De l'avis concordant des organisations non gouvernementales, la République de Djibouti est dans une situation qui mérite un traitement aussi particulier que celui que vous semblez lui appliquer au regard des droits de l'homme.

Les atteintes aux libertés publiques se doublent d'atteintes aux intérêts français. On déplore en effet des violations répétées de la convention d'entraide judiciaire qui permettait aux avocats français de plaider à Djibouti, les avocats locaux ne pouvant plus le faire. Des avocats, mais aussi des journalistes français ont été reconduits à la frontière. Ainsi, une équipe de France 2 qui enquêtait sur l'utilisation de l'argent public français à Djibouti a été expulsée après saisie de ses documents de travail.

Nous n'avons pas entendu le Quai d'Orsay à ce propos et son silence me paraît singulièrement original... Par ailleurs, des soupçons planent sur le meurtre d'un magistrat français en poste à Djibouti, qui fait l'objet d'une information judiciaire. La discrétion de notre diplomatie est difficilement acceptable, d'autant que nos contribuables financent un effort surhumain pour ce territoire minuscule : 30 millions en 1998 et 65 millions en 1999.

Monsieur le ministre délégué à la coopération, je veux au moins vous remercier d'avoir assisté à une réunion du groupe d'amitié France-Djibouti. Son activité se limite au contrôle parlementaire de nos liens avec ce pays depuis que j'en ai été expulsé manu militari.

Le 23 mars 1999, vous nous aviez promis un rapport sur les crédits alloués à Djibouti. Sur les 65 millions prévus pour 1999, 10 millions étaient sans affectation. Nous attendons toujours ce rapport. J'ajoute qu'à mon égard, le taux de non réponse de votre administration est voisin de 100 %. Je ne suis, il est vrai, qu'un député de base...

Je ne voterai pas ce budget en l'état. Le ralliement de M. Ehrmann compensera ma défection. J'ai demandé à mon groupe l'autorisation de déposer un amendement visant à retrancher du budget de la coopération 95 millions de crédits, c'est-à-dire l'équivalent des sommes versées depuis deux ans à Djibouti sans aucune contrepartie.

M. Jean-Louis Bianco - Je voudrais savoir si le Gouvernement partage l'analyse que j'ai faite dans mon rapport de la crise au Kosovo.

M. Jacques Myard - Contrairement à ce qui a été dit, le budget des affaires étrangères diminue en francs constants puisqu'il n'augmente que de 0,64 %, alors que l'inflation est de 0,9 %. Comme le disait le général de Gaulle d'un pays d'Amérique latine, c'est un budget d'avenir, mais il le restera longtemps...

Le manque de moyens de ce ministère n'a rien de nouveau. Nous devions prendre une initiative à cet égard, Monsieur le président de la commission, mais vous n'avez pas répondu à ma lettre du mois d'août.

M. Védrine prend parfois des accents gaulliens, à tel point que je lui ai proposé un jour de rallier le parti gaulliste...

Plusieurs députés - Lequel ?

M. Jacques Myard - Le seul. Pourtant, la France continue d'aliéner sa liberté d'action. De procédure en procédure, elle s'étiole. Nous rentrons dans le rang, à la plus grande satisfaction de certains de nos partenaires, longtemps agacés par des prises de position qui les tiraient de leur torpeur.

La politique étrangère a pour finalité de garantir la sécurité du pays. Or, le 24 avril dernier, à Washington, l'Alliance atlantique a défini un nouveau concept stratégique. Les points 25, 29 et 43 autorisent l'OTAN à intervenir pour résoudre des crises ne relevant pas de l'article 5 du Traité. Quand le Parlement sera-t-il consulté ? Quand pourra-t-il se prononcer sur cette nouvelle définition de l'Alliance atlantique ?

S'agissant de la francophonie, je m'associe aux propos du camarade Hage et de notre doyen. Nous sommes des citoyens en colère. L'irresponsabilité de certains hauts fonctionnaires dépasse les bornes et nous demandons des sanctions. Quant au journal télévisé en langue anglaise que France 3 nous a délivré cet été, j'attends encore la réponse du ministère de la culture.

