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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 19 octobre 1999
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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Projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805)

- Audition de l'Amiral Jean-Luc Delaunay, Chef d'état-major de la Marine

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La Commission a entendu l'Amiral Jean-Luc Delaunay, Chef d'état-major de la Marine, sur le projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805).

Accueillant l'Amiral Jean-Luc Delaunay et lui souhaitant un plein succès dans ses nouvelles fonctions, le Président Paul Quilès a estimé que, dans le projet de budget de la Marine, la quasi-reconduction du titre III garantissait la poursuite de la professionnalisation et permettait une certaine amélioration du fonctionnement courant des unités. S'agissant des autorisations de programme, il a, en revanche, considéré que leur baisse soulevait des interrogations et souligné l'intérêt que les observations du Chef d'état-major de la Marine revêtaient à cet égard pour la Commission.

Le Chef d'état-major de la Marine s'est tout d'abord félicité de la possibilité qui lui était offerte d'évoquer la situation et l'avenir de la Marine, dont il a souligné qu'elle avait montré tout au long de l'année ses qualités de disponibilité et de professionnalisme, particulièrement lors des opérations du Kosovo. Il a rappelé à cet égard que la Marine avait mis à la disposition de l'Alliance atlantique le seul groupe aéronaval européen, qui a délivré le tiers des armes tirées par les Français, et un sous-marin nucléaire d'attaque interdisant toute action maritime adverse. La Marine a montré aussi les limites par lesquelles elle est aujourd'hui contrainte, du fait de la non-permanence du groupe aéronaval et de l'insuffisance de ses moyens de défense aérienne.

L'Amiral Jean-Luc Delaunay a indiqué que la construction budgétaire du projet de budget pour 2000 ne présentait pas, à la différence des dernières années, de grands changements de structure. La part de la Marine dans le budget de la Défense représentera 17,6 %, ce qui se situe dans la moyenne annuelle depuis 1996, compte tenu de la budgétisation de la DCN intervenue en 1998 et du transfert de près de 800 millions de francs que cette opération a entraîné du titre V de la Marine vers le titre III de la DGA.

Le Chef d'état-major de la Marine a précisé que l'évolution des effectifs budgétaires de personnels militaires de carrière correspondait à la programmation, indiquant qu'à la réduction de 740 emplois de cette catégorie s'ajoutaient une légère anticipation des déflations (152 personnes) et une transformation de 330 postes d'officiers mariniers en autant de postes d'hommes du rang. La suppression d'un millier de postes d'officiers mariniers créera néanmoins des difficultés psychologiques pour ces cadres, qui quitteront le service au moment même où les effectifs de personnels civils augmentent. La situation des effectifs d'appelés réalisés est par ailleurs préoccupante, en raison d'un déficit prévisible de 18 % par rapport aux effectifs budgétaires et d'un manque de jeunes dans certains métiers de base. Ce déficit pourra être compensé, dans une certaine mesure, par la sous-traitance et l'embauche de personnels civils.

L'Amiral Jean-Luc Delaunay a également fait remarquer que la situation des personnels civils s'était améliorée grâce aux droits ouverts depuis 1996. L'évolution favorable constatée en ce domaine en termes de gestion résulte de la levée partielle des restrictions d'embauche relatives aux ouvriers d'Etat, de la souplesse acquise par la nouvelle politique de transformation de certains postes d'ouvriers d'Etat en ouvriers fonctionnaires et de l'augmentation des transferts de personnels civils en provenance des autres armées dans le cadre de la deuxième tranche du processus de restructuration.

L'Amiral Jean-Luc Delaunay, après avoir souligné l'effet dynamique du développement de la sous-traitance, qui bénéficie de 95 millions de francs supplémentaires dans le projet de budget pour 2000, a rappelé que 465 millions de francs étaient déjà affectés par la Marine à des tâches exécutées sous cette forme dans les domaines du remorquage ou des bâtiments de soutien de haute mer. Il a alors indiqué que près d'un millier de personnes de la DCN auront rallié la Marine à la fin de cette année, que la politique de dégagement des cadres à 52 ans rendait maintenant ces transferts moins attrayants et que la DCN ne disposait pratiquement plus dans ses rangs de personnel dans les spécialités intéressant la Marine.

