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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 novembre 2000
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Echange de vues avec une délégation de la Commission de la Défense de l'Assemblée de Macédoine


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- Information relative à la Commission

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La Commission a procédé à un échange de vues avec une délégation de la Commission de politique intérieure et de défense de l'Assemblée de Macédoine, composée de son Président, M. Gorgi Kotevski, et de deux de ses membres, MM. Ilija Prangoski et Olojman Sulejmani.

Le Président Paul Quilès a tout d'abord précisé que la visite des parlementaires macédoniens faisait suite à un échange de vues qu'une délégation de la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale, qu'il conduisait, avait tenu avec la Commission de politique intérieure et de défense de l'Assemblée de Macédoine à Skopje, au cours de la crise du Kosovo, le 19 avril 1999.

Il a ensuite fait part du souhait de la Commission de voir la Macédoine préserver sa stabilité et résoudre ses difficultés économiques avec le soutien de la communauté internationale et, au premier chef, de l'Union européenne.

A cet égard, il a précisé que l'aspect militaire des relations franco-macédoniennes n'était pas l'essentiel, le meilleur gage de stabilité et de prospérité résidant au contraire pour la Macédoine dans une mise en application rapide et efficace du Pacte de stabilité et dans la conclusion, attendue pour fin novembre, d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. Il a indiqué, à ce propos, que les membres de la Commission seraient heureux d'entendre le point de vue de la délégation macédonienne sur les perspectives d'amélioration économique que peuvent désormais ouvrir pour la Macédoine les changements politiques récents en Yougoslavie et la levée des sanctions pesant sur ce pays qu'ils ont permise.

Il s'est par ailleurs félicité que la Macédoine poursuive une politique qui vise à la fois à la rapprocher de l'Alliance Atlantique et de l'Union européenne et à développer de bonnes relations avec tous ses voisins, y compris désormais la Yougoslavie. Il a noté que la Macédoine avait signé différents accords bilatéraux avec la Grèce, la Bulgarie et l'Albanie et qu'elle faisait partie de la force multinationale de maintien de la paix en Europe du Sud Est, qui comprend également l'Albanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Grèce, la Turquie et l'Italie.

Il a enfin souligné que la Macédoine participait de façon significative à la sécurité des Balkans puisqu'elle comptait encore sur son territoire environ 3 000 militaires de la KFOR et qu'elle offrait à cette force un axe de transit logistique de grande valeur.

Remerciant la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale, M. Gorgi Kotevski, Président de la Commission de politique intérieure et de défense de l'Assemblée de la République de Macédoine, a souligné que lui-même et ses collègues attachaient une grande importance à leur visite, eu égard au rôle fondamental de la France au sein de l'Union européenne et de l'OTAN. Il a alors indiqué que la Macédoine souhaitait développer ses contacts avec la France en vue d'obtenir un soutien accru à ses projets de rapprochement tant avec l'Union européenne qu'avec l'OTAN.

Présentant ensuite la délégation, il a exposé que M. Ilija Prangoski, membre du parti Alliance démocratique, appartenait à la majorité tandis que M. Olojman Sulejmani, membre du Parti pour la Prospérité démocratique, qui était un parti albanais, représentait l'opposition. Il a précisé qu'il appartenait lui-même à la majorité, en qualité de membre du Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne (VMRO), héritier de l'ORIM (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne) qui avait lutté pour la Macédoine au début du siècle.

Il a ajouté qu'était actuellement en discussion à l'Assemblée de Macédoine un projet de loi de réorganisation de la défense du pays. Puis, après avoir souligné que cette réorganisation était l'une des conditions du rapprochement de la Macédoine avec l'OTAN, il a indiqué que la délégation profiterait de sa visite en France pour s'informer plus amplement sur l'organisation des forces françaises.

Répondant ensuite aux questions soulevées par le Président Paul Quilès, il a expliqué que la Macédoine revendiquait son identité balkanique et européenne, et que, même si elle souffrait de certains handicaps liés à son passé ancien ou récent, elle voyait son avenir comme celui d'un pays membre de l'Union européenne.

