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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 17 octobre 2000
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l'Administration du ministère de la Défense sur le projet de budget pour 2001.


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La Commission a entendu M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l'Administration du ministère de la Défense sur le projet de budget pour 2001.

Soulignant que l'audition du Secrétaire général pour l'Administration du ministère de la Défense fournissait l'occasion de prendre connaissance de manière détaillée des conditions dans lesquelles s'achève la professionnalisation des armées, le Président Paul Quilès a demandé des précisions sur les mesures prévues en faveur de son accompagnement social. Il s'est également interrogé sur le déficit constaté en personnels civils, les effectifs réalisés correspondant à 80 % des effectifs budgétaires. Il a enfin souhaité que le Secrétaire général pour l'Administration commente les transformations importantes de structure que connaît le ministère de la Défense.

M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l'Administration du Ministère de la Défense, a souhaité dresser un bilan de l'avancement de la professionnalisation des forces, compte tenu de la vision synthétique que lui donnent ses responsabilités auprès du Ministre de la Défense dans la préparation du budget et l'élaboration de la politique du personnel, mais aussi dans le suivi de la réforme engagée en 1996.

Il a exprimé sa conviction que le chemin parcouru depuis 1997 permet d'envisager avec confiance la réalisation du format des armées prévu pour 2002, les perspectives inscrites dans le projet de budget s'inscrivant dans la continuité de ce qui a d'ores et déjà été fait. Rappelant que la réforme consiste à transformer les armées afin de les rendre capables de se projeter sur de nombreux théâtres avec un effectif militaire et civil total réduit de 573 000 à 440 000 personnes, il a précisé que le format prévu à l'horizon 2002 serait pratiquement atteint dès l'année prochaine. Les effectifs budgétaires du ministère de la Défense s'établiront alors à 446 143 emplois, en diminution de près de 6 % par rapport à l'année 2000.

S'agissant des militaires, M. Jean-François Hebert a estimé qu'il ne faisait plus de doute aujourd'hui que les mesures prises ces dernières années pour accompagner la professionnalisation des armées se sont révélées efficaces. Il a rappelé que le départ des officiers et sous-officiers avait constitué le premier défi auquel le ministère de la Défense avait été confronté, leur nombre devant diminuer respectivement de 267 et 15 532 postes en six ans sans mesures autoritaires de dégagement des cadres, à la différence de ce qui s'est fait après la guerre d'Algérie. Il a évoqué pour mémoire les dispositifs d'incitation au départ mis en place à cette fin, tels que la prolongation des articles 5 et 6 de la loi du 30 octobre 1975, la prolongation de la loi du 2 janvier 1970 dite « 70-2 », l'aménagement des modalités d'accès aux emplois réservés, le développement de la pratique du changement d'armée, en particulier au profit de la Gendarmerie pour la constitution de son corps de soutien, ou les aides à la reconversion.

Chacune de ces mesures s'est montrée utile, mais c'est le dispositif du pécule de départ, sinon nouveau, à tout le moins profondément rénové, qui a été le plus performant, en dépit du scepticisme affiché par certains lors de sa conception. Le Secrétaire général pour l'Administration a rappelé que cette mesure s'applique à des officiers ou sous-officiers disposant d'une certaine ancienneté et se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de leur grade. La somme allouée est d'autant plus élevée que la limite d'âge est éloignée. Le montant du pécule, qui ne constitue pas un droit mais un instrument de gestion des effectifs, diminue à mesure que se rapproche le terme de la programmation. Cette année, 101 officiers ont bénéficié d'un pécule moyen de 440 000 francs, tandis que 2 759 sous-officiers ont reçu une somme de 260 000 francs. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit de consacrer 566 millions de francs à ces pécules dits « rénovés » afin d'encourager le départ de 78 officiers et de 2 026 sous-officiers. Au cours de la période 1997-2001 le ministère de la Défense aura ainsi consacré près de 4 milliards de francs à cette forme originale d'aide, le pécule rénové favorisant le départ de 679 officiers et de 12 323 sous-officiers.