Le Chef d'état-major de la Marine a souligné qu'en 2000 la situation des crédits de rémunération et charges sociales serait apurée des reports de charge de 1999 grâce au décret d'avance qui a ouvert à la fin de cet été 150 millions de francs au titre des surcoûts dus aux opérations du Kosovo. Puis il a relevé qu'une dotation supplémentaire de 45 millions de francs, l'inscription dans un article consacré à la sous-traitance des 95 millions de francs précédemment évoqués, et une nouvelle ponction de 70 millions de francs sur l'entretien programmé des matériels permettraient aux dépenses de fonctionnement (1 865 millions de francs dans le projet de budget contre 1 620 dans le budget de 1999) de retrouver un niveau cohérent avec l'objectif de la loi de programmation militaire. Une évolution défavorable du prix du baril et de la parité du dollar pourrait cependant entraîner soit une réduction de l'activité à la mer soit une ponction sur les stocks, mesure dangereuse si elle s'inscrivait dans la durée.

Après avoir fait remarquer que l'entretien du capital, dénommé entretien programmé des matériels, avait été réparti entre les titres III et V selon une clé qui a évolué dans le temps, mais qu'à l'issue de la construction budgétaire pour 2000, le processus de transfert vers les crédits d'équipement était achevé, il a souligné que ce poste était globalement en légère augmentation mais qu'il avait connu de fortes réductions ces dernières années, du fait notamment de l'encoche de 1998, qui s'était traduite par une réduction de 13 % en francs courants, avec une incidence particulière de 23 % sur la partie de la flotte hors FOST. L'entretien programmé des matériels reste donc un sujet qui mérite toutes les attentions malgré le désarmement anticipé, prévu par la loi de programmation, de 18 bâtiments depuis 1997 (dont le Clemenceau, le SNLE le Foudroyant, trois sous-marins classiques, deux frégates et six avisos).

Abordant le renouvellement des équipements de la Marine,
l'Amiral Jean-Luc Delaunay a expliqué que la réduction de 1 milliard de francs des crédits de paiement prévue par le projet de budget était supportée pour moitié par des disponibilités constatées sur les crédits du Fonds d'adaptation industriel (FAI), et pour moitié grâce à des aménagements de calendriers de paiement, eux-mêmes liés aux moindres engagements des années précédentes. Il a rappelé à ce titre que le FAI, gagé par l'annulation de la commande de la 6ème frégate La Fayette ainsi que par des retards sur le 4ème SNLE-NG et le premier NTCD, était destiné à l'accompagnement social de la DCN et était doté de plus de 4 milliards de francs sur la période de programmation.

Il a estimé que la situation des autorisations de programme était plus complexe, dans la mesure où, en ce domaine, les besoins découlaient à la fois du calendrier des commandes nouvelles et de la prise en compte des dotations ouvertes au titre des années antérieures, mais non encore affectées. La Marine a fait un examen de ces autorisations de programme non encore affectées lors de la préparation de la loi de finances pour déterminer si elles étaient encore nécessaires au regard des programmes qui avaient motivé leur inscription.

Le montant des autorisations de programme prévues par le projet de budget de la Marine pour 2000, fixé à 18,827 milliards de francs, se situe à un niveau inférieur de 5,1 milliards de francs à celui du budget voté de 1999, ce qui représente une réduction de 22 %. L'insuffisance des engagements réalisés dans le passé pour les constructions neuves conduit à une situation qui ne peut durer, même si un effort particulier a été effectué pour lancer dans de bonnes conditions le programme Horizon. 3 milliards de francs d'autorisations de programme disponibles ont été utilisées pour ce programme et 3,5 milliards de francs, prévus pour d'autres programmes, ont été redéployés par ailleurs.

L'évolution sur le long terme des autorisations de programme ouvertes pour les constructions neuves constitue une préoccupation majeure. D'un niveau de 6,1 milliards de francs par an dans la décennie 80, elles ont été réduites à 5 milliards de francs par an dans les années 90 et il est prévu de ne leur consacrer que 2,5 milliards de francs par an pour les dernières années de la programmation. Parallèlement, le nombre de livraisons annuelles des bâtiments a décru de plus de trois dans la première décennie à deux dans les années 90 et devrait être inférieure à l'unité dans les années à venir.