Par ailleurs, j'ai écrit au Premier ministre pour demander la création d'un institut culturel en Rhénanie sur le lieu que notre ambassade quitte pour s'installer en Brandebourg. Nous sommes en train de rater une occasion. De même, je ne comprends pas votre décision de fermer notre consulat à Leipzig. La Saxe est un grand land de l'Est et la France doit y être présente.

M. Jacques Godfrain - Avant d'interroger M. Josselin, je veux préciser que j'apprécie l'énergie qu'il déploie en Afrique. Sa tournée dans la région des Grands lacs a été fructueuse.

Il y a deux ans, on nous a annoncé de manière tonitruante qu'on lierait désormais le contrôle des phénomènes migratoires à l'aide au développement. Un délégué a même été nommé, mais M. Sami Naïr ayant été élu au Parlement de Strasbourg, il a quitté son poste sans nous remettre son rapport. Nous restons sur notre faim, alors que le Premier ministre avait annoncé des mesures importantes au cours de son déplacement au Mali.

J'ai lu beaucoup de choses, exactes ou inexactes, dans les différents rapports. Je ne peux accepter, par exemple, qu'on parle de «paternalisme» à propos de notre politique de coopération. En revanche, je n'ai rien vu sur le lien entre phénomènes migratoires et développement. Je sais que le Haut conseil, sous la présidence de M. Bianco, va ouvrir un débat sur cette question et je m'en félicite. Mais le Gouvernement doit aussi respecter ses engagements.

Pas plus que la démocratie, notre diplomatie en Afrique ne doit obéir à des effets de mode. Récemment à l'UNESCO a été remis le prix Houphouët-Boigny, en présence du président sénégalais et de M. Kissinger. Le gouvernement français n'était même pas représenté. Il y a dix ans, le président Mitterrand a participé en personne à cette cérémonie. Montrons davantage de considération à l'égard de nos partenaires africains.

M. Loïc Bouvard - Dans certains pays francophones ou francophiles, comme la Moldavie, les moyens de notre politique de coopération culturelle, déjà faibles, continuent de diminuer. La situation est particulièrement critique en Albanie. En revanche, l'Allemagne, l'Italie, les Etats-Unis renforcent leur coopération bilatérale avec ces pays, où leur influence devient de plus en plus prépondérante.

Monsieur Védrine, je vous ai interrogé l'année dernière sur le nombre insuffisant de nos attachés commerciaux à l'étranger. Dans les anciens pays communistes, où je me rends régulièrement du fait de mon rôle au sein de l'Assemblée du Traité de l'Atlantique Nord, la situation ne s'est pas améliorée. Il faut agir. Il en va de l'influence française dans une région en plein bouleversement.

M. Bernard Schreiner - Monsieur le ministre des affaires étrangères, en tant que rapporteur du budget de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je souhaite appeler votre attention sur la situation financière particulièrement préoccupante de cette organisation. Pour la troisième année consécutive, son budget stagnera en termes réels, sauf si la France accepte de lui apporter des ressources supplémentaires.

Le Conseil de l'Europe n'est pas en mesure de faire face aux dépenses additionnelles liées au fonctionnement de la nouvelle Cour européenne des droits de l'homme, à la création du poste de Commissaire aux droits de l'homme et aux programmes d'assistance technique aux pays d'Europe de l'Est.

Je vous demande donc avec insistance de créer une ligne budgétaire spécifique pour le Conseil de l'Europe et aussi de modifier le calendrier budgétaire en reportant à octobre la fixation du plafond de cette contribution : cela permettrait aux parlementaires de faire des suggestions et laisserait une marge de man_uvre pour des arbitrages.

M. René Mangin - L'élection de Ehud Barak a ouvert un nouveau champ diplomatique à la France dans les pourparlers de paix, comme vous l'avez souligné, Monsieur le ministre. J'aimerais que vous nous exposiez concrètement vos intentions et initiatives.

