Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires étrangères (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 décembre 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jean-Bernard Raimond, vice-président,

puis de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

page

- Création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (rapport)

3

- Amendement à la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique    (rapport)


5

- Convention douanière entre la France et la Slovaquie (rapport)

7

- Compte rendu de la mission d'information en Roumanie

8

- Informations relatives à la Commission

12

Création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (rapport)

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 1916).

M. Marc Reymann a tout d'abord rappelé que l'OCCAR était née le 12 novembre 1996 d'un arrangement administratif entre l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni. De ce fait, il est rapidement apparu nécessaire de la doter de la personnalité juridique et des moyens de conduire efficacement des programmes d'armement en coopération. C'est à ce titre qu'elle s'inscrit dans la perspective plus large de l'édification de l'Europe de la défense.

Malgré la baisse généralisée des budgets nationaux de la défense en Europe, une industrie de défense européenne se met en place. Cette tendance est illustrée par la création récente du numéro deux mondial des missiles, Matra BAe Dynamics, ou encore la naissance de la société européenne d'aéronautique, de défense et spatiale (EADS).

Du fait des mutations en cours dans le domaine des industries d'armement, les pays européens se voient obligés de donner à leur politique d'armement une dimension résolument européenne. En témoignent la déclaration de Saint-Malo (4 décembre 1998), le sommet européen de Cologne (juin 1999), l'intégration progressive de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) dans l'UE avec la nomination, le 24 novembre 1999, de M. Javier Solana, représentant de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne (PESC), au poste de secrétaire général de l'UEO, le 22ème sommet franco-britannique (25 novembre 1999), le 74ème sommet franco-allemand (30 novembre 1999) et enfin le conseil européen d'Helsinki (10 et 11 décembre 1999) qui a rendu effectives les propositions énoncées lors de ces précédentes rencontres.

Il reste à créer un véritable marché européen de l'armement dont l'une des étapes est bien évidemment l'OCCAR. L'Organisation élargit le champ d'action européen en s'intéressant à la conduite de programmes, c'est-à-dire en mettant sur pied une structure d'armement commune qui privilégie une européanisation de l'offre et de la demande à laquelle les producteurs européens d'armement sont favorables tout en permettant aux non-producteurs européens de continuer à s'approvisionner ailleurs, notamment auprès des pays du Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO) et des Etats membres de l'UEO.

Cinq principes, dits de Baden-Baden, régissent la création de l'OCCAR : conduite des programmes d'armement avec le meilleur rapport coût-efficacité, préparation commune du futur, amélioration de la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense (BITD) franco-allemande, globalisation du juste retour industriel sur plusieurs programmes et plusieurs années, et ouverture de la structure à d'autres pays acceptant les principes précédents et participant à un programme significatif.

S'agissant de la notion de juste retour industriel (article 5), cette pratique établit une identité entre le pourcentage de contribution financière des nations et le niveau de participation de leur industrie. Jusqu'à présent, le retour était apprécié annuellement programme par programme pour chaque pays participant. Dorénavant, il s'agira d'un juste retour globalisé apprécié sur plusieurs programmes et sur plusieurs années. A cet effet, une méthode d'évaluation de l'équilibre global entre les pays membres de l'OCCAR a été prévue.

Concernant les procédures d'acquisition, l'article 6 stipule que la préférence sera donnée aux matériels développés par les pays de l'Organisation et dans le cadre de celle-ci.

L'article 7 précise que l'une des missions de l'OCCAR est d'améliorer l'efficacité de la conduite des programmes en coopération qui lui sont confiés. Ainsi, tout programme mené en coopération entre les Etats membres peut être intégré à l'OCCAR, les critères d'intégration de programmes doivent simplement correspondre à une amélioration effective de la gestion des programmes.

S'agissant du processus de prise de décision, l'article 18 fait de l'OCCAR la première organisation compétente en matière d'armement à ne pas recourir exclusivement à la règle de l'unanimité. En effet, un processus décisionnel flexible prévoit notamment le recours dans certains cas à la majorité qualifiée renforcée.