En conclusion, le Chef d'état-major de la Marine a observé que les crédits prévus pour le fonctionnement et l'entretien programmé des matériels de la flotte avaient été stabilisés et permettaient d'envisager l'année 2000 dans des conditions satisfaisantes, la réduction des crédits de paiement s'expliquant en partie par les investissements modérés, effectués dans la dernière décennie, mais il a estimé préoccupante la chute importante des autorisations de programme au moment où les mises en route de programmes majeurs étaient essentielles au renouvellement de la flotte.

Le Président Paul Quilès a demandé au Chef d'état-major de la Marine ce qu'il attendait de la réforme de la DCN, et notamment de sa transformation en service à compétence nationale. Il a ensuite interrogé l'Amiral Jean-Luc Delaunay sur l'évolution du programme de frégates Horizon et lui a demandé si la date de livraison du premier des deux bâtiments en 2005 était réaliste. Enfin, il a souhaité savoir quels enseignements précis avaient été tirés du conflit du Kosovo et quels choix pouvaient en découler pour les programmes d'équipement de la Marine, citant notamment l'équipement en missiles de croisière des sous-marins d'attaque futurs.

M. Jean-Yves Le Drian a souhaité connaître l'analyse du Chef d'état-major de la Marine sur les raisons de l'échec de la coopération avec le Royaume-Uni dans le cadre du programme Horizon. S'agissant de la coopération avec l'Italie sur ce programme, il s'est demandé quelles en seraient les conséquences sur les spécifications du bâtiment.

Déclarant partager l'inquiétude de l'Amiral Jean-Luc Delaunay concernant la baisse des autorisations de programme et faisant observer qu'existait une réduction tendancielle de la part des crédits de la Marine dans l'ensemble du budget de la défense, il a rappelé qu'il avait pourtant, dans son avis budgétaire de l'année dernière, observé une amélioration ponctuelle pour l'exercice 1999.

Se référant au constat du Chef d'état-major de la Marine relatif à la diminution du nombre total des bâtiments, il lui a demandé s'il estimait que la Marine avait toujours les moyens de ses missions et la stature d'une véritable Marine à vocation mondiale. Il a exprimé la crainte que la Marine française ne devienne subrepticement une Marine européenne, faisant observer que si la France disposait certes d'un porte-avions, elle n'en avait cependant qu'un seul, qui ne pourra pas remplir sur la durée les missions internationales qui lui seront demandées. Il a estimé que les difficultés inhérentes à la possession d'un seul porte-avions ne pourraient être résolues que par le choix de la coopération européenne, ou par une limitation des missions de la Marine.

Faisant observer que le groupe aéronaval constituait l'élément majeur des capacités de projection et d'action de l'Armée française, M. Charles Cova a soulevé la question de l'inscription d'un deuxième porte-avions dans la programmation et a souhaité savoir dans quels termes la question de la cohérence du groupe aéronaval se posait pour la Marine, notamment au regard de la nécessité du renouvellement des frégates.

Faisant écho aux remarques de M. Jean-Yves Le Drian concernant la baisse des autorisations de programme de la Marine, il s'est interrogé sur la compatibilité de cette évolution avec le maintien des capacités opérationnelles de la Marine et a rappelé à ce sujet l'analyse menée par le précédent Chef d'état-major de la Marine qui soulignait que, de garantie, la permanence à la mer de la Marine était devenue négociée.

Il a enfin demandé des précisions sur l'évolution respective des crédits d'entretien et de renouvellement de la flotte.

M. Arthur Paecht, après avoir fait observer qu'il partageait les préoccupations exprimées par les intervenants précédents a souhaité obtenir de l'Amiral Jean-Luc Delaunay des informations précises sur la signification de l'opération de « prêt » de deux milliards de francs d'autorisations de programme de l'armée de l'Air à la Marine évoquée par le Chef d'état-major de l'armée de l'Air, lors de son audition par la Commission. Il a également souhaité connaître le nombre de bases aéronavales retenu par la Marine, demandant lesquelles seraient supprimées, sachant qu'à Saint-Mandrier, par exemple, deux flotilles ont été dissoutes et une créée.

Il a par ailleurs interrogé l'Amiral Jean-Luc Delaunay sur le bilan de l'utilisation des avions d'observation Hawkeye lors des événements du Kosovo.