Ma seconde question concerne la position que pourrait adopter la France en ce qui concerne l'embargo contre l'Irak. Le peuple irakien est en train de mourir à petit feu et il me semble qu'il faudrait être beaucoup plus incisif pour faire prendre en compte ce drame.

M. Yves Dauge - En ce qui concerne la coopération, je crois urgent que vous expliquiez davantage vos intentions aux personnels concernés, sinon la réforme se fera dans un mauvais climat. La notion d'expertise ne doit pas se développer au détriment de l'appui institutionnel.

Par ailleurs, je vous alerte sur la baisse des autorisations de programme en faveur de l'Agence française pour le développement, au moment même où l'on étend son champ d'intervention : en dix ans ces crédits sont passés de deux milliards à un milliard !

Enfin, je regrette la baisse des crédits affectés à la coopération décentralisée. Vous avez évoqué la possibilité de prévoir une ligne budgétaire spécifique dans les contrats de plan. Je pense que ce serait une très bonne chose.

M. Bernard Cazeneuve - Les prérogatives du Parlement se sont peu exercées jusqu'à présent sur les accords de coopération militaire, en particulier avec les pays africains du champ. Des accords de coopération militaire ont-ils été récemment signés ou négociés sans que notre commission en soit informée ? Quel est le statut des accords de défense signés avec certains pays où la situation des droits de l'homme pose problème - je pense en particulier au Togo ? Ces accords ont été signés dans les années soixante dans un contexte très différent, ils devraient être revus. L'accord de coopération militaire technique avec le Togo est actuellement en cours de réexamen, avez-vous précisé : selon quels critères s'opérera ce réexamen ? Nous ne souhaitons pas nous retrouver dans la même situation qu'avec le Rwanda, avec lequel un accord de coopération militaire avait été signé dans les années soixante-dix et renégocié en 1983 et 1992 sans que nous soyons réellement informés.

Lors d'un Conseil de la défense de 1998, il a été décidé d'affecter 3 % des crédits de coopération militaire consacrés aux pays du champ aux États d'Europe centrale et d'Asie du sud-est. Mais il n'a pas été précisé à quel type d'actions ils seraient affectés. Autant je trouve souhaitable que la part de l'Afrique diminue, notamment en substituant le soutien aux écoles militaires régionales à une intervention directe de nos forces, autant il faut accentuer la coopération militaire avec l'Europe centrale et orientale, compte tenu des enjeux de la coopération européenne et aussi dans l'intérêt de nos industries de défense.

Mme Odette Trupin - Je me réjouis des propos encourageants des ministres et des rapporteurs concernant le développement de l'effort français en matière de francophonie. Mais ayant eu à intervenir à l'étranger dans le cadre de l'assemblée parlementaire francophone, j'ai pu sentir chez nos interlocuteurs une attente impatiente, voire un certain découragement : les réponses françaises manquent de lisibilité. Comment allez-vous remédier à cette difficulté ?

Deuxième question, comme l'a souligné M. Tavernier, bien que le français soit langue officielle et langue de travail dans les organisations internationales, il a du mal à conserver son statut. L'anglais a assis sa suprématie aux Nations-Unies et est en passe de le faire dans l'Union européenne. Le danger est sournois mais réel. Quelles actions comptez-vous entreprendre pour y réagir ?

M. Rudy Salles - Ma question concerne la situation des retraités français ayant cotisé aux caisses locales africaines. Certains ne perçoivent pas les pensions dues, notamment au Congo, et les autres subissent les effets de la dévaluation du CFA. La compensation décidée en 1994 est insuffisante et n'a pas été reconduite. Pourquoi ne pas envisager une compensation intégrale et le paiement des arriérés de retraites non versées par les caisses africaines ? L'État français pourrait récupérer ces montants ultérieurement. Environ 3 000 personnes sont concernées.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - De très nombreuses questions précises ont été posées. Compte tenu du peu de temps qui nous reste, il m'est matériellement impossible de répondre à toutes maintenant. Je vous propose de revenir sur les grands sujets évoqués notamment par les rapporteurs et les présidents de groupe, étant entendu que répondrai par écrit aux autres questions.