Le Président Gorgi Kotevski a rappelé que, depuis deux ans, le gouvernement macédonien avait fait beaucoup pour la reconstruction du système économique et politique de la Macédoine et que, d'ici à la fin de l'année, l'un des axes principaux de son action portait sur le redressement de la situation déficitaire des grandes entreprises macédoniennes. A cette fin, la Macédoine a besoin d'investissements étrangers, condition nécessaire à l'amélioration de la situation économique du pays. C'est pour cette raison que l'action de l'Union européenne revêt une grande importance pour la Macédoine tout comme celle de l'OTAN.

Le Président Gorgi Kotevski a estimé que la solution aux difficultés de son pays passait nécessairement par le développement de bonnes relations avec ses voisins. Il s'est félicité à cet égard de la qualité des relations que la Macédoine entretenait avec la Bulgarie, l'Albanie et la Grèce, tandis qu'avec la République Fédérale de Yougoslavie, naguère liée à la Macédoine au sein de l'ex-Yougoslavie, un certain nombre de questions pour la résolution desquelles la France pourrait apporter une aide utile restait en suspens. La première de ces questions concerne la définition de la frontière entre le Kosovo et la Macédoine : il s'agit là d'un problème-clé dans la mesure où il conditionne l'arrêt des fraudes et trafics illicites émanant du Kosovo. La deuxième question réside dans la succession des actifs de l'ex-Yougoslavie : là encore, l'aide de la communauté internationale, et notamment de l'Union européenne, pourrait être fort utile. La troisième question tient à la stabilisation de la province du Kosovo, qui revêt un intérêt majeur pour la Macédoine, comme le démontre le soutien logistique qu'elle apporte aux unités de la KFOR présentes dans la région. L'importance pour la Macédoine de la stabilisation de la situation au Kosovo fait l'objet d'un consensus politique dans le pays.

En conclusion, le Président Gorgi Kotevski a rappelé que, dans le monde actuel, même les petits pays pourraient avoir un poids stratégique et qu'en l'occurrence, la situation centrale de la Macédoine dans les Balkans ne pouvait que plaider en faveur d'une intégration de ce pays dans des processus globaux de sécurité. Il a également souligné que le soutien de la France, en raison de son rôle passé et actuel, aiderait la Macédoine à surmonter le poids des handicaps hérités de son histoire.

Le Président Paul Quilès a répondu que, consciente de l'importance de la Macédoine pour l'équilibre global au sein des Balkans, la France apportait à ce pays un triple soutien : politique tout d'abord, afin que la région retrouve paix et stabilité ; économique ensuite, dans le cadre du Pacte de stabilité et de l'accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne dont la signature devrait intervenir prochainement ; militaire enfin par diverses actions de coopérations. A ce sujet, le Président Paul Quilès a rappelé que la Macédoine ayant signé un plan d'action pour l'adhésion (membership action plan) avec l'Alliance atlantique, la coopération avec la France lui serait utile dans l'adaptation de ses forces armées aux critères fixés par l'OTAN. Il a ensuite interrogé la délégation macédonienne sur son analyse de l'évolution du contexte politique régional, qu'il s'agisse des élections municipales au Kosovo, des élections en Bosnie-Herzégovine ou des changements politiques en Serbie.

M. Ilija Prangoski a insisté sur la jeunesse de la République de Macédoine qui n'existe que depuis dix ans sous la forme d'un Etat indépendant et pluraliste. Il a souligné l'importance du parcours démocratique accompli au cours de la décennie écoulée, assurant que ce processus ne saurait être interrompu.

Il a expliqué que, bien que la Macédoine cumule deux handicaps principaux, à savoir cinquante années de système communiste et un environnement régional difficile, sa situation s'améliorait rapidement.

Sur le plan international, il a déclaré que la Macédoine se félicitait de l'arrivée au pouvoir en Yougoslavie de M. Vojislav Kostunica et du changement radical qui en découlait, espérant que la Serbie pourrait désormais sortir de son isolement et poursuivre sa démocratisation.