En complément des remarques du Chef d'état-major de la Marine sur la réduction des livraisons annuelles de bateaux, il lui a demandé quelle avait été l'évolution du nombre de tonnes construites annuellement dans la période récente.

Remarquant que le problème de la non-adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement n'était pas nouveau, il s'est demandé pour quelles raisons cette question apparemment simple n'était toujours pas résolue, et notamment, quelles étaient les difficultés de gestion susceptibles de justifier une telle distorsion.

Il a enfin interrogé l'Amiral Jean-Luc Delaunay sur les perspectives de mise en _uvre des porte-avions dans un cadre européen.

M. Jean-Noël Kerdraon a souhaité avoir des précisions sur le programme de NTCD retenu par la revue des programmes, rappelant que certains bâtiments de cette catégorie étaient actuellement en service depuis 35 ans. Il a interrogé le Chef d'état-major de la Marine sur les objectifs et le calendrier de la réorganisation de la maintenance des aéronefs des trois armées. Après avoir demandé s'il était bien prévu de baser le commandement de la FOST à Brest, il a posé la question plus générale de la réorganisation des commandements de la Marine dans les zones maritimes occidentale et méditerranéenne, évoquant plus précisément la question du positionnement des sous-marins nucléaires d'attaque.

M. Jean Briane a souhaité connaître le sentiment de l'Amiral Jean-Luc Delaunay sur les causes des difficultés techniques rencontrées pour la mise en service actif du porte-avions Charles de Gaulle. Il a également posé la question de l'interopérabilité entre le Hawkeye et l'Awacs.

Le Chef d'état-major de la Marine a apporté les éléments de réponse suivants :

- la Marine attend de la DCN qu'elle soit capable de fixer au mieux les prix des réparations ou des constructions neuves, en cohérence avec les moyens budgétaires alloués à la Marine. Tel est l'objet de la politique de contractualisation menée depuis deux ans entre la Marine et la DCN, qui progresse à très grands pas puisque ces deux entités ont quasiment établi des relations de client à fournisseur. La constitution du service de la flotte, commun à la DGA, la DCN et la Marine devrait encore accentuer cette évolution. Cette politique de contractualisation a été mise en _uvre dans le cadre du programme NTCD par exemple, dont elle a permis une réduction de coût de 20 % par rapport aux bâtiments déjà construits (Foudre, Sirocco). Au total, la contractualisation, jointe à une analyse financière très en amont des programmes, que la Marine mène avec la DCN, sous les auspices de la DGA, a commencé à porter ses fruits. Le changement de statut de la DCN ne pourra que conforter cette évolution ;

- même s'il est difficile d'analyser les raisons de l'échec de la coopération avec le Royaume-Uni dans la conduite du programme Horizon, on peut considérer que la raison profonde du retrait britannique tient à la différence de cibles : alors que les Britanniques prévoyaient de construire douze bâtiments, la France n'en avait inscrit que deux. Dans ces conditions, il n'était pas illégitime pour les Britanniques de chercher à obtenir la maîtrise d'ouvrage et à faire prévaloir leurs choix. D'ailleurs, au fur et à mesure des négociations avec les Britanniques, la part des éléments du bâtiment commun à la France et au Royaume-Uni s'était réduite à 40 %, ce qui diminuait l'intérêt de la coopération ;

- la coopération avec l'Italie sur le programme Horizon a donné lieu à un travail intense entre les deux pays depuis six mois. Du fait des efforts accomplis par chacune des parties, les spécifications globales du bâtiment sont presque acquises, en sorte que le programme devrait être lancé au printemps prochain dans des conditions satisfaisantes. Le montant des autorisations de programme inscrit dans le projet de loi de finances pour 2000 couvre à la fois le développement et la quasi-totalité de la fabrication du premier bâtiment, ce qui devrait permettre de lancer ces opérations dans des conditions industrielles favorables pour la DCN ;