Le Secrétaire général pour l'Administration en est alors venu au congé de reconversion, autre forme nouvelle d'aide au départ, d'une durée maximale de six mois, qui peut être prolongée par un congé complémentaire de six mois également. Pendant ces congés, le militaire, totalement libéré de ses obligations de service, se consacre intégralement à sa reconversion tout en gardant une rémunération complète pendant le premier semestre, diminuée ensuite de l'indemnité pour charges militaires et des primes liées au service. En 1998, 3 500 militaires ont bénéficié d'un congé de reconversion simple et 200 d'entre eux d'un congé complémentaire. En 1999, ils ont été respectivement 4 500 et 500. Au 1er septembre 2000, ils étaient 5 753 et 402. Les crédits inscrits au projet de budget pour 2001 permettront à 450 caporaux-chefs et sous-officiers subalternes de prolonger de quatre mois en moyenne leur congé de reconversion.

M. Jean-François Hebert, a estimé que cette politique d'aide au départ portait ses fruits, comme le montrait l'évolution des effectifs au cours des quatre premières annuités de la programmation. Au 1er septembre 2000, le nombre d'officiers (37 676) et de sous-officiers (203 770) en fonction dans les armées était d'ores et déjà inférieur aux effectifs budgétaires (respectivement 38 542 officiers et 205 156 sous-officiers). M. Jean-François Hebert a considéré qu'il n'y avait aucune raison de penser qu'il en aille différemment l'année prochaine, compte tenu des objectifs fixés et des moyens alloués au ministère de la Défense dans le cadre du projet de budget pour 2001.

Abordant le cas des militaires du rang, dont le nombre doit plus que doubler pour passer à 92 527 à l'horizon 2002, il a insisté sur le défi consistant à attirer une ressource suffisante en quantité et en qualité dans les forces. Pour y parvenir, le ministère de la Défense s'est attaché à revaloriser la rémunération de cette catégorie de personnels dès 1997 avec la mensualisation de leur solde, puis avec l'application aux militaires de l'accord salarial pour la fonction publique du 10 février 1998 qui prévoit notamment des mesures intéressant plus spécifiquement les bas salaires. Hors primes liées à l'activité, la rémunération de base d'un militaire du rang professionnel a ainsi progressé de plus de 60 % passant de 4 100 à 6 600 francs mensuels. S'y ajoutent, comme auparavant, des avantages en nature, tels que l'hébergement, l'alimentation ou le transport. Le ministère de la Défense est particulièrement attentif à ce que les prestations qu'il offre répondent aux attentes des engagés. Dans cette perspective, la Direction de la fonction militaire et du personnel civil anime, avec les armées, des groupes de travail qui ont notamment abouti à la publication, à la fin de l'année dernière, d'un guide social du militaire sous contrat récapitulant en termes simples ses droits et obligations. De même, la représentation des engagés dans les instances de concertation a été améliorée.

Le Secrétaire général pour l'Administration a ajouté que bien d'autres mesures avaient été prises pour rendre attractif le passage sous l'uniforme et faciliter le retour à la vie civile. Au titre de l'incitation à entrer dans les armées, il a cité les possibilités d'avancement dues au « pyramidage » des créations de postes depuis 1998, le rythme des activités d'entraînement et la politique de séjours outre-mer. Au titre des mesures facilitant le retour à la vie civile, il a évoqué la revalorisation de l'indemnité de départ passée de quatorze mois de solde brute à vingt-quatre mois entre huit et onze ans de service, et les aides à la reconversion mentionnées auparavant.

Il a indiqué que les 7 707 créations de postes prévues par le projet de budget, essentiellement au bénéfice de l'armée de Terre (5 879 postes) et de l'armée de l'Air (1 466 postes), comprenaient, pour la deuxième année consécutive, des mesures dites de « dépyramidage ». Pour des raisons d'organisation, l'armée de l'Air et la Marine ont en effet proposé, pour 2001 comme auparavant pour 2000, de transformer 424 emplois de sous-officiers en un nombre équivalent d'emplois d'engagés (1 324 sont prévus sur la période 2000-2002), signe qu'elles considèrent que ces emplois peuvent être pourvus.

