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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 42

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 septembre 1999
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances
pour 2000

- Information relative à la Commission

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La Commission de la Défense a entendu M. Alain Richard, Ministre de la Défense, accompagné du Chef d'état-major des armées, des chefs d'état-major des trois armées et du Directeur général de la Gendarmerie, sur le projet de loi de finances pour 2000.

Après avoir remercié le Ministre d'être venu devant la Commission lui indiquer les principales grandeurs et les évolutions les plus significatives des crédits de son département, immédiatement après la présentation du projet de loi de finances en Conseil des Ministres, le Président Paul Quilès a fait état de trois questions revêtant un intérêt particulier. Il a d'abord mentionné les conditions de la professionnalisation des armées. Il a ensuite cité le maintien des crédits à un niveau qui permette de mener à bien la modernisation des forces, conformément à la programmation en cours, adaptée à la suite de la revue des programmes décidée par le Gouvernement. Sur ce point, relevant qu'un budget de la défense, dans sa composante d'équipement, était un budget de flux pluriannuels, largement soumis aux variations des décisions d'engagement des années antérieures, il a salué l'effort entrepris par le Gouvernement pour moderniser la gestion des crédits militaires, en rendant notamment à la notion d'autorisation de programme sa pleine valeur et son efficacité comme instrument d'allocation pluriannuelle des ressources. Il a souligné, à cet égard, que la Commission serait attentive à l'articulation entre les autorisations de programme et les crédits de paiement.

Il a enfin évoqué les tensions constatées actuellement sur les crédits de fonctionnement et d'activité, tout en soulignant la complexité des données budgétaires en ce domaine, la réduction du format des forces ayant comme corollaire obligé et souhaitable des économies sur les dépenses courantes, tandis qu'il faut donner au nouveau modèle d'armée en cours de constitution des moyens suffisants pour garantir ses capacités opérationnelles et sa disponibilité.

M. Alain Richard, Ministre de la Défense, a d'abord exposé qu'il avait été retenu par un Conseil restreint réuni pour examiner la contribution française à la force internationale du Timor oriental à la suite du Conseil des Ministres. Jugeant justifié, dans ces conditions, d'offrir à la Commission la primeur des informations sur les décisions prises, il a exposé que la France allait immédiatement contribuer à cette force par l'envoi sur place d'une frégate, d'avions de transport, d'une antenne chirurgicale avancée et d'un élément de protection, soit 250 hommes. Il a ajouté qu'un transport de chalands de débarquement (TCD), transportant des véhicules de l'avant blindés (VAB) et des hélicoptères, allait aussi rejoindre la Nouvelle-Calédonie, de manière à permettre l'équipement en moyens de protection d'une compagnie susceptible de participer à l'opération, les effectifs français se montant alors à 500 hommes pour une contribution européenne de 2 000 hommes à une force composée de 7 000 militaires, les contingents les plus importants étant asiatiques et océaniens, et plus précisément australiens et thaïlandais.

Abordant alors la présentation du projet de loi de finances pour 2000 et renvoyant la Commission au dossier d'information établi à ce sujet pour le détail des chiffres, il a souhaité préciser les objectifs poursuivis et la méthode retenue avant de développer quelques éléments lui paraissant mériter une attention particulière.

Il a d'abord souligné que le ministère de la Défense était engagé dans un profond effort de modernisation de ses structures, de ses moyens, humains et matériels, et de ses outils de gestion. La modernisation des structures sera notamment marquée en 2000 par la fin du processus de fusion en cours avec les services des Anciens combattants. S'agissant de la modernisation des moyens, le projet de loi de finances permettra de poursuivre l'exécution de la loi de programmation militaire que, pour la première fois depuis deux décennies, le Gouvernement entend conduire à son terme. Pour ce qui est de la modernisation des outils de gestion, après la comptabilité spéciale des investissements et le contrôle financier déconcentré, le ministère se dote aujourd'hui d'un dispositif de gestion prévisionnelle des autorisations de programmes et d'une nouvelle nomenclature budgétaire, dans la perspective d'aboutir à un suivi journalier de la dépense.

