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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 25

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 février 2000
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président,

puis de M. Jean-Bernard Raimond, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition du Dr. Ahmed Fathi Sourour, président de l'Assemblée du peuple de la République d'Egypte, sur le processus de paix au Proche-Orient


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- Convention fiscale avec la Belgique (n° 1924) - rapport

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- Convention sur l'établissement d'un Bureau de la Ligue des Etats arabes (n° 1931) - rapport

7

- Convention et protocole sur les décisions en matière matrimoniale (n os 1932 et 1933) - rapport

8

- Compte rendu de la mission d'information au Nigeria

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Audition du Dr. Ahmed Fathi Sourour, président de l'Assemblée du peuple de la République d'Egypte

Le Président Jack Lang a remercié pour sa présence M. Fathi Sourour, président de l'Assemblée du peuple d'Egypte, professeur de droit, doyen de la faculté du Caire, qui a assumé des responsabilités juridiques et qui a également conduit des réformes en tant que Ministre de l'Education. Il a salué la présence de M. Mohamed Abdella, président de la Commission des Relations extérieures, et de Son Excellence M. Aly Maher El Sayed, ambassadeur d'Egypte en France. Il a rappelé que le Groupe d'amitié France-Egypte de l'Assemblée nationale, présidé par M. Patrick Bloche, revenait d'une mission dans ce pays.

Le Président Ahmed Fathi Sourour s'est félicité d'avoir été convié à s'exprimer devant la Commission des Affaires étrangères à laquelle il a transmis un message d'amitié de son pays en ce début de troisième millénaire qui, pour les Egyptiens, est celui du huitième millénaire. L'Egypte ouvre une nouvelle page de son histoire, au cours de laquelle les réformes et les progrès achevés permettront de renforcer la démocratie, le respect des libertés publiques et le développement économique.

Depuis le milieu des années quatre-vingts, l'Egypte a entamé des réformes ambitieuses pour atteindre un taux de croissance de 7 à 8%. Si la restructuration de l'économie a déjà donné des résultats positifs, (+ 5,3% de croissance, inflation réduite et un accroissement des réserves de la Banque centrale qui ont atteint 20 milliards de dollars), le gouvernement égyptien est convaincu qu'il est impérieux que cette croissance touche toutes les classes de la société. Ont été créés un fonds social de développement, chargé de générer des emplois durant l'inévitable période de stagnation accompagnant les réformes économiques et un ministère de l'environnement chargé d'éviter que la croissance ne soit entachée par une perte de qualité de l'environnement.

L'Egypte, qui récolte les fruits d'une politique réussie de redressement économique, se prépare à une mutation extraordinaire, ouvrant la voie à la prospérité et au progrès dans la paix et la sécurité. Elle dispose aujourd'hui de bases assurant une croissance durable, stabilité politique, économique et financière, réduction d'une bureaucratie paralysante, garanties solides pour les investissements, croissance en augmentation, ouverture totale du marché, programme de privatisation et infrastructures efficaces et modernes.

L'Egypte a mis en _uvre des chantiers que l'on pourrait qualifier de pharaoniques : construction d'un canal d'irrigation à l'ouest du Nil pour utiliser les eaux du lac Nasser et accroître la superficie agricole de 30% du pays d'ici 2025 et projet similaire dans le Sinaï. Ces efforts se fondent sur la stabilité des institutions et des politiques dont bénéficie l'Egypte sous l'égide du Président Moubarak. Le tourisme connaît une nette reprise que l'horrible attentat de novembre 1997 à Louxor avait interrompue. Ceux qui connaissent l'Egypte comprennent que la violence ne correspond ni à la réalité de ce pays, ni au caractère pacifique de son peuple. Actuellement, la menace du fanatisme est contenue et le dispositif de sécurité efficace. L'immense majorité des Egyptiens rejette la violence et le terrorisme, contraire à l'esprit et la lettre de l'Islam.