M. Jean-François Hebert a fait valoir que, grâce aux mesures qu'il a évoquées, aux campagnes de recrutement lancées par chacune des armées, et sans doute aussi à la bonne image de l'institution militaire, les 31 784 emplois créés au cours de ces quatre dernières années ont été pourvus. A la date du 1er septembre 2000, 75 226 postes d'engagés étaient ainsi occupés pour un effectif budgétaire de 76 336 emplois. Il a insisté sur la qualité des nouvelles recrues, en général supérieure à celle observée chez les militaires du rang engagés avant la décision de professionnaliser les armées.

Tous ces facteurs incitent plutôt à l'optimisme, d'autant que la reprise de la croissance ne semble pas avoir découragé les candidats à l'engagement. Des difficultés peuvent cependant apparaître, notamment dans certaines spécialités telles que la sécurité, l'hôtellerie, le bâtiment ou le transport routier. Afin d'éviter qu'elles prennent l'ampleur observée dans certains pays alliés, la vigilance est nécessaire. Ce qui a conduit notamment à des réflexions sur la durée de l'engagement, que les armées pourraient faire passer à huit ans avec un objectif cible de onze ans, contre une durée moyenne de quatre à cinq ans aujourd'hui. Des études sont également menées dans le même esprit sur les conditions d'une « fidélisation » satisfaisante des engagés.

Le Secrétaire général pour l'Administration a alors abordé la situation des volontaires, dotés d'un statut depuis que la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a inscrit le volontariat militaire dans le prolongement du parcours citoyen. Celui-ci permet aux jeunes de 18 à 26 ans qui le souhaitent de servir en qualité de militaires dans les armées, pour une durée de 12 mois, renouvelable chaque année, jusqu'à 60 mois. La loi de programmation militaire fixe à cet égard un objectif raisonnable de 27 171 volontaires dans les forces armées à la fin de 2002.

La nécessité de doter les volontaires d'un statut, conjuguée aux interrogations suscitées par l'apparition de cette nouvelle catégorie de personnels, intermédiaire entre les appelés et les engagés, explique que les emplois correspondants n'aient été créés que progressivement et qu'ils l'aient d'abord été dans la Gendarmerie, principale bénéficiaire du dispositif. Aux 4 751 postes créés en 1999, 6 500 se sont ajoutés en 2000. Les 7 000 créations d'emplois prévues pour l'année prochaine porteront à 18 251 le nombre de postes ouverts en trois ans, ce qui représente les deux tiers de l'objectif visé pour 2002. Au 1er septembre 2000, 11 011 des 11 251 postes ouverts étaient pourvus.

Jugeant ce résultat satisfaisant, le Secrétaire général pour l'Administration a cependant estimé nécessaire de tirer le maximum de leçons de l'expérience de ces derniers mois pour, le cas échéant, adapter le statut ou les conditions d'emploi des volontaires. La Direction générale de la Gendarmerie nationale, qui met l'accent sur la formation des gendarmes-adjoints, et notamment des deux tiers d'entre eux qui ont renouvelé leur contrat, peut à cet égard être citée en exemple.

