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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 18 janvier 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, président

puis M. Jean-Bernard Raimond, vice-président

SOMMAIRE

 

page

- Volontariats civils (n° 1867) - avis

3

- Sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé (n° 1659) - rapport

7

- Convention douanière avec l'Afrique du Sud (n° 1424) - rapport

8

- Information relative à la Commission

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Volontariats civils

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Dauge, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (n° 1867).

M. Yves Dauge a souligné que le projet de loi relatif aux volontariats civils est lié à la professionnalisation des armées et à l'abandon du service national obligatoire. L'option d'un service civil obligatoire n'ayant pas été retenue, le choix a été fait de créer un statut du volontariat civil pour pérenniser les formes civiles du service national qui se sont développées depuis les années 1960, au point d'attirer jusqu'à 35 000 jeunes par an.

Pour assurer cette pérennité, M. Yves Dauge a distingué deux possibilités. Tout d'abord certaines missions accomplies par des appelés du service national le seront par des emplois-jeunes d'adjoints de sécurité et d'aides-éducateurs. Le projet de loi sur les volontariats civils vise pour sa part à perpétuer les autres formes civiles du service national en créant un nouveau statut. Mais ce projet a une ambition supplémentaire, celle d'instituer la possibilité d'un véritable engagement citoyen.

Le futur statut va être utilisé par différents acteurs. Les administrations accueilleront des volontaires civils dans la mesure où les actuels appelés ne pourront pas tous être remplacés par des personnels permanents pour des raisons budgétaires. Elles devront se montrer attractives pour convaincre des candidats en nombre suffisant et dans les spécialités qu'elles recherchent. Les entreprises quant à elles ne devraient pas éprouver de difficultés à attirer des volontaires civils. Certes, les activités en question sont de nature marchande mais elles servent l'intérêt général en contribuant au rayonnement économique de la France. Pour les associations enfin, la situation est plus complexe. Pour celles qui agissent en France dans le domaine de la cohésion sociale, le volontariat civil devra s'articuler avec les emplois-jeunes, même s'ils n'ont pas les mêmes finalités. Dans le domaine de la solidarité internationale, les associations pourront remplacer les 400 coopérants du service national qu'elles ont actuellement, mais elles ne souhaitent pas aller au-delà car elles ont surtout besoin de personnels expérimentés et pour de longues durées. Ainsi, elles sont surtout attachées à la préservation d'un autre dispositif, celui des volontaires pour la solidarité internationale, fixé par un décret du 30 janvier 1995. Il est donc nécessaire de rassurer les associations sur le maintien de ce dispositif.

M. Yves Dauge a ensuite décrit le statut proposé par le projet de loi, qui est un statut de droit public, identique pour toutes les formes de volontariat. Il offre une couverture sociale, prise en charge par l'Etat pour lui-même et pour les associations, dans le cadre de conventions dont les modalités seront fixées par décret. Une indemnité de base est également prévue, dont le montant maximum est la moitié du salaire minimum de la fonction publique ; à celle-ci s'ajoute une indemnité supplémentaire pour les volontaires hors métropole.

Pour conclure, M. Yves Dauge a insisté sur la nécessité de ne pas considérer ce projet comme un simple prolongement du service national, il lui semble donc indispensable d'élargir le champ d'application de ce texte aux domaines des droits de l'Homme et de la démocratie.

Mme Martine Aurillac a demandé des précisions sur le financement de l'indemnité mensuelle minimum servie aux volontaires civils. Elle a souligné que le paiement de cette indemnité pouvait être difficilement assuré par certaines ONG dépourvues de moyens ou certains Etats en développement : sur ce point le projet constitue une régression par rapport au statut des objecteurs de conscience.

M. Yves Dauge a répondu que le dispositif était financé à budget constant par rapport à l'existant et que la probabilité n'était pas nulle de voir tous les moyens non utilisés si le nombre de volontaires n'était pas suffisant.

La Commission est ensuite passée à l'examen pour avis des articles du projet de loi :

Chapitre I - Principes

Article premier : Champ d'application et modalités générales d'accomplissement du volontariat civil.

Afin de faciliter l'intégration des jeunes étrangers, Mme Marie-Hélène Aubert a présenté un amendement élargissant le champ d'application du texte aux ressortissants de l'Union européenne, de l'Espace économique européen et aux étrangers résidant légalement sur le territoire français et ayant déposé une demande de naturalisation.

