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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 2 mars 2000

(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président de

la Commission des Affaires étrangères,

et de M. Alain Barrau, président de

la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Michel Barnier, commissaire européen, chargé des questions institutionnelles (audition commune avec la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne


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Audition de M. Michel Barnier, commissaire européen

Ayant remercié le commissaire européen de sa venue, le Président Jack Lang a salué la présence de parlementaires allemands du Bundestag. Il s'est demandé si la pression de l'élargissement ne l'emporterait pas sur la volonté politique de renforcer la construction de l'Europe. Se déclarant à son tour heureux d'accueillir M. Michel Barnier, le Président Alain Barrau a précisé que les députés allemands avaient participé la veille à une réunion de travail avec la Délégation sur les objectifs de la présidence française. Il s'agit de M. Andréas Schokenhoff (CDU), Mmes Monika Griefahn (SD) et Angelica Schwall-Düren (SPD), MM. Ernst Burgbacher (FDP) et Axel Berg (SPD).

M. Michel Barnier, commissaire européen, a exprimé son souci d'entretenir des contacts réguliers avec les parlements nationaux pendant toute la durée des négociations de la Conférence intergouvernementale - comme il l'avait fait, en tant que ministre chargé des affaires européennes, lors de la Conférence intergouvernementale de 1996-1997. Dans cet esprit, il s'est rendu au cours des dernières semaines devant le Sénat, la Chambre des Communes, le Bundestag et répondra prochainement à l'invitation du Bundesrat.

L'Union européenne se trouve aujourd'hui à un moment de vérité : alors que pendant les négociations du traité d'Amsterdam, il n'était question que d'élargir l'Union à cinq ou six pays à l'horizon 2006-2010, l'Union doit désormais faire face à la perspective d'un quasi doublement du nombre d'Etats membres et de l'adhésion des premiers pays adhérents au plus tôt en 2003. Avant d'examiner les modifications susceptibles d'être apportées au processus de décision, il convient de répondre à une question fondamentale qui conditionne le niveau d'ambition de la réforme institutionnelle : quelle Europe voulons nous construire ? que voulons-nous faire ensemble ? S'il s'agit de mettre en place à 27 ou 28 une simple zone de libre-échange, la réforme peut se limiter à une simple adaptation des institutions. Mais si l'objectif doit être non seulement d'édifier un grand marché intérieur complété par une monnaie unique et une coordination des politiques économiques, mais aussi de répondre aux préoccupations d'une communauté humaine - emploi, protection sociale, formation, éducation, environnement - et de créer une Europe politique dotée d'instruments de défense commune, la réforme institutionnelle doit revêtir une autre ampleur.

A la question de savoir comment prendre des décisions à trente pays - puisqu'il n'est pas impossible, à terme, que la Norvège et la Suisse demandent à adhérer à l'Union - la Commission européenne a apporté, dans son avis en date du 26 janvier 2000, un certain nombre de réponses précises qui constituent une base de travail. Ce document a été complété par une contribution sur la réforme de la juridiction communautaire - qui a été publiée hier - et le sera ultérieurement par d'autres contributions, dont l'une sur le passage à la majorité qualifiée de certaines questions fiscales et sociales, et une autre sur la réorganisation des traités. La Commission ne sera donc pas spectatrice des négociations ; elle participera avec les Etats membres aux travaux de la Conférence intergouvernementale, en concertation avec le Parlement européen et les parlements nationaux.

· Les propositions de la Commission tendent d'abord à répondre aux problèmes posés aux institutions européennes par la perspective d'une forte augmentation du nombre d'Etats membres. Même si le Conseil est le plus concerné, puisqu'il éprouve des difficultés de fonctionnement, qui ne feront que s'aggraver sous l'effet du nombre, la Commission n'a pas souhaité présenter de propositions précises sur ce point, des orientations ayant d'ailleurs été tracées par le Conseil européen d'Helsinki. Faudra-t-il scinder le Conseil « Affaires générales » en un Conseil des ministres des affaires étrangères qui traiterait de la PESC et un Conseil des ministres des affaires européennes ? Il n'est pas impossible que l'on parvienne un jour à ce type de solution, mais ce n'est pas à la Commission de le dire.