Il s'est félicité de la manière paisible et démocratique dont s'étaient déroulées les élections municipales au Kosovo, relevant toutefois que les Serbes de la province n'avaient pas pris part au scrutin. Il a estimé que les efforts de l'Union européenne, conjugués à l'évolution de la situation en Yougoslavie, ne pourraient qu'améliorer la situation au Kosovo et dans l'ensemble des Balkans.

Il a insisté sur le rôle de réduction des tensions et de stabilisation politique qu'avait joué et que jouait encore la Macédoine dans la région des Balkans malgré les difficultés économiques auxquelles elle est confrontée, rappelant que son pays avait accueilli au moment du conflit du Kosovo jusqu'à 360 000 réfugiés, soit 18 % de sa population. Il a estimé que la Macédoine avait ainsi apporté la preuve de sa capacité à _uvrer pour la paix dans son environnement régional.

En conclusion, il a remercié la France pour l'aide apportée dans les domaines politique, économique et militaire, formulant l'espoir que ce soutien se poursuivrait, notamment dans le cadre de l'accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne.

M. Olojman Sulejmani a exprimé sa satisfaction et sa fierté de représenter le Parlement de la République de Macédoine et la Communauté albanaise de ce pays. Il a précisé que le parti politique dont il est membre avait participé au gouvernement pendant les huit premières années de son indépendance, mais se trouvait actuellement dans l'opposition.

Le Président Gorgi Kotevski a souligné à cet égard qu'il existait un autre parti politique albanophone, actuellement membre de la majorité au pouvoir.

M. Olojman Sulejmani a observé que la position de son parti ne différait pas de celle de la majorité en ce qui concerne les grandes orientations de politique extérieure. Faisant valoir que la Macédoine était un Etat récent dont la transition démocratique et économique n'était toujours pas achevée, il a demandé que la France poursuive sa politique de soutien à cette transition et insisté sur l'importance qu'elle revêtait pour son pays. Il a évoqué les difficultés interethniques qui subsistaient en Macédoine, tout en soulignant qu'elles étaient pour partie l'héritage du passé et que son pays avait la capacité de les résoudre progressivement.

Abordant la situation des pays frontaliers de la Macédoine, il a estimé que la démocratie l'avait finalement emporté au Kosovo, le scrutin qui venait d'y avoir lieu s'étant déroulé de manière libre et honnête. Il a tenu à rendre hommage au rôle de M. Bernard Kouchner, Chef de la MINUK, dont il a jugé qu'il avait largement contribué aux succès de ces premières élections kossovares. En revanche, il a considéré qu'en Yougoslavie, les véritables forces démocratiques n'avaient toujours pas accédé au pouvoir. Se félicitant toutefois du pas en avant accompli avec l'élection de M. Vojislav Kostunica à la présidence de la Fédération yougoslave, il a estimé que le peuple serbe n'avait pas mérité d'être dirigé par M. Milosevic et s'est prononcé en faveur d'un retour rapide à la démocratie en Serbie.

Concevant que le peuple serbe était en droit de faire valoir son identité culturelle, tout comme les autres peuples originaires des Balkans, il a insisté sur le rôle que pourrait jouer la France, berceau de la culture européenne, dans l'instauration d'une situation de respect mutuel et de sécurité dans la région. Il a alors invité la France à transmettre son expérience à des pays balkaniques en cours de transition politique, économique et culturelle qui souhaitent intégrer la famille européenne.

Remerciant les membres de la délégation macédonienne pour leurs propos élogieux et amicaux à l'égard de la France, le Président Paul Quilès les a assurés du soutien des membres de la Commission pour faire progresser la paix et le développement économique dans leur pays.

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Information relative à la Commission

La Commission a décidé de créer une mission d'information commune avec la Commission des Affaires étrangères sur les événements de Srebrenica (juillet 1995) comprenant dix membres et dont les rapporteurs seront MM. François Lamy et François Léotard.

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