Le dernier alinéa du préambule de la convention mentionne l'élargissement de l'OCCAR : "désireux d'associer d'autres Etats européens, dès lors que ceux-ci acceptent l'ensemble des dispositions de la Convention". De même, les dispositions finales énoncées au chapitre XV précisent, à l'article 53, que "tout Etat européen qui désire devenir membre peut être invité par le Conseil à adhérer à cette Convention". Pour l'instant, les Pays-Bas et la Belgique ont souhaité devenir membres. La raison d'être de l'OCCAR étant la gestion efficace de programmes en coopération, les pays en mesure de participer à de tels programmes, c'est-à-dire disposant d'une industrie de défense comme la Suède et l'Espagne, sont les candidats naturels à une adhésion.

Le Rapporteur a recommandé l'adoption du présent projet de loi en rappelant que la France est dépositaire de la présente convention qui dotera l'OCCAR de la personnalité juridique et que l'objectif de ses signataires est de l'obtenir au 1er janvier 2000.

M. René André a souligné le décalage entre l'ordre du jour de la Commission et la situation internationale.

M. Pierre Brana a fait part de ses inquiétudes concernant les mesures contre la fraude et la corruption s'agissant d'un sujet aussi sensible que l'armement. Les différentes immunités et l'inviolabilité des correspondances par exemple accordées dans le cadre de telles conventions posent problème au regard de la lutte contre la fraude et la corruption dans laquelle s'engagent actuellement les Etats.

M. Jean-Bernard Raimond a souligné l'importance de cette convention.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1916).

Répondant à M. René André, le Président Jack Lang a souligné que la Commission des Affaires étrangères avait agi dans l'urgence en recevant "le Ministre des Affaires étrangères" de Tchétchénie et M. Paul Grossrieder, Directeur Général du CICR.

Amendement à la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Lengagne, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (n° 1927).

M. Guy Lengagne a indiqué que l'adoption du protocole modifiant la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) ne constituera pas une évolution majeure, mais doit être l'occasion de rappeler que la France est la deuxième puissance maritime du globe. Le monde a en effet connu une grande révolution pacifique avec l'appropriation progressive et passée souvent inaperçue d'une grande partie des eaux de la planète par les Etats côtiers.

Pour autant, la coopération en matière de pêche est indispensable afin de gérer la diminution des ressources halieutiques, surtout pour des espèces hautement migratoires comme le thon. Les pays concernés par la pêche des thonidés de l'Atlantique ont décidé de se regrouper pour la contrôler en signant la convention de Rio en 1966. Cette convention crée une Commission, chargée de mener des études et de prendre des décisions quant à la limitation des captures, et dont le fonctionnement est assuré par des contributions de Etats, calculées en fonction de leurs intérêts dans la pêche des thonidés. Ce mode de financement pose un problème pour certains pays en développement qui ont des difficultés à régler leur cotisation. Le protocole signé à Madrid en 1992 met en place un nouveau système de financement prenant en compte la richesse des Etats afin d'alléger la contribution des pays les plus pauvres. Mais ce nouveau système n'entrera en vigueur que lorsque tous les pays développés à économie de marché parties à la convention l'auront ratifié. Parmi ces derniers, un seul ne l'a pas fait, la France. Pourtant, la France ne reste partie à la convention qu'au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la mesure où la pêche est une compétence communautaire et que la Communauté européenne siège à la CICTA à la place des Etats européens depuis 1997. La France reste ainsi présente dans les négociations qui ont lieu au sein de la CICTA.

L'entrée en vigueur du protocole aura pour conséquence de faire passer la contribution de la France de 82 000 francs à 164 000 francs. En dépit de la faiblesse de cette somme, il est cependant indispensable pour la France de le ratifier au plus vite afin de permettre sa mise en _uvre, d'autant que la France a d'importants intérêts dans la pêche des thonidés : 120 000 tonnes sont capturées chaque année par la flotte française, deuxième flotte en Europe pour cette espèce. Après avoir regretté la longueur du délai mis par le Gouvernement pour demander l'autorisation parlementaire, le Rapporteur a conclu à la nécessité d'adopter le projet de loi.

M. Charles Ehrmann a demandé comment est organisée la pêche au thon en Méditerranée.

M. Guy Lengagne a répondu que le champ d'application de la CICTA comprend l'Océan Atlantique et les mers adjacentes, dont la Méditerranée.

M. René André a évoqué le cas des îles anglo-normandes qui ne sont pas membres de l'Union européenne, et ne relèvent donc pas de la politique communautaire de la pêche, ce qui est à l'origine de nombreux incidents.