L'amendement a été retiré, MM. François Loncle et Paul Dhaille ayant observé qu'il n'existait pas de statut de demandeur de naturalisation et le Rapporteur pour avis ayant indiqué que l'extension du volontariat aux européens était prévue par un amendement de la Commission de la Défense.

Article 2 : Domaine d'accomplissement du volontariat civil

La Commission a examiné un amendement de Mme Marie-Hélène Aubert, visant à permettre à des volontaires de s'engager en faveur de la paix, et un amendement du Rapporteur pour avis tendant à ce que les volontaires contribuent à l'établissement de l'Etat de droit, à la création d'institutions démocratiques et à la défense des droits de l'Homme.

Mme Marie-Hélène Aubert a expliqué que le projet de loi ciblait trop la coopération économique et que de nombreuses ONG qui militent en faveur des droits de l'Homme et de la paix accueillent déjà des jeunes volontaires. Il ne s'agit donc pas d'envoyer ces volontaires dans des opérations de maintien de la paix dangereuses. Il n'y a pas d'obstacle juridique à utiliser le terme paix ; les décrets d'application en préciseront au besoin la teneur.

M. René Mangin s'est interrogé sur la portée de la référence à la paix.

Le Président Jack Lang a fait valoir que le gouvernement ne souhaitait pas que des volontaires puissent être mêlés à des actions de maintien de la paix.

M. François Loncle a confirmé l'hostilité du gouvernement à toute référence au maintien de la paix.

La Commission a adopté l'amendement du Rapporteur pour avis modifié afin d'y faire référence à la paix.

Article 3 : Structures d'accueil des volontaires civils

Mme Marie-Hélène Aubert a présenté un amendement tendant à ce que le volontariat du service national corresponde à une activité ayant un rapport avec l'intérêt général, y compris en entreprise.

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis, a fait valoir que cet amendement posait problème car il risquait de limiter la possibilité d'exercer le volontariat en entreprise si on considérait qu'il était dans certains cas lié à l'intérêt particulier de l'entreprise.

M. Paul Dhaille a fait remarquer que l'article 3 faisait référence à l'article 2, qui contenait déjà une référence à l'intérêt général, l'amendement proposé risquait donc d'induire une contradiction.

L'amendement a été retiré.

Article 5 : Convention entre l'Etat et les structures d'accueil des volontaires civils

La Commission a adopté un amendement présenté par le Rapporteur pour avis visant à préciser le rôle de la Commission européenne lorsqu'un volontariat civil est accompli dans le cadre d'un service volontaire européen. Puis deux amendements de Mme Marie-Hélène Aubert ont été retirés, en conséquence des décisions antérieures de la Commission.

Chapitre II - Droits et obligations du volontaire civil

Article 7 : Caractère exclusif du volontariat civil

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur pour avis autorisant les volontaires à effectuer des activités d'enseignement, sous réserve de l'accord de l'organisme auprès duquel est accompli le volontariat.

Article 9 : Indemnités et prestations versées aux volontaires civils

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur pour avis soulignant le caractère obligatoire des "prestations supplémentaires" lorsque le volontariat est effectué à l'étranger.

Article 11 : Protection sociale du volontariat civil

La Commission a examiné un amendement de Mme Marie-Hélène Aubert visant à préciser que lorsque l'organisme d'accueil du volontaire civil est une association, les cotisations forfaitaires destinées à prendre en charge les prestations visées par l'article subissent un abattement de 1 750 francs par volontaire et par an. Au contraire, si l'organisme d'accueil est une entreprise, l'amendement propose une augmentation des cotisations forfaitaires afin d'établir une contrepartie à la baisse de recettes engendrée par la première mesure.

Mme Marie-Hélène Aubert a précisé que certaines ONG connaîtront des difficultés pour assurer la charge des cotisations forfaitaires. Elles seront défavorisées par rapport au système antérieur qui prévoyait un remboursement par l'Etat des sommes versées par les ONG. A défaut, l'on peut craindre que les ONG et associations ne se limitent dans leurs embauches, alors qu'il existe une offre importante du côté des volontaires.