Le Ministre de la Défense a souligné les efforts de lisibilité et de transparence entrepris, dont témoignaient notamment l'établissement d'une nomenclature budgétaire plus lisible ou la publication de documents de gestion, tels que l'annuaire statistique de la Défense, le rapport annuel du Comité des prix de revient des fabrications d'armement et, bientôt, les grandes orientations du plan prospectif des études.

Il a indiqué également que nombre de mesures prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000 étaient la concrétisation de préoccupations formulées par les parlementaires au cours du débat budgétaire précédent. En réponse aux préoccupations exprimées notamment par le Président Paul Quilès sur l'évolution des crédits de fonctionnement courant des armées, ceux-ci augmentent de 21,4 % et 14,8 % respectivement pour la Marine et l'armée de l'Air, tandis que le taux d'activité annuel de l'armée de Terre passera de 70 à 73 jours. Conformément au souhait du rapporteur spécial de la Commission des Finances, l'utilisation des dotations budgétaires et les possibilités de recours à la sous-traitance ont été assouplies. Conformément à ceux des rapporteurs pour avis de la Commission de la Défense, un effort significatif a été consenti en faveur des crédits de fonctionnement (+1,1 %) et encore plus d'équipement (+ 8 %) de la Gendarmerie, les autorisations de programmes de l'armée de Terre augmentent de 13 % et les crédits d'entretien programmé du matériel de la Marine de 5,4 % sur le Titre V, et de 2,4 % au total.

Le Ministre de la Défense a alors évoqué les grandes lignes du projet du budget de la Défense.

Il a d'abord précisé que celui-ci intégrait des crédits en provenance du budget du secrétariat d'Etat aux Anciens combattants à hauteur de 949 millions de francs, répartis entre 475 millions pour le Titre III, 20 pour le Titre V et 454 pour les pensions de retraite. Hors pensions et apport du secrétariat d'Etat, les crédits du Ministère de la Défense pour l'année 2000 s'élèvent à 187,4 milliards de francs (en crédits de paiement) ; les crédits du Titre III se situent à 104,5 milliards de francs, en hausse de 0,5 %, tandis que les crédits d'équipement (Titres V et VI) diminuent de 3,5 % en crédits de paiement pour s'établir à 82,9 milliards de francs, mais augmentent en autorisations de programmes pour atteindre 87,5 milliards de francs, soit une hausse de 1,7 %. La dotation en autorisations de programmes est ainsi supérieure à celle des crédits de paiement pour la première fois depuis 1992.

S'agissant du Titre III, M. Alain Richard a souligné qu'un effort important avait été accompli en matière d'outils de gestion. Une revue interne au ministère, portant sur l'ensemble du Titre III, a ainsi été conduite pendant les premiers mois de l'année. Cet examen approfondi de l'évolution des effectifs et des dépenses de rémunération et de fonctionnement courant, le premier du genre, a permis de mieux cerner les besoins et d'identifier les marges de man_uvre disponibles.

Sur ces bases, la réduction du format des armées se poursuit, avec la suppression de 36 000 postes d'appelés, 230 postes d'officiers et 4 500 postes de sous-officiers. Elle s'effectue conformément aux prévisions, sous réserve de quelques ajustements postérieurs à la programmation, comme la poursuite de la création de postes de gendarmes d'autoroutes pour les nouveaux tronçons ouverts (50 postes) et la transformation de 600 postes de sous-officiers en postes de militaires du rang dans l'armée de l'Air et la Marine, pour tenir compte d'un besoin légèrement supérieur et faire mieux coïncider les statuts et les qualifications.

Parallèlement, les recrutements de professionnels et de civils s'intensifient, avec la création de 16 400 postes, dont 8 300 de militaires du rang, 6 500 de volontaires (dont 4 300 pour la Gendarmerie) et 1 600 de civils.

