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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 octobre 1999
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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Projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805) : Défense

- Examen des crédits de la Gendarmerie (M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis)

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis, les crédits de la Gendarmerie pour 2000.

Le projet de budget de la Gendarmerie pour 2000 donne-t-il à cette arme les moyens de remplir toutes les missions qui lui sont dévolues ? C'est à cette question que M. Georges Lemoine a déclaré qu'il tenterait de répondre, rappelant qu'au-delà des missions traditionnelles, les plus importantes, de sécurité routière, de police judiciaire et de maintien de l'ordre et de celles qui posent un problème récurrent, telles que le transfèrement, la Gendarmerie devait assumer de nouvelles tâches, comme par exemple « la fidélisation » des escadrons de Gendarmerie mobile dans les zones sensibles.

M. Georges Lemoine a précisé que le budget de la Gendarmerie s'établissait, dans le projet de loi de finances pour 2000, à 23,17 milliards de francs, en augmentation de 2,3 % par rapport à la loi de finances initiale précédente, qui avait elle-même prévu un accroissement des moyens budgétaires de l'arme de 2,6 % par rapport à 1998. Il a noté toutefois qu'à la différence de l'année précédente, toutes les parties de son budget progressaient : les crédits de rémunérations et charges sociales augmentent de 2,2%, à 17,1 milliards de francs ; les crédits de fonctionnement progressent de 1 %, alors qu'ils ont diminué dans les mêmes proportions dans la précédente loi de finances initiale ; quant aux crédits d'équipement, ils augmentent à nouveau de manière significative en crédits de paiement, avec une hausse de 5,2 %. Ce budget permet ainsi de répondre aux progressions d'effectifs qui se poursuivent conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire. 577 emplois budgétaires supplémentaires sont ouverts dans la Gendarmerie, évolution globale qui se traduit par une augmentation des postes d'officiers, de volontaires et de personnels civils et par une diminution des emplois de sous-officiers et d'appelés. La hausse des crédits d'investissement devrait permettre en outre aux unités de bénéficier d'un équipement modernisé.

Le rapporteur pour avis a cependant estimé que l'évolution du budget de fonctionnement pouvait peut-être conduire à nuancer le propos, faisant observer que l'augmentation de 1 % de ces crédits était inférieure si l'on raisonnait en francs constants. Il a noté ensuite que se posait à nouveau la question des 60 millions de francs qui, au nom d'une économie de constat formulée par le ministère des Finances et dont on ignorait toujours les déterminants, avaient été soustraits au budget de la Gendarmerie dans la précédente loi de finances initiale, pour être ouverts dans la loi de finances rectificatives de 1998. Ajoutant que 50 millions de francs supplémentaires étaient demandés pour le fonctionnement, soit 25 millions de francs pour le fonctionnement des formations et 25 millions de francs pour les locations immobilières, il a rappelé que cette ouverture de crédits supplémentaires venait financer une partie des mesures prises par le conseil de sécurité intérieure le 19 avril dernier et visant à renforcer les moyens de la Gendarmerie dans les zones sensibles. Il a précisé que les 370 millions de francs qui avaient été ouverts par le décret d'avances du 30 août 1999 serviraient à financer les charges induites par la participation de la Gendarmerie à la KFOR, sa contribution s'élevant à 14 officiers et 129 sous-officiers.

Au total, il a estimé que les crédits de fonctionnement de la Gendarmerie étaient calculés au plus juste dans le projet de loi de finances pour 2000 et qu'il faudrait ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. Il a considéré que la construction initiale du budget de fonctionnement de la Gendarmerie posait un problème de forme concernant le respect des règles du droit budgétaire et problème de fond qui touche à la capacité même de la Gendarmerie à effectuer les missions qui lui sont demandées et à la motivation des personnels. Il a rappelé que, de cet ajustement entre moyens et missions, dépendait l'état moral des personnels, notion fondamentale pour cette force humaine qu'est la Gendarmerie.

A cet égard, il a cité les résultats d'un sondage effectué à la fin de l'année passée sur le moral des personnels de la Gendarmerie, à partir d'un échantillon de 2 250 militaires représentatifs, qui fait apparaître une certaine inquiétude. En ce domaine, il a estimé inutile de souligner davantage les effets des événements qui se sont déroulés en Corse. Il a indiqué qu'il ressortait du sondage qu'il venait d'évoquer que la plupart des gendarmes redoutaient de n'avoir pas les moyens d'accomplir leurs missions et déploraient l'augmentation de leur charge de travail. En 1998, un gendarme départemental a travaillé en moyenne 9 h 12 par jour, soit un record qui se rapproche dangereusement de l'horaire quotidien de 9 h 16 enregistré en 1989, année qui s'était caractérisée par une grave crise au sein de la Gendarmerie. Quant au rythme d'emploi des escadrons de Gendarmerie mobile, s'il a fléchi en 1998 (204 jours contre 216 jours en 1997), il atteignait, à la moitié de l'année 1999, 105 jours.