M. Jean-François Hebert a alors évoqué la situation des appelés. Il a rappelé que la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 a organisé une décroissance progressive de leur nombre tandis que la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a fixé au 1er janvier 2003 la date jusqu'à laquelle les jeunes gens nés avant le 1er janvier 1979 demeurent soumis à l'obligation d'accomplir un service de dix mois. Indiquant que 62 475 emplois d'appelés sont encore ouverts au budget de la Défense pour l'année 2000, il a précisé que le projet de budget pour 2001 prévoit de les ramener à un nombre de 22 818. En cinq ans, les suppressions de postes auront été particulièrement rapides dans l'armée de l'Air, dans la Marine et au service de santé. En revanche, la diminution s'est opérée plus lentement dans l'armée de Terre et à la Gendarmerie. Il a rappelé que les mesures destinées à favoriser l'emploi des jeunes prévues par les articles L 5 bis et L 5 bis A du code du service national ont eu pour effet de réduire la ressource immédiatement incorporable en permettant l'attribution d'un nombre plus élevé de reports. Pour autant, et même si des difficultés ponctuelles ont été relevées à certaines périodes ou dans certaines régions, les armées ont globalement disposé des moyens qui leur étaient nécessaires. A titre d'exemple, avec 15 000 recrues, l'incorporation du mois de février 2000, qui est traditionnellement la plus forte de l'année, a été excédentaire de 18 %.

Dans le prolongement des engagements pris par le Premier ministre le 12 mai 2000, lors des rencontres nationales des jeunes à La Villette, le ministère de la Défense prépare un plan de valorisation du service national à l'attention des jeunes qui l'accomplissent dans des conditions que chacun s'accorde à qualifier d'exemplaires. Ce plan, dont le Ministre de la Défense exposera les éléments à la représentation nationale lors du débat budgétaire, privilégie le renforcement du dialogue préalable à l'affectation. Il prévoit également un suivi professionnel individualisé des conscrits et des aides pour rendre plus aisé leur retour à la vie civile.

Observant que les cadres quittent les armées dans de bonnes conditions, que des engagés motivés rejoignent les forces, que les volontaires commencent à y trouver leur place alors que le comportement des appelés facilite la transition vers l'armée professionnelle, le Secrétaire général pour l'Administration a souligné que ce qui avait été entrepris depuis 1997 laissait bien augurer de la réalisation du format des armées en 2002. Il a ajouté que se trouvaient confirmés, s'agissant des militaires, le bien-fondé d'un calendrier étalant la transition sur six années, ainsi que l'efficacité des mesures d'accompagnement mises en place.

M. Jean-François Hebert a alors fait valoir que la réalisation des effectifs prévus par la programmation militaire ne suffisait pas à elle seule à attester du succès de la réforme engagée en 1996, même si elle en était la condition. Soulignant que beaucoup d'autres facteurs, d'ordre qualitatif, entraient en ligne de compte, il a cité à cet égard l'ouverture de presque tous les emplois militaires aux femmes, l'amélioration du fonctionnement des organes de concertation des militaires ainsi que l'aménagement de la formation initiale des officiers.

Il a également souligné la nécessité de réfléchir à la consolidation de la professionnalisation, indiquant que cette réflexion était menée dans le cadre de la préparation de la future loi de programmation. Citant le dernier discours du Premier ministre devant l'IHEDN, il a rappelé que la consolidation de la professionnalisation consisterait à « prévoir les dispositifs destinés à conforter le recrutement, la formation et la reconversion des personnels militaires ».

M. Jean-François Hebert a ensuite abordé la situation des personnels civils, estimant que les difficultés de recrutement rencontrées jusqu'à présent sont en passe d'être surmontées. Rappelant que la programmation militaire prévoit un accroissement du nombre des civils et un renforcement de leur rôle au sein du ministère de la Défense, il a précisé que leur effectif global devrait atteindre 83 000 personnes au terme de la professionnalisation, soit 9 300 emplois de plus qu'avant la réforme (compte non tenu des personnels de DCN). La proportion des civils dans les effectifs totaux de la Défense, hors comptes de commerce, devrait ainsi passer de 13 à 19 %, ce qui reste néanmoins inférieur aux taux observés dans les armées étrangères comparables. Compte tenu des mesures d'ajustement intervenues au cours des quatre dernières années et des mesures prévues par le projet de budget, 6 228 emplois civils nouveaux auront été créés au cours de la période 1997-2001.