Toutefois, le développement économique va de pair avec l'instauration d'une paix juste, globale et permanente dans cette région du monde. A cet égard, M. Fathi Sourour a souligné la constance des efforts de l'Egypte en faveur d'une solution négociée au Proche-Orient et d'une réconciliation entre les Israéliens d'une part et les Syriens, les Libanais, les Jordaniens et les Palestiniens de l'ombre. Il a rappelé que l'accord auquel étaient parvenu Israël et l'Egypte en 1979 avait été scrupuleusement respecté de part et d'autre. Evoquant les grandes étapes du processus de paix, il a déploré l'assassinat d'Yitzhak Rabin, l'arrivée d'une coalition de droite et d'extrême-droite au pouvoir en Israël qui a paralysé le processus de paix et a insisté sur l'espoir suscité par le retour d'une majorité travailliste en Israël. L'Egypte s'est fortement impliquée dans la reprise des négociations palestino-israéliennes qui ont d'ailleurs abouti à l'accord de Charm-el-Cheikh, et dans celle des négociations syrio-israéliennes dont le début a été prometteur.

Il a regretté que, huit mois après l'élection du Général Barak, tous les volets du processus de paix soient encore en panne. Israël refuse de respecter le calendrier de retrait de Cisjordanie auquel il avait souscrit et les accords d'avril 1996 visant à exclure toute attaque contre les civils, qu'ils soient israéliens ou arabes. Il hésite à s'engager à un retrait total du Golan et bombarde des objectifs civils au Liban. Il est difficile de ressusciter le processus de paix quand confiance et bonne foi manquent à l'appel. Seul un accord équilibré reconnaissant les droits de chacun des protagonistes peut être durable. Actuellement les perspectives sont sombres ; pourtant les enjeux et les dangers sont trop importants pour que l'on désespère d'un processus de paix qui a tout de même réussi à amener Israéliens, Palestiniens, Syriens et Libanais à deux doigts de parvenir à des accords. Toutes les conditions semblent réunies pour que le désespoir entraîne de nouveaux drames, de nouvelles violences, si l'on ne réussit pas à redonner vie à ce processus.

Il convient que chacun reconnaisse les droits légitimes de l'autre, que les Palestiniens aient droit à l'autodétermination et qu'ils puissent créer leur Etat. Qui peut croire qu'un Etat palestinien menacera Israël, qui possède les armes les plus sophistiquées, dont l'arme nucléaire ? Au contraire, un Etat palestinien aurait par définition une attitude plus responsable qu'une organisation de libération. L'Egypte et la France, en mai 1998, ont lancé un appel et proposé la tenue d'un sommet international des sauveurs de la paix pour redonner vie aux négociations. Ils continuent ensemble et chacun de leur côté avec l'Europe et avec les Etats-Unis à inciter Israël et les autres parties à revenir à la table des négociations. A cet égard, il est très satisfaisant pour un Egyptien, grand ami de la France, de constater que ces deux pays sont partenaires dans la recherche de la paix et du développement économique.

Le Président Ahmed Fathi Sourour s'est félicité de la présence française dans les grands projets d'infrastructure égyptienne et de la coopération culturelle franco-égyptienne qui transcende les volets économiques et politiques, comme le montre la progression du projet de créer une université française en Egypte. Ces deux pays ont été à l'origine de la coopération euro-méditerranéenne instituée à Barcelone, idée lancée dès 1991 par le Président Moubarak à la tribune du Parlement européen. A la suite de la Conférence de Barcelone, un forum interparlementaire méditerranéen et une conférence des Présidents des parlements euro-méditerranéens ont été instaurés. Mais cette coopération se base sur le postulat de l'instauration de la paix au Moyen-Orient. Le fait que les négociations de paix soient en panne constitue un obstacle à sa réussite. L'Egypte attache une importance primordiale à la redynamisation du processus de Barcelone et à la mise en place d'un partenariat efficace entre les deux rives de la Méditerranée, sur lequel les Parlements peuvent peser. L'établissement de la paix, clé de la sécurité et du développement, est donc plus que jamais nécessaire et aucun effort ne doit être épargné pour y parvenir.

Après avoir remercié le Président Fathi Sourour pour son exposé, le Président Jack Lang lui a demandé pourquoi l'Egypte n'avait pas encore ratifié la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, et a souhaité des précisions sur le statut de la femme en Egypte.

Evoquant la ratification par l'Assemblée nationale du statut de la Cour pénale internationale, M. Pierre Brana s'est informé de la position de l'Egypte sur ce texte.