J'apprécie beaucoup le soutien et les appréciations généralement positives que vous avez portés sur notre action. Même s'il serait logique qu'ils s'accompagnent du vote de ce budget, je comprends la situation de ceux qui n'ont pas cru devoir apporter leur concours.

Plusieurs orateurs ont insisté sur le dilemme que connaît actuellement l'Union européenne du fait de la contradiction entre renforcement et élargissement. Les deux objectifs sont impératifs, il faut arriver à les concilier. Cela implique de bien négocier, de façon à ce que les pays candidats entrent dans l'Union européenne au moment où ils sont en état d'y entrer et où l'Union européenne est en état de les accueillir. Un consensus se dessine pour ouvrir les négociations à tous les pays candidats, mais sans annoncer de date de conclusion. En revanche, en ce qui concerne la réforme institutionnelle, nous avons accepté à Helsinki de fixer des dates d'objectifs. La conférence intergouvernementale devra apporter des réponses aux trois questions non réglées à Amsterdam : la modification de la pondération des voix, élément clé pour élargir le vote à la majorité qualifiée, qui est le second point, et enfin la réforme de la composition et du fonctionnement de la Commission pour qu'elle reste gérable et efficace. Si l'Europe ne réforme pas ses institutions, elle sera paralysée par l'élargissement. Nos partenaires l'ont compris et les pays candidats également. La démagogie en la matière est inopportune et je crois que nous sommes en train de surmonter les polémiques du passé sur ce sujet.

Un mot sur la présidence française : vous dites que nous allons régler la question de la politique de défense européenne et terminer la réforme institutionnelle -pourquoi pas aussi éteindre le paupérisme ? (Sourires). Restons prudents. Nous ferons de notre mieux, nous irons aussi loin que possible, mais nous ne pouvons pas décider à la place des autres gouvernements, de la Commission, du Parlement européen et des parlements nationaux. Si nous réussissons à achever la réforme institutionnelle, tant mieux, mais si ce n'est pas le cas nous passerons le relais à la présidence suédoise.

En ce qui concerne la politique de défense, nous essaierons de donner corps à la notion de pilier européen de défense. La crise du Kosovo a ouvert les esprits à cette perspective mais jusqu'à présent elle ne se traduit pas dans les décisions budgétaires, ce que ne manque pas de nous faire remarquer notre partenaire américain. Cela ne nous empêche pas d'avancer, d'autant que les pays qui étaient auparavant hostiles à cette idée ressentent aujourd'hui une certaine gêne.

En ce qui concerne la PESC, il n'y aura pas, Monsieur Myard, d'harmonisation à la baisse. D'ailleurs, l'Europe n'a pas décidé de se doter d'une politique étrangère unique. Nous voulons renforcer la partie commune qui vient s'ajouter aux politiques étrangères nationales. Mais ce n'est pas en réduisant celles-ci, surtout lorsqu'elles sont fortes comme l'est celle de la France, que nous ferons progresser une politique étrangère européenne.

A propos du sommet de Washington, Monsieur Myard, nous partageons votre vigilance mais non vos conclusions. Il faut citer les articles que nous avons obtenus dans le traité pour rappeler le rôle du Conseil de sécurité, notamment en ce qui concerne l'emploi de la force. Nous avons réussi à ce que la gestion de la crise du Kosovo par l'OTAN constitue une exception et non un précédent. L'OTAN conserve une liberté d'action qui ne met pas en cause les prérogatives définies par la Charte.

M. Jacques Myard - Et les prérogatives du Parlement ?

M. le Ministre - Il n'y a pas là de contradiction. En tous cas le sommet de Washington n'a pas constitué une révolution stratégique.