S'agissant du Parlement européen, l'avis de la Commission suggère une idée novatrice consistant à prévoir l'élection d'une certaine proportion de députés européens sur des listes transnationales.

Quant à la Commission, sa composition et son organisation devront être modifiées selon deux options possibles. La première, la plus facile, consisterait à prévoir un commissaire par Etat membre et à introduire, en conséquence, une hiérarchie entre les membres de la Commission ; dès lors, la Commission ne serait plus cette instance collégiale composée de membres égaux qu'elle est aujourd'hui. Il faut savoir que dans la situation actuelle, le Président de la Commission n'a pas un pouvoir d'arbitrage équivalent à celui d'un Premier Ministre et que les désaccords sont tranchés par le collège des commissaires. La deuxième option serait de stabiliser le format de la Commission à vingt membres et de prévoir un système de rotation sur un strict pied d'égalité entre les Etats membres.

· L'avis de la Commission traite en second lieu de l'efficacité du mécanisme de prise de décision. Le principe est clair : le vote à la majorité qualifiée doit devenir la règle et le vote à l'unanimité l'exception. Cinq catégories de dispositions ont été identifiées comme devant rester à l'unanimité pour des raisons institutionnelles ou politiques. Les premiers travaux de la CIG montrent que la nécessité d'étendre le champ de la majorité qualifiée est comprise par l'ensemble des Etats membres. S'agissant du système de vote, la Commission propose de retenir la règle dite de la « double majorité simple » : la majorité qualifiée serait atteinte dès lors qu'elle réunirait à la fois la majorité simple des Etats membres et la majorité simple de la population de l'Union. La pratique montre d'ailleurs que ce système est déjà accepté.

· Deux autres thèmes ont également été abordés par la Commission dans son avis. Pour rendre plus efficace la lutte contre les fraudes au budget communautaire, il est proposé de créer un poste spécifique de procureur européen, compétent pour la seule poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés.

Il a paru également nécessaire d'assouplir les conditions de recours aux coopérations renforcées prévues par le Traité d'Amsterdam. Il conviendrait à cet effet de supprimer la possibilité reconnue à tout Etat membre de s'opposer, en faisant appel au Conseil européen statuant à l'unanimité, au lancement d'une coopération renforcée, afin de permettre plus facilement à un groupe d'Etats membres d'aller de l'avant dans le cadre institutionnel de l'Union. Toutefois, l'objectif des coopérations renforcées ne saurait être de permettre aux Etats membres de reprendre une partie seulement de l'acquis communautaire, par l'effet d'une sorte de « flexibilité » dont les conséquences seraient contraires à l'esprit de la construction européenne.

En conclusion, l'ensemble de ces propositions dépasse le cadre des trois « reliquats d'Amsterdam ». Les questions sensibles qui seront au c_ur des travaux de la CIG touchent directement à la souveraineté des Etats et appellent des choix difficiles. Mais il faut être conscient que ce que l'on n'aura pas été capable de faire aujourd'hui à quinze ne pourra être décidé demain à vingt-sept, sauf à accepter la base du « plus petit réformateur commun ».

Après l'exposé du commissaire européen, M. Georges Sarre a considéré que l'Europe pouvait, certes, emprunter l'une des deux voies évoquées par M. Michel Barnier, mais aussi une troisième, celle de l'Europe des Etats et des Nations. Cette Europe serait animée par des politiques communes et des coopérations renforcées, sans aboutir pour autant à une Europe fédérale. La construction européenne ne peut réussir que si elle repose sur la confiance dans les peuples européens et leur solidarité. Les institutions européennes doivent donc travailler à la mise en _uvre de cette troisième voie.