Le Secrétaire général pour l'Administration n'a pas caché que le ministère de la Défense avait peiné jusqu'à présent à pourvoir l'ensemble des postes d'agents civils, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou des ouvriers d'Etat. Le sous-effectif qui était de 2 603 fin 1996 est passé à 9 314 fin 1999. A la date du 1er septembre 2000, les vacances de postes sont du même ordre : 6 883 pour les fonctionnaires et contractuels et 2 400 pour les ouvriers d'Etat. Les perspectives pour la fin de l'année sont cependant encourageantes, puisque le déficit en personnels civils est susceptible de se réduire à 5 483 postes, niveau inférieur à celui constaté à la fin de 1997 (5 979 postes).

En termes de postes budgétaires, le ministère de la Défense dénombre, en 2000, 48 678 agents civils fonctionnaires et contractuels. Le déficit prévisionnel pour cette catégorie de personnels est de 2 533 emplois au 31 décembre, soit près de 2 000 de moins que l'année passée. Pour apprécier ce déficit, il convient de rappeler que le ministère de la Défense, à l'instar de toutes les administrations, est soumis à la « mise en réserve » d'une partie de ses emplois. Depuis trois ans, cette mise en réserve porte forfaitairement sur environ 1 100 postes, nombre correspondant approximativement à celui des emplois non pourvus pour des raisons techniques (« volant de gestion »). L'amélioration attendue pour la fin de l'année, qui est d'ores et déjà perceptible, sinon dans les statistiques, du moins sur le terrain, tient aux efforts qui ont été faits pour absorber la très forte augmentation du nombre des postes de fonctionnaires, de l'ordre de 12 000 emplois en cinq ans.

M. Jean-François Hebert a indiqué qu'en 2000, ces efforts ont plus particulièrement porté sur la date d'ouverture des concours ainsi que sur leurs modalités de déroulement. Les premières épreuves des concours ouverts au titre de l'année 2000 ont débuté dès le mois de décembre 1999. Pour les concours de 2001 les épreuves devraient débuter en novembre 2000. Cette modification du calendrier traditionnel des concours s'est accompagnée d'une publicité plus ciblée en direction des candidats potentiels, notamment dans certaines spécialités habituellement déficitaires, telles que les ingénieurs ou les techniciens supérieurs d'études et de fabrications. Par ailleurs, de réels progrès ont été accomplis dans le déroulement des concours, des épreuves ayant été simplifiées, la composition des jurys revue, l'information des candidats améliorée, le recours à la liste complémentaire étendu et les délais d'affectation des lauréats réduits.

La déconcentration des concours pour les emplois des catégories B et C devrait également contribuer à améliorer sensiblement le recrutement.

En ce qui concerne les postes budgétaires d'ouvriers d'Etat, le ministère de la Défense en compte 50 362 en 2000. Au 31 décembre 1999, 4 754 de ces emplois étaient vacants. Ce sous-effectif devrait s'établir à 2 950 emplois (soit 5,8 % des postes ouverts) à la fin de l'année 2000.

Les difficultés rencontrées par le ministère de la Défense en ce qui concerne cette catégorie de personnels tiennent à l'interdiction d'embauche imposée par la Direction du budget du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. En raison sans doute de l'introduction des 35 heures à DCN, les flux importants des dernières années en provenance de ce service industriel commencent à se tarir. En revanche, les réintégrations des personnels de Giat-Industries sont plus nombreuses puisque 313 ouvriers d'Etat provenant de cette entreprise ont été reclassés dans les armées courant 2000.

Il est cependant possible d'obtenir de la Direction du budget des autorisations exceptionnelles d'embauche. Après des autorisations portant sur 150 emplois en 1997 et 500 en 1998, le ministère de la Défense a bénéficié, à la fin de 1999, d'un accord pour 250 recrutements afin de combler les vacances de postes dans l'armée de Terre. Une nouvelle demande a en outre été récemment présentée au titre de l'exercice 2000.