Les mesures d'accompagnement de la professionnalisation sont renforcées : le fonds d'accompagnement est doté de plus de 1 milliard de francs, les aides à la mobilité et au départ représenteront plus de 1,9 milliard de francs, les pécules associés à la loi de programmation militaire sont dotés de 830 millions de francs et permettront d'aider au départ de 900 officiers et environ 2 500 sous-officiers et, enfin, avec 40 millions de francs de crédits supplémentaires, la dotation des réserves est portée à 350 millions de francs.

S'agissant des restructurations, la dotation du Fonds d'adaptation industrielle (FAI) sera portée à 769 millions de francs en 2000, pour tenir compte de la situation de la DCN, tandis que le Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) a été doté de 207 millions de francs en 1999, soit 2,5 % de plus qu'en 1998 et qu'un effort particulier a été fait sur les sites du GIAT et de la DCN.

Le Ministre de la Défense a mis en exergue trois actions concernant les dépenses ordinaires, un train de mesures améliorant la condition des personnels civils et militaires, pour un montant de 326 millions de francs, avec notamment la poursuite du rattrapage des basses rémunérations (76 millions de francs), un effort important pour améliorer les moyens de fonctionnement courant des armées, et, enfin, un nouveau développement des mesures d'externalisation par sous-traitance de certaines activités, grâce à une dotation supplémentaire de 216 millions de francs. Il a précisé que cette dotation viendrait compléter les moyens déjà consacrés depuis plusieurs années à la sous-traitance par redéploiement de crédits inscrits sur divers postes budgétaires. Cette mesure, qui vise à assurer l'accomplissement de certaines fonctions dans des domaines liés au soutien (alimentation, gardiennage, entretien des espaces verts, par exemple), est de nature réversible et concerne au premier chef des régions où les emplois civils ouverts restent temporairement vacants en raison d'une insuffisante mobilité.

Abordant les crédits d'équipement, M. Alain Richard a souligné qu'après les très faibles niveaux d'engagements enregistrés hors transferts en 1995 (78,4 milliards de francs) et surtout en 1996 (61,1 milliards de francs), un effort tout particulier avait été entrepris pour accélérer le rythme de consommation des autorisations de programme. Les engagements ont ainsi atteint 80,2 milliards de francs en 1997 et 80,7 milliards de francs en 1998, dépassant pour cette dernière année la dotation budgétaire, ce qui constituait une « première ».

Il a souligné que la dotation de 87,5 milliards de francs d'autorisations de programme demandée au titre du projet de budget pour 2000 allait permettre la poursuite de la politique de commandes pluriannuelles inscrite dans la loi de programmation militaire et mise en _uvre depuis la mi-1997 pour réduire les coûts des armements en donnant plus de visibilité aux industriels. Il a précisé qu'en deux ans 13 commandes de ce type avaient été passées à l'industrie pour 45 milliards de francs au total et qu'avec les 15 milliards de francs qui y seront consacrés en 2000, elles atteindraient, au total, à la fin de l'année prochaine un montant de 60 milliards de francs.

S'agissant des crédits de paiement, il a souligné l'impact des faibles engagements réalisés antérieurement, notamment en 1996, qui limite à présent le niveau des paiements. Il a ajouté que cette situation réduisait les besoins en crédits de paiement et expliquait, pour une large part, que leur niveau soit inférieur à celui des autorisations de programme. Il a, en outre, précisé que les reports des crédits de l'année 1999 pourraient abonder les crédits de paiement ouverts par le projet de budget dès le premier semestre 2000.

Abordant alors la situation des programmes, il a fait valoir que toutes les opérations de modernisation se dérouleraient selon le calendrier prévu.

Dans le domaine nucléaire, il a annoncé la commande du quatrième SNLE de nouvelle génération et la poursuite des programmes M51 et ASMP amélioré (ASMPA) dans le cadre de deux commandes globales, ce qui induit une forte augmentation des autorisations de programme (+ 38 %).