M. Guy Lengagne a appuyé les propos de M. André en soulignant que ces territoires en marge posent souvent des problèmes, comme par exemple le Groenland par rapport au Danemark. Il a également précisé que le Royaume-Uni reste aussi membre de la CICTA en tant que puissance tutélaire des Bermudes.

Mme Marie-Hélène Aubert a déploré le retard, trop souvent constaté, pris par la France pour ratifier conventions et protocoles, surtout dans le domaine si important de l'environnement et de la préservation des ressources naturelles.

Elle a proposé que la Commission des Affaires étrangères fasse le point sur l'état d'avancement du processus de ratification des conventions signées par la France dans ces domaines qui constituent une source potentielle de conflits entre pays industrialisés et pays du sud.

Elle a demandé comment étaient utilisées les contributions des membres de la CICTA.

M. Guy Lengagne a précisé que les contributions des Etats servent à financer la commission pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Elles lui permettront de mener des études afin d'évaluer le niveau des ressources et de prendre les mesures de gestion nécessaires.

M. François Loncle a indiqué que lors d'une rencontre avec un député algérien, celui-ci lui avait signalé l'existence, au large des côtes algériennes, d'une forte population de thons, inexploitée faute d'une flotte de pêche moderne et d'accords de pêche.

Le Président Jack Lang a fait savoir qu'il avait demandé au ministre des Affaires étrangères de dresser pour la Commission une liste des traités signés par la France qui n'ont pas encore été soumis au Parlement. Pour les traités multilatéraux, il est possible de collecter directement des informations auprès des organisations intergouvernementales. Ces retards dans l'approbation ou la ratification des traités et accord internationaux sont une grave carence, qui commence à être palliée sous l'impulsion du Parlement.

Il a conclu en soulignant que la gestion des espaces communs de l'humanité sous la forme d'un véritable service public international constitue un grand progrès.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1927).

Convention douanière entre la France et la Slovaquie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Loncle, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 1425).

M. François Loncle a indiqué que la convention signée à Paris le 27 mai 1998 est un accord très classique dans ses modalités. Son objet est de permettre une coopération directe entre administrations douanières, particulièrement utile avec les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Il a précisé que la Slovaquie a considérablement évolué depuis les élections de septembre 1998. Le pays s'est démocratisé alors qu'il avait été exclu de la première vague d'élargissement de l'Union européenne du fait de son régime politique autoritaire, même si les conditions économiques étaient réunies.

La perspective probable d'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne doit nous faire prendre conscience que la frontière slovaco-ukrainienne sera l'une des frontières extérieures de l'Union européenne. Il est nécessaire de contribuer à la modernisation de l'administration douanière slovaque. Sur la route des Balkans, la Slovaquie est un pays de transit pour de nombreux trafics, notamment d'héroïne.

Les relations bilatérales entre la France et la Slovaquie sont bonnes, marquées par de nombreuses visites, comme celles de M. Moscovici à Bratislava ou du Premier ministre Dzurinda à Paris. La convention en elle même appelle peu de commentaires, elle est très classique et comporte des dispositions habituelles (échange de renseignements, livraisons surveillées...).

M. François Loncle a insisté sur la nécessité d'aider la Slovaquie à transformer sa législation et son appareil administratif. A ce sujet, dans cette action d'aide à la mise aux normes la France est en retrait par rapport à des pays comme l'Allemagne ou l'Italie. Il faudrait y consacrer plus de moyens et mettre par exemple certains préfets ou sous-préfets hors cadre à disposition de ces pays pour une mission d'assistance technique.

Le Président Jack Lang a insisté sur l'importance de la question posée par M. François Loncle qui n'est d'ailleurs pas contradictoire avec la volonté d'accélérer l'élargissement de l'Union européenne. Outre les aspects judiciaire et policier, les questions culturelles méritent grandement d'être évoquées et notamment la forte pression exercée en matière d'exception culturelle par les Etats-Unis sur les pays candidats à l'Union européenne pour qu'ils se soustraient à la directive "télévision sans frontière" par exemple. Ces pays sont soumis à l'influence allemande sur le plan économique d'une part et à l'influence américaine sur le plan culturel d'autre part.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1425).

Compte rendu de la mission d'information en Roumanie

M. Jean-Bernard Raimond a indiqué qu'il a conduit une mission de la Commission en Roumanie du 20 au 23 septembre, à l'invitation de M. Victor Bostinaru, président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Députés roumaine. La délégation était composée de Mme Bernadette Isaac-Sibille et de MM. Pierre Brana, Jean-Michel Ferrand, Jean-Yves Gateaud et Georges Hage.