Il a jugé que cet alourdissement de la charge de travail des gendarmes était partiellement lié à l'apparition de nouvelles formes de délinquance, qui touchent aujourd'hui même les petits chefs-lieux de canton, le cas des départements limitrophes de l'Ile-de-France étant particulièrement révélateur à cet égard. Il a rappelé que des décisions importantes avaient été prises par le conseil de sécurité intérieure du 19 avril dernier pour répondre à ces problèmes. Trois types de mesures ont ainsi été décidées. Le premier volet de ces décisions concerne l'affectation de gendarmes expérimentés, jusqu'alors en poste dans des zones relativement calmes, dans les départements considérés comme prioritaires du point de vue de la sécurité. Il est prévu de les remplacer par des gendarmes adjoints volontaires. 700 personnes seront annuellement concernées d'ici 2002, soit 2 100 au total. Le deuxième volet tend à adapter l'organisation territoriale de l'arme aux dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, qui définit les zones de compétences respectives de la Police et de la Gendarmerie. Le troisième volet des décisions du Conseil de sécurité intérieure est le plus novateur puisqu'il définit une nouvelle forme d'emploi des escadrons de Gendarmerie mobile. Ainsi, il a été décidé d'engager des compagnies républicaines de sécurité et des escadrons de Gendarmerie mobile d'une manière permanente et « fidélisée » sur un secteur prédéterminé particulièrement touché par la violence urbaine et les actes de délinquance.

M. Georges Lemoine a indiqué que l'instauration de ce dispositif était prévue dans les deux zones de compétence de la Police et de la Gendarmerie. Toutefois, alors que la répartition est équilibrée en 1999, elle s'effectuera petit à petit au profit de la zone de Police nationale, dans laquelle se déploieront les 2/3 du dispositif. Il a précisé qu'à compter du 1er octobre 1999, six escadrons seraient engagés dans les départements de la Gironde, de l'Isère, de la Loire-Atlantique, de l'Oise, du Pas-de-Calais et du Bas-Rhin. Au cours de l'année 2000, le dispositif sera complété par trois autres escadrons en Seine-et-Marne, dans les Yvelines et dans le Val d'Oise. Enfin, en 2001, trois autres escadrons seront engagés en Eure-et-Loir, dans l'Hérault et dans le Var.

Il a posé la question de l'adaptation entre ces missions et la nature de la Gendarmerie mobile, se demandant notamment si mobilité et fidélité étaient compatibles. Il s'est inquiété des conséquences matérielles de cette mesure pour les gendarmes mobiles, soulignant que les gendarmes mobiles « fidélisés » ne touchaient pas systématiquement l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT).

Il a évoqué ensuite la question du logement des gendarmes adjoints, exprimant le souhait que ceux-ci puissent être éligibles au logement militaire familial.

Il a enfin apporté deux précisions, l'une concernant l'inscription de 2,3 millions de francs au budget de la Gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2000, au titre de la création de l'indemnité d'appel de préparation à la Défense, l'autre sur les transfèrements, qui ont mobilisé l'équivalent de 1 160 emplois de gendarmes en 1998.

En dépit des quelques réserves qu'il a émises, le rapporteur pour avis a souhaité que soit donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la Gendarmerie pour 2000.

M. Robert Poujade a souligné l'honnêteté intellectuelle de la présentation du rapporteur pour avis et a indiqué qu'il partageait son appréciation en ce qui concerne les dotations de fonctionnement calculées « au plus juste » et les crédits d'équipement qui bénéficient d'une situation plus avantageuse. Il a également partagé l'inquiétude du rapporteur pour avis sur la charge de travail des gendarmes en réponse à l'augmentation des missions. Il a appelé l'attention de la Commission sur la « fidélisation » des escadrons qui présente des avantages pour les collectivités locales mais risque de nuire à la cohérence de l'arme, notamment en aboutissant au résultat paradoxal de rendre fixes des unités conçues pour être mobiles. Évoquant le logement des gendarmes auxiliaires, il a souligné la distorsion de situation entre deux catégories de gendarmes auxquels les mêmes conditions matérielles ne sont pas offertes.