S'agissant de l'espace, il a noté une diminution des dépenses de maintien en condition opérationnelle des satellites à la suite du lancement d'HELIOS 1 B en fin d'année 1999. Il a également fait état d'une contribution au budget civil de recherche et développement (BCRD) de 1,5 milliard de francs. Il a signalé qu'en 1999 le ministère de la Défense aura réussi à obtenir un certain rendement de sa contribution du BCRD en finançant notamment à ce titre des travaux à vocation duale sur HRS (Haute résolution stéréo, instrument optique embarqué par SPOT 5 pour réaliser des modèles numériques de terrain). Il a émis le souhait que cette dualité des travaux relevant du BCRD financés par le projet de la Défense puisse s'affirmer plus nettement encore dans l'avenir.

En ce qui concerne l'équipement des forces classiques, le Ministre a admis que l'année 2000 ne connaîtrait pas un volume de commandes globales aussi élevé que celui qui a marqué l'exercice 1999, en raison notamment des marchés relatifs au Tigre et au Rafale. Néanmoins, une « deuxième génération » de commandes globales, relatives aux programmes de missiles MICA et de réseau de transmission MTBA qui avaient fait partie des premières opérations groupées fin 1997 sera passée. Les dotations les plus importantes en crédits de paiement concernent le Rafale, Air et Marine (5 402 millions de francs), le char Leclerc (2 064 millions de francs), la frégate Horizon équipée des missiles PAAMS (1 028 millions de francs) et le Mirage 2000 D (958 millions de francs). La catégorie des munitions connaîtra une forte hausse (+ 77 % en autorisations de programme, + 21 % en crédits de paiement) correspondant aux commandes et livraisons de missiles (ERYX, AC3GMP, Mistral, MICA, PAAMS...) et munitions (Leclerc, ACED/BONUS, roquettes anti-blindés légers...). L'effort entrepris pour relever le montant des crédits de recherche et développement se poursuit, les autorisations de programme augmentant pour cette catégorie de coût de plus de 20 % et les crédits de paiement de 2,9 %. En ce qui concerne les études amont, la baisse dans le domaine nucléaire est liée à la montée en puissance des développements des missiles M51 et ASMPA, tandis que les programmes intéressant l'armement classique et l'espace connaissent une hausse.

Enfin, revenant sur la récente crise du Kosovo, le Ministre de la Défense a tenu à en dégager certains enseignements :

- il a rendu hommage à la qualité du travail accompli par nos soldats et au professionnalisme dont ils ont fait preuve, soulignant que ce succès montrait que le difficile pari de la professionnalisation est en voie d'être réussi ;

- il a insisté sur le bon niveau et la cohérence de nos équipements, la France ayant été avec les Etats-Unis le seul pays capable d'assurer l'ensemble des missions assignées aux forces alliées ;

- il a souligné la valeur des outils d'estimation des dépenses dont dispose à présent le ministère de la Défense, puisque le surcoût global des opérations militaires au Kosovo, estimé aujourd'hui à 3 260 millions de francs, s'inscrit bien dans la fourchette de 3 à 3,5 milliards de francs annoncée dès le début des opérations.

En conclusion de son intervention, M. Alain Richard a estimé que la contribution de la France aux actions menées dans le cadre du conflit du Kosovo était de nature à renforcer la confiance des pays européens dans leur capacité à doter l'Europe de moyens autonomes pour assurer sa défense, sur la base notamment des acquis des déclarations de Saint-Malo et de Cologne. Il s'est félicité, à ce propos, des convergences que l'on constatait aujourd'hui entre les politiques de défense des différents pays européens.

Rappelant que le décret d'avance du 2 septembre dernier n'avait pas eu seulement pour objet de couvrir une partie des surcoûts des opérations extérieures, mais aussi d'ouvrir des dotations supplémentaires au titre des rémunérations et du fonctionnement courant pour les forces stationnées en France, le Président Paul Quilès s'est interrogé sur le coût de la professionnalisation des armées, demandant s'il n'avait pas été initialement évalué de manière optimiste.