M. Jean-François Hebert a estimé que la transformation d'emplois vacants d'ouvriers d'Etat en crédits finançant des opérations d'externalisation ne constituait pas une réponse à la mesure du problème posé, quelles que soient les améliorations qu'elle permet à la marge. En contrepartie du gage (en principe réversible) de 1 100 emplois non pourvus, parmi lesquels 750 emplois d'ouvriers d'Etat, 216 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires ont été alloués aux armées pour l'année 2000. Le projet de budget pour 2001 comporte une mesure financière analogue d'un montant, nettement plus modeste, de 104,3 millions de francs, en contrepartie d'un gage de 1 020 emplois vacants, dont, cette fois, 400 emplois d'ouvriers. Par ailleurs, la politique d'externalisation a fait l'objet d'une directive très précise et d'un guide destiné à cadrer la démarche. Enfin, à la demande du Ministre de la Défense, un groupe de travail réunissant des représentants de l'administration et des organisations syndicales a pour mission de suivre les opérations d'externalisation en cours.

M. Jean-François Hebert a jugé qu'à condition de bien fixer les limites de l'exercice, la transformation d'emplois vacants d'ouvriers d'Etat en emplois de fonctionnaires apportait une réponse plus adaptée. En effet, contrairement à la situation créée par l'externalisation, les emplois correspondants sont maintenus au budget du ministère de la Défense et peuvent être pourvus assez rapidement. Le projet de budget prévoit 987 transformations de postes de ce type.

Ces mesures, prises pour répondre à des besoins urgents, doivent néanmoins s'inscrire dans le cadre d'une réflexion prospective et approfondie sur le rôle et la place des ouvriers d'Etat au sein du ministère de la Défense. C'est la raison pour laquelle le Ministre de la Défense a récemment proposé aux organisations syndicales, qui l'ont accepté, de constituer un groupe de travail chargé d'identifier les métiers dont la spécificité est telle qu'il faut les réserver à des ouvriers très qualifiés.

M. Jean-François Hebert a estimé que, sous l'effet cumulé de toutes les mesures prises concernant les personnels civils, fonctionnaires, agents contractuels ou ouvriers d'Etat, les difficultés rencontrées ces dernières années paraissent en passe d'être surmontées. Il a jugé que le ministère de la Défense serait probablement proche à la fin de l'exercice de 2001 de l'objectif fixé par la programmation militaire. Il a ajouté que, pour les civils comme pour les militaires, les aspects quantitatifs ne doivent pas dissimuler les actions conduites pour améliorer les conditions de travail des personnels, telles que les expérimentations d'aménagement du temps de travail lancées par le ministère de la Défense dans cinquante établissements et à la Direction du service national avant même qu'il soit question des trente-cinq heures, la mise en _uvre des trente-cinq heures au sein de DCN, ou encore la transposition aux personnels civils du ministère de la Défense des mécanismes de cessation anticipée d'activité mis en place dans le secteur privé de la construction et de la réparation navales pour les personnes en contact avec l'amiante.

En conclusion de son propos sur les personnels, le Secrétaire général pour l'Administration a estimé que la mise en place du nouveau « système d'hommes » prévu par la loi de programmation militaire démontrait tout à la fois la pertinence des choix opérés et la capacité des forces armées, plus largement du ministère de la Défense, à s'adapter à de nouvelles conditions d'activité. Pour l'avenir, et notamment dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire, il a tiré de l'expérience de l'action conduite au cours des dernières années la conclusion qu'il est essentiel de disposer d'une programmation très détaillée des effectifs civils et militaires, mécanisme qui n'empêche pas les ajustements nécessaires comme le montrent les mesures récentes d'externalisation et de pyramidage d'effectifs. En tout état de cause, une programmation des effectifs pourrait constituer une référence utile au moment où les armées aborderont la phase de la consolidation de leur professionnalisation.

M. Jean-François Hebert a ensuite esquissé un bilan des principales réformes administratives intervenues au sein du ministère de la Défense.