Après avoir souligné la qualité de la présentation effectuée par le rapporteur pour avis, M. Michel Voisin a rendu hommage au travail réalisé sur le terrain par la Gendarmerie. Effectuant un parallèle avec les sapeurs-pompiers, il a souhaité savoir si la Direction générale de la Gendarmerie nationale étudiait les conséquences des dispositions sur les 35 heures alors que les gendarmes affectés dans les brigades territoriales travaillaient souvent plus de 50 heures par semaine. Il s'est demandé quel pourrait être l'impact de la réduction du temps de travail dans les unités de six gendarmes qui ne fonctionnent jamais à effectif complet compte tenu des récupérations et des congés. Il a également demandé si les gendarmes auxiliaires bénéficiaient de l'exemption de la taxe d'habitation pour le logement mis à leur disposition.

M. Antoine Carré a souhaité connaître le devenir du projet de redécoupage des brigades territoriales de la Gendarmerie.

M. Georges Lemoine, après avoir rappelé que le rapport Carraz-Hyest avait provoqué des inquiétudes et perturbé une démarche de rationalisation des implantations engagée par la Gendarmerie dès 1981, a fait observer que les disparités dans la couverture du territoire national et la nécessité de mieux gérer ses effectifs incitaient la Gendarmerie à effectuer des regroupements de brigades à l'image de ceux que l'éducation nationale et les médecins libéraux ont déjà réalisés. Il a souhaité que les élus locaux prennent conscience de la nécessité de cette évolution. Il a indiqué que les gendarmes auxiliaires étaient exemptés de la taxe d'habitation si le logement dont ils disposaient était un logement familial militaire et qu'à sa connaissance, la Gendarmerie n'étudiait pas les conséquences des dispositions sur les 35 heures, les gendarmes relevant du statut militaire.

Le Président Paul Quilès a souligné que, puisque la dualité de la fonction de police en France donnait satisfaction et n'était pas remise en cause, la Gendarmerie devait appliquer des règles de fonctionnement de type militaire. Il a fait observer qu'en revanche les sapeurs-pompiers volontaires, qui sont civils, pouvaient légitimement se poser la question de la cohérence des temps de travail entre leur emploi et leur volontariat.

M. Georges Lemoine a observé que le déploiement des escadrons de gendarmerie mobile dans les quartiers difficiles supposait un travail différent de leur mission habituelle et nécessiterait une période de formation au centre de Saint-Astier afin de réentraîner les escadrons « fidélisés » au maintien de l'ordre collectif. Il a jugé que l'expérience était en tout état de cause trop récente pour qu'on puisse en faire le bilan. Il a enfin fait état d'informations de presse sur des phénomènes d'absentéisme justifié par des raisons médicales apparus dans les compagnies républicaines de sécurité qui étaient également « fidélisées ».

M. Bernard Grasset a fait observer qu'un escadron de gendarmes mobiles était souvent à un effectif normal de 75 personnes alors que les compagnies républicaines de sécurité pouvaient comprendre entre 90 et 130 policiers. Il a également souligné que depuis quelques années le maintien de l'ordre avait évolué vers le déploiement d'effectifs moins nombreux en diverses circonstances.

Le Président Paul Quilès a observé que le déplacement d'effectifs nombreux pour les besoins du maintien de l'ordre concernait essentiellement l'agglomération parisienne. Il a fait remarquer qu'aucun gouvernement ne voulait courir le risque de débordements dans la capitale et que la présence de forces de l'ordre nombreuses lors des manifestations parisiennes avait effectivement des conséquences importantes sur les conditions d'utilisation de ces forces.

M. Robert Poujade a estimé que la nécessité d'une présence plus nombreuse des forces de sécurité pour les besoins du maintien de l'ordre était liée à l'évolution de la société et à la montée de la violence au cours des manifestations.

M. Michel Dasseux ayant souhaité des précisions sur les évolutions de carrière des gendarmes adjoints, M. Georges Lemoine a distingué ceux qui n'effectueraient qu'une année de volontariat en raison d'une mauvaise orientation, ceux qui manifestaient des qualités évidentes pour devenir gendarmes et avaient vocation à entrer dans les écoles de la Gendarmerie et ceux qui quitteront la Gendarmerie au bout de trois ou quatre ans après avoir servi dans des services spécifiques. Il a souligné à cet égard que la Gendarmerie s'était engagée à favoriser la réinsertion dans la vie civile de cette troisième catégorie.

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