Le Président Ahmed Fathi Sourour a répondu que le Parlement égyptien n'a pas été saisi par le gouvernement de projet de loi de ratification de la convention sur les mines antipersonnel. Il a néanmoins pris position en faveur de cette convention lors de la récente Conférence interparlementaire arabe. En ce qui concerne la convention portant création de la Cour pénale internationale, le Président a indiqué avoir écrit au Ministre des Affaires étrangères pour lui demander la transmission d'un projet de loi de ratification de la convention, sans avoir reçu de réponse. Il a ajouté qu'en sa qualité de pénaliste, c'est avec enthousiasme qu'il soutiendra la ratification du statut de la Cour.

Il a ensuite expliqué que les droits des femmes sont respectés en Egypte, les femmes y sont à parité avec les hommes. L'épouse du Président Moubarak a mené une action très importante à la tête d'un mouvement en faveur des droits des femmes et a été récemment nommée à la tête d'un Conseil supérieur de sauvegarde des droits des femmes. En outre, un projet de loi a récemment été déposé au Parlement, autorisant les femmes à demander le divorce et à reprendre leur dot à l'issue de la rupture du lien matrimonial. La procédure du divorce, placée sous l'autorité du juge fait intervenir deux arbitres représentant les deux familles impliquées, et doit être conduite dans un délai de trois mois.

M. Mohamed Abdella, président de la Commission des Affaires étrangères égyptienne, a évoqué le problème des mines abandonnées après la seconde guerre mondiale à El Alamein, qui explosent encore en occasionnant des morts ou des graves blessures. Il a souhaité le soutien des Assemblées françaises pour obtenir une aide internationale pour le déminage de cette région.

M. Patrick Bloche, président du Groupe d'amitié France-Egypte de l'Assemblée nationale, a indiqué que lors d'une récente mission du Groupe d'amitié en Egypte, les entretiens qui ont eu lieu, avec le Ministre des Affaires étrangères notamment, ont exprimé la vive préoccupation des Égyptiens sur l'arrêt du processus de paix au Sud-Liban. Le souci de voir l'Europe et la France, en particulier, plus présente a été manifesté, alors que les Etats-Unis seront sans doute moins présents du fait de la période électorale. M. Patrick Bloche a souhaité inciter le Parlement français et le Parlement européen à soutenir le processus de paix et continuer à lui donner les incitations nécessaires.

Le Président Ahmed Fathi Sourour a remercié la Commission pour cette occasion de dialogue, et a insisté sur l'attente de son pays quant aux relations bilatérales pour poursuivre le développement du pays et relancer le processus de paix. Il a indiqué que le partenariat euro-méditerranéen ne durerait pas sans une stabilisation de la région et a appelé la France et l'Europe à le sauver.

Le Président Jack Lang a assuré le Président Ahmed Fathi Sourour du soutien de la France, ajoutant que l'Egypte occupe une très grande place dans la conscience collective française.

Convention fiscale avec la Belgique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Delnatte, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, (n° 1924).

M. Patrick Delnatte a indiqué que l'avenant à la convention fiscale franco-belge de 1964 a pour objet les impositions sur le revenu. Cet avenant a été signé le 8 février 1999. Le processus d'approbation est donc relativement rapide parce que des intérêts financiers importants sont en jeu et que le régime mis en place par l'avenant s'applique aux revenus de 1999.

L'importance et la densité des relations entre la France et la Belgique doivent être soulignées. Les relations économiques bilatérales entre la France et la Belgique sont privilégiées, tenant à la proximité géographique et culturelle et au brassage de leurs populations. La France est le troisième fournisseur de la Belgique et son deuxième client. En ce qui concerne les investissements, la Belgique est un pays très ouvert sur l'extérieur, dont les trois quarts des grandes entreprises sont contrôlées par des actionnaires étrangers. Cette présence se matérialise par le nombre important d'emplois dans les entreprises contrôlées par des investisseurs français, soit 190 000. La structure des investissements belges en France est assez différente ; ils se concentrent assez largement dans le secteur industriel et sont en grande partie destinés aux zones transfrontalières : un tiers de ces investissements sont réalisés dans la région Nord-Pas-de-Calais.