L'OMC constitue, bien sûr, une de nos grandes préoccupations puisque nous voulons un monde multipolaire, un monde de la diversité. Dans cet esprit, mieux vaut qu'il existe une enceinte comme l'OMC où l'on négocie en permanence. Auparavant, la loi du plus fort l'emportait et le comportement du Sénat américain en offre une illustration caricaturale. Il est bon qu'existe un organe de règlement des différends. Nous sommes mécontents lorsqu'il ne nous donne pas raison, mais les Etats-Unis le sont plus encore, au point qu'il y a chez eux un courant militant pour sortir de l'OMC.

L'OMC traite des questions commerciales, ce qui est déjà vaste. Il y a évidemment contradiction entre désir de générosité, de solidarité, d'aide au développement et une ouverture absolue des échanges. Nous voulons continuer à affirmer l'exception culturelle nationale avec pour objectif la défense de la diversité. Sur le plan purement commercial, nous avons énormément à gagner au développement des échanges qui ajoué un rôle déterminant dans la croissance française de ces trente dernières années. Mais dans le domaine de la culture, il nous faut des protections, notamment face au progrès technologique.

En ce qui concerne les aspects sociaux et le développement, dans ces négociations nous sommes demandeurs. Pour les normes sociales, le clivage passe entre les pays développés et les autres, qui disent que si nous avions respecté les mêmes contraintes au moment de notre décollage économique, nous serions toujours dans la même situation qu'en 1750. Il faudra donc discuter pour aboutir à un compromis, en essayant d'agir progressivement. Par exemple, il faut s'attaquer d'abord aux formes les plus intolérables du travail des enfants. Jusqu'où pourra-t-on aller dans l'imposition des normes sociales ? On peut penser à établir un lien entre les travaux de l'OMC et de l'OIT, mais il faut éviter que l'ensemble des pays en développement y voient un calcul pour empêcher leur croissance.

S'agissant de l'environnement, nos demandes sont légitimes et la question du climat notamment est essentielle. Mais nous sommes pris en étau entre les Etats-Unis qui sont les pays les plus pollueurs et les moins disciplinés, et les pays en voie de développement qui disent que nous avons déjà pollué pendant deux siècles et que eux ont encore besoin de le faire pendant une centaine d'années. On ne peut évidemment accepter la situation telle qu'elle est et il nous faut trouver des alliés qui, comme vous le voyez, ne sont pas les mêmes selon les questions en jeu.

Nous sommes favorables à l'élargissement du Conseil de sécurité. Il doit être représentatif de l'ensemble du monde et non constituer le syndicat des pays riches de l'hémisphère nord. Cependant pour qu'il soit efficace, il faut conserver le droit de veto. Sa réforme est inséparable des efforts que nous faisons pour que l'ONU retrouve sa légitimité.

On débat beaucoup actuellement des rapports entre souveraineté nationale et droit d'ingérence, pour utiliser un terme très populaire en Europe mais très impopulaire à l'ONU où il rappelle le colonialisme. Ceux qui y défendent cette idée parlent plutôt de droit d'intervention. L'équilibre actuel entre souveraineté et intervention n'est pas satisfaisant. Il faut procéder à une réforme sans jeter la souveraineté par-dessus les moulins.

M. Jacques Myard - Bravo !

M. le Ministre - Quand le pouvoir des Etats recule, le plus souvent ce n'est pas l'état de droit qui s'instaure, mais la loi de la jungle ou des mafias. Il faut certes remplacer des Etats déficients ou répressifs par des Etats modernes, mais dans état de droit il y a la notion d'Etat. Travaillons à un transfert «d'ingénierie démocratique» sans tomber dans la naïveté libérale de croire que tout recul de la souveraineté aboutirait à un progrès. La débâcle de l'URSS avec tous les problèmes qu'elle a posés est là pour le montrer. On ne peut pas regretter le passage à la liberté, mais il faut gérer la suite. En édictant de nouvelles règles, il ne faut pas brader la souveraineté nationale, mais limiter l'utilisation abusive que peuvent en faire des régimes incapables d'évoluer. Sur ce problème, il faut trouver un nouveau consensus, en préservant le Conseil de sécurité.