- dans la tragédie des conflits, le porte-avions joue un rôle privilégié, notamment du fait de sa présence précoce sur le théâtre des crises, avant même le déclenchement des opérations militaires. Ainsi, dans le cas du Kosovo, le porte-avions Foch était présent dans l'Adriatique dès la fin du mois de janvier 1999. Cette présence physique, au-delà du fait qu'elle témoigne de la résolution du pays ou de l'alliance qui l'envoie, fait peser une pression forte sur l'adversaire. Lorsque le conflit se déclenche, le porte-avions y participe depuis le début et s'insère facilement dans le dispositif interarmées. Le cas du Kosovo est, là encore, révélateur, le porte-avions ayant, aux premiers moments du conflit, fait fonctionner seul son groupe aérien, avant de devenir un prestataire de services pour le compte du centre de commandement opérationnel de Vicence. Ainsi, pendant six mois, un rendement maximum a pu être tiré du bâtiment, dont l'autonomie en termes de ravitaillement et d'entretien des appareils est remarquable, à proximité immédiate du théâtre des opérations. Au total, le groupe aéronaval, associé au sous-marin nucléaire d'attaque qui a joué un double rôle de dissuasion et de rétorsion, a prouvé tout son intérêt. Cette configuration est d'ailleurs utilisée par les Etats-Unis depuis longtemps déjà. La durée d'utilisation limitée (six mois) du porte-avions pendant la crise du Kosovo pose la question du nombre de porte-avions disponibles. On notera que les Etats-Unis, qui veulent assurer la permanence à la mer de cinq porte-avions, disposent d'une flotte totale de dix bâtiments. Dans sa revue stratégique, le Royaume-Uni prévoit la construction de deux porte-avions de 40 000 tonnes, capables d'emporter quarante aéronefs. Quant à la France, elle a disposé du Foch et du Clemenceau pendant trente ans, au cours desquels elle a presque toujours été en mesure de mettre en _uvre l'un ou l'autre. La possession d'un groupe aéronaval disponible en permanence constituant la contribution maritime essentielle de la France à la défense de l'Europe, la question de la construction d'un second porte-avions sera au centre du débat au début de la prochaine décennie ;

- pour juger de l'adéquation des moyens de la Marine, il faut rappeler ses missions.

La dissuasion, mise en _uvre notamment par les SNLE et le missile M 51 à l'avenir, représente la première d'entre elles. Les moyens définis par la loi de programmation militaire permettent de l'assurer dans de bonnes conditions.

La projection de puissance, qui constitue la deuxième mission, exige une cohérence du dispositif. Dans le domaine aérien, cette cohérence devrait être parfaitement assurée dans les deux décennies à venir grâce aux Rafale, aux Hawkeye ainsi qu'aux missiles Scalp et air-sol modulaire. Il est vrai cependant que la maturité des bâtiments de surface risque d'amoindrir la cohérence dans le domaine de l'accompagnement naval à l'horizon 2010, certains d'entre eux, le Georges Leygues, par exemple, atteignant 35 ans. Au cours de la prochaine décennie, le problème de l'accompagnement du porte-avions par des frégates modernes devra donc être résolu.

S'agissant des NTCD, les deux unités seront commandées en 2000 ou 2001. Dans le domaine des chasseurs de mines, la Marine dispose d'un très bon capital en cours de modernisation qui devrait durer jusqu'en 2015-2020. Il en va de même des ATL. En revanche, le remplacement des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) devra être assuré à partir de 2010. La construction d'un SNA de nouvelle génération devra donc être lancée d'ici la fin de la programmation. ;

- en ce qui concerne les crédits d'entretien, l'Amiral Jean-Luc Delaunay a fait remarquer que ceux de la flotte de surface, après une baisse importante en 1998, ne se sont stabilisés depuis qu'en raison du retrait de 18 bâtiments. Des efforts d'économie sont entrepris pour stabiliser ceux de la FOST à son niveau actuel. Quant à l'aéronavale, dont les coûts de maintenance tendent à s'alourdir, l'objectif est également de les stabiliser lorsque le Rafale sera en activité ;

- s'agissant des hélicoptères de combat, dont les 3 flottilles relèvent actuellement de 2 bases dans le sud de la France, l'Amiral Jean-Luc Delaunay a déclaré qu'était à l'étude leur regroupement sur une seule, pour des raisons de rationalisation de la dépense. La décision devrait être prise l'année prochaine ;

- concernant l'attribution à la Marine de 2 milliards de francs d'autorisations de programme de l'armée de l'Air pour le lancement dans de bonnes conditions du programme Horizon, il a rappelé qu'il s'agissait de crédits disponibles et que ce transfert relevait d'une gestion rationnelle des moyens ;