L'intensité des liens entre la France et la Belgique n'est pas seulement liée à des flux commerciaux mais aussi à ceux de nombreux travailleurs transfrontaliers. Il est intéressant de noter l'inversion de tendance depuis le début des années 1990 : en 1990, 7246 résidents belges travaillaient en France contre 6390 frontaliers français en Belgique. En 1998, il n'y avait plus que 5807 Belges travaillant en France alors que le nombre de Français en Belgique a plus que doublé pour atteindre 13931. L'une des explications généralement avancées réside dans la meilleure adaptation du secteur textile à la mondialisation en Belgique qu'en France. En 1999, les services consulaires français évaluaient à près de 70 000 les Français résidant en Belgique, le nombre de Belges habitant en France dépassant les 60 000.

M. Patrick Delnatte a rappelé que la convention fiscale du 10 mars 1964 prévoit assez classiquement que les traitements, salaires et autres rémunérations sont imposés dans le pays d'origine des revenus (article 11 de la convention). Toutefois, cette règle ne s'applique pas aux travailleurs frontaliers, lesquels doivent acquitter l'impôt sur le revenu dans leur pays de résidence. Ce principe a été remis en cause par les juridictions belges, l'avenant vise à revenir au régime mis en place par la Convention de 1964. Néanmoins, le Rapporteur a souligné que parmi les résidents belges qui seront de nouveau imposés en Belgique lorsque l'avenant entrera en vigueur, figure un certain nombre de Français, notamment des salariés de France Télécom. Fonctionnaires, ils ont été imposés en France jusqu'au changement de statut de 1990 en application de l'article 10 de la convention de 1964, qui instaure pour eux un dispositif spécifique de prélèvement à la source.

L'avenant comprend également une disposition très attendue par la France : l'extension de la clause de non-discrimination. L'article 25 de la convention de 1964 prévoyait une telle clause, courante dans les conventions fiscales. Leur but est que les nationaux d'un Etat imposables dans l'autre en application de la convention soient traités exactement de la même façon que les nationaux de cet Etat. Ces dispositions étaient appliquées de façon stricte en France puisque la prise en compte des avantages liés à l'activité (déduction pour frais professionnels) ou de la situation familiale dans la détermination du revenu imposable ne dépend pas d'une condition de résidence. L'entrée en vigueur de l'avenant permettra d'appliquer cette clause de la même manière en Belgique.

Tout en soulignant la nécessité d'adopter rapidement l'avenant du 8 février 1999, le Rapporteur a souligné qu'il laissait un certain nombre de points en suspens. La nouvelle convention fiscale, actuellement en négociation, devra prendre en compte le problème du traitement très favorable des multinationales et des plus-values par la Belgique, car on observe une délocalisation de gros patrimoines du Nord-Pas-de-Calais vers la Belgique. A cette occasion, il convient de rappeler la nécessité de mettre en place un cadre institutionnel à la coopération décentralisée entre collectivités françaises et belges, la Belgique étant le seul pays frontalier avec lequel la France n'a pas signé de convention sur la coopération transfrontalière.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1924).

Etablissement d'un bureau de la Ligue des Etats arabes

La Commission a examiné, sur le rapport de M. René Mangin, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un Bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (n° 1931)

M. René Mangin a indiqué que le présent accord a pour but de conférer un statut diplomatique au bureau de la ligue arabe à Paris, qui existe depuis 1974. Il stipule que ce dernier n'a pas de personnalité juridique distincte de celle de la Ligue des Etats arabes elle-même (article 1er. 1). Il dispose d'une capacité juridique relativement étendue (article 1er. 2), notamment la capacité de contracter, d'acquérir des biens meubles et immeubles liés à son activité, de dépenser et de recevoir des fonds et d'ester en justice. Classiquement aussi, l'accord énumère les privilèges et immunités diplomatiques accordés au Bureau et à son personnel : immunité juridictionnelle, privilèges fiscaux et statut diplomatique du directeur et de trois adjoints.

Cet accord est l'aboutissement de négociations menées entre pays arabes et de nombreux pays européens : les représentations de la Commission européenne ont en effet un statut diplomatique dans les pays arabes. D'autres pays européens ont également signé un accord de siège avec la Ligue arabe.