Le Président Jack Lang a jugé l'amendement difficile à mettre en _uvre, mais l'idée de péréquation intéressante.

La Commission a adopté l'amendement.

Chapitre III - Dispositions diverses et finales

Après l'article 14, la Commission a rejeté un amendement présenté par Mme Marie-Hélène Aubert visant à prévoir que l'Etat mènera des actions de communication pour faire connaître les nouvelles possibilités de volontariat, le Président Jack Lang ayant considéré qu'une telle disposition ne relevait pas de la loi et que le gouvernement prenant ce projet au sérieux lui fera la promotion nécessaire, et M. Paul Dhaille ayant désapprouvé un amendement qui conduirait à rendre obligatoire la publicité dans tous les projets de loi.

Après l'article 16, Mme Marie-Hélène Aubert a présenté un amendement tendant à ce qu'un rapport d'application de la présente loi soit remis dans les deux ans à partir de sa promulgation, afin de déterminer si une forme plus globale de volontariat est envisageable.

M. Paul Dhaille s'est déclaré favorable à cet amendement tout en faisant remarquer que ce genre de disposition, adopté très souvent par l'Assemblée, était en général peu respecté, sans que cet oubli donne lieu à sanction. Il a suggéré toutefois que l'on ne préjuge pas de l'orientation du rapport et que l'on supprime en conséquence la référence à une forme plus globale de volontariat.

Le Président Jack Lang a soutenu l'avis de M. Dhaille.

La Commission a adopté l'amendement ainsi modifié.

Puis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du Code du service national (n° 1867).

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Aubert, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé (n° 1659).

Mme Marie-Hélène Aubert a exposé que le projet de loi soumis à l'examen de la Commission visait à ratifier la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé. Adoptée le 9 décembre 1994 par l'Assemblée Générale des Nations unies et signée par la France le 12 janvier 1995. Signée par une cinquantaine d'Etats, elle est entrée en vigueur le 15 janvier 1999.

Elle a rappelé que la commission, qui a entendu Mme Sadako Ogata, M. Vincent Cochetel, M. Jacky Mamou, et M. Paul Grossrieder, avait pu mesurer les difficultés auxquelles doivent faire face les personnels des Nations unies et associés tant les problèmes de sécurité se sont multipliés et aggravés en dix ans.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix le nombre des victimes parmi les civils engagés par les Nations unies s'accroît. La bannière des Nations unies et l'emblème de la Croix rouge respectés dans les conflits classiques n'ont plus rien de dissuasif. Le matériel comme l'aide elle-même suscite parmi les belligérants des convoitises, devenant enjeu supplémentaire de lutte et cible d'opérations de guérillas restant le plus souvent impunies dans des pays où l'Etat s'est désagrégé. Chacun se souvient de l'assassinat en Tchétchénie en décembre 1996 de six collaborateurs du CICR, de trois collaborateurs de Médecins du Monde au Rwanda en 1997 et cette liste n'est pas close. La nature de ces conflits a accru les demandes d'intervention des Nations unies.

La convention s'efforce d'assurer une protection plus efficace. Les personnels intervenant dans le cadre des Nations unies souhaitent sa ratification. Selon eux, elle constitue une reconnaissance des risques qu'ils encourent et permet de lutter contre l'impunité des agressions dont ils sont victimes.

Cependant, le caractère hybride des opérations récentes de maintien de la paix auxquelles participent des personnes intervenant à la fois à titre militaire et à titre humanitaire conduit à s'interroger sur le champ d'application de ce texte. D'après le ministère des Affaires étrangères, le contenu de la résolution créant l'opération est déterminant, ce qui est source d'ambiguïtés. L'existence préalable d'une opération des Nations unies paraît justifier l'application de cet accord qui n'aurait pas été applicable au cas de M. Vincent Cochetel.

Cet accord est un instrument de lutte contre l'impunité, il définit les obligations réciproques de l'Etat hôte et de l'Etat de transit et des personnels concernés. L'article 22 qui stipule que les différends concernant l'interprétation ou l'approbation de la convention sont soumis à un arbitrage et en cas d'échec à la Cour internationale de justice a fait l'objet d'un projet de réserve désormais classique déclinant cette compétence. Cependant, le ministère des Affaires étrangères a assuré que la France ratifierait la convention sans déposer cette réserve.