- en ce qui concerne le Hawkeye, dont le parc comprend actuellement 2 appareils, le troisième devant être acquis en 2003, l'Amiral Delaunay a précisé qu'en raison de leur nombre, leur chaîne d'entretien était inévitablement discontinue, ce qui en augmente le coût ;

- la formation des pilotes de l'Aéronavale par l'armée de l'Air donnant satisfaction, une formule analogue sera appliquée en 2002 pour celle des mécaniciens. Des efforts sont faits par les deux armées pour rapprocher les formations, en harmonisant en particulier les concepts d'emploi et les techniques d'entraînement, par exemple par l'utilisation des mêmes simulateurs. Dans le domaine des hélicoptères de recherche et de sauvetage des équipages des appareils abattus, une unité commune, sous l'égide de l'armée de l'Air, sera constituée sous la forme d'un organisme à vocation inter-armées (OVIA).

Le Président Paul Quilès a alors demandé quelles seraient les conditions à réunir pour permettre l'emploi des porte-avions dans un cadre européen, dans l'hypothèse où cette décision politique serait prise.

Ayant observé que la construction de l'Europe de la Défense n'englobait pas à l'heure actuelle la mise en _uvre commune de porte-avions, l'Amiral Jean-Luc Delaunay a insisté sur le fait que la possession par la France d'un second bâtiment de ce type ne nécessiterait pas la constitution d'un deuxième groupe aéronaval ni la construction de frégates supplémentaires.

M. Pierre Lellouche a demandé ce que la France devrait aligner dans le domaine naval et à quelle échéance, en volume et en type de forces, dans le cadre de sa contribution à la défense européenne et quel en serait le coût.

M. Pierre-André Wiltzer après avoir fait remarquer qu'un groupe aéronaval était un élément majeur de souveraineté, a interrogé l'Amiral Jean-Luc Delaunay sur les inquiétudes suscitées par le déficit d'appelés et sur le risque d'une éventuelle persistance de ce déficit dans l'avenir.

M. René Galy-Dejean a indiqué que, dans son rapport pour avis sur la dissuasion nucléaire, qui concerne pour une large part la Marine, il aurait l'occasion d'exprimer un point de vue sur l'avenir de cette armée.

L'Amiral Jean-Luc Delaunay a apporté des précisions sur les travaux dont fait l'objet le porte-avions Charles de Gaulle. Il a indiqué que les améliorations relatives à la protection contre la radioactivité correspondaient au respect de normes de sécurité extrêmement rigoureuses. Il a précisé que la piste du porte-avions n'était pas trop courte et que tous les types d'avions (Rafale et Hawkeye notamment) s'y posaient déjà sans problème, mais que, dans des conditions extrêmes, le Hawkeye pouvait finir sa course trop près du bord pour pouvoir revenir seul à son parking. C'est donc pour des raisons de man_uvre qu'un allongement limité de la piste sera réalisé. Enfin, les safrans des gouvernails, qui induisaient certaines vibrations, seront réparés sans surplus de coût. Il a conclu en soulignant que, bien qu'il constitue un prototype dont la construction avait été étalée sur une longue période, le Charles de Gaulle était un excellent bâtiment et que les travaux en cours de réalisation n'étaient que des ajustements dont la raison d'être n'avait peut-être pas été suffisamment expliquée.

Il a ajouté que l'interopérabilité entre les Awacs et les Hawkeye était totale. Les performances des deux appareils sont proches. Mais le Hawkeye étant plus petit ne dispose que de 5 à 6 heures d'autonomie contre 12 à 13 heures pour un Awacs. Il a précisé que l'Awacs peut être mis en _uvre pour les besoins de l'aviation embarquée, lorsque le porte-avions se trouve à proximité de nos côtes ou d'une base d'où il peut être mis en service, alors que le Hawkeye est le seul moyen de détection aéroportée existant dans les autres cas.

Enfin, concernant les appelés, il a indiqué que la ressource avait été particulièrement déficitaire au cours de l'été. Depuis, la situation s'est stabilisée et la Marine attend un léger redressement dans les mois à venir. Dans le cas contraire, la déflation de 1999 aura anticipé celle de 2000.

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