Cet accord ne comporte pas de particularités, mais il constitue un signe fort de reconnaissance à l'égard de la Ligue arabe. Certes, celle-ci n'a pas toujours joué le rôle escompté, mais un certain renouveau est à l'_uvre depuis 1996, date de la première réunion du sommet des chefs d'Etat depuis 1990. Alors que le Proche-Orient est entré dans une logique de paix, un tel accord permet de relancer la coopération entre l'Europe et le monde arabe, déjà enclenché par le dialogue euro-méditerranéen. Dans ce cadre, la France et l'Europe devront réfléchir aux initiatives à engager, notamment pour promouvoir l'intégration économique régionale.

En conséquence, M. René Mangin a recommandé l'approbation du projet de loi.

M. François Loncle a demandé pourquoi un tel accord n'intervenait que maintenant, alors que le bureau de la Ligue arabe à Paris est installé depuis 1974.

M. René Mangin a répondu que la France avait probablement préféré attendre que la Ligue arabe ait retrouvé un rôle sur la scène internationale et résolu ses tensions internes. En outre, cet accord est intervenu dans le cadre de négociations menées entre la Ligue arabe et plusieurs pays d'Europe.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1931).

Convention et protocole sur les décisions en matière matrimoniale

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Paul Dhaille, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (n° 1932) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (n° 1933).

M. Paul Dhaille a indiqué que sous l'appellation compliquée des deux textes se cache une tentative de l'Union européenne de prendre en compte des problèmes très concrets touchant les citoyens européens : il s'agit de trouver une solution aux problèmes inextricables dans lesquels se trouvent certains couples binationaux, franco-allemands notamment, quant au divorce ou à la garde des enfants. La convention préfigure, en même temps, la façon dont l'Union européenne traitera à l'avenir les problèmes à caractère judiciaire qui touchent les citoyens dans leur vie professionnelle ou privée.

En cas de divorce ou de séparation, plusieurs juges peuvent être saisis de façon concurrente (chaque parent tentant de saisir le juge qui lui sera le plus favorable, c'est-à-dire son juge national), et des décisions de justice contradictoires peuvent être rendues : les cas de conflit concernant par exemple l'exercice de l'autorité parentale sur les enfants du couple, sont nombreux, et la presse en a relayé certains. Ces difficultés conduisent parfois l'un des parents à enlever son ou ses enfants : c'est le cas de la "soustraction internationale d'enfants ».

Le Rapporteur a rappelé qu'une première convention, dite « Bruxelles I », avait été signée en 1968, sur la base du Traité de Rome, pour organiser la compétence des juridictions et la reconnaissance et l'exécution des décisions de justice au sein de la Communauté européenne, mais elle ne s'appliquait qu'en matière civile et commerciale, et ne concernait que les relations patrimoniales. La présente convention, adoptée par le Conseil de l'Union européenne des 28 et 29 mai 1999, se fonde quant à elle sur les dispositions du Traité de Maastricht pour étendre les règles de compétence et de reconnaissance aux matières familiales.

La convention principale sur la compétence judiciaire en matière matrimoniale a demandé cinq années de négociations pour parvenir à une version susceptible de recueillir le consensus des quinze Etats membres. Cette durée s'explique par la disparité des systèmes de procédure et des lois nationales régissant le divorce. Les matières liées au droit civil et pénal et aux procédures correspondantes demeurent en effet parmi les plus difficiles à harmoniser ou même à coordonner au plan européen. C'est pourquoi la convention peut être considérée comme une étape importante dans l'élaboration, lente et difficile, de l'espace judiciaire européen.

Avant d'analyser la teneur de cet instrument, le Rapporteur a jugé que celui-ci n'était guère limpide pour un non spécialiste, et qu'il laissait encore matière à interprétation et à jurisprudence pour les magistrats et les avocats. Il a expliqué qu'il s'agissait d'une convention "double", qui fixe à la fois des règles de compétence directe et des règles de reconnaissance et d'exécution. C'est donc d'un système général dans lequel une décision prise par une juridiction d'un Etat membre est susceptible d'être reconnue et exécutée dans tous les autres suivant une procédure simplifiée, ce qui présuppose l'existence d'un principe fondamental de confiance réciproque entre les systèmes juridiques et judiciaires des Etats.