Le Ministre a répondu que l'évolution de la courbe des rémunérations et des charges sociales était maîtrisée et ne suscitait aucune inquiétude. Il a toutefois convenu que certaines dépenses, d'un montant limité, avaient été sous-évaluées dans ce domaine dans la loi de finances initiales pour 1999, ce qui a conduit à des régularisations en cours d'exercice.

M. Jean-Noël Kerdraon a interrogé le Ministre de la Défense sur les aspects qualitatifs de la professionnalisation et notamment sur le bilan que l'on pouvait tirer des contrats courts. Il s'est également inquiété de la date de commande par la Marine du premier exemplaire des nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD), prévue à l'origine à la fin de l'année 1999. Après avoir rappelé que la réussite de la réforme de la DCN supposait un plan de charges suffisant et souligné la nécessité militaire d'un renouvellement de la flotte de transports de chalands de débarquement, il a fait observer que la mise en chantier de ce type de bâtiments faciliterait l'adaptation des chantiers navals de Brest.

M. Guy-Michel Chauveau s'est félicité de la rigueur de la gestion des crédits militaires et de l'évolution positive des dotations affectées à la recherche-développement, dont il a souligné l'importance pour l'avenir de l'Europe de la Défense, assurant le Ministre que les parlementaires socialistes resteraient vigilants sur ce point lors des prochaines lois de finances. Il a par ailleurs interrogé le Ministre de la Défense sur l'évolution du projet de satellite Hélios II, notamment en ce qui concerne la coopération envisagée avec nos partenaires italiens. Enfin, il a demandé si les critères de convergence que les pays européens devaient se fixer en matière de défense ne devaient pas reposer sur une approche stratégique et opérationnelle de préférence à des objectifs strictement financiers.

M. André Vauchez a souligné que la bonne consommation des autorisations de programme en 1998 l'incitait à la confiance pour l'exécution des crédits d'équipement des exercices 1999 et 2000. Il s'est également interrogé sur la signification de l'objectif de réduction de 30 % des coûts d'acquisition des armements, demandant quelles répercussions cette amélioration de la productivité pouvait avoir sur la quantité des équipements commandés.

Evoquant la tendance au rapprochement des concepts et du format des différents systèmes de défense européens, M. Loïc Bouvard a demandé quel était le niveau de convergence et d'interopérabilité des forces françaises avec celles de l'organisation militaire intégrée de l'Alliance dans divers domaines, dont ceux de la mobilité, de la préparation opérationnelle, de la standardisation et du renseignement.

M. Michel Voisin a évoqué la question de l'évolution du nombre des appelés demandant si les ressources étaient en adéquation avec les besoins des armées, compte tenu notamment des mesures liées à la protection de l'emploi.

Rappelant que les contrats d'engagement de courte durée devaient permettre de maintenir le rajeunissement permanent des effectifs et la flexibilité des qualifications qu'assurait le service national tout en favorisant l'insertion professionnelle des personnels concernés, le Ministre de la Défense a insisté sur la nécessité de ne pas surqualifier ces emplois qui sont d'abord destinés à être proposés aux jeunes les plus défavorisés sur le marché du travail.

L'Amiral Jean-Luc Delaunay, Chef d'état major de la Marine, a précisé que ce type de contrats s'adresse à trois catégories de personnels de la Marine, ceux qui réalisent les opérations de maniement des appareils sur le pont d'envol des porte-avions, ceux qui relèvent des services généraux des bateaux et les fusiliers qui protègent les bases et points sensibles. Si les recrutements sur contrats courts dans les première et seconde catégories donnent satisfaction à la Marine sans difficulté particulière, elle est en revanche contrainte d'opérer une sélection plus stricte, notamment sur le plan psychologique, en ce qui concerne les fusiliers.

Soulignant que cette indication est révélatrice des difficultés à pourvoir les postes de combattant dans les armées, le Ministre de la Défense a souligné l'effort d'adaptation des méthodes de recrutement actuellement entrepris par les armées pour ce type de fonction.