M. Georges Sarre a par ailleurs demandé au commissaire européen quels étaient les pays candidats qui entreraient les premiers dans l'Union européenne, ainsi que la date de leur adhésion. Ayant regretté que la Commission soit davantage un instrument politique qu'un instrument technique, il a refusé que la réforme ne la transforme en une sorte de gouvernement de l'Europe.

M. Pierre Brana a souhaité connaître la proportion de députés européens qui pourraient être élus, selon la Commission, sur la base de listes transnationales présentées dans l'ensemble de l'Union européenne. Evoquant le nouveau règlement relatif au développement rural, qui prévoit que les fonds structurels apportent leur concours à la sylviculture, il a demandé si ces fonds, qui seraient excédentaires pour les années 2000 et 2001, seraient utilisés pour le financement du reboisement des forêts françaises dévastées par la tempête.

Pour M. Jacques Myard, si l'heure de vérité a en effet sonné pour l'Europe, une toute autre orientation que celle tracée par la Commission doit être retenue : l'élargissement étant impératif pour des raisons historiques, politiques et stratégiques, il convient de rompre avec le système centralisateur mis en place par l'Acte unique, le traité de Maastricht et le traité d'Amsterdam, qui ont fait de l'Union européenne une sorte « d'aspirateur de compétences ». Face à un acquis communautaire qui représente 80.000 pages de réglementation uniforme, méconnaissant la diversité des situations, c'est le principe de subsidiarité qu'il faudrait mettre en avant, alors qu'il n'a pas été évoqué par le commissaire européen. Pour n'exercer en commun que ce qui doit l'être, il convient de recourir aux coopérations renforcées, par exemple pour la monnaie, la défense et certaines questions touchant à l'environnement. L'Europe doit donc à la fois « maigrir et s'élargir. »

M. Jean-Claude Lefort a souligné que la construction européenne ne se résumait pas à la mise en place d'un marché unique, mais qu'elle était également une communauté de valeurs et de destin qui doit marquer de son empreinte la scène internationale. La réforme des institutions comporte des aspects difficiles : si l'extension du vote à la majorité qualifiée est souhaitable, elle ne doit pas couvrir la totalité des politiques relevant du premier pilier. L'Europe doit en effet respecter la diversité des projets de société, leur coexistence étant un gage de richesse. Il en est ainsi pour la législation relative aux trente-cinq heures, qui aurait été fort compromise si les questions de cette nature pouvaient être régies par la majorité qualifiée au Conseil. Une extension inconsidérée de celle-ci aurait pour effets de restreindre l'espace offert à chaque pays pour promouvoir ses projets de société et, en outre, de compliquer l'élargissement. Ne conviendrait-il pas, dès lors, d'atteindre un degré supplémentaire d'harmonisation avant de passer à la majorité qualifiée ?

M. Patrick Delnatte a interrogé M. Michel Barnier sur l'utilisation des crédits destinés aux territoires qui ne sont plus compris dans les objectifs 1 et 2 des fonds structurels.

Mme Nicole Catala, préoccupée par la suggestion de la Commission d'étendre la procédure de codécision à certains aspects de la PAC, a interrogé le commissaire européen sur les incidences d'une telle réforme pour la France. Elle a également fait part de son inquiétude à l'égard de la proposition consistant à étendre le champ de l'article 133 du TCE relatif à la politique commerciale, aux services, à l'investissement et aux droits de propriété intellectuelle. Ces droits ne doivent pas être considérés comme des marchandises et notre conception du droit d'auteur ne doit pas être abandonnée au profit du copyright. S'étant demandé si les nouvelles règles envisagées par la Commission pour les coopérations renforcées ne risquaient pas de les freiner au lieu de les faciliter, elle a regretté que M. Michel Barnier n'ait évoqué ni la question de la subsidiarité, qu'elle a qualifiée de clé de la construction européenne, ni le compromis de Luxembourg.

M. Andreas Schokenhoff, estimant que l'élargissement accroîtra la nécessité de mettre en _uvre des coopérations renforcées, a souhaité obtenir des précisions sur le cadre et le processus décisionnel suggérés par la Commission.

Le Président Alain Barrau a demandé à M. Michel Barnier son appréciation sur le travail accompli par la Commission lors de la précédente conférence intergouvernementale. Il s'est demandé s'il était approprié de qualifier de « reliquats d'Amsterdam » les trois réformes institutionnelles fort délicates qui doivent être réalisées et qui constituent un enjeu de la présidence française. Par ailleurs, une fois réalisée la réforme des institutions de l'Europe à quinze, faut-il envisager une nouvelle architecture institutionnelle pour l'Europe élargie ?

Dans un autre ordre d'idées, la Commission envisage-t-elle la mise en _uvre d'un dispositif de vigilance à l'égard d'un Etat membre dont on peut craindre qu'il prenne des mesures contraires à l'acquis communautaire, y compris dans le domaine des droits de l'homme ? Il serait illogique de laisser un Etat y porter atteinte, alors que l'Union exige des Etats candidats qu'ils s'y conforment.

L'accord obtenu au Conseil européen de Berlin sur Agenda 2000 semble avoir quelque peu sacrifié la politique régionale, plusieurs territoires qui en bénéficiaient jusqu'alors en étant désormais exclus. Quelles mesures la Commission pourrait prendre en leur faveur ?

Dans ses réponses aux intervenants, M. Michel Barnier a apporté les précisions suivantes :

- Le débat sur « l'Europe-espace » et « l'Europe-puissance » débouche sur la suggestion, récemment formulée par Jacques Delors, de permettre aux pays qui le souhaitent de former une sorte de fédération d'Etats nations. Pour l'heure, il s'agit plutôt de permettre un fonctionnement satisfaisant à quinze et donc de réaliser des réformes que l'on ne pourra réaliser avec un plus grand nombre d'Etats membres. L'enjeu est la capacité de décision de l'Union européenne. On verra à la fin de l'année s'il est possible d'atteindre un tel objectif. La question posée par l'élargissement est de savoir si les Etats membres ont la volonté de construire cette Europe-puissance avec les Etats candidats ;

- la construction européenne repose sur la volonté des Etats nations. Elle ne s'est jamais imposée contre la volonté des gouvernements des Etats membres ni celle des parlements nationaux, dont l'accord a été nécessaire à chacune des étapes intervenues depuis 1957. Les directives aujourd'hui contestées - concernant la chasse, Natura 2000, les oiseaux migrateurs - ont été acceptées par tous les gouvernements et transposées par tous les parlements nationaux. Des progrès restent à accomplir pour y associer davantage les citoyens par l'instauration d'un dialogue régulier. Néanmoins, l'Europe a été construite - et continuera de se construire - sur une base originale comportant à la fois des aspects fédéraux et intergouvernementaux. Son développement continue de faire l'objet de fortes demandes : les Bretons réclament un renforcement du contrôle communautaire des navires de commerce, les transporteurs routiers une nouvelle réglementation du temps de travail et des conditions de sécurité. Pour que la concurrence soit la plus loyale possible, la Commission est incitée à proposer, exécuter et vérifier. Ce travail ne peut être effectué à l'unanimité. La récente pollution de tout un fleuve à partir d'une décharge industrielle « orpheline » illustre la nécessité de la définition commune de règles protectrices. On peut se demander enfin si la politique agricole commune serait ce qu'elle est aujourd'hui s'il avait fallu appliquer la règle de l'unanimité ;

- s'agissant du calendrier de l'élargissement, le Conseil européen d'Helsinki a arrêté une liste de douze Etats candidats et confirmé le statut de candidat reconnu à la Turquie dès 1963 dans le traité d'association signé avec cet Etat ; les conditions politiques et économiques ne sont toutefois pas réunies, qui permettraient à la Turquie d'être incluse dans la liste des douze autres Etats. Il est difficile de préciser le moment auquel ces derniers adhéreront à l'Union européenne, la Commission examinant régulièrement les efforts qu'ils accomplissent pour intégrer l'acquis communautaire. L'élargissement trouve sa justification dans le refus d'une Europe qui serait divisée en quartiers riches et en banlieues pauvres ;

- la Commission a suggéré que le nombre des députés au Parlement européen soit fixé a sept cents, avec une marge provisoire de flexibilité pour tenir compte de l'adhésion éventuelle d'un nouvel Etat entre deux élections. Elle propose que, sur ce nombre, quarante à cinquante députés soient élus sur des listes établies à l'échelle de l'Union européenne, ce qui favoriserait la coopération politique entre les différentes familles politiques représentées au Parlement européen ;

- la réparation des dégâts causés par la tempête de décembre, en France surtout, mais aussi en Allemagne et en Autriche, peut être prise en charge par le FEOGA-Garantie, dont la gestion relève du commissaire à l'agriculture, M. Franz Fischler, au titre des crédits de développement rural. Les règles spécifiques de ces crédits permettent de réaffecter à l'indemnisation des conséquences de la tempête des dotations accordées à d'autres Etats membres et restées sans emploi. Elles ne comportent aucun zonage, mais on observe que soixante-dix des départements français touchés par la tempête figurent également sur la carte des zones éligibles au nouvel objectif 2 des fonds structurels. Il existe donc de nombreuses possibilités d'aides, qui pourront bénéficier non seulement à la reconstitution du patrimoine forestier, mais aussi au stockage du bois, afin d'éviter une grave perturbation des cours. Des dispositifs de sortie progressive des objectifs 1 et 2 des fonds structurels sont prévus, aussi bien pour les DOM, la Corse et le Hainaut, que pour les zones anciennement éligibles à l'objectif 5b. Les critères de versement de ces aides relèvent, en vertu du principe de subsidiarité, de la responsabilité des Gouvernements ;

- dans les propositions de réforme des institutions qui seront soumises à la fin de l'année 2000 au Conseil européen de Nice, la Commission a volontairement laissé de côté la question des compétences, sauf en matière de défense ; l'application du principe de subsidiarité n'a donc pas été abordée. La Commission a voulu ainsi éviter le risque, auquel n'a pas échappé le Conseil européen d'Amsterdam, de voir le sujet principal des discussions passer au second plan. En revanche, elle a pris la décision d'élaborer un Livre blanc sur les compétences de l'Union - et leurs limites - qui devrait être publié au printemps 2000 ;

- il existe dans le traité sur l'Union européenne des dispositions permettant de faire face aux problèmes que pose actuellement le gouvernement d'un Etat membre. A titre personnel, le commissaire a évoqué des orientations consistant : à intégrer dans les traités en vigueur tout ou partie des normes de la future charte des droits fondamentaux de l'Union européenne pour conforter la garantie des droits de l'homme ; ajouter à la liste des questions soumises à la règle de la majorité qualifiée la lutte contre les discriminations de toute nature prévue à l'article 13 du TCE ; compléter l'article 7 du TUE, qui prévoit la suspension des droits de vote d'un Etat membre qui violerait les principes démocratiques, par un dispositif de mise sous surveillance ;

- l'Union européenne ne saurait faire obstacle à des législations comme celle relative aux trente-cinq heures : elle n'a pas à s'occuper de tout, ni à harmoniser de force les systèmes sociaux, la durée du travail ou la protection sociale. Elle devrait d'ailleurs s'occuper de moins de choses pour s'en occuper mieux, et cela vaut aussi souvent pour les Etats membres ;

- pour faire progresser le rapprochement des règles fiscales et sociales nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, il conviendrait d'éviter la charge idéologique qu'elles peuvent porter et s'attacher au détail des obstacles qu'il est possible de réduire ;

- la Commission propose l'extension de la procédure de codécision aux éléments essentiels de la politique agricole commune, notamment l'organisation commune des marchés, afin de renforcer la légitimité démocratique de la PAC ; la Commission propose également d'étendre, dans le cadre de la politique commerciale commune, la majorité qualifiée à la propriété intellectuelle, l'Union européenne devant parler d'une seule voix sur ces questions face aux Etats-Unis ;

- pour faciliter les coopérations renforcées, la Commission propose, d'une part, la suppression du droit de veto qu'offre aux Etats membres la possibilité d'appel au Conseil européen et, d'autre part, l'ouverture à un tiers des Etats membres de la faculté d'engager une coopération renforcée, tant au premier pilier, qu'au deuxième pilier - politique étrangère et défense, selon des modalités qui restent à préciser - et au troisième pilier relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Voici quinze ans, c'est une forme de coopération renforcée avant la lettre qui a permis la mise en place du dispositif Schengen pour la libre circulation des personnes ;

- lors de la conférence intergouvernementale, une attitude ambitieuse devra être adoptée pour le traitement des trois sujets laissés en suspens à Amsterdam (la composition de la Commission, les règles de majorité et les procédures de vote au Conseil) ; on peut trouver des solutions très rapidement s'il existe une véritable volonté politique ; l'échec de la précédente CIG résulte d'un manque d'audace et relève d'une responsabilité partagée.

Rappelant que la Commission propose qu'un seuil d'un tiers des Etats soit requis pour instaurer une coopération renforcée, le président Valéry Giscard d'Estaing a suggéré la prise en considération - comme pour les futures règles de détermination de la majorité qualifiée - d'un critère en termes de population : les Etats représentant un tiers de la population de l'Union européenne pourraient ainsi instaurer entre eux une coopération renforcée ; cette règle permettrait de surmonter un éventuel blocage des petits Etats.

Constatant que la France était, avec la Grèce, l'Etat membre qui faisait l'objet du plus grand nombre de recours en manquement devant la Cour de justice des Communautés européennes - et qu'un tiers de ces recours était rejetés - M. Georges Sarre a demandé au commissaire les réflexions que lui inspire cette situation.

Mme Monika Griefahn a souhaité savoir si une campagne d'information de la population serait organisée par la Commission pour répondre à toutes les interrogations que peut susciter l'évolution de la construction européenne.

En réponse, M. Michel Barnier a jugé intéressante et nouvelle la proposition du Président Valéry Giscard d'Estaing. Il convient de l'étudier de près ; en effet, si les conditions relatives au nombre d'Etats et au pourcentage de population sont alternatives, trois grands Etats membres pourraient à eux seuls instaurer une coopération renforcée.

S'agissant de la réorganisation du système juridictionnel communautaire, une contribution qu'il a présentée tout récemment à la Commission suggère, pour lutter contre l'encombrement des juridictions, plusieurs solutions : le tribunal de première instance (TPI) pourrait statuer sur certains recours en manquement, déchargeant ainsi la Cour de justice (CJCE) ; comme un tiers des manquements ne sont pas contestés par les Etats qui les commettent, on pourrait même confier à la Commission la faculté de prononcer des sanctions. La CJCE resterait l'instance d'unification du droit communautaire par la voie du recours préjudiciel et de l'appel des jugements du TPI. Il n'en demeure pas moins que pour améliorer le fonctionnement du système juridictionnel et éviter la multiplication des recours en manquement, les Etats membres doivent faire une meilleure application du droit communautaire.

M. Michel Barnier a enfin annoncé qu'il avait l'intention d'engager, à partir du 8 mars prochain, un dialogue sur l'Europe avec la population, dans tous les pays de l'Union européenne. Il a suggéré que les gouvernements, les parlements nationaux et le Parlement européen s'associent à cette initiative. Comme ministre des Affaires européennes, il avait lancé une campagne sur l'Europe dans vingt-huit régions, avec des résultats appréciables : dans la situation actuelle, l'Europe n'a pas de visage et suscite nombre de questions et d'interrogations pertinentes auxquelles il faut être attentif. Tous les commissaires européens, lors de leurs visites officielles dans des Etats membres, devront consacrer une partie de leur temps à aller à la rencontre des gens.

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· Union européenne : réforme des institutions


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