Je n'ai pas le temps de traiter du Proche-Orient. Nous sommes heureux de voir les négociations redémarrer même si elles seront très difficiles. La France se rend utile en incitant au dialogue et en apportant ses idées aux uns et aux autres en fonction de leurs demandes et de leur réceptivité. Nous sommes, bien entendu, très présents. En ce qui concerne l'Irak, nous ne cessons pas notre pression et nous avons fait des propositions il y a dix mois environ au Conseil de sécurité pour sortir de la situation actuelle en établissant un système de contrôle correct, dont même les Etats-Unis et les pays voisins de l'Irak reconnaissent le besoin, et pour lever un embargo destructeur de la société irakienne et qui n'a plus d'intérêt stratégique ni de sécurité. On peut même dire qu'il est inefficace et hypocrite puisqu'il est tourné par le régime et par ses hommes.

Je le répète, j'ai bien noté la trentaine de questions de détail que vous m'avez posées. Il sera répondu à chacune de façon précise.

M. le Président de la commission - Si vous voulez bien m'en remettre copie, je les transmettrai aux membres de la commission.

M. le Ministre délégué - Je répondrai moi aussi à de nombreuses questions par écrit pour n'aborder maintenant que les points les plus importants.

M. Montebourg, M. Adevah-Poeuf, Mme Aubert ont souhaité que l'on affirme plus fortement que le respect des droits de l'homme et des libertés publiques, la démocratie sont des conditions de la coopération. Le sujet est délicat. Dans le cadre des accords de Lomé, nous aurons cette fois un dialogue politique sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. On devrait donc pouvoir franchir une étape significative. Dans le cadre de la francophonie, un symposium sur la démocratie et les droits de l'homme est en préparation. Il se tiendra vraisemblablement à Bamako, en l'an 2000. On y abordera les relations entre la politique et l'argent, qui sont plus difficiles dans les pays en voie de développement, ainsi que le statut de l'opposition. Cela étant, les actions du Gouvernement ne sont pas toujours rendues publiques. Ainsi nous exerçons des pressions pour libérer des journalistes ou pour faire instruire des procès comme celui de Alfa Condé en Guinée. Si les opposants djiboutiens ont bénéficié de la grâce présidentielle et s'il y a eu une enquête sur les prisons, nous n'y sommes pas pour rien, même si cela n'a pas toujours plu à la presse de Djibouti.

Les paradis fiscaux ont été évoqués par le Président Chirac lors de la conférence de Rio. Un chef d'Etat présent qui se sentait certainement visé a répondu qu'il n'était pas tout à fait sûr que l'Europe soit exempte de tout reproche. Il faut en effet s'en préoccuper.

M. Dauge a soulevé l'importante question de l'expertise. Depuis quarante ans que nous assurons la formation, les cadres africains existent. Le problème est plutôt de savoir comment les utiliser au mieux et les payer. Le Canada ou les pays nordiques utilisent mieux que nous les capacités d'expertise locale. Nous devons utiliser nos propres experts, mais aussi recourir davantage aux ressources de ces pays. Cela doit se faire dans une logique de partenariat et non pas d'offre de coopération.

M. Montebourg a regretté que l'on ait versé 65 millions à Djibouti lors du renouvellement de la convention sur la base française. Je peux lui indiquer que nous avons eu des justifications sur l'utilisation des 55 millions affectés initialement et que les 10 millions supplémentaires ont fait l'objet d'une affectation.

M. Godfrain a abordé le problème des relations entre développement et migrations. Ceux qui ont compris que le codéveloppement réglerait l'affaire des sans-papiers se trompaient. Le développement n'empêchera pas l'émigration. Il peut aider à l'organiser, à la fluidifier. Le nouveau délégué interministériel sera nommé prochainement. On peut aussi envisager de mieux impliquer les associations de migrants, notamment pour le Mali et le Sénégal.