La convention s'applique à deux types de procédures civiles : les procédures judiciaires relatives au divorce, à la séparation de corps ou à l'annulation du mariage, d'une part, et les procédures relatives à la responsabilité parentale à l'égard des enfants communs des époux, d'autre part. Les familles naturelles ne sont pas prises en compte par la convention, ni la situation des enfants nés d'une autre union de l'un des deux parents. Le texte détermine quel sera le juge compétent pour prononcer un divorce, en principe celui du tribunal de la résidence habituelle des époux. Cependant, ce principe est complété par une série de sept critères ouverts au choix du demandeur, qui résultent sûrement de la difficulté d'établir un consensus à Quinze, mais compliquent la lecture de la convention. Néanmoins, en vertu du principe de litispendance affirmé par la convention, une deuxième juridiction ne pourra se saisir d'une affaire lorsqu'un premier tribunal a déjà été saisi. La convention assure la libre circulation des jugements en posant le principe de reconnaissance automatique et directe d'une décision de justice rendue dans un Etat membre par les autorités d'un autre Etat. De même, l'exécution des décisions de justice (qui concerne la responsabilité parentale) est harmonisée et facilitée. On peut craindre néanmoins le jeu des motifs de non-reconnaissance énumérés par la convention.

Le protocole adopté en même temps que la convention garantit une interprétation uniforme de celle-ci, en donnant à la Cour de justice des communautés européennes une compétence d'interprétation.

Le Rapporteur a observé que le Traité d'Amsterdam a eu des conséquences importantes sur cette convention dont les dispositions ont été reprises dans une proposition de règlement présentée par la Commission européenne en mai 1999. Cette proposition est en cours de négociation et le Conseil de l'Union devrait l'examiner prochainement, mais un problème politique nouveau est apparu : l'adoption du règlement communautaire privera à l'avenir les Etats membres de la compétence de négocier des accords avec les pays tiers dans le domaine touché par le règlement, en vertu de la compétence externe de la Communauté.

En conclusion, il a indiqué que la ratification deviendrait caduque si cette proposition de règlement était prochainement adoptée. Néanmoins, la convention pourrait tout de même entrer en application avant le règlement, entre la France et l'Allemagne, par exemple, afin d'apporter rapidement une solution aux conflits bilatéraux dans lesquels se trouvent certains couples franco-allemands.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1932 et 1933).

Mission d'information au Nigeria

La Commission a entendu le compte rendu de M. Pierre Brana sur sa mission d'information au Nigeria.

M. Pierre Brana a souligné le paradoxe de la situation nigériane, entre une richesse potentielle - le Nigeria est le neuvième producteur mondial de pétrole - et une pauvreté effective, dont l'explication tient au régime de dictature militaire qu'a connu presque sans interruption le Nigeria depuis son indépendance. La dette extérieure du pays s'élève à 30 milliards de dollars et certaines estimations chiffrent à 15 milliards le montant des détournements cachés aujourd'hui dans les banques occidentales.

L'élection en février 1999 de M. Olusegun Obasanjo à la Présidence de la République ouvre de nouvelles perspectives démocratiques pour le Nigeria. L'actuel Président a déjà pris un certain nombre de mesures pour mettre fin aux mécanismes de corruption qui gangrenaient l'économie nigériane et pour favoriser une meilleure redistribution de la manne pétrolière. En cas de succès de cette politique, le Nigeria est appelé à devenir, avec l'Afrique du Sud et chacun respectivement dans sa région, l'une des deux principales puissances d'Afrique.

M. Pierre Brana a insisté sur la nécessité pour la France de renforcer ses liens avec le Nigeria par la promotion du français, qualifié dans ce pays de "langue étrangère prioritaire", par le développement des liens culturels et par le renforcement de notre présence dans le paysage audiovisuel nigérian. Il est anormal que RFI ne diffuse aucun programme en haoussa, alors que cette langue est celle de soixante millions d'Africains. La France doit contribuer davantage au développement du Nigeria en intensifiant sa coopération technique dans les domaines de l'eau, de l'électricité, de la santé et de la sécurité.

En conclusion, M. Pierre Brana s'est réjoui de l'entrée du Nigeria dans la Zone de solidarité prioritaire française et a souhaité un développement de notre coopération avec ce pays.

La Commission a autorisé la publication du présent rapport d'information.

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