La Commission des Affaires étrangères se doit de ratifier le présent accord malgré ses imperfections. Instrument de lutte contre l'impunité, il constitue un progrès dans la protection des personnels des Nations unies et associés en attendant la mise en place de la Cour pénale internationale.

M. Pierre Brana s'est étonné du délai de près de cinq ans entre la signature de l'accord et sa ratification sans que des explications satisfaisantes ne soient données.

Il a critiqué la réserve déclinant la compétence de la Cour internationale de justice.

M. Jean-Bernard Raimond a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait débattu du problème et que son Président avait écrit pour protester contre l'existence d'une réserve que la Commission réprouve.

Mme Marie-Hélène Aubert a déploré que l'on ratifie tardivement les conventions signées ce qui nuit à leur suivi. On ratifie ainsi parfois des textes tombés dans l'oubli sans obtenir d'explication quant au délai.

Elle a expliqué que le ministère des Affaires étrangères avait indiqué qu'il renonçait au dépôt de la réserve figurant pourtant dans le projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1659).

Convention douanière avec la République d'Afrique du Sud

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Brana, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières (n° 1424).

M. Pierre Brana a indiqué qu'adopté par le Sénat le 3 mars 1999, ce projet de loi avait pour objet l'approbation d'une convention d'assistance administrative entre la France et l'Afrique du Sud relative à la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières qui devrait se révéler utile contre le trafic de stupéfiants. En effet l'Afrique du Sud est à la fois un pays de transit des stupéfiants et un des producteurs mondiaux de cannabis. Ce trafic est facilité par la multiplication des liaisons aériennes, la qualité des moyens de télécommunications et du réseau bancaire.

Consciente du développement de la criminalité, elle s'est efforcée d'accroître son efficacité en matière de lutte contre la fraude en menant des actions de coopération active notamment avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les pays scandinaves, le Canada et la France. Les actions entreprises portent sur la lutte contre les stupéfiants, le blanchiment, la criminalité organisée, les grands trafics (or et pierres précieuses). Depuis la signature de la convention en juin 1998, la nouvelle équipe gouvernementale a mis l'accent sur la lutte contre l'insécurité et obtient des résultats (arrestations d'auteurs de crimes, démantèlement d'un trafic important de voitures volées).

Cette convention douanière est donc utile. Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre général de coopération administrative qui sert de base à la trentaine d'accords de ce type déjà signés par la France. Le champ d'application de l'accord se limite à l'assistance administrative dans le domaine de la lutte contre les infractions douanières.

Les dispositions de l'article 14 de l'accord concernant les modalités de sa mise en _uvre ont déjà été appliquées puisqu'un arrangement administratif définissant les mesures de coopération technique a été signé en septembre 1998. Il prévoit des échanges d'information entre les services centraux et une assistance technique sous la forme de visites de fonctionnaires.

Il convient de rappeler qu'au regard de la situation qui prévalait au début des années 90, l'évolution de l'Afrique du Sud est des plus remarquables sur le plan politique. Celle-ci reprend sa place sur la scène internationale avec le Nigeria, avec lequel elle a initié des relations bilatérales importantes, et sera un des pôles économiques les plus importants d'Afrique.

Les relations franco-sud-africaines gelées à partir de 1976 sont récentes. Prometteuses au plan politique, elles restent modestes sur le plan commercial malgré une coopération adaptée à la dualité du pays.

La France ne détient que 4,4 % des parts de marché en Afrique du Sud loin derrière l'Allemagne et les Etats-Unis alors que ce pays constitue le premier débouché commercial de la France en Afrique sub-saharienne devant la Côte d'Ivoire. La France n'est que le cinquième bailleur d'aide à l'Afrique du Sud après les Etats-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

La convention soumise à la Commission s'inscrit dans la logique du développement des relations bilatérales entre la France et l'Afrique du Sud. Depuis la chute de l'apartheid les deux pays ont signé une dizaine d'accords bilatéraux marquant ainsi leur volonté réciproque d'institutionnaliser leur coopération en lui conférant un cadre approprié.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1424).

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Information relative à la Commission

A été nommé, le mardi 18 janvier 2000 :

- M. Pierre Brana, rapporteur pour le projet de loi autorisant la ratification de la convention portant Statut de la Cour pénale internationale (n° 2065).

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