La mission a reçu un accueil très chaleureux de la partie roumaine, et des entretiens lui ont été ménagés avec le Président de la Chambre des Députés, Ion Diaconescu, avec un vice-président du Sénat, et surtout avec le Président de la République Emil Constantinescu. Les rencontres et réunions parlementaires ont, en outre, été complétées par un entretien avec M. Pascu, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et avec un responsable du ministère de l'industrie et du commerce. La délégation a passé une journée dans la région de Brasov, où elle a rencontré des représentants des minorités magyare et allemande, ce qui lui a permis de se familiariser avec le statut des minorités en Roumanie et le traitement qui leur est réservé.

M. Jean-Bernard Raimond a ajouté que M. Diaconescu a produit une forte impression sur la délégation, tant par son passé (ayant subi dix-sept années d'emprisonnement sous le régime Ceaucescu) que par sa personnalité. M. Jean-Bernard Raimond a mentionné en particulier l'intéressante analyse que M. Diaconescu a faite de la crise du Kosovo, qu'il a conclue par cette formule : "les Balkans seront en paix lorsque la Serbie ne sera plus communiste".

Les entretiens se sont focalisés sur les questions qui préoccupent particulièrement la Roumanie. Parmi celles-ci figurent tout d'abord les conséquences de la crise au Kosovo. La destruction ou l'endommagement des ponts sur le Danube causent d'énormes pertes à l'économie de la Roumanie qui réalise la plupart de ses exportations vers l'Union européenne par la voie fluviale. Le recours à d'autres moyens de transport s'avère plus coûteux, et diminue donc la compétitivité des produits. Les autorités roumaines demandent donc aux Etats membres de l'Union européenne de consacrer une attention prioritaire à ce problème afin que les conséquences des bombardements soient effacées et que cette voie fluviale vitale pour cette région de l'Europe soit à nouveau ouverte. Par ailleurs, l'adoption du Pacte de stabilité pour les Balkans suscite beaucoup d'espoirs en termes de développement économique, notamment dans le domaine des infrastructures : la Roumanie a présenté un plan national qui veut s'insérer dans le processus de reconstruction.

Les relations avec l'Union européenne constituent évidemment une préoccupation majeure, et, plus généralement, l'intégration dans les structures européennes et occidentales fait l'objet d'un consensus national en Roumanie. Les parlementaires roumains ont tous insisté pour que la Roumanie ne soit pas reléguée dans une deuxième vague d'adhésion à l'Union : les décisions prises au Conseil européen d'Helsinki les 10 et 11 décembre répondent à cette demande. Ils ont aussi manifesté leur intérêt pour la construction d'une politique extérieure et d'une politique de sécurité et de défense commune, estimant que la crise du Kosovo aurait pu être mieux gérée dans un cadre européen. Le Président Bostinaru a émis l'idée d'une intégration des pays candidats dès à présent dans le "deuxième pilier" de l'Union et a demandé une association de son pays aux actions du "troisième pilier". M. Jean-Bernard Raimond a souligné que la décision prise à Helsinki consistant à utiliser la Conférence européenne pour régler certains problèmes répondait, dans une certaine mesure, à ce souhait. La Roumanie est reconnaissante à notre pays pour son appui en faveur de son intégration à l'OTAN et notamment pour l'intervention du Président de la République lors du Sommet de Madrid.

Abordant le traitement de la question des minorités, M. Jean-Bernard Raimond a salué la façon dont le gouvernement roumain avait agi dans ce domaine, aboutissant à un règlement remarquable de la plupart des problèmes. Ce domaine constitue un symbole quant à l'optimisme que l'on peut avoir sur l'évolution des pays sortant du communisme. La délégation a constaté les efforts effectués par la classe politique pour intégrer les minorités. Leur statut, en ce qui concerne par exemple leur représentation officielle dans les institutions, est très favorable à leur expression. Les minorités élisent des députés à la Chambre grâce à un seuil abaissé : douze minorités sont ainsi représentées au sein du groupe des minorités parlementaires. La minorité hongroise bénéficie d'une reconnaissance très complète et de conditions très favorables à l'épanouissement de son particularisme, comme la délégation a pu le voir à Brasov.