Il a ajouté les éléments de réponse suivants :

- le nombre moyen d'appelés nécessaire aux armées s'élève à environ 62 500 pour l'an 2000. Malgré quelques déficits d'appels constatés jusqu'à présent, la transition vers la professionnalisation se réalise conformément à ce qui était prévu par la loi. La satisfaction des besoins est réelle sur le plan qualitatif. En revanche, des insuffisances occasionnelles du rythme des réponses aux convocations, conjuguées aux déficits constatés en personnels civils, peuvent créer certaines difficultés ponctuelles, différenciées selon les fonctions et les régions en cause. Pour y faire face, les armées pourront recourir davantage à l'externalisation par la sous-traitance qui permet le recrutement sur place des personnels nécessaires. Globalement, les évolutions constatées n'en confirment pas moins la viabilité du processus de professionnalisation prévu par la loi ;

- la phase de conception du nouveau transport de chalands de débarquement est en bonne voie. Elle permettra de mettre au point un bâtiment de très grande polyvalence. Les offres de la DCN et des Chantiers de l'Atlantique sont actuellement confrontées en vue de diminuer les coûts du programme. Par ailleurs, la construction du bâtiment hydrographique et océanographique devrait être engagée en l'an 2000 sur le site de Brest, dont le niveau de charge constitue un élément pris en considération dans la réforme actuelle de la DCN ;

- si le bon niveau de consommation des autorisations de programme permet d'envisager une exécution satisfaisante de la programmation, il n'en reste pas moins nécessaire de dégager les crédits de paiement correspondants aux engagements. Le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement prévu par le projet de budget ne sera pas un handicap si les crédits de paiement attendus sont obtenus aux cours des exercices ultérieurs et si les retards subis dans la consommation des crédits de paiement disponibles sont compensés en temps utile par l'utilisation des reports ;

- l'objectif de la baisse de 30 % des coûts d'acquisition en francs constants peut être atteint, comme prévu, à l'issue de la période de programmation, au vu des résultats obtenus fin 1999, grâce notamment à la technique des commandes globales pluriannuelles ;

- le ministère de la Défense restant un partenaire significatif de la recherche en France, il est nécessaire d'ouvrir un débat, notamment avec la Commission, sur les priorités et les options de la politique de recherche pour la Défense, sur la base notamment des grandes orientations du plan prospectif ;

- les critères de convergence des efforts de défense des pays européens ne peuvent être fixés sur la base de la seule part des dépenses militaires globales dans le PIB. Le poids dans la richesse nationale des crédits militaires consacrés aux programmes d'équipement est plus significatif et constitue un meilleur indice de la crédibilité de l'Europe de la Défense. Les lois de programmation militaire constituent un excellent facteur de continuité de l'effort de Défense, dont l'absence se fait sentir dans d'autres pays européens, ce qui rend intéressante l'idée que les gouvernements s'engagent sur des niveaux de dépenses d'équipement et de capacités. En ce domaine, la France, qui figure parmi les trois meilleurs pays européens, dispose d'une certaine capacité d'entraînement à l'égard de ceux de ses partenaires dont l'effort est moins soutenu ;

- la question de l'interopérabilité des équipements militaires sera abordée lors de la prochaine réunion ministérielle de l'Alliance atlantique à Toronto, dans le cadre du bilan des opérations menées au cours du conflit du Kosovo. Les pays européens se trouvent engagés dans une course de vitesse avec les structures intégrées de l'OTAN qui sont d'ores et déjà prêtes à formuler des propositions d'action commune en matière de standardisation et de préparation opérationnelle des forces. Il existe un risque réel, face à la difficulté de donner une suite rapide et concrète aux déclarations européennes, pourtant solides comme celle de Cologne, que les progrès réalisés au sein de l'OTAN n'assurent à cette dernière organisation une hégémonie sur la construction de l'Europe de la Défense.

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Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. Gérard Charasse rapporteur pour avis des crédits du titre III et des personnels de la Défense inscrits au projet de budget de la Défense pour 2000.


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