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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 1

(Application de l'article 46 du Règlement)

Lundi 2 octobre 2000
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Henri de Gastines, Président d'âge,
puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Election du Bureau de la Commission

- Examen de la proposition de résolution (n° 2562) de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière (M. Claude Lanfranca, rapporteur).

- Information relative à la Commission.

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La Commission s'est réunie pour procéder à la nomination de son Bureau.

Présidence de M. Henri de Gastines, Président d'âge

·  Nomination du Président

M. Paul Quilès, étant seul candidat, a été proclamé Président, conformément à l'article 39, alinéa 4, du Règlement.

Présidence de M. Paul Quilès, Président

·  Nomination des Vice-Présidents

MM. Didier Boulaud, Michel Voisin et Jean-Claude Sandrier étant seuls candidats, ont été proclamés Vice-Présidents, conformément à l'article 39, alinéa 4, du Règlement.

·  Nomination des Secrétaires

Mme Martine Lignières-Cassou, MM. Robert Gaïa et Pierre Lellouche, étant seuls candidats, ont été proclamés Secrétaires, conformément à l'article 39, alinéa 4, du Règlement.

En conséquence, le Bureau de la Commission est ainsi constitué :

- Président : M. Paul Quilès

- Vice-Présidents : M. Didier Boulaud

M. Michel Voisin

M. Jean-Claude Sandrier

- Secrétaires : M. Robert Gaïa

Mme Martine Lignières-Cassou

M. Pierre Lellouche

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Claude Lanfranca, rapporteur, la proposition de résolution (n° 2562) de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière.

M. Claude Lanfranca, a d'abord évoqué la notion de « syndrome de la guerre du Golfe ». Il a rappelé qu'aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Canada, un certain nombre d'anciens combattants de la guerre du Golfe avaient développé des pathologies qu'ils avaient imputées aux conditions de vie spécifiques qui avaient été les leurs pendant cette campagne. Il a précisé que des enquêtes épidémiologiques lancées sur leur demande par les gouvernements avaient fait apparaître une prévalence de ces pathologies chez les militaires ayant participé aux opérations du Golfe par rapport à des groupes témoins.

Après avoir indiqué qu'en France, le Gouvernement n'avait jusqu'ici pas lancé d'étude qui puisse mettre en évidence une pathologie particulière, pouvant donner lieu à des soins spécifiques ou à des conditions d'obtention de pension plus larges qu'aujourd'hui, il a rappelé que cinq députés membres du groupe RCV avaient déposé une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière. C'est cette proposition que la Commission examinait, conformément à l'article 140 du Règlement.

Le rapporteur a alors constaté que l'objet de la proposition était bien de recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, puisqu'il s'agissait d'établir l'impact des armes utilisées pendant l'opération Daguet sur la santé des personnels qui y ont participé, et en conséquence d'évaluer la responsabilité de l'Etat dans les pathologies constatées chez ces combattants. La proposition satisfaisait donc à la première condition de recevabilité posée par la loi pour la constitution d'une commission d'enquête.

Exposant ensuite qu'il n'avait pas été notifié par le Gouvernement que des procédures pénales étaient en cours à ce jour sur les faits ayant motivé la proposition de résolution, le rapporteur a conclu à la recevabilité de cette dernière.

S'agissant de l'opportunité, en revanche, le rapporteur a soulevé plusieurs objections.

Il a d'abord noté que la proposition reflétait une conception étroite des causes possibles des pathologies en cause, qu'elle réduisait aux seules armes utilisées pendant l'opération Daguet, autrement dit aux munitions à uranium appauvri. Indiquant que les études épidémiologiques menées jusqu'à présent ne mettaient pas l'usage de ces munitions au premier rang des causes possibles de certaines pathologies de la guerre du Golfe et rappelant que, lors de son audition par la Commission, le mercredi 13 septembre 2000, le Ministre de la Défense avait exposé que certains militaires français avaient, par exemple, été amenés à prendre un antidote, la pyridostigmine, à l'occasion d'alertes clairement identifiées, ou, pour certaines unités, sur une très courte durée, au moment de l'offensive terrestre, il a conclu qu'en tout état de cause, le champ des faits donnant lieu à enquête mériterait une définition plus large.

Le rapporteur a ensuite fait observer que, selon les auteurs de la proposition de résolution, la commission d'enquête devrait avoir pour objectif, au cas où une contamination serait avérée, d'établir les responsabilités de l'Etat et en conséquence de proposer des dispositifs de soin et d'indemnisation. Il a remarqué à ce propos que l'exposé des motifs de la proposition faisait valoir que, même si la contamination n'était pas avérée, une enquête épidémiologique pourrait être diligentée au regard des risques que pourrait mettre en lumière la commission d'enquête. Il a alors rappelé que lors de son audition par la Commission, le Ministre de la Défense avait annoncé la constitution, en accord avec le ministère de la Santé, d'un groupe d'experts, placé sous l'autorité d'une personnalité indépendante, en vue d'analyser les données sanitaires relatives aux anciens combattants de la guerre du Golfe. M. Claude Lanfranca a souligné que le Ministre avait précisé que ce groupe devrait examiner également l'ensemble des nouveaux dossiers déposés par des personnes estimant être atteintes d'une affection consécutive à leur passage dans le Golfe. Il en a conclu qu'il s'agissait là à la fois de l'institution d'un nouveau mode d'examen des dossiers individuels et de l'ouverture de l'étude épidémiologique demandée, jugeant qu'en conséquence, sur ces points, les demandes exprimées dans la proposition de résolution étaient d'ores et déjà satisfaites.

Le rapporteur a alors rappelé qu'à la fin de l'audition du Ministre de la Défense par la Commission, le Président Paul Quilès avait pu constater un accord d'ensemble des participants en faveur de la création d'une mission d'information destinée à vérifier si des militaires avaient pu être placés, au cours de la guerre du Golfe, dans des situations comportant des risques sanitaires spécifiques. Il a également souligné que, comme le Président Paul Quilès l'avait noté, la mission d'information pourrait, sans s'éloigner de son objectif, comporter des conclusions et préconisations intéressant d'autres conflits récents ou à venir.

Remarquant que, si les conclusions de la mission établissaient que des militaires français avaient été exposés à des risques sanitaires spécifiques au cours de leur engagement, il y aurait là un élément pour réviser, le cas échéant, le statut de certaines pathologies et rendre possible leur reconnaissance comme pathologies de guerre, il a considéré que, sur cette question de la responsabilité éventuelle de l'Etat, la mission d'information qu'envisageait de créer la Commission de la Défense et la commission d'enquête auraient le même objet.

Le rapporteur s'est alors interrogé sur le dispositif à privilégier.

Rappelant que, si l'on considère traditionnellement qu'une commission d'enquête a plus de pouvoir et plus d'autorité dans ses travaux qu'une mission d'information d'une commission permanente, l'article 6-II de l'ordonnance relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoyant notamment que toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, qu'elle est entendue sous serment, et que ses rapporteurs sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, il a néanmoins observé que les missions d'information, émanations des commissions permanentes, pouvaient s'appuyer sur les pouvoirs de convocation de ces dernières et relevé qu'en tout état de cause, aux termes de la même ordonnance, les prérogatives des commissions d'enquête ne valaient pas pour les informations et documents revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat.

Il a alors souligné que, s'agissant d'une investigation concernant l'armée française en campagne qui, pour aboutir, devrait s'intéresser à son organisation, à ses matériels et armements, ainsi qu'à ses procédures et règles d'engagement opérationnel, nombre des documents intéressant la commission d'enquête auraient sans doute un caractère secret et qu'il serait donc difficile à ses membres d'accéder aux informations les plus pertinentes.

Il a rappelé qu'en revanche, au fur et à mesure que des relations de confiance s'étaient instaurées entre la Commission de la Défense et le Gouvernement, une méthode avait été mise au point pour traiter des documents classifiés, ces derniers étant déclassifiés à l'attention des seuls rapporteurs ou présidents de mission d'information, pour leur donner tous les éléments d'un bon établissement des faits, sans qu'ils en fassent ensuite état s'il s'avérait que leur divulgation risquait de nuire à la sécurité de l'Etat. Il a jugé qu'en conséquence une mission d'information de la Commission de la Défense serait un instrument adéquat pour une telle investigation. Il a à ce propos relevé que le Ministre de la Défense, lors de son audition sur les pathologies des anciens combattants du Golfe, s'était d'ores et déjà engagé à faire en sorte que l'ensemble des documents opérationnels nécessaires à une mission d'information de la Commission sur les conditions d'engagement de ces personnels soit placé à sa disposition. M. Claude Lanfranca a ajouté que le Ministre avait précisé que la mission d'information parlementaire, si elle était créée, serait tenue informée des travaux du groupe d'experts commun au ministère chargé de la Santé publique et à celui de la Défense.

Le rapporteur a par ailleurs souligné qu'une commission d'enquête serait constituée pour six mois seulement, la loi interdisant qu'il en soit créé d'autre sur le même objet avant un an, tandis qu'une mission d'information ne serait pas soumise à cette restriction. Il a fait valoir que, même utilisée de façon limitée, la souplesse dans la durée qu'autorise la formule de la mission d'information pourrait présenter un intérêt, notamment pour la coordination avec le groupe d'experts.

En conclusion de son exposé, M. Claude Lanfranca a proposé à la Commission de rejeter la proposition de résolution.

S'exprimant au nom des membres du groupe RPR, M. René Galy-Dejean a confirmé sa position favorable à la création d'une mission d'information de la Commission sur les éventuels risques sanitaires spécifiques liés aux opérations du Golfe. Se déclarant convaincu par la démonstration du rapporteur, il a marqué son opposition à la création d'une commission d'enquête dont le caractère accusatoire a priori lui est apparu inapproprié. Il a considéré qu'une telle démarche, dirigée contre les armées, susciterait l'incompréhension du public, étant donné l'appréciation élogieuse que le Parlement avait largement portée sur l'engagement des troupes françaises dans le cadre de l'opération Daguet, il y a près de 10 ans.

Après avoir souligné la qualité des analyses du rapporteur, M. Guy-Michel Chauveau a exprimé au nom du groupe socialiste son complet accord avec sa proposition.

La Commission a alors rejeté à l'unanimité la proposition de résolution n° 2562 de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière.

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Information relative à la Commission

Sur la proposition du Président Paul Quilès, la Commission a procédé à la création d'une mission d'information sur les conditions d'engagement des militaires français ayant pu les exposer, au cours de la guerre du Golfe, à des risques de pathologies spécifiques. Cette mission est composée de MM. Bernard Cazeneuve, Président, Charles Cova, Vice-Président, de Mme Michèle Rivasi et de M. Claude Lanfranca, rapporteurs, ainsi que de MM. Jean-Louis Bernard, Alain Clary, René Galy-Dejean, Guy Teissier, André Vauchez, et Aloyse Warhouver.


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