Après l'absorption du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, opération lourde survenue en 1999, le ministère de la Défense a procédé à une réorganisation de la carte militaire à deux niveaux : sur le plan de l'organisation territoriale de la défense, le nombre de zones de défense a été réduit de neuf à sept tandis que, sur le plan de l'organisation militaire territoriale, chaque armée a revu sa structure. Ainsi, par exemple, l'armée de Terre s'est réorganisée en cinq « régions terre » tandis que l'armée de l'Air est passée de trois à deux régions aériennes.

La réforme de l'organisation générale de l'armée de Terre a, par ailleurs, été achevée sur la base, notamment, de la séparation entre commandements organiques et opérationnels. L'entretien des matériels a également été profondément remanié. D'une part, un service de soutien de la flotte rassemblant la Marine nationale et la DGA et placé directement sous l'autorité du Chef d'état-major de la Marine a été créé. D'autre part, une nouvelle structure de soutien intégré des matériels aéronautiques, la SIMMAD, va, pour la première fois, assurer la maintenance de tous les matériels aéronautiques de l'ensemble des armées et services de la Défense.

Enfin, sur le plan de l'organisation industrielle, DCN a été transformée en un service à compétence nationale distinct de la DGA. Une nouvelle réorganisation a été mise en place dans le domaine des exportations d'armement : si la DGA reste compétente pour la promotion et le soutien des ventes à l'étranger, ce n'est désormais plus elle qui en assure le contrôle. Indiquant qu'au cours des trois premiers trimestres de l'année, 26 décrets et 58 arrêtés d'organisation avaient été pris, M. Jean-François Hebert a précisé que de nombreux autres textes étaient en préparation dans ses services.

Le Président Paul Quilès a interrogé le Secrétaire général pour l'Administration sur le coût réel d'une armée professionnalisée, notamment dans le domaine du recrutement et de la reconversion des personnels. Puis, il a demandé quelles améliorations des procédures de passation des marchés de la défense étaient envisageables pour mettre fin aux lourdeurs et contraintes inutiles qu'elles imposent.

M. Charles Cova a demandé au Secrétaire général pour l'Administration si la question de la prise en compte de l'indemnité pour charges militaires dans le calcul des pensions de retraite était à l'étude. Puis, il s'est interrogé sur le bien-fondé de l'exigence du remboursement de l'indemnité de départ, dans le cas où le bénéficiaire était reclassé dans la fonction publique. Il a également jugé anormale la situation des sous-officiers qui, tout en réunissant les conditions de l'échelle 4, ne pouvaient recevoir la solde correspondante qu'avec retard. Il a par ailleurs demandé au Secrétaire général pour l'Administration s'il jugeait nécessaire de réformer le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), notamment pour en accroître la représentativité. Il s'est ensuite interrogé sur les domaines dans lesquels une refonte du statut général des militaires et du règlement de discipline générale pourrait être envisagée. Enfin, il a souhaité que les militaires puissent à l'issue de leur temps de service bénéficier d'emplois civils au sein du ministère de la Défense.

M. René Galy-Dejean a exprimé son étonnement devant l'optimisme des propos du Secrétaire général pour l'Administration, alors que des responsables militaires et en particulier le Chef d'état-major de l'armée de Terre ont fait état d'un phénomène de « surchauffe » dans l'activité des personnels. Puis, il lui a demandé des éclaircissements sur les modalités d'application au sein du ministère de la Défense de la loi sur la réduction du temps de travail.

Après avoir regretté que les revendications des militaires en activité n'aient pas d'autre porte-parole que les associations de retraités militaires, M. Robert Gaïa s'est déclaré peu convaincu par les propos du Secrétaire général pour l'Administration sur les avancées du dialogue social au sein des armées. Puis, constatant que certains candidats lauréats des concours du ministère de la Défense étaient parfois obligés de refuser les postes qui leur étaient proposés pour des raisons géographiques, il s'est félicité de la décision de procéder à une déconcentration des concours. Il a ensuite exprimé son inquiétude à l'égard des difficultés de gestion qui pourraient naître de la vague prévisible de départs des engagés arrivant au terme de leur contrat. Enfin, il a regretté que l'accompagnement social des restructurations soit parfois inutilement compliqué par la rigidité des textes séparant en particulier les activités étatiques et industrielles de la DGA.