M. Bouvard a mentionné la diminution des crédits culturels pour l'Albanie. Mais il n'était pas évident de les utiliser. Nous allons reconstruire l'hôpital de Tirana, l'avant-projet est en cours de réalisation et 30 millions sont engagés. 20 millions seront également mobilisés au titre du FAC. L'Albanie bénéficie aussi de nombreuses opérations de coopération décentralisée. Ainsi si Tirana a eu de l'eau cet été, c'est grâce à la ville de Marseille en association avec le département et la région.

Mme Trupin s'est inquiétée du sort du français. Il existe un programme spécifique pour préserver l'usage du français dans les instances multilatérales. Mais cela ne règle pas la question des comportements.

M. Salles a appelé l'attention sur les rentes non versées à certains ressortissants français. Il se pose deux problèmes, celui des arriérés et celui de la dévaluation. S'agissant des arriérés, une mission de l'IGAS est allée apprécier la trésorerie et les problèmes structurels des caisses concernées. Un système de protection sociale a été proposé. Cela ne règle pas le problème des arriérés mais constitue une solution pour l'avenir. Le dispositif mis en place en 1994 et 1995 pour solder les arriérés n'a pas suffi. Seuls le Mali et la Côte d'Ivoire ont fait les efforts demandés ; la réflexion continue au Gabon et devrait aboutir dans les prochains mois. Pour le Congo, auquel M. Salles a fait allusion en particulier, une mission d'évaluation de l'IGAS, de l'inspection des affaires étrangères et des finances doit fixer le montant des arriérés et proposer des recommandations applicables immédiatement.

M. le Président de la commission - Il est juste treize heures, je vous félicite de votre ponctualité. Cependant, je demanderai encore un moment d'attention à la commission, car le Ministre souhaite ajouter un mot.

M. le Ministre - Je partage, bien entendu, le souci de tous ceux qui souhaitent défendre le français et il serait sans doute bon que nous trouvions une autre occasion de débattre largement de cette question, devenue lancinante. Nous devons aborder le problème avec lucidité : après tout, n'est-ce pas Clemenceau qui a accepté qu'il y ait une version anglaise du traité de Versailles ? D'autre part, avec la domination de l'anglais, nous sommes devant un phénomène de civilisation massif auquel il est bien difficile d'opposer des politiques efficaces. Il nous faudra donc essayer d'évaluer exactement la situation et dresser un véritable plan de bataille pour mobiliser l'ensemble des institutions dont nous disposons en tenant compte du monde tel qu'il est. Il conviendra notamment de lutter contre le complexe dont souffre les élites françaises : je ne vois en effet aucun autre pays au monde qui, disposant d'une grande langue de communication et de civilisation, entretienne ce complexe qu'on pourrait appeler le «complexe du béret basque». Ni les Espagnols, ni les Allemands, ni les Russes, ni les Chinois, les Arabes ou les Indiens ne sont affectés de ce mal.

Il nous faut, par conséquent, à la fois nous montrer ouverts en faisant apprendre à nos enfants deux ou trois langues et en acceptant que nos films soient sous-titrés, et chercher à résorber ce handicap. Cela suppose que nous sachions bâtir une véritable politique et c'est pourquoi je disais que nous devrions bien nous rencontrer à nouveau pour parler de ce sujet, au lieu d'en rester à un constat de souffrance (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs bancs).

M. le Président de la commission - Il reste à la commission à se prononcer sur les crédits.

Mme Marie-Hélène Aubert - Je m'abstiendrai.

Les crédits des Affaires étrangères, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président de la commission - A l'unanimité moins trois voix !

La séance est levée à 13 h 5.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

Jacques BOUFFIER

Jeudi 4 novembre 1999
(séance de 9 heures)

Audition de M. M. Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères et de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur les crédits du ministère des affaires


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