Il a indiqué que les difficultés pratiques liées à la délivrance des visas pour la France semblaient en voie de règlement.

M. Jean-Bernard Raimond a transmis le souhait de la délégation de voir inviter en France le Président de la Commission des Affaires étrangères roumaine, M. Bostinaru. Il a souhaité aussi qu'une formule soit trouvée pour inviter le Président Diaconescu, personnalité attachante et impressionnante, francophone et francophile.

M. Pierre Brana a ajouté que chacun des interlocuteurs rencontrés avait manifesté son souhait de voir la Roumanie entrer dans l'OTAN et l'Union européenne, et que cette intégration générait un espoir peut-être excessif. Le Président Constantinescu a insisté sur le fait que la France était l'alliée privilégiée de la Roumanie pour favoriser cette entrée malgré le déclin de son influence pendant les cinquante années de communisme. Evoquant le recul de la langue française en Roumanie, il a expliqué que les membres de la Commission des Affaires étrangères du Parlement roumain l'attribuaient au caractère trop intellectuel de TV5 qui n'intéresse pas le public jeune. Cette remarque rejoint un discours qu'il a fréquemment entendu en Afrique.

Il s'est étonné que la communauté juive soit considérée en Roumanie comme une minorité nationale, assimilée en cela aux Hongrois ou aux Allemands, ce qui lui a paru inquiétant alors que M. Diaconescu a dénoncé l'existence d'un courant antisémite représentant 3 ou 4 % de la population. Lors de sa rencontre avec la délégation, le vice-ministre de l'industrie et du commerce a décliné les différents secteurs dans lesquels la Roumanie était compétitive en vue de son entrée dans l'Union européenne (textile, sidérurgie, mécanique et matériaux de construction, chimie et pétrochimie, bois, ameublement, céramique, verre). Grâce à la prospection offshore d'Elf-Aquitaine la Roumanie retrouverait la possibilité d'exporter du pétrole ; en revanche, le secteur agricole, très exportateur il y a 50 ans, ne l'est plus en raison de l'augmentation de la population et donc de la demande intérieure.

M. Jean-Yves Gateaud a estimé que la France devait faire vivre son lien ancien et privilégié avec la Roumanie, pays francophone et francophile qui essaie d'avoir une relation originale avec ses voisins. Il a regretté que les efforts faits par la Roumanie pour s'intégrer dans les institutions européennes ou atlantiques soient insuffisamment pris en compte alors que ce pays s'apprête à supprimer des centaines de milliers d'emplois pour mener à bien les réformes économiques nécessaires à l'entrée dans l'Union. Le traitement des minorités constitue un aspect fécond et heureux de la politique roumaine : la Roumanie accorde une place à ses minorités, à tel point que la possibilité est donnée aux citoyens roumains de choisir en fonction de leur sentiment d'appartenance à une communauté, ce qui est très généreux et peut toucher une limite en ce qui concerne l'intérêt de l'entité nationale qu'est la Roumanie.

Abordant la question des minorités, M. Jean-Michel Ferrand a précisé qu'en vertu de la loi, la minorité hongroise élit en effet des députés hongrois. Si les Juifs sont considérés comme une minorité nationale, ce n'est pas le gouvernement qui l'a décrété, c'est la communauté juive elle-même qui a souhaité se donner des représentants.

Il a regretté que les efforts des dirigeants roumains pour intégrer l'Union européenne comme leur attitude pendant la guerre du Kosovo n'aient pas été payés de retour, dans l'affaire du canal du Danube toujours obstrué à cause des bombardements de l'OTAN, et qui n'a pas encore été déblayé par les Alliés. De ce fait, la Roumanie se trouve dans une situation effroyable en grande partie à cause de l'Occident : l'OTAN comme l'Union européenne doivent lui fournir une aide, d'autant plus que la population roumaine n'était pas favorable à la guerre, liée par l'amitié orthodoxe à la population serbe. La France doit intervenir pour demander le rétablissement de la circulation sur le Danube dans les meilleurs délais. La guerre du Kosovo a accentué gravement la crise économique et la Roumanie traverse actuellement une crise politique, le Premier ministre Radu Vasile ayant été démis par le Président de la République, ce qui n'est pas constitutionnel. Cette crise risque de favoriser le retour au pouvoir des néo-communistes. La Roumanie a donc besoin d'une aide pour relancer son économie et la France en particulier doit très rapidement lui envoyer des signaux forts.

Le Président Jack Lang s'est engagé à transmettre au ministre des Affaires étrangères le compte rendu de la mission en Roumanie et le débat qui a suivi et a souhaité que la France soit pionnière et initiatrice vis-à-vis de l'intégration de la Roumanie à l'Union européenne.

M. René André s'est inquiété des raisons qui ont conduit à la démission du Premier ministre roumain. Il a demandé quel était le degré d'intégration de la communauté tzigane ; enfin, il s'est interrogé sur la force des liens francophones entre la Roumanie et notre pays. Il a souligné que la France devait agir sur d'autres terrains que le terrain linguistique, et notamment sur le terrain juridique.

M. Guy Lengagne a insisté sur les difficultés subies par la Roumanie à la suite de la guerre au Kosovo, du fait de l'interruption de la navigation sur le Danube. Il a fait observer que le port de Constanţa avait été doté à l'époque de Ceaucescu d'une capacité presque égale à celle de Rotterdam, aussi serait-il utile d'aider la Roumanie à relancer l'activité de ce port. Pour développer la présence de la langue française, il a insisté sur la nécessité d'actions concrètes comme l'envoi de professeurs français en Roumanie ou l'accueil d'étudiants roumains en France.

M. Xavier Deniau a voulu savoir si la nomination d'un nouveau Premier ministre social-démocrate signifiait un glissement à gauche de la coalition au pouvoir.

M. Paul Dhaille s'est interrogé sur le poids de l'église orthodoxe et sur ses rapports avec le pouvoir.

M. Jean-Michel Ferrand a observé que si l'attrait des affaires et donc de l'anglais était fort chez les jeunes Roumains, il n'en demeure pas moins que la génération actuelle des intellectuels parle français. La France doit faire l'effort de maintenir ses centres culturels et rendre les programmes de télévision attractifs pour la jeunesse en y insérant des émissions de variétés. L'influence orthodoxe est assez forte, mais l'on peut dire que la religion en général intéresse une population importante, avec une émergence des églises gréco-catholiques.

Le Président Jack Lang a regretté à nouveau la régression des crédits consacrés à l'action culturelle et linguistique. Si notre pays a l'ambition de se tourner vers les jeunes générations, l'évolution des méthodes devient nécessaire. On ne peut que constater que l'ambition nationale fasse défaut, car une action dynamique n'exigerait pas des moyens qui dépasseraient nos possibilités.

M. Jean-Bernard Raimond a ajouté qu'il s'est toujours opposé à la réduction des moyens affectés à la présence culturelle dans les régions comme en Afrique du Nord où elle est ancienne et significative. Il faut au contraire poursuivre un effort assidu. L'Union européenne a, en effet, mis l'accent sur les efforts qui restent à faire pour une meilleure insertion de la minorité tzigane. Le Gouvernement roumain a engagé une politique de discrimination positive pour encourager l'accès des étudiants comme des enseignants tziganes à l'université, par exemple.

M. Pierre Brana a souligné que le Président Constantinescu a montré une attention passionnée en faveur du progrès de la minorité tzigane. Il a observé que lorsque la délégation se trouvait à Bucarest, l'ancien Premier ministre Petre Roman, actuel Président du Sénat, avait tenu une conférence de presse au cours de laquelle il avait présenté un programme de gouvernement, très différent de la politique en vigueur. Il existe de très importantes divergences au sein de la classe politique et il est clair qu'à l'approche des élections législatives et présidentielle de l'an 2000, chaque parti politique "se positionne" et a tendance à se dissocier de l'action du Gouvernement, impopulaire comme le montre a contrario la progression de M. Ion Iliescu, ancien Président, dans les sondages.

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 15 décembre 1999 :

- M. Yves Dauge, rapporteur pour avis pour le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (n° 1867).

- M. Jean-Louis Bianco, rapporteur d'information sur la réforme des institutions européennes ;

- Mme Yvette Roudy, rapporteur d'information sur les droits de l'Homme et la Francophonie ;

- M. Yves Dauge, rapporteur d'information sur les centres culturels français à l'étranger ;

- M. Roland Blum, rapporteur d'information sur les forces et faiblesses de l'audiovisuel français sur les marchés internationaux.

_______

· Roumanie

· OCCAR

· Slovaquie

· Thonidés


© Assemblée nationale