Le Secrétaire général pour l'Administration a apporté les éléments de réponse suivants :

- il n'y a pas d'incompatibilité entre le fait de constater que les objectifs fixés sont globalement en passe d'être atteints et celui d'avoir pu mettre en évidence, dans l'armée de Terre en particulier, une « surchauffe » de l'activité des forces au cours d'une période très difficile, lorsque les armées ont été requises pour assurer des missions de service public, à la fin de l'année 1999 et au début de l'année 2000, à la suite d'intempéries et d'une grave pollution maritime, alors que la charge des opérations extérieures pesait fortement sur les unités. Parmi les solutions permettant de réduire la charge des personnels figure l'allégement de certaines contraintes. Les Chefs d'état-major sont conscients de la nécessité de réorganiser le service pour y parvenir ;

- le ministère de la Défense a déjà acquis une expérience du passage aux trente-cinq heures avec la DCN. Une mission a été confiée à M. Jean Auroux pour établir un état des lieux quantitatif et qualitatif de l'organisation du travail au sein du ministère. M. Jean Auroux devra notamment proposer une délimitation de grands ensembles homogènes pour une application efficace des futurs dispositifs. Son rapport devrait être rendu en novembre prochain, l'entrée en vigueur du dispositif devant en tout état de cause avoir lieu avant janvier 2002.

S'agissant des militaires, le respect des principes, de disponibilité notamment, établis par le statut général des militaires n'interdit pas, par exemple, de rechercher une meilleure organisation du travail, comme c'est notamment le cas au sein de la Gendarmerie ou d'autres compensations des contraintes liées au statut militaire ;

- lorsque la professionnalisation a été mise en _uvre, on a pensé qu'elle pourrait être effectuée à coûts constants, la diminution des effectifs et des coûts de fonctionnement compensant la hausse des rémunérations individuelles. A l'expérience, il a fallu en 1999 procéder à une revue du titre III, le fonctionnement étant, dans l'enveloppe de la programmation, progressivement comprimé par la hausse des rémunérations. Il en est notamment résulté une remise à niveau des crédits d'activité ;

- ce n'est qu'une fois la professionnalisation achevée qu'une analyse détaillée des éléments constitutifs du titre III, permettra d'en dresser le bilan financier final ;

- la consolidation de la professionnalisation nécessitera sans doute des ajustements de dépenses en cours de programmation qui pourraient être financés par un fonds spécifique ;

- les difficultés créées par la complexité de la réglementation relative aux marchés publics sont reconnues par le Gouvernement. Le ministère de la Défense participe à des discussions interministérielles ayant pour objet de simplifier les procédures et d'introduire la souplesse nécessaire à la satisfaction des besoins parfois urgents qui sont propres aux armées ;

- la possibilité offerte aux anciens militaires d'entrer dans les administrations civiles sans concours en application des dispositions de la loi n° 70-2 représente un avantage significatif. Il ne serait peut-être pas justifié d'ajouter à cet avantage celui d'une dispense du remboursement de l'indemnité de départ ;

- l'attribution de l'échelle 4 n'a pas toujours tenu compte des ressources financières disponibles ;

- la défense des intérêts des militaires paraît bien assurée au sein des conseils de la fonction militaire dont les modalités de fonctionnement ont été récemment améliorées ;

- il pourrait être envisagé de recruter d'anciens militaires sur des postes civils du ministère de la Défense, que ce soit par le biais des concours publics ou par application des dispositions de la loi n° 70-2. Il importe toutefois de veiller également au reclassement des personnels des établissements restructurés de Giat-Industries et de DCN ;

- la « fidélisation » des militaires et l'incitation au renouvellement des contrats constituent des thèmes importants de réflexion sur lesquels le ministère travaille ;

- seuls les personnels employés dans les établissements restructurés de la DGA ou des armées ont vocation à bénéficier des mesures sociales spécifiques d